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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Mises à jour !

Nouveauté :
  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

Projets en cours :
  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

12 août 2015

Chapitre 16 :

— Allez juste un !

Elysia secoua négativement la tête.

— Non.

— Mais s’il te plaît...

Elysia posa les mains sur ses hanches, un sourcil haussé.

— « S’il te plaît » ? Vraiment ?

Mathilde lui offrit un air de chien de battu et elle leva les yeux au ciel.

— T’es pas possible, soupira-t-elle avant de tendre une main. Bon, un seul.

Mathilde se mordit la lèvre inférieure.

— Ben, après réflexion, si tu pouvais en prendre deux...

Elysia lui offrit un regard appuyé avant de s’emparer de tous les sacs que Mathilde tenait dans sa main droite.

— C’est la dernière fois que je fais du shopping avec toi, lâcha-t-elle en pénétrant dans l’immeuble.

— Rho tout de suite les grands mots ! répondit Mathilde en accélérant le pas pour arriver à sa hauteur. J’ai juste acheté deux trois ou bricoles.

Elysia haussa les sourcils.

— Tu plaisantes ? Je porte une dizaine de sacs à moi toute seule là !

— Oui bon d’accord, mais au final, j’ai à peine trois tenues là.

Elysia secoua la tête tout en appelant l’ascenseur.

— T’es folle.

— Peut-être, admit Mathilde avant de la détailler de la tête aux pieds. Mais on sait toutes les deux que la seule raison pour laquelle tu ne m’as pas suivi, c’est parce que tu étais trop préoccupée par ma sœur. Sinon, on est pareille.

La sonnette de l’ascenseur retentit et Elysia rentra dans la cabine avant d’afficher un petit sourire.

— Possible.

— Ah ! Tu vois, s’exclama Mathilde en appuyant sur le numéro 12. Je savais que ma sœur avait choisi la femme parfaite.

Elysia lâcha un rire.

— Arrête de me complimenter juste parce que je porte tes sacs, dit-elle en la frappant gentiment avec ces derniers.

— J’oserais jamais ! s’exclama aussitôt Mathilde en battant innocemment des paupières.

Elysia roula des yeux puis sortit de la cabine quand la sonnette de l’ascenseur retentit à nouveau. Elle frissonna légèrement quand Mathilde lui murmura à l’oreille.

— Prête à affronter la musique ?

— Quoi ? s’exclama aussitôt Elysia en lui faisant face.

Le visage de Mathilde s’adoucit.

— Sa voiture est garée en bas, je pensais que tu l’avais vue.

Elysia grimaça.

— Non, je n’ai pas fait attention.

— Ça va aller, t’en fais pas, la rassura Mathilde dans un clin d’œil avant de tourner la tête lorsque Kat ouvrit justement la porte de l’appartement et apparut dans le couloir.

Mathilde s’approcha de sa sœur avant de s’emparer de l’une de ses mains et l’examiner sous toutes les coutures.

— Quoi ? Pas de cambouis ?! s’exclama-t-elle avant de feindre un air contrarié. Je ne suis pas prête de l’avoir ma Pontiac à ce rythme-là, hein !

Kat laissa apparaître un faible sourire et Elysia réalisa soudainement que Mathilde essayait de détendre l’atmosphère qui s’était légèrement alourdie depuis que Kat était apparue dans le couloir. Cette femme est vraiment géniale.

— Elle n’est pas pour toi, répondit Kat en récupérant sa main.

— Pour qui alors ? rétorqua Mathilde. Ta dulcinée ? ajouta-t-elle en portant une main à son cœur et en battant des sourcils.

Elle sentit sa mâchoire s’affaisser quand Kat se mit à rougir furieusement.

— Oh merde, souffla-t-elle en tournant la tête vers Elysia. T’as plutôt intérêt à lui pardonner, elle t’offre une caisse !

— Mathilde ! s’exclama Kat avant de la pousser à l’intérieur de l’appartement. T’es chiante !

— Oh ça va, c’est pas moi qui ne sait pas contrôler ma rougeur hein !

Kat lâcha un grognement puis Elysia entendit la porte de la chambre d’amis claquer, et quand Kat se tourna vers elle à nouveau, elle se précipita dans ses bras pour l’embrasser à pleine bouche. D'abord surprise, cette dernière mit du temps à réagir, et quand enfin elle répondit au baiser en même temps que ses bras entouraient Elysia, la jeune Daï-Natha fut soulagée, et les émotions qui l’avaient traversée jusqu’ici s’évaporèrent peu à peu. Elles n’avaient pas encore discuté, mais le simple fait que Kat soit revenue signifiait tout pour Elysia.

Essoufflées, leurs bouches se quittèrent finalement à regret et elle appuya son front contre celui de Kat avant d’ouvrir les yeux et de plonger dans son regard.

— Tu m’offres une voiture ?

Kat lui sourit timidement.

— Si tu veux toujours de moi... oui.

— Bien sûr que je veux toujours de toi, répondit aussitôt Elysia en lui volant un autre baiser. C’est plutôt moi qui devrais te demander ça. Je suis désolée Kat, c’était stupide de ma part de —

Elle fut interrompue par des lèvres sur les siennes.

— Ne crois pas que je n’aime pas lorsque tu m’embrasses, reprit Elysia une fois libérée, mais ça risque d’être un peu embêtant pour pouvoir discuter.

Kat lâcha un rire tout en l’entraînant à l’intérieur de l’appartement puis vers le canapé et Elysia déposa les sacs de Mathilde à même le sol avant de s’allonger contre elle.

— C’est moi qui suis désolée, répondit Kat. Je me suis emportée sans raison, et j’ai été incroyablement présomptueuse. Je n’aurais jamais dû réagir comme ça.

Elysia tripota un instant le col du t-shirt de Kat avant de relever la tête.

— Je sais que c’est probablement un sujet difficile à aborder pour toi, mais ce matin... je suis quasiment sûre que l’immeuble tout entier nous a entendues, et même si un couple finit toujours par se disputer un jour ou l’autre... Je n’ai pas envie d’avoir l’impression de marcher sur des œufs quand je suis avec toi, Kat. Je t’aime, j’aime ce qu’on a, ce qu’on partage. Je ne veux pas changer ça. Alors... tu veux bien me dire ce que tu entends exactement par « je n’ai pas envie d’avoir un enfant » ?

Kat s’allongea sur le dos, le regard rivé vers le plafond. Plusieurs secondes s’écoulèrent avant qu’elle ne soupire.

— J’ai du mal à aborder le sujet du désir d'enfant, parce que ça me renvoie à trop de choses. Je ne peux pas laisser un homme m’approcher, et une insémination m’est tout autant inenvisageable. Outre le fait d'être touchée, vue, examinée... je ne supporterai pas d’être inséminé. Le simple fait d’y penser me donne la nausée.

Elysia ressentit aisément le frisson qui parcourut le corps de Kat et elle resserra ses bras autour d’elle, attendant patiemment qu’elle continue.

— Alors tu vois, ça réduit pas mal les possibilités. Je ne sais pas, Elysia... Tout ce que je sais, c’est qu’avoir un enfant moi-même m’est inenvisageable.

La gorge d’Elysia se serra et elle vint doucement caresser l’un des sourcils de Kat avant de descendre le long de sa joue.

— Et si c’était quelqu’un d’autre qui le portait, cet enfant ?

Le regard de Kat descendit vers le visage d’Elysia et elle l’observa un instant avant de répondre.

— C’est ce que tu voudrais ?

— Si tu le veux aussi, murmura aussitôt Elysia. Il ne t’a pas tout pris Kat, tu peux toujours avoir une famille si tu le désires.

La gorge de Kat remua et Elysia devina que le sujet de conversation devenait vraiment difficile pour elle.

— Je ne sais pas, lui répondit-elle honnêtement. Je... je crois qu’une part de moi aurait trop peur qu'ils souffrent, et... que je sois une mauvaise mère. Je veux dire, comment pourraient-ils être heureux avec une mère extérieurement intacte mais intérieurement brisée ?

— Oh Kat, souffla Elysia en encadrant son visage de ses mains. N’importe quelle femme envisageant d’avoir un enfant passe par là. Et puis, si tu veux mon avis, je vois plutôt tes inquiétudes comme quelque chose positif, c’est ton côté protecteur qui ressort. Et ça, ce serait loin de faire de toi une mauvaise mère. Au contraire.

Kat cligna des yeux avant de se mordre la lèvre.

— Tu crois ?

— J’en suis sûre, sourit doucement Elysia. Crois-le ou non, devenir maman ne se fait pas en un claquement de doigt. C’est un apprentissage continuel. Je serais même rassurée que tu sois complètement paniquée, taquina-t-elle.

Cette fois-ci, un véritable sourire étira les lèvres de Kat et elle serra encore plus Elysia contre elle.

— J’en conclus que toi et Mathilde avez pas mal discuté alors ?

— Hmm, disons que j’étais une vraie boule de nerf lorsque tu es partie et qu’elle essayait de me rassurer.

— Je suis désolée, lui répondit aussitôt Kat en affichant un air coupable. Je n’aurais pas dû prendre la poudre d’escampette comme ça.

Elysia baissa les yeux vers sa main qui tripotait le t-shirt de Kat.

— C’est vrai que j’aurais préféré que tu restes, commença-t-elle calmement. Mais je comprends pourquoi tu as eu besoin de partir. C’était juste un peu frustrant et inquiétant.

Elle sentit Kat sourire contre le sommet de son crâne.

— Un peu ?

— Bon d’accord, énormément, admit Elysia en levant les yeux au ciel. Il ne me reste plus qu’à trouver un moyen pour caser ton garage dans la chambre d’amis.

Kat éclata aussitôt de rire et Elysia sentit un sourire prendre place sur ses lèvres. La tempête était passée, elle n’avait plus envie qu’aucune d’elles deux ne se torture encore avec cette histoire.

— Je ferais en sorte de rester dans les parages la prochaine fois, répondit Kat une fois calmée.

Elysia secoua la tête.

— Non. Même si j’aimerais vraiment que tu optes pour la chambre d’amis, je comprends pourquoi tu préfères le garage. Je survivrai.

Kat l’embrassa furtivement.

— Merci. Je ferais au moins en sorte de garder mes réactions sous contrôle en tout cas. Je ne suis pas du genre à m’emporter comme ça, d’habitude. Je suis vraiment désolée.

Elysia reprit une position assise tout en entraînant Kat avec elle.

— C’est oublié, lui rappela-t-elle. Ne t’en fais pas. Par contre, je ne sais pas toi, mais je meurs de faim moi maintenant. Chinois, ça te dit ?

— Hmm, j’ai faim..., commença Kat en frottant son nez contre le cou d’Elysia,... mais d’autre chose.

Elysia sourit, sa respiration s’accélérant légèrement et ses yeux se fermant d’eux-mêmes. La main de Kat glissa sous son débardeur et elle sursauta lorsqu’une voix leur parvint aussitôt.

— Il m’avait semblé te dire d’attendre que je sois partie de l’appartement avant d’entamer l’étape réconciliation !

Elysia sentit Kat soupirer dans son cou tandis que son visage virait au cramoisi.

— Arg Mathilde ! s’exclama-t-elle en laissant retomber sa tête dans ses mains.

— Oh ça va, je file..., rit la concernée tout en sortant ses clés de voiture de son sac à main. Et n’oubliez pas, sortez couverte !

La porte claqua derrière elle et Elysia se laissa retomber contre le dossier, un grognement s’échappant de ses lèvres. Kat rit tout en venant l’embrasser dans le cou.

— Elle compte rester combien de temps, déjà ? gémit Elysia.

Sa remarque fit rire Kat encore plus et elle se redressa tout en entraînant Elysia avec elle, l’attirant contre son corps alors que ses bras trouvaient naturellement place autour de son cou.

— Le temps qu’elle aille mieux, lui répondit simplement Kat en venant embrasser le bout de son nez.

— Tu crois que ça prendra longtemps ? demanda Elysia en feignant un air plein d’espoir.

— Arrête de faire la vilaine, la chatouilla Kat en riant à nouveau. Peu importe le temps que ça prendra, elle sera toujours la bienvenue ici. Et puis, je ne me fais pas de soucis pour elle, elle est forte.

— Comme toi, répondit aussitôt Elysia en lui volant un baiser.

Kat secoua la tête.

— J’ai parfois l’impression que tu me vois bien meilleure que je ne le suis, lui répondit-elle avant de glisser sa main dans celle d’Elysia.

Elle commença à les diriger vers la chambre mais Elysia l’arrêta une fois arrivée à hauteur de la porte.

— Je te vois telle que tu es, Kat, dit Elysia en caressant le revers de sa main de son pouce. J’espère juste qu’un jour, tu te verras telle que tu es toi aussi.

Les yeux de Kat plongèrent dans les siens et Elysia devina aisément que son silence n’était rien d’autre que le fruit de l’émotion provoqué par ses paroles. Ce n’était pas grave, elle n’avait pas besoin de réponse, son regard parlait pour elle.

— Allez viens, sourit doucement Elysia, je suis morte de faim.

Kat vint l’encercler de ses bras, puis lui souffla un « je t’aime » au creux de son oreille avant d’embrasser sa tempe. Son visage se recula légèrement afin qu’elle puisse regarder Elysia et elle lui offrit un petit sourire tout en dégageant une mèche rebelle de son visage.

— Ça tombe bien, moi aussi.

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10 août 2015

Qui suis-je ?

Qui suis-je


Une petite demoiselle née à la fin des années 1980, perdue quelque part en région Centre de ce cher pays qu'est la France. En plus de ça, que puis-je vous dire...

Kelsey_Jae n'est bien évidemment pas mon vrai nom, mais un pseudonyme créé à partir de deux personnages fictifs issus de romans lesbiens que j'ai littéralement dévorés (Exposure de Fanatic et T. Novan et Silent Legacy de Ciaran Llachlan Leavitt). Une bonne façon d'écrire en toute liberté sans que cela n'interfère avec ma vie professionnelle ou personnelle.

Avant d'écrire, j'ai appris à aimer à lire en découvrant des auteurs comme Raymond Radiguet, Boris Vian ou encore Vladimir Nabokov (assez tardivement, je dois l'admettre... merci les études lettres et langues !). Puis, après une active participation à un forum communautaire, j'ai décidé de créer ce blog afin de partager mes écrits. 

Chose surprenante, ça ne fait que sept ans que je me suis lancée dans l'écriture (complètement par hasard, je dois l'admettre, puisqu'on m'a tout simplement lancé un défit x)), et ne me suis jamais arrêté depuis. Je n'en reste pas moins une amatrice, comme vous pourrez le découvrir sur ses pages.

Côté passions, je pratique la haute voltige qu’on nomme traduction et je m’attache en particulier à restituer avec un immense plaisir les oeuvres saphiques de grandes auteures Américaines et Britanniques.

Enfin, je passe le plus clair de mon temps devant un écran, un clavier, une tablette ou le nez sur du papier, entourée de crayons, à lire, écrire, et imaginer. Bref, rêver… =)

 

Si jamais vous cherchez à me contacer, c'est par ici :

📧 kelsey_jae@outlook.fr

10 août 2015

Chapitre 15

Ses larmes enfin taries, Elysia releva la tête et croisa aussitôt un regard noisette soucieux.

Elle soupira.

— Votre ressemblance est vraiment déstabilisante, tu sais.

— Désolée, sourit maladroitement Mathilde. Le déjeuner nous attend, tu viens ?

Elysia baissa les yeux vers la porte par laquelle Kat était sortie et sa gorge se serra à nouveau.

— Je ne suis pas sûre de pouvoir avaler quoi que ce soit, admit-elle. Je ferais peut-être mieux de partir à sa recherche...

Mathilde secoua négativement la tête.

— Crois-moi, elle préfèrera être seule pour l’instant.

Elle poursuivit quand un air blessé élu domicile sur le visage d’Elysia.

— Ce n’est pas contre toi, Elysia. Elle a juste besoin de se retrouver seule afin de se calmer et réfléchir. Elle reviendra dès que ce sera fait.

— Tu es sûre ? ne put s’empêcher de demander Elysia. S’il lui arrivait quelque chose...

— Elle va bien, la coupa Mathilde en se redressant. Je te le promets. Tu viens ? ajouta-t-elle en lui tendant une main.

