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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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Claire-em

29 mai 2013

Anne Azel - Les opposés s'attirent (Academy Valentines 2012)

(Texte original ici : Anne Azel - Poles Apart)

 

1975, tout est enfin terminé au Vietnam. Je me suis enrôlée dans l'armée aussitôt après avoir quitté le lycée. J’ai fait deux excursions aux Vietnam en tant qu’officier de renseignement. En tant que femme officier de renseignement. Je suis fière de ça.

Je suis beaucoup trop conservatrice pour brûler mon soutien-gorge, mais je me considère comme une femme émancipée. Difficile de ne pas l’être quand vous êtes passé de gosse de militaire à gouine de l’armée. Je suis de retour au pays désormais, à la recherche d'un emploi civil. Mon contrat avec l’armée n’est pas encore terminé mais j’ai préféré m’y prendre en avance. Les temps sont durs en ce moment. Le taux de chômage s’élève à 9% et le marché connait une crise sans précédent.

Je traverse le grand hall des entreprises Wilson et Wilson et pénètre dans l'ascenseur avant d’appuyer sur le bouton du huitième étage. Une jeune femme se précipite à l’intérieur juste avant que les portes ne se referment.

Elle est vêtue d'un jean bleu déchiré ici et là, de vieilles chaussures de sport et d’un vieux t-shirt noir sur lequel est inscrit « PEACE » en grosses lettres blanches au niveau de la poitrine. Elle tient une boîte de tortues au chocolat entre ses mains. Moi j’ai ma mallette et je suis habillée en uniforme. On n’a pas grand-chose en commun. Heureusement, rien n’oblige à entamer la conversation dans un ascenseur. Elle lève les yeux vers le panneau de commande, réalise que nous allons au même étage et prend le coin le plus éloigné du mien. On monte.

Deux étages, trois, quatre, cinq, puis l’ascenseur s’arrête brusquement. Les lumières s’éteignent.

– Oh merde, c’était quoi ça ? demande une voix dans l'obscurité. Je croyais que les ascenseurs étaient censés être équipé d’un éclairage de secours.

– C’est le cas mais ils ne fonctionnent pas toujours. Je pense qu’on va devoir attendre jusqu'à ce que le courant revienne.

– Oh génial, c’est tout simplement génial. Je suis pressée.

– Je ne pense pas que ce sera long.

Deux heures plus tard, je suis assise dans mon coin respectif de l'ascenseur quand j'entends le froissement d’un emballage plastique.

– Vous avez faim ?

– Oui.

Un bruit de glissement me parvient puis un corps se cogne contre le mien.

– Désolée. J'ai des tortues.

Je tâtonne dans le noir jusqu'à trouver la boîte, j’en prends quelques-unes.

– Merci. J’imagine que c’était un cadeau de Saint-Valentin pour quelqu'un.

– Mon père. Il travaille ici. J'ai dégoté des billets pour le concert d'Elton John pour ma copine. J’étais censée la retrouver il y a une heure.

Ses paroles ont été prononcées avec désinvoltures mais il y a une pointe de défi dans sa voix. Je suppose qu'elle s'attendait à ce que je détale à l'autre bout de l'ascenseur.

– Je crois que vous êtes en retard.

Je sens son haussement d'épaules.

– Je pense pas que ça va durer de toute façon. On n’a pas grand-chose en commun.

– Un peu comme nous, mais regardez, ça fait des heures qu’on est ensembles maintenant. Faut croire que les opposés peuvent s’attirer, finalement, plaisante-je.

– Bien vu. Etant donné que notre monde a été réduit à une boîte plongée dans l’obscurité, la coopération est essentielle. Vous êtes un soldat ?

– D’où l'uniforme. Capitaine de l'armée. Et vous ? Vous protestez à temps plein ou vous avez une autre occupation ?

– Vous vous moquez de moi, et oui, j'ai une profession. Je travaille ici. 

– Habillée comme ça ?

– Eh bien, l'entreprise préfère le look gothique mais je suis une non-conformiste.

– C’est malin.

– C'est mon jour de congé. Qu’est-ce que vous faites ici ? Enfin, pas dans l'ascenseur, mais en direction du huitième étage.

