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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Mises à jour !

Nouveauté :
  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

Projets en cours :
  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

17 janvier 2013

Bienvenue sur mon blog !

Bienvenue sur mon blog !
Et merci de votre visite ! Vous trouverez ici quelques unes des petites histoires qui me sont passées par la tête et que j'ai eu envie de mettre sur papier. Je ne prétends cependant pas être une auteure hors pair, l'écriture est avant tout une passion...
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28 mars 2016

P'tit coin pub !

P'tit Coin Pub

Voici une petite liste non exhaustive des différents sites que j'ai l'habitude de visiter. Si comme moi vous faites partie des amateurs de récits saphiques, n'hésitez pas à y jeter un oeil !  =) 

 

✓ En français : 

Guerrière et Amazone

 Canalblog Guerrière et Amazone et son ancien site Fanfiction ; un petit recueil incontournable pour les fans de fanfictions francophones et de traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière.

C'est par ici : Guerrière et Amazone et là Fanfiction

 

Claire-em

Je l'ai toujours dit, et le redirai encore, j'aimerais être comme elle quand je serais grande... j'ai nommé : Claire_em, ma bêta officielle. Une plume qui mérite d'être lue tant elle sort de l'ordinaire et brille par sa qualité. Des personnages profonds, émouvants, attachants, complexes et tellement bien dépeints qu'on jurerait qu'ils sont réels. Moi qui suis une grande passionnée de la psychologie du personnage, j'en raffole !

C'est par ici : Clare-em

 

Imagine

 Une autre demoiselle qui tout comme moi a fait ses débuts d'écriture sur doctissimo j'ai nommé : Imagine_Me_and_U ! Elle vient tout juste de lancer son propre blog et même si ce dernier est encore en cours de construction, je vous conseille quand même de rapidement y faire un tour, ça vaut largement le coup d'oeil  ;)  Douceur, romantisme, délicatesse, poésie... mais attention, elle sait facilement vous faire pleurer aussi  :D  Bref, une maîtrise des émotions comme je les aime !

C'est par ici : Imagine

 

Doctissimo

Je ne pouvais pas créer cette page sans faire de petit clin d'oeil à Doctissimo. Cependant, ce site regorgeant d'histoires qui valent la peine d'être lues, je n'ai bien évidemment ni la place, ni le temps de vous faire part de chacune de mes favorites, mais sachez qu'une doctinette s'est dévouée pour toutes les répertoriées et ce en trois catégories : en cours - terminées - inachevées. Pratique non ? Ces dernières n'étant cependant pas répertoriées en fonction de leur qualité, je vous invite tout de même à faire un tour du côté de "Une Âme soeur, un destin ailleurs..." de Lilly777, "Une histoire simple" ainsi que "La citée d'Aulide" de Vanness'sg mais aussi du côté de Trifide ou encore Sunny ;) )

C'est par ici : Doctissomo

 

Just Me

 Et enfin, last but not least ! le blog de Just Me pour lequel j'ai eu un véritable coup de coeur. Un écriture très fraîche qui sort de l'ordinaire et ne devrait pas vous laissez insensible (rires et larmes garantis !)  

C'est par ici : Just Me

 

 

✓ En anglais :

Xena & Gabrielle

Pairing Xena & Gabrielle

 The Royal Academy of Bards qui propose un nombre d'écrits impressionnant. Une tonne d'auteur, une tonne d'histoire, mis à jour régulièrement. Que demander de plus ? Voici mes préférés : Amber, Anne Azel, Aurelia & A.C Henley, Blayne Cooper, Capt_Esq, Cate Swanell, Cheyne Curry, Cìaràn Llachlan Leavitt, Crème Brûlée, D. J. Belt, Dabkey, Kim Pritekel, KM, Missy Good, Nene Adams, Spyrel, Susanne Beck, T. Novan

 

Buffy & Faith

Pairing Buffy & Faith

Quelques auteures qui vallent largement le détour : Aliceinwonderbra, Bobbi, Electra, Fairyjnr, Frass, Hayley, K.W. Jordan, Lowdeen, Sapphire Smoke, Subversive Theatre (Pour info, concernant ce dernier, même s'il se trouve dans la catégorie "In Progress" sachez que I remember, le dernier tome de la série est bel et bien terminé ;) )

 

Quinn & Santana

 Pairing Quinn & Santana

Un récit que j'ai littéralement dévoré : Empresskris - It's Just A Spark (notez néanmoins que le tome 2 n'a malheureusement pas été mis à jour depuis août 2014...) Et mon one-shot favoris à ce jour : Adventurefilled - Dear Snix

 

Jane & Maura

Jane & Maura

  Trois auteures que je vous conseille franchement : ArcadiaArden, Enginerdthebard et Sociallyawkwardpenguin

 

📖 Bonne lecture 📖

 

7 décembre 2015

Episode 8 : MILF, Trans... et alors ?

MILF : Acronyme anglais signifiant Mother I'd Like to Fuck servant à désigner une mère sexuellement attirante.

 

— « ...oui, oui... d’accord, à tout à l’heure », dit Tess avant de laisser le téléphone retomber sur le lit, sa tasse lui brûlant les doigts.

— Qui c’était ? demanda Liv’ d’un air absent, assise à ces côtés, les yeux rivés sur son écran d’ordinateur.

— Le boulot.

Liv’ baissa les yeux vers l’horloge en bas à droite de l’écran. 21h30. Tess allait bientôt devoir partir. Liv’, elle, n’embauchait qu’à 23h, ce qui lui permettait de déposer Sophia et son frère chez leur grand-mère.

Elle reporta son attention sur l’écran.

— Tu sais, je pensais à un truc... tu savais que techniquement, on peut désormais être considérée comme des MILF ? déclara-t-elle soudainement.

Tess recracha presque la gorgée de thé qu’elle venait de prendre.

— Quoi ? demanda-t-elle en reposant sa tasse sur la table de chevet.

— On est mamans, et on est désirables, répondit Liv’ en haussant les épaules. On rentre pile poil dans la catégorie des MILF.

— Oui mais c’est porno ça, grimaça Tess. On n’est pas porno nous.

Liv’ haussa un sourcil dans sa direction.

— On a des rapports sexuels osés, pas des rapports de saintes-nitouches.

Tess se rapprocha jusqu’à venir mordiller l’oreille de Liv’, un sourire carnassier sur les lèvres.

— Hmm, tu as raison..., ronronna-t-elle.

Liv’ frissonna sous ses lèvres et cette dernière l’embrassa furtivement sur la joue avant de se reculer.

— Mais on a un truc qu’elles n’ont pas, ces MILF.

— Quoi ? Certainement pas des pénis, parce que ça, elles en ont ! ricana Liv’.

Tess grogna aussitôt.

— Ah Liv’ ! T’es dégueulasse !

Cette dernière lui lança un regard appuyé.

— Ton fils en a un je te rappelle.

— Oui, mais lui, c’est différent, marmonna Tess en croisant les bras sur sa poitrine. Il s’en servira jamais.

Liv’ ricana à nouveau.

— Rêve.

— Han Liv’ ! gémit Tess en roulant sur le lit, enfonçant son visage dans son oreiller. Je vais finir par me retrouver chez le psy avec tes bêtises, là.

Liv’ lâcha un rire puis déposa son ordinateur à côté d’elle avant de tendre une main vers Tess et de la faire rouler sur le dos.

— Bon, que voulais-tu dire quand tu disais qu’on avait un truc qu’elles n’avaient pas, ces MILF ? demanda-t-elle, écartant quelques mèches brunes du front de Tess.

Tess sourit et l’embrassa furtivement sur les lèvres.

— Des sentiments.

Un autre baiser.

— Et de l’amour.

Liv’ sourit à son tour.

— C’est vrai. Et elles ont aussi tendance à être célibataires.

— Ah ! Tu vois ! Totalement pas nous, répondit Tess en roulant des yeux, l’air snob.

— T’as raison, acquiesça Liv’, retenant difficilement un rire devant les pitreries de Tess. Et puis, c’est rien de plus qu’un fantasme d’ado pré-pubère qui reflète tout sauf la réalité.

Tess hocha frénétiquement la tête.

— Exactement, s’exclama-t-elle, puis elle fronça les sourcils. Et tu faisais quoi déjà sur l’ordinateur, pour me parler de MILF comme ça ?

Liv’ lui adressa un clin d’œil taquin avant de se redresser et récupérer l’objet en question. 

— Oh si tu savais...

Tess jeta aussitôt un œil sur l’écran, puis fronça les sourcils.

— Tu fais tes comptes. Qui pense aux MILF quand il fait ses comptes ?

Le rire de Liv’ raisonna aussitôt dans la pièce.

— C’est mécanique, je rêvasse toujours dans ces cas-là, dit-elle en haussant les épaules.

Tess secoua la tête puis quitta la chambre en traînant des pieds.

— Je ne vais même pas chercher à comprendre..., marmonna-t-elle pour elle-même tandis que Liv’ se mordait les lèvres pour ne pas rire à nouveau derrière elle.

💕

— Oh bon sang, une demi-heure de retard. Elle va me tuer, elle va me tuer, elle va me tuer..., marmonna Liv’ tandis qu’elle parcourait le parking en courant, des mèches de cheveux blonds virevoltant autour de son visage.

Devant elle s’élevait le grand bâtiment de la discothèque que Tess avait rachetée des années plus tôt : six cents mètres carrés de surface, quatre pistes de danse, moquette à paillette sur les murs, terrasse ouverte... À 23h30 à peine, le parking était déjà plein à craquer et le boum-boum sourd des basses faisait vibrer l’air à chaque fois que quelqu’un entrait ou sortait.

Arrivée à hauteur du vigile qui gardait la grande porte d’accès, Liv’ s’arrêta, un sourire chaleureux sur les lèvres.

— Hey Momo, je t’en prie, dis-moi que Tess est encore dans son bureau, supplia-t-elle, resserrant son manteau autour d’elle.

Comme toujours quand Liv’ lui adressait la parole, l’homme baissa la tête, une légère coloration recouvrant ses joues.

— Aux dernières nouvelles, elle y était encore, Madame Liv’.

— Liv’, corrigea automatiquement la concernée, exerçant une pression amicale sur un bras extrêmement musclé avant de s’engouffrer à l’intérieur.

Une vague de chaleur l’asséna aussitôt et elle retira son manteau d’hiver, son écharpe, et son sac à main qu’elle remit à la chargée de vestiaire.

— 2€, plaisanta Estelle, l’étudiante en droit que Tess avait embauchée deux mois plus tôt.

Liv’ lui tira la langue puis l’embrassa furtivement sur la joue avant de pénétrer au cœur même de la discothèque. Le volume sonore de la musique augmenta aussitôt, mais le local ne semblait plus aussi vaste avec tous ces clients qui remplissaient les tables et le bar, les spots clignotant et la lumière bleue intense se réfléchissant sur leurs verres. L’une des pistes de danse se reflétait dans un immense miroir, et Liv’, tellement habituée à y voir des corps se contorsionnant sur des rythmes aussi bien lents qu’endiablé, se figea.

Elle avait totalement oublié.

L’Afrodisiac, discothèque gay et lesbienne la plus en vogue de Porto Vecchio, recevait ce soir sa toute première pole danseuse ; une jeune tahitienne d’une beauté sublime qui bougeait avec glamour et sensualité autour d’une barre verticale.

Subjuguée, Liv’ l’observa danser dans une ambiance à la fois sportive et féminine, s'enroulant autour de la barre avec sensualité, s'agenouillant en rejetant la tête en arrière dans des gestes très suggestifs. Chaque temps était marqué d’un coup de hanche, et un sourire provocant ne quittait jamais son visage légèrement recouvert de paillettes. Dans la lumière des projecteurs, ses cheveux sombres ainsi que la lingerie sexy qu’elle portait étincelaient, et Liv’ observa avec émerveillement la foule qui semblait comme en transe, hommes et femmes confondus réagissant à chaque baiser que la danseuse leur envoyait du bout des lèvres.

Emportée par les exclamations graveleuses et les sifflets enthousiastes, Liv’ ne remarqua même pas la silhouette qui s’arrêta à ses côtés.

— C’est également typique des MILF d’arriver en retard ?

Surprise, Liv’ détourna le regard vers Tess.

— Quoi ?

Tess sourit, amusée.

— Je disais : tu es en retard.

— Oh, euh, oui... j’étais...

Mais Liv’ ne termina pas sa phrase, son regard de nouveau attirée par la danseuse.

— Bon sang Tess, je ne sais pas où tu l’as trouvée, mais elle est... parfaite. Sensuelle sans être aguicheuse, sexy sans être ouvertement provocatrice... et tu as vu ce corps ? Oh la la...

La chanson s’acheva et un tonnerre d’applaudissements et de cris salua la performance de la danseuse, qui quitta la scène et dévala les escaliers d’une démarche lascive.

Son regard tomba sur Tess et elle vint aussitôt l’enserrer dans ses bras.

 — Hey Tess, j’espère que tu as aimé ?

— Tu plaisantes ? Tu étais géniale ! déclara Tess tout en répondant à son étreinte. Merci Yaëlle.

La danseuse se recula dans un sourire et Tess passa un bras autour de la taille de Liv’ afin de l’attirer contre elle.

— Je te présente ma femme, Liv’. Liv’, voici Yaëlle, notre nouvelle pole danseuse.

Les deux concernées échangèrent une poignée de main accompagnée d’un « enchantée ».

— Et avant que je n’oublie..., dit Tess en fouillant dans la poche arrière de son jean. Un bracelet bleu, comme promis.  

Liv’ redressa aussitôt la tête. Bleu ?

— Ah, génial ! sourit la danseuse, laissant à Tess le soin de le lui attacher autour du poignet. Je comptais me réhydrater un peu avant de remonter sur scène, vous voulez m’accompagner ? 

— On sera là dans une minute, sourit Liv’ avant d’ajouter, une fois la danseuse partie : Bleu ? Tess, pourquoi est-ce que tu lui as donné un bracelet bleu ? Il est pour les hommes célibataires celui-là.

Tess se contenta de sourire, attendant que Liv’ percute.

Ce qui fut le cas un quart de seconde plus tard.

— Oh merde ! s’exclama Liv’, les yeux écarquillés. C’est un homme ?! 

— Je crois que le terme que tu cherches, c’est « trans », mon cœur, corrigea Tess, se retenant visiblement de rire.

Liv’ se contenta de cligner plusieurs fois des paupières.

— Mais... il... elle... non mais tu as vu son corps ? Les traits fin de son visage, ses fines épaules... et puis, je tuerais pour avoir des seins pareils moi ! Et ses fesses, et... et...

Tess rit ouvertement tout en la guidant vers le bar où Yaëlle attendait.

— Ça, j’ai bien vu qu’elle te plaisait, taquina-t-elle.

Liv’ la pinça au niveau des côtes, ravie de la voir sursauter puis envoya un baiser du bout des lèvres à la barman en guise de salut, lui signalant qu’elle serait là d’ici dix minutes. Elle et Alice, une petite brune aux cheveux courts et au regard lutin, bossaient ensemble depuis des années, et Liv’ la considérait presque comme sa sœur.

Alice lui répondit d’un simple clin d’œil puis déposa deux boissons non alcoolisées devant elle et Tess avant d’aller s’occuper d’autres clients.

Le regard de Liv’ tomba de nouveau sur le bracelet bleu de la danseuse dont le bras se trouvait juste à côté d’elle, et elle se demanda soudainement comment elle s’appelait. Yaël ou Yaëlle ? Elle avait visiblement un corps de femme, mais son bracelet était réservé à la gent masculine... Elle baissa les yeux, et maudit le sous-vêtement noir et l’obscurité qui l’empêchaient de voir s’il y avait la moindre présence d’une bosse.

Puis elle vit la danseuse se baisser jusqu’à croiser son regard.

— Elle va bien ? demanda Yaël/Yaëlle en direction de Tess.

Tess retint difficilement un rire.

— Tu es la première Transgenre qu’elle rencontre.

La danseuse sourit, mais elle restait visiblement sur ses gardes et Liv’ se dit qu’elle avait dû avoir à des remarques déplacées par le passé. 

— Ah. Ça m’arrive souvent d’avoir cet effet-là sur les gens. Ça ne te pose pas de problèmes, j’espère ?

— Oh non aucun, assura aussitôt Liv’. Je veux dire, seins, vagin, pénis... moi tout me va, s’exclama-t-elle avant de plaquer une main sur ses lèvres et d’écarquiller les yeux quand elle réalisa ce qu’elle venait de dire.

Oh mon Dieu, tuez-moi maintenant, supplia-t-elle, mais déjà le rire de la danseuse résonnait dans les airs.

— Je suis désolée, grimaça-t-elle.

— Oh non, ça va, la rassura la danseuse. Ça change des gens que me traitent de monstre.

— Les gens sont stupides, rétorqua aussitôt Liv’.

La danseuse se contenta de hausser les épaules avant de prendre une gorgée de son verre d’eau.

— Je peux en tout cas voir que tu as des questions. Je t’en prie, pose-les.

Liv’ désigna son poignet, où le bracelet reposait.

— Tu as choisi la couleur bleue...

— C’est vrai, acquiesça Yaëlle. Être trans c’est adopter l'identité de l'autre sexe sans forcément subir  une opération chirurgicale. Je suis une femme hétérosexuelle, mais toute la machinerie est encore bien présente. Choisir un bracelet bleu évite ainsi bien des problèmes, termina-t-elle dans un clin d’œil.

— Oh, répondit Liv’, clignant des paupières.

Au moins, ça répondait à la question qu’elle se posait concernant ce sujet-.

— Donc tu es une femme... pourvue d’attributs féminins et masculins... et qui cherche un homme. C’est ça ?

— C’est ça, sourit Yaëlle.

— Woah. Je sais que les homosexuels ont généralement tendance à être un peu plus ouverts d’esprits, mais c’est pas... difficile à trouver, parfois ? demanda Liv’.

Yaëlle hocha la tête, l’air soudain sérieux.

— Bien sûr. Comme je te l’ai dit, on m’a souvent qualifiée de monstre. Mais jusqu’à présent, j’ai toujours réussi à trouver preneur, taquina-t-elle, le regard provocateur.

Une nouvelle chanson démarra et Yaëlle redressa la tête, semblant réaliser qu’elle s’était absentée plus longtemps que prévu.

— Je ferais bien d’y retourner, s’excusa-t-elle. Ce fut un plaisir de faire ta connaissance, Liv’. Et si tu veux tout savoir... vous êtes les MILF les plus sexy que je n’ai jamais rencontrées, dit-elle dans un clin d’œil taquin avant de s’éloigner et de regagner la piste.

Liv’ sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser, puis elle se tourna vers Tess et la pointa d’un doigt accusateur.

— Tu lui as dit !

Tess leva aussitôt les mains en signe d’apaisement.

— Oh, non Liv’ je te jure que..., commença-t-elle avant de porter une main à son visage et de grimacer. Oh merde, le portable, tout à l’heure dans la chambre, j’ai pas raccroché... Elle a dû tout entendre.

Liv’ vit les lèvres de Tess se redresser en un sourire et elle la fusilla du regard.

— Tess, si tu ris...

— Oh allez Liv’, c’est marrant, répondit la concernée tandis qu’elle se retenait visiblement.

— Tess...

Liv’ s’avança d’un pas menaçant, et Tess recula aussitôt, le visage rouge de ne pouvoir céder à son envie. Finalement, persuadée qu’elle n’allait pas pouvoir résister, elle lâcha un « désolée ! » avant de détaler à toutes jambes en direction de son bureau.

Liv’ l’observa, la bouche ouverte d’incrédulité, avant de se lancer à sa poursuite courir après.

— Oh Tess, tu vas payer pour ça !

 

 

- FIN -

  

 

N'hésitez pas à nourir l'auteure, faites-lui savoir ce que vous avez pensé de son histoire !

14 octobre 2015

Epilogue

Juin 2015

Assise sur la balancelle de la terrasse de Lyna, Lucy se pencha légèrement vers l’avant — prenant bien soin de ne pas trop appuyer sur son ventre rebondi — et baissa les yeux vers Kat et Tawny qui travaillaient de pair dans l’allée, sur la voiture de ce dernier.

— Elle est vraiment sexy comme ça, hein ? dit-elle, admirant la façon dont les mains de Kat se déplaçaient avec confiance et précision au-dessus du moteur.

Lyna masqua son sourire derrière sa citronnelle.

— Du calme, ma belle.

Lucy roula des yeux, mais serra néanmoins les cuisses tout en essayant de ne pas trop remuer sur la balancelle.

— Sérieusement, dis-moi qu’elle n'est pas la mécano la plus sexy que tu n’aies jamais vu ?

Lyna prétendit y réfléchir.

— Peut-être, taquina-t-elle enfin en l’observant du coin de l’œil.

Lucy lui offrit aussitôt un regard appuyé.

— Elle l’est totalement et tu le sais, dit-elle avant de sourire malicieusement. Elle t’attirait au lycée, après tout.

Pour toute réponse, Lyna lui lança une tige de citronnelle que Lucy évita dans un rire. Elle baissa les yeux et observa Kat s’essuyer les mains sur un torchon recouvert de cambouis qu’elle glissa ensuite dans sa poche arrière, et elle remua légèrement sur la balancelle.

— Bon sang, j’ai envie d’elle.

Lyna ricana et Lucy écarquilla les yeux quand elle réalisa qu’elle avait parlé tout haut.

— Oh bon sang, j’arrive pas à croire que je viens de dire ça, dit-elle en plaquant une main sur sa bouche.

— On m’avait dit que c’était l’un des aléas de la grossesse, sourit Lyna, caressant son propre ventre. Mais je n’y aurais jamais cru si je n’étais pas en train de le voir de mes propres yeux.

Lucy se laissa retomber contre le dossier de la balancelle, un soupir s’échappant de ses lèvres.

— Ça ne m’était jamais arrivé avant. Je parie que c’est parce que c’est un garçon, accusa-t-elle en fusillant son ventre du regard.

Lyna explosa à nouveau de rire et elle ne put s’empêcher de la rejoindre cette fois-ci.

— Bon, et toi alors ? demanda-t-elle une fois calmée. Pas de libido exacerbée à cause du petit Kaden ?

Lyna haussa les épaules.

— Si, un peu.

Lucy haussa les sourcils puis laissa retomber sa tête contre le dossier.

— Eh bien, je ne sais pas comment tu fais. Depuis que j’ai atteint le deuxième semestre, je ne pense littéralement qu’à ça.

Lyna se mordit la lèvre pour ne pas rire de nouveau. Elle haussa les épaules.

— Je sais pas, Tawny parvient peut-être mieux à me satisfaire ? taquina-t-elle.

Lucy sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser.

— Kat me satisfait très bien ! dit-elle, plus fort qu’elle ne l’aurait voulu.

— On est ravi de l’apprendre, ironisa Mathilde en s’asseyant à côté d’elle. Au passage, vous feriez bien d’accoucher fissa, c’est dégouttant une citronnelle sans alcool, dit-elle en grimaçant au-dessus de son verre.

Lucy afficha un sourire amusé.

— Mathilde, t’es pas obligée de suivre notre « régime ».

— Tu déconnes ? Avec les deux zigotos là en bas, y a pas une goutte d’alcool dans cette maison ! À croire que quand les bébés seront là, ils voudront eux aussi leur donner le sein, marmonna-t-elle.

Lucy et Lyna se regardèrent puis éclatèrent de rire.

— Kat le pourrait peut-être, mais j’aimerais bien voir Tawny essayer, s’exclama Lucy en s’essuyant les yeux.

Mathilde sourit puis leva son verre.

— Un toast à mes futurs neveux.

Les verres s’entrechoquèrent accompagnés de « tchins » puis elles burent chacune une gorgée.

— Sur ce, je ferais bien d’aller vérifier comment ma petite puce s’en sort, fit remarquer Lucy en se redressant. Puisque je n’ai pas le droit de jouer avec la plus grande, ajouta-t-elle en plissant des yeux vers Lyna.

Cette dernière haussa les épaules.

— Désolée ma belle, mais on n’a pas préparé toute cette nourriture pour rien, dit-elle avant de la taquiner. Ça va devoir attendre ce soir.

Mathilde grimaça.

— J’ai vraiment hâte de pouvoir dire « attention à vos paroles, y a des enfants dans la pièce... », dit-elle, provoquant de nouveau le rire de Lyna et Lucy.

💕

Arrivée au niveau des baies vitrées, Lucy sentit aussitôt un sourire venir illuminer son visage ; Ashley, sa fille de six ans, était allongée sur le ventre dans la piscine creusée. Un air concentré sur le visage, elle écoutait visiblement avec attention ce que lui disait sa nouvelle baby-sitter, qui la maintenait à flot grâce ses avant-bras placés sous son torse et sous sa taille, visiblement aux aguets. Malgré son âge, Ashley ne savait toujours pas nager ; comme Lucy depuis son accident, elle faisait preuve d’une phobie de l’eau qu’elle avait du mal à surmonter. Alors la voir ainsi, même si elle flottait simplement, lui faisait chaud au cœur.

Elle vit Chloé lui parler à l’oreille puis sourit quand Ashley se mit à remuer jambes et bras. Sur les encouragements de sa baby-sitter, elle se mit à avancer progressivement, un peu difficilement au début, puis avec plus de facilité, et Lucy ne put s’empêcher de ressentir un sentiment de fierté de voir Ashley progresser aussi rapidement.

— Elle nage ?

La question murmurée à son oreille ainsi que les bras qui encerclèrent sa taille firent sursauter Lucy et elle porta une main à sa poitrine.