Après une dernière hésitation, Elysia se leva et la suivit jusqu’au salon où Kat et Mathilde avaient tout préparé. Café, chocolat chaud, jus de fruit, tout y était. Avec en prime, des tartines couvertes de confiture, des croissants chauds, du lait et diverses boîtes de céréales.

— Le petit déjeuner des champions, sourit Mathilde en prenant place sur le canapé, tapotant la place à côté d’elle.

Elysia s’installa à son tour et l’observa se préparer un chocolat chaud. Elle avait beau essayer, mais rien n’y faisait, son estomac était tellement noué qu’il lui était inenvisageable d’avaler quoi que ce soit.

— Ely..., la prévint Mathilde tandis qu’elle s’emparait d’une tartine.

— Je suis désolée, c’est juste que... je ne sais pas, j’aurais préféré qu’elle ne fuit pas. Parce que maintenant, je suis une vraie boule de nerf, je regrette, je me sens coupable, et peu importe ce que tu dis, il lui est peut-être arrivé quelque chose.

Mathilde soupira tout en se tournant vers elle.

— C’est une dispute, ça arrive à tout le monde. On s’énerve, le ton monte, on dit des choses que l’on ne pense pas toujours, puis on en discute et on se réconcilie, énuméra-t-elle avant de la pointer du doigt. Et je ne veux certainement pas être dans les parages quand vous en serez à cette partie-là.

— Mathilde...

Elysia n’avait aucune envie de rire pour l’instant.

— Bon, d’accord, reprit Mathilde en s’essuyant les mains après avoir terminé son dernier morceau de tartine. Elle va bien, elle est au garage.

— Elle te l’a dit ? s’exclama aussitôt Elysia.

Mathilde secoua la tête.

— Non, mais c’est toujours là qu’elle va quand elle a besoin de se retrouver seule et de réfléchir. Parce qu’elle sait que s’il arrive quelque chose, et qu’on a vraiment besoin de la trouver, on y parviendra sans mal. Et puis, c’est son refuge.

Elysia hocha la tête, un peu honteuse de ne pas y avoir pensé plus tôt.

— Ne lui en veux pas, continua Mathilde en prenant la main d’Elysia dans la sienne. Vous avez chacune besoin de laisser la tension retomber un peu avant d’en discuter calmement.

Elysia se passa une main sur le visage, un soupir s’échappant de ses lèvres.

— Je me sens stupide tu sais, la conversation est tombée sur l’envie d’avoir des enfants et... je sais ce qui lui est arrivé, j’aurais dû me douter qu’après ça, il était possible qu’elle n’ait pas envie d’en avoir mais... je sais pas. J’ai pas réfléchis. Je lui ai ri au nez et... bref. Stupide, stupide, stupide.

Mathilde lui servit un verre de jus d’orange puis le lui tendit, plissant des yeux quand Elysia voulut refuser.

— Je pense surtout que tu es trop dure avec toi-même. Tu n’as pas la science infuse, deviner ce genre de chose, c’est pas simple. Il y a d’ailleurs beaucoup de femmes qui ont justement voulu avoir des enfants pour se reconstruire. Et puis, je ne pense pas qu’elle ne veuille pas d’enfants, à mon avis, elle ne se sent simplement pas capable d’en avoir elle-même.

— Et toi ?

Les mots s’échappèrent de ses lèvres et Elysia rougit aussitôt d’embarras. Mathilde lui offrit un petit sourire.

— Je suppose que la conversation est tombée sur l’envie d’avoir des enfants parce que vous en êtes venues à parler de moi, non ?

— Gagné, marmonna Elysia, provoquant aussitôt un rire.

Mathilde rapprocha l’assiette de croissants et cette fois, Elysia ne se fit pas prier, son appétit se manifestant à nouveau à mesure que son estomac se détendait peu à peu.

— La réponse est non, lui dit-elle enfin. Ça surprend, hein ? J’ai l’impression d’être un monstre parfois, ou anormale vu la façon dont on me dévisage quand je le dis. Ça dérange, ça interroge. Car après tout, le désir d’enfanter n’est-il pas sacré, incontestable ? Personnellement, je perçois ça comme un degré de soumission aux déterminismes. Aujourd’hui, il ne va plus de soi qu’une femme fasse des enfants. On peut très bien réaliser pleinement sa féminité sans ça, ce n’est pas un passage obligatoire pour moi.

Elysia lui offrit un sourire amusé.

— Mais concrètement, qu’est-ce qui fait que tu n’en ressens pas l’envie ?

Mathilde rit doucement.

- D’accord, d’accord, dit-elle avant de prendre un air concentré. Mon poste de direction export dans les cosmétiques me pousse à devoir être mobile : je passe environ six mois par an à l’étranger, le plus souvent dans trois pays différents. Je ne pourrais pas trimballer un enfant avec moi. Poser mes valises ? Je ne suis pas sûre d’en avoir envie. Pourtant, j’aime les enfants, mais… je ne sais pas, je ne connais pas ce désir physique d’enfanter, et ne nourris pas le projet d’être mère. J’ai toujours eu pour projet de rendre un homme heureux et de réussir ma vie professionnelle. M’épanouir dans l’un comme dans l’autre. C’est tout.

— Hmm..., et s’ancrer dans une famille et la perpétuer ? demanda Elysia. Je pense que c’est ce que beaucoup recherchent, un hommage au passé et une promesse d’avenir, un regard tourné vers le futur et l’opportunité de construire, de se construire mutuellement et ensemble.

Mathilde se mordit la lèvre inférieure.

- Surement, admit-elle. Ce n’est peut-être pas le bon timing, ça viendra peut-être plus tard, qui sait ? Mais je pense surtout que je trouve simplement mon épanouissement ailleurs.

Elysia fronça les sourcils, pensive.

- Kat m’a dit pour toi et ton compagnon... c’est pour ça que vous avez fini par rompre ? Ton refus d’avoir des enfants ?

— Non, lui répondit Mathilde en prenant une gorgée de jus d’orange. Enfin, ça y a surement joué, mais ce n’était pas l’élément principal. Aaron m’a fait part de son envie d’avoir un enfant peu de temps après notre quatrième anniversaire. Je lui ai fait part de mon ressenti et il n’a pas insisté. Je pense surtout qu’il pensait que j’allais finir par changer d’avis un jour ou l’autre... Les années ont passées, et il a fini par insister un peu plus, puis ses parents s’y sont mis eux aussi. Ils se montraient moins patients et insistaient à chaque visite, et je le supportais de moins en moins. Mais le vrai problème, c’était que j’ai simplement fini par m’ennuyer dans mon couple. La séparation qui, au début, était insupportable a fini par devenir un soulagement. Crois-moi, ça m’a vraiment fait réfléchir. Il ne me manquait plus, j’en étais même venue à attendre ces voyages d’affaires pour pouvoir me retrouver seule avec moi-même. Les disputes ont commencées à se faire de plus en plus présentes, jusqu’à ne plus nous quitter et, un beau jour, j’ai fini par dire stop avant que l’on finisse vraiment par sortir blessés de cette histoire.

Elysia tendit une main pour la poser sur celle de Mathilde.

— Je suis désolée.

— Moi aussi, sourit tristement Mathilde. Je pense que même si mes sentiments ne s’étaient pas dissipés, j’aurais mis fin à notre relation de toute façon. Je ne pense pas que faire un enfant pour faire plaisir aux autres soit la solution. Et le priver de ça n’aurait pas été juste non plus.

— Il t’aime toujours, lui ?

Mathilde baissa les yeux, son visage s’assombrissant ostensiblement.

— Il m’a dit qu’il renoncerait à l’envie d’avoir des enfants si cela pouvait me faire rester, dit-elle faiblement tout en ramassant des miettes de pain de son doigt.

Elle releva la tête, le regard embué.

— Je pense que cette phrase est assez parlante en elle-même, non ?

— Oh Mathilde, dit Elysia en la prenant dans ses bras. Je suis tellement désolée...

— Non, ne le soit pas, répondit Mathilde en s’essuyant les yeux. C’est la vie, comme on dit, pas vrai ?

— J’imagine, sourit tristement Elysia. Je suis contente de t’avoir parmi nous en tout cas. Je pense que ça va vous faire autant de bien à l’une qu’à l’autre de vous retrouver ta sœur et toi.

— Je pense aussi, répondit Mathilde, son sourire retrouvé. Bon, maintenant qu’on a terminé notre déballage émotionnel, mettons-nous en route. J’ai envie de faire du shopping !

— Euh, shopping ? répéta bêtement Elysia tandis que Mathilde commençait à débarrasser la table. Après ce qui vient de se passer avec ta sœur, tu crois que j’ai envie d’aller faire du lèche-vitrine ?

Mathilde haussa les épaules, les bras chargés de nourriture.

— Tu comptes faire quoi d’autre ? Des mots-croisés en attendant qu’elle revienne ? Je t’en prie Elysia, ça peut prendre des heures, autant tirer profit de son absence ! En plus, j’ai un argument infaillible qui te fera dire oui.

— Lequel ? demanda Elysia, sceptique.

Mathilde lui sourit tout en se dirigeant vers la cuisine.

— Devine devant quoi on passe pour aller en centre-ville...

Le garage de Kat.

— Tu es une vraie manipulatrice, tu sais ça ? sourit Elysia en se redressant à son tour.

Le rire de Mathilde lui parvint aussitôt.

— Et encore, tu n’as pas tout vu !

Elysia secoua la tête, amusée. Une chose était sûre, avec la présence de Mathilde à ses côtés, elle ne risquait pas de s’ennuyer.

💕

Mathilde eut à peine le temps de remonter en voiture qu’Elysia la harcela aussitôt :

— Alors ?

— Elle est à l’intérieur en train de déballer des pièces qu’elle vient apparemment de recevoir.

— Oh. Et ?

Mathilde lui adressa un regard confus.

— Et... quoi ? demanda-t-elle tout en attachant sa ceinture de sécurité.

— Ben, c’est tout ? Tu ne lui as pas parlé ?

Mathilde leva les yeux au ciel.

— Je suis partie deux minutes, bien sûr que non je ne lui ai pas parlé ! Je me suis juste — non, oublie ça, s’interrompit-elle en remuant une main. J’ai simplement vérifié ce que je soupçonnais déjà pour que madame soit rassurée, finit-elle en offrant un regard appuyé à Elysia.

— Oui ben on sait jamais hein, marmonna cette dernière en croisant les bras sur sa poitrine.

Une main se posa sur la sienne.

— Je sais bien, je te taquinais, la rassura Mathilde. Tu veux bien nous éloigner d’ici maintenant ? Je ne pense pas qu’elle apprécierait si elle nous surprenait en train de l’espionner.

— Justement... tu ne penses pas que je devrais aller la voir ?

— Démarre, l’intima aussitôt Mathilde, un léger sourire néanmoins présent sur les lèvres. Elle te fera savoir quand elle sera calmée. Et puis, tu lui as déjà envoyé un adoraaaable petit sms, la taquina-t-elle.

Elysia lui tira la langue avant de démarrer, priant à la rougeur qu’elle pouvait sentir lui monter au visage de bien vouloir disparaître. 

— Je déteste quand on se dispute.

— Ça vous arrive souvent ?

Elysia secoua la tête.

— Non, c’était la première fois, répondit-elle tout en s’engageant dans la petite rue.

Mathilde hocha doucement la tête, le regard rivé vers le paysage qui défilait à travers la vitre. Elle laissa passer un temps avant de demander.

— L’armée... ça fait longtemps qu’elle t’en a parlé ?

A son ton hésitant, Elysia comprit aussitôt ce qu’elle demandait réellement et elle baissa légèrement le son de l’autoradio avant de répondre.

— Non, il y a quelques jours seulement. Pourquoi ?

— Pour rien, c’est juste... Ce n’est pas un sujet qu’elle aborde très souvent, je suis juste surprise qu’elle l’ait fait aussi rapidement. Elle t’a parlé de Lucy aussi j’imagine ?

Sa question fut tellement inattendue qu’Elysia remarqua au dernier moment que le feu était rouge et ce fut seulement parce qu’elle freina brusquement qu’elle ne rentra pas dans la voiture de devant.

— Ça va ? lui demanda Mathilde une fois la voiture arrêtée.

Elysia dégagea la ceinture qui lui avait soudainement comprimée la poitrine avant de hocher la tête.

— Oui, désolée. Lucy ?

Mathilde l’observa avec confusion avant de porter une main à son visage. Elle jura entre ses dents.

— Laisse-moi deviner... Kat ne t’a rien dit ?

Non seulement Kat ne lui avait rien dit, mais Elysia pensa surtout à ses supérieurs qui avaient pris le soin de lui cacher ce petit détail pour une raison qu’elle ignorait.

Il fallait vraiment qu’elle en discute sérieusement avec Mysa le plus tôt possible.

— Non. Enfin, j’ai vu une photo dans sa chambre, elle m’a dit qu’elle avait disparue. Je sais juste que c’est une ex, à part ça...

— Oui, Lucy a été la première après ce que cette ordure lui a fait subir. Je ne pense pas que sans elle, Kat se serait remise aussi rapidement.

— Elle a l’air d’avoir été la petite amie parfaite alors, marmonna Elysia avant d’avoir pu s’en empêcher.

Mathilde haussa un sourcil.

— Tu n’es pas jalouse quand même, hein ?

— Non.

Elysia grimaça. Non mais qui est-ce que j’espère convaincre avec un mensonge aussi gros ?

Mathilde plissa des yeux avant de sourire.

— Oh si ! s’exclama-t-elle avant de reprendre plus sérieusement. Mais tu n’as pas à l’être Elysia, crois-moi.

- Pourquoi ? Parce que c’est une ex ?

Mathilde leva les yeux au ciel.

— Si tu veux, admit-elle. Mais surtout, cette histoire remonte à des années. Et puis...

— Et puis ?

Mathilde prit une profonde inspiration avant de lâcher :

— Lucy est morte.

💕

Le feu passa au vert et ce fut d’un air absent qu’Elysia redémarra.

— Morte ?

Mathilde hocha la tête.

— Elle était hôtesse sur des bateaux de croisière. Kat et moi l’avions accompagnée jusqu’à Miami le jour où elle devait partir pour une croisière Caraïbe-Mexique pendant de deux semaines. On avait décidé de rester sur place le temps qu’elle revienne histoire de profiter de la région. Seulement, quelques jours plus tard, on nous a appris qu’en raison de mauvaises conditions atmosphériques, le navire avait heurté un vraquier et avait coulé en quelques minutes seulement.

Mathilde s’interrompit et s’essuya les yeux d’une main légèrement tremblante avant d’ajouter :

— Lucy faisait partie des quatre cents et quelques disparus, son corps a été retrouvé au large de Cancún des semaines plus tard.

Le centre commercial apparut et Elysia enclencha aussitôt son clignotant afin de s’engager sur le parking, l’histoire de Mathilde ne l’avait pas laissée insensible et elle doutait être en capacité de conduire ne serait-ce qu’une minute de plus.

— Je suis désolée, prononça-t-elle enfin en jetant un rapide coup d’œil en direction de Mathilde. Je n’imagine même pas combien ça a dû être douloureux.

— Ça l’est toujours, quelque part, répondit Mathilde avant de hausser les épaules. Mais c’est le passé. Ce que je voulais dire, c’est que tu n’as aucune raison d’être jalouse. Lucy était tout pour ma sœur, et je pensais sincèrement qu’elles étaient faites l’une pour l’autre. Mais quand je la vois aujourd’hui...

Elle sourit doucement.

— Non, vraiment. Tu n’as pas à être jalouse. 

Elysia enclencha le frein à main puis coupa le contact avant de venir prendre Mathilde dans ses bras.

— Merci, souffla-t-elle à son oreille. Merci de me dire tout ça.

— C’est rien, lui murmura Mathilde avant de se reculer. Entre belles-sœurs, c’est normal, non ?

Elysia hocha la tête, un sourire sur les lèvres avant d’hésiter :

— Le fait que Kat ne m’ait rien dit à propos de Lucy... c’est parce que c’est encore trop douloureux pour elle, pas vrai ?

— Surement, admit Mathilde. Mais à mon avis, il est aussi possible qu’elle veuille simplement laisser tout ça derrière elle. La vie ne lui a pas fait de cadeaux, tu lui offres ce qu’elle attendait depuis si longtemps, la promesse d’un avenir enfin heureux.

