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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

1 juillet 2011

Chapitre 3

Deux ans plus tôt.

Jordan frissonna lorsqu’elle sentit un léger courant d’air frais frôler la peau nue de son épaule et elle  tâtonna un instant afin de tirer la couverture un peu plus sur elle. Alerté par son mouvement, un corps chaud vint se coller contre son dos, rapidement suivi par un souffle chaud contre son cou, et Jordan fronça les sourcils avant de lâcher un hoquet de surprise. Elle s’était couchée seule la veille, non ?

— Qu’est-ce que...

Tournant légèrement la tête, elle croisa deux yeux verts qui la fixaient intensément et l’étincelle qui y brillait la troubla, la poussant à fermer les yeux lorsqu’elle sentit des lèvres chaudes venir caresser sa nuque. La main fraîche qui se posa sur son ventre, sous son débardeur, la ramena cependant rapidement à la réalité et elle se figea, écarquillant légèrement les yeux.

— Manue, qu’est-ce que tu —

— Chut…

Elle sentit les lèvres de la jeune policière se poser de nouveau contre son cou, le couvrant de baisers tandis que sa main caressait tendrement son ventre, poussant ses muscles à se contracter sous son passage. Sa respiration s’accéléra malgré elle et elle sentit une boule se former dans son estomac ; elle voulait la repousser, lui dire d’arrêter mais son cerveau ne lui obéissait pas, paralysé par la surprise et par l’incompréhension de ce qu’il se passait.

La main d’Emmanuelle descendit le long de son flanc pour venir caresser sa cuisse et lorsque sa langue vint jouer avec le lobe de son oreille, un gémissement s’échappa d’entre ses lèvres et elle rougit aussitôt. Même si elle ne voulait pas se l’avouer, elle sentait le désir monter, s’emparant d’elle à la vitesse de l’éclair et la laissant incapable de résister.

Elle sentit la main de la jeune policière passer sur l’intérieur de sa cuisse et la griffer tendrement, collant encore plus son corps contre son dos et elle s’entendit gémir à nouveau.

Oh bon sang. Pourquoi faut-il que je sois aussi sensible à ses caresses ?

Jordan ne voulait pas, mais elle ne bougeait pas non plus. C’était comme si son corps ne lui obéissait plus, comme s’il avait pris les rênes et refusait d’écouter ce que lui disait sa conscience, agissant de lui-même et faisant même tout le contraire.

La langue d’Emmanuelle suivit la courbe de sa mâchoire et son pouls s’accéléra plus encore, sa respiration hachée trahissant son désir non souhaité. Elle sentit les lèvres de la jeune policière descendre jusqu’à sa jugulaire qu’elle s’appliqua à embrasser avant de basculer sur elle, collant son bassin contre le sien puis passant ses jambes musclées de chaque côté de ses hanches.

Oh mon dieu, elle est en train de me rendre folle...

La douce chaleur présente au creux de son ventre s’intensifia et Jordan ferma un instant les yeux avant de les rouvrir lorsqu’elle sentit les mains d’Emmanuelle remonter son débardeur dans une lenteur infinie, s’arrêtant à la lisière de sa poitrine. Son regard se posa sur le corps de la jeune policière, aussi nu que le jour de sa naissance, et elle sentit sa bouche s’assécher soudainement alors qu’un nouveau gémissement s’échappait de ses lèvres.

Oh... mon... dieu... 

Son regard remonta jusqu’au visage d’Emmanuelle qui s’était arrêtée pendant son observation et elle n’eut aucun mal à y discerner l’étincelle amusée qui y brillait avant que la jeune femme baisse la tête et ne vienne jouer avec son nombril, la poussant une nouvelle fois à prendre une inspiration profonde.

Non, elle ne voulait pas. Qu’elle arrête. Qu’elle arrête ce supplice. Je ne peux pas ressentir ça... je ne peux pas... Les lèvres de la jeune policière descendirent jusqu’à son bas ventre, et elle vit ses propres mains venir se glisser dans les cheveux sombres et l’attirer plus encore contre elle, son bassin se cambrant de lui-même lorsque la langue d’Emmanuelle suivit l’élastique de son sous-vêtement.

— Encore...

Le son de sa voix, si rauque, raisonna à ses oreilles et elle se demanda un instant si c’était bien elle qui venait de parler. De longs doigts fins entourèrent ses poignets, les caressants tendrement avant de les lever au-dessus de sa tête, aussitôt suivis par un corps chaud qui se colla de tout son long contre le sien. Le regard vert émeraude d’Emmanuelle captura le sien avant qu’elle ne ferme les yeux lorsqu’elle sentit la main libre de la jeune policière caresser la naissance de sa poitrine avec douceur et désir, la poussant à se mordiller la lèvre inférieure.

— Manue...

Des lèvres douces et chaudes se posèrent soudainement sur les siennes et elle se laissa aller, s’abandonnant à sa langue, à ses lèvres, à ses mains… comme s’il s’agissait d’une drogue annihilant toutes ses résistances. Son bassin se cambra de nouveau sous elle et elle réalisa qu’elle en voulait plus, plus de son corps contre le sien, de ses lèvres sur les siennes, de son souffle dans son cou. Elle sentit la jeune policière abandonner ses poignets et glisser lentement sa main le long de son corps, sur son ventre, puis sous l’élastique de sa culotte avant de venir effleurer...

Ses yeux s’ouvrirent subitement et Jordan se redressa d’un bon, haletante, en sueur et le cœur battant à tout rompre. Son regard glissa vers ses draps gisants à terre et elle porta ses mains à son visage lorsqu’elle se rappela le rêve qu’elle venait de faire. Oh merde… merde, merde, merde, merde, merde. Elle sauta du lit et commença à parcourir la chambre de long en large tout en cherchant désespérément une explication plausible aux images qui ne cessaient d’envahir son esprit.

— Bon, on inspire, et on expire. Ce n’était qu’un rêve. Ça ne veut rien dire. Des rêves étranges, tout le monde en fait, non ?

Elle se passa une main dans les cheveux avant de se tordre nerveusement les doigts.

— Manue est une amie. Ok, bon, une très bonne amie. Voilà. Et... elle est belle. Très belle. Bon, d’accord, plus que très belle. Mais ça ne veut rien dire, pas vrai ? Je ne suis pas la première femme à trouver une autre femme...

Son regard s’arrêta sur une série de photos accrochées au-dessus de son bureau et elle s’y s’attarda un instant. Le premier cliché, en noir et blanc, représentait la jeune policière vêtue d’un simple haut à manches courtes légèrement décolleté et d’un jean. La tête légèrement inclinée, elle arborait un sourire amusé et son regard était presque caché par sa main gauche qui tenait le devant de sa casquette de police.