– Je cherche du travail. J'ai décidé de ne pas renouveler mon contrat avec l’armée. Je pensais que...

L'ascenseur chute subitement d’une centaine d'étages au moins avant de s'arrêter dans un crissement.

– Oh merde !

Elle se tient à moi désormais et j'ai une boîte de tortues au chocolat renversée sur les genoux.

– C'est bon. Les câbles sont juste en train de s’ajuster, je pense. Ça vous dérangerait de ramasser ces tortues ? Ce serait bête de gaspiller le peu de nourriture qu’on a, et si elles restent là où elles sont j’ai bien peur qu'elles commencent à fondre.

J’allume le cadran de ma montre et à la faible lueur, la femme replace précautionneusement les tortues qui se sont renversées sur mon entrejambe dans la boîte.

Elle rit.

– Vous devez être en chaleur, capitaine. Elles commencent à s’amollir.

– Les femmes avec qui je suis sortie ne se sont jamais plaintes. Je m’appelle Kelly. Kelly Bates.

Sa main hésite un instant puis reprend sa collecte.

– Karen Wilson. Voilà, je ne pense pas qu'il y ait de taches de chocolat sur votre pantalon.

– J'espère pas. Ça ferait mauvais effet, hein ?

Elle rit.

– De combien d’étages pensez-vous que nous soyons tombées ?

– Pas tant que ça. Même si on aurait dit plus. Vous êtes une Wilson de Wilson et Wilson?

– L’un est père, l’autre est mon oncle.

– Je peux avoir un poste ? plaisante-je.

Karen rit. J'aime son rire.

– Une offre d'emploi pour notre premier rencard ? Je ne pense pas. Je n'ai pas pour habitude de commencer à distribuer des faveurs avant le second rencard au moins.

– Oooh, vous n’êtes pas facile à appréhender.

– Vous avez une petite amie ?

– J’en avais une. Sally Lucus. Elle m'a quitté pendant ma dernière affectation.

– Sally Lucus ! Je sors avec une Sally Lucus ! 

Je ris. Puis elle rit aussi. Les nerfs lâchent et on se retrouve à rire comme des gamines, pliées en deux face au ridicule de la situation.

– Méfie-toi, je crois qu'elle a volé des couverts en argent lors de notre dernier rendez-vous.

– Tu n’es qu’une menteuse ! rit Karen en me donnant un petit coup. Sally, l’éducatrice sportive qui vit sur Harley Street ?

– C’est ça.

– C'est bizarre.

– Je dirais même gênant. Je ne vois qu'une seule chose à faire.

– Qui est ?

– Quitte Sally et sors avec moi. On n’a pas besoin d’une médiatrice. 

– Tu ne me connais même pas.

– Je te connais suffisamment pour être en train de partager des moments très privé avec toi le jour de la Saint Valentin. Tu as tâtonné mon entrejambe...

– Je ramassais les tortues !

– Oui, du tâtonnement de tortues. On devrait y rejouer un de ces quatre, d’ailleurs. En attendant, que dirais-tu de danser avec moi ?

– Danser ?

– Ça fera passer le temps.

Je tâtonne à la recherche de mon porte-documents, l’ouvre et y cherche mon magnétophone. Elton John se met à chanter Lucy in the Sky with Diamonds. Je me redresse tout en attirant Karen avec moi.

Nous dansons ensembles, collées l’une de l’autre, bougeant à peine de peur que l'ascenseur ne chute à nouveau. Karen se blottit tout contre moi.

– Ça ne marchera jamais, tu sais.

– Bien sûr que si ça marchera. Je suis le seul choix disponible dans cet obscur univers.

– C’est vrai, tu marques un point. Joyeuse Saint Valentin, Kelly.

– Joyeuse Saint-Valentin, Karen.

Les lumières se sont rallumées cinq heures plus tard et une équipe de maintenance nous a aidées à sortir de l'ascenseur. Nous sommes parties le sourire aux lèvres. Nous sourions toujours. La vie civile, c’est le bonheur. Mais la vie avec Karen, c'est encore mieux.

 

- FIN -

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