Elle haussa les épaules.

- Je serais elle, je laisserais le passé où il est, et me concentrerais sur le présent.

Le cœur d’Elysia se serra légèrement face à ses paroles. Même si son temps sur Terre était limité, Mathilde avait mis pile le doigt sur ce qu’elle comptait offrir à Kat, et qui lui avait fait défaut durant toutes ces années.

La promesse d’un avenir enfin heureux.

7 août 2015

Chapitre 14

Le regard d’Elysia ne cessait de passer de l’une à l’autre tandis qu’elle se mordillait l’ongle du pouce. Ce n’était pas possible, il devait bien y avoir un moyen de les différencier, non ? Pourtant, elle avait beau chercher... elle ne voyait que la même fraîcheur de leurs visages fins, la profondeur de leurs yeux noisette qui venait renforcer la beauté de leurs sourires, laissant entrevoir un charisme naturel. Et c’était exactement ceux-là qui faisaient la rareté de leur beauté, douce et ténébreuse à la fois.

— Elle a les cheveux lisses, déclara soudainement Kat en défaisant l’élastique de sa sœur, assise à côté d’elle sur le canapé.

Elysia haussa un sourcil.

— Tu devrais peut-être te lisser les cheveux, tu es magnifique comme ça, sourit-elle avant de se mordre la lèvre tout en fronçant les sourcils. Enfin, elle est... et tu serais... bref, tu as compris.

— Je comprends surtout que tu as embrassé ma sœur pour ensuite me dire qu’elle est magnifique, marmonna Kat tout en croisant les bras sur sa poitrine.

Le sourire d’Elysia disparut et elle roula des yeux, ignorant le rire que la sœur de Kat essayait de retenir.

— Je croyais que c’était toi ! s’exclama-t-elle, exaspérée. Et j’ai dit que tu serais magnifique comme ça ! Et puis, de toute façon, tu ferais mieux de me la présenter au lieu de jouer la petite amie jalouse.

Kat haussa les sourcils, jetant un regard noir à sa sœur lorsque celle-ci laissa échapper un rire avant de soupirer, résignée.

— Ely, je te présente ma sœur, Mathilde. Mathilde, voici Elysia, ma petite amie.

Sa façon d’accentuer le « ma » fit sourire Elysia et elle vint s’emparer de la main que Mathilde lui tendait.

— Ravie de faire votre connaissance, dit-elle. Et, hum, désolée pour... enfin...

— Le baiser ? proposa Mathilde, une lueur malicieuse dans le regard. Ce n’est pas grave, j’ai connu bien pire comme accueil.

Kat se racla la gorge et Mathilde leva les yeux au ciel tout en s’emparant d’un coussin du canapé.

— Kat sait qu’elle n’a pas à s’inquiéter, dit-elle en remuant une main dans les airs. Nous sommes peut-être indissociables, mais nos caractères sont bien différents. Tout comme nos préférences sexuelles ; le touche minou n’a jamais été mon truc.

Elysia, qui venait de prendre une gorgée d’eau, avala aussitôt de travers. Kat vint lui frotter le dos tandis qu’elle toussait.

— C’est vraiment ta sœur ? lui demanda-t-elle enfin, incrédule.

— Malheureusement..., répondit Kat, l’air faussement désolé avant de rire quand elle reçut un coussin en plein visage. Comme elle te l’a dit, nous sommes assez différentes en ce qui concerne les goûts et les couleurs.

Elysia acquiesça tout en reportant son attention sur Mathilde. Même si elle venait tout juste de la rencontrer, elle devait bien admettre qu’elle possédait quelque chose de différent, de plus ouvert, de plus accessible, là où Kat avait tendance à se tenir en retrait et être plutôt renfermée. Elle dégageait aussi quelque chose de pétillant, de frais, d’espiègle, que Kat ne dévoilait généralement qu’une fois en confiance et à l’aise avec la personne.

La différence semblait aussi se porter sur le choix de leurs tenues vestimentaires, Mathilde paraissait très féminine, si Elysia pouvait en juger par le faible maquillage qui recouvrait son visage, ses bijoux, ses vêtements cintrés et ses talons. Kat était bien plus simple et naturelle, mais elle n’en était pas moins féminine pour autant, surtout quand elles sortaient en soirée... Elysia sourit, elle la trouverait de toute façon magnifique dans n’importe quoi.

— Ce n’est peut-être pas plus mal, non ? remarqua-t-elle enfin. C’est assez difficile de s’affirmer comme ça, je pense qu’entre jumelles, ça doit être encore plus dur...

— Avoir des traits identiques n’aide pas, en effet, acquiesça Mathilde. Mais papa a toujours fait en sorte qu’on puisse nous distinguer. Puis, arrivées à un âge où on était assez grandes pour nous occuper de nous-même, on a poursuivi dans la même lignée.

Elle échangea un regard plein de malice avec Kat avant d’ajouter :

— Mais ça a aussi ses avantages.

Elysia fronça légèrement les sourcils, intriguée, mais aussi appréhensive.

— Du genre... ?

— On adorait échanger nos places. Kat a même passé un oral d’espagnol à ma place lors de nos examens terminaux au lycée, sourit fièrement Mathilde. Et moi ses épreuves d’histoire-géo.

Elle se pencha légèrement afin de murmurer de manière conspiratrice :

— Quand on sait qu’elle plaçait Denver dans le Kentucky...

— Et que tu ne savais même pas quel chiffre venait après dix en espagnol ! s’exclama aussitôt Kat en lui envoyant à son tour un coussin en plein visage.

Mathilde rit de plus belle et Elysia ne put s’empêcher de sourire face à leurs pitreries.

— Vous n’avez pas intérêt à jouer à ce petit jeu pendant ton séjour ici, les prévint-elle néanmoins, les yeux plissés.

Mathilde éclata aussitôt de rire.

— Avec la crise de jalousie qu’un simple petit bisou a provoquée, crois-moi, Kat n’accepterait jamais de toute façon.

L’air grognon de Kat confirma ses propos, mais l’étincelle qui brillait dans le regard de Mathilde ne la rassura guère.

Oh bon sang, dans quoi est-ce que je me suis fourrée, moi, encore ?

💕

Le doux touché d’une main contre sa joue, son prénom doucement murmuré tandis qu’un corps doux et chaud enjambait sa taille poussa Elysia à quitter le pays des rêves le lendemain matin. Souriant, elle ouvrit les yeux et croisa aussitôt un regard noisette brillant de malice encadré par de longs cheveux bruns... bien trop lisses pour être ceux de Kat.

— Han, Mathilde ! s’exclama-t-elle en tirant la couette par-dessus sa tête. T’avais dit que tu ne t’amuserais pas à ça !

Mathilde la lui enleva aussitôt des mains.

Arg !

— Oh ça va, Ely, je t’ai déjà dit que je n’étais pas intéressée par le touche minou.

— Va dire ça à Shelley alors, marmonna Elysia tout en regonflant son oreiller et en se repositionnant plus confortablement.

Mathilde haussa les sourcils.

— Kat t’a parlé de ça ? s’étonna-t-elle. Merde, je ne savais même pas qu’elle était au courant.

Elysia écarquilla les yeux. Oh, la boulette. Mathilde et Shelley étaient meilleures amies depuis l’enfance, et, arrivée l’adolescence, elles avaient voulu savoir ce que ça faisait d’embrasser un garçon. Alors, comme beaucoup, elles avaient fini par décider d’essayer toutes les deux. Ce qui était amusant dans l’histoire selon Elysia, c’était qu’elles n’avaient pas pu aller plus loin qu’un simple petit bisou, puisque Kat était entrée dans la chambre juste à ce moment-là. La seule chose qui les avait sauvées de l’embarras était que Kat était tellement concentrée sur le livre qu’elle tenait entre les mains qu’elle n’avait rien remarqué du tout, et le temps qu’elle relève enfin la tête, Mathilde et Shelley s’étaient déjà éloignées l’une de l’autre depuis un moment. La seule chose qui aurait pu les trahir était la rougeur qui recouvrait leurs traits, mais Kat ne s’était pas attardée.

En général, elle et Mathilde se disaient tout. C’était, au jour d’aujourd’hui, la seule chose que Mathilde lui avait caché, d’abord par embarras, puis parce qu’elle avait simplement oublié avec le temps.

— Euh, non, balbutia Elysia.

— Non ? demanda Mathilde, confuse. Comment peux-tu être au courant si...

— Hé toi, s’exclama Kat en entrant dans la pièce et coupant par la même occasion la parole à sa sœur. Si tu passes de l’autre côté de la barrière, ais au moins la décence de te trouver ta propre copine. 

Mathilde ricana aussitôt et elle s’écarta d’Elysia afin de s’assoir à côté d’elle, en tailleur.

— Non, répondit-elle en secouant la tête. Elle est certes très jolie, il lui manque cependant une chose qui m’est indispensable, poursuivit-elle en posant son regard sur ce qu’Elysia devina être son entre-jambe.

Cette dernière haussa les sourcils d’incrédulité.

— Ils ont inventé les vibromasseurs, tu sais, sourit Kat par-dessus son épaule tandis qu’elle farfouillait dans l’armoire.

Mathilde leva aussitôt les mains au ciel.

— Bah voilà, où est l’intérêt d’être lesbienne si c’est pour utiliser un vibro, hein ?

— Parce que c’est plus simple que de demander à un homme de porter des faux seins ? ricana aussitôt Kat.

Elysia grogna tout en se couvrant le visage de ses mains. Je vois, l’une sort une bêtise, et l’autre répond aussitôt avec une de son propre cru. J’ai à faire à de vraies adolescentes, c’est pas possible.

— Oooh tu ne m’avais pas dit qu’elle était timide, la taquina Mathilde auprès de Kat.

— Je ne suis pas timide, gronda Elysia tout en repoussant la couette et s’asseyant sur le rebord du lit. Je n’ai simplement pas eu mon baiser du matin, poursuivit-elle en lançant un regard appuyé en direction de Kat suivit d’un sourcil haussé.

Des bras vinrent aussitôt encercler sa taille par derrière.

— Oh mais fallait le dire ma chérie, répondit Mathilde en venant l’embrasser sur la joue. Ça va mieux maintenant ?

Elysia laissa retomber son visage entre ses mains, dépitée.

— Kat ? gémit-elle.

Du mouvement lui parvint et les bras de Mathilde la quittèrent aussitôt, le matelas bougeant légèrement sous elle.

— Je vous laisse, dit Mathilde en sautant du lit, je n’ai pas envie que vous me coupiez l’appétit !

Elysia rit aussitôt avant d’être interrompue par des lèvres se posant sur les siennes pour un langoureux baiser.

— Hmm, ronronna-t-elle contre la bouche de Kat. Ah là, c’est mieux.

— Je suis entièrement d’accord, sourit Kat avant de lui voler un autre baiser. Désolée pour Mathilde, elle est... toujours comme ça.

Elysia lâcha un rire.

— T’en fais pas, la rassura-t-elle. Elle n’est pas méchante, elle est même plutôt amusante. Et puis, ça fait plaisir de vous voir réunies.

Kat acquiesça tout en prenant place à ses côtés.

— Je ne sais pas si c’est parce qu’elle est ma sœur, mais elle est la seule dont la présence ne m’a jamais posé problème, surtout après ce qu’il m’est arrivé, tu sais... à l’armée. Avec Lyna et Tawny, j’étais... mal à l’aise, embarrassée. Mais avec Mathilde, ça a toujours été différent.

— Hmm, il paraît que les jumeaux ont un lien particulier, dit Elysia, ses doigts glissant dans le cou de Kat d’un air absent, souriant légèrement face à l’incroyable douceur de sa peau. Ça vient peut-être de là.

Kat haussa les épaules.

— Peut-être, admit-elle avant de s’emparer de la main d’Elysia et de l’embrasser doucement.

Elysia soupira d’aise puis fronça les sourcils lorsqu’une question qu’elle voulait poser à Kat lui revint soudainement à l’esprit.

— Tu sais ce qui l’a fait revenir en ville ?

Kat prit une profonde inspiration qu’elle relâcha doucement.

— Elle vient de mettre fin à une relation de plus de sept ans, répondit-elle. La flamme s’est éteinte, elle s’ennuyait.

— Oh. Et... elle va bien ?

Kat lui sourit doucement.

— Sept ans, c’est long, les sentiments se sont taris, mais au fond, Aaron comptera toujours énormément pour elle. Elle a su dire stop avant qu’il ne soit trop tard, mais ce n’est pas évident pour autant. Je pense que c’est pour ça qu’elle a tenu à revenir ici, dans notre ville natale.

— Hmm, elle a envie de retomber sur ses pieds avant d’être prête pour un nouveau départ.

— Quelque-chose comme ça, oui, sourit Kat avant de froncer les sourcils. Ils avaient également des différences d’opinions, Mathilde pense que cela aurait de toute façon fini par les séparés.

Elysia lui offrit un regard confus.

— Comme ?

— Ma sœur ne veut pas d’enfants.

Un rire s’échappa des lèvres d’Elysia malgré elle.

— Comment peut-on ne pas vouloir d’enfants ? dit-elle en secouant légèrement la tête.

Kat se leva aussitôt du lit pour retourner vers l’armoire et au vu de la tension qui habitait ses épaules, Elysia réalisa avec surprise qu’elle était sérieuse. Elle se mordit la lèvre tout en la suivant du regard, regrettant soudainement la réaction qu’elle avait eue.

Bravo Elysia, tu penses pouvoir faire encore plus insensible ?

Ses doigts vinrent tripoter le couvre lit et elle s’apprêtait à reprendre la parole lorsque la voix de Kat lui parvint enfin.

— Peut-être parce qu’elle n’en ressent simplement pas l’envie, lui dit-elle simplement.

Tu n’en ressens pas l’envie ? demanda aussitôt Elysia.

Kat connaissait peut-être sa sœur mieux que quiconque, sa réaction la poussait cependant à penser que Mathilde n’était peut-être plus le sujet central de leur conversation.

Kat se retourna subitement et observa Elysia comme si elle avait perdu la tête.

— Bien sûr que non ! s’exclama-t-elle, incrédule. Tu as perdu l’esprit ou quoi ?

Elysia cligna des yeux, surprise. Elle ne sut si c’était ce que Kat venait de lui dire, ou le ton — dur — qu’elle venait d’employer, mais elle sentit son ventre se serrer soudainement tandis que la colère montait à son tour en elle. De quel droit lui parlait-elle de la sorte ? Comment pouvait-elle sous-entendre une chose pareille ? Elle avait l’impression d’avoir dormi pendant des semaines et de se réveiller soudainement et ne plus rien comprendre.

— Aux dernières nouvelles, ma tête allait très bien, répondit-elle sarcastiquement en se levant à son tour. Par contre, la tienne, je n’en suis pas sûre. Ce n’est pas moi qui ne veux pas d’enfants, hein !

En réponse, Kat s’approcha d’elle, les traits durs et la respiration saccadée. Un de ses doigts vint se placer contre la poitrine d’Elysia et elle tapa frénétiquement au fur et à mesure qu’elle lui répondait :

— Surement parce que tu n’as pas été violée, et tu n’as pas eu à avorter !

Sa voix était montée crescendo pour finalement hurler le dernier mot et Elysia sentit le sang quitter son visage. Sa colère s’évapora et elle se retrouva là, à la fixer bêtement, alors que le silence les entourait à nouveau, pesant, assourdissant, que seules leurs respirations saccadées brisaient.

Un léger raclement les poussa à tourner la tête, et elles virent Mathilde les observer depuis le chambranle de la porte, hésitante.

— Hum, tout va bien ?

Kat laissa retomber sa main tout en soupirant, et elle se recula, évitant le regard d’Elysia.

— Parfaitement, répondit-elle d’une voix à peine plus haute qu’un murmure. J’ai besoin d’aller faire un tour, m’attendez pas pour déjeuner, ajouta-t-elle en quittant la pièce.

Son ton empli de douleur accabla aussitôt Elysia et elle serra ses bras contre son ventre, comme pour calmer la peine qu’elle ressentait.

Mathilde suivit Kat s’éloigner du regard avant de reporter son attention sur Elysia.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-elle d’un ton concerné.

Elysia prit place sur le lit et s’empara d’un oreiller qu’elle serra contre elle.

— J’ai merdé, répondit-elle simplement, les yeux embués.