— Bon sang, Kat !

— Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur, grimaça Kat, l’embrassant furtivement sur la joue avant de la serrer contre elle. Je n’arrive pas à croire qu’elle nage, il y a encore une semaine, elle était complètement terrorisée.

Lucy se recula légèrement afin de profiter d’avantage de son étreinte.

— Je sais, acquiesça-t-elle en recouvrant les avant-bras de Kat de ses mains. C’est sa nouvelle baby-sitter, elle fait des miracles.

Kat prétendit rouler des yeux.

— Tout ça parce que c’est toi qui l’as trouvée, taquina-t-elle.

Lucy sourit.

— Qu’est-ce que tu crois ? Je n’embauche pas n’importe qui dans mon magazine.

Sa phrase à peine terminée, elle sentit Kat sourire contre son cou.

— T’es sûre ? J’ai souvenir d’une designer graphiste au look gothique qui s’était teint les cheveux en rose, et qui arborait un piercing à la fois au nez et à la lèvre inférieure.

— Tcht. Kim fait de l’excellent travail, et crois-moi, ce n’est pas notre baby-sitter qui dirait le contraire, taquina Lucy tout en se tournant dans son étreinte.

Kat haussa un sourcil.

— Elles sortent ensemble ? s’étonna-t-elle, ses mains venant naturellement reposer contre les reins de Lucy.

— Eh bien, si j’en crois les tenues dépareillées qu’elles arboraient l’autre jour et leurs cheveux légèrement décoiffés, je dirais que... oui.

Kat secoua la tête, un sourire sur les lèvres.

— T’es sûre que c’est sur des bandes dessinées que vous travaillez dans ton magazine ? taquina-t-elle.

— Vilaine ! s’exclama Lucy en la pinçant légèrement au niveau du ventre.

Kat l’embrassa furtivement en réponse et Lucy lui sourit avant de s’écarter quand elle entendit la baie vitrée glisser derrière elle.

— Maman ! s’exclama Ashley en bondissant sur place, ses longs cheveux châtains plaqués autour de son visage. J’ai réussi, j’ai réussi, j’ai réussi !

Elle voulut poser un pied à l’intérieur mais Lucy l’attrapa sous les aisselles et l’emmena de nouveau à l’extérieur.

— Hop, hop, hop jeune fille, Lyna ne va pas être contente si tu inondes tout son intérieur, hein ? l’admonesta-t-elle dans un sourire avant de silencieusement remercier Chloé pour la serviette qu’elle lui tendait.

— Mais je sais nager maman ! s’exclama Ashley en claquant des dents, et Lucy se dépêcha de l’envelopper dans la serviette. Et sans brassards en plus, sourit-elle fièrement.

— Oh c’est génial ça mon cœur, répondit aussitôt Lucy en essuyant la petite goutte sur le bout de son nez. Je suis fière de toi, tu sais ?

Le sourire d’Ashley s’agrandit et elle leva subitement ses yeux bleus vers Kat.

— On peut manger maintenant ?

— Ben dis-donc, c’est des manières ça ? la taquina Kat en venant lui chatouiller le ventre tandis que Lucy et Chloé riaient derrière elle.

— Mais j’ai faim moi..., bouda Ashley en la regardant avec son air de chien battu.

— File te changer, on verra, sourit Kat dans un clin d’œil, avant de l’embrasser sur le sommet du crâne.

Rabattant la serviette sur sa tête, Ashley détala aussitôt vers le petit chalet faisant face à la piscine et Lucy secoua la tête d’amusement en se redressant.

— Elle ne s’arrête jamais, dit-elle avant d’offrir un air désolé à Chloé. Je suis désolée, elle demande beaucoup d’énergie parfois.

— C’est pas grave, répondit aussitôt Chloé et s’essuyant les cheveux. Elle est géniale, je n’ai vraiment pas de quoi me plaindre.

Lucy hocha la tête et ferma brièvement les yeux quand Kat referma ses bras autour d’elle.

— Merci beaucoup pour aujourd’hui en tout cas, répondit sincèrement Kat. Ashley a toujours eu la phobie de l’eau, et entre moi et le garage, et Lucy et le magazine, on n’a jamais vraiment eu le temps de lui accorder le temps nécessaire. Je crois qu’on commençait vraiment à désespérer.

— Elle avait juste besoin de temps, répondit Chloé, avant de sourire. Mais je crois surtout qu’elle tenait à vous faire plaisir.

Lucy haussa les sourcils.

— Comment ça ?

Chloé haussa les épaules.

— Qui n’a jamais eu envie de rendre ses parents fiers de soi ? sourit-elle avant de s’éloigner à son tour vers le petit chalet. À tout de suite.

— À tout de suite, répondit Lucy d’un air absent avant de se tourner vers Kat. Notre fille vient d’apprendre à nager pour nous faire plaisir, non mais tu y crois toi ?

Kat sourit tout en la serrant contre elle.

— Je crois surtout qu’on fait tout pour lui faire plaisir, alors pourquoi est-ce que ça ne marcherait pas dans les deux sens ?

— Hmm c’est vrai, tu crois que notre petit bonhomme fera la même chose ? demanda Lucy en levant un regard brillant vers elle ; Kat la dépassait de quelques centimètres.

Kat caressa ses hanches de ses pouces.

— Non, ça, je le sais, sourit-elle.

Amusée, Lucy lui souffla un « je t’aime » avant de l’embrasser... pour se voir interrompue par une main sur les lèvres.

Confuse, elle tourna la tête pour tomber nez à nez avec Lyna qui arborait un air malicieux.

— À table j’ai dit, sourit cette dernière en entraînant Kat avec elle.

Lucy l’observa, incrédule, avant de lever les mains au ciel.

— Lyna, je voulais juste un bisou !

— Faudra t’en passer parce qu’on passe à table j’ai dit ! répondit cette dernière en traînant une Kat désolée avec elle.

Lucy s’apprêtait à répondre quand deux bras vinrent encercler sa taille par derrière.

— Je peux t’en donner un bisou moi, sourit Ashley, provoquant le rire de ceux qui étaient déjà installés à table quelques mètres plus loin, dans la cour, à l’abri des arbres.

Lucy se sentit aussitôt rougir, à la fois attendrie et embarrassée.

— C’est gentil mon cœur, mais je ne parlais de ce genre de bisou là, sourit-elle en s’emparant de la petite main d’Ashley.

Un air confus se peignit sur le visage d’Ashley et Lucy lui souffla un « oublie » à l’oreille avant de l’aider à prendre place autour de la table.

Il s’écoula quelques secondes avant qu’Ashley ne demande :

— Et Chloé ? dit-elle en levant les yeux vers Lucy. Elle peut te donner le bisou que tu veux elle ?

Une nouvelle tournée de rire résonna aussitôt et Lucy offrit un regard empli d’excuse à la concernée, avant de plisser des yeux quand elle vit que cette dernière était aussi amusée que le reste de l’assemblée.

— Ashley ? dit-elle, prenant la main de sa fille dans la sienne.

— Oui, maman ?

— Je t’aime mon cœur, dit-elle en embrassant ses doigts. Mais chut, d’accord ? Maman t’expliquera tout à la maison.

Ashley hocha la tête d’un air entendu et Lucy fusilla le reste des convives du regard, toujours écroulés de rire. Puis elle sentit Kat l’embrasser sur la joue, l’entendit lui murmurer quelque chose à l’oreille, et elle sourit.

Kat avait raison, il n’y avait rien de mieux que de passer un dimanche de plus en famille, entourées des gens qu’elles aimaient.

 

- FIN -

 

 

N'hésitez pas à nourir l'auteure, faites-lui savoir ce que vous avez pensé de son histoire !  

12 octobre 2015

Chapitre 23

Une légère brume apparut autour d’elle et Elysia leva les yeux de la boule de cristal pour voir le Conseil des Trois l’entourer.

Une fois encore, leurs phoenikis de couleur pourpre et blanc l’empêchaient de voir leurs visages, et elle ressentit le respect, l’admiration et la crainte qu’ils inspiraient. 

Le regard fixé sur la boule de cristal, ils s’adressèrent à elle par télépathie.

« Votre mission a été un succès. »

« L’ennemie a été éliminée. »

« Katlyn Harper est désormais hors de danger. »

Un léger silence s’installa avant que le premier membre ne reprenne la parole :

« Le sujet éprouve cependant des sentiments pour sa protégée. »

« Le sujet n’est plus digne de notre confiance. »

Leurs visages se détachèrent de la boule de cristal pour se tourner vers elle.

« Le sujet doit être réinitialisé. »

Leurs visages se tournèrent de nouveau vers la boule de cristal et, de la même façon qu’il était apparu, le Conseil disparut.

Emportant Elysia avec lui.

💕

Elysia ouvrit les yeux et les referma aussitôt, aveuglée par la lumière du plafonnier. Un bip incessant raisonnait au-dessus d’elle et une gêne insupportable l’irritait au niveau de la gorge. Elle attendit un peu, puis quand enfin sa vue s'accoutuma à la lumière ambiante, elle réalisa qu’elle se trouvait dans une chambre d’hôpital. Allongée dans un lit, un drap blanc la recouvrait jusqu’au nombril et une perfusion était plantée dans son bras gauche, la faisant légèrement grimacer. Elle se sentait fatiguée, mais c’était surtout sa gorge qui lui faisait mal.

Elle allait tendre une main vers la table de chevet, où reposait un verre en plastique, quand son regard s’arrêta sur le téléviseur. Il était allumé, rediffusant un vieux film des années 1960 et elle se demanda soudainement combien de jours elle était restée inconsciente. Elle s’empara de la télécommande qui reposait elle aussi sur la table de chevet et appuya sur la touche « info », cherchant un instant l’écran avant de cligner les yeux à plusieurs reprises.

Ils étaient le mercredi 11 Juillet 2007.

Elysia porta une main à ses lèvres, sous le choc. 2007 ? Comment... ? Elle regarda autour d’elle, comme si l’explication allait se manifester d’elle-même, puis elle se rappela à quoi la date correspondait.

C’est le jour où je suis morte.

Elle secoua la tête.

Non, le jour où Lucy est morte. Où le bateau de croisière sur lequel elle se trouvait a été heurté par un vraquier.

Elysia reporta son attention sur l’écran de télévision. Mais comment était-ce possible ? Pourquoi se retrouvait-elle là aujourd’hui ? Était-elle Lucy, ou Elysia ? Humaine ou Daï-Natha ? Je ne peux pas être Lucy si je me souviens encore de tout.

Elle laissa retomber sa tête contre son oreiller, un grognement de frustration s’échappant de ses lèvres. Elle n’y comprenait rien. Lucy ne s’était jamais trouvée à l’hôpital ; elle avait tout simplement disparue en mer. Quant à Elysia, elle était presque sûre qu’elle devrait être morte à l’heure qu’il est. 

Elysia se passa une main sur le visage tout en soupirant. Si seulement Mysa était là pour...

Elle se redressa soudainement.

— Mysa ? tenta-t-elle. Il doit forcément savoir ce qu’il se passe, et si je veux obtenir des réponses, lui seul peut me les fournir.

Une réponse lui parvint, mais ce ne fut pas celle qu’elle attendait. La porte de la chambre s’ouvrit doucement, hésitante, avant de dévoiler Kat, un air exténué sur le visage, et Elysia sentit aussitôt les larmes lui monter aux yeux. Elle avait les cheveux légèrement plus courts, et plus ondulés aussi. Sa peau était bronzée, et Elysia se souvint qu’elle avait passé les derniers jours à Miami en compagnie de sa sœur en attendant que Lucy revienne. 

Le regard de Kat parcourut la pièce avant de s’arrêter sur Elysia et elle se figea quand elle réalisa que cette dernière était réveillée.

— Hé, tigresse, sourit Elysia, la voix rendue rauque par le sommeil et l’eau salée de l’océan.

Elle tendit une main et les yeux de Kat s’humidifièrent aussitôt. Elle lâcha la porte, qui se referma silencieusement derrière elle, et s’approcha doucement, comme en transe, avant d’accélérer sur les derniers mètres et serrer Elysia fort contre elle, enfouissant son visage dans son épaule.

— J’arrive pas à croire... je croyais que tu étais...

Les sanglots la submergèrent et Elysia la serra contre elle, lui murmurant des paroles réconfortantes à l’oreille tandis que les pleurs la gagnaient elle aussi. Les circonstances étaient peut-être différentes, mais chacune pensait avoir perdu l’autre.

Du mouvement sur la gauche, vers la fenêtre, attira le regard d’Elysia et elle fut soulagée d’y voir Mysa. Elle haussa cependant les sourcils quand ce dernier lui fit signe du doigt de rester silencieuse. Il prononça dans sa tête :

« Vous formez un joli tableau. »

Elysia leva aussitôt les yeux au ciel. « On est en train de pleurer, Mysa. » Elle reprit, craintive : « Tu n’es pas là pour me ramener, pas vrai ? »

Un sourire étira les lèvres de Mysa tandis qu’il secouait la tête. « Non. »

« Que s’est-il passé ? »

Mysa dévia son regard vers la fenêtre, l’air concentré, avant de la regarder à nouveau. « Tu n’as pas encore compris, n’est-ce pas ? »

« Compris quoi ? », demanda aussitôt Elysia, confuse. « Je me souviens de tout ce qu’il s’est passé, Mysa. Moi... Elyana... J’étais censée mourir. Qu’est-ce que je fabrique ici ? »

Puis elle se souvint de ce qui s’était passé avant son réveil.

« Le Conseil m’a... »

« Réinitialisée. Ou plutôt, a commencé à te réinitialiser. Je suis là pour finir le travail. »

Elysia se contenta de l’observer bêtement. « Je n’ai absolument rien compris de ce que tu viens de dire. Qu’est-ce que c’est censé signifier ? »

Mysa afficha un léger sourire. « Réinitialiser : rétablir dans son état initial. Ce qui pour Elysia était... »

« Lucy », termina Elysia, avant de froncer les sourcils. « Mais pourquoi ? Ça n’a aucun sens. Pourquoi revenir dans le passé et changer le cours des choses ? »

« Parce qu’il y a une chose que tu ne sais pas », dit Mysa en enfonçant les mains dans les poches de son jean. « Avant d’être ta protégée,Kat était surtout ton âme-sœur. Le Conseil a pensé qu’en faisant de toi sa Daï-Natha, Kat maintiendrait son équilibre spirituel. Le problème, c’est qu’il n’avait pas envisagé que cela vous rendrait également plus puissantes, toi et...

« ...Elyana », réalisa Elysia, le cœur battant. « C’est pour ça qu’elle est parvenue à s’échapper. »

Mysa hocha la tête. « La particularité des âmes-sœurs, c’est qu’elles sont unies par un lien très fort, un lien énergétique très puissant. Là où il était censé nourrir Kat, c’est Elyana qu’il a alimenté. »

Elysia remua légèrement la tête, secouée par ce qu’elle venait d’apprendre. « Je ne savais même pas que les âmes sœurs existaient », dit-elle bêtement avant de fusiller Mysa du regard quand il se mit à rire. « Mais toi, tu le savais », accusa-t-elle. « Ça te dérangerait de m’expliquer pourquoi tu m’as caché tout ça ? », ajouta-t-elle, un sourcil haussé.

« Disons simplement que tu n’étais pas la seule à avoir une mission personnelle à accomplir », sourit Mysa, le regard taquin. « Je savais que tu parviendrais à rendre Kat heureuse. À lui redonner le goût de vivre et à la rapprocher de ses amis, de sa sœur. Mais quand tu as commencé à éprouver des sentiments pour elle, je me suis posé des questions. Ça aurait bien évidemment pu venir de ton humanité, mais tu t’es retrouvée si rapidement tellement investie, que je n’ai pu m’empêcher de trouver ça étrange. Alors j’ai mené ma petite enquête. »

Elysia haussa aussitôt les sourcils. « Donc, tu savais qui j’étais dès le début ? », s’exclama-t-elle avant de se reprendre. « Bien sûr que tu le savais depuis le début, tu m’as carrément poussée dans ses bras. »

Mysa sourit, puis son regard son teinta de tristesse. « Je cherchais simplement à vous donner une seconde chance. Ça m’était inimaginable de vous voir toutes les deux réunies et de devoir passer mon temps à vous tenir émotionnellement éloignées l’une de l’autre. Je ne suis même pas sûr que j’aurais réussi », ajouta-t-il, légèrement taquin.

Elysia rougit légèrement. « Mais ça n’explique pas mon retour ici. »

« Ce n’est qu’un juste retour des choses. Si je vous réunissais, ce n’était pas pour que ce soit temporaire. Je voulais que ce soit pour de bon. »

« Et tu as fait ça... comment ? »

Mysa se passa une main sur la nuque. « Il est possible que j’ai légèrement menacé le Conseil de révéler notre existence à l’humanité toute entière s’ils ne te rendaient pas ta vie... »

Elysia haussa les sourcils. « Tu as quoi ? », balbutia-t-elle, ouvrant et fermant la bouche à plusieurs reprises. Elle secoua finalement la tête. « Mysa, tu réalises qu’ils auraient pu tout simplement te tuer, quand même ? »

Mysa haussa les épaules. « C’est un risque que j’étais prêt à courir. »

Elysia sentit une boule se former dans sa gorge face à ses paroles, et elle cligna des yeux quand ces derniers s’humidifièrent. « Et le Conseil a accepté parce que... ? »

« Parce qu’en faisant de toi la Daï-Natha de Kat, ils ont non seulement failli vous mener à votre perte, mais aussi à celle de l’humanité toute entière. »

« Alors... ils me donnent une seconde chance ? »

Mysa afficha un faible sourire. « Tu peux voir ça comme ça. Je dirais plutôt qu’ils réparent enfin l’erreur qu’ils ont commise. La vie reprend simplement son cours, comme elle aurait dû le faire la première fois. »

Elysia laissa de nouveau retomber sa tête contre l’oreiller, un long soupir s’échappant de ses lèvres. « Et dire que j’étais persuadée qu’ils avaient décidés de me sacrifier », dit-elle, encore dépassée par la situation.

Mysa hocha la tête, un air renfrogné sur le visage. « Ils auraient pu. »

Elysia tourna la tête vers lui. « Mais ils ne l’ont pas fait, parce qu’une fois encore, tu as été là pour moi », dit-elle, son regard véhiculant combien elle lui était reconnaissante. « Je suis vraiment désolée d’avoir douté de toi à un moment, Mysa. »

Mysa remua une main dans les airs. « C’est oublié ».

Elysia lui adressa un sourire, puis fronça les sourcils quand une pensée lui traversa l’esprit. « Et Elyana ? Que lui est-il arrivé ? »

« Elle est juste devant moi. »

Elysia regarda presque par-dessus son épaule par réflexe, puis se ressaisit. Elyana était morte. Elle l’observa, confuse, avant de soudainement écarquiller les yeux. « Elle est moi ?! », s’exclama-t-elle, incrédule.

Mysa rit doucement. « Elle n’est pas toi, elle fait partie de toi. Elysia et Elyana représentent les bipolarités fondamentales de Lucy. »

« Oh génial, ravie de savoir que je suis à moitié psychopathe, » ironisa Elysia. « T’as d’autres bonnes nouvelles comme ça en rayon ? »

Mysa rit à nouveau avant de s’approcher d’elle, puis poser ses mains de chaque côté de son visage. « Qu’est-ce que tu dirais d’avoir la possibilité de définitivement retrouver ta vie d’avant ? »

Elysia baissa les yeux vers Kat qui observait ses doigts aller et venir le long de sa gorge avant de reporter son attention sur Mysa.

« Impatiente », répondit-elle sincèrement avant de prendre un air inquiet. « Mais je ne te reverrai plus alors ? »

Mysa secoua légèrement la tête. « Tu ne te souviendras pas de moi, mais je serais toujours là, quelque part... J’ai gagné deux protégées de plus », finit-il dans un clin d’œil tout en les regardant elle et Kat.

« Je t’aime, Mysa », lui répondit simplement Elysia. « Je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu as fait pour moi. Pour nous. »

 Le sourire de Mysa s’agrandit et il approcha ses doigts de ses tempes. « Je t’aime aussi, aies une longue et heureuse vie pour moi, d’accord ? »

Elysia hocha la tête puis ferma les yeux quand ses doigts entrèrent en contact avec sa peau. Des images s’infiltrèrent aussitôt dans son esprit, défilant à une allure folle, puis tout devint noir.

💕

Des arabesques dessinées sur son ventre tirèrent Lucy de son sommeil et elle ouvrit péniblement les yeux, grimaçant face à la lumière aveuglante. Il lui fallut un moment pour se souvenir où elle se trouvait, puis elle sourit quand elle vit Kat, sa tête reposant juste au-dessus de sa hanche.

— Hé tigresse, murmura-t-elle. Ça va ?

Kat leva les yeux vers elle et secoua négativement la tête, les larmes lui montant à nouveau aux yeux. Elle relâcha un soupir tremblant.

— J’ai peur de te voir disparaître si je ferme les yeux.

— Oh Kat, murmura aussitôt Lucy en tendant une main. Viens par ici, tu veux ?

Kat obtempéra et Lucy encadra aussitôt son visage de ses mains, essuyant ses joues de ses pouces.

— Je suis là maintenant, tout va bien.

Kat hocha la tête tout en reniflant, puis porta une main à la gorge de Lucy, visiblement inquiète.

— Ta voix est tellement rauque. Ça fait mal ?

— Un peu, murmura Lucy tout en caressant les joues de Kat, détaillant minutieusement ses traits.

Elle avait envie de l’observer pendant des heures tellement elle était heureuse de la retrouver, mais elle fut rapidement coupée court, car les yeux de Kat s’embuèrent à nouveau et elle vint enfouir sa tête dans le creux de son cou avant de la serrer fort contre elle. Lucy l’entoura aussitôt de ses bras et elle les balança doucement d’avant en arrière tout en lui murmurant des paroles réconfortantes à l’oreille, luttant elle aussi contre les larmes.

— J’ai eu peur, renifla soudainement Kat à son oreille. J’ai cru que tu n’allais jamais te réveiller.

— Shh, je suis là maintenant, la rassura Lucy tout en lui caressant le dos. Tout va bien, je te le promets.

— La prochaine fois, je viens avec toi, d’accord ?

Un frisson remonta le long de la colonne vertébrale de Lucy. Après ce qu’il venait de se passer, elle ne retournerait pas en mer si elle pouvait l’éviter.

— Promis, murmura-t-elle néanmoins en venant embrasser Kat sur le front. 

— Les dernières vingt-quatre heures ont été horribles, j’étais persuadée que tu étais...

Lucy sentit sa gorge se serrer à ces simples paroles et elle encadra fermement le visage de Kat avant d’appuyer son front contre le sien.

— Tout va bien maintenant, murmura-t-elle avec conviction. Laissons le passé là où il est, et concentrons-nous sur le présent, d’accord ? La vie vient de me donner une seconde chance, crois-moi, je compte bien en profiter et ne pas te lâcher d’une semelle, taquina-t-elle.

Kat l’observa un instant avant de hocher la tête.

— Je t’aime, sourit-elle faiblement.

— Moi aussi, répondit Lucy avant de l’embrasser avec amour.

Quelque part au-dessus d’elles, les yeux rivés sur sa boule de cristal, Mysa les observait. S'il avait été humain, il aurait probablement souri. En tant que Daï-Natha, il passa simplement au visionnage suivant, celui de son troisième protégé, persuadé que maintenant qu’elles étaient réunies, le bonheur allait de nouveau leur ouvrir les bras.

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9 octobre 2015

Chapitre 22

La sensation d’un regard posé sur elle poussa Elysia à ouvrir les yeux, et elle s’étira lentement avant de se figer lorsqu’elle remarqua qu’une silhouette l’observait depuis le seuil de la porte.

Si la nuit avait été marquée par le bonheur de leurs retrouvailles, cette visite inattendue mit aussitôt Elysia de mauvaise humeur et elle rejeta les couvertures d’un geste brusque — tout en prenant soin de ne pas réveiller Kat —, poussa Mysa dans le couloir, referma doucement la porte derrière elle avant de lui asséner une gifle magistrale.

— Je croyais que j’étais « exactement celle que j’étais avant », dit-elle en le pointant du doigt. Que la seule différence, c’était que je n’en avais aucun souvenir. Quelle belle paire de mensonges Mysa ! Parce que non seulement je ne suis absolument pas celle que j’étais avant, mais en plus, je suis différente aussi bien physiquement, que mentalement ! Je croyais que j’étais supposée me souvenir de tout ?

Mysa se massa la joue avant de soupirer.

— Il ne fallait pas qu’elle te reconnaisse, tu devais lui être inconnue. Quant à tes souvenirs, ils auraient simplement tout compliqué. Tu n’aurais jamais voulu revenir si tu avais su qui tu étais exactement.

— Tu as raison, admit aussitôt Elysia, le ton calme. Je n’ai aucune envie de revenir.

Un expression alarmée passa sur le visage de Mysa et il demanda avec hésitation :

— Tu sais pourtant qu’il faut, pas vrai ?

— Je sais, murmura Elysia, sa gorge se serrant douloureusement. 

Quelques secondes de silence s’écoulèrent durant lesquelles elle sembla essayer de reprendre le contrôle de ses émotions.

Finalement, elle prit une profonde inspiration et dit :

— Bon, maintenant que Kat m’a reconnue et que je suis redevenue celle que j’étais avant de mourir, j’imagine que le risque est beaucoup trop grand. Quel est le verdict, cher messager ?

Mysa ne put retenir un sourire face au surnom utilisé.

