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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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Claire-em

19 juin 2013

Anne Azel - Le Langage des Fleurs (Academy Valentine 2003)

(Texte original ici : Anne Azel - The Language of Flowers)

 

Le terreau noir, rendu humide par la neige fondue, se cassa facilement sous la pelle de Pat. L'odeur de terre se mêla aux arômes du printemps, aux nouvelles pousses d’herbe, aux jonquilles et aux tulipes.

L'hiver avait apporté une quantité de neige idéale, offrant une couverture chauffante pour son jardin et ses champs et une fonte apaisante qui nettoya et réveilla la terre une fois de plus. Pat disposait d’une centaine d’hectares. Une petite ferme, mais qu’elle utilisait au maximum. La plus grande partie de la superficie était consacrée à la production de maïs, de foin et de paille pour ses deux chevaux, Gale et Storm. Puis il y avait une rangée de pommiers, de poiriers et de pruniers. A proximité des écuries et de sa petite serre se trouvaient des terres qu’elle avait elle-même irriguées afin d’y cultiver des légumes pour les marchés fermiers locaux. Mais son endroit favori se trouvait juste derrière la vieille maison de campagne. Un hectare de terre clôturé d’une haie de cèdres dans lequel Pat avait créé un jardin de rêve.

C'était là qu'elle avait travaillé dur, retournant la terre des plates-bandes et ajoutant de l'engrais pour les plantes annuelles qu'elle comptait planter cette saison. Elle se redressa et regarda autour d’elle. Sa ferme s’étendait sur une longue bande le long de la ligne de concession. Deux hectares de large et cinquante de long. Les côtés sud et ouest étaient bordés par des routes départementales tandis que plus loin, à l'est, on pouvait apercevoir la route principale qui menait en ville. Au nord, une haie de cèdres courait le long de son terrain, telle une ceinture verte. Originellement plantée par son grand-père comme barrière de protection contre le vent et l'érosion, elle était devenue un mur entre elle et le monde moderne. Du côté nord de la haie se trouvait une maison monumentale, symbole de l’expansion urbaine des années 1980. Pourquoi fallait-il que les citadins vivent à la campagne et fassent sans arrêt la navette, remplissant l'air de dioxyde de carbone et de bruit de moteur ? C'était à la ville qu'ils appartenaient, là où ils devraient être.

Elle se mit au travail jusqu'à ce qu’un mouvement de rideau attire son regard dans la grande maison située juste en face, à l’extrémité de sa propriété. C’était la Femme de ses Rêves ; celle qui occupait constamment ses pensées. Pat avait entendu dire qu'elle était danseuse de ballet au Winnipeg Ballet. Elle était magnifique, élancée et aussi gracieuse qu’une danseuse. Ses cheveux d’un blond argenté étaient coupés court, style Pixie. Elle était sportive aussi parce qu’à chaque fois qu’elle croyait Pat absente, elle escaladait la clôture en cèdre haute de plus de deux mètres qui entourait la piscine située juste derrière sa grande maison, puis redescendait à travers la haie de cèdre afin d’atterrir dans le jardin de Pat. Ces intrusions avaient commencé à l'automne dernier lorsque le jardin était à son apogée de sa splendeur automnale. Le rouge flamboyant des buissons avait laissé place aux bronzes profonds, aux violets et aux mauves des chrysanthèmes tandis que les choux et graminées d’ornements balançaient leurs plumes dans la brise. Des feuilles d'érable aux couleurs éclatantes atterrissaient doucement sur la surface de l'étang ou déferlaient parmi les petites chutes d'eau, servant de parapluies à la carpe d'or située sous les eaux. L'herbe était verte et luxuriante et les ornements de jardin accentuaient parfaitement la beauté naturelle qui les entourait. La Femme de ses Rêves explorait alors le jardin avec grâce, prenant note de chaque changement jusqu'à ce qu'elle ait rejoint un banc en bois sculpté sur lequel les rayons de soleil venaient s’écraser une fois la fin de l'après-midi arrivée. Elle y prenait place et écrivait. Pat trouvait qu’elle ressemblait à une reine des fées.