La dernière chose que son esprit enregistra fut un bras enserrant sa taille et une main guidant sa tête contre une épaule accueillante.

4 août 2015

Chapitre 13

Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Lyna Rivera, je ne peux pas vous répondre pour le moment, mais laissez un message après le bip sonore et je vous rappellerai dès que possible. BIP.

Elysia ne prit même pas la peine de répondre et raccrocha dans un soupir.

— Tu sais, ils font les malins ceux qui te vendent des téléphones là, mais si la personne que tu cherches à joindre ne décroche pas, ça sert rien, dit-elle en jetant son portable sur le tableau de bord.

— Elle est peut-être occupée ? proposa Mysa depuis sa place côté passager, les yeux rivés sur l’imposant bâtiment devant lequel ils étaient garés, celui du cabinet d’avocat Roberts & McDaniel

— Ou elle ne veut tout simplement pas me répondre, soupira Elysia en se passant une main sur le visage.

Une fois remises de sa visite surprise la veille, Kat lui avait dit ne pas comprendre pourquoi Lyna avait réagi ainsi. Leur amitié remontait à l’enfance, Lyna avait été la première à découvrir son homosexualité, et avait connu chacune de ses petites amies, alors pour Kat, le problème ne pouvait pas se trouver là. Pour Elysia, l’une des explications possibles était que Lyna se soit simplement sentie laissée de côté ces derniers mois.

Après tout, depuis le retour d’Elysia sur Terre, combien de temps Lyna et Kat avaient-elles vraiment passé ensemble ? Elysia n’était même pas sûre qu’elles se retrouvaient encore pour déjeuner. 

— On va avoir besoin d’un plan, Mysa. Lyna, je peux gérer. Elyana... Elle est beaucoup trop forte. Je veux dire, regarde, elle t’a manipulé en un tour de main hier soir.

Mysa se passa une main sur la nuque.

— Si tu pouvais éviter de me le rappeler, ça m’arrangerait, grimaça-t-il.

Elysia l’observa avec sympathie.

— Désolée. Je commence juste à me dire que j’ai sérieusement sous-estimé la chose. Je ne pensais pas que ce serait mission impossible quand j’ai fait ma requête auprès du Conseil.

— Ce n’est pas impossible, la contredit Mysa, les sourcils froncés de concentration. On va simplement devoir jouer aux plus malins.

Il prit une inspiration et tourna la tête vers Elysia, une légère lueur dans le regard.

— En attendant, une partie de ta mission remporte au moins un grand succès. Kat est loin d’être malheureuse.

Elysia se sentit rougir.

— Je n’ai pas vraiment été subtile, hein ? grimaça-t-elle en se mordant la lèvre inférieure.

Mysa lâcha un rire.

— Elysia, je pense que tu n’as dupé personne quand tu as demandé à retourner sur Terre. Une Daï-Natha se soucie toujours de son ou sa protégé(e)... Tu n’as rien fait de plus que ce que tu faisais là-haut. La différence, c’est qu’ici, tu avais une bien plus large marge de manœuvre.

Elysia acquiesça, les yeux baissés vers ses mains qui reposaient sur le volant.

— Et le Conseil, qu’est-ce qu’il a à dire dans tout ça ? demanda-t-elle.

Mysa haussa les épaules.

— Le Conseil veut voir Elyana disparaître. Ce que tu fais en parallèle — tant que tu ne révèles pas notre existence — est le cadet de ses soucis. Et puis, personnellement...

Il prit sa main dans la sienne.

— ...je pense que tu as bien fait. Kat a connu tellement d’horreurs... elle mérite ce que tu lui apportes aujourd’hui.

Pour toute réponse, Elysia se pencha par-dessus le levier de vitesse et l’embrassa sur la joue.

💕

Elysia poussa la lourde porte en verre, pénétrant dans un hall immense peuplé d’hommes en costard cravate et de femmes en tailleur, et s’approcha de l’imposant comptoir en bois sombre de la réception.

— Bonjour, j’ai rendez-vous avec Mme Rivera, sourit Elysia lorsqu’une jeune femme au chignon strict et aux lunettes carrées leva les yeux vers elle.

— Bien sûr. À quelle heure ?

— 13h30.

— Votre nom ?

— Lashera, Elysia Sonja. Mais j’ai pris rendez-vous sous mon deuxième prénom.

La jeune femme laissa courir ses doigts sur le clavier d’ordinateur quelques instants, les sourcils légèrement froncés de concentration avant de reporter son attention sur Elysia.

— Douzième étage, deuxième porte sur la gauche. Attendez dans le couloir, Mme Rivera viendra vous chercher.

Elysia la remercia puis se dirigea vers les batteries d’ascenseurs, entrant dans la cabine accompagnée de deux hommes et d’une femme qui la saluèrent poliment d’un léger signe de la tête. Ils sortirent au septième étage et Elysia continua jusqu’au douzième, avant de venir s’installer sur l’une des chaises longeant le couloir, comme l’hôtesse d’accueil le lui avait indiqué.

Quelques minutes plus tard, une porte s’ouvrit et Elysia vit Lyna en sortir, ses talons accentuant sa grande taille et la finesse de son corps. Et avec son tailleur noir, Elysia devait reconnaître qu’elle en imposait.

Le regard de Lyna parcourut le couloir avant de s’arrêter sur Elysia et cette dernière se redressa, lissant sa jupe, quand elle la vit se figer.

— Hé, salua-t-elle.

Lyna cligna des yeux à plusieurs reprises, regardant autour d’elle comme si elle s’attendait à ce que quelqu’un apparaisse soudainement et lui dise que c’était une plaisanterie.

Quand rien n’arriva, elle reporta son attention sur Elysia.

— Qu’est-ce que... hum, qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle finalement.

Elysia s’approcha légèrement.

— J’ai rendez-vous. Avec toi.

Lyna afficha un air surpris.

— Je pense qu’il y a erreur, lui répondit-elle en abaissant son regard sur l’agenda qu’elle tenait entre ses mains. J’ai rendez-vous avec une certaine... Sonja Lasheras.

Elysia sourit.

— C’est moi, Elysia Sonja Lasheras. 

Lyna l’observa, imperturbable.

— Tu as pris rendez-vous avec moi.

— C’est ça.

— En utilisant ton deuxième prénom.

Elysia grimaça.

— J’ai donné mon nom complet, mais il est possible que j’aie demandé à ce que seul mon second prénom soit utilisé...

Lyna prit appui contre le chambranle de la porte, les bras croisés sur sa poitrine et Elysia reconnut là ce qui faisait de Lyna la grande avocate qu’elle était. Celle qui pouvait vous pousser à révéler vos plus sombres secrets sans faire le moindre effort, et ce juste en un léger plissement des yeux.

— Et tu as fait ça parce que... ?

— Je pensais que tu refuserais peut-être de me voir si tu savais qu’il s’agissait de moi, expliqua Elysia avant de jeter un œil par-dessus son épaule. Écoute... j’ai un rendez-vous, on pourrait en discuter à l’intérieur ?

Lyna haussa un sourcil avant de regarder autour d’elles à son tour puis de hocher la tête. Elle s’écarta légèrement afin de laisser entrer Elysia, puis referma la porte derrière elles.

Elle attendit d’être installée derrière son bureau avant de demander :

— Je t’écoute. Qu’est-ce qui me vaut une telle visite ? Pas de problèmes avec la justice, j’espère ?

— Non, répondit Elysia tout en prenant place dans l’un des sièges réservés aux visiteurs. En fait, ça n’a rien à voir avec ton travail.

Lyna croisa les mains devant elle, sur son bureau. Elle sourit légèrement malgré elle.

— Oui, ça, je l’avais plus ou moins deviné. De quoi s’agit-il alors ?

— J’organise une soirée entre fille ce vendredi. Et, comme tu es la meilleure amie de Kat, ta présence est non seulement désirée, mais elle est surtout indispensable.

Lyna prit appui contre le dossier de sa chaise. Elle hocha pensivement la tête.

— J’ai l’impression de ne pas avoir beaucoup de choix. Sans compter que c’est dans trois jours, je pourrais déjà avoir d’autres projets de prévus.

— C’est vrai, acquiesça Elysia. Mais à moins que ce ne soit quelque chose de professionnel... ta meilleure amie pourrait passer en premier... non ?

— Ma meilleure amie, répliqua Lyna dans un rire dénué d’humour. Hmm. Et c’est en quel honneur, cette soirée ?

Elysia se passa une main sur la nuque, avant de soupirer.

— O.K. Je ne vais pas tourner autour du pot, dit-elle tout en croisant le regard de Lyna. Hier, tu as débarqué à l’improviste chez Kat pour finalement repartir tout aussi rapidement, et ce, en larmes. Je ne sais pas ce qui se passe, mais je pense... je pense qu’une soirée entre vieilles copines pourrait vous être bénéfiques, tu ne crois pas ?

Elle vit Lyna se mordre l’intérieur de la joue puis soupira intérieurement quand elle hocha finalement la tête.

— Très bien, je vais y réfléchir.

Elysia grimaça. Le soulagement qu’elle venait d’éprouver s’évapora tout aussi rapidement qu’il était apparu.

— Lyna...

Cette dernière leva une main.

— Tu l’as dit toi-même, Elysia, tu ne sais pas ce qui se passe. Je veux bien faire des efforts, mais quand ça ne vient toujours que d’un côté...

— Kat veut que tu viennes, assura Elysia, perturbée par l’air las qui avait élu domicile sur le visage de Lyna. Je t’assure. Ça ne sera pas la même chose sans toi.

Lyna l’observa un instant puis se redressa afin d’aller ouvrir la porte.

— Je te l’ai dit, je verrais.

Elysia se leva à son tour, ignorant tant bien que mal la déception qui s’abattait sur elle. Elle hocha la tête.

— Promets-moi au moins une chose alors, dit-elle une fois arrivée à hauteur de Lyna. Passe au moins en coup vent, si tu décides de ne pas venir. Juste un petit coucou, rien de plus, ajouta-t-elle rapidement quand Lyna ouvrit la bouche.

Cette dernière secoua la tête.

— Tu ne lâcheras vraiment pas le morceau, hein ? fit-elle remarquer, à moitié pour elle-même. Très bien, je passerai.

Si tu choisis de ne pas venir, insista Elysia. Car j’espère quand même que tu le feras.

Pour toute réponse, Lyna lui tendit sa main et Elysia la serra à regret. Elle aurait voulu repartir avec un « oui », pas un « peut-être ».

Elle sortit dans le couloir avant de préciser.

— La soirée commence à 19h. Peu importe ce que tu décides, sache que je t’attendrai. Et Kat aussi.

Lyna hocha la tête, et elle regagna les ascenseurs, ignorant le sentiment désagréable qui lui disait qu’elle aurait pu faire plus.

💕

Quand Elysia regagna l’appartement de Kat ce soir-là, elle fut surprise de voir un post-it collé contre la porte, avant de soupirer quand elle vit qu’il était de Kat. Cette dernière avait apparemment reçue une pièce importante pour sa Chevrolet et s’était donc rendue au garage afin de l’installer. Elle qui avait passé la journée à attendre le moment où elle pourrait enfin se glisser dans ses bras et oublier la catastrophe qu’avait été son rendez-vous avec Lyna, c’était loupé.

Utilisant son double de clé que Kat lui avait remis après leur première nuit ensemble, elle pénétra dans l’appartement et laissa la porte se refermer derrière elle, retirant ses talons et sa veste de tailleur.

Ne sachant pas à quelle heure Kat en aurait fini, elle décida de commander Chinois et de se couler un bon bain chaud. Quitte à être seule et à avoir du temps libre, autant en profiter. Elle trouverait peut-être une solution pour faire venir Lyna à leur soirée, ou pour les réunir elle et Kat afin qu’elles puissent enfin discuter de ce qui visiblement n’allait pas.

Elle s’éloignait tout juste de l’entrée lorsque la sonnerie de l’appartement retentit et elle fronça les sourcils avant d’ouvrir la porte, surprise lorsque Kat lui apparut aussitôt

— Ben alors, on sonne pour rentrer chez soi maintenant ? la taquina-t-elle tout en tirant sur son t-shirt pour venir l’embrasser.

A peine ses lèvres se furent-elles poser sur les siennes qu’elle sentit Kat se figer aussitôt, la laissant perplexe. Les secondes s’écoulèrent, et quand la réaction de Kat ne changea pas, et qu’elle essaya au contraire de la repousser, Elysia rompit le baiser, confuse.

— Tu vas finir par me vexer à ne pas m’embrasser en retour, comme ça, reprit-elle d’un ton taquin mais néanmoins inquiet.

Un léger raclement de gorge la fit tourner la tête et elle sentit aussitôt le sang quitter son visage quand elle vit Kat par-dessus l’épaule de... Ses sourcils grimpèrent sur son front et sa mâchoire se détacha littéralement.

— Oh merde, je vois double.

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27 juillet 2015

Chapitre 12

Il était près de 18h quand Elysia éteignit enfin son ordinateur et elle étira ses bras au-dessus de sa tête avant de se préparer à rentrer. Après l’épreuve qu'avait été la soirée de la veille, elle avait décidé de laisser le passé là où il était et d’inviter Kat à sortir dîner. 

Elle avait alors réservé une table dans l’un des restaurants les plus renommés de la ville, le Luma on Park, et qui offrait les meilleurs vins de la région. Mais ça, c’était si elle parvenait à rentrer dans les temps, car il ne lui restait très exactement plus qu’une heure pour regagner son domicile et se changer.

Je peux le faire.

Sans embouteillages, je peux le faire.

Résolue, elle se dirigea vers le porte-manteau d’un pas décidé et y récupéra sa veste et son sac à main avant d’éteindre toutes les lumières puis sortir dans le couloir. Une certaine agitation régnait encore dans les bureaux avoisinants et elle salua d’un léger signe de la main les quelques regards qu’elle croisait, un peu coupable de les laisser chômer pour sortir en amoureuses.

Arrivée aux cabines d’ascenseurs, elle vit Chloé émerger d’un couloir adjacent, rajustant ses cheveux qu’elle lissait avec la paume de ses mains, et elle haussa les sourcils.

— Qu’est-ce que tu fais encore là ? demanda-t-elle, étonnée. Il est dix-huit heures passé. On avait encore besoin de toi ?

Surprise, Chloé leva vivement la tête et s’arrêta net, les yeux écarquillés. Elle porta finalement une main à sa poitrine.

— Oh bon sang, tu m’as fait peur, rit-elle nerveusement tout en regardant autour d’elle. Je pensais que tu étais déjà partie. Josh m’a dit que tu avais une soirée... ?

— Oui, avec Kat, acquiesça Elysia avant de baisser les yeux vers sa montre. Je ferais bien de me dépêcher d’ailleurs, si je ne veux pas être en retard.

— Passe-lui le bonjour de ma part, dit Chloé tout en se balançant légèrement d’avant en arrière.

Elysia sourit.

— Je n’y manquerai pas. Bonne soirée, Chloé.

Cette dernière s’éloigna après un léger hochement de tête et Elysia appuya sur le bouton de l’ascenseur, tapant du pied lorsque ce dernier mit du temps à arriver. Finalement, les portes s’ouvrirent, et elle sourit quand elle vit Kim à l’intérieur, les bras chargés de plats préparés.

— Eh bien, c’est pique-nique ce soir ? demanda-t-elle tout en se faufilant à l’intérieur.

Kim sursauta, levant des yeux surpris vers Elysia.

— Oh, Lysia. Je ne savais pas que tu, euh, étais encore là.

Elle leva une main vers son visage et ce ne fut que lorsqu’elle commença à se recoiffer qu’Elysia remarqua combien ses cheveux roses étaient en bataille.

— Tu dis ça comme si c’était la première fois que je finissais tard, répondit Elysia en lui offrant un regard appuyé, retenant la porte quand celle-ci voulut se fermer. Et puis, qu’est-ce qui se passe ici ? Je viens de croiser Chloé et elle était dans le même état que toi. Vous avez fait une bataille d’oreillers ou quoi ?

Elle fut surprise de voir un air de panique traverser le visage de Kim tandis que cette dernière s’empourprait.

— Euh, non, ça doit être une coïncidence, balbutia Kim tout en quittant la cabine d’un pas pressé. Passe une bonne soirée !