Jordan se sentit sourire, elle avait attendu Emmanuelle à la sortie du commissariat ce jour-là, avec pour intention de l’inviter à manger une glace avant d’aller voir « Into the Wild » ; elle avait toujours eu un faible pour les films inspirés de faits réels. Sa journée terminée, la jeune policière n’avait pas fait deux pas dans le parking que Jordan l’avait aussitôt intimée de retourner à l’intérieur afin de revenir avec sa casquette. Amusée, Emmanuelle avait rapidement obtempéré avant de prendre la pose sur le capot de sa 407 et laisser Jordan la photographier à sa guise. Cette journée faisait partie de ses meilleurs souvenirs.

Le regard de Jordan s’attarda sur les yeux rieurs d’Emmanuelle et elle ne put s’empêcher de se mordre la lèvre inférieure.

— ... très attirante. Très, très attirante..., finit-elle d’une voix rêveuse avant de porter ses mains à son visage. Ah ! Jordan arrête !

Elle secoua la tête comme pour s’éclaircir les idées mais lorsque son regard s’arrêta de nouveau sur la photographie, elle sentit son ventre se contracter à nouveau.

— Han, merde. Une douche froide. Ça, c’est une bonne idée. Une très très très bonne idée.

Elle s’apprêtait à quitter la pièce lorsqu’elle croisa de nouveau le regard rieur d’Emmanuelle.

— Et arrête de me regarder comme ça, toi ! lâcha-t-elle avant de refermer la porte derrière elle.

💕

Vêtue d’un simple peignoir, ses cheveux humides retombant librement sur ses épaules, Jordan pénétra dans le salon d’un pas assuré et prit place sur le canapé. Elle s’installa confortablement avant de s’emparer de la télécommande et zapper sans prêter attention aux images qui défilaient sous ses yeux.

Une douche froide une bonne idée... Elle leva intérieurement les yeux au ciel. Comme quoi il ne faut vraiment pas croire ce qu’ils racontent à la télévision, pensa-t-elle en glissant ses jambes sous elle.

Du mouvement sur la droite attira son regard et elle remarqua finalement la présence de son frère assis dans le fauteuil qui jouxtait le canapé. Levant les yeux de son magazine, il l’observa un moment avant de se racler légèrement la gorge.

— Tombée du lit ?

Jordan lui jeta un rapide coup d’œil avant de reporter son attention sur l’écran.

— Si on veut, marmonna-t-elle.

Mathéo retint un sourire.

— Bon, je t’écoute.

Jordan lui lança un regard mêlant perplexité et interrogation.

— Hein ?

— Tu as l’air absent, les yeux rivés sur l’écran, et les sourcils froncés, répondit Mathéo en feuilletant de nouveau son magazine. Quelque chose te tracasse et tu es en train d’y réfléchir. J’attends simplement la question que tu vas me poser dans, disons quelques secondes.

Jordan sourit, amusée.

— Tu le sais uniquement parce que tu agis de la même façon, p’tit frère.

Mathéo leva les yeux au ciel.

— De quelques minutes seulement, répondit-il en plissant les yeux. Alors ?

Le sourire de Jordan s’effaça pour laisser place à un air incertain.

— Tu... hum, est-ce que tu... me verrais lesbienne ?

Mathéo haussa les sourcils, surpris.

— Lesbienne ? Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?

Jordan haussa les épaules, le regard fixé sur sa main qui redessinait le contour des touches de la télécommande.

— Je sais pas… tu en penses quoi ?

Mathéo replia son magazine avant de le déposer sur la table basse, il posa ses coudes sur ses genoux et croisa ses mains devant lui.

— Hum, ça n’aurait pas un lien avec Emmanuelle ?

Jordan leva aussitôt les yeux dans sa direction.

— Non, pas du tout.

Mathéo se sentit sourire.

— Jordan, tu es en train de me mentir.

Elle le considéra, l’air étonné.

— Ta lèvre, tu te mordilles toujours la lèvre inférieure quand tu mens. Et tu viens par deux fois de te pincer l'arête du nez.

— Ah, grimaça Jordan. Tu aurais pu me dire que tu avais remarqué ça !

— C’est Kat’ qui me l’a dit, rit-il en se rasseyant confortablement au fond du fauteuil. Elle te plaît ? demanda-t-il en reprenant son sérieux.

Jordan sentit une douce chaleur monter le long de ses joues et elle détourna les yeux.

— Oh oui, elle te plaît ! rit aussitôt son frère. Quoique je ne devrais pas être surpris, ça fait quoi, un an que tu la connais ? Vous êtes inséparables, quand vous ne travaillez pas vous êtes ensemble, et quand vous n’êtes pas ensemble, vous vous téléphonez. Des vraies sangsues !

— Mat’ ! gémit Jordan en lui lançant l’oreiller qui se trouvait à sa portée. Je ne sais pas ce que je ressens exactement, et puis, c’est une femme, j’ai jamais ressenti ça pour une femme. Et puis elle, que pense-t-elle de moi ? Et —

Mathéo leva les mains pour l’arrêter.

— Hop hop hop ! Doucement Jordan, si tu continues comme ça tu vas me faire une crise cardiaque ! Allez, viens là, dit-il plus doucement en s’installant à ses côtés et la prenant dans ses bras. Je n’ai pas de réponse toute faite à te donner, je ne peux pas te dire ce que tu ou ce qu’elle ressent ni ce qu’il faut ou ne faut pas faire.  Mais je pense que... prendre ton temps, et voir comme les choses évoluent, c’est plutôt un bon début, non ?

Il croisa son regard.

— Quoi qu’il arrive, je suis là, ajouta-t-il sincèrement.

Jordan l’embrassa sur la joue avant de poser sa tête sur son épaule.

— Je sais ça, Mat’. Mais… imaginons que... enfin, tu sais. Ça ne te poserait pas de problème ? demanda-t-elle, incertaine.

Mathéo passa un doigt sous son menton et lui releva doucement la tête pour pouvoir croiser son regard.

— Jordan, que tu sois avec une femme, qu’il te manque une jambe ou que tu deviennes bleue, ça ne change rien du tout pour moi, et tu le sais. Tu es magnifique quand tu souris, et cette jeune femme y est apparemment pour beaucoup, alors non, ça ne me poserait certainement pas de problème.

Il laissa un sourire se dessiner sur ses lèvres.

— J’ai plutôt envie de la remercier ! ajouta-t-il en lui ébouriffant les cheveux.

— Ah Mat’ ! s’exclama-t-elle aussitôt. T’as de la chance d’être mon frère et que je t’aime, ajouta-t-elle, les yeux plissés.       

Mathéo se contenta d'éclater de rire.

💕

Emmanuelle s’affala dans son fauteuil et observa d’un mauvais œil son meilleur ami et collègue tenter de remettre de l’ordre dans les dossiers éparpillés sur son bureau. 

— Seb, gronda-t-elle. Arrête de tout mélanger ! s'exclama-t-elle en mettant ses mains sur les siennes pour arrêter le massacre.  

— Mélanger ? répéta-t-il, incrédule. Mais il n’y a même pas d’ordre cohérent dans le classement de tes dossiers !      