— Eh bien, nos supérieurs sont hors d’eux mais ils ne peuvent pas réellement t’en tenir rigueur ; ton inconscient t’a poussé à reproduire ce tatouage. Ce qu’ils pourraient te reprocher en revanche, c’est de t’être engagé dans une relation avec ta protégée... Mais là encore, il est possible que ton inconscient t’ait de nouveau joué des tours.

— Alors ils me laissent tranquille, c’est ça ?

Mysa haussa les épaules.

— Une fois tes pouvoirs retrouvés...

— ... j’oublierai complétement les sentiments que j’ai pour elle, finit Elysia, ignorant la détresse qui s’abattit une nouvelle fois sur elle. Bien sûr, nous ne savons pas ce que c’est que d’être amoureux, ironisa-t-elle. C’est pour ça qu’ils me laissent faire ?

— Kat ne sait pas qui tu es réellement, ni d’où tu viens, c’est la seule limite à ne pas franchir. Tant que tu t’en tiens à ta mission et que tu respectes ça... le reste dépend de toi.

Elysia se passa une main sur le visage.

— Elle va me poser des questions. Je lui ai dit de me faire confiance, mais son ex vient de soudainement être ramenée à la vie. Elle va finir par demander des explications.

— On n’a plus qu’à espérer capturer Elyana avant, alors.

Elysia lâcha un rire dénué d’humour.

— Ouais, justement, en parlant de ça. Je n’ai pas fait grand-chose jusqu’à maintenant. Les évènements passés n’ont cessés de me détourner de mon objectif.

— Elysia, je t’en prie, répondit aussitôt Mysa en lui offrant un regard appuyé. Si tu penses que je n’ai toujours pas compris que tu avais d’autres projets en tête pour Kat que ceux que tu as énoncés dès le début, tu te mets le doigt dans l’œil, poursuivit-il dans un sourire. Et ceux-là, tu n’as cessé d’y travailler. Kat est au meilleur de sa forme grâce à toi.

Elysia détourna le regard, embarrassée.

— C’est aussi mon devoir en tant que Daï-Natha, marmonna-t-elle.

— C’est vrai, admit Mysa. Mais tu as profité de l’absence d’Elyana pour parvenir à tes fins. D’ailleurs, en ce qui la concerne, sois prudente. Elle commence à perdre patience.

Elysia hocha la tête.

— Je me doute. Elle est restée silencieuse trop longtemps pour que ce soit rassurant. Qu’est-ce que tu proposes ?

— Je me charge de trouver une solution pour Elyana, et toi, tu poursuis ta mission.

— Ce qui veut dire qu’Elysia doit revenir parmi nous ?

Mysa sourit légèrement.

— Elle n’est jamais partie. Kat te voit telle que tu es vraiment, mais pour le reste du monde, tu es restée telle que tu l’étais avant que vous n’alliez vous coucher.

Elysia hocha la tête.

— Parfait alors.

— À très vite, lui répondit Mysa en se volatilisant.

Elysia tenta de retrouver la joie qu’elle avait ressentie la nuit passée, quand elle avait découvert qui elle était réellement, mais elle était désormais teintée de tristesse.

Elle avait déjà passé plus de temps que prévu sur Terre, et sa mission personnelle venait juste d’être remplie. Tout ce qui lui restait à faire, c’était d’attendre qu’Elyana se manifeste, puis elle regagnerait sa position de Daï-Natha, où elle observerait Kat depuis sa boule de cristal.

C’est pour le mieux, pensa-t-elle. C'est ainsi que doivent être les choses. Kat serait ici, sur Terre, et elle la guiderait de là-haut, s’assurant de son bonheur.

Sa gorge se serra, et elle sut qu’elle était en train de se mentir. Elle n’avait pas la moindre envie de partir, mais comme elle l’avait dit à Mysa, elle le ferait. Elle profiterait juste à fond des jours qu’il lui restait avec Kat en attendant. Et éviterait de penser à leur future séparation.

Prenant une profonde inspiration pour se donner du courage, elle ouvrit la porte de la chambre et se figea aussitôt.

Étendue sur le lit, entièrement nue, se trouvait Kat, tandis qu’au-dessus d’elle, celle qui ressemblait trait pour trait à Elysia la chevauchait, leurs lèvres unies dans un baiser enfiévré.

💕

Hors d’elle, Elysia parcourut la pièce en trois enjambées, passa un bras autour de la taille d’Elyana et la plaqua contre le mur, mains sur les épaules.

— J’aurais dû savoir que tu en profiterais dès que j’aurais le dos tourné.

Elyana parcourut son corps du regard avant de remonter vers son visage.

— Je t’en prie, Lucy, avec toute cette nudité... comment aurais-je pu résister ? ironisa-t-elle, rictus en place. Mais rassure-toi, je suis certaine que Kat a aimé aussi, pas vrai, Kat ?

Cette dernière les observa tour à tour avec confusion puis, à la surprise d’Elysia, son visage fut déformé par la colère et elle bondit sur Elyana, refermant ses mains autour de son cou.

Loin de la surprendre, le geste amusa grandement Elyana et elle prit un malin plaisir à se mordre la lèvre inférieure.

— Et elle est encore plus délicieuse quand elle est en colère..., ronronna-t-elle.

Furieuse, Kat accentua sa prise autour de son cou et Elysia tendit aussitôt une main afin de l’arrêter, mais une sensation étrange l’empêcha de prononcer le moindre mot. Elle pouvait sentir comme une pression contre sa gorge. Ses oreilles bourdonnaient, et bien vite, elle ne sentit plus rien à l'exception des battements de son cœur qui réclamait de l'oxygène.

Elle tenta de déglutir, sans succès et comprit alors qu’elle ressentait exactement ce qu’Elyana était en train d’éprouver. 

Elle leva les yeux, paniquée.

— Kat, lâcha-t-elle d'une voix étranglée. Kat, arrête.

— Pourquoi ? répondit Kat sans même la regarder. Pour qu’elle puisse continuer ? Non merci, on a déjà abusé de moi par le passé, je ne laisserai personne recommencer, gronda-t-elle en raffermissant sa prise.

La douleur fut si intense qu’Elysia crut qu’elle allait s’évanouir. Du coin de l’œil, elle remarqua la teinte bleue qu’avait pris le visage d’Elyana, et elle tenta, une dernière fois.

— Kat, souffla-t-elle, à peine audible. Tu ne peux pas la tuer.

— Et pourquoi pas ? Parce que crois-moi, c’est pas l’envie qui m’en manque.

Elysia vit son double commencer à perdre connaissance et elle se pressa d’ajouter, la peur au ventre :

— Parce que si elle meurt, je meurs aussi.

Kat tourna la tête vers elle, confuse, et elle relâcha aussitôt sa prise autour du cou d’Elyana quand elle remarqua l’état dans lequel se trouvait Elysia.

— Elysia ! s’écria-t-elle, encerclant son visage, les mains tremblantes.

La pression contre son cou se relâcha brusquement, aussitôt remplacée par une sensation de froid et Elysia aspira une énorme goulée d'air qui lui incendia aussitôt la gorge. Elle toussa à plusieurs reprises et s’agenouilla au côté d’Elyana afin de s’assurer qu’elle respirait toujours.

Elle relâcha un soupir de soulagement avant de lever les yeux vers Kat.

— Merci.

Kat se contenta de la regarder, le visage pâle.

— Je n’ai... pas la moindre idée... de ce qui vient de se passer.

Persuadée qu’elle allait s’évanouir à son tour, Elysia l’aida à s’assoir contre le mur avant de tendre une main vers la table de chevet et attraper la bouteille d’eau que Kat gardait toujours à côté d’elle la nuit. Elle attendit quelques minutes que Kat ait retrouvé des couleurs avant de demander :

— Comment tu te sens ?

Kat haussa les épaules, le regard perdu. Puis elle reporta son attention sur Elysia, visiblement tourmentée.

— J’allais la tuer. Je veux dire, j’avais envie de la tuer.

Elysia secoua négativement la tête.

— Non. Elle voulait que tu la tues.

Kat fronça les sourcils.

— Ça change quelque chose ?

Elysia haussa les sourcils.

— Ça change tout, dit-elle en se redressant afin d’aller récupérer le peignoir de Kat. Tu n’as pas une once de méchanceté en toi, Kat. Je peux te l’assurer.

Le regard de Kat tomba sur Elyana, toujours inconsciente à côté d’elle, et elle rapprocha ses jambes contre sa poitrine avant de les entourer de ses bras, comme si elle cherchait à se protéger.

— Je croyais que c’était toi. Que tu t’étais... que la nuit dernière n’avait été qu’un rêve. Comment... qui... ?

Elysia s’agenouilla de nouveau face à elle et l’aida à enfiler son peignoir avant de se passer une main dans le cou.

— Elyana et moi... c’est une longue histoire. Je ne suis pas sûre que tu comprendrais.

Kat haussa les sourcils avant de lâcher un rire frôlant l’hystérie.

— D’abord, tu te transformes, ou réapparaîs, ou je ne sais quoi. Puis ton dou — le double d’Elysia veut que je la tue, tu manques de mourir par la même occasion et tu me dis que je risque de ne pas comprendre ? Ouais, il y a en effet tout un tas de choses que je ne pige pas. Ça te dérangerait de m’expliquer ?

Elysia soupira, les paroles de Mysa repassant dans sa tête. Kat ne sait pas qui tu es réellement, ni d’où tu viens, c’est la seule limite à ne pas franchir. Mais Elyana était là, désormais. Et quoi qu’il advienne, elle ne quitterait cette chambre que pour retourner parmi les siens. Alors...

— Elyana et moi, nous faisons partie de toi. Sans nous, tu n’existerais pas. Sans toi, nous n’existerions pas non plus.

Kat l’observa, confuse.

— Je ne suis pas sûre de comprendre.

— Je me doute, soupira Elysia tout en se passant de nouveau une main sur le visage. Je vais essayer de t’expliquer, mais Kat... j’ai vraiment, vraiment besoin que tu fasses preuve d’ouverture d’esprit, d’accord ? Ce que je vais te raconter... crois-moi, tu n’auras jamais rien entendu de semblable avant. Je peux déjà te dire avec certitude que tu vas trouver ça insensé.

Kat posa une main sur la sienne.

— Je suis déjà obligée de te regarder toutes les cinq minutes pour être sûre que je n’ai pas rêvé la nuit dernière, sans compter ton double que je viens presque de... Bref, je t’en prie, explique-moi.

Elysia hésita une dernière fois avant de se lancer.

— Dans la mythologie antique, certaines divinités avaient le pouvoir d’influer sur la destinée d’une personne. Elles avaient pour fonction d’être le guide de l’individu dont elles symbolisaient l'être spirituel, de protéger sa destinée, tout en veillant à ce qu’elle se réalise sans encombre.

Elle s’interrompit avant de relever les yeux vers Kat, qui la regardait avec intensité.

— Alors... je suis ton Daï-Natha. 

Elle se mordit la lèvre avant de préciser :

— Ton Génie.

Kat se contenta de l’observer, les sourcils haussés.

💕

— Mon... quoi ?

Elysia se leva et arpenta la pièce tout en soupirant.

— Je t’avais demandé de faire preuve d’ouverture d’esprit, reprocha-t-elle en se grattant le front. 

— Je sais, et crois-moi, j’essaye, assura Kat les mains levées en signe d’apaisement, avant de grimacer. Mais admets que c’est...

— Dingue ? Totalement insensé ? proposa Elysia. Eh bien devine quoi ? Je te l’avais dit !

Kat ouvrit la bouche avant de la refermer et Elysia soupira de frustration. Elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Pour n’importe quel humain, ce qu’elle était en train de lui raconter était insensé, mais après cette nuit... et ce matin... Kat devait bien y croire un peu quand même, non ?

Elysia s’approcha d’elle et encadra son visage de ses mains.

— Tu m’as vue réapparaître sous tes yeux. Tu sais mieux que personne que je suis bel et bien réelle. Je t’en prie, Kat. J’ai besoin que tu y crois.

Elle vit Kat l’observer avec hésitation, puis fut surprise de voir ses yeux se remplir de larmes.

— Tu ne peux pas me demander ça, répondit Kat d’une voix tremblante.

Elysia l’observa, confuse.

— Pourquoi ? demanda-t-elle.

— Parce qu’y croire voudrait dire tirer un trait sur nous deux. Parce que tu es morte, et qu’on ne revient pas à la vie comme ça. Que tu sois une espèce de génie censé me protéger et me guider dans ma destinée ou non, une fois cette histoire terminée... 

Elysia laissa retomber ses mains. Kat n’avait pas besoin de terminer sa phrase ; elles savaient toutes les deux quelle en serait l’issue.

— Je serais toujours avec toi.

Kat secoua la tête.

— Là-haut, où je ne sais où, peut-être. Mais pas ici.

Elysia dut se mordre la lèvre pour lutter contre les sanglots.

— J’ai fait ça pour que tu sois heureuse, Kat. J’ai vraiment fait tout ça pour ça.

— Mais tu vas partir, répondit Kat, une larme coulant le long de sa joue. Encore.

Elysia hocha la tête, mais ne répondit pas. La façon dont Kat la regardait, anéantie, lui faisait plus mal que tout ce qu’elle avait connu jusqu’à présent et elle passa les quelques minutes suivantes à tenter de repousser la boule qui s’était formée dans sa gorge.

Quand enfin elle se sentit prête à parler, une voix, tellement semblable à la sienne, la devança :

— Oh regardez-moi ça, elles sont en train de pleurer, ronronna Elyana, moqueuse. Pour une Daï-Natha, y a du potentiel finalement. Encore un peu et je n’aurais plus rien à faire !

— La ferme ! s’exclama Kat tout en lui assénant un violant coup de coude au visage, l’assommant de nouveau.

— Kat ! s’exclama Elysia, tendant une main afin de s’assurer qu’Elyana allait bien. Bon sang, il faut vraiment que je vous éloigne toutes les deux l’une de l’autre.

— Elle ne m’a pas forcé à faire à quoi que ce soit, cette fois-ci, répondit Kat en se massant le coude.

Elysia s’empara de l’une de ses mains et l’entraîna avec elle jusqu’à ce qu’elle soit assise sur le lit.

— Elle n’a pas besoin. Le simple fait d’être en sa présence t’incite à te montrer violente.

Elle poursuivit quand Kat l’observa avec confusion :

— Disons que chaque être humain est dualité. Il a besoin de polarités négatives et positives pour fonctionner, de principes opposés qui se complètent et s’affrontent afin de maintenir un équilibre indispensable à son bien-être. C’est que ce que nous sommes pour toi. Génie du Bien... Génie du Malin.

— Mais tu es là, toi aussi, répondit Kat, les sourcils froncés. Alors pourquoi parvient-elle à... m’influencer aussi facilement ?

— C’est plus compliqué que ça, soupira Elysia. Elyana et moi venons d’une dimension parallèle à la tienne. Nous pouvons te voir, mais nous avons interdiction d’entrer en contact avec toi. Cela nous est interdit. Seulement, Elyana est parvenue à s’échapper il y a plusieurs mois. Comment, je ne sais pas, mais je lui soupçonne d’avoir réussi à remonter un passage provenant de la Terre. Quoi qu’il en soit, sa fuite a tout compliqué. Ton équilibre était perturbé. Nous n’avions plus la même influence sur toi. De par mes pouvoirs, la mienne était trop grande. Alors j’ai décidé de rejoindre ta planète à mon tour. Il fallait absolument garder l’équilibre. Seulement... parce qu’elle s’est échappée, Elyana est restée totalement maître de ses pouvoir, contrairement à moi qui suis revenue sous forme humaine. Ainsi, trop de temps passé en sa présence peut te porter préjudice. Les sentiments que tu ressens peuvent prendre des proportions énormes si c’est ce qu’elle désire, puisque je ne suis plus là pour les contrebalancer.

Kat réfléchit un instant avant de baisser les yeux vers Elyana.

— C’est ce qu’elle a fait tout à l’heure, quand j’ai manqué de l’étrangler.

— C’est ça, répondit Elysia.

— Tu m’as aussi dit que si elle mourait, toi aussi.

Elysia hocha la tête.

— La lumière ne peut exister sans l’ombre. Sans elle, je meurs. Et tu te retrouverais sans Génies.

Kat se passa les mains dans les cheveux.

— Donc... la seule solution, c’est de la renvoyer d’où elle vient.

Elysia acquiesça de nouveau avant de tourner la tête quand Mysa apparut soudainement dans la pièce, poussant Kat à faire un bon de trois mètres.

— Justement... en parlant de ça, dit-il en se frottant la nuque. Je crois qu’on a un problème

— Comment ça ? s’alarma aussitôt Elysia.

Mysa ouvrit la bouche puis la referma quand il remarqua la tête que faisait Kat.

— Elle va bien ? demanda-t-il en la désignant du doigt.

Elysia suivit son regard et retint difficilement un rire quand elle remarqua l’air ahuri de Kat. Elle referma gentiment sa bouche de son doigt.

— Kat, je te présente Mysa. Comme moi, c’est un Daï-Natha. Nous possédons également le pouvoir de téléportation.

Kat se contenta de hocher lentement la tête.

— Tu disais ? demanda Elysia, reportant son attention sur Mysa.

— Le Conseil ne veut rien avoir à faire avec elle, dit-il en désignant Elyana.

Elysia cligna des yeux à plusieurs reprises, peu sûre d’avoir bien entendu.

— Excuse-moi ? Comment ça, ils ne veulent « rien avoir à faire avec elle » ? Le but de cette mission est de nous débarrasser d’elle !

— Je t’en prie, Elysia, tempéra Mysa dans l’espoir de la calmer. Ce n’est pas si surprenant. Les Daï-Natha et les Targa n’ont jamais rien voulu avoir à faire l’un avec l’autre.

— Je sais. Mais visiblement, les Targa se fichent également de son sort. Et elle ne rentrera jamais d’elle-même, Mysa. Alors quoi ? Ils s’attendent à ce qu’on la ramène nous-même ?

— Pas « on », répondit Mysa en secouant la tête. Je vais la ramener.

Elysia lâcha un rire, puis sentit le sang quitter son visage quand Mysa ne réagit pas.

— Tu es sérieux ? Mysa, tu ne peux pas y aller. Si tu y vas, tu ne reviendras jamais.

— Je serais prudent, répondit Mysa en se frottant la nuque.

Elysia haussa les sourcils.

— Parce que ça y changera quelque chose, peut-être ? s’exclama-t-elle avant de désigner Elyana. Ils se contrefichent de son sort, ils espèrent probablement même qu’elle mettra le désordre ici avant de m’éliminer. Que crois-tu qu’ils vont faire de toi une fois que tu auras mis les pieds chez eux, hein ? Il y a une raison pour laquelle l’accès à notre monde leur est interdit et vice et versa. Si l’un d’entre nous élimine l’autre... ce sera la fin de l’équilibre mondial. Nous périrons tous.

Mysa croisa les bras sur sa poitrine.

— Très bien, qu’est-ce que tu proposes alors ?

— Je ne sais pas, mais il doit y avoir une autre solution, commença Elysia en réfléchissant. Les Targa refusent de la ramener de force. Notre Conseil refuse de s’investir...

Elle fronça les sourcils avant de comprendre soudainement.

— Ils n’ont jamais envisagé de me faire revenir, murmura-t-elle, abasourdie.

Elle leva les yeux vers Mysa.

— C’est pour ça qu’ils ont acceptés de me rendre ma vie ; sans Elyana, je ne leur suis plus d’aucune utilité. Ça leur permettait de se débarrasser de moi plus facilement.

Elle secoua la tête de dépit avant de poser un regard blessé sur Mysa.

— Tu le savais, pas vrai ?

Mysa évita son regard.

— J’ai eu des soupçons dès le début, répondit-il. Leur désintérêt récent n’a fait que les confirmer. Vous sacrifier toutes les deux...

— ...est le seul moyen d’éviter le chaos. Alors quoi ? On reste tranquillement ici en attendant de voir laquelle éliminera l’autre en premier ?

Elyana gémit soudainement et Elysia baissa les yeux vers elle.

— Quoi ? soupira-t-elle d’impatience.

— Rien, rien... oh si, bienvenue dans mon monde ! répondit aussitôt Elyana, visiblement ravie même si elle se tenait la tête d’une main. L’histoire prend enfin un tournant... intéressant. Alors, qui commence ? sourit-elle, le regard brillant.

Elysia lui offrit un regard désabusé avant de se laisser tomber sur le lit.

— Et Kat ? demanda-t-elle tout en s’emparant de la main de cette dernière.

— Elle deviendra la responsabilité de quelqu’un d’autre la seconde même où tu... disparaîtras.

— Alors c’est tout ? s’exclama Kat qui jusque-là les avait observés en silence, totalement dépassée par la situation. Tu es coincée ici avec un double maléfique qui rêve de te faire la peau et la seule chose à laquelle tu penses, c’est de remplir ta mission ? Elle te tuera à la première occasion !

Elysia détourna le regard.

— J’étais sensée partir de toute façon.

— Pour redevenir mon Génie, gronda Kat. Comment peux-tu prendre ça aussi calmement ?

— Parce qu’on n’a pas d’autres choix, Kat, répondit Elysia en levant un regard calme vers elle. Notre rôle est de faire en sorte que tu gardes ton équilibre. Si on doit mourir pour ça, très bien. Il en sera ainsi.

Kat serra des dents, la vue brouillée.

— Je pourrais t’emmener loin d’ici. Loin d’elle, dit-elle en désignant Elyana. On pourrait vivre heureuses.

Elysia l’embrassa sur le front avant de venir caresser ses joues, le regard compatissant.

— Elle nous retrouvait, Kat. On est liée l’une à l’autre. Elle est liée à toi aussi. Sans compter qu’elle aurait juste à s’éliminer pour m’éliminer aussi.

Kat s’écarta soudainement, comme si elle venait d’être brulée. Elle s’essuya les yeux d’une main irritée.

— Ça ne peut pas se finir comme ça, gémit-elle, la voix tremblante. Ils... peu importe qui ils sont, ils ne peuvent pas faire ça. Il doit bien y avoir un moyen, non ? Et si... et si... peut-être qu’elle peut changer ? Peut-être qu’avec le temps... elle changera et...

Elysia l’interrompit d’un doigt sur les lèvres avant de glisser fermement ses bras autour de sa taille.

— C’est dans sa nature Kat, rien ni personne ne pourra changer ça.

— Alors tu baisses les bras.

Elysia détourna les yeux. Même si elle savait que pour elle, tout s’arrêterait là, l’idée lui était quand même insupportable. Kat était la femme qu’elle aimait, elle faisait partie d’elle, et le simple fait de savoir qu’elle devait la laisser à nouveau alors qu’elle venait tout juste de la retrouver... elle avait l’impression qu’on venait de lui arracher le cœur à mains nues pour le piétiner à même le sol.

Mais elle savait aussi qu’elle avait une mission à remplir. Son rôle était d’aider Kat, et même si son corps tout entier lui hurlait de rester, c’était ce qu’elle comptait faire. Peu importe où elle atterrirait, elle veillerait sur Kat à chaque instant dans l’espoir de rendre sa vie un peu plus belle jour après jour. 

C’était sa priorité.

— J’ai juste choisi d’accepter l’inévitable, répondit-elle en venant caresser doucement la joue de Kat, les yeux humides. J’ai besoin que tu fasses pareil, Kat.

— Non, renifla Kat en secouant frénétiquement la tête. J’ai besoin de toi... ici... auprès de moi. Qu’est-ce que je vais devenir si tu n’es plus là ?

Des larmes coulèrent le long de ses joues et Elysia se mordit l’intérieur de la lèvre dans l’espoir de refouler le sanglot qu’elle sentait monter en elle. Elle relâcha finalement un soupir tremblant.

— Tu vivras, et tu seras heureuse. Comme tu aurais dû l’être dès le début. J’y veillerai.

— Ce sont des conneries et tu le sais aussi bien que moi ! s’énerva Kat. Ce qu’on a partagé ces derniers jours, ça ne signifie rien pour toi ?

Elysia cligna des yeux, surprise par la question inattendue.

— Quoi ? souffla-t-elle. Si, bien sûr que si.

— Pourquoi est-ce que tu fais ça, alors ? demanda Kat tandis que la colère la quittait pour simplement laisser place au vide et à la douleur. Pourquoi est-ce que tu baisses les bras comme ça ?

Elysia secoua frénétiquement la tête.

— Parce que même si ça me fait du mal de le dire, on n’a pas le choix, Kat. Tu ne seras jamais en sécurité tant qu’Elyana sera en vie.

— Tu as dit que tu avais fait tout ça pour me rendre heureuse, répondit Kat d’une voix douloureuse. Je ne le serais jamais si tu pars.

Elysia s’essuya les joues.

— Si, tu le seras, assura-t-elle en reniflant. Tu te souviendras de moi. De nous. Et de tous les bons moments qu’on a passés ensemble. Mais tu ne seras jamais triste. Au contraire. Parce que tu sauras, au fond, que même si je ne suis plus à tes côtés, je serais toujours dans ton cœur. Je n’ai peut-être plus mes pouvoirs, mais j’ai tout fait pour t’offrir au moins ça. Tu mérites d’être heureuse, Kat. Et tu le seras. Avec ta sœur, tes amis, et moi, ajouta-t-elle en posant une main sur la poitrine de Kat.

Kat secoua la tête, puis encadra son visage de ses mains et plongea son regard dans des yeux pers emplis d’intelligence, de vie, et d’une incroyable sagesse.

— Mais je ne veux pas vivre à travers des souvenirs, Ely. Je te veux toi. La vraie toi.