Les portes se refermèrent et Elysia fronça les sourcils tout en vérifiant sa montre, grognant ouvertement lorsqu’elle vit qu’il était déjà 18h15.

Elle n’avait plus qu’à espérer qu’il n’y aurait pas d’embouteillages.

💕

Lorsque le dessert arriva, Elysia ne put s’empêcher de penser que la soirée s'était admirablement passée, ponctuée de regards complices et de sourires taquins. Le repas avait quant à lui été délicieux et à la lueur des bougies, on ne peut plus romantique.

Elle leva son verre de champagne afin de porter un toast.

— À nous, et à cette soirée inoubliable, sourit-elle.

— À nous, acquiesça Kat, faisant tinter leurs verres.

Le serveur choisit ce moment pour déposer une série de petites assiettes parfumées au milieu de la table, et Elysia se sentit aussitôt saliver.

— Oh la la, ils ont tous l'air aussi délicieux les uns que les autres, dit-elle en se mordant la lèvre.

Kat s’empara d’un mini financier aux cerises confite au kirsch.

— Tiens, dit-elle en le portant à la bouche d’Elysia.

Elle frissonna lorsque la langue de cette dernière effleura son doigt, puis déglutit péniblement quand Elysia gémit ouvertement.

— Oh bon sang, Kat, ronronna Elysia en fermant les yeux. C’est délicieux ! Tiens, essaye celui-là.

Elle s’empara du moelleux chocolat framboise et le porta à son tour aux lèvres de Kat, puis haussa un sourcil interrogateur.

— Délicieux, acquiesça Kat en hochant frénétiquement la tête. J’ai du mal à croire qu’ils soient réputés pour leurs vins quand ils proposent des desserts pareils, ajouta-t-elle en choisissant cette fois-ci un chou à la crème.

Elysia sourit quand Kat le lui présenta, et elles passèrent les minutes suivantes à se nourrir l’une l’autre, riant légèrement quand un morceau leur échappait où qu’un liquide sucré coulait sur leurs mentons, inspirant soudainement quand leurs langues effleuraient les doigts de l’autre par inadvertance.

Le repas terminé, le serveur leur apporta chacune leurs cafés et Kat s’essuya les lèvres avant de faire remarquer :

— Tu sais, jusqu’à présent, j’ai l’impression qu’on a parlé que de moi. Tu connais quasiment tout de ma vie, mes amis, ma famille... J’ai envie d’en apprendre plus sur toi.

Elysia hocha légèrement la tête, pensive. Kat n’avait pas tort, elle ne connaissait que le strict minimum sur Elysia, pour la simple raison que cette dernière n’avait pas voulu s’aventurer plus loin.

Quand elle était revenue sur Terre, Mysa lui avait assurée qu’elle était exactement celle qu’elle était avant de mourir. Et même si c’était comme si elle n’était jamais partie... Elysia savait, contrairement à Kat et au reste de l’humanité, qu’il ne s’agissait rien de plus qu’un amas de mensonges montés de toute pièce pour que les gens ne s’interrogent pas à son sujet.

Une Daï-Natha était redevenue humaine. Il fallait que les humains y croient, ou son plan échouerait.

Mais Elysia n’avait pas envie de bâtir sa relation avec Kat sur un amas de mensonges. Pas plus qu’elle ne le faisait déjà. Pourtant, si elle ne voulait pas Kat se pose trop de questions... elle allait forcément devoir mentir un peu plus, malgré la douleur que cela lui apportait.

— Tu as raison, acquiesça-t-elle finalement. J’en sais certainement plus sur toi que tu n’en sais sur moi. Hmm... tu sais que je travaille pour un magazine, que je suis rédactrice en chef. Tu sais où je vis. Qu’est-ce que tu ne sais pas...

— Tu as des frères et sœurs ? demanda Kat en prenant une gorgée de son café.

— Un frère aîné, acquiesça Elysia. Mysa. Tu as dû voir des photos de lui chez moi et à mon bureau...

Kat hocha la tête.

— Vous vous ressemblez. Et tes parents ? Vous êtes proches ?

Elysia haussa les épaules.

— Pas vraiment. Ils possèdent une ferme dans le Montana, c’est là-bas que j’ai grandi. Comme moi, ils sont plutôt pas mal occupés, alors... on se voit seulement pour les fêtes et les anniversaires en général.

Kat hocha la tête, compréhensive.

— C’est la même chose avec ma sœur, Mathilde. Son travail lui prend beaucoup de temps, mais on essaye de se voir au moins une fois dans l’année. O.K. Je sais que tu aimes dessiner, dit-elle en prenant la main d’Elysia dans la sienne. Tu as d’autres passions ?

— Hmm... la danse, répondit Elysia. Je dansais beaucoup, avant. Quand j’avais plus de temps libre.

Kat haussa les sourcils.

— Vraiment ? s’étonna-t-elle. Quel genre ?

— Rock, Salsa, Tango, Cha Cha...

Kat se laissa retomber contre le dossier de sa chaise, un sourire apparaissant sur ses lèvres.

— Va falloir que tu me montres ça, dit-elle, le regard brillant.

Elysia appuya ses coudes sur la table, entrelaça ses doigts comme pour prier et posa son menton sur ses mains. Elle regarda Kat avec convoitise.

— La plupart se dansent à deux, je vais avoir besoin d’un partenaire, dit-elle, malicieusement. Tu penses pouvoir tenir le rôle ?

Kat se pencha à son tour vers l’avant.

— Oh je pense même pouvoir faire mieux que ça, ronronna-t-elle dans un regard enjoué. J’ai toujours adoré mener la danse.

Pour toute réponse, Elysia se contenta de faire signe au serveur d'apporter l'addition.

💕

Elysia décida qu’elle avait un truc pour les après-soirées. Non pas qu’elle en ait vécues beaucoup, mais là, maintenant, tout de suite, son corps tout entier semblait d’accord avec elle.

Un rapide coup d’œil autour d’elle lui assura que le couloir était désert et elle se colla complètement contre Kat avant de plonger son visage dans ses longs cheveux châtains, s’imprégnant de son odeur légèrement fruitée.

— Tu sais que tu dégages quelque chose de totalement enivrant ? ronronna-t-elle avant de déposer de doux baisers contre la nuque de Kat.

Cette dernière rit doucement avant qu’un frisson ne la parcourt lorsqu’Elysia mordilla doucement la peau douce.

— Filons droit au lit, murmura Elysia quand la porte s’ouvrit enfin, tirant légèrement sur le bras de Kat quand cette dernière chercha à l’enlacer. Parce que, autant j'aime cette robe, autant j'ai attendu toute la soirée pour pouvoir enfin te la retirer.

Un grognement remonta le long de la gorge de Kat mais elle n’eut pas le temps de répondre que la bouche d’Elysia s’écrasa sur la sienne pour un baiser brulant, poussant aussitôt ses genoux à fléchir sous elle. Elle frissonna et se cramponna à l’arche qui séparait l’entrée du salon tout en répondant à ses lèvres avec autant de passion, avant de gémir lorsque les mains d’Elysia délaissèrent ses hanches pour remonter le long de la fermeture éclair de sa robe. Sa main chercha le bouton du haut et le défit, le bout de ses doigts frôlant sa peau tout en descendant la fermeture avec une lenteur désarmante. La respiration de Kat se fit de plus en plus saccadée, avant qu’elle ne gémisse ouvertement lorsque les lèvres d’Elysia quittèrent les siennes pour venir taquiner son point de pulsation qui battait à un rythme endiablé.

Electrisée, elle souleva soudainement Elysia du sol et cette dernière haleta, surprise, avant de sourire et de venir enrouler ses jambes autour de la taille de Kat, glissant ses doigts dans les long cheveux sombres. Elle sentit l’une des mains de Kat descendre jusqu’à ses fesses et gémit, sa lèvre inférieure coincée entre ses dents.

— Continue comme ça, et je te jure que je ne répondrai plus de rien, soupira-t-elle.

Kat l’allongea sur le canapé et quand sa main remonta le long de sa cuisse pour s’insinuer entre ses jambes, Elysia s’empara de sa robe afin de l’attirer à elle, avant de s’arrêter quand quelque chose attira son regard.

Elle sourit.

— C’est nouveau ça, dit-elle, écartant légèrement le tissu afin d’avoir une meilleure vue.

Kat lui avait fait l’agréable surprise de revêtir une robe pour la soirée, ce qui, outre le fait de l’avoir énormément surprise, lui avait tout simplement coupé le souffle. Épousant ses formes à la perfection et exhibant sa peau hâlée, elle dévoilait ses épaules et s’arrêtait à mi-cuisse, offrant une vue magnifique de ses jambes interminables et de ses talons hauts définitivement sexy.

Mais Elysia était loin d’imaginer qu’elle avait fait l’effort pour les sous-vêtements aussi, même si, après leur première nuit ensemble, elle reconnut qu’elle aurait dû. Kat avait porté son choix sur de la lingerie en dentelle noire ultra sexy qui poussa Elysia à observer sa poitrine comme si elle détenait le secret de la vie.

— Je me demande ce que ça donne avec le bas assortit, dit-elle pour elle-même avant de rougir furieusement lorsque le rire de Kat lui parvint, lui faisant réaliser qu’elle avait parlé à voix haute.

— Ça, répondit Kat tout en venant légèrement mordiller son lobe d’oreille. Il ne tient qu’à toi de le découvrir.

Un violent frisson parcourut Elysia et elle s’empara des lèvres de Kat dans un baiser fiévreux avant de se figer lorsqu’un bruit sourd résonna dans la pièce, et elle tourna la tête, surprise de voir Lyna debout dans l’entrée, le regard rivé sur elles.

Le peu de présence d’esprit qu’il lui restait poussa Elysia à recouvrir leurs corps du mieux possible à l’aide du plaid qui reposait contre le dossier et elle repoussa gentiment Kat de manière à ce qu’elles puissent toutes les deux s’assoir. Son regard croisa ensuite celui de Lyna qui n’avait toujours pas bougé, paralysée par la surprise.

Elle se racla légèrement la gorge.

— Lyna ? Qu’est-ce que...

Le son de sa voix sembla la faire réagir car Lyna détourna aussitôt le regard, la mâchoire serrée, avant de finalement prononcer :

— J’arrive pas à y croire...

Elle secoua la tête puis fit demi-tour afin de sortir d’un pas précipité et quand Elysia vit Kat se prendre la tête entre ses mains, elle replaça sa robe du mieux possible avant de partir à la suite de Lyna. Lorsqu’elle arriva dans le couloir, cette dernière était en train de pénétrer dans l’ascenseur et elle se précipita vers elle à toute allure.

— Lyna ! Lyna attend !

Son dos lui faisait face, et le temps qu’elle arrive à sa hauteur, les portes commençaient à se refermer, mais Elysia parvint in extrémis à insérer un bras et à les pousser à se rouvrir.

Elle reprit son souffle et hésita un instant avant d’appeler d’un ton suppliant :

— Lyna ? Lyna, s’il te plaît.

Lyna soupira avant de finalement lui faire face.

— Tu devrais retourner à l’intérieur, dit-elle d’une voix serrée. Elle a... elle a besoin de toi.

Vu ses yeux embués, Elysia savait qu’elle luttait contre les larmes.

— Elle a besoin de toi aussi.

Lyna lâcha un rire dénué d’humour tout en secouant la tête.

— Rentre. Je suis désolée d’avoir... de vous avoir interrompues.

— Ce n’est pas grave, répondit Elysia avant de réaliser qu’il se faisait plutôt tard pour une simple visite amicale. Il... il n’y a rien de grave, j’espère ?

Lyna croisa son regard pour la première fois depuis qu’elle les avait surprises et Elysia  fut étonnée de voir un léger sourire apparaître sur ses lèvres.

— Non, je voulais juste...

Ses sourcils se froncèrent et son visage s’assombrit à nouveau.

— Rien, oublie.

— D’accord, dit Elysia à contrecœur. Je vais te laisser rentrer alors.

Elle hésita avant d’ajouter :

— Mais, hum, tu sais que si tu as besoin, sa porte t’est toujours ouverte, n’importe quand, alors... n’hésite pas, d’accord ?

— Je sais.

Les portes de l’ascenseur se fermèrent à nouveau et Lyna lui offrit un léger signe de tête avant de disparaître.

24 juillet 2015

Chapitre 11

L'alarme tira Kat d’un sommeil sans rêves et elle tendit une main dans la direction générale du bruit, frappant plusieurs boutons avant que le signal sonore ne soit enfin réduit au silence.

— Ugh, grogna-t-elle avant d’enfouir sa tête sous l’oreiller.

— C’était l'alarme, hein ? marmonna Elysia depuis quelque part sous les couvertures.

« Humpf », fut la seule réponse que Kat parvint à produire, le reste de son énergie étant concentrée dans son déplacement vers Elysia. Elle se retourna et ne put retenir un sourire lorsqu’elle aperçut ses yeux fermés et son visage presque entièrement enfoui dans l'oreiller.

— Il est 6h30, tu commences à 8h00, c’est ça ?

— Hmm, répondit Elysia de façon presque incohérente tout en attirant Kat contre elle.

Kat sentit ses yeux se fermer d’eux-mêmes face à son corps doux et chaud et elle entremêla leurs jambes, savourant l’instant. Elle n’avait aucune envie de se lever, car après tout, qui aurait envie de quitter une étreinte aussi douce ?

— On peut avoir dix minutes de plus ? gémit Elysia tout en serrant Kat un peu plus contre elle, comme si elle sentait que son geste allait la convaincre.

— On pourrait..., répondit Kat, ses doigts dessinant inconsciemment des arabesques sur l’épaule d’Elysia. Sauf que ça nous vaudrait très certainement des coups de pied aux fesses.

Kat conclut qu’Elysia était un peu plus réveillée lorsqu’elle eut un petit rire et elle déposa un baiser sur son épaule, souriant quand Elysia ouvrit de petits yeux fatigués.

— Bonjour, dit-elle tout en venant redessiner sa lèvre inférieure du doigt. Bien dormi ?

Elysia hocha la tête tout en s’étirant.

— Comme un bébé, et toi ?

— Pareil, acquiesça Kat tout en venant l’embrasser juste au coin des lèvres. Tu sais, avec tes cheveux en bataille, tu as l'air bien trop sexy pour quelqu'un qui se réveille.

Elysia recouvrit aussitôt son visage de ses mains.

— Oh Kat, arrête, je dois avoir l’air terrible, grogna-t-elle.

Kat haussa un sourcil.

— Duh, qu’est-ce que tu dois penser de moi alors, ironisa-t-elle, taquine.

Elysia roula des yeux. Elle adorait déjà les cheveux de Kat au naturel, alors au réveil... ils lui donnaient une allure irrésistible. Elle se redressa afin de venir mordiller le lobe de son oreille.

— Ils te donnent un air sauvage terriblement séduisant, ronronna-t-elle d’une voix chaude.

Sa main vint légèrement griffer l’intérieur de la cuisse de Kat et elle sourit quand cette dernière prit une inspiration soudaine, puis ferma les yeux quand l’un de ses bras glissa autour de son ventre afin de l'attirer plus près encore.

Elle tourna légèrement la tête afin d’embrasser Kat au niveau de la clavicule, et sa main se mit à explorer sa peau. Aussi légers qu’une brise, ses doigts dérivèrent entre ses seins puis le long de ses côtes avant de voyager partout ; dans son dos puis sur son épaule pour finir par redessiner les contours de son ventre.

— Je t’aime, murmura-t-elle contre la peau brûlante.

— Je t’aime aussi, répondit Kat, la chaleur du désir se précipitant à nouveau dans ses veines.

Elysia l'embrassa, et Kat frissonna lorsque cette dernière tira légèrement sur sa lèvre inférieure. Sur son ventre, les doigts d’Elysia se faisaient plus insistants, et elle remarqua qu’à chaque fois qu’elle avait complété un circuit, sa main glissait un peu plus bas et réitérait le processus. Bien vite, ses doigts effleurèrent son triangle intime et la profonde inspiration qu’elle prit poussa Elysia à lever les yeux vers son visage.

— Ooooh on dirait que tu aimes ça, dit-elle, une lueur taquine dans le regard.

Pour toute réponse, Kat l’attira soudainement à elle, souriant quand Elysia lâcha un cri de surprise, avant de l’embrasser passionnément.