— Si, répondit Emmanuelle en replaçant ce qu’il avait déplacé. Le mien.      

Sébastien secoua la tête de dépit avant de changer de sujet.   

— Tu n’as toujours pas terminé ton rapport ?  

— Non, grimaça Emmanuelle. Je suis vraiment en retard dans la paperasse… Tu me donnes un coup de main, hein, dis ? demanda-t-elle en le suppliant du regard.

Il se mit à rire.

— Me regarde pas comme ça Manue, je suis aussi débordé que toi, tu sais. Les affaires n’arrêtent pas en ce moment. Et puis, tu es censée être de repos aujourd’hui, qu’est-ce que tu fais là ?

— J’essaye de m’avancer et… de m’occuper, répondit-elle en se passant une main dans les cheveux.

Sébastien haussa les sourcils.

— De t’occuper ? 

— Oui, je déjeune avec Jordan ce midi, alors en attendant, je m’occupe !      

— Jordan ? Oh la blonde avec qui tu déjeunes presque tous les jours de la semaine ?

Emmanuelle opina de la tête et il laissa un sourire malicieux apparaitre sur ses lèvres

— Elle t’a tapé dans l’œil hein ?    

— Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit Emmanuelle en détournant le regard.           

— Hmm, bien sûr, répondit Sébastien qui n'y croyait pas du tout. Tu n’es pas sortie en boîte depuis des mois, tu as le sourire jusqu’aux oreilles à chaque fois que tu sais que tu vas la voir, et c’est à peine si tu ne sautes pas au plafond quand elle apparaît dans ton champ de vision. Sans compter que…      

Il s’interrompit, la considérant un moment avant de plisser des yeux :         

— Manue… Tu rougis ?      

Merde.

— Non, marmonna-t-elle en faisant mine de s’occuper de son dossier.        

— Si tu rougis ! Merde… ça doit être la première fois que je te vois rougir depuis le temps que je te connais… Elle te fait perdre tes moyens, hein ?  

Emmanuelle porta ses mains à son visage.         

— Sébastien, arrête ! s'exclama-t-elle, exaspérée. Tu n'as rien d'autre à faire que de raconter... n'importe quoi là ?!       

— Rho allez Manue, ne me dis pas que tu es intimidée… T’as jamais eu de difficultés à mettre quelqu’un dans ton lit ! 

Emmanuelle redressa aussitôt la tête et lui lança un regard noir.      

— Ne la compare certainement pas à un coup d’un soir, siffla-t-elle entre ses dents.         

Sébastien se recula, paumes en l’air.        

— Excuse-moi, je ne voulais pas être insultant. C’est juste que… Ça fait quoi, trois ans qu’on se connait ? Tu n’as jamais eu de relation sérieuse Manue. Je ne t’ai jamais vu… amoureuse.

Emmanuelle haussa les sourcils.

— Amoureuse ? Le soleil t’a tapé sur la tête dis-moi ?  

Elle secoua la tête, incrédule, avant de poursuivre d'un ton sarcastique :     

— Et je ne savais pas que j’avais pris rendez-vous avec un psy. Quel est le pronostique, docteur ?

Elle le coupa avant qu’il n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche :

— Non arrête, je ne veux pas savoir !     

Sébastien soupira.   

— Bon, très bien, évite le sujet autant que tu le veux, mais tu es sous son charme, il n’y a aucun doute là-dessus.

La jeune policière secoua la tête avant de reporter son attention sur le dossier qui se trouvait en face d'elle. Trois ans qu’ils se connaissaient, et il n’avait pas tort : à quand datait sa dernière relation sérieuse ? Elle n’en avait aucune idée. Les histoires sans lendemain étaient tellement plus simples, plus libres et… bien moins douloureuses.

Ils s’étaient d’ailleurs rencontrés comme cela, Sébastien et elle. Elle était en boîte, comme tous les weekends quasiment, et elle et des amis fêtaient l’anniversaire de son cousin lorsqu’elle l’avait vu entrer. Accompagné de deux autres hommes — elle avait appris plus tard qu'il s'agissait de ses frères — ils étaient entrés en file indienne et lui avait été le dernier à passer la porte, un jeune métis aux cheveux bruns et aux yeux marron clair, musclé juste ce qu’il fallait et un sourire à en faire craquer plus d’une. Elle n'avait pas mis longtemps avant de l'approcher, et après quelques verres, ils avaient vite sympathisé et fini la nuit chez lui. Mais le jour venu, elle avait récupéré ses affaires et était rentrée chez elle, comme toujours.       

Elle sourit. Quelle n’avait pas été sa surprise de le retrouver quelques heures plus tard au commissariat où elle apprenait qu’il était désormais son partenaire.

Le ton sérieux de Sébastien la tira de ses pensées.       

— Quoi qu’il en soit, je suis content pour toi Manue. Tu passais ton temps à travailler… Ça va te faire du bien.

Le visage de la jeune policière s'éclaira d'un grand sourire.   

— J’aime quand tu lâches l’affaire, répondit-elle. Et d’ailleurs, il faut que j’y aille si je ne veux pas être en retard !         

Elle se leva, attrapa sa veste et déposa un baiser sur sa joue avant de quitter le commissariat.

Alors qu’elle s’installait au volant de son véhicule, elle ne put néanmoins s’empêcher de repenser aux paroles de son ami. Elle avait beau essayer de le nier, quand elle pensait à Jordan, elle voyait… une magnifique jeune femme, des yeux noirs légèrement en amande, un nez aquilin, des lèvres bien dessinées et de magnifiques cheveux longs blond cendré. Son visage était singulièrement attirant, et elle n’avait pu s’empêcher de remarquer sa silhouette qui débordait d’une sensualité sauvage.

Jordan l'attirait. Le simple fait de prendre sa main dans la sienne faisait battre son cœur si fort qu'elle en était la première surprise. Elle avait beau réfléchir, elle était incapable de se souvenir de la dernière fois où elle avait ressenti une émotion aussi intense, et il ne s'agissait que d'une main serrée. Elle secoua légèrement la tête. Elle n'osait pas imaginer l'effet que son corps tout entier aurait s'il était serré contre le sien.           

Et il ne vaut mieux pas que je me l'imagine.          

Elle prit une profonde inspiration avant de la relâcher doucement, reconnaissant pour la première fois ce que son cœur lui hurlait depuis maintenant de nombreux mois.   

Je tiens à elle. Énormément, admit-elle doucement avant qu'un rire dénué d'humour ne s'échappe de ses lèvres. Si ce n'est pas ironique ça, venant d'une femme dont le cœur est resté fermé durant des années.

Mais après tout... était-ce si inconcevable ?

💕

21… 22… ah, 23B.

Jordan s’apprêtait à appuyer sur la sonnette lorsque la porte s’ouvrit soudainement et laissa apparaître un homme aux cheveux grisonnants, le visage doux. Surprise, elle resta un instant interdite avant de balbutier :     

— Euh... excusez-moi, j'ai dû me tromper de —

— Vous êtes Jordan, c'est ça ?      