Elysia ferma les yeux avant de murmurer douloureusement.

— C’est impossible.

Kat se rapprocha jusqu’à ce que leurs lèvres se touchent.

— Si, s’il te plaît, Ely, supplia-t-elle. Reste avec moi.

Elysia sentit ses dernières résistances céder et elle plongea sur ses lèvres, l’embrassant avec urgence et désespoir. Du coin de l’œil, elle supplia Mysa de faire ce qui devait être fait puis ralentit progressivement le baiser pour simplement coller son front contre celui de Kat. Des mains étrangement familières vinrent encercler son cou par derrière et elle ouvrit les yeux pour les plonger dans ceux de Kat, un sourire paisible étirant ses lèvres malgré la tristesse qui l’habitait.

— Je t’ai aimée, Kat. De tout mon cœur. Ne l’oublie jamais.

Elle l’embrassa une dernière fois avant d’ajouter.

— Sois heureuse. Tu le mérites.

Les mains resserrèrent leurs étreintes autour de sa nuque et elle supplia silencieusement Kat de lui pardonner du regard. Un craquement sec retentit, et Kat observa, horrifiée, le corps inerte d’Elysia s’affaisser sur le sol, levant des yeux ébahit vers une Elyana au sourire démoniaque sur les lèvres.

Sous le choc, Kat se laissa simplement tomber à genoux avant d’attirer le corps d’Elysia contre elle. Une main sur sa poitrine lui fit comprendre que son cœur ne battait plus et elle gémit aussitôt de douleur, ses mains la secouant frénétiquement dans l’espoir de la voir se réveiller d’une minute à l’autre.

Elle n’entendit pas les railleries qui s’élevaient au-dessus d’elle, ne sentit pas les doigts qui entrèrent en contact avec ses tempes.

Progressivement, Mysa effaça de son esprit chacune des révélations qu’Elysia lui avait faites sur leur monde.

Et progressivement, Elysia et son double maléfique disparurent.

3 septembre 2015

Chapitre 21

Les images défilèrent devant ses yeux. Des souvenirs par dizaines, à la fois joyeux et malheureux, résumant son passage sur Terre : ses parents lors de l’un des premiers halloweens auquel elle avait assisté, déguisés eux aussi après l’un de ses caprices ; son premier béguin qui fut également son premier chagrin d’amour ; sa passion pour la danse ; sa rencontre avec Dean, visiblement éméché, tout comme elle se soupçonnait de l’être elle aussi vu le côté assez trouble du souvenir ; son premier travail, puis les images s’accélérèrent encore avant de ralentir soudainement, lui dévoilant des scènes dont elle n’avait pas le moindre souvenir, mais qui comprenaient toutes la seule et même personne.

Kat.

La première dépeignait l’ambiance d’une boîte de nuit, d’une danse rapidement suivie par un tête à tête dans une chambre d’hôtel qui la fit aussitôt rougir malgré la furtivité du passage. S’ensuivit ensuite une succession de baisers, de sourires, de mains tenues tandis que les saisons défilaient en arrière-plan, lui faisant comprendre que leur histoire avait duré un moment. Puis les images ralentirent à nouveau, prenant une tonalité différente, plus sombre, plus étouffante et elle ne put retenir le frisson qui la parcourut. Le noir dominait, il était omniprésent. La peur, la tristesse, la solitude. Les cris qui retentissaient, le bruit du métal qui se tordait, l’eau qui montait, encore et encore. Puis il y avait la panique, la lutte, la peur, avant de laisser place aux forces qui s’amenuisaient, à la résignation, puis au noir total.

Elle était morte.

La prise de conscience eut à peine le temps de se frayer un chemin dans son esprit que les images reprirent, insupportables. Le manque, la peine, la douleur sur les visages de ses proches. La vision lui fut tellement insupportable qu’elle se roula aussitôt en boule. Mais les images ne s’arrêtèrent pas là, elles continuèrent, plus cruelles encore. Le vide, l’eau à nouveau, les cendres, et lorsqu’un visage lui apparut enfin, elle ne put retenir un gémissement. C’était Kat, elle parlait, mais Elysia ne l’entendait pas. Puis elle s’avançait, encore et encore, jusqu’à disparaître sous les vagues, rendant presque son dernier souffle et Elysia supplia quiconque lui faisant subir ces horreurs d’arrêter, que s’en était trop, qu’elle ne le supportait plus.

Des hurlements lui parvinrent, comme étouffés, et elle réalisa avec stupeur qu’ils venaient d’elle, qu’elle pleurait à chaudes larmes et qu’on la secouait frénétiquement. Ses yeux s’ouvrirent d’un coup, et il lui fallut un instant pour réaliser où elle se trouvait. Sa chambre lui apparut, plongée dans une semi-obscurité. Les draps étaient éparpillés sur le sol et elle était complétement nue, recroquevillée sur elle-même. Des mains enserraient douloureusement ses bras et lorsqu’elle tourna la tête, elle se retrouva aussitôt happée par des yeux bruns emplis d’inquiétude, de confusion et de crainte.

Et puis, tout lui revint. Elysia, sa mission, sa vie en tant que Lucy, ces souvenirs qu’on avait volontairement effacé de sa mémoire, Kat...

Kat.

Ses mains vinrent encadrer son visage, hésitante, tandis qu’une nouvelle vague de larmes s’emparait d’elle :

— Tu as tenté de te suicider, lâcha-t-elle dans un hoquet, la poitrine serrée face à la douleur que lui procurait le simple fait de prononcer ces paroles.

Kat se figea, puis baissa les yeux, comme si elle avait honte. Son visage se déforma en une grimace où se mélangeait douleur et chagrin avant qu’elle ne lâche dans une voix emplie de désespoir :

— Et tu es morte.

Ses paroles, de même que ses sanglots, transpercèrent Lucy de toute part et elle se sentit incapable de quoi que ce soit d’autre que de la serrer fort contre elle et lui murmurer des mots de réconfort au creux de l’oreille. Elle ne sut combien de temps elles restèrent ainsi, mais ni l’une ni l’autre ne s’éloigna une fois que Kat eut retrouvé un semblant de calme. Puis, un murmure, trop faible pour qu’Elysia ne puisse le comprendre, lui parvint et elle fronça les sourcils, confuse.

— Qu’est-ce que tu as dit ? demanda-t-elle en relevant doucement le visage de Kat afin de croiser son regard.

La crainte qu’elle y avait perçue tout à l’heure était de nouveau présente et elle caressa ses joues dans l’espoir de la faire disparaître.

— Prouve-moi... prouve-moi que c’est bien toi, répéta Kat, un peu plus fort.

Elle a peur que je disparaisse à nouveau alors qu’elle vient tout juste de me retrouver, réalisa soudainement Lucy avec horreur, priant aux larmes qu’elle sentait de nouveau monter de bien vouloir disparaître. Quelques secondes s’écoulèrent et elle se racla légèrement la gorge avant de l’observer à nouveau.

— Mon apparence ne te suffit pas ? sourit-elle doucement dans l’espoir d’alléger l’atmosphère.

Kat secoua légèrement la tête.

— On ne... on ne se métamorphose pas comme ça..., ça n’existe pas, murmura-t-elle, les yeux dans le vague, l’air si perdu que Lucy la serra aussitôt de nouveau contre elle.

— D’accord, laisse-moi réfléchir cinq secondes alors...

Elle chercha parmi les souvenirs qu’elles avaient en commun, essayant d’en trouver un qui prouverait non seulement à Kat que c’était bien elle, mais qui surtout lui enlèverait cet air si perdu et apeuré qui ne semblait pas vouloir la quitter.

— O.K., j’ai trouvé, déclara-t-elle finalement en se redressant légèrement de manière à pouvoir voir son visage. Tu te souviens de notre rencontre ?

Lucy savait que cela devrait la rassurer, il n’y avait eu qu’elles, et personne d’autre ne pouvait en avoir connaissance.

— Dans la bibliothèque ?

Lucy fronça aussitôt les sourcils, confuse.

— Non... je pensais à la boîte de nuit, répondit-elle, avant de réaliser que Kat se jouait d’elle.

Elle sourit.

— Je vois, tu me testes ?

Une légère coloration remonta progressivement le long de ses joues et Kat baissa les yeux avant de l’observer à nouveau.

— Excuse-moi, c’est juste que toute cette histoire est tellement...

— Je sais, la rassura Lucy en posant un doigt sur ses lèvres qu’elle caressa légèrement. Je comprends.

La douceur de sa peau détourna son attention un instant et ce fut seulement lorsqu’elle vit Kat sourire qu’elle se souvint que son petit récit était attendu. Elle se racla maladroitement la gorge, rougissant à son tour.

— Hum, alors, mon souvenir de ce soir-là, c’est que tu m’as emmenée à l’hôtel, commença-t-elle en lui offrant un regard taquin, ravie de voir un sourire à la fois amusé et embarrassé apparaître sur les lèvres de Kat. Et que nous avons fait l'amour pendant presque toute la nuit.

Sa rougeur s’accentua et Lucy déposa un petit baiser sur son nez avant de poursuivre.

— Puis je t’ai murmuré une phrase à l’oreille.

Kat releva soudainement la tête et Lucy sut aussitôt qu’elle se souvenait très bien de ce à quoi elle faisait référence, et qu’elle avait toute son attention. Alors, comme cette nuit sept ans plus tôt, elle se pencha légèrement vers son visage, jusqu’à appuyer sa joue contre la sienne, et lui souffla :

— Dis-moi comment il t'a fait du mal, et je te le ferai oublier.

Un hoquet lui parvint aussitôt et Lucy se recula légèrement de manière à appuyer son front contre celui de Kat, et plonger son regard dans ses yeux humides.

— Tu as tout d’abord refusé, sourit-elle doucement. Me divulguer de si horribles détails t’était inimaginable. Mais je t’avais offert un plaisir tel qu’il t’avait rapidement semblé inutile de me cacher quoi que ce soit. Alors, tout doucement, tu as commencé à me murmurer tes aveux, et, à chaque fois, je répétais exactement les actes et gestes qui t’avaient tant bouleversé. Mais avec moi, tout était différent. Ce qui, sous les mains de cette brute, n'avait été qu'une punition humiliante, était devenu avec moi un plaisir infini. Tu me murmurais un détail, puis un autre, et j’effaçais l'immonde souvenir, te caressant jusqu'à ce que ton corps oublie les gestes qui t’avaient offensé — et ne se rappelle plus que les miens.

Ses yeux se fermèrent et Lucy garda pour elle le plaisir qu’elle avait ressenti à simplement la regarder, à la toucher, à lui faire l’amour. Mais ce qui avait fait redoubler d’intensité le feu qui avait brûlé en elle, c’était lorsque la sensualité ouverte et naturelle de Kat était de nouveau apparue, la rendant à son tour heureuse de l’attention qu’elle lui portait, de la sentir aussi absorbée par la texture de sa peau, la rondeur de ses seins, la fermeté de son ventre avant de l’explorer de haut en bas et la noyer sous un plaisir sans cesse renouvelé.

— Je t’aimais déjà, ce soir-là.

Son murmure lui parvint et Lucy rouvrit aussitôt les paupières, peu sûre d’avoir bien compris.

— Quoi ? chuchota-t-elle à son tour, comme si elle avait peur de briser la magie de l’instant en haussant la voix.

— Je le sais maintenant, à l’instant même où tu es entrée dans cette boîte de nuit et m’a accordé cette danse, je suis tombée amoureuse de toi. J’ai ressenti ton essence même, ta force et ta douceur avant même d’avoir la chance de voir ce à quoi tu ressemblais réellement. Je sais que cette nuit a créé un lien entre nous, un lien de chair bien plus intense que ce que je n’aurais jamais pu imaginer. Mais même avant ça, je ressentais déjà quelque chose. Si tu avais été quelqu’un d’autre, jamais je ne t’aurais demandé une faveur aussi intime.

Ses mains vinrent à son tour encadrer le visage de Lucy et un air réfléchi prit place sur ses traits, formant une petite ride entre ses sourcils. Puis, aussi rapidement qu’il était apparu, il disparut pour laisser place à quelque chose de plus posé, plus serein. Paisible.

— Je te dois la vie, et t’en serais pour toujours reconnaissante. Même si je ne comprends absolument pas ce qui est en train de se passer.

Un rire s’échappa des lèvres de Lucy malgré la vague d’émotion qui venait soudainement de s’emparer d’elle face à ses paroles, et elle l’embrassa longuement sur le front avant de la serrer contre elle.

— Je sais que ça doit te semble surréaliste, mais tu dois me faire confiance, Kat. Je te promets que tout ira bien.

— Je t’aime.

Lucy sourit. Ce n’était sûrement pas la réponse à laquelle elle s’était attendue, mais elle n’allait certainement pas s’en plaindre.

— Je t’aime aussi.

— Et Elysia ? Qui... où...

Sa question la prit de court et Lucy réfléchit un instant, avant d’opter pour une réponse simple.

— C’était moi, sans tous mes souvenirs de nous.

Pour toute réponse, Kat l’embrassa avec amour, des larmes de joie coulant le long de ses paupières.

31 août 2015

Chapitre 20

Elysia salua une dernière fois ses invitées de la main puis referma la porte avant de prendre appui contre le battant, un profond soupir s’échappant de ses lèvres

— Bon sang, qui aurait pu imaginer qu’organiser une soirée entre filles pouvait demander autant d’énergie ? gémit-elle en se passant une main sur le visage.

Le sourire aux lèvres, Kat l’attira contre elle, un frisson la parcourant quand Elysia laissa courir ses ongles le long de son dos dans un contact taquin.

— Peut-être, mais au moins, tout est rentré dans l’ordre. Tu devrais être fière.

— Hmm, c’est vrai, admit Elysia, déposant un léger baiser dans le cou de Kat avant de relever la tête. Ça valait la peine de passer au travers de tout ça, pas vrai ?

— J’admets. Même si ça n’a pas forcément été facile, je suis quand même contente qu’on l’ait fait.

Le sourire d’Elysia s’agrandit et elle glissa ses mains dans les poches arrière du bermuda de Kat avant de déclarer d’un ton nonchalant :

— Mathilde est partie avec ta voiture et les clés de ton appartement.

Kat sourit, ayant une petite idée d’où Elysia voulait en venir.

— Exact.

— Alors... qu’est-ce que tu dirais d’aller se coucher maintenant et de ne pas quitter la chambre avant... disons... dimanche soir au plus tard ?

Pour toute réponse, Kat souleva délicatement Elysia dans ses bras et la porta jusqu’à la chambre.

— J’en dis que tu es une petite dévergondée, taquina-t-elle.

Elysia l’embrassa aussitôt au coin des lèvres.

— Et moi j’en dis que vu où tu me conduis, tu l’es tout autant que moi, dit-elle en lui mettant une petite tape sur le bout du nez.

Kat sourit, amusée.

— Possible.

La porte de la chambre lui apparut enfin et elle en profita pour voler un baiser à Elysia avant de la déposer au pied du lit. L’espièglerie avait laissé place à quelque chose de plus intense et quand Kat remarqua l’amour avec lequel Elysia la regardait, elle sentit aussitôt ses entrailles se réchauffer de la manière la plus douce qui soit.

Elle embrassa Elysia sur le bout du nez avant de prononcer :

— Je t’aime.

Elysia ferma aussitôt les yeux de contentement, puis caressa la joue de Kat avant de murmurer :

— Et je t’aime.

Kat lui répondit en entourant sa taille de ses bras avant de s’emparer de ses lèvres, le corps brûlant d’anticipation. Elle sentit les doigts d’Elysia venir déboutonner son bermuda et elle la débarrassa de sa belle robe d’été, leurs corps s’enlaçant sur le lit avant même que leurs vêtements n’aient eu le temps de toucher le sol.

Kat se sentit trembler de tout son être, enivrée par l’effet que les mains habiles d’Elysia avaient sur elle. De ses lèvres, Kat redécouvrit la douceur de sa peau, la plénitude de ses seins gonflés, la fermeté de son ventre satiné, puis descendit jusqu’à trouver son intimité, et elle sentit le corps sous elle se mettre à frissonner, puis à onduler, pour enfin se tendre sous l’effet de l’orgasme.

Un sourire satisfait sur les lèvres, Kat posa sa joue contre la cuisse d’Elysia et la couvrit d’un regard tendre tandis que cette dernière retrouvait progressivement ses esprits. Ce n’était pas la première fois qu’elles s’aimaient comme ça, et pourtant, Kat savait qu’elle ne s’y habituerait jamais. Pas quand le spectacle qui s’offrait à elle était aussi pur, aussi beau et aussi intense.

Elle déposait finalement un baiser contre la peau douce avant de remonter le long du corps Elysia, quand quelque chose attira son attention. Là, à l'intérieur du « v » de ses cuisses, juste sur la droite, se trouvait un minuscule tatouage. Si petit qu’il était impossible de le remarquer immédiatement, à moins de vraiment regarder.

Au-dessus d’elle, du mouvement lui parvint, et Kat devina qu’Elysia venait de relever la tête, se demandant très certainement pourquoi elle avait arrêté de bouger.

— Amour..., qu’est-ce que-tu fais ? demanda Elysia, à la fois gênée et amusée.

Kat aurait pu répondre, si elle avait eu la moindre idée de ce qui se passait. Ce tatouage, ces quatre caractères chinois entremêlés les uns avec les autres, elle savait très bien ce qu’ils signifiaient.

Mon Amour, Ma Tigresse

Dans un tout autre contexte, l’association de ces deux termes l’aurait indéniablement fait rire, s’ils ne lui rappelaient pas la dernière personne sur laquelle elle les avait vus.

 

Sept ans plus tôt

Le regard de Kat s’évada autour d’elle depuis sa place au pied du lit. C’était la première fois qu’elle se retrouvait dans une chambre d’hôtel, et elle devait bien admettre qu’elle était plutôt surprise. Elle qui s’était attendue à quelque chose de sombre et miteux comme on le voyait souvent dans les films, c’était justement tout le contraire qui l’avait accueillie, tant la pièce était spacieuse et très charmante avec ses tons crèmes doux et apaisants.

Pourtant, la seule question qui tournait dans sa tête depuis plusieurs minutes déjà, c’était : mais qu’est-ce que je fabrique ici ?

Elle l’avait voulu, pourtant. Elle en était l’instigatrice. Mais maintenant qu’elle y était... elle était terrorisée.

Un soupir d’aise lui parvint et elle reporta son intention sur la jeune femme allongée à ses côtés, le dos en appui contre les oreillers. Ses paupières mi-closes lui donnaient un air endormi, et son torse quasi nu dévoilait aux yeux de Kat des courbes charnelles qui la mettaient étrangement mal-à-l’aise. 

Une main se posa sur la sienne et Kat sursauta avant d’entourer sa taille de ses bras.

— Woah, souffla la jeune femme, surprise. Désolée..., tu semblais ailleurs depuis tout à l’heure. Ça va ?

— Oui, répondit aussitôt Kat en hochant la tête, se giflant intérieurement pour sa réaction exagérée.

La jeune femme la regarda, intriguée, avant de descendre du lit.

— On a un minibar, tu veux quelque chose ?

— Non merci, ça va, répondit Kat tout en prenant à son tour appui contre les oreillers.

La jeune femme haussa les épaules, l’air de dire « comme tu veux » puis s’accroupit afin de fouiller dans le minuscule frigo. Elle en sortit quelque chose avant de rejoindre Kat sur le lit.

— Tiens, regarde, sourit-elle en lui tendant une bouteille.« Sex-appeal — boisson aphrodisiaque », ça te dit ?

Kat ne sut si c’était le nom ou le regard empli de sous-entendus que la jeune femme lui offrait, mais elle se sentit rougir malgré elle.

— Euh, non merci. Je suis pas trop alcool.

— O.K.

Le bouchon craqua et la jeune femme le dévissa rapidement avant d’en boire une gorgée, s’essuyant ensuite la bouche d’un revers de main.

— Hmm, ronronna-t-elle. Coco et fraise, t’es sûre que tu veux pas essayer ?

— Certaine, sourit faiblement Kat tout en levant intérieurement les yeux au ciel.

Oh bon sang, elle va me prendre pour une vraie coincée.

La jeune femme l’observa à nouveau, intriguée, avant de déposer la bouteille sur la table de nuit puis s’approcher d’elle. Ses lèvres se posèrent sur la joue de Kat et cette dernière sentit des mains venir jouer avec l’ourlet de son t-shirt alors que l’inconnue se rapprochait petit à petit de sa bouche. Son souffle s’accéléra, en rythme avec les battements de son cœur, et bien vite, leurs lèvres se rencontrèrent dans une succession de petits baisers. Kat vint glisser ses mains dans les boucles brunes de son inconnue avant de soudainement se figer lorsqu’elle sentit les doigts de cette dernière passer la barrière de son haut et venir frôler la peau de son ventre. La jeune  femme se recula.

— Ça va ? demanda-t-elle, l’air concerné. Je ne t’ai pas fait mal, si ?

Kat secoua négativement la tête mais resta silencieuse, trop embarrassée et énervée contre elle-même pour répondre. 

— C’est... c’est ta première fois ? continua la jeune femme après une légère hésitation.

Kat releva subitement la tête, surprise, avant de lâcher un rire nerveux qui se transforma rapidement en sanglots malgré elle. Je suis pathétique, pensa-t-elle avec dépit.

— Non, répondit-elle enfin, les yeux humides. Laisse tomber, je suis désolée, poursuivit-elle en descendant du lit. C’était une mauvaise idée.

— Non, attends, l’interrompit la jeune femme en posant une main sur son bras. Hé, ça va. On n’est pas obligées de... enfin, si tu as besoin de parler, je peux faire ça aussi, tu sais ?

Son ton était empli de douceur et lorsque Kat tourna la tête dans sa direction, elle réalisa que son visage l’était aussi. Elle hésita un instant avant de s’essuyer les yeux d’un revers de main puis se réinstaller contre les oreillers. Une main se glissa dans la sienne et la jeune femme l’observa d’un air concerné.

Kat se racla la gorge.

— Il n’y a pas grand-chose à dire, en fait, répondit-elle finalement.

— C’est pas ta première fois, alors ?

Kat secoua négativement la tête.

— Non.

— D’accord, acquiesça doucement la jeune femme. Alors, si c’est pas...

— J’ai été violée.

Les mots l’échappèrent et Kat sentit aussitôt la jeune femme se figer, puis la vit cligner des paupières à plusieurs reprises.

— Oh, articula-t-elle enfin. Je..., c’est..., je suis désolée, enfin...

— Ça va, la coupa Kat. T’embête pas, je sais qu’il n’y a pas grand-chose à répondre face à ça.

La jeune femme lui offrit un air désolé et au vu de sa main qui tripotait nerveusement la couette sur laquelle elles étaient assises, Kat sut qu’elle était mal à l’aise.

— Écoute, je ferais mieux de rentrer, commença-t-elle en se redressant. Tout ça ne rime à rien et —

— Non, l’interrompit à nouveau la jeune femme avant d’afficher un sourire embarrassé. Je me sens un peu bête maintenant, je ne voulais pas..., enfin, si je t’ai mis la pression où...

— C’est moi qui t’ai proposée de venir ici, lui rappela aussitôt Kat.

La jeune femme se mordit la lèvre.

— C’est vrai, admit-elle. Alors pourquoi..., je veux dire, si...

— Pourquoi t’emmener ici si je ne peux même pas aller plus loin qu’un simple baiser ? répondit amèrement Kat avant d’abaisser son regard vers leurs mains toujours liées.

En vérité, depuis les humiliations et la douleur subies aux mains de son ravisseur, partager son intimité avec quelqu’un d’autre lui était devenu tout simplement impossible. Mais une part d’elle refusait de donner à ce monstre la satisfaction qu’il attendait. Elle ne voulait pas le laisser gagner. Elle ne voulait pas le laisser lui prendre ça aussi.

Son inconnue, sans le savoir, avait fait revivre en elle des émotions qu’elle pensait perdues à jamais. Et ce à travers un simple regard, un simple sourire, un simple frôlement de la main sur la sienne. Avant même d’en avoir conscience, Kat s’était sentie réagir à sa présence. Et, plus important encore, elle était l'exact opposé du misérable qui s’était tellement amusé à abuser d’elle.

Kat voulait que son inconnue l’aide à retrouver cette part d’elle qui lui avait été volé.

— Je ne veux pas que ma dernière fois soit un viol, répondit-elle enfin, la voix légèrement tremblante avant de lever vers la jeune femme un regard embué. Je ne veux pas lui donner cette satisfaction. Je voulais que tu me fasses l'amour.

Son inconnue l’observa, l'expression de ses yeux clairs s'adoucissant ostensiblement pour devenir plus chaleureuse, et Kat fut surprise de la voir se déplacer pour s’étendre de tout son long à côté d’elle. Le regard qu’elle lui offrit ensuite lui coupa un instant la respiration, tant Kat réalisa que la jeune femme avait compris ce dont elle avait réellement besoin avant qu’elle-même ne le réalise.

Son inconnue s'offrait entièrement à elle, comprenant mieux qu’elle-même les émotions qui l’habitaient et qui l’avaient poussée à se diriger vers elle dans cette discothèque, puis à lui faire cette demande peu commune. Son ravisseur lui avait volé son libre arbitre, et cette femme, cette inconnue, avait décidé de le lui rendre. Kat avait été violentée, déshabillée, humiliée, impuissante à se défendre, et cette jeune femme lui offrait un contrôle total, tout en la rassurant.