— Oh bon sang, Kat, souffla Elysia quand Kat délaissa ses lèvres pour venir embrasser son cou, puis sa poitrine.

Elle embrassait sa peau avec un tel désir, l’aspirait, la mordillait avec tant de plaisir qu’Elysia ne put empêcher plusieurs gémissements de passer la barrière de ses lèvres. Puis l’attention que Kat lui portait baissa progressivement en intensité, ses lèvres effleurant à peine sa peau, comme si elles la chérissaient.

Saisie par l’amour qu’elle ressentait dans ce simple geste, Elysia retira sa main des cheveux de Kat pour venir épouser la forme de sa joue qu’elle caressa doucement de son pouce.

— Ça va ? souffla-t-elle du bout des lèvres.

Kat l’embrassa une dernière fois avant de se lover contre elle, sa joue contre son ventre. Elle admira ses seins, si bien dessinés et dans la proportion du reste de son corps, avant de lui offrir un regard serein.

— Oui. Je savoure simplement le fait d’être enfin complète.

Elysia sentit aussitôt une boule lui obstruer la gorge face à ses paroles et elle entremêla les doigts de leurs mains avant de les porter à ses lèvres.

— Hier soir, c'était vraiment incroyable, Kat. C’était...

— Enivrant ? Magique ? Merveilleux ? N'importe lequel de ces adjectifs marche pour moi.

Elysia rougit légèrement.

— Oui. Ils marchent pour moi aussi.

Kat prit ses deux mains dans les siennes.

— Tant mieux, parce que pour moi, c’était... nouveau, ce qui est... surprenant. C'était comme si je n'avais jamais fait ce genre de chose avant. C’était magique et magnifique et... définitivement sexy, taquina-t-elle.

Elysia lâcha un rire, la chaleur qui habitait déjà son visage gagnant en intensité. Elle reprit cependant rapidement son sérieux.

— Tout ça, chaque seconde, c’est incroyable pour moi Kat, tu sais.

Kat l’observa sereinement.

— Je sais, répondit-elle en venant embrasser ses doigts. Je crois même qu’une part de moi n’arrive pas encore à y croire vraiment.

— Ça l’est pourtant, répondit Elysia en venant caresser l’un des sourcils de Kat. C’est bel et bien réel.

Leurs regards s’accrochèrent et c’est tout naturellement que les lèvres de Kat vinrent cueillir celles d’Elysia pour de paresseux baisers matinaux, l’émerveillant une fois de plus de leur incroyable douceur.

Elle finit cependant par s’écarter au bout de quelques minutes.

— On ferait mieux d’y aller, murmura-t-elle à contrecœur. Tu ne peux pas te permettre d’être en retard, et j’ai une tonne de boulot qui m’attend.

Kat secoua la tête.

— Non.

— Non ? sourit Elysia, amusée.

Kat attira de nouveau ses lèvres entre les siennes et un soupir s’échappa d’Elysia quand Kat se mit à caresser sa langue, la poussant à quitter de force son étreinte au risque de les mettre réellement en retard. Si ça ne tenait qu’à elle, elles resteraient ici, mais son absence au magazine lui attirerait d’inutiles ennuis.

Elle s’écarta à l’aide de ses bras et passa par-dessus Kat afin de descendre du lit, puis l’embrassa sur le nez quand cette dernière afficha aussitôt un air boudeur.

— Debout mon amour, plus vite la journée commence, plus vite elle se termine.

Elle récupéra ses vêtements éparpillés près de la porte avant de regarder par-dessus son épaule afin de surprendre Kat qui l’observait.

— Et plus vite on se retrouvera, termina-t-elle dans un clin d’œil. 

Elle éclata de rire lorsque Kat sauta aussitôt du lit et vint lui voler un baiser avant de courir s’enfermer dans la salle de bains.

C’était presque trop facile.

💕

Il faisait presque nuit lorsqu’Elysia rentra chez elle et elle regretta presque de n’avoir pas proposé à Kat de la rejoindre à son domicile, plutôt que de devoir préparer un sac d’affaires de rechange et de la retrouver à son appartement.

La simple pensée de passer une nouvelle soirée — et une nouvelle nuit — ensemble lui fit cependant oublier la fatigue qui pesait sur ses épaules et elle déverrouilla sa porte d’entrée dans un sourire.

Avant de s’arrêter sur le pas de la porte, figée.

Debout dans son salon, visiblement interrompu en pleine conversation, se trouvait Mysa en compagnie d’une femme. Femme qui ressemblait étrangement à Elysia... si cette dernière avait eu les cheveux frisés, soulignait ses yeux d'un épais trait d'eyeliner et portait une tenue en cuir.

L’air malfaisant qui flottait dans l’air fit aussitôt comprendre à Elysia de qui il s’agissait.

La Targa qui s’était échappée.

Celle qui tourmentait Kat.

— Qu’est-ce qu’elle fiche ici ? s’exclama-t-elle, elle-même surprise par la haine qui transpirait dans sa voix. Et qu’est-ce que tu fabriques avec elle ? ajouta-t-elle quand Mysa ouvrit la bouche.

— Elle était déjà là quand je suis arrivé, répondit ce dernier, levant les mains en signe d’apaisement.

Elysia haussa les sourcils.

— Oh, vraiment ? répliqua-t-elle, posant son sac à main sur le petit meuble de l’entrée dans un geste brusque. Tu es sûr ? Parce que j’ai du mal à y croire, tu vois. D’abord, tu me pousses littéralement dans les bras de Kat, ensuite, je découvre qu’on m’a volontairement caché des choses, et enfin, je rentre chez moi pour te trouver avec elle, dit-elle en désignant la concernée du doigt. Tu admettras que ça fait beaucoup.

Mysa l’observa avec confusion.

— Caché des choses ?

— Kat a une photo d’une ex chez elle, une certaine Lucy, répondit Elysia avant d’écarter les bras. Je ne sais même pas qui c’est !

Un rire résonna aussitôt dans la pièce et elle tourna la tête pour voir la Targa nonchalamment assise dans son fauteuil.

— Elle ne sait pas qui est Lucy ? s’étonna-t-elle, ricanant de plus belle. C’est la meilleure.

Mysa la fusilla du regard avant de reporter son attention sur Elysia.

— C’est une première, répondit-il, pensif. Peut-être que les souvenirs te reviendront plus tard ?

— Et ça, c’est censé m’aider à te faire confiance ? répliqua aussitôt Elysia, les poings serrés. Je te jure, Mysa —

Mysa tourna la tête en direction de la Targa.

Arrête ça tout de suite, gronda-t-il.

La jeune femme haussa un sourcil, un sourire provocateur sur les lèvres et Elysia comprit lorsqu’elle sentit l’air changer dans la pièce et sa colère s’amenuiser. La Targa avait utilisé la méfiance qu’Elysia ressentait envers Mysa et l’avait démultipliée, la poussant malgré elle à vouloir sauter à la gorge de Mysa.

Ce dernier reprit, plus calmement.

— Il est possible qu’ils aient voulu t’aider dans ta mission. Tu n’es pas censée la connaître, après tout.

Elysia se passa une main sur le visage, un soupir s’échappant de ses lèvres.

— Peut-être, j’en sais rien, répondit-elle en secouant la tête. Bon, et elle, qu’est-ce qu’elle fiche ici ?

La Targa se redressa.

— Elle, c’est Elyana, dit la concernée, quittant son fauteuil avec souplesse afin de s’approcher d’Elysia. Quant à la raison de ma présence ici... voyons, Elysia, il était grand temps qu’on se rencontre enfin, tu ne crois pas ? demanda-t-elle, un sourcil haussé tandis qu’elle enroulait une mèche de cheveux d’Elysia autour de son doigt.

— On s’est déjà rencontrées. Deux fois, rétorqua Elysia en se dégageant.

— Pour autant que tu le saches, acquiesça mystérieusement Elyana, passant derrière elle afin d’arpenter la pièce. Mais c’est vrai, tu as raison. Seulement, je me suis dit qu’il était temps de rendre les choses officielles. Après tout, nous sommes quand même les deux premières Targa et Daï-Natha à se rencontrer en chair et en os... Je ne sais pas toi, mais moi, je trouve ça... inspirant, sourit-elle. Bien sûr, jusqu’à maintenant, je ne me suis occupée que de Kat...

Elle laissa son sourire s’agrandir quand Elysia s’avança dangereusement avant d’être retenue par Mysa, et s’installa sur le canapé, les bras étendus contre le dossier.

— Tu sais, pour quelqu’un dont la mission est de la protéger de moi, tu passes sacrément de temps avec elle. J’en serais presque jalouse.

Elle relâcha un soupir dramatique qui laissa rapidement place à un air malicieux.

— Bien sûr, connaissant Kat, j’aurais probablement autant envie de rester auprès d’elle. Je veux dire, tu as vu ce corps ? Hmm... je me demande ce que ça ferait de la sentir si chaude, si humide, si... étroite sous mes doigts...

Elle vit Elysia lutter de nouveau contre Mysa et elle rejeta la tête en arrière, éclatant de rire.

— C’est trop facile, dit-elle avant de se redresser. Mais passons aux choses sérieuses.

Elle s’approcha d’Elysia et un simple coup d’œil en direction de Mysa suffit pour que ce dernier lui obéisse et raffermisse sa prise autour d’Elysia, privant cette dernière de toute échappatoire.

Elyana promena alors un doigt le long de la joue d’Elysia, et sourit quand cette dernière chercha à se reculer.

— Tu perds ton temps, Elysia, indiqua-t-elle. Tu n’es pas la seule à qui Kat appartient. Et j’ai de grands projets pour elle. Investir toute ton énergie à la rendre heureuse n’y changera... absolument... rien.

Elle leva le menton d’Elysia afin de la forcer à la regarder puis sourit avec amusement.

— Elle finira par être mienne, jusqu’à ce que je m’en lasse.

— Tu ne peux pas vivre sans elle, répliqua aussitôt Elysia, une peur soudaine lui nouant l’estomac. Si elle meurt, nous aussi.

Elysia porta une main à sa poitrine, feignant un air touché.

— Oh, Elysia... Mais c’est justement ce qui fait que nous sommes différentes. Je n’ai pas peur de mourir. Et j’ai hâte de sentir le moment où la vie de Kat s'écoulera entre mes doigts...

Elysia se débattit de nouveau mais Elyana l’ignora, étudiant ses ongles tandis qu’elle poursuivait.

— D’ailleurs, si j’étais toi, je lui rendrais une petite visite. Tu sais, juste pour être sûre, ajouta-t-elle dans un regard amusé.

Elysia sentit le sang quitter son visage et elle observa bêtement Elyana quitter la pièce, avant de se précipiter vers la porte quand Mysa relâcha enfin prise sur elle.

💕

Arrivée à destination, Elysia frappa frénétiquement contre la porte de l’appartement de Kat, soulagée lorsque cette dernière ouvrit après seulement quelques secondes.

L’air surprit de Kat laissa place à la confusion.

— Tu as couru ? demanda-t-elle.

Elysia la poussa légèrement afin de pouvoir entrer à l’intérieur et elle parcourut rapidement l’appartement du regard avant de reporter son attention sur Kat.

— Oui, non, enfin si mais..., ça va ? demanda-t-elle finalement, notant pour la première fois ses traits tirés. Bon sang, Elyana, que lui as-tu fait cette fois-ci ? bouillonna-t-elle intérieurement.

Kat porta la bouteille de bière qu’elle tenait à ses lèvres tout en haussant les épaules.

— Ça pourrait aller mieux, admit-elle en regagnant le salon.

Elysia la suivit aussitôt.

— Kat, comment ça, il s’est passé quelque chose ?

Kat s’installa sur le canapé avant de désigner la table basse du menton et Elysia remarqua qu’une photo en noir et blanc s’y trouvait. Floue, elle montrait deux femmes qui s’embrassaient dans une infirmerie et Elysia ferma les yeux, comprenant aussitôt pourquoi Kat était dans cet état.

— Tu l’as trouvée où ? demanda-t-elle calmement.

— Parmi mon courrier. D’abord, la coupure de journal, et maintenant ça..., dit Kat en se passant une main dans les cheveux. Ils ne mentent pas quand ils disent que ton passé finit toujours par te hanter, hein ? ajouta-t-elle dans un rire dénué d’humour.

Elysia s’assit à côté d’elle.

— Kat, c’est juste une mauvaise blague d’un... dégénéré qui n’a rien de mieux à faire de sa vie, répondit-elle en prenant l’une des mains de Kat dans les siennes. Le laisse pas t’atteindre comme ça.

Kat secoua la tête.

— Non, c’est différent. La coupure de journal, d’accord. Mais ça ? Les personnes qui sont au courant de ça se comptent sur les doigts de la main, quant au cliché, s’il en restait un exemplaire... il n’aurait jamais pu se retrouver dans la nature comme ça. La personne qui fait ça se donne beaucoup trop de mal pour être un simple dégénéré qui n’a rien de mieux à faire de sa vie.

— C’est beaucoup plus simple avec les ressources dont on dispose aujourd’hui, lui répondit Elysia, l’air compatissant.

— Je sais, mais...

Kat s’interrompit, avant de soupirer.

— Ouais, t’as peut-être raison. J’aimerais juste savoir qui est derrière tout ça, et qu’il arrête. La sécurité du magazine n’a rien trouvé ?

Elysia secoua la tête.

— Ils ne sont pas parvenu à retracer l’adresse IP utilisée.

— Ouais, et je doute que la police se montre utile, répondit Kat en secouant la tête.

— Kat, écoute-moi, dit Elysia en se tournant vers elle. La meilleure chose à faire dans ces cas-là, c’est d’ignorer. Je sais que c’est facile à dire, mais tu l’as dit toi-même, c’est le passé tout ça. Il n’est peut-être pas tout rose, mais il est derrière toi désormais. Ne laisse pas cette personne arriver à ses fins. Tu es heureuse aujourd’hui, c’est ce qui importe, non ?

Kat l’observa un instant avant de hocher la tête. Elysia avait raison. Elle était heureuse. Et la raison de son bonheur se trouvait juste à côté d’elle. Alors pourquoi ressasser le passé ?

Elle posa brièvement ses lèvres sur celles d’Elysia.

— Tu as raison. Je suis désolée.

— Non, dit Elysia en secouant la tête, posant sa tête contre l’épaule de Kat. Je réagirai sûrement de la même façon si mes vieux démons réapparaissaient sans prévenir.

Kat émit un « hmm » tout en s’emparant du cliché. Elle le détailla longuement du regard avant de lever les yeux vers Elysia.

— Tu ne dois pas y comprendre grand-chose, hein ? Pour toi, ce sont juste deux femmes qui s’embrassent.

— Dans un cadre militaire, si j’en crois leurs tenues, fit remarquer Elysia. Je pense pouvoir additionner deux et deux et me faire une petite idée de ce qui a pu se produire.

— Peu importe ce que tu t’imagines, crois-moi, c’est certainement pire que ça, ironisa Kat, les yeux rivés sur la photo. Tu penses qu’on s’est fait surprendre, et que je me suis fait renvoyer ? devina-t-elle.

Elysia haussa les épaules.

— Quelque chose comme ça, acquiesça-t-elle, même si, au fond, elle connaissait déjà la vérité.

Les paroles de Mysa lui revinrent alors en mémoire — Il est possible qu’ils aient voulu t’aider dans ta mission. Tu n’es pas censée la connaître, après tout — et elle dut reconnaître qu’une part d’elle aurait aimé ne pas être déjà au courant. Elle n’aurait pas eu à mentir à Kat comme ça. Mais cela aurait aussi voulu dire découvrir pour la première fois ce que Kat avait dû subir à cette époque, et elle n’était pas sûre qu’elle aurait pu le supporter. Même en le sachant déjà, une boule d'appréhension lui nouait l'estomac.

— Tu t’es enrôlée dans l’armée juste après le lycée, c’est ça ? demanda-t-elle, ses pouces allant et venant sur la main de Kat. Tu parais assez jeune sur les photos...