Elle fronça les sourcils.       

— Oui, mais…           

— Entrez je vous prie, lui dit-il en lui laissant le passage. Suivez-moi.

Perplexe, Jordan le suivit le long d'un petit couloir qui donnait sur un salon/salle à manger. Le plafond et les murs étaient recouverts de bois sombre, comme dans un bateau, et il se dégageait de l’endroit une ambiance chaleureuse qu'elle appréciait beaucoup. Arrivée dans la salle principale de l’appartement, Jordan remarqua le panier de pique-nique à moitié rempli de nourriture et de boissons qui ornait la table et Emmanuelle en train de plier une nappe à carreaux blanc et rouge.

— Quand tu avais parlé de déjeuner, je ne pensais pas à quelque chose en plein-air, lui dit-elle le sourire aux lèvres.    

Le son de sa voix lui parvint et Emmanuelle releva aussitôt la tête dans sa direction, un sourire illuminant instantanément son visage.

— Jordan ! s'exclama-t-elle en la prenant dans les bras et l’embrassant sur la joue. Au vu de ton sourire, j’en conclu que tu es partante ? Il fait super beau, j’ai pensé que ce serait une bonne idée, non ?

— Oui. Enfin, si tu me laisses choisir l’endroit… 

La jeune policière ne put s’empêcher de rire face au chantage de Jordan.   

— Pas de problème, sourit-elle avant de lever les yeux vers l’homme resté dans l’encadrement de la porte. Ah ! Tu as rencontré l’homme de ma vie, ajouta-t-elle tout sourire.   

— L’homme de ta vie ? répéta Jordan en haussant les sourcils.         

Emmanuelle haussa un sourcil.     

— Tu ne t’es pas présenté ?          

— Et non, il faut croire qu’avec l’âge, les bonnes manières s’envolent ! rit doucement le vieil homme.

Emmanuelle secoua la tête et réprima un sourire devant l’air plus que perdu de Jordan.

— Jordan, je te présente mon père, et mis à part son manque de civisme, il est adorable, le taquina-t-elle.

— Oh. Oui, maintenant que tu le dis, il est vrai que la ressemblance est assez frappante ; tu as ses yeux, sourit doucement Jordan tandis qu’Emmanuelle rougissait. Enchanté monsieur Cahill, dit-elle en lui serrant la main. Je suis ravie de faire enfin votre connaissance. Manue ne m’avait pas dit que vous étiez en ville, ajouta-t-elle en jetant un regard interrogateur à la jeune policière qui haussa les épaules.

— À vrai dire, elle n’était pas au courant, c’est une visite surprise. Et s’il vous plaît, appelez-moi Franck, ajouta-t-il dans un chaleureux sourire.    

Jordan hocha la tête d'un air entendu.    

— Marché conclu. Vous vous joignez à nous pour le pique-nique ?   

— Ce serait avec plaisir mais j’ai d’autres choses de prévues. D’ailleurs, je vous laisse, passez une bonne journée. Manue, je serais au sous-sol, ajouta-t-il en quittant la pièce.

La jeune policière opina de la tête avant de hurler :     

— Merci p’pa !         

— Au sous-sol ? demanda Jordan en fronçant les sourcils.     

— C’est là que se trouve ma voiture. J’ai un petit souci technique, mon père est mécanicien.

— Ah… on prend la mienne alors ?          

Emmanuelle feignit un air exaspéré.        

— Oui Jordan, on prend ta voiture.          

Jordan lâcha un rire tout en s'emparant du panier qu'elle se vit aussitôt retirer des mains par Emmanuelle. 

— Tu es responsable de la nappe, toi, répondit la jeune policière en la lui tendant.

— Humpf, bien lieutenant, marmonna Jordan avant qu'un air malicieux n'apparaisse dans son regard. Hé, Manue ?  

— Hmm ?      

— Je peux faire un excès de vitesse ?      

Emmanuelle haussa les sourcils avant de lui faire face à nouveau.    

— Bien sûr que non !         

Jordan feignit un air boudeur.      

— Oh... et griller un feu rouge ?    

— Jordan..., la prévint la jeune policière alors qu'elle tenait la porte pour qu'elle sorte. Respecte le code de la route.   

— D'accord, d'accord..., capitula Jordan en prenant la direction des escaliers. Oh et rouler avec ton girofard sur le toit ? J'ai toujours rêvé de faire ça.        

Emmanuelle leva les yeux au ciel. 

— Jordaaaaaaaaaaaaaaaan !

💕

Une fois garée sur le parking fait uniquement de gravats, Emmanuelle s’était demandé si son amie ne s’était pas trompée de chemin, l’endroit étant uniquement peuplé d’arbres et d’espaces verts. Jordan, après avoir ri de son air perplexe, lui avait expliqué qu’il faillait suivre un sentier forestier qui menait à un lac artificiel réservé à la baignade et accessible uniquement à pied.         

Elles avaient alors marché pendant une vingtaine de minutes et étaient arrivées près du petit lac entouré d'arbres et de bancs et avec pour unique plage une pelouse verte. Les arbres élancés se reflétaient dans l’eau parfaitement lisse et calme et Emmanuelle ne put s'empêcher de penser qu'il s'agissait d'un vrai morceau de paradis tombé du ciel au milieu de nulle part et complétement désert.

— C’est… magnifique, souffla-t-elle.         

Un doux sourire étira les lèvres de Jordan.        

— Je suis contente que cela te plaise. Je viens souvent ici, c’est un bon moyen pour décompresser et se relaxer.         

— Et c’est toujours désert ?          

— En général, les gens viennent pendant les vacances scolaires, en famille. Le reste de l’année oui, il y a rarement du monde. Et puis, cet endroit est peu connu par la population.   

— Et puis-je savoir, s’il vous plaît, quelle est votre excuse pour ne m'avoir jamais emmenée ici avant ? demanda Emmanuelle d'un air faussement vexé alors que Jordan dépliait la couverture et l’étalait sur le sol au pied d’un grand chêne.   

La jeune femme blonde lâcha un rire.     

— Eh bien, pour ma défense..., répondit-elle alors qu’elles prenaient place sur la nappe, les rayons du soleil filtrant légèrement à travers les branches. Je dirais que, mademoiselle la Biarrote ?

Devant le hochement de tête d'Emmanuelle, elle poursuivit :  

— Que cela fait trois ans que vous vivez dans la région, et que, par conséquent, vous auriez pu le découvrir par vous-même. Mais s'il vous faut vraiment une raison, je dirais simplement que le temps ne s’y prêtait pas et que je n’allais tout de même pas dévoiler toutes mes cartes dans l’immédiat.

— Huh, huh… tu marques un point, admit la jeune policière en hochant la tête. Mais…, ça ne fait pas trois ans, ça fait trois ans et demi, nuance.       