Kat réalisa qu’elle n'aurait pas aimé se retrouver étendue sous elle, comme soumise. Elle voulait pouvoir contrôler le don de son corps ; faire les choses à sa manière ; être celle qui décidait du quand, du comment. Celle qui tenait les reines et dirigeait.

Elle s'agenouilla aux côtés de son inconnue tout en frémissant d’impatience. Sa peau, nue et laiteuse, attira ses mains comme un aimant. Dans une impulsion qui lui fit oublier sa nervosité, Kat vint caresser son estomac d'un geste avide avant de remonter un peu plus haut. Le cœur battant, ses doigts suivirent avec fascination le sillon de ses côtes, savourant la faible musculature et la dureté des os.

Lorsque sa main remonta vers la poitrine de la jeune femme, Kat réalisa que son cœur battait rapidement et que sa respiration était saccadée. Ses yeux remontèrent brièvement vers son visage et Kat se retrouva aussitôt prisonnière de ses iris bleus brûlants d’envie et d’une bouche légèrement entrouverte. Les signes du désir chez une femme ne lui étaient pas inconnus, pourtant, elle ne put s’empêcher d’en être surprise, parce qu’elle n'avait pas du tout envisagé cette possibilité dans la proposition qu’elle avait faite à son inconnue.

Kat retira ses mains tout en rougissant furieusement.

— Désolée, répondit aussitôt la jeune femme dans un sourire. Mais tes caresses sont loin de me laisser insensible ; ce doit être l’aphrodisiaque.

Son ton était léger, un peu taquin, et Kat ne put s’empêcher de rougir davantage. Doucement, elle écarta les mains de son inconnue et les remonta de chaque côté de sa tête avant de croiser son regard, et à nouveau, elle sut qu'elle comprenait. C’était à Kat de prendre toutes les décisions, à chaque étape. Elle la sentit se détendre puis réalisa qu’elle avait fermé les yeux, lui arrachant un faible sourire. Une fois encore, son inconnue avait compris ce qui était le mieux pour elle avant même qu’elle-même ne le réalise : il lui était plus facile d'agir si elle ne la regardait pas.

Sans se donner le temps de réfléchir, Kat tendit une main et détacha l’unique bouton du pantalon de son inconnue avant d’abaisser la fermeture. Un string en dentelle de couleur noire lui apparut aussitôt et elle glissa ses mains sous l’élastique avant de commencer à le faire descendre, lui et le pantalon, le long des jambes de la jeune femme. Cette dernière souleva les hanches pour l'y aider.

— Je peux savoir ton prénom..., murmura-t-elle, les yeux toujours clos, ...maintenant que tu m’as mise à nue ?

Kat ne put retenir un sourire malgré sa nervosité.

— Kat, répondit-elle, tout en caressant les cuisses fermes à proximité.

Un frisson de plaisir inattendu la traversaau contact de cette peau douce et ferme et elle tira un peu plus fort sur les vêtements, avant de les faire disparaître.

— Kat... c’est un joli prénom, j’aime beaucoup.

Kat rougit légèrement à nouveau.

— Merci. Et toi ?

— Lucy, souffla la jeune femme tout en repositionnant ses jambes sur la couverture.

La main de Kat remonta vers les seins de Lucy et, avec son aide, elle retira le dernier rempart à sa nudité avant de laisser son regard glisser sur son corps nu, le long de ses courbes harmonieuses, avant de s’arrêter sur sa fine toison déjà luisante de plaisir.

Attirée comme un aimant, Kat tendit une main pour la toucher d’un doigt, un léger frôlement qui poussa aussitôt Lucy à sursauter et à prendre une inspiration soudaine. Sa réaction surprit Kat et elle se crispa d'émotion avant qu'une chaleur brûlante n’émerge des profondeurs son corps et ne l’aide à se détendre. Ses doigts s’attardèrent un court instant dans les boucles brunes de sa toison finement taillée avant de descendre un peu plus bas, dans une intimité brulante.

La chaleur qui l’accueillie, la douceur soyeuse, et le fruit du désir qui inondait ses doigts enivra aussitôt Kat et elle réalisa qu’elle ne voulait plus attendre. Elle voulait faire l'amour. Elle avait besoin de faire l’amour, de partager enfin ce moment si particulier, si intime par plaisir, et non par violence.

D'un geste soudain, elle se redressa et se débarrassa de son propre jean et sous-vêtement avant d’enjamber le corps de Lucy et se mettre à califourchon sur elle. Cette nouvelle position lui procura une sensation à la fois intense et merveilleuse et elle frissonna lorsque Lucy écarta un peu plus les jambes, l’invitant à mieux unifier leurs centres. Au premier effleurement, le contact presque brûlant poussa Kat à se relever presque instinctivement et elle haleta face à la crispation presque douloureuse que ce bref contact avait provoquée entre ses jambes, comme un vide ayant besoin d'être comblé.

Si elle s’était crue prête, son corps, lui, paniquait encore un peu devant la menace d’une pénétration étrangère, tout en le désirant farouchement. Doucement, elle se rabaissa, avant de venir chercher l’une des mains de Lucy et la mener entre leurs deux corps. Les doigts de cette dernière vinrent aussitôt frôler son petit bouton et elle prit une inspiration soudaine avant de la guider un peu plus bas.

— S’il te plaît...

Lucy ouvrit lentement les yeux et Kat sentit sa respiration se couper face au brasier qui brûlait en eux. Son inconnue porta sa main libre à sa joue et très doucement, la caressa de ses doigts infiniment tendres. Puis elle descendit le long de sa gorge, jusqu'à son t-shirt où elle s'attarda un moment, effleurant un sein après l’autre, avant de descendre jusqu’à la jointure de ses cuisses.

— Ça ne peut pas marcher si tu es trop tendue, murmura-t-elle du bout des lèvres sans la quitter des yeux.

Sa caresse fut aussi légère qu'une plume, la touchant doucement, l'apaisant, tandis que ses doigts taquinaient légèrement son entrée. Kat ferma les yeux pour mieux ressentir les effleurements de cette main qui la caressait si délicieusement, lui offrant une sensation qui ne lui était pas nouvelle, mais que l’horreur lui avait fait oublier. Les doigts de Lucy accentuèrent petit à petit leur pression et Kat ressentit un plaisir intense la parcourir, un gémissement s’échappant de ses lèvres tandis qu’elle commençait à onduler des hanches afin de revivre la douce sensation à nouveau. Bien vite récompensée, une danse subtile et sensuelle commença entre elles, le corps de Kat ondulant dans un rythme ancien, avançant et reculant comme les vagues de l'océan tandis que Lucy la guidait et qu’elle la suivait.

Le regard brûlant de passion, Lucy modifia elle aussi ses caresses, accentuant davantage sa pression entre les jambes de Kat, attisant son petit bouton, faisant inexorablement monter le plaisir. Kat avait si chaud qu’elle avait l’impression de brûler de désir, d’envie et de passion. Sa peau brillait de transpiration et elle pouvait sentir la vague de jouissance monter en elle, incontrôlable. Avec un gémissement rauque, elle se pressa contre Lucy et se mordit les lèvres pour ne pas crier quand cette dernière délaissa son petit bouton d’amour pour poser sa main sur ses fesses, la pressant encore plus contre elle et accentuant ses mouvements

Le gémissement qui monta en elle provoqua néanmoins un faible sourire chez Lucy, et Kat se redressa à nouveau, se perdant dans une joie primitive et sensuelle. Lucy continua à la caresser, à la guider même si elle n'en avait plus besoin. Elle bougea sur elle, de plus en plus vite, la prenant de plus en plus profondément et continua jusqu’à ce que son ventre se noue et qu’elle eut l’impression qu’elle allait exploser. Elle se figea tout en gémissant, et Lucy la saisit soudainement par la taille tout en s'enfonçant encore plus en elle. La sensation fut électrisante et presque trop intense. Un éclair de jouissance la traversa et Kat explosa, un cri d'extase que rien n'aurait pu étouffer s’échappant de ses lèvres.

Peu à peu, l'orage se calma et elle s’écroula sur Lucy, affaiblie et tremblante. Cette dernière la serra aussitôt contre sa poitrine avant de glisser ses bras autour d’elle tandis que Kat sanglotait à moitié, la respiration saccadée.

— Ça va ? murmura finalement Lucy, ses mains caressant son dos dans des gestes apaisants.

— Oui, répondit Kat, la gorge serrée. C’est juste... je ne pensais pas que ce serait aussi agréable.

Les lèvres de Lucy se posèrent sur son front et Kat resta là, allongée sur elle, la tête nichée au creux de son cou. Les battements de son cœur et son odeur, douce et chaude, lui parvinrent et elle réalisa qu’elle se sentait parfaitement à l’aise, sur elle, dans cette chambre d’hôtel. Mieux protégée qu’elle ne l’avait jamais été.

Pourtant, elle ne connaissait rien de sa vie. Elle ignorait son âge, d'où elle venait, ce qu'elle aimait manger, lire ou regarder à la télévision. Ni même si elle avait quelqu’un dans sa vie ou non. Et pourtant...

Kat écarquilla soudainement les yeux. Oh mon Dieu, je ne le lui ai même pas demandé si elle avait quelqu’un dans sa vie ! Elle se sentit soudainement nauséeuse. Si Lucy était déjà engagée dans une relation, alors elle n’était pas la femme qu’elle croyait, et elle venait tout juste de commettre la plus belle erreur de sa vie. Elle ne pourrait pas supporter d'entendre qu'elle lui avait fait l'amour par pitié.

Un soupir s’échappa de ses lèvres. Elle pouvait bien évidemment fermer les yeux et faire comme si la pensée soudaine qu’elle venait d’avoir ne s’était pas immiscée dans son esprit, mais elle savait au fond que si elle avait commis une erreur monumentale, elle voulait en être au courant.

— Lucy... hum, tu as quelqu’un ? demanda-t-elle tout à coup.

Kat s’attendit à la sentir se tendre, mais au contraire, Lucy resta étalée sous elle, parfaitement relaxée tandis qu’une de ses mains remontait le long de son dos jusqu'à sa nuque qu'elle caressa doucement.

— Non, j’ai même récemment divorcé, répondit-elle enfin d’une voix calme avant de sourire contre sa tête. Tu peux rentrer tes griffes.

Surprise, Kat réalisa que ses ongles s’étaient légèrement enfoncés dans son épaule et elle retira vivement ma main.

— Pardon, balbutia-t-elle, gênée. Je ne voulais pas te faire mal.

Lucy l’embrassa sur le front.

— Il n’y a pas de mal, tigresse, la taquina-t-elle aussitôt, les yeux brillants.

— Tigresse ? s’étonna Kat avant de secouer la tête d’amusement. Je ne suis pas une tigresse.

Lucy glissa sa main libre sous le haut que Kat portait toujours pour venir caresser ses fesses nues et elle ronronna à son oreille :

— Oh si... une tigresse terriblement adorable, d’ailleurs.

Son souffle chaud contre sa joue poussa Kat à fermer les yeux et elle s’étira légèrement, avant de sursauter lorsque sa cuisse entra en contact avec un centre chaud et humide. Les doigts de Lucy se crispèrent aussitôt sur ses fesses tandis qu’elle inspirait soudainement.

— Pardon, marmonna aussitôt Kat, embarrassée.

— T’excuse pas, la rassura Lucy en lui donnant une légère tape sur le nez du bout de son doigt. Surtout pas pour ça, taquina-t-elle avant de s’approcher de son oreille. Je crois même que tu peux recommencer... autant de fois... que tu le désires...

Kat ferma les yeux, le désir montant de nouveau en elle, si bien qu’elle entendit à peine lorsque Lucy continua, le ton soudainement sérieux :

— Kat, je peux te poser quelques questions ?

— Quoi ? murmura Kat d'une voix distraite.

— Où en sont tes mauvais souvenirs ? continua doucement Lucy tout en venant caresser sa joue.

Quoi ?

Ses paupières s’ouvrirent péniblement et Kat cligna un instant des yeux avant de croiser le regard de Lucy. Son air sérieux et concerné la ramena soudainement à la réalité et elle comprit qu’elle faisait référence à cette brute qui l’avait violentée. Elle réfléchit un instant, et réalisa, avec surprise, que cela n’avait plus d’importance. Pas pour le moment. Bien sûr, une part d’elle était toujours en colère, et avait une irrésistible envie de le faire incroyablement souffrir pour ce qu’il lui avait fait. Mais aujourd’hui, sa féminité blessée avait triomphé sous le plaisir intense qu’elle venait de ressentir en faisant l'amour avec Lucy, et c’était le plus important à ses yeux. Lucy l’avait guérie.

Elle l’avait sauvée.

— Disparus, chuchota-t-elle en venant caresser les lèvres de Lucy du bout du doigt. Grâce à toi.

— D'accord, murmura Lucy avant de sourire. Seconde question : crois-tu qu'il te serait possible de te débarrasser de ce t-shirt ?

Kat haussa un sourcil de surprise avant de se redresser. Elles venaient tout juste de faire l'amour, et pourtant, elle ne pensait pas pouvoir l’enlever. C’était son armure — la seule chose qui l'empêchait de perdre pied. Un symbole bien plus important qu'un simple rempart à sa pudeur. Peut-être n’était-elle pas aussi guérie qu’elle le pensait, finalement. Son ravisseur l’avait déshabillée, forcée à rester nue en face de lui. Elle en avait eu horriblement honte. Elle ne savait pas si elle supporterait, même avec Lucy, de se retrouver entièrement dénudée.

Son regard bleu était calme et patient et elle réalisa qu’à nouveau, Lucy la comprenait. Mais qu’elle voulait aussi davantage. Elle réclamait sa confiance, sans aucun noir secret entre elle.

Elle voulait qu’elles deviennent réellement amantes.

Cette prise de conscience fut presque douloureuse pour Kat. Elles avaient fait l'amour, physiquement, mais il y avait encore un mur érigé entre elles. Lucy avait fait tout ce qu’elle lui avait demandé, et maintenant, elle voulait quelque chose en retour. Un quelque chose que Kat fut surprise de désirer elle aussi.

Baissant les yeux vers son t-shirt, elle réalisa que ses mains y étaient désespérément accrochées, et, dans une inspiration difficile, elle détacha ses doigts un à un avant de venir s’emparer de l’ourlet. Lucy l’arrêta en posant une main sur les siennes.

— Laisse, souffla-t-elle en venant caresser sa joue. Laisse-moi faire, d’accord ?

Kat se mordit la lèvre avant de hocher la tête et lentement, petit à petit, pour lui laisser le temps de protester, Lucy souleva le tissu jusqu’à dévoiler son ventre. Les dents de Kat accentuèrent leur pression sur ses lèvres, luttant contre son envie sauvage de rabaisser le tissu qui se soulevait peu à peu.

Le vêtement remonta jusqu’à la lisière de sa poitrine, et Lucy glissa ses mains sur sa peau, caressant son ventre avant de remonter un peu plus haut. Elle les glissa sous le tissu, attendant légèrement au cas où Kat refuserait, puis vint frôler ses seins, ses paumes douces et chaudes couvrants entièrement ses deux globes. Kat se sentit aussitôt réagir, ses tétons durcissant, comme s'ils savouraient le contact.

— Tu es magnifique, murmura Lucy en venant légèrement toucher la joue de Kat de ses lèvres. Magnifique.

Kat ferma les yeux et resta assise sur elle, sentant le doux contact de la toison de Lucy contre son sexe brûlant, de ses mains chaudes sur ses seins. Cette dernière les délaissa finalement, les laissant curieusement douloureux, pour de nouveau soulever son t-shirt. Le vêtement passa ses épaules et Kat leva les bras pour s’en délivrer.

Elle était enfin nue. L'air frais de la climatisation souffla sur sa peau en une caresse légère, et elle sentit les doigts de Lucy faire la même chose, effleurant ses épaules, ses bras, ses seins, son ventre. Mais Kat le sentit à peine. La main de Lucy se glissa derrière sa nuque, et après une légère pression, Kat comprit et sa laissa guider, plus bas, plus bas encore, jusqu’à ce que sa bouche se pose sur celle de Lucy.

Ses seins s'écrasèrent contre sa poitrine, et les tétons tendus qui frôlèrent les siens lui procurèrent un autre plaisir tactile qu’elle avait également écarté de son esprit. C’était délicieux. La langue exigeante de Lucy vint titiller ses lèvres et Kat l’invita aussitôt à entrer.

Les secondes s’écoulèrent, les minutes, et Lucy finit par laisser sa tête retomber contre les oreillers, la respiration sifflante, les paupières lourdes de désir.

— J'ai une autre question, haleta-t-elle.

— Laquelle ? demanda Kat, ne pouvant détacher ses yeux du spectacle qui s’offrait à elle.

Elle ne voulait pas que Lucy cesse de l’embrasser. Jamais elle n’avait autant apprécié un baiser auparavant, Lucy était diaboliquement douée. Elle se pencha davantage et mordilla sa lèvre inférieure avant de déposer des petits baisers avides sur sa bouche.

Lucy eut un rire musical qui la charma aussitôt.

— Tu me laisserais être au-dessus cette fois ? demanda-t-elle une fois calmée, ses mains faisant de doux va-et-vient dans son dos.

La question surprit Kat et elle sentit son sourire quitter son visage tandis qu’elle réfléchissait sérieusement à la question. Une part d’elle avait envie d’essayer, mais une autre, plus forte, avait peur de ne pas supporter et retourner là-bas, dans cette minuscule pièce, avec lui.

— Hé, murmura Lucy en venant caresser ses lèvres. Je ne t’y obligerai pas si tu ne t’en sens pas capable, tu le sais, pas vrai ?

Kat enfouie sa tête dans son cou et y embrassa la peau douce qu’elle y trouva avant d’acquiescer.

— Je sais, répondit-elle doucement avant de s’écarter.

Lucy la saisit aussitôt par la taille avant de la faire rouler sous elle, soutenant une partie de son poids sur ses avant-bras pour ne pas l'écraser tandis qu'elle entrelaçait leurs jambes. Les sens de Kat furent aussitôt bombardés de sensations nouvelles, et elle réalisa qu’en étant assise sur Lucy, elle avait eu le contrôle de la situation. Mais cette fois, cela allait être impossible ; elle se retrouvait à sa merci. Déjà, ses cuisses s’étaient écartées pour laisser place à l’une des siennes, mais elle réalisa qu’elle ne se sentait pas impuissante. Au contraire, elle se sentait parfaitement en sécurité, comme... protégée.

Lucy vint caresser ses cheveux tout en embrassant son front, son nez, puis ses lèvres.

— Ça va ? souffla-t-elle contre ces dernières, ses yeux étudiants son visage.

Kat lui offrit un sourire confiant et tendit les bras pour les nouer autour de son cou.

— Mieux que jamais, murmura-t-elle, poussant Lucy à sourire à son tour.

 

— Kat ?

La voix d’Elysia ramena soudainement Kat au présent et elle releva enfin la tête, notant l’air inquiet qui habitait le visage d’Elysia.

— La seule... la seule que je connais à avoir ce tatouage..., murmura-t-elle, confuse. C’est Lucy.

Le mot s’échappa de ses lèvres, et comme Ali Baba et son célèbre « Sésame, ouvre-toi ! », ce fut comme si elle venait tout juste de trouver la combinaison magique malgré elle. Un changement, bien que subtile, s’opéra juste sous ses yeux, et ce fut ébahie qu’elle observa des grains de beauté apparaître tandis que d’autres s’effaçaient, certaines parties du corps s’affiner là où d’autres s’affirmaient un peu plus, une toison devenir plus sombre, une poitrine se développer légèrement et lorsqu’elle remonta, elle retrouva ces boucles brunes dans lesquelles elle aimait inlassablement faire glisser ses doigts, ce sourire qui la poussait aussitôt à sourire en retour, ce regard aussi bleu que le ciel d’été, et qui s’assombrissait toujours sous la colère ou le désir.

La femme se trouvant sous ses yeux n’était plus Elysia, mais...

— Lucy. Tu... tu es Lucy, balbutia finalement Kat, abasourdie.

26 août 2015

Chapitre 19

Mathilde attendit qu’Elysia ait fermé la porte avant de lui offrir son bras et tranquillement, elles rejoignirent Chloé et Kim qui les attendaient au bout de l’allée.

— Prête pour le deuxième round ? chuchota Elysia, désignant les deux jeunes femmes qui se tournaient le dos.

— Tu veux parler des deux cocottes minutes en pleine ébullition, là-bas ? Si Kim est du genre à être aussi possessive que Lyna, ça promet...

Elysia fronça les sourcils.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Tu as déjà rencontré Tawny ? demanda Mathilde.

— Le mari de Lyna ? Oui, il s’occupe de l’installation de la clim quelque part dans mon immeuble en ce moment.

— Il est beau garçon, hein ? sourit malicieusement Mathilde.

Elysia lâcha un rire.

— J’avoue qu’il faudrait être aveugle pour ne pas le remarquer.

— Exactement. Eh bien je faisais partie de ses groupies au lycée, il était tellement canon que toute les filles craquaient sur lui. Et comme Kat était sa meilleure amie, j’avais la possibilité d’être assez proche de lui.

— Coquine, la taquina Elysia.

— T’as pas idée, rit aussitôt Mathilde. Mais bien sûr, ça n’a pas plu à Lyna, même s’il lui a fallu du temps pour reconnaître qu’elle avait des sentiments pour lui. Au début, elle se retenait, mais ensuite, quand ils sont enfin sortis ensemble, c’est devenu autre chose. Kat était peut-être sa meilleure amie, mais moi, c’était plutôt l’opposé !

— Pourtant, quand on vous voit aujourd’hui...

Mathilde hocha la tête.

— Ça s’est calmé quand j’ai rencontré Aaron, expliqua-t-elle avant de rire. Avant ça, Lyna était une véritable tigresse ! Mais je ne l’en blâme pas, j’étais assez provocatrice.

— Il te plaisait tant que ça, Tawny ?

Mathilde secoua la tête, amusée.

— Non, c’est ça le pire, sourit-elle. Il était vraiment beau garçon, je pensais simplement qu’on aurait pu bien s’amuser. J’étais assez frivole à l’époque. Mais pour en revenir à nos moutons, ce que je voulais dire, c’est que ce n’est pas toujours évident d’entendre que sa chérie a vécu quelque chose avec une autre, surtout dans un contexte comme celui-là. Alors si Kim est aussi jalouse que Lyna...

— Ça risque d’être explosif, conclut Elysia en hochant la tête.

Elles entendirent justement Chloé marmonner alors qu’elles approchaient :

— ...intime ? C’était du sexe, y a absolument rien d’intime là-dedans.

Kim lui offrit un regard appuyé et Chloé soupira aussitôt de frustration tout en levant les mains au ciel. Elysia n’entendit cependant pas sa réponse car Mathilde lui souffla à l’oreille.

— Oups, je crois que le compte à rebours tant redouté vient d’être déclenché. On reste là, où on se met couvert ?

Les échanges de paroles entre Kim et Chloé passèrent très rapidement à de violents éclats de voix et Elysia répondit aussitôt :

— À couvert.

Mathilde lâcha un rire avant de se tourner vers les filles.

— On va vous laissez régler... ce que vous avez à régler, commença-t-elle tout en reculant, entraînant Elysia avec elle. D’accord ?

Aucune réaction ne lui parvint, chacune étant bien trop occupée à se disputer pour faire attention à elle, et Elysia tira Mathilde par le bras.

— Viens, vu comme elles sont parties, elles ne risquent pas de te répondre.

Mathilde acquiesça mais au lieu de prendre la direction de la maison, elle bifurqua soudainement sur la droite, vers l’accotement.

— Mathilde ! Mais qu’est-ce que tu fais ?! s’exclama aussitôt Elysia.

— Shhh ! répondit Mathilde en l’entraînant vers les buissons. Attention la tête.

— Mais —

Des branches venant s’agripper à ses cheveux la poussèrent à s’interrompre et elle se protégea du mieux possible.

— Mathilde ! se plaignit-elle tout en tirant sur la main qu’elle tenait toujours.

Mathilde s’arrêta enfin et posa un doigt sur ses lèvres afin de lui faire signe de se taire, avant de désigner quelque chose entre les buissons. Intriguée, Elysia jeta un œil et remarqua aussitôt que depuis leur position, elles avaient directement vue sur Chloé et Kim qui se disputaient toujours.

— Ça va ? murmura Mathilde en retirant plusieurs feuilles des cheveux d’Elysia.

Cette dernière hocha la tête avant de désigner la rue.

— Malin, sourit-elle, prenant appui sur le bras de Mathilde afin de s’accroupir à côté d’elle.

— Merci, répondit Mathilde en s’abaissant à son tour.

Elles reportèrent leur attention sur la rue et Elysia fut surprise par la violence avec laquelle Chloé et Kim s’exprimaient.

— Bon sang, Kim ! Ça fait une semaine qu’on est ensemble, tu t’attendais à quoi ? Que je vienne vers toi et te dise « salut, moi c’est Chloé, et ta boîte vient tout juste de m’embaucher parce que j’en avais marre d’être une pute » ? Ça marche pas comme ça !

— Non, mais t’aurais au moins pu me le dire avant qu’on se mette ensemble !

Chloé se figea aussitôt, et vu l’expression de son visage, ce n’était visiblement pas la réponse à laquelle elle s’attendait.

— Quoi ? souffla-t-elle. Alors quoi, si tu l’avais su avant, tu ne te serais pas engagée avec moi, c’est ça ? continua-t-elle, le ton à la fois douloureux et amer.

— C’est pas ce que j’ai dit, gronda Kim tout en croisant les bras sur sa poitrine.

— Ça en avait pourtant l’air.

 Kim soupira tout en levant les mains au ciel.