Il lui avait fallu une grande dose de courage mais au bout d’une semaine, Pat avait déposé quelques fleurs fraîchement coupées sur le banc ainsi que son propre livre ; « Le langage des fleurs » de Pat Durran et les photos se trouvant à l'intérieur venaient toutes de son jardin. Le petit bouquet était composé de fleurs de jasmin, symbole d'amabilité, afin de laisser la Femme de ses Rêves savoir qu'elle était la bienvenue. La Femme de ses Rêves avait pris les fleurs et quelques jours plus tard, une demi-douzaine de muffins faits maison avaient été déposées pour Pat sur le banc. La carte de remerciement avait été signée par Eve Harrison. C'était donc le nom de la Femme de ses Rêves. Les muffins, tout juste sortis du four, étaient délicieux. Ce qui avait fait sourire Pat.

Elles avaient communiqué pendant toute la durée de l’automne et ce de la meilleure façon qu’il soit selon Pat : par le biais des fleurs. Il y avait eu de délicates fleurs blanches, des soupirs de bébé pour le bonheur, des chrysanthèmes aux couleurs éclatantes pour l’amitié profonde, et le bambou, fort et confident, qu'elle avait cultivé dans sa serre et qui représentait la loyauté. En retour, des petits cadeaux apparaissaient; des muffins, un poème sur un papillon virevoltant dans son jardin, une nouvelle bêche ou parfois une carte peinte à la main disant merci.

Elles s'étaient officiellement rencontrées en Novembre, alors que Pat se trouvait dehors à réunir des feuilles en un énorme tas. Elle possédait une soufflante, mais elle l’utilisait rarement. La beauté de la saison était partout autour d’elle, dans l'air vif, dans le bruissement régulier du râteau qui réunissait les feuilles colorées en un tas et dans le bleu-merle du ciel. Pat avait mis en place un système sonore dans son jardin, et maintenant que l'automne était là, elle aimait faire résonner les mélodies envoûtantes des flûtes amérindiennes. Elle se sentait parfaitement sereine et détendue entourée par la beauté de son jardin. Soudain, une petite silhouette passa à côté d’elle en courant avant de sauter dans le tas de feuilles d'or, son rire résonnant dans les airs.

– Je suis Eve Harrison. Je ne pouvais pas résister à votre tas de feuilles et d'ailleurs, il était temps que nous nous rencontrions.

Pat rougit. Sa gorge se serra et la panique s’empara d’elle.

– Je... je... argh.

– Oui, je sais. Vous bégayez, sourit Eve tout en se redressant, frottant son pull en laine couleur crème afin de se débarrasser de quelques feuilles. C'est pas grave. Je parle suffisamment pour deux, de toute façon. Votre jardin est magnifique. Merci de m’avoir permis d’y séjourner cet automne et de m’avoir parlé de vos fleurs. Je n’avais pas l’intention d’entrer chez vous comme ça mais je ne pouvais pas m'en empêcher. C’est un vrai petit coin de paradis. J'aime la musique. Je vous ai vu l’installer. Vous êtes vraiment intelligente. Vous voulez bien danser avec moi ?

Avant même que Pat n’ait eu le temps de secouer négativement la tête, le corps chaud et svelte d'Eve était dans ses bras. Les feuilles d'or se dispersèrent autour d’elle et elles se retrouvèrent à danser sur un lit douillet de verdure. Elles dansèrent ensembles, intimement collées l’une contre l’autre et en silence. Eve s’écarta finalement dans un soupir résigné.

– Mes répétitions m’attendent. Merci.

La seconde suivante elle s’éloignait, traversant le jardin à petite foulée puis escaladant rapidement la haie avant de se laisser retomber de l'autre côté. Pat était restée là à l’observer, le sourire aux lèvres. Eve avait rendu la chose si facile.