Jordan ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel.      

— Tu es irrécupérable.      

— Je sais, répondit Emmanuelle, le sourire aux lèvres. Et c’est exactement pour ça que tu m’adores.

— Mouais, admit Jordan. Pourquoi avoir quitté Biarritz d’ailleurs ? Tu ne me l’as jamais dit, demanda-t-elle tout en vidant le contenu du panier.

Emmanuelle haussa les épaules.

— J’avais envie de changer d’air.  

— Changer d'air ? C'est tout ?       

— Oui. J’avais fait le tour de ma ville natale, je venais de finir mon stage pour être lieutenant de police et je savais qu’il allait falloir que je me pose. Je n’avais pas envie de faire ça là-bas, alors j’ai décidé de venir ici.        

— Ça n’a pas dû être simple pour ton père…     

— Tu plaisantes ? s'exclama aussitôt Emmanuelle. Il était plutôt content d’être enfin débarrassé de moi ! rit-elle.        

Voyant Jordan hausser les sourcils, elle reprit : 

— Je plaisante, juste que j’étais assez… irresponsable lorsque j’étais jeune, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs, ajouta-t-elle en secouant la tête.    

— Oh. Du genre ?    

— Hum, faire plus de 700km pour accrocher un cadenas sur le parapet d’un pont ?        

Jordan recracha presque la gorgée d'eau qu'elle venait de prendre.

— Quoi ?! s’exclama-t-elle. 

Emmanuelle lâcha un petit rire puis hocha la tête.        

— Tu as bien entendu.       

— Oh. Mon. Dieu, répondit Jordan en secouant la tête dans un air de dépit. C’est définitif, tu es encore plus irrécupérable que ce que je croyais. Hé ! couina-t-elle en essayant d’échapper à la jeune policière qui voulait lui infliger une tape sur le bras.        

— Bon, tu veux entendre l’histoire ?       

Jordan hocha la tête.           

— Vas-y, je sens que je vais adorer, sourit-elle. 

— À l’époque, j’avais une CB500 —         

— Une quoi ? l'interrompit aussitôt Jordan.       

— Une CB500, c’est une moto.      

— Oh, répondit la jeune femme avant de réaliser pleinement ce qu'Emmanuelle venait de dire, la poussant à écarquiller les yeux. Attends, c’était en moto en plus ?! Mais t’es dingue !

La jeune policière soupira tout en croisant ses bras sous sa poitrine. Jordan grimaça.

— Excuse-moi, continue.    

— Sûre ? demanda Emmanuelle en haussant un sourcil.         

— Promis ! répondit aussitôt Jordan en mimant une fermeture éclair de ses doigts avant de jeter la clé imaginaire par-dessus son épaule.           

La jeune policière ne put s’empêcher de rire devant sa bêtise.           

— Bon, reprit-elle une fois calmée, j’avais donc une moto, la pauvre, elle a dû subir un nombre incalculable de chutes, la première à peine dix minutes après l’avoir ramenée à la maison, dit-elle en secouant la tête. Bref, une fois le permis en poche, on a décidé, avec ma copine de l’époque, de partir à Paris sur un coup de tête. J’avais à peine 2 ou 3000 kilomètres au guidon, et je me suis retrouvée avec elle en passagère, un top case énorme et des valises latérales pleines à craquer. C’était épique. Arrivées sur Paris, on est allées à l’hôtel histoire de s’installer, se rafraichir et manger un bout. Puis on est parties visiter, c’était la première fois que l’on montait à la capitale et on était assez excitées. Et puis on est tombées sur le pont qui se trouve devant le Louvre et le musée d'Orsay, et on a vu tous ces cadenas qui ornaient le parapet. Tu sais, les amoureux accrochent leur cadenas et jettent la clé dans l’eau.   

Jordan hocha la tête.           

— Mais ce ne sont pas les jeunes mariés qui font ça normalement ? 

— Non, je crois que c’est juste pour les amoureux qui veulent que leur amour dure toujours et qu’aucun rival ne vienne voler leur bien-aimée…, sourit-elle.       

Jordan leva les yeux au ciel.          

— Manue… c’est un rite… ridicule.           

La jeune policière adopta un air faussement outré.      

— Non, amoureux, répondit-elle avant d'afficher un air boudeur.     

— Mouais, admit Jordan bien qu'elle n'était pas du tout convaincue. En tout cas, ce n’est pas moi qui irais faire des centaines de kilomètres pour poser un stupide cadenas sur un pont !

La jeune policière ne put s’empêcher d’exploser de rire.        

— Jordan, j’avais 19 ans, j’étais assez immature à l’époque. Je t’interdis de dire que c’est toujours le cas ! poursuivit-elle en posant une main sur ses lèvres.     

Jordan se contenta de rire puis de donner un coup de langue contre sa paume.    

— Ugh ! répondit Emmanuelle en essuyant sa main sur son jeans. Bah.       

— Et la copine ? Que s’est-il passé ?         

Emmanuelle haussa les épaules.   

— On a rompu une semaine plus tard, répondit-elle.    

— Oh. Comme ça ?  

— J’étais pas amoureuse, on s’entendait bien, on s’amusait bien, voilà.        

Jordan fronça les sourcils. 

— Mais vous avez accroché ce cadenas…

— Hmm, immature, tu te souviens ? répondit doucement Emmanuelle dans un sourire indulgent. Je ne prenais pas ça au sérieux, on l’a fait, voilà, c’était marrant.     

Jordan secoua la tête.         

— Tu es vraiment quelqu’un d’incroyable, tu sais ça ? 

Elle avait prononcé sa phrase sur le ton de la plaisanterie, mais la jeune policière n’avait eu aucun mal à y décerner la pointe de sérieux qui prédominait. Elle ne put s’empêcher de s’empourprer.

— Oh et tu es définitivement adorable quand tu rougis ! s’exclama Jordan en lui déposant un baiser sur la joue, ravie de la voir rougir davantage.           

— Et tu aimes en jouer, hein ? demanda Emmanuelle d'un air désabusé.     

Jordan afficha un sourire malicieux.        

— Possible, répondit-elle, le regard brillant.

💕

Le repas terminé, elles s’étaient allongées l’une à côté de l’autre, laissant le soleil les chauffer doucement tandis que les bonnes histoires, les aventures drôles ou surprenantes, les jeux de mots et autres traits d’esprit fusaient autour d’elles.    

Et puis la jeune policière avait fini par s’allonger sur le ventre, la nuit ayant été courte, elle se sentait fatiguée, somnolente et malgré elle, ses yeux n'avaient pas mis bien longtemps à se fermer d'eux-mêmes et elle s’était aussitôt abandonnée, son esprit dérivant progressivement vers l’inconscient.