— Bon sang Chloé, arrête de toujours tout rapporter à toi ! T’es pas le nombril du monde non plus !

— D’accord, c’était quoi alors ? Hein ?!

— Je ne me serais pas sentie aussi conne si je l’avais su avant, voilà pourquoi ! Parce que visiblement, j’étais l’une des dernières au courant et quand t’es la copine de la fille en question, je trouve pas ça spécialement normal !

Chloé baissa aussitôt la tête et Elysia put dire que les propos de Kim ne la laissaient pas insensible, et la firent d’ailleurs certainement prendre conscience que Kim n’avait peut-être pas tout à fait tort.

Le silence les entoura, seulement brisé par leurs respirations saccadées, et quand Elysia pensa enfin voir leur dispute prendre fin, Chloé enfonça le clou.

— J’y peux rien, moi, si certaines ne savent pas tenir leur langue, marmonna-t-elle tout en donnant de petits coups de pieds dans le trottoir.

Kim secoua la tête tout en l’observant.

— Tu fais vraiment chier quand tu veux Chloé.

Et avec ça, elle tourna les talons et s’éloigna le long de la route.

Mathilde remua légèrement à côté d’Elysia.

— On devrait peut-être intervenir, non ?

Elysia observa Chloé hésiter alors qu’elle regardait Kim, mais elle finit par se raviser et s’assit simplement sur le rebord du trottoir, la tête entre les mains. Elysia tourna la tête vers Mathilde, acquiesçant silencieusement.

— Viens, dit Mathilde en s’emparant de sa main afin de les sortir des buissons.

Le chemin en sens contraire se fit plus facilement et lorsque la rue leur apparut enfin, Chloé sursauta avant de pousser un soupir de soulagement quand elle les reconnut. Mathilde se tourna vers Kim et porta ses mains à ses lèvres.

— Kim ! hurla-t-elle d’une forte voix.

Kim se retourna, surprise et Mathilde lui fit aussitôt signe du bras de les rejoindre. Kim hésita visiblement avant d’obtempérer et Mathilde se retourna vers Chloé.

— T’as exactement cinq secondes pour trouver quoi lui dire afin qu’elle te pardonne, et si j’étais toi, je me dépêcherais.

Chloé se redressa aussitôt, incrédule.

— Et c’est toi qui viens me dire ça ? Tout ça ne serait jamais arrivé si t’avais su tenir ta langue !

Mathilde serra des dents et Elysia ne put s’empêcher de rire, recevant aussitôt un regard noir.

— Excuse-moi, mais ce n’est pas comme si elle n’avait pas un point, là.

— Peut-être, marmonna Mathilde. Mais la question n’est pas là ; Chloé, arrête de faire ta tête de lard et pardonne-lui bon sang. C’est ridicule de vous prendre la tête pour un truc qui fait partie de ton passé en plus. C’est pas comme si elle te reprochait ce que tu as pu faire, elle te reproche juste le fait de ne pas l’avoir mise dans la confidence.

— C’est pas comme si j’avais eu l’occasion aussi, marmonna Chloé.

Mathilde leva les yeux au ciel.

— Dis-lui ça alors ! soupira-t-elle d’exaspération. Fais ce que tu veux, mais arrêtez de vous bouffer le nez pour des broutilles.

— Vous avez fini ? Ou je dois faire semblant de ne pas être là encore longtemps ?

Leur attention se porta vers Kim qui attendait patiemment, les mains profondément enfoncées dans les poches. 

— Tu es là depuis longtemps ? demanda Mathilde, légèrement embarrassée.

— Nan, mais étant donné que vous êtes les seules à faire un raffut pas possible, disons que j’ai tout entendu.

Chloé l’observa par en dessous, l’air mi-embarrassé, mi-indécis et Elysia décida de prendre les choses en main.

— Bon, commença-t-elle tout en glissant un bras autour de celui de Mathilde. On part devant, vous avez intérêt à vous être réconciliées avant de rentrer chez moi, sinon, c’est même pas la peine d’essayer.

De faibles sourires lui répondirent et quand elle regarda furtivement par-dessus son épaule quelques temps plus tard, elle vit qu’elles s’étaient assises côte à côte sur le trottoir.

— Ça a l’air plutôt bien parti, sourit Mathilde.

Elysia sourit à son tour.

— Ouais. Je pense qu’on peut dire qu’on forme une bonne équipe.

Elle leva une main et Mathilde la tapa aussitôt de la sienne.

— Prête à voir si on est aussi efficaces avec ma sœur ? demanda-t-elle, un sourcil haussé.

Elysia tendit un bras devant elle.

— Passe devant, je te suis.

💕

— Tu entends quelque chose ? chuchota Mathilde.

Elysia colla un peu plus son oreille contre la porte avant de secouer la tête.

— Rien du tout.

— Laisse-moi passer devant, répondit Mathilde en la poussant légèrement.

— Quoi ? Pourquoi ça ?

Mathilde colla à son tour son oreille contre la porte.

— Ben on sait jamais, imagine, elles sont peut-être en train de s’embrasser à pleine bouche ou pire, à essayer de faire un deuxième bébé !

— Mathilde ! s’exclama aussitôt Elysia avant d’éclater de rire. T’es complétement folle.

Mathilde lui offrit aussitôt un sourire amusé avant de doucement ouvrir la porte. Le faible son de la télévision leur parvint, ainsi que de quelques chuchotements, mais rien n’aurait pu les préparer à la vision qui s’offrit soudainement à elles quand leur attention se porta sur le canapé du salon.

— J’aurais bien envie de dire que je n’étais pas si loin que ça avec mes suppositions, commença Mathilde en penchant la tête sur le côté. Mais en vérité, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elles sont en train de faire.

Elysia pencha à son tour la tête, l’air pensif.

— Elle lui câline le ventre ?

— Ça expliquerait le t-shirt remonté, acquiesça aussitôt Mathilde en hochant la tête.

Leurs regards se croisèrent et elles éclatèrent aussitôt de rire, alertant ainsi Kat et Lyna qui ne les avaient toujours pas remarquées. Embarrassée, Lyna se mit à rougir mais quand elle chercha à recouvrir son ventre, Kat repoussa aussitôt ses mains. 

Elysia s’approcha, les yeux plissés.

— Dis donc toi, dit-elle en lui donnant un léger coup de pied dans la fesse. Ça va, on te dérange pas ?

Kat se redressa et quand Elysia voulut enchaîner par un « ah ben quand même ! » elle fut soudainement poussée vers l’avant, sa tête venant prendre place sur le ventre de Lyna.

— Kat ! s’exclama-t-elle tout en lançant un regard d’excuse vers Lyna.

— Écoute, l’intima Kat en positionnant correctement sa tête.

Elysia soupira avant de hausser un sourcil dans sa direction.

— Tu réalises au moins que tu es littéralement en train de coller ma tête sur le ventre d’une autre femme, hein ?

Kat leva les yeux au ciel.

— Écoute ! répéta-t-elle.

— D’accord, d’accord ! s’exclama Elysia avant de se concentrer.

Les minutes s’écoulèrent et quand Elysia s’apprêta à abandonner, elle sentit Lyna prendre doucement sa tête entre ses mains et la décaler légèrement vers la gauche.

— Tu sens là ? murmura-t-elle.

Elysia ouvrait tout juste la bouche pour répondre quand elle sentit quelque chose contre sa joue. Elle se redressa aussitôt.

— C’était lui, ça ? s’exclama-t-elle en touchant la partie en question avec sa main.

Lyna hocha la tête, un sourire sur les lèvres.

— Mathilde, tu veux sentir ? demande-t-elle en tournant la tête vers la sœur de Kat qui les observait depuis le fauteuil.

Mathilde s’approcha aussitôt et Elysia se décala légèrement, posant la main de Mathilde exactement là où se trouvait la sienne.

— Tu le sens ? murmura Elysia.

Mathilde fronça les sourcils avant de sourire franchement, elle hocha la tête.

— Félicitation Lyna, dit-elle en venant l’embrasser sur la joue. Et au papa aussi, taquina-t-elle.

— C’est quoi au fait alors ? s’exclama soudainement Elysia. Garçon ou fille ?

— Moi je sais..., les charria Kat depuis sa place à ses côtés.

Elysia la chatouilla aussitôt au niveau des côtes mais n’eut pas le temps de répondre que la porte d’entrée s’ouvrit, laissant apparaître deux demoiselles visiblement réconciliées si elle en croyait les sourires qui barraient leurs visages.

— Eh bien, ça a l’air d’aller mieux, taquina aussitôt Mathilde.

Chloé se contenta de lui tirer la langue tout en venant prendre place sur le fauteuil, tirant sur le bras de Kim pour qu’elle vienne prendre place sur ses genoux.

— Qu’est-ce que vous faites ? demanda-t-elle.

— Lyna nous laisse sentir son bébé, répondit Elysia. Mais là, elle allait surtout dire son sexe.

— Et ? enchaîna Kim, visiblement intéressée.

Lyna porta ses mains à son ventre avant de lever les yeux vers elles.

— Si on en croit l’échographie..., sourit-elle, ...c’est un petit bonhomme.

— Aww c’est trop chou, s’exclama aussitôt Mathilde.

— Parce qu’une fille, ça l’aurait moins été ? la taquina aussitôt Chloé.

Mathilde leva les yeux au ciel.

— Non mais je crois qu’on est déjà assez de filles comme ça, non ? rit-elle. Une de plus et Tawny aurait vraiment pensé à une coalition !

Sa réplique provoqua une tournée de rire et Elysia secoua la tête, amusée.

— Et le prénom ? demanda-t-elle.

- Kaden, sourit-elle. Un petit clin d’œil à la ville native de Tawny.

Un silence s’installa et Lyna leva les yeux au ciel.

— En Allemagne, soupira-t-elle.

— Tawny est allemand ? s’exclama aussitôt Mathilde avant de tourner la tête vers Kat. Tu le savais toi ?

Kat secoua négativement la tête et Mathilde feignit aussitôt un air horrifié.

— Oh mon Dieu, j’ai craqué pour un boche !

— Mathilde ! s’exclama aussitôt Lyna en lui mettant une claque sur la cuisse. Pour la peine, j’aurais dû te le dire dès le lycée, marmonna-t-elle dans un air renfrogné.

Mathilde éclata aussitôt de rire.

— Nan, ça ne m’aurait pas arrêtée, taquina-t-elle.

— Mathilde, commence pas, la prévint Kat dans un sourire en se redressant. Bon avec tout ça, on n’a toujours pas mangé. Pizzas ça vous va ?

Toutes répondirent en chœur :

— Parfait !

Elysia sourit. Ça résumait assez bien la situation.

23 août 2015

Chapitre 18

— Bon, commença Mathilde, mal à l’aise. On a des bières, ça intéresse quelqu’un ?

— Je t’aide, répondit aussitôt Kim en prenant la direction de la cuisine.

Mathilde la suivit, mais s’arrêta une fois arrivée à hauteur de Kat, lui pressant amicalement l’épaule tout en lui soufflant quelque chose à l’oreille. Kat hocha la tête et Elysia attendit que Mathilde se soit à son tour éloignée pour s’approcher à son tour et se glisser dans les bras de sa bien-aimée. Elle releva légèrement la tête afin de croiser son regard.

— Hé, tu sais que c’est pas sexy de bouder comme ça ?

Le sourire qu’elle espérait apparut, même s’il fut minuscule, et Elysia lui vola un baiser avant de redessiner ses lèvres du bout du doigt, s’émerveillant une fois encore de leur douceur.

— C’est mal parti, hein ? murmura Kat d’un ton désemparé.

Elysia grimaça.

— C’est sûr qu’on aurait pu partir sur de meilleures bases, mais... ça aurait également pu être pire, tu ne crois pas ? On a toute la soirée devant nous pour percer les abcès et repartir du bon pied.  Alors si tu veux mon avis... je pense au contraire que ça commence plutôt bien. À nous de faire en sorte que les choses aillent dans la bonne direction.

Kat l’observa un moment avant de sourire.

— Je ne sais pas ce que je ferais sans toi et ton optimisme, dit-elle. Je t’aime.

— Et je t’aime, répondit Elysia en venant l’embrasser à nouveau. File rejoindre Chloé avant qu’elle ne se décide à donner acte à ses pensées et ne détruise toute ma déco.

Kat lâcha un rire tout en hochant la tête et Elysia prit la direction de la cuisine.

À elles deux, elles devraient pouvoir y arriver, non ?

💕

L'ambianceétaitsi tendue qu'Elysia n'osait même pas bouger, de peur de faire le moindre bruit. Autour d’elle, personne ne parlait, et quand les regards se croisaient, ils se faisaient si durs qu’on avait du mal à croire qu’il s’agissait d’une bande d’amis.  

Une fois de plus, la cuisse de Kat frôla la sienne et Elysia se concentra sur sa main qu’elle tenait dans la sienne, sur son pouce qui ne cessait ses va-et-vient contre sa peau dans l’espoir de la rassurer.

Enfin, elle entendit Mathilde se racler la gorge à côté d’elle.

— Bon, si personne n’est décidé à se lancer, moi j’aurais une petite question à notre nouvelle recrue que je ne connais pas encore, sourit-elle en direction de Kim. On m’a donné ton nom, ton âge, ton poste de graphiste... mais je crois qu’on a omis le plus important.

Elle se pencha légèrement vers l’avant.

— Ne le prends pas mal mais... comment une fille qui se présente avec des cheveux roses et au moins deux piercings visibles, parvient-elle à se faire embaucher par l’une des plus grosses boîtes de la ville ?

Kim se pencha vers l’avant à son tour.

— C’est simple, elle fait faire du chantage au Big Boss et prie pour que ça passe, répondit-elle dans un clin d’œil.

— Du chantage ? s’exclama aussitôt Mathilde en se redressant.

Elysia leva les yeux au ciel.

— Elle te fait marcher. Même si elle ne s’est pas gênée pour lui dire qu’elle était simplement une œuvre d’art sur pattes.

— Vraiment ? s’étonna Mathilde tandis qu’elle se retenait visiblement de rire.

 Kim se contenta de hocher la tête.

— Je crois d’ailleurs que c’est mon audace qui l’a poussé à me donner une chance.

— Ça et le fait qu’elle est surtout plus douée qu’on ne pourrait le croire, précisa Chloé avant de détourner le regard quand Kim tourna la tête vers elle.

Un silence gêné s’installa à nouveau et Elysia remercia intérieurement Mathilde pour le briser une fois de plus.

— Et les piercings, tu en as d’autres ?

Kim hocha la tête.

— À l’oreille, dit-elle en tirant légèrement sur la partie en question, en révélant quatre autres. Et... hum...

Elle baissa les yeux vers son ventre avant de les observer à nouveau.

— Au nombril ? demanda Lyna, confuse, prenant pour la première fois la parole.

Kim secoua la tête.

— Non, euh, un peu plus bas.

Ses traits se recouvrirent progressivement d’une légère rougeur et quand Elysia nota le sourire amusé qu’arborait Chloé, elle comprit aussitôt.

— Oh, lâcha-t-elle avant de grimacer. Oh, ah, non ! Ça a dû faire un mal de chien ! s’exclama-t-elle en serrant les cuisses par réflexe.

— Mal ? s’étonna Lyna avant de reporter son attention sur Kim.

Ses yeux passèrent de son nombril à un peu plus bas et elle fronça les sourcils, confuse, puis son visage s’éclaira soudainement.

— Oh, répondit-elle avant de grimacer, serrant des jambes à son tour. Oh ! Oh non, le simple fait d’y penser...

Elle frissonna franchement et Elysia tourna la tête quand Mathilde se mit à ricaner à côté d’elle.

— Quoi, tu en as un aussi ?

— Oh non, non, moi je m’en suis tenue au tatouage, répondit Mathilde. Une ancre au niveau de l’aine, précisa-t-elle, avant de porter son attention sur Chloé. Et toi Chloé, tatouage, piercing ?

— Aucun, répondit Chloé avant de jeter un rapide coup d’œil vers Kim. Mon ancien... hum, contrat l’interdisait. 

— Oh, répliqua Mathilde, mal à l’aise d’avoir remis le sujet sur le tapis sans le vouloir. Euh, Lyn’ ?

Lyna secoua négativement la tête.

— Non plus, il faut croire que je suis trop sage pour ça, plaisanta-t-elle dans un demi-sourire.

— C’est pour ça que tu te cantonnes au jus de fruit quand on est tous à la bière ? taquina aussitôt Mathilde. Je t’ai connu moins sérieuse.

Lyna baissa les yeux et Elysia pencha la tête sur le côté, l’observant d’un œil nouveau un instant. Elle avait justement remarqué son refus de les suivre sur la bière, mais maintenant que Mathilde le soulignait, c’était comme si toutes les pièces du puzzle s’assemblaient soudainement. Sa visite surprise à minuit passé, son refus de boire de l’alcool, Tawny qui insistait pour l’accompagner ce soir.

Tout était lié, et la raison derrière tout ça la rendit soudainement euphorique.

— Je l’ai connu moins rayonnante aussi, sourit-t-elle finalement.

Moins rayonnante ? s’exclama aussitôt Chloé, confuse.

Elysia se mordit la lèvre avant de sourire franchement en direction de Lyna.

— Tes vêtements amples parviennent peut-être à cacher ton ventre, mais ton tour de poitrine supplémentaire ne passe pas inaperçu. Ajoute à ça que tu ne consommes que de l’eau ou des jus de fruits...

Une légère rougeur envahit les traits de Lyna, mais quand elle voulut répondre, Kat la devança, surprenant tout le monde.

— Tu es enceinte ? s’exclama-t-elle.

Lyna grimaça face au ton qu’elle avait utilisé, celui-là même qui suppliait qu’on réponde à la négative. Elle hocha cependant la tête et Elysia sentit aussitôt Kat resserrer sa prise sur ses doigts.

— De combien ?

Lyna sembla hésiter avant de répondre.

— Presque six mois.

Un silence plana de nouveau puis Kat se redressa d’un bon, arpentant la pièce comme si elle ne parvenait pas à rester en place.

— Six mois..., répéta-t-elle enfin d’une voix mêlant incrédulité, colère et déception. Rassure-moi, tu comptais quand même me l’annoncer, j’espère ?

Lyna croisa aussitôt les bras sur sa poitrine.

— Ça dépend, tu comptais m’apprendre un jour que tu fréquentais une escorte ? rétorqua-t-elle, sarcastique.

— Avec qui je couche ou ne couche pas ne regarde personne, gronda aussitôt Kat, visiblement irritée.

Lyna lâche un rire dénué d’humour.

— Ça je veux bien te croire, vu la façon dont j’ai appris ta relation avec Elysia.

— Oh je t’en prie, t’es la première à m’avoir poussée dans ces bras ! Ne me dis pas que tu étais si surprise que ça ! répliqua Kat en levant les mains au ciel.

— Ça n’a rien à voir, répondit Lyna en se redressant, le corps vibrant de colère. En tant qu’amie, j’aurais pensé que tu aurais au moins pris la peine de m’en parler. Que tu aurais au moins voulu partager ça. Avec moi !

Kat haussa un sourcil.

— Comme tu l’as fait avec ta grossesse ?

— Exactement, répondit Lyna en la regardant droit dans les yeux. J’ai toujours voulu que tu sois la première à connaître l’existence de mon bébé et qu’il ait la chance de t’avoir toi pour marraine.

Ses paroles semblèrent bousculer Kat puisqu’elle l’observa, visiblement déstabilisée, avant de hausser un sourcil.

— C’était il y a trois jours, il t’a fallu quatre mois pour te rendre compte que tu étais enceinte ?

Lyna soupira tout en se passant une main sur le visage.

— On a découvert le sexe du bébé ce jour-là, expliqua-t-elle enfin, souriant faiblement face au souvenir. Ça faisait un moment qu’on essayait, mais c’était pas forcément très fructueux. Alors, quand la nouvelle est tombée trois mois plus tôt, on s’est promis d’attendre avant de mettre l’entourage dans la confidence.

Elle haussa les épaules.

— On n’avait pas envie de se faire de faux espoirs. Mais ce jour-là, quand le sexe nous a été révélé, on ne pouvait plus se retenir. On avait prévu de venir te l’annoncer le lendemain mais on est tombé d’accord sur un prénom ce soir-là. 

Elle leva les yeux vers Kat et lui sourit tristement tout en poursuivant :

— Tu es notre meilleure amie, on voulait... on veut, que tu sois la marraine. Je n’ai pas pu attendre, je voulais tellement t’annoncer la nouvelle et partager ça avec toi. Je ne m’attendais juste pas à ce que tu ais de la compagnie.

Mathilde se tourna légèrement de manière à pouvoir observer sa sœur.

— Tu vas avoir du mal à ne pas lui pardonner, maintenant, souffla-t-elle, son regard lui intimant de faire juste ça.

Kat l’ignora et reporta son attention sur Lyna.

— Ça n’explique pas pourquoi tu as pris la fuite juste après nous avoir surprises. Alors quoi, mon homosexualité te pose soudainement problème ?

Lyna roula des yeux.

— Je t’en prie, Kat. Je n’ai jamais eu de problèmes avec ça, c’est pas aujourd’hui que ça va commencer. En fait...

A la surprise de tous, elle rougit légèrement avant d’ajouter :

— Tu me croirais si je te dis que j’étais jalouse ?

Elysia écarquilla aussitôt les yeux tandis que Chloé lâchait un yes ! victorieux

— Je le savais, sourit-elle, avant de chantonner : I kissed a girl and I liked it...

Lyna la fusilla du regard.

— Pas comme ça, précisa-t-elle avant de reporter son attention sur Kat.

— Tu es ma meilleure amie, depuis toujours, commença-t-elle avant de prendre à nouveau un air triste. Seulement... j’ai l’impression que tu passes ton temps à me fuir, et à force, je crois que je ne le supporte plus.

Elle leva une main quand Kat voulut l’interrompre.

— Quand tu es revenue de l’armée... Ne me méprends pas, j’étais vraiment en colère quand j’ai appris ce qui t’était arrivé, et te voir dans cet état... ça m’a fait mal. Mais j’étais tellement heureuse de te retrouver Kat, de retrouver ma meilleure amie. Et je me suis promis de tout faire pour t’aider. Mais, plus tu te rétablissais, plus je te sentais t’éloigner à nouveau. Avec Tawny aussi, mais il faut croire qu’il a eu la chance de t’aider à retaper quelques voitures. Difficile de l’ignorer dans ces circonstances, hein ?

— Lyna...

— Non, attends, la supplia Lyna en levant une main. J’ai bientôt fini. Quand tu m’as appelée pour te défendre au tribunal il y a plus de trois ans, je me suis dit, enfin, ça y est, elle revient enfin vers moi. Mais une fois le verdict tombé... tu as de nouveau disparue. Je n’ai jamais compris pourquoi. Je ne comprends toujours pas. Tu n’as visiblement aucun mal à faire entrer de nouvelles personnes dans ton cœur, pourtant moi, j’ai beau essayer, mais...

Elle soupira, la voix tremblante.

— J’aimerai juste comprendre pourquoi ma meilleure amie ne veut plus de moi.

La vue de Kat s’était tellement brouillée qu’elle ne la voyait presque plus. Sa poitrine lui faisait mal tellement elle était compressée, et sa gorge était si nouée qu’aucune parole ne parvenait à franchir la barrière de ses lèvres.

Alors, lorsque le premier sanglot monta, elle ne le retint pas. Et quand d’autre suivirent, elle se roula simplement en boule face à la douleur qui lui tordait le ventre. Elle avait mal. Elle avait mal parce qu’elle avait fait souffrir l’une des personnes les plus chères à son cœur pendant toutes ces années. Elle avait mal parce qu’elle réalisait que son absence l’avait affectée plus qu’elle ne l’aurait cru possible. Elle avait mal parce qu’elle n’avait même pas de raison valable à lui offrir.

Une main se glissa dans ses cheveux et la tira légèrement jusqu’à ce que son visage trouve refuge contre une épaule accueillante. Des paroles réconfortantes furent murmurées à son oreille mais elle pleurait si fort qu’elle n’en déchiffrait que la moitié. Mais ce n’était pas grave. Le simple fait de savoir qu’ils étaient là lui offrait le réconfort dont elle avait besoin.

Finalement, ses larmes se tarirent et elle resta simplement là à écouter les battements de cœur contre son oreille, à sentir la main qui remontait le long de son dos jusqu’à ses cheveux, à apprécier le souffle qui la caressait légèrement. Un verre d’eau lui fut finalement présenté et elle releva la tête pour croiser deux yeux pers qu’elle affectionnait plus que tout au monde. Elysia lui embrassa le haut de la tête avant de caresser sa joue.

— On va aller faire un petit tour avec les filles, je crois que vous avez besoin de discuter, toutes les deux.

Kat se racla péniblement la gorge.

— Tu es sûre ?

Elysia hocha légèrement la tête puis leva les yeux vers Lyna.

— Je te la confie. Je te demanderai bien de prendre soin d’elle, mais je sais que tu le feras de toute façon, finit-elle dans un clin d’œil. À tout à l’heure.

Kat les regarda disparaître à travers la porte avant de reprendre sa place sur le canapé. Elle laissa aussitôt sa tête retomber contre le dossier.

— Ça va ? demanda Lyna, l’inquiétude présente dans sa voix.

Kat se passa une main sur le visage avant de répondre.

— Non.

Elle ne put s’empêcher de sourire faiblement quand Lyna haussa les sourcils.

— C’était pas la réponse à laquelle tu t’attendais, hein ?

Lyna sourit à son tour. C’était bien, l’atmosphère était beaucoup trop chargée en émotion.