— C’est ça, acquiesça Kat. Je n’ai jamais vraiment su ce que je voulais faire de ma vie et l’armée m’a toujours plus ou moins attirée, alors je me suis présentée. Lors du recrutement, l’un des agents m’a promis que les frais engendrés par mes études postsecondaires seraient couverts et que j’aurais l’occasion de voyager partout dans le monde. Moi qui n’avais jamais quitté ma ville natale, j’étais plus qu’intéressée. Alors j’ai passé les examens physiques et médicaux, ainsi que les tests d’aptitude. Un mois plus tard, j’ai rencontré le conseiller en orientation des services du programme d’entrée dans l’armée, et lui ai clairement fait comprendre que je ne voulais pas prendre part aux combats. Il m’a donc proposé un contrat de cinq ans en tant que mécanicienne, et je me suis enrôlée.

— Ton père a dû être fier, sourit doucement Elysia.

Kat hocha la tête, un sourire nostalgique sur les lèvres.

— Il était euphorique, répondit-elle. Même si je pense que c’était surtout le fait que je n’aille pas sur le terrain qui l’ait rassuré. Quoi qu’il en soit, mon contrat stipulait que je ne pouvais pas le rompre, que seule l’armée le pouvait et que je devais renoncer au statut « d’objecteur de conscience ». Je ne savais pas ce que cela signifiait, et lorsque j’ai posé la question, on m’a tout bonnement répondu que c’était pas important et que je devais simplement remplir les formulaires. À partir de là, tout s’est plus ou moins bien déroulé.

« Puis, en Octobre 2003, j’ai été envoyée à Fort Campbell, au Kentucky, où j’étais la seule mécanicienne du service d’entretien mécanique. À moins d’un an de la fin de mon contrat, les choses ont commencé à dégénérer. Retourner les propositions des hommes n’aide pas dans ce milieu, et en quatre ans, je n’en avais fréquenté aucun, ce qui n’a pas tourné en ma faveur. Ta réputation peut vite prendre des proportions énormes si tu ne fais pas attention.

Son regard prit un air lointain et Elysia accentua la pression sur sa main, appréhendant la suite même si elle la connaissait déjà.

Kat prit une profonde inspiration avant de continuer.

— Bien vite, les autres soldats ont commencé à me harceler, à m’insulter, à essayer de m’intimider. Je n’y prêtais pas attention, non pas parce que ça ne me touchait pas, mais parce qu’une part de moi n’arrivait pas à s’imaginer qu’ils puissent réellement passer à l’acte.

— Mais ils l’ont fait, murmura faiblement Elysia, le ventre noué.

Kat soupira avant de hocher la tête.

— La situation a basculé quand on m’a surprise en compagnie de l’infirmière en chef dans une position qui ne laissait aucun doute quant à la nature de notre relation. La nouvelle a rapidement fait le tour, mes supérieurs m’ont convoquée, m’informant que j’étais soumise à une investigation. J’ai voulu nier mais…

Elle désigna le cliché, un sourire dénué d’humour sur les lèvres.

— Ils avaient des photos, tout un tas de clichés retraçant nos rendez-vous secrets. Alors, ils ont lancé la procédure, et l’homosexualité étant interdite, je savais très bien quelle en serait l’issue. L’armée a réuni une cour martiale et en attendant leur décision finale, mes supérieurs ont commencé à me traiter durement et à me confier toute sorte de tâches. J’ai reçu des menaces d’agressions, de mort… et...

Sa poitrine se souleva soudainement et elle lâcha dans un souffle :

— Disons que j’ai été pas mal amochée. Puis j’ai été renvoyée.

Le silence retomba et Elysia posa leurs mains liées sur ses cuisses, serrant affectueusement les doigts entre les siens. Renvoyée. Pour avoir eu une relation avec une femme. Relation pour laquelle l’armée tout entière s’était retournée contre elle. Et Kat n’avait rien pu faire, tout ça parce qu’à son entrée dans l’armée, elle avait renoncé au statut « d’objecteur de conscience ». En signant un bout de papier, Kat avait, sans le savoir, accepté de ne pas accomplir certains actes allant à l'encontre d'impératifs établis par l’armée. Fréquenter une femme faisait partie de l’un d’entre eux. Elle avait donc désobéi aux lois, et pouvait de ce fait être légalement renvoyée.

Elysia ne sut dire ce qui, dans tout ça, la mettait le plus hors d’elle.

Elle porta la main de Kat à ses lèvres avant de murmurer.

— Je suis désolée que tu aies dû traverser tout ça.

— Moi aussi.

— Tawny et Lyna, ils savent...

Elle sentit Kat hocher la tête.

— Mathilde aussi, mon père est le seul à n’avoir rien su.

Elysia fronça les sourcils.

— Pourquoi ça ?

— Parce que..., commença Kat en se passant une main sur le visage, avant de soupirer. Mon père ne savait pas que je préférais les femmes. Je n’ai jamais pu lui dire. Ma mère est morte quand j'étais petite, je me souviens à peine d'elle, mais je savais qu’il espérait que je trouve quelqu'un comme ils se sont trouvés l’un l’autre. Il en parlait tout le temps ; à quel point il l'aimait, et combien il ne changerait rien, même s’il avait une seconde chance, et ce malgré le chagrin quotidien de l’avoir perdue. Il m'a toujours dit combien il espérait me voir vivre ça, rencontrer l’homme qui me compléterait, comme elle l’avait fait pour lui.

Kat s’interrompit avant de tourner la tête vers Elysia et lui offrir un regard empli de détresse.

— Je ne pouvais pas lui dire que sa propre fille, celle en qui il avait tant d’espoir, avait été renvoyée de l’armée pour comportement homosexuel, violée... et enceinte.

💕

Le dernier mot fut murmuré dans un souffle douloureux et Elysia se redressa aussitôt afin de la prendre dans ses bras, la serrant fort contre elle.

— Oh Kat, je suis désolée, dit-elle sa joue contre la tempe de Kat. Je suis tellement désolée.

Kat se détacha afin de la regarder dans les yeux. Elle secoua la tête.

— C’est pas de ta faute. Et puis, comme tu l’as dit, ça appartient au passé. Mieux vaut le laisser là où il est.

Elle eut à peine terminé sa phrase que les yeux d’Elysia s’embuèrent et elle sentit son cœur se serrer.

— Ely, non... ça sert à rien de pleurer pour ça, dit-elle en chassant les larmes qui s’échappaient de ses doigts. 

Elysia secoua la tête avant de finalement lever vers elle un regard humide.

— C’est pas ça, je suis juste... énervée.

- Enervée ? s’étonna Kat.

Elysia s’essuya les yeux d’un revers de manche avant de l’observer.

— Oui. Juste... Ça n’aurait jamais dû arriver Kat, lui expliqua-t-elle d’un ton infiniment triste. Et je suis juste... tellement en colère que ce soit arrivé. Mais surtout, surtout...

Elle s’empara de la main de Kat pour la poser sur son cœur et cette dernière vit ses yeux s’embuer à nouveau.

— J’ai mal à l’intérieur parce que je n’ai pas pu l’empêcher.

Ses paroles bousculèrent Kat plus qu’elle ne l’aurait cru possible et elle se retrouva à son tour à lutter contre les larmes.

— Elysia, tu ne l’aurais pas pu même si tu l’avais voulu, répondit-elle en encadrant son visage de ses mains, essuyant ses joues. Mais ça importe peu, parce que ce qui compte, c’est qu’aujourd’hui, je vais bien. Que je suis bien. Grâce à toi.

Elysia hocha la tête avant de venir l’embrasser chastement, et lorsque Kat referma ses bras autour d’elle, et que ses yeux se fermaient d’eux-mêmes, elle se fit une promesse.

Qu’elle ne laisserait jamais plus personne lui faire de mal.

22 juillet 2015

Chapitre 10

De légers coups contre la porte de son bureau lui firent perdre sa concentration sur son écran d’ordinateur et Elysia leva les yeux pour voir Josh passer la tête dans son bureau.

— Ton rendez-vous de 17h est là, l’informa-t-il avant de s’écarter et d’inviter Chloé à entrer.

Cette dernière le remercia d’un signe de la tête puis parcourut rapidement la pièce du regard avant de s’arrêter sur Elysia, debout de l’autre côté de son bureau et qui lui tendait une main.

Chloé s’en empara aussitôt.

— Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me recevoir, dit-elle. Je crois bien que je ne vous en remercierai jamais assez.

— C’est rien, répondit Elysia tout en lui faisant signe de s’assoir avant de s’installer à son tour.

Leur entretien étant professionnel, elle ne fut pas surprise de voir que Chloé avait revêtu un tailleur jupe. Mais la tenue lui conférait un air tellement plus sérieux, plus sûr d’elle, qu’Elysia dut s’y reprendre à deux fois afin de s’assurer qu’il s’agissait bien de la même personne qui était venue chez elle une semaine plus tôt. La jeune étudiante de vingt-cinq ans semblait avoir laissé place à la professionnelle, et Elysia en fut agréablement surprise.

— Je pense d’ailleurs avoir trouvé une solution qui pourrait toutes les deux nous satisfaire, poursuivit-elle.

— Ah ? répondit Chloé, le visage plein d’espoir.

Elysia hocha la tête tandis qu’elle réunissait quelques papiers devant elle. Elle croisa finalement les mains sur son bureau.

— Comme vous le savez certainement, tout journaliste qui reçoit sa première carte de Presse est considéré comme journaliste stagiaire pendant deux ans. Une fois cette période terminée, la carte de Presse de journaliste titulaire est attribuée, et donne droit à l'intégralité des avantages de la carte. Vous êtes étudiante à l’Université de Central Florida, votre période de stage est donc ramenée à un an. Ce que je vous propose, c’est de commencer cette période en suivant l’un de nos journalistes stagiaires. Vous participeriez ainsi à la rédaction d'articles, de reportages, aux enquêtes...

Elysia s’interrompit lorsqu’elle vit que Chloé l’observait avec des yeux ronds. Elle se racla légèrement la gorge.

— Il y a un problème ?

Chloé cligna des yeux.

— Euh, non, non. C’est... vous voulez faire de moi l’assistante d’un journaliste stagiaire ?

— Plutôt une stagiaire d’un journaliste stagiaire, corrigea Elysia. Vous en êtes à votre première année de Master. Travailler en tant que stagiaire chez nous en parallèle de vos études vous permettra d’acquérir de l’expérience mais surtout, d’avoir déjà un pied dans le métier une fois votre diplôme décroché...

Elle s’interrompit quand le jeune femme ne réagit pas.

— Chloé, il y a un problème ? réitéra-t-elle.

Cette dernière secoua lentement la tête.

— Non... je pensais juste, quand vous aviez parlé d’accepter de m’aider... je pensais que je finirais par faire des photocopies, ou, vous savez, un truc comme ça. Je ne m’attendais certainement pas un poste comme celui-là !

Elysia haussa les sourcils.

— Vous possédez une licence en journalisme, bientôt une maîtrise. Vous êtes bien trop qualifiée pour faire de simples photocopies. De plus, chacun d’entre nous possède des assistants pour ça, finit-elle dans un clin d’œil.

Chloé se lassa retomber contre le dossier du fauteuil, encore sous le choc.

Elysia pencha la tête sur le côté.

— Alors, qu’en dites-vous ?

Chloé se passa une main sur le visage, avant de lâcher un rire incrédule.

— J’en dis... eh bien, je signe où ? Et je commence quand ? Parce que je peux être là demain dès 8h, vous savez.

Son enthousiasme poussa Elysia à lâcher un rire.

— Pour les papiers, Josh va s’occuper de vous. Quant à savoir quand vous commencez, je vous laisserai voir ça avec nos journalistes stagiaires — vous travaillerez en alternance avec deux d’entre eux — ils s’adapteront en fonction de votre temps libre. Des questions ?

— Euh... non, mais vous pouvez être sûre qu’une fois redescendue sur terre, je devrais en avoir à la pelle.

 — Vous avez mes coordonnées, sourit Elysia, amusée par sa réaction. Josh vous transmettra celles de nos journalistes, ils vous contacteront afin d’établir un rendez-vous pour mettre tout ça en place.

Elysia se préparait à conclure leur entretien lorsque Kim passa la tête dans son bureau.

— Tu voulais me voir ? demanda la jeune femme avant de remarquer Chloé. Oh, tu es en rendez-vous ? Je repasserai.

— Non, non, c’est bon, la rassura Elysia d’un signe de la main. On vient justement de terminer. Kim, je te présente Chloé, elle va apprendre le métier auprès de nos journalistes stagiaires. Chloé, voici Kimberley, notre designer graphiste.

— Enchantée, dit Kim, entrant dans la pièce afin de lui tendre une main.

— De même, répondit Chloé tout en prenant sa main dans la sienne, et Elysia fut surprise de la voir rougir.

Et de les voir s’observer de la tête aux pieds comme cela.

Hmm bizarre.

Elysia reprit lorsque Kim reporta son attention sur elle.

— Tu veux bien aller chercher Josh le temps que je boucle les choses ici ?

Kim hocha la tête avant de quitter la pièce et Elysia reporta son attention sur Chloé.

— Comme je te le disais, Josh va s’occuper de toi pour les contrats. Tu as bien sûr le droit de les emporter chez toi et de les lire au calme avant d’envisager signer. Et si jamais tu avais des questions, n’hésite pas à nous contacter.

— Justement..., commença Chloé, se penchant légèrement vers l’avant. Après avoir vu, hum, Kimberley ? Je me demandais, ça consiste en quoi, vos exigences vestimentaires ? Je me sens un peu... trop habillée tout à coup, rougit-elle.

Elysia retint difficilement un rire. Le look gothique, les cheveux roses, et les piercings de Kim surprenaient toujours.

— On n’a pas vraiment de réglementation à ce sujet. On n’est pas au contact du public, ici, et on bouge beaucoup, alors j’admets qu’on a tendance à privilégier les tenues décontractées. Tu travailleras cependant souvent à l’extérieur, alors il est possible que des tenues professionnelles soient de rigueur.

— D’accord, acquiesça Chloé, visiblement soulagée. Merci beaucoup en tout cas, pour... tout ça. C’est vraiment plus que ce que j’espérais.

Elysia fronça légèrement la tête sur le côté, les sourcils froncés.

— Chloé, à quoi t’attendais-tu, au juste ? Si je peux me permettre le tutoiement, bien sûr, se pressa-t-elle d’ajouter.

— Pas de problème, répondit aussitôt Chloé, avant de se gratter la nuque. Pour être honnête, tu aurais été quelqu’un de différent, je me serais attendue à une offre de stage, un peu comme tu l’as fait. Mais, étant donné ta relation avec Kat, et le passé qu’elle et moi partageons...

— Ah.

Elysia hocha la tête, soudainement compréhensive. Elle se passa une main sur le front.

— Je vois, dit-elle, avant de prendre une profonde inspiration. Ça fait partie de mon travail de faire la part des choses entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle. Cela étant dit, ajouta-t-elle lorsque Chloé ouvrit la bouche, je peux comprendre tes craintes, on se laisse parfois submerger par ses émotions, dit-elle dans un sourire serré. Je te rassure, ça n’arrivera pas ici.

Chloé hocha la tête, légèrement embarrassée.

— Désolée, c’est juste que, quand tu nous as vues ensemble ce jour-là, puis quand on est venues chez toi, tu avais l’air...

— Je sais, soupira Elysia en se passant une main sur le visage. J’ai réagi de manière excessive, et je m’en excuse. Je sais désormais ce qu’il en est, Chloé. Et je ne t’en tiens pas rigueur. Au contraire, je devrais même te remercier. Tu n’as rien fait de plus qu’être là pour Kat. C’est important pour moi.

— Et maintenant, c’est toi qui es là pour elle, répondit Chloé, avant d’ajouter sincèrement. Et ça, c’est important pour moi.

Elysia afficha un sourire avant de tendre une main que Chloé serra aussitôt.

— Bienvenue parmi nous, Chloé. Je suis sûre que je ne le regretterais pas.

💕

— Kat, tu m’emmènes où là ? demanda Elysia lorsque Kat manqua la deuxième sortie qui aurait dû les conduire chez elle.

Elle tourna la tête lorsqu’aucune réponse ne vint et haussa un sourcil face au mystérieux sourire qui habitait les lèvres de Kat.

— D’accord... tu sais que je vais finir par croire que tu as un truc pour les enlèvements à force, hein ?

Kat lâcha un rire tandis qu’elle enclenchait son clignotant afin de quitter le périph et de regagner une partie plus éloignée de la ville. 

— C’est une surprise, répondit-elle. Promis, tu n’auras pas à appeler le 911.