Jordan s’était assise contre le tronc d’arbre et, laissant ses pieds glisser dans l’herbe fraichement coupée, elle contemplait le visage lisse et enfantin de la jeune policière, sa joue gauche reposant sur son bras tendu, sa main reposant librement dans l’herbe. En y repensant, Jordan réalisa que leur relation s'était développée à une vitesse folle, et aujourd'hui, elles étaient si proches, si complices qu’elle en avait encore du mal à y croire. Mais elle ne le regrettait pas, c’était si… intense.   

Selon elle, Emmanuelle était d’une beauté rare et extrêmement attirante, et elle l'avait aussitôt remarqué le jour de leur rencontre, mais ce qui l'attirait comme aimant, c'était  ce petit quelque chose que la jeune policière possédait et qu'elle n'arrivait à s'expliquer, mais qui lui procurait un bien-être, une paix intérieure qu'elle n'avait pas ressentie depuis bien longtemps.

Un petit sourire étira ses lèvres alors qu'elle observait le visage calme et paisible. Elle n'échangerait sa place pour rien au monde.

— Je peux savoir ce que tu regardes comme ça ?         

Perdue dans ses pensées, Jordan ne s’était pas rendu compte qu’Emmanuelle s’était réveillée et se délectait de son manque de réaction. Embarrassée, elle ne put cependant s’empêcher de penser que son air à peine réveillé et ses cheveux en bataille rendaient la jeune policière incroyablement sexy.

Sexy ? Jordan secoua frénétiquement la tête. Non mais ça va pas non ?!

— Jordan ? l'appela de nouveau Emmanuelle, l'inquiétude légèrement présente dans sa voix cette fois-ci.

— Oh, euh, rien, rien du tout, bredouilla Jordan en détournant les yeux.      

Emmanuelle sourit doucement.    

— Tu sais que toi aussi tu es adorable quand tu rougis ?        

Face à cette réflexion, la sensation de chaleur qui s'était répandue au niveau de ses joues quelques secondes plus tôt redoubla d’intensité et Jordan pria pour que le sol l'avale. Emmanuelle quant à elle ne put s’empêcher de sourire de plus belle face à l’air embarrassé de son amie et elle se leva afin de déposer un doux baiser sur sa joue.        

— Allez, j’arrête de t’embêter. On va se baigner ?         

Jordan tourna aussitôt la tête dans sa direction et l'observa, les sourcils haussés. 

— Se baigner ? Mais, je n’ai pas de maillot…      

— Si, sourit la jeune policière. J’ai le tien dans le panier.          

Les sourcils de Jordan grimpèrent encore plus sur son front.

— Mais… comment ?          

— Je ne révèle jamais mes sources, la taquina Emmanuelle.   

— Mathéo, siffla aussitôt Jordan entre ses dents.          

— Hmm, mais ne lui en veux pas, je l’ai menacé, répondit la jeune policière avant d'éclater de rire lorsque Jordan devint livide. Oh Jordan, je plaisante ! J’ai juste insisté jusqu’à ce qu’il cède, même s’il n’a pas résisté longtemps, rit-elle.  

Jordan secoua doucement la tête avant de porter ses mains à son visage.   

— Tu es… diabolique, lâcha-t-elle dans un léger rire.   

— Hmm ça m’arrive, taquina Emmanuelle, les yeux brillants. 

Elle se redressa et retira son débardeur avant de faire glisser son short le long de ses interminables jambes et Jordan ne put s'empêcher de la contempler de la tête aux pieds.

Se baigner ?

Elle avala difficilement sa salive.

Bonne idée, très bonne idée, j’ai définitivement besoin de me rafraîchir, pensa-t-elle en attrapant son maillot de bain et se dirigeant vers les cabines d'un pas rapide.

💕

Emmanuelle s’arrêta après avoir fait quelques longueurs et elle jeta un œil autour d'elle tout en ramenant ses cheveux en arrière. Elle ne fut pas déçue lorsqu'elle repéra Jordan qui arrivait au loin, faisant une halte à hauteur du chêne afin de déposer ses affaires avant de s’approcher du lac. La jeune policière nota qu’elle avait troqué son haut et son jean pour un bikini noir très sexy et elle dut se mordre la lèvre inférieure pour empêcher le sourire niais qu’elle sentait monter en elle d’apparaître sur son visage. Jordan était magnifique et elle ne put s’empêcher de laisser son regard glisser le long des courbes de son corps, admirer ses cuisses, effilées et musclées, sa taille fine, son ventre plat, la courbe de ses seins…           

— Je peux savoir ce que tu regardes comme ça ? lui demanda Jordan tout en entrant dans l’eau et nageant doucement vers elle, un large sourire sur les lèvres. 

Bien consciente d’avoir été prise en flagrant délit à son tour, Emmanuelle ignora la douce chaleur qui recouvrait progressivement ses joues et sourit elle aussi.       

— Rien du tout, répondit-elle d’un air innocent. J’étais simplement... ailleurs.          

— Mais bien sûr, répondit la jeune photographe avant de se mettre à battre des pieds et des mains pour l’éclabousser.           

— Ooooh toi ! Tu vas voir !           

Emmanuelle prit une profonde inspiration puis plongea afin de lui attraper les chevilles et l’attirer à elle, ses mains se posèrent autour de sa taille et elle commença à la chatouiller, ravie de l’effet qu’elle provoqua aussitôt. Malgré le fait qu'elle se trouvait sous l'eau, le hoquet de surprise que lâcha Jordan ne lui passa pas inaperçue et elle l'attaqua de plus belle, poussant Jordan à se mettre à hurler et se débattre dans tous les sens, riant à plein poumons.      

Notant qu’elle avait de plus en plus de mal à reprendre sa respiration, Emmanuelle la libéra finalement et leurs rires se calmèrent peu à peu avant qu’elles ne réalisent combien leurs visages étaient proches, chacune pouvant sentir le souffle chaud de l’autre contre ses lèvres.

Jordan plongea ses yeux noir charbon dans ceux de la jeune policière et elle s'approcha légèrement, ses prunelles brillant d'une détermination nouvelle. Les sentiments se mélangeaient en elle, des dizaines de mots s’emmêlaient dans sa tête, mais un seul se démarquait et, malgré la peur qu'elle ressentait, elle décida de lui donner toute son attention et suivre ce que lui disait son cœur. Bonheur.

— Alors, on se dégonfle, mademoiselle la policière ? murmura-t-elle, l’œil brillant tout en se mordillant la lèvre inférieure pour la provoquer. Tu déclares forfait ?    

Un frisson parcourut l'échine d'Emmanuelle face au regard prédateur que Jordan lui lançait. C'était la première fois qu'elle la regardait comme cela et une irrésistible envie de se jeter sur elle, de plaquer ses lèvres contre les siennes, de perdre ses mains dans ses cheveux en bataille s’empara d’elle. Les règles du jeu avaient changé, elle le savait, le voyait, le sentait. Elles basculaient dans quelque chose de beaucoup plus sensuel et elle en avait parfaitement conscience, appréciant le retournement de situation à sa juste valeur.      