— Non, admit-elle. Alors dis-moi, qu’est-ce qui ne va pas ?

Kat réfléchit un instant avant de finalement se lancer.

— J’aimerais pouvoir te dire que je ne sais pas pourquoi je me suis éloignée de toi après être revenue de l’armée, mais ce serait mentir, parce que je le sais pertinemment.

Lyna baissa les yeux avant de glisser ses bras autour de sa taille et Kat comprit qu’elle redoutait ce qu’elle s’apprêtait à dire.

Elle prit une profonde inspiration avant de lâcher.

— J’avais honte.

— Quoi ? répondit aussitôt Lyna en levant la tête.

— J’avais honte... de ce qu’il m’avait fait. Je ne pouvais même plus me regarder dans le miroir. Et le fait que vous soyez au courant ne m’aidait pas. Je me sentais sale et... j’avais honte.

Elle relâcha un soupir tremblant avant de poursuivre.

— Tawny n’est pas du genre à parler des sentiments. J’ai toujours su que je pouvais compter sur lui si j’avais besoin, mais qu’il ne me pousserait jamais là où je n’ai pas envie d’aller.

— Mais moi si, répondit platement Lyna.

Kat dut se mordre la lèvre pour ne pas pleurer à nouveau.

— Lyna... c’est pas ce que j’ai dit.

— Je t’en prie, Kat, soupira Lyna, lui offrant un regard appuyé. C’est bien ce que j’ai fait la première fois que je t’ai revue, non ?

Kate secoua négativement la tête tout en s’emparant de l’une de ses mains.

— Justement, non. Toi, tu m’as aidée à faire mon premier pas dans la bonne direction. Moi... moi je n’ai fait que déballer mon linge sale, et je ne suis plus jamais parvenue à te regarder en face après ça.

Lyna voulut protester, mais le visage de Kat, couvert de larmes, lui rappela la douleur qui autrefois l’habitait, et elle fut soudainement transportée dans le passé.

 

Mardi 03 Juillet 2004, Orlando, Floride.

Frapper à la porte de l'appartement de Kat fut encore plus effrayant que ce que Lyna avait imaginé, et elle hésita avant de donner trois petits coups contre le battant. Il lui était venu à l’esprit hier soir, alors qu’elle était allongée sur son lit, que ça allait être la première fois qu’elle allait parler à une survivante d’une expérience aussi terrible. Et que cette personne était sa meilleure amie.

Cette pensée l’avait maintenue éveillée toute la nuit, couplée à l’inquiétude qui ne l’avait pas quittée depuis que Tawny l’avait appelé deux semaines plus tôt pour lui annoncer terrible nouvelle. Domiciliée à New York pour ses études, Lyna avait pris le premier avion direction Fort Campbell, où l’équipe médicale qui avait pris Kat en charge les avait à peine laissé la voir. Puis, ses examens terminaux approchant, elle avait dû repartir, laissant derrière elle une jeune femme brisée qui lui avait à peine adressé deux mots.

Deux semaines plus tard, Lyna n’avait pas la moindre idée de ce à quoi elle devait s'attendre, ni même si elle serait à la hauteur.

Comme s’il avait détecté son anxiété, ce dernier choisit justement ce moment pour ouvrir la porte et Lyna lui sourit instinctivement, mais celui que Tawny lui renvoya était crispé.

— Hé, murmura-t-il tout en écartant les bras.

Lyna s’y réfugia aussitôt, relâchant un soupir de contentement quand ses bras l’entourèrent. 

— Je suis vraiment content que tu sois enfin là.

Il fit un pas en arrière et entraîna Lyna avec lui à l’intérieur de l’appartement.

— Mathilde a accepté d’aller passer ses examens uniquement parce qu’elle savait que tu serais là. 

Il afficha un sourire forcé.

— Elle craignait que Kat ne soit pas très à l’aise si elle se retrouvait seule avec moi. Elle est dans sa chambre là. J'étais sur le point de regarder quelque chose à la télévision ; je pense qu’il vaut mieux que je reste ici pendant que vous parlez.

— Bien sûr.

Lyna resserra son étreinte puis rassembla son courage et rencontra son regard.

— Comment va-t-elle aujourd'hui ?

Le visage de Tawny s’assombrit et il serra des dents pour refouler son émotion.

— Elle est mal, Lyn’. Elle fait des cauchemars. Elle est triste, elle souffre et elle se blâme, et il n'y a rien que je puisse faire. J'essaie de la faire manger, de lui apporter des calmants, lui tenir la main... Je lui parle, mais il y a tellement de choses qu'elle ne veut pas me dire. Je ne me suis jamais senti si impuissant de toute ma vie. Je déteste ça.

— Te sous-estime pas Tawn’, je sais que tu aimes Kat plus que tout. Je suis sûre tu l’aides. Juste en étant là.

Tawny relâcha un souffle tremblant.

— Je ne sais même plus qui elle est, Lyn. Elle n'agit plus comme elle le faisait avant. La lumière dans ses yeux ? Elle est partie. Il l'a pris.

— Elle reviendra.

Sa gorge remua et Lyna sut qu’il retenait ses larmes.

— Je l'espère.

— Elle est forte. Elle s’en sortira. On va tout faire pour l’y aider, d’accord ?

Tawny hocha la tête.

— Tu as raison, je me sens juste un peu responsable. Je suis celui qui l’a poussé à te parler. Peut-être qu'elle n'est pas prête.

Lyna se colla à nouveau contre lui, sa tête venant reposer contre son épaule.

— Crois-moi, elle l’est. C’est jamais bon de garder tout ça à l'intérieur. Il n'est jamais trop tôt pour commencer la guérison.

Elle désigna le couloir situé sur la gauche.

— Sa chambre est là-bas ?

— Ouais. Je vais lui faire savoir que tu es ici.

Lyna le regarda marcher jusqu'à la porte située au bout du couloir et frapper doucement. Un moment passa, puis il entre-ouvrit légèrement le battant et passa la tête à l'intérieur. Quelques chuchotements lui parvinrent puis il recula d'un pas et fit signe à Lyna d’approcher.

Une fois arrivée à sa hauteur, Tawny posa une main dans son dos tandis que ses lèvres venaient embrasser sa tempe.

— Tu vas être géniale, je le sais.

Lyna se contenta de lui offrir un faible sourire en réponse, son cœur battant tellement fort qu’elle se sentait incapable de quoi que ce soit d’autre, avant de s’avancer légèrement. Elle rencontra aussitôt le regard effrayé d'une jeune fille qui semblait à peine assez âgée pour pouvoir s'acheter une canette de bière légalement. Étourdie tant par la jeunesse et l'épuisement inscrit sur son visage, Lyna ne put lui offrir qu’un faible geste de la main.

— Hé, Kat.

— Hé.

Assise les jambes croisées au pied du lit, Kat tripotait nerveusement sa couette du bout des doigts tout en évitant son regard. Lyna fut surprise de sentir de la colère et de la tristesse s’emparer d’elle face au son apeuré de sa petite voix et elle les repoussa avant d’adresser à Tawny un hochement de tête résolu.

— Ça va aller.

— D'accord.

Son regard se tourna vers Kat lorsqu’il ajouta :

— Je serai dans le salon si vous avez besoin de moi.

— Je sais, marmonna Kat. Ça ira.

Tawny hocha la tête d’un air entendu puis exerça une pression sur la main de Lyna avant de quitter la pièce, prenant soin de refermer la porte derrière lui. Lyna hésita, peu sûre de savoir où s'asseoir. Le mobilier était assez modeste, un lit, une table de chevet, et une commode, et elle n’était pas sûre de savoir comment Kat réagirait si elle envahissait son espace personnel.

Mais à sa plus grande surprise, Kat se déplaça vers la tête du lit.

— Tu peux t’assoir si tu veux.

Lyna soupira de soulagement.

— Merci.

Elle s’installa, le corps tourné vers Kat. Puis, sentant que cette dernière n’allait pas engager la conversation, Lyna décida de commencer, mais elle réalisa bien vite qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait bien pouvoir dire.

Kat lui surprit à nouveau en brisant le silence.

— Je te trouvais déjà très belle au lycée, mais ce n’est rien comparé à ce que tu es devenue. Tu es sublime.

Prise au dépourvu, Lyna ne put s’empêcher de rougir face au compliment. Elle l’avait déjà entendu auparavant, mais la douce admiration qui apparut dans son timide regard la fit se sentir encore plus déséquilibrée.

— Et tu as gagné en amabilité, répondit-t-elle d’un ton légèrement taquin.

Kat ne réagit pas et elle n’en fut pas surprise, même si un peu déçue.

— Tu as toujours pour ambition de devenir avocate ?

Le cœur de Lyna se serra, la question de Kat prouvait combien la distance les avait éloignées l’une de l’autre.

— Oui. Je viens de terminer ma dernière année d’université, j’entame mon doctorat en jurisprudence à la rentrée.

Le regard de Kat dévia et sa gorge remua difficilement.

— C’est bien, murmura-t-elle d’une voix enrouée. Je suis vraiment contente pour toi.

Puis, sans que Lyna ne comprenne ce qui se passait, Kat fondit en larmes dans une rapidité désarmante qui l’alarma aussitôt. Pourtant, elle n’eut pas le temps de réagir, car aussi vite que c’était arrivé, ce fut terminé et, profondément embarrassée, Kat essuya son visage comme si elle essayait de chasser ses émotions.

— Je suis désolée.

— Non, je suis désolée, murmura aussitôt Lyna, posant une main entre elles sur la couette.

Elle voulait la rassurer mais elle n’était pas tout à fait sûre de ce qui l'avait bousculée ainsi, ou de comment la calmer.

— On n’est pas obligée d’en parler si c'est trop dur pour toi, Kat.

Kat secoua la tête, s'essuyant les yeux de ses mains tremblantes.

— J’y ai pensé pendant toute la journée. La nuit dernière, quand je n’arrivais pas à dormir, je pensais à ce que Tawny m’a dit, que ça finirait par aller mieux et combien en parler m’aiderait. Et... je suis pathétique, Lyn’. Je ne peux pas continuer comme ça.

Lyna essaya de capter son regard mais échoua.

— Alors... alors tu veux en parler.

— Oui, répondit Kat avant de recouvrir sa bouche lorsqu’un sanglot s’en échappa. Je ne sais pas ce que je peux dire à voix haute, mais j'ai besoin d'essayer.

— Tu n’as pas à me dire ce qu'il t’a fait. Tu n’as pas à me parler de ce que tu ne veux pas partager.

— Je sais, souffla Kat avant de pencher la tête et fermer les yeux, comme si elle réfléchissait profondément.

Après une minute, elle lui dit :

— Il m'a violée pendant près de deux heures. D’autres soldats ont pénétré dans le couloir et ont fait fuir ceux qui gardaient la porte. Il a pris peur. Il s’est rhabillé et il est parti à son tour. Je pensais qu'il allait me tuer quand il en aurait enfin terminé, et je le souhaitais presque...

Elle expira et baissa la voix jusqu’à chuchoter :

— À un certain moment, je voulais juste qu’il le fasse. Me tuer, pour que ça s’arrête enfin.

Deux heures. La réalité de ce que Kat avait connu frappa Lyna tel un coup de poing dans l’estomac, coupant son souffle. La nausée s’empara d’elle alors qu’elle essayait de s’imaginer la douleur et la terreur sur une telle période de temps prolongée.

— Ces hommes m’ont sauvée, sans le savoir. Je ne saurai jamais s'il m’aurait tuée ou non. Mais je ne peux pas m'empêcher de me le demander.

Kat ouvrit finalement les yeux.

— Je suppose que ça n'a pas vraiment d'importance. Je suis en vie, non ? C'est ce qui compte.

— C’est ce qui compte, oui, lui répondit doucement Lyna.

Pour la première fois depuis son arrivée dans la pièce, Kat rencontra enfin son regard. Elle relâcha un soupir tremblant.

— Tu m’as manquée.

Le cœur de Lyna se serra à nouveau, et la confiance qui transparaissait dans le regard de Kat lui donna envie de fondre en larme.

— Toi aussi, ma belle. Plus que tu ne peux l’imaginer.

— Mon père m’a offert un poste.

Ses joues rougirent légèrement.

— Je veux dire, il a besoin d’aide au garage, il pense que je devrais sérieusement y réfléchir.

— C’est excellent ça, sourit Lyna. Pourquoi ne suis-je pas surprise ? Tu as toujours eue les mains dans le cambouis, voilà ce que c’est de passer son temps libre dans une décharge, la taquina-t-elle.

— C’est pas n’importe quelle décharge, elle est vraiment cool.

— Je pense aussi.

Les paroles de Kat repassèrent dans sa tête et Lyna fronça les sourcils.

— Mais pourquoi avoir besoin d’y réfléchir ?

Kat se mordit la lèvre inférieure et Lyna devina aisément qu’elle refusait à nouveau de succomber aux larmes. Son ventre se serra face à l’agonie qui se reflétait sur son visage à vouloir garder toutes ces émotions à l'intérieur.

— Kat, murmura-t-elle. Si tu as besoin de pleurer, pleure. Il n'y a pas de honte à avoir besoin de faire sortir tous ces sentiments négatifs.

Une larme s'échappa et poursuivit son chemin le long de la joue de Kat, puis son menton se mit à trembler.

— Parce qu'en ce moment, je ne veux rien. Je pense à mon avenir et je me sens désespérée. Comme s’il n'y avait plus rien pour moi maintenant. Comme s’il avait volé ma passion. Ma motivation. C'est encore pire que d’avoir voler mon esprit, ma santé mentale. J’ai peur tout le temps. Les choses les plus stupides peuvent m'envoyer dans une panique totale. Je n’arrive même plus à me concentrer.

— Oh, ma belle...

Lyna avala difficilement, luttant contre ses propres larmes.

- Donne-toi du temps pour guérir. Crois-moi. Je te le promets, ça reviendra.

Kat lui offrit un air sceptique.

- Je suis allée à la clinique hier afin de réaliser le test du HIV, un mec était assis à côté de moi dans la salle d’attente. Je suis restée là une demi-heure complètement paralysée. J’avais peur de bouger, parce que j’arrêtais pas de repenser à ce que ce monstre avait fait de moi, encore et encore. J'ai pas entendu lorsque l’infirmière m’a enfin appelée.

Les larmes coulaient librement désormais, mais elle ne prit pas la peine de les essuyer. Lyna n’était même pas sûre qu'elle réalisait qu'elle pleurait.

— Tu penses que mes crises de panique s’arrêteront un jour ?

La douleur de Kat était si forte qu’elle déclencha une myriade d'émotions en Lyna, si bien qu’elle eut du mal à garder une voix contrôlée.

— Je pense que tu peux apprendre à les gérer.

— Comment ?

— Eh bien...

Lyna réfléchit un instant avant de relever la tête.

- Tu te souviens du divorce de mes parents ?

Kat cligna un instant des yeux, certainement surprise par le changement de direction dans la conversation, avant de hocher légèrement la tête. Elle savait mieux que personne combien les années durant lesquels les parents de Lyna n’avaient cessés de se battre l’un contre l’autre l’avaient affectées. Elle était tout juste adolescente et la maison avait ressemblé plus à l’enfer qu’autre chose pour elle.

— J'ai eu une thérapeute merveilleuse à l’époque, je pense qu’elle pourrait t’aider à apprendre comment éviter les flashbacks et traiter ce qui les a déclenchés.

La mâchoire de Kat se serra.

— Je ne veux pas aller en thérapie.

— Je ne le voulais pas non plus.

— Un thérapeute me ferait parler de ce qui s'est passé, pas vrai ?

— Elle ne m’a jamais forcé à parler si je n’en avais pas envie. Mais ce qui est drôle au sujet de la thérapie, cependant, c'est que j’avais vraiment envie de lui dire toutes ces choses que je ne pouvais pas dire à quelqu'un d'autre. Je ne pensais pas que ça aurait pu m’arriver, et pourtant...

Elle s’interrompit avant d’ajouter :

— J'étais très réticente à l'idée d’une thérapie, il m’a fallu un certain temps avant que je ne me décide à y aller.

Elle sourit en repensant à la semaine qui avait précédé cette décision.

— Ma cousine m’en avait parlé. Et Tawny et toi vouliez que j'y aille. Comme toi, je savais que quelque chose devait changer. J'avais du mal à gérer. Les gens qui se souciaient de moi me demandaient de recevoir de l'aide, et je le voulais, je le désirais tout autant que je détestais l'idée de parler avec un professionnel. Mais j’ai fini par me dire que ça ne pouvait pas me nuire. Après tout, je tentais de faire face à tout ce qui m’arrivait par moi-même, mais j’échouais lamentablement.

Kat resta silencieuse avant de murmurer :

— Tawny, hein ?

— Mmh, mmh. Il a été d’un grand soutien, tout comme toi.

Lyna fut heureuse de voir enfin un sourire se dessiner sur les lèvres de Kat, même s’il était minuscule. Son regard se posa sur la porte de la chambre, puis de nouveau sur elle et la triste nostalgie qui captura soudainement son visage rendit son regard encore plus perdu qu’avant.

— Tu as vraiment trouvé l’homme parfait.

— Il l’est, en effet.

Lyna sentit l’expression de son visage s’adoucir aussitôt à la seule pensée de Tawny, comme il le faisait toujours à chaque fois qu’elle pensait à lui, et elle fut heureuse de voir la bouche de Kat se former en un sourire momentané en réponse.

Lyna hésita, puis ajouta :

— Et toi, tu as quelqu’un ?

Le visage de Kat s’assombrit aussitôt et elle renifla avant de murmurer :

— Non, je crois pas. Je veux dire, non.

— Tu ne m’as pas l’air très sûre de toi.

Sa réponse déclencha un nouveau cycle de larmes et elle grimaça intérieurement, se sentant aussitôt coupable de la peine qu’elle ajoutait sur celle qui l’habitait déjà.

— Eh bien, j'ai quelqu’un. En quelque sorte. Depuis quelques mois. C’était plutôt sérieux mais...

Elle se mordit la lèvre si fort que Lyna s'attendit à voir du sang.

— Je ne sais pas comment être avec elle. Elle est venue à l'hôpital cette nuit-là, mais quand elle est arrivée près de moi...

Un air de dégoût passa sur son visage.

— Pour l'instant, je ne peux pas être près d’elle. Ou de n'importe qui, mais surtout elle. Je ne la mérite plus. Pas après ça... elle ne peut pas me vouloir encore après ça.

— Kat... Il faut du temps pour rétablir l'intimité. Pour que tu te sentes suffisamment à l'aise pour la laisser entrer dans ton espace. C'est normal ça, je te le promets.

— Elle a dit qu'elle m'attendrait, qu'elle désirait du long terme, mais il ne me semble pas juste de rester avec elle.

Lyna perçut aisément l’amour qu’elle portait à sa petite-amie rien qu’à la douleur dans sa voix quand elle lui en parlait, mais ce qu’elle réalisa surtout avec grande désolation, c’était que Kat semblait penser qu’elle faisait ce qui était pour le mieux pour chacune d'elles. Oh Kat...

— Je ne suis pas sûre de pouvoir avoir de nouveau des relations sexuelles avec elle. Je ne peux même pas me l’imaginer, pour dire la vérité. Pas après ce que cet homme a fait de moi.

— Ne dis pas ça, Kat, déclara Lyna. Ça prendra peut-être un certain temps, mais je pense qu’arrivera un jour où tu décideras de récupérer ton corps. Même si ça te semble impossible aujourd'hui, l'amour et l'intimité partagé avec une personne de confiance ne doit pas disparaître à jamais.

Kat lui offrit un regard larmoyant.

— J’aurais pensé que ça aurait été plus facile de laisser tomber ma garde avec une autre femme. Et pourtant, j’ai l’impression que ça me sera impossible.

— Il te faut simplement du temps. La thérapie t’aidera, j’en suis sûre.

Kat serra de nouveau la mâchoire et Lyna pu voir qu’elle essayait de réunir son courage afin de lui dire quelque chose de difficile. Il lui fallut seulement l'espace de quelques respirations.

— Deux heures, c'est long. Et l'idée de faire l’une de ces choses, et ce de manière volontaire, même avec une personne que j’aime...

Elle encercla son ventre comme si elle allait être malade.

— Je ne peux pas. Je ne veux pas.

La gorge de Lyna se serra et elle s’empara de son sac à main qui reposait à ses pieds.

— Laisse-moi de te donner le numéro de ma thérapeute, d’accord ? Elle est...

Kat tourna brusquement la tête.

— Je ne peux pas.

— Si, tu peux, répondit aussitôt Lyna, levant néanmoins une main dans un signe d'apaisement. Je vais te donner ses coordonnées, et tu pourras l’appeler une fois que tu te sentiras prête. Mais s'il te plaît... fais-le, d’accord ? Tu as beaucoup trop de choses auxquelles tu dois faire face, Kat, et je te promets que parler aide.

Elle laissa un petit sourire apparaître sur ses lèvres dans l’espoir d’alléger l’atmosphère.

— Elle est très gentille, et ne fait pas peur du tout.

Kat encercla ses bras autour de ses genoux, comme un enfant qui cherchait désespérément à se protéger.

— J’étais de dos quand il est arrivé près de moi. Il m'a bousculée. Maintenant, j'ai peur de marcher dans la rue, je ne supporte pas que quelqu’un soit juste derrière moi.

Le tremblement de ses mains qui s’intensifiait interrompit son discours et elle entrelaça ses doigts ensemble dans une lutte évidente pour arrêter la réaction instinctive de son corps à la peur que ses mots avaient suscités.

— Ne te laisse pas retourner à cette journée-là, lui dit doucement Lyna. C'est fini Kat. Tu es en sécurité, ici, avec moi.

Une des mains de Kat jaillit et vint enserrer celle de Lyna qui reposait encore sur la couette entre elles, et Lyna enroula aussitôt ses doigts autour des siens, son toucher semblant l’aider à se détendre. Quand sa main cessa de trembler, Lyna saisit l'autre et les tint toutes les deux serrées contre elle.

— Il a été si monstrueux avec moi, lâcha Kat dans un souffle, comme si elle ne pouvait pas supporter le fait d'entendre ses propres mots. Je savais, je sentais que ma peur l’excitait vraiment.

Kat la regarda avec une telle tristesse que le cœur de Lyna se serra.

— Bon sang, mais quel genre de monstre fait ça?

— Je ne sais pas, murmura difficilement Lyna.

La douleur de Kat était si forte qu’elle dut détourner le regard sous peine de s’effondrer sous ses yeux. Elle observa la chambre pour la première fois et remarqua aussitôt qu’elle ne possédait rien rappelant Kat. Pas de photos sur les murs, pas de bibelots, rien qui ne fasse allusion à ses intérêts. Sa chambre d’adolescente chez son père était complétement différente. À l’opposé même.

— C’est la chambre d’ami.

L’affection se glissa dans la voix de Kat.

— Tawny a insisté pour que je m’installe ici, ma chambre est emplie de celle que j’étais avant... je ne pouvais tout simplement pas rester dans un endroit où... où tout me rappelait ce qu’il m’avait fait. Ce qu’il m’avait pris.

— Il assure aussi dans le rôle du grand frère, hein ? répondit Lyna dans un triste sourire.

— Il est génial, acquiesça Kat avant que son sourire ne s’efface. Il m’a tellement soutenue...

— Je suis heureuse que tu ais quelqu'un, ça fait toute la différence.

Le visage de Kat s’assombrit à nouveau et elle étouffa un sanglot.

— Honnêtement, ça m’est difficile d'être dans la même pièce que lui maintenant. Je suis tellement gênée par ce qui s'est passé.

— Tu n'as aucune raison d'être embarrassée, tu n'as rien fait de mal.

Lyna pressa ses mains.

Il l’a fait. D'accord ?

Kat détourna son visage et ferma les yeux.

— J’ai l’impression que tout le monde me regarde et peut voir ce qu'il a fait. Je suis dégoûtante.

L’estomac de Lyna se serra face à la haine qui parut dans sa voix, une haine non pas contre lui, mais contre elle-même. Elle savait que peu importe ce qu’elle pourrait dire, ça ne servirait à rien. De simples paroles ne la feraient pas se sentir différemment. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était faire preuve d'empathie.

— Je sais que je peux simplement imaginer ce que tu as subit, mais Tawny t’aime, il ne pense pas moins de toi. Et peu importe l’impression que tu as, personne ne sait ce qui s'est passé en te regardant. Je te promets. Ça ne marche pas comme ça.

Sans ouvrir les yeux, Kat murmura :

— Il s’est servi de ma bouche sur lui, j'avais peur et j’avais mal et je voulais juste que ça s'arrête. Mais il était évident qu'il n'allait pas abandonner aussi rapidement... alors il m'a... il m’a...

Lyna resserra son emprise sur ses mains dans l’espoir de l'arrêter avant qu'elle n’en dise plus. Elle n’était honnêtement pas sûre de pouvoir gérer le fait d’entendre ce qu’il avait pu faire de sa bouche.

— Tout va bien maintenant, Kat. Nous savons toutes les deux que tu n’as pas voulu ce qu'il t’a fait.

Kat dévoila ses yeux bordés de rouge, paraissant vaincue.

— Même en étant entourée par un cadre familier, par des personnes chères à mon cœur,  je ne me sens pas en sécurité. Et je ne peux m’empêcher de me demander si je me sentirais de nouveau en sécurité un jour. Je suis épuisée, Lyna, et je ne sais pas comment continuer. Je ne sais même pas si j’en ai envie.