Elles s’étaient régulièrement retrouvées au cours de l'automne ainsi qu’au début de l'hiver. Elles avaient monté Gale et Storm afin de galoper à travers les champs qui les entouraient. Une fois la neige arrivée, Pat avait attelé les chevaux à un traineau, et elles avaient parcouru les routes de campagnes afin de déjeuner en ville. Pat avait découvert qu'elle pouvait parler à Eve avec de plus en plus d’aisance. Il lui était également plus facile de sortir parce qu’Eve pouvait faire la conversation pour deux si elle ne le voulait pas.

A Noël, elle avait retrouvé Eve chez elle pour la première fois. Cette dernière avait promis une soirée décontractée, mais converser avec des gens, cela n’avait rien de décontracté pour Pat. Elle s’était soigneusement habillée. Un jean noir taillé sur mesure, un pull à col roulé de la même couleur qu’elle avait glissé dans la ceinture de son jean, et ses longs cheveux noirs attachés en arrière à l’aide d’un cordon en cuir. Elle s'était observée dans le miroir. Elle était tout ce qu’Eve n'était pas, grande, brune et mince. Ses mains étaient puissantes et calleuse d’avoir travaillé dur. Elle écrivait, bien sûr, mettant sur papier ce qu'elle ne pouvait dire, mais cela ne semblait pas très passionnant. Pendant un instant, elle envisagea de téléphoner et de dire qu'elle était malade mais comment faire si jamais les mots ne voulaient pas sortir ? Et si elle inquiétait Eve ? Non, elle devait y aller.

Eve l’avait accueillie à la porte et l'avait embrassée sur la joue avant de la conduire dans la pièce, sa main dans la sienne.

– Tout le monde, je vous présente ma petite amie, Pat Harrison, l'auteure.

Eve lui avait vraiment facilité les choses. Elles n'avaient jamais parlé de la véritable nature de leur relation avant. Elles ne s’étaient jamais embrassées. Mais grâce à Eve, tout était arrivé cette nuit-là. La pièce était remplie de gens extrêmement artistiques et individualistes, mais personne ne lui mit la pression pour qu’elle parle. Plusieurs personnes avaient apporté des livres afin qu’elle les signe. Eve lui avait ouvert la voie. Pat avait fini la soirée avec son bras autour de sa taille et saluant chaque invité d’un signe de tête. Puis elle avait passé la nuit chez Eve, et elles avaient fait l'amour pour la première fois. Elles avaient passé Noël ensemble et le jour du Nouvel An, lorsque minuit avait sonné, elles étaient sorties à l’extérieur, tronçonneuse à la main et avaient percé la clôture puis la haie afin de faire une porte.

Elles étaient désormais en Février. Le jour de la Saint Valentin. Pat avait répété toute la semaine. Elle avait nettoyé la maison, préparé un dîner spécial pour elles et acheté des fleurs pour Eve. Elle lui avait acheté une bague aussi. Maintenant, elle n’avait plus qu’à trouver les mots.

Eve avait apporté un vin spécial. Le dîner s'était bien passé, même si Pat avait du mal à sortir les mots. Il y avait beaucoup trop en jeu ce soir-là.

– Mon cœur, qu'est-ce qui se passe ? Tu sembles terriblement tendue ce soir, demanda Eve tandis qu'elles sirotaient ce qu’il restait du vin au coin du feu.

Le moment était arrivé. Pat inspira profondément puis expira avant de se redresser sur un genou. Elle ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. Elle essaya de nouveau.

– Je... veux...

Eve se pencha en avant et l'embrassa.

– Oui.

Puis les mots vinrent.

– V... veux, tu m’... m’épouser ? Je t’... t’aime.

– Je t'aime aussi.

Pat glissa fièrement la bague au doigt d’Eve, puis tendit une main et s’empara de l'une des roses rouges qu'elle avait offertes à Eve un peu plus tôt.

– Elles signifient, je t’... t’aime dans le langage des fleurs.

 

- Fin -

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Commentaires
K
De rien Bound ! :D
B
Merci pour cette traduction Sally :)
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