— Non, répondit-elle finalement tout en portant une main légèrement tremblante au visage de Jordan. Me dégonfler... c'est mal me connaître, sourit-elle doucement alors qu'elle observait la jeune femme fermer les yeux sous le contact.    

Sa main glissa de la joue de Jordan à son cou, puis traça le cheminement de sa clavicule du bout des doigts, la faisant trembler légèrement. Poursuivant sa route, elle descendit le long de son bras et traça une ligne de feu sur sa peau avant de prendre sa main dans la sienne et nouer ses doigts aux siens.     

Jordan choisit ce moment pour rouvrir les yeux et la regarda, troublée autant qu’elle l'était. Aucune d'elles ne savait à quoi cela rimait, ni comment elles en étaient arrivées là, ni pourquoi elles agissaient ainsi, mais elles se sentaient… bien, juste bien, sereines, heureuses. C’était inexplicable, mais cette sensation nouvelle était tellement agréable qu’elles y prenaient goût et savaient déjà qu’elles ne pourraient plus s’en passer. Elles ressentaient, jusqu'au plus profond de leur être, des sentiments dont elles connaissaient l'existence mais ne soupçonnaient pas leurs grandeurs.

— Jordan...    

Une faible pression sur sa main et les mots s'éteignirent sur ses lèvres, la laissant paralysée lorsque Jordan, le cœur battant, hésitante, glissa vers elle et passa un doigt sur ses lèvres tout en la regardant tendrement, à tel point que le souffle d'Emmanuelle se coupa. Elle attendit, patiemment, nerveusement, le moment où elle allait enfin goûter ses lèvres, leur douceur, leur tendresse…      

Leurs visages s’approchèrent finalement doucement l’un de l’autre, hésitants, et une vague chaude et douce se propagea lentement dans tout leur être. Les mains de la jeune policière se posèrent sur le visage de Jordan et elle caressa tendrement ses joues, sa nuque, ses cheveux, tandis que Jordan la serrait tout contre elle, ses mains quittant sa taille pour s'aventurer dans son dos, s'accrochant à elle comme si elle avait peur qu'elle disparaisse.

Bien vite, leurs bassins se collèrent l'un à l'autre, leurs nez s’effleurèrent, leurs souffles se mélangèrent. Leurs respirations se firent plus rapides et leurs lèvres se frôlèrent enfin, se caressant doucement, presque hésitantes. Leurs paupières se fermèrent et Jordan ne tenta même pas de résister, avançant doucement son visage vers celui d’Emmanuelle, lui laissant le plaisir de combler le peu de distance qui les séparait encore. Des lèvres se posèrent au coin de sa bouche puis sur ses lèvres et elle commença à trembler. Un premier baiser, doux, réservé, presque timide.  

Puis un deuxième, plus tendre, plus passionné. La main d'Emmanuelle trouva doucement son chemin sur la nuque de Jordan, la caressant doucement alors que sa bouche s’entrouvrait et que leurs langues se mêlaient dans une danse sensuelle et envoutante, leurs mains vagabondant sur leurs corps.

Au contact de ses lèvres si douces sur les siennes, de sa langue dans sa bouche, le cœur de Jordan s’emballa alors même qu’elle sentait celui de la jeune policière battre plus fort contre sa poitrine. Prenant son visage entre ses mains, elle embrassa Emmanuelle encore plus passionnément, avec désir tandis que la main de la jeune policière glissait doucement le long de sa cuisse, ses longs doigts fins caressant délicatement sa hanche, avant de remonter tout aussi lentement sur son flanc, ce simple contact lui envoyant des décharges électriques dans tout son corps.

Finalement, elles s’écartèrent légèrement l’une de l’autre, sans se lâcher, le souffle court et Emmanuelle sourit doucement tandis qu’elle unissait sa main à celle de Jordan, ses cheveux mouillés collant à son visage, sa respiration saccadée et ses joues rosies par le trop-plein d’émotions la rendant irrésistible.

— J’en avais envie depuis tellement longtemps, murmura-t-elle en portant leurs mains jointes à ses lèvres, embrassant doucement les doigts doux et fins de la jeune femme.

— Pourquoi avoir attendu, alors ? la défia Jordan en esquissant un sourire.           

La réaction qu'elle obtint ne fut cependant pas celle espérée lorsqu'elle vit Emmanuelle tourner la tête et hausser légèrement les épaules.          

— Manue ? demanda-t-elle, soudainement inquiète.     

Le silence s'installa durant de longues secondes avant qu'Emmanuelle ne réponde finalement :

— J’avais peur, je pense.    

Jordan haussa les sourcils.

— Peur ?       

— J’avais peur de te perdre si jamais les sentiments n’étaient pas réciproques. J’avais peur que… ça te dégoûte, avoua-t-elle honteusement.       

Jordan déposa le bout de ses doigts sous son menton et tourna doucement son visage dans sa direction avant de coller son front contre le sien.  

— Manue, je ne te cache pas que je vais surement avoir besoin d’un peu de temps pour m’y faire, c’est nouveau pour moi, tout ça, répondit-elle d’un signe de la main pour les désigner toutes les deux. Mais me dégoûter ? Non. Certainement pas.    

La jeune policière eu un vestige de sourire aux lèvres et hocha la tête d’un air entendu. La prenant dans ses bras, elle déposa un baiser dans ses cheveux et respira son odeur tout en caressant son dos dans une douceur surprenante. 

— Manue..., reprit Jordan après quelques minutes d'un silence paisible. Pourquoi as-tu cru que j'aurais un problème avec ça ? Je veux dire, je sais que tu es... bisexuelle. Ça ne m'a jamais posé de problèmes.

— Je sais, répondit simplement Emmanuelle avant de soupirer. Seulement, nombre de personnes prétendent accepter l'homosexualité, mais lorsque cela frappe à leur porte... leurs réactions peuvent parfois être surprenantes. 

Jordan hocha la tête d'un air entendu.    

— Ça t'est déjà arrivé ? demanda-t-elle en relevant légèrement la tête afin de pouvoir croiser son regard. Qu'une personne apprenne tes préférences et réagisse mal ?

Emmanuelle eut un petit sourire. 

— Mon père, mais pas pour le côté « bisexuelle ». Plutôt pour l'aspect... « vie de débauche ». Il ne supporte pas le fait que je puisse... coucher à droite et à gauche à longueur de temps, comme il dit.      

Elle regarda au loin avant d'ajouter :       

— Il n'a pas tort..., murmura-t-elle d'un air absent avant d'observer de nouveau Jordan. Mais il va être ravi d'apprendre que cette période est terminée.         

La fin de sa phrase comprenait néanmoins une note interrogative, Emmanuelle ne voulait pas prendre pour acquis ce qui ne l’était peut-être pas.         

Jordan lâcha un rire de soulagement.      

— Et moi qui me demandais comment j'allais faire pour aborder le sujet d'exclusivité, sourit-elle en secouant la tête. Tu es à moi, maintenant, mademoiselle Cahill, taquina-t-elle.         