Horrifiée par le désespoir qu’elle entendit dans ses paroles, Lyna relâcha ses mains et ouvrit ses bras, la suppliant ouvertement de la laisser lui offrir son soutien. À son plus grand soulagement, Kat s'y effondra aussitôt, se cramponnant avec une force surprenante. Son corps se souleva alors que des sanglots brisés lui parvenaient et Lyna les balança d’avant en arrière tout en la tenant proche.

— Tu vas surmonter tout ça, murmura-t-elle à son oreille. Il ne doit pas gagner, d'accord ? Il va être puni pour ce qu'il a fait, et toi... toi tu iras bien. Je te le promets.

Kat hocha légèrement la tête depuis sa place entre ses bras.

— Je suis désolée, je me comporte comme un vrai bébé.

Lyna embrassa le haut de sa tête avant de murmurer :

— Non. Tu es très loin d’en être un.

— J’aurais dû attendre, ne pas y aller seule. J’avais déjà reçu des menaces, mais non, au lieu de ça, j’ai marché droit vers le danger. Parce que j’étais bornée, parce que je ne pensais pas qu’une chose aussi... affreuse pouvait se passer.

Un sanglot lui échappa et elle releva la tête afin de la regarder.

— Peut-être que je l'ai mérité. Pour avoir été si stupide. Si naïve.

La gorge serrée, Lyna repoussa ses larmes tout en la serrant encore plus fort contre elle.

— Hé, dit-elle en touchant son menton. Un homme t’a attaqué. Il t’a blessée. Tu n'as rien fait de mal.

— Je sais.

Sa réponse était automatique et Lyna pouvait voir qu'elle ne croyait pas ce qu'elle disait.

— Non, répéta Lyna avec force tout en la regardant profondément dans les yeux. Tu n'as rien fait de mal. D’accord ?

Kat hocha la tête, le menton tremblant.

Tu sais combien de fois j'ai marché seule dans la rue après la nuit tombée ?

Lyna baissa la tête, forçant Kat à maintenir un contact visuel lorsqu’elle essaya de détourner le regard.

— Combien de fois j’ai emprunté des petites ruelles à peine éclairées ? Combien de fois j’ai traversé des quartiers chauds sans jamais demander à être escortée ? Si ça avait été moi là-bas ce soir-là, si cet homme m'avait violée, tu penserais que je le mériterais ? Que j’aurais fait quelque chose de mal ?

Le visage de Kat blanchit aussitôt.

— Bien sûr que non. Mon Dieu, Lyn’, je ne veux même pas y penser.

— Personne ne pense que c’est de ta faute.

Lyna la fixa dans les yeux. Elle savait que son regard était intense, mais elle avait besoin que Kat le comprenne une fois pour toutes.

— On s’est tous retrouvé seul à un moment donné. Tu n'es pas la seule. C’était un coup de malchance.

Essuyant ses yeux d’un revers de main, Kat expira en tremblant.

— Tu vas me faire pleurer.

Lyna cala de nouveau sa tête sous son menton et se remit à se balancer.

— Excuse-moi, je veux juste que tu comprennes que tu n’y es absolument pour rien Kat, il est coupable.

— Je le déteste, dit doucement Kat.

La force de la haine qui transparaissait dans sa voix surprit Lyna mais la rassura également. Elle la faisait se sentir mieux, elle s’y raccrochait.

— Je veux qu’il meure.

— Je sais.

— Je ne veux pas me sentir de cette façon. Je ne suis pas censée me sentir de cette façon.

— Comment es-tu censée se sentir?

Kat hésita.

— Différente. Comme moi-même.

— Tu es toujours toi. Et je ne te blâme pas pour le haïr. Je le hais, aussi.

Sa main caressa doucement ses cheveux.

— Tu devrais essayer de dormir un peu, ma belle.

— Lyna ?

Cette dernière ralentit ses mouvements puis s’arrêta.

— Oui ?

— Tu veux bien me tenir comme ça un peu plus longtemps ?

La vulnérabilité qui transparaissait dans sa voix la rendit encore plus jeune que son âge.

— Ça m’aide.

Lyna posa sa joue contre ses cheveux sombre et recommença à les balancer, doucement et de façon paisible.

— Alors je continuerai aussi longtemps que tu en ressentiras le besoin.

💕

Kat avait dormi pendant plus de deux heures lorsqu'elle remua et cligna des yeux, hébétée. Lyna arrêta de caresser ses cheveux et sourit.

— Hé, murmura-t-elle. Tu t’es endormie.

Kat se redressa rapidement, les joues rougies.

— Je suis vraiment désolée.

— Ne le sois pas. Tu as fait une bonne sieste ?

Kat hocha la tête puis allongea le cou pour regarder le réveil.

— J’ai dormi combien de temps ?

— Quelques heures. 

Kat écarquilla les yeux de panique et Lyna reprit aussitôt sa main dans la sienne.

— Ça va, j’étais heureuse d'être ton oreiller.

— Oh bon sang, je suis tellement embarrassée.

Son regard évita celui de Lyna et elle s'agita, mais Lyna fut contente de voir qu’elle ne s’écartait pas.

— Tawny doit attendre.

— Je lui ai envoyé un texto pour lui faire savoir que tu te reposais, répondit Lyna en se redressant, soupirant d’aise de pouvoir enfin se dégourdir les jambes. Il a parfaitement compris.

Kat se leva à son tour et se passa une main dans les cheveux tout en regardant autour d’elle comme si elle reconnaissait à peine l’endroit.

— Je me sens mieux.

Elle se tourna vers Lyna et lui offrit un sourire, petit, mais authentique.

— Et je n'ai pas rêvé.

— Bonne nouvelle, sourit Lyna à son tour. Essaye de le faire à nouveau après mon départ, d'accord ?

Le sourire de Kat s’effaça.

— Je vais essayer.

Lyna s'approcha et plaça soigneusement ses mains sur ses épaules, la regardant les yeux dans les yeux.

— Tu vas t’en sortir, tu m’entends ?

Kat hocha la tête.

— Il t’a fait vivre l’enfer, Kat. Je ne peux même pas imaginer ce que tu as dû endurer.

Kat secoua la tête et ouvrit la bouche pour parler, mais Lyna l’interrompit.

— Mais il ne doit pas gagner. C'est comme ça que tu commenceras à guérir, quand tu décideras qu'il ne doit pas gagner. Tu peux et tu guériras. Ce ne sera pas facile, et ça ne se fera pas d’un coup, mais ça ira mieux. Je te le promets.

Kat tomba dans ses bras et l’étreignit fortement.

— Je vais essayer, dit-elle à nouveau, la voix chevrotante. Merci.

Lyna lui frotta légèrement le dos.

— Tu appelleras la thérapeute ?

— Peut-être.

Lyna sentit son cœur se serrer à nouveau face au doute qui transparaissait dans sa voix. Elle avait peur qu’elle ait déjà pris sa décision, et que cette dernière ne soit pas celle qu’elle espérait au plus profond d’elle.

— Elle va t’aider. Vraiment.

Kat se recula, essuyant ses larmes.

— Je vais y réfléchir.

C’était tout ce qu’elle pouvait lui donner ce soir, Lyna le savait. Pourtant, elle ne put résister à lui donner une autre suggestion.

— Et pense aussi à appeler ta douce, d'accord ? On dirait qu'elle se soucie vraiment de toi. Essaye de la laisser t’aider.

Kat détourna le regard mais Lyna bougea en même temps qu’elle, maintenant un contact visuel.

— Je sais que ce n'est pas facile, et parfois, quand les gens t’aiment, ils veulent que tu parles, même si tu penses que tu ne peux pas. Mais je te le dis dès maintenant, l'amour qu’elle a pour toi t’aidera certainement plus à guérir que toute autre chose.

Hochant rapidement la tête, Kat lui répondit :

— En parlant de ça, je te permets de retrouver Tawny.

Lyna sourit, comprenant qu’elle en avait assez eu pour la journée.

— Je vais y aller. Repose-toi.

— Oui, merci.

Kat ouvrit la porte de la chambre et se tourna vers Lyna, l’attirant dans un autre câlin rapide, puis s’écarta afin de lui permettre de sortir dans le couloir.

— Je repasse te voir très vite, d’accord ? dit Lyna.

Kat lui sourit puis ferma la porte dans un léger clic.

Lyna se sentit aussitôt soulagée, elle n’avait pas craqué devant elle. Pourtant, Dieu savait que l’envie l’avait prise à plusieurs reprises.

Elle se dirigea vers le salon et Tawny tourna les yeux vers elle à l'instant même où elle entrait dans la pièce. Leurs yeux se croisèrent et quand le sourire de Tawny s’effaça, Lyna comprit qu’elle faisait vraiment un mauvais travail pour cacher son état émotionnel tumultueux. Profondément préoccupé, Tawny se leva et contourna la table basse pour la rejoindre.

— Ça va ?

— On a eu une bonne conversation, elle a même réussi à obtenir quelques heures de sommeil.

— Tu penses que ça va aller ?

— Tant qu'elle y travaille, oui. Je lui ai donné le numéro de ma thérapeute. Encourage-la à l'utiliser, d’accord ?

Sentant la chaleur de la main de Tawny dans son dos, Lyna se détendit contre lui et il l’encercla aussitôt de ses bras.

— J'ai également suggéré qu'elle donne une chance à sa petite amie pour l'aider à traverser tout ça. Je ne suis pas sûre qu'elle suive mes conseils, mais -

— Non, c'est très bien.

Tawny expira, l'air heureux.

— Je ne m'attendais pas à ce que tu accomplisses un miracle. Mais tu l'as aidée à obtenir un peu de sommeil, et il semble qu’elle se soit un peu ouverte, alors... Je te l’avais dit, tu es géniale.

Il l’embrassa sur le front et Lyna se colla encore plus contre lui.

— Je ne sais pas, Tawny. Elle m’inquiète vraiment. Elle va vraiment mal. Je lui ai dit que je reviendrais très vite afin de veiller sur elle.

— Parfait. Elle va avoir besoin de toi.

Consciente qu’elle était sur le point de craquer émotionnellement, Lyna secoua frénétiquement la tête, lâchant un « elle va avoir besoin de toi aussi » tremblant avant de fondre en larmes. Inquiet, Tawny la serra aussitôt contre lui mais maintenant que le torrent avait commencé, Lyna ne pouvait plus le retenir. Ses sanglots s’intensifièrent au point qu’il lui devint difficile de respirer.

Semblant sentir la panique qui l’envahissait, Tawny frotta vivement une main dans son dos afin de la calmer.

— Respire, mon amour. Respire.

Secouant la tête, Lyna tenta de trouver la force de lui dire qu’elle ne pouvait plus respirer, qu’elle avait peur, qu’elle allait s’évanouir, mais elle ne pouvait pas former les mots. Au lieu de cela, elle s'accrocha à lui en désespoir de cause, terrifiée de lâcher prise.

— Je te tiens, lui dit alors Tawny tout en ralentissant le mouvement de sa main contre son dos.

Il la serra le plus près possible, jusqu'à ce que sa poitrine soit collée contre son torse et que Lyna puisse sentir le battement de son cœur, presque aussi tonitruant que le sien.

Lyn’, reste ici avec moi. Ça va. Tu es en sécurité.

Lyna ferma les yeux et canalisa toute son énergie afin de se sortir de cette spirale. Tawny avait raison, elle était en sécurité. Dans le cercle de ses bras, rien ne lui ferait de mal. Peu à peu, sa respiration se calma et ses larmes ralentirent. Sa poitrine continuait à lui faire mal, mais le pire était derrière elle.

— Hé, qu'est-ce que c’était, ça ? demanda Tawny, soucieux.

Lyna ouvrit les yeux mais ne recula pas sa tête de son épaule.

— Il l'a violée pendant deux heures.

Tawny resserra son étreinte.

— Je ne peux même pas imaginer ce à travers quoi elle est passée.

— Honnêtement, je ne peux pas non plus. Deux heures, Tawny. Deux heures de relations sexuelles forcées, de torture, d'humiliation.

— Pas étonnant qu'elle soit dans cet état aujourd’hui.

La colère s’était glissée dans sa voix, même si Lyna savait qu’il avait essayé de l’étouffer.

— Elle ne méritait pas ça.

— Elle est tellement brisée, Tawny. Elle est tellement mal. Je lui ai dit que ça irait mieux, mais la vérité c’est que je n'ai aucune idée de comment elle se sent en ce moment. Deux heures, Tawn’.

Sa poitrine se serra alors qu’une vague de colère impuissante s'écrasait sur elle.

— Elle est passée par tellement d’horreur, et je ne peux même pas la débarrasser de ces putains de cauchemars. Qui suis-je pour lui dire que ça ira mieux ?

— Elle ira mieux.

La voix de Tawny était douce, mais pleine d'autorité et Lyna sentit son menton se mettre à trembler.

— Elle est juste une enfant. Elle ne devrait pas avoir à faire face à tout ça, et elle ne devrait certainement pas avoir l'impression qu'elle n’a plus d'avenir. Il doit être puni, pour elle.

Tawny encadra son visage dans ses mains alors que ses propres yeux débordaient de larmes.

— Je t'aime, Lyna, et je n'ai jamais été aussi fier de toi. Je sais combien ce soir a été difficile. Je sais combien tu as donné de toi-même pour Kat là-dedans. Et je pense ... Je pense que tu es géniale. Et s'il y a quelque chose que je puisse faire pour te faire sourire en ce moment, n’importe quoi, je veux le faire. Parce que tu ne devrais pas avoir à te sentir comme ça, non plus.

Emportée par l'émotion intense et pure qui jaillissait de Tawny, Lyna se pencha pour lier leurs bouches ensemble. Tawny resta très calme et ne fit aucun effort pour approfondir le baiser, mais frotta ses pouces contre ses joues avec une tendresse déchirante. Fermant hermétiquement les yeux, Lyna murmura :

Juste, s'il te plaît, ne me lâche jamais.

Tawny secoua la tête, serrant ses mains sur son visage, la gardant près de lui.

— Je ne le pourrais pas. Même si je le voulais.

Lyna sourit.

💕

— Je sais combien tu essayais d’être courageuse pour m’aider. Je l’ai toujours su, Lyn’, lui assura Kat en prenant sa main dans la mienne. Et je l’ai toujours grandement apprécié.

— J’aurais simplement aimé que ce soit suffisant... pour que tu restes près de moi.

— Oh Lyn’, souffla Kat, l’émotion la gagnant à nouveau. Bien sûr que c’était suffisant. Je t’en supplie, ne pense pas que ça venait de toi, parce que ce n’est absolument pas le cas. C’était moi, c’était comme si j’étais en train de mourir de l’intérieur. J’étais persuadée que tout le monde connaissait la vérité, qu’ils pouvaient le voir dans chacun de mes mouvements, dans chacune de mes paroles. J’étais tellement embarrassée. Je n’avais pas envie que les gens parlent de moi. Je n’avais pas envie que les gens me regardent. Et toi et Tawny savaient. Te parler cette nuit-là m’avait fait du bien, mais ensuite... J’ai eu peur de ce que tu pouvais penser. De ce que tu pouvais ressentir. Que tu ais ce regard. Que tu me vois telle que j’étais. Sale et dégoutante et...

Ses paroles furent coupées court par une main qui se posa soudainement sur ses lèvres avant de dévier pour venir caresser sa joue.

— Jamais Kat, jamais, tu m’entends ? lui intima Lyna en la regardant droit dans les yeux, la voix tremblante. Tu es ma meilleure amie et je t’aime. Et Dieu sait que je tuerais cette ordure de mes propres mains si je le pouvais. Il n'y a rien, absolument rien dont tu doives avoir honte.

— Je sais. Je le sais aujourd’hui. Mais à l’époque... j’étais complètement brisée.

Lyna hocha faiblement la tête tout en s’essuyant les yeux d’un revers de main.

— Tu sais, j’ai passé les années qui ont suivies à me dire que je donnerais n'importe quoi pour avoir ne serait-ce que dix minutes seule avec ce type.

— Et moi à souhaiter qu’il meurt dans d’atroces souffrances.

Lyna hocha la tête avant de relever les yeux vers Kat, hésitante.

— Tu vas plus me fuir alors, pas vrai ?

Kat vint aussitôt la prendre dans ses bras avant de murmurer à son oreille.

— Jamais. Je te le promets.

Lyna resserra son étreinte puis s’écarta, un petit sourire sur les lèvres.

— Tant mieux, parce qu’il est hors de question que mon petit bout grandisse sans toi. Surtout quand on sait qu’il te doit la vie.

Kat l’observa avec confusion.

— Je ne suis pas sûre de comprendre...

— Moi et Tawny, cette nuit-là... c’était toi, pas vrai ? demanda-t-elle en l’étudiant intensément. Tu avais tout calculé avant de partir pour l’armée.

Kat sourit.

— Tu veux dire que ça a marché... exactement à ce moment-là ?

Lyna hocha frénétiquement la tête avant de lui raconter.

 

Un rayon de soleil venu prendre place sur son visage la poussa à froncer les sourcils et elle tourna la tête pour échapper à la lumière aveuglante, s’éveillant lentement. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas aussi bien dormi, surtout après un lendemain de fête. Elle se sentait reposée, revigorée, si bien qu’elle garda ses paupières closes, savourant le bien être qui l’étreignait. La chaleur de la couette qui l’enveloppait lui offrait un cocon oh combien confortable et elle ne put retenir un soupir de contentement.

Jusqu’à ce que le lit sous elle se mette soudainement à bouger.

Et qu’une érection matinale très enthousiaste ne frôle sa cuisse.

Surprise, elle se figea. Elle n’avait pas bu au point de ramener un inconnu, quand même ? Un bras enserra sa taille et elle réalisa que ses jambes étaient emmêlées avec d’autres, ce qui expliquait très certainement pourquoi elle le sentait si... volumineux contre elle.

Bon sang, mais combien mesurait-il ?

Les joues rougies d’avoir eu une telle pensée, elle bondit finalement hors du lit quand une main endormie se rapprocha un peu trop de sa poitrine à son goût et elle croisa aussitôt le regard interloqué de Tawny qui semblait aussi surpris qu’elle.

Lyna se rappela alors son sexe contre sa cuisse, et elle ignora l’embarras au profit de la colère.

Elle lui avait laissé le canapé, et voilà qu’il se retrouvait dans son lit à frotter sa rigidité contre elle !

— Je peux savoir ce que tu fiches dans mon lit ? demanda-t-elle en posant les poings sur ses hanches.

— Lyna, tu…

— Et tu as intérêt à avoir une excuse en béton ou je te promets de faire de tes testicules de la chair à pâté !

Tawny haussa les sourcils avant de fixer un point sur sa droite.

— Je ne sais pas comment je suis arrivé ici, mais tu devrais…

— Comment ça, tu ne sais pas ?! s’exclama aussitôt Lyna, incrédule. Je te laisse sur le canapé, et je me réveille avec toi tout autour de moi ! Sans compter ta... ta...

— Lyna, tu es…

— Et je te prierais de me regarder quand je te parle ! gronda-t-elle.

Tawny serra des dents avant de croiser son regard.

— Très bien ! s’irrita-t-il à son tour. Je tenais juste à te faire remarquer que tu es en petite tenue !

Hein ?

Lyna abaissa les yeux sur son corps et remarqua avec horreur qu’elle ne portait qu’une petite culotte et débardeur qui ne cachait pas grand-chose. Sans réfléchir, elle s’empara du drap et l’entoura autour de son corps avant de réaliser que ce faisant, elle venait de dévoiler le torse finement sculpté de Tawny, ainsi que le boxer qu’il portait.

Et la jolie bosse qui allait avec.

Arg !

La gorge sèche, elle se retourna rapidement pour tenter de cacher ses joues rougies. Puis, une fois sûre que son visage était neutre, elle se tourna de nouveau vers Tawny qui la dévisageait d’un air gêné mêlé d’autre chose qu’elle n’arriva pas à déchiffrer.

— La vue te plaît ? lui demanda Tawny d’un ton taquin.

Lyna sentit ses joues s’enflammer de nouveau et elle détourna le regard tout en marmonnant :

Ça t’apprendra de m’avoir reluquée.

— Reluquer ? s’exclama aussitôt Tawny. Je te rappelle que c’est toi qui m’as dit de te regarder !

— Tu aurais pu me dire que je n’avais rien sur le dos !

— Tu m’en as empêché ! répliqua Tawny en dégageant une partie du drap pour se couvrir.

Cette conversation ne rime à rien. Lyna soupira et reprit sa place sur le lit, prenant appui contre les oreillers alors que sa colère s’envolait peu à peu.

— Bon, de quoi est-ce que tu te souviens ? demanda-t-elle au bout d’un moment.

Tawny lui jeta un coup d’œil comme pour vérifier son état d’esprit avant de répondre.

— Tu es partie te coucher, j’ai allumé la télé et…

— Et ? interrogea Lyna en se redressant sur un coude pour le fixer.

Tawny fronça les sourcils, pensif.

— Et je sais pas, je me suis certainement endormi, soupira-t-il en venant se frotter les yeux. Qui s’amuserait à nous mettre à moitié nus dans le même lit ?

— Il n’y a pas cinquante réponses possibles à cette question, maugréa Lyna. Kat, probablement aidée par Mathilde. Ferme les yeux, je veux m’habiller.

— J’ai déjà tout vu, je te rappelle, répondit Tawny avant de lever les mains en signe d’apaisement quand Lyna lui asséna un regard noir. D’accord, d’accord, marmonna-t-il avant de lui tourner le dos.

Lyna se dirigea vers sa penderie et sélectionna des vêtements propres avant de s’immobiliser quand la voix de Tawny lui parvint à nouveau.

— Tu sais, je comprends pas pourquoi tu t’emportes comme ça, commença-t-il d’une voix simple. C’est pas comme si on avait fait quelque chose, hein.

Le ton blessé et confus lui parvint aisément et Lyna sentit sa poitrine se contracter. En vérité, ses sentiments pour son meilleur ami n’avaient cessé de se renforcer avec le temps, lui rendant de plus en plus difficile le simple fait d’être en sa présence tout en sachant qu’il n’était justement que ça : un ami. Se réveiller au creux de ses bras était une scène qui avait hanté ses rêves pendant tellement de fois qu’elle ne les comptait même plus. Mais les voir se réaliser de cette manière lui était trop douloureux. Elle faisait partie de ces gens qui préféraient ne rien avoir plutôt que de n’avoir qu’un peu.

Elle se mordit la lèvre tout en se retournant, l’observant alors qu’il jouait avec le drap d’un air absent. La vérité, c’était qu’elle était morte de trouille, terrifiée à l’idée que ses sentiments ne soient qu’à sens unique. Et par-dessus tout, elle avait peur qu’en lui déclarant sa flamme, leur relation ne soit plus la même et qu’ils ne se parlent plus du tout. Alors pendant tout ce temps, elle s‘était tue et elle avait observé toutes ces rivales qui défilaient dans ses bras.

Sans réfléchir, elle le rejoignit et posa sa main sur celle de Tawny, sentant son cœur s’emballer à la seconde près où leurs peaux se touchèrent. Elle leva la tête et croisa le regard sombre de Tawny, il semblait surpris. Lentement, sa main glissa le long de son bras et elle se rapprocha de son corps. Un frisson la parcourut et elle s’arrêta sur son épaule, sa poitrine frôlant son torse musclé.

Voyant qu’il ne réagissait toujours pas, elle s’empara de sa main pour la poser sur sa taille avant de venir caresser doucement sa joue, ses doigts descendant lentement jusqu’à sa bouche dont elle redessina les contours. Avec bonheur, elle vit son visage se pencher vers elle et bien vite, leurs lèvres se frôlèrent. Désirant plus que ce simple contact, Lyna se hissa un peu plus contre lui pour ravir à nouveau ses lèvres. Leur baiser fut doux, puis sa langue vint caresser ses lèvres qu’il entrouvrait aussitôt, permettant ainsi à leurs langues de se trouver, se cajoler. Ses bras se resserrèrent autour de sa taille, rapprochant leurs corps qui s’épousaient à merveille, leurs arrachant à tous deux un gémissement. Quelques minutes plus tard, ils se séparèrent à bout de souffle et Lyna ne put détacher son regard de ses joues rosies, de son souffle chaud caressant son visage. Elle le savait d’avance, jamais elle ne se lasserait de ce spectacle. Son regard croisa le sien et elle y lut du bonheur mais aussi de la perplexité.

— Je t’aime, confessa-t-elle simplement, surprise de réaliser combien les mots sonnaient juste à ses oreilles.Je t’aime depuis un moment. Et ça m’est difficile de t’avoir auprès de moi alors que tu ne m’es pas accessible.

Elle lâcha un petit rire gêné.

— Enfin, je devrais dire « étais », non ? demanda-t-elle, incertaine.

— Mais…tu… Enfin, et Chris ?

Lyna roula des yeux tant sa question lui paraissait bête, mais s’arrêta aussitôt quand elle remarqua son air vexé.

— Tawny, on a jamais été ensemble, lui expliqua-t-elle doucement. Enfin, pas vraiment. C’était juste comme ça.

— Oh.

Lyna l’observa, confuse.

— Tu... croyais que c’était sérieux ?

— Non, répondit aussitôt Tawny. Enfin, je l’espérais, avoua-t-il en venant caresser sa joue.

Lyna sentit ses yeux se fermer d’eux-mêmes.

— Tu n’as pas à t’inquiéter à son sujet, tu es et resteras toujours le seul pour qui mon cœur bat.

Tawny lui sourit aussitôt.

— Toi aussi, murmura-t-il et Lyna afficha un sourire quand il se pencha vers son oreille et murmura : « je t’aime ».

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