Emmanuelle sourit aussitôt tout en la serrant de nouveau contre elle.         

— Peu importe ce qu’il adviendra, on l’affrontera ensemble, pas vrai ? murmura-t-elle contre son oreille.

— Exactement, répondit Jordan avant de déposer un léger baiser dans le creux de son cou.

💕

Lorsque Jordan se réveilla, elle mit plusieurs secondes avant de se souvenir de l'endroit où elle se trouvait et de ce qu'il s'était passé. Le lac. Emmanuelle. Le baiser. Elle se sentit rougir. Elle avait encore du mal à croire qu'elles s’étaient embrassées. Mais elle ne regrettait rien. Allongée à l’ombre de l’arbre, dans ses bras, elle ne s'était pas sentie aussi bien depuis une éternité.         

Le menton posé contre le torse de la jeune policière, elle la regarda dormir quelques instants, appréciant l'air paisible et détendu qu'elle dégageait avant de venir déposer un léger baiser sur ses lèvres. Elle se sentit automatiquement sourire lorsqu'elle vit aussitôt Emmanuelle ouvrir les yeux avec difficulté, très certainement éblouie par la lumière du soleil.   

— Bonjour toi, dit-elle doucement lorsqu'Emmanuelle posa enfin son regard sur elle. Bien dormi ?

— Hum, pas assez, mais ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre, répondit la jeune policière en lui rendant son sourire. Et toi ? 

— Idem, murmura Jordan en enfouissant sa tête dans le creux de son épaule, sentant immédiatement les bras de la jeune policière se resserrer autour d’elle. Je suis si bien dans tes bras, ajouta-t-elle dans un soupir de contentement.          

— Le sentiment est partagé, répondit Emmanuelle avant de l'embrasser sur le front.

D’un commun accord, sans se concerter, elles laissèrent le silence paisible s’installer durant de longues minutes alors qu'elles profitaient simplement de la présence de l'autre et savouraient son contact, le soleil les chauffant doucement alors qu'un léger vent caressait leurs peaux découvertes.

— Jordan ? demanda finalement Emmanuelle.   

— Hmm ?      

— Tu m’as dit que tes parents vivaient à l’étranger, au Canada, c’est ça ?    

La jeune femme blonde hocha la tête.     

— Thunder Bay, dans l’Ontario. Une ville magnifique…

— Tu ne m’as jamais dit comment tu t’étais retrouvée en France ? lui demanda la jeune policière en passant lentement ses doigts dans ses cheveux blonds.           

Jordan s'installa encore plus confortablement avant de répondre.    

— Eh bien… les étrangers ont tous un truc pour la France, tu sais, Paris, les parfums, la mode, la nourriture, le vin, la culture, les paysages… Bref, et mes parents n’ont pas été épargnés. Au début, ils venaient une fois par an pour les vacances, puis ils se sont installés alors que Mat’ et moi avions à peine deux ans. Ils pensaient rester quelques années, mais finalement, ils sont tombés amoureux de la région. Et puis quand j’ai commencé mes études, à 18 ans, ils se sont décidés à repartir.

— Tu n’as pas voulu partir avec eux ?    

Jordan haussa les épaules. 

— Ma vie était ici, mes amis, mes repères. Je ne me voyais pas tout abandonner et recommencer ailleurs. Bien sûr, le départ de mes parents n’a pas été facile, aussi bien pour Mathéo et moi que pour eux. Mais ils rêvaient d’y retourner depuis longtemps. Après tout, ils avaient vécu la majeure partie de leur vie là-bas. Leur famille, leurs amis, l’ambiance, ils voulaient retrouver tout ça, je ne pouvais pas leur en vouloir.           

Emmanuelle hocha la tête d'un air entendu alors que sa main faisait des allées et venues d'un air absent sur l'avant-bras de Jordan.

— Mais ça ne doit pas être évident tous les jours…      

— Il y a des hauts et des bas, acquiesça Jordan, mais on se téléphone souvent, ils viennent me voir dès qu’ils le peuvent et moi de même. On passe chaque Noël et nouvel an ensemble. Et puis, je ne suis pas seule ici, j’ai Mat’, mes amis. Et puis surtout, je t’ai toi…

Les mots lui parvinrent et Emmanuelle s'écarta légèrement, remontant ses mains jusqu'à sa nuque et tournant légèrement sa tête afin de plonger son regard dans le sien. Le magnifique sourire que lui offrit Jordan alors qu'elle rapprochait lentement ses lèvres jusqu'à frôler les siennes lui coupa un instant le souffle et, fermant les yeux, elle savoura le contact de son corps qui se pressait contre le sien alors qu'elle approfondissait leur baiser. Quelques minutes plus tard, Jordan finit par reculer et posa de nouveau sa tête dans le creux de son cou avant de pousser un soupir de bien-être.          

— Tu sais, répondit-elle alors que ses doigts dessinaient des arabesques inconscientes sur le ventre de la jeune policière. Je crois que je vais très vite devenir dépendante.  

— Hmm, je te comprends, vu comment je suis irrésistible et tout, répondit Emmanuelle avec une fausse arrogance.    

Jordan lui donna aussitôt une légère tape sur l’estomac.         

— Et la modestie dans tout ça ? rit-elle. Continue comme ça, et tu n'en auras plus. 

Emmanuelle feignit un air choqué.           

— Tu n'oserais pas, répondit-elle en plissant des yeux.           

— Tu veux parier ? la taquina Jordan.     

La jeune policière secoua la tête avant de venir l’embrasser sur le front puis se redresser, réalisant qu’il faisait de plus en plus sombre. Jordan, qui la regardait s'asseoir et s'étirer comme un chat, sentit une bouffée de désir lui envahir le ventre et détourna les yeux à regret. Vu la position du soleil, il ne devait pas être loin de six heures du soir et elles allaient devoir rentrer. Il faisait certes chaud la journée mais les nuits étaient encore fraîches. À regret, elle s'assit à son tour et déposa un baiser sur l'épaule de la jeune policière avant de commencer à réunir leurs affaires.   

— Il faut qu'on rentre, ton frère doit se demander où on a disparu, murmura Emmanuelle à contrecœur. Je lui ai promis que tu ne rentrerais pas tard.    

Jordan haussa les sourcils.

— Manue, tu es au courant que ce n’est pas mon père, quand même ?         

— Je sais, rit la jeune policière. Mais vous avez de la route à faire demain, tu dois te reposer, ajouta-t-elle en replaçant une mèche rebelle derrière l’oreille de Jordan.       

— Hmm, tu as raison, admit Jordan à contrecœur. Dommage, j'aurai bien prolongé la soirée en tête-à-tête.    

Emmanuelle lui sourit.        

— Une autre fois…  

— Compte sur moi pour te le rappeler, lui assura Jordan avec un clin d'œil.

Elles se rhabillèrent sans se presser et regagnèrent la voiture tendrement enlacées.

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