Pour toute réponse, Elysia se contenta de s’emparer de l’une des mains de Kat et d’entrelacer leurs doigts. Elle dut cependant la relâcher lorsque le portable de Kat sonna quelques minutes plus tard, signalant qu’elle avait reçu un message.

Kat tendit le bras afin de récupérer le téléphone qui reposait sur le tableau de bord, et le positionna contre le volant, de manière à pouvoir continuer de regarder la route. Elle jeta un rapide coup d’œil au sms, et Elysia fut surprise de la voir rougir.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.

Kat lui jeta un rapide coup d’œil.

— Euh... rien.

— Rien ? s’étonna Elysia. Tu reçois un sms qui te fait rougir, et c’est rien ?

— C’est Chloé, répondit Kat, avant de rouler des yeux lorsqu’Elysia se figea. C’est pas ce que tu crois, assura-t-elle. Tiens, regarde.

Elysia s’empara du téléphone avec appréhension, puis jeta un œil au sms. Elle haussa aussitôt les sourcils.

— « Sache que ta petite femme mérite que tu lui fasses vraiment plaisir ce soir, elle va faire de moi une journaliste stagiaire avant l’heure !!!!! xx », lut-elle à voix haute, hésitant entre l’envie de rire et de se cacher. Eh bien, visiblement, elle est... très... contente. 

— Non, tu crois ? ironisa Kat, avant d’ajouter, plus sérieusement. Tu réalises un de ses rêves, tu sais ? Tu as vraiment assuré sur ce coup-là.

Elysia haussa les épaules, une légère coloration recouvrant ses joues.

— Chloé a fait le plus gros. C’est elle qui a les qualifications requises, répondit-elle avant de désigner le téléphone. J’aurais cela dit préférer qu’elle laisse ma vie sexuelle en dehors de ça.

— Ouais, Chloé n’est pas vraiment du genre à avoir sa langue dans sa poche, grimaça Kat. Toujours pas de regrets de l’avoir embauchée ?

Elysia secoua la tête, et Kat enclencha son clignotant afin de venir garer la voiture sur un parking désert.

— Et voilà, dit-elle en coupant le moteur.

Elysia observa le paysage qui s’offrait à elles à travers le pare-brise, la grille imposante, et les montagnes de carcasses de véhicules entassées. Elle fronça les sourcils.

— Euh, Kat... qu’est-ce qu’on fabrique dans une décharge ?

— Je te l’ai dit, c’est une surprise, répliqua Kat, défaisant sa ceinture avant de descendre du véhicule.

Elysia la suivit, confuse, et Kat ouvrit l’imposante grille qui gardait l’endroit avant de la mener au milieu de carcasses de voitures, de motos et autres camionnettes. Avec les heures sup’ qu’Elysia faisait, le soleil disparaissait déjà à l’horizon, et elles durent faire attention où elles mettaient les pieds.

— Et voilà.

La voix de Kat poussa Elysia à lever la tête et elle sourit aussitôt. Un espace assez important avait été créé au milieu des débris, et au centre, reposait une vieille camionnette Chevrolet Apache. Campée sur une dépanneuse, elle était positionnée de manière à ce que l’avant de la voiture pointe directement vers le ciel, et une petite échelle permettait de venir prendre place derrière le volant.

— Viens, reprit Kat en tirant légèrement sur sa main.

Une fois arrivée devant le véhicule, Kat l’aida à monter avant de prendre à son tour place derrière le volant.

— Confortable ? demanda Kat tandis qu’elle refermait la portière.

Elysia hocha la tête. Pour un véhicule condamné à passer sa vie dans une décharge, l’intérieur était plutôt en bon état. Une fine couche de poussière recouvrait le tableau de bord, et le cuir du fauteuil était légèrement déchiré par endroits, mais Elysia trouvait l’endroit étrangement confortable. Comme lorsque vous mettez les pieds dans une maison sentant le vécu. 

— Mon père a rapidement tissé des liens avec les décharges du coin quand il a lancé son garage, expliqua Kat, le regard perdu vers l’horizon. Une de ses passions était de retaper de vieilles voitures, et c’est ici qu’il trouvait ses perles rares. Les gens ne savent pas toujours ce qu’une vieille Chevrolet, une Jaguar ou même une Fiat peuvent valoir une fois retapées. Même s’il ne reste rien de plus que la carrosserie, un bon mécano peut faire des miracles.

Elle désigna l’habitacle de la voiture avant de continuer.

— Je venais ici avec ma sœur quand il faisait ses recherches ou examinait ce que le propriétaire de la décharge avait dégotté. On imaginait toujours que le moteur marchait, et qu’on allait s’envoler vers le ciel.

Elle rougit légèrement.

— J’avais une imagination débordante à l’époque, sourit-elle, embarrassée.

— Comme beaucoup d’enfants, répondit Elysia en l’embrassant sur la joue. C’est ce que tu fais aujourd’hui ? Restaurer de vieilles voitures ? Tu travaillais sur une Chevrolet l’autre jour dans ton garage, quand je suis tombée en panne.

Kat hocha la tête.

— C’est mon plan retraite, dit-elle, avant d’expliquer lorsqu’Elysia l’observa avec confusion. J’ai trente ans, et c’est mon premier boulot stable, avec un plan de retraite. Crois-moi, tu n’as pas envie d’entendre à quel âge je pourrais enfin bénéficier d’une retraite de base à taux plein. J’ai perdu du temps avec l’armée, puis, hum, avec la prison. Alors si je veux vraiment pouvoir bénéficier d’une retraite, et qu’elle soit un minimum confortable...

— Tu retapes d’anciennes voitures, et les vends au plus offrant, conclut Elysia. Compris. C’est plutôt malin, comme système.

— Si tu t’y connais en mécanique, et que ton père avait un bon réseau, acquiesça Kat, avant de prendre une inspiration. C’est comme ça que je compte aider Chloé.

Elysia haussa les sourcils.

— Woah. Attends, je ne comprends pas. Elle a de si gros problèmes d’argent ?

— Les études sont onéreuses, tu le sais, répondit Kat. Mais... oui. Disons qu’elle s’est malgré elle retrouvée avec de grosses dettes à rembourser. Un membre de sa famille aimait un peu trop jouer en ligne et miser de l’argent, expliqua-t-elle lorsqu’Elysia fronça les sourcils.

Elysia hocha lentement la tête.

— Alors elle s’est tournée vers la prostitution de luxe, et les sommes astronomiques qu’elle pouvait toucher en peu de temps.

Elle se passa une main sur le visage.

— Bon sang, c’est terrible, murmura-t-elle avant de reporter son attention sur Kat. C’est pour ça que tu... as eu recours à ses services ? Pour l’aider ?

Kat remua légèrement, mal à l’aise.

— Pas au début. Pas vraiment sur la fin non plus, cela dit. Je voulais l’aider, et je le faisais en la contactant, mais elle m’aidait aussi. Elle... comment dire, elle chassait mes mauvais rêves ? J’étais plutôt mal à l’époque, et en ayant recours à ses services...

— J’ai compris, la coupa Elysia, secouant la tête pour chasser les images qui l’assaillaient.

Rien de mieux que tout un tas d’orgasmes pour se détendre et bénéficier d’un sommeil sans rêves.

Elle reprit, une fois calmée.

— Qu’est-ce qui faisait que tu dormais si mal ? Ta condamnation ?

Kat haussa les épaules.

— C’était un tout, je pense. L’armée, la prison... je pense aussi que je redoutais l’avenir. Chuter encore...

Elysia saisit l’une de ses mains quand Kat frissonna. Elle ne le savait pas, mais la seule raison pour laquelle ces dernières semaines lui avaient été si difficiles à vivre, c’était parce qu’une Targa s’était échappée. Kat avait alors subi, sans le savoir, son influence négative, malfaisante. Malsaine.

Elysia n’osa même pas imaginer quel genre de rêves Kat avait subis en conséquence.

Elle soupira intérieurement. Comment pouvait-elle en vouloir à Kat d’avoir cherché du réconfort dans les bras de Chloé ? Elle avait lutté comme elle avait pu.

Elle exerça une légère pression sur les doigts de Kat.

— Je trouve personnellement que tu t’en es plutôt bien sortie, sourit-elle doucement.

Kat porta la main d’Elysia à ses lèvres afin d’embrasser ses doigts, les yeux rivés sur son visage. Elle acquiesça imperceptiblement.

— Bon, assez parler de moi. Regarde devant toi, je me suis dit que le spectacle te plairait.

Elysia tourna la tête et remarqua que le soleil s’était enfin couché, dévoilant un ciel étoilé pur et sans nuages.

Elle sourit.

— C’est magnifique.

— Hmm, acquiesça Kat, se rapprochant de manière à passer un bras autour des épaules d’Elysia.

Cette dernière posa aussitôt sa tête contre sa poitrine.

— Tu sais, si je ne te connaissais pas, je penserais que tu cherches à me séduire, taquina-t-elle.

Les épaules de Kat s’affaissèrent.

— Merde, et moi qui pensais que c’était déjà fait.

Elysia lâcha un rire, tournant la tête afin de d’embrasser Kat juste au coin des lèvres. Dans l’obscurité de la nuit, ses yeux noisette paraissaient presque gris, et elle passa un temps à les observer.

Sentant son regard sur elle, Kat tourna la tête dans sa direction.

— Tu es en train de tout rater, la taquina-t-elle.

— Non, j’ai trouvé mieux à observer, répondit Elysia, levant une main afin de redessiner les sourcils de Kat. Tu sais que tes yeux paraissent gris métallique sous les rayons de la lune ? Je les trouve magnifiques.

Kat haussa un sourcil, et leva à son tour une main afin de caresser la joue d’Elysia avec lenteur, comme si elle craignait qu’un mouvement brusque ne mette fin à l'instant qu’elles partageaient. Les yeux d’Elysia se fermèrent d’eux-mêmes face au contact, et sa respiration s’accéléra lorsqu’elle sentit Kat s’approcher.

Ses lèvres planèrent au-dessus des siennes, puis les doigts de Kat vinrent toucher la surface douce située juste au-dessus de sa poitrine et Elysia fut certaine qu’elle pouvait sentir les battements rapides de son cœur. Kat remonta vers sa clavicule et traça une ligne jusqu’à la base de sa nuque, sa main s’immisçant dans ses cheveux.

Leurs respirations se mêlèrent et Kat posa enfin ses lèvres contre les siennes, poussant Elysia à soupirer d’aise. Sa main imita celle de Kat, venant reposer contre les cheveux de sa nuque, et leurs lèvres se séparèrent lentement, ne laissant place qu’à un contact presque imperceptible avant que leurs bouches ne s’ouvrent d’un commun accord. Lorsque la langue de Kat vint toucher sa lèvre inférieure, Elysia réagit aussitôt face au contact doux et chaud, enroulant ses bras autour du cou de Kat et l’attirant contre elle. Elle sourit quand Kat glissa sa main sous sa veste afin de la poser sur sa hanche. Leurs corps étaient désormais collés l’un contre l’autre, enveloppés dans une étreinte imperméable, comme si Kat ne voulait pas perdre un millimètre de contact. Elysia recula légèrement une main afin de tenir le visage de Kat fermement entre ses doigts et elle écarta ses lèvres plus encore afin d’approfondir le baiser, permettant à leurs langues de lutter pour la domination dans une passion croissante.

Le temps sembla s’être suspendu et leur baiser s’éternisa un long moment. Comme si aucune d’elles ne semblait vouloir se rassasier de cette union de leurs lèvres, ni de leurs corps si proches. Il se termina pourtant finalement aussi lentement qu’il avait commencé, leurs lèvres tout simplement pressées les unes contre les autres pendant une période prolongée.

Elysia enfouit finalement son visage dans le creux du cou de Kat et elle respira la douce odeur qu’elle connaissait à présent par cœur. En silence, elle glissa ses bras autour d’une taille finement musclée et sourit lorsque Kat fit la même chose.

— Ça va ?

Elysia sentit la vibration des mots contre sa tête et elle hocha doucement la tête.

Elle ne s’était jamais sentie aussi bien.

 Ce qui expliqua sûrement pourquoi elle prononça les paroles suivantes :

— Kat, conduis-nous chez toi, dit-elle d’une voix enfiévrée.

Kat se recula légèrement de manière à croiser son regard, et lorsqu’elle vit ses pupilles dilatées, ses lèvres gonflées, et ses cheveux légèrement en bataille, elle sentit sa respiration s’accélérer.

Puis hocha la tête.

💕

Une fois arrivée à l’appartement, Kat referma la porte de son pied avant de conduire Elysia le long du petit couloir qui menait vers sa chambre. Enveloppée dans son étreinte, Elysia sentit Kat replacer une mèche de cheveux derrière son oreille et lorsque ses lèvres redescendirent dans son cou, Elysia ne put empêcher ses yeux de se fermer d’eux-mêmes.

— Je dois avoir toute une série de bougies qui traînent quelque part... qu’est-ce que tu en dis ? proposa Kat.

Elysia sourit.

— Très romantique, acquiesça-t-elle avant de tourner la tête et de lui voler un furtif baiser.

Arrivée à destination, Kat tendit une main afin d’enclencher l’interrupteur, et Elysia réalisa qu’elle allait pénétrer dans son antre pour la toute première fois. Un sentiment d’excitation s’empara d’elle, et elle se détacha délicatement de l’étreinte de Kat afin d’arpenter la pièce.

Comme toute chambre, cette dernière n’était pas particulièrement meublée. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne choquait pas. Ça renforçait même le côté apaisant qui ressortait, accentué par les murs vert sombre et les tons marron et beige du mobilier présent.

Quelques photographies judicieusement placées dans sa bibliothèque attirèrent son regard et Elysia s’en approcha. Elle reconnut aussitôt Kat, tantôt avec un homme plus âgé — son père —, tantôt avec Lyna et Tawny, tantôt avec sa sœur. La ressemblance avec cette dernière était d’ailleurs très trompeuse, et Elysia savait qui était qui uniquement grâce à ses talents de Daï-Natha.

Un autre cliché, plus en retrait, comme si on avait volontairement voulu le masquer, attira son attention et elle fronça les sourcils. La jeune femme qui se trouvait en compagnie de Kat lui était totalement inconnue, ce qu’Elysia eut du mal à comprendre, étant donné qu’elle avait suivi Kat depuis son premier jour sur terre. À vu d’œil, la photo avait été prise il y avait entre cinq et dix ans, bien que Kat ne semblait pas avoir plus de vingt-cinq ans. Mais elle eut beau se concentrer, Elysia n’arriva pas à mettre un nom sur ce visage aux yeux aussi bleus que le ciel d’été et au visage encadré de boucles brunes.

Elle sursauta lorsque deux bras s’enroulèrent autour de sa taille.

— Excuse-moi, murmura Kat tout en l’embrassant dans le cou, lui provoquant des frissons très agréables. Je pensais que tu m’avais entendu approcher.

— Non, je regardais tes photos.

— Je vois ça, rien d’intéressant ?

Elysia se tourna légèrement de manière à pouvoir l’embrasser sur la joue.

— Justement si, je me demandais qui était la jeune femme sur ce cliché ? dit-elle en pointant celle qu’elle observait du doigt.

Le corps de Kat se tendit légèrement et lorsqu’Elysia tourna la tête pour étudier son visage, Kat se détacha d’elle et commença à installer les bougies. Sa réaction surprit Elysia, mais elle fut surtout appréhensive, au point de sérieusement se demander qui était cette femme et quelle était son histoire avec Kat pour que cette dernière agisse ainsi.

— Elle s’appelle Lucy, répondit finalement Kat tandis qu’elle allumait mèches après mèches.

Elysia attendit quelques instants avant de comprendre que Kat n’en dirait pas plus. Elle se mordit la lèvre, indécise. Kat ne semblait visiblement pas très encline à s’étendre sur le sujet, mais Elysia avait envie de connaître le fin mot de l’histoire, ne serait-ce que pour savoir pourquoi Kat réagissait ainsi.

Son regard se porta de nouveau sur la photo. La jeune femme — Lucy — était assise sur le capot de la première Ford Mustang de Kat, qui l’enlaçait par-derrière. Le menton de Kat reposait sur l’épaule de Lucy et à les voir comme ça, si complices, si pétillantes, Elysia se dit qu’elles étaient bien trop proches pour n’être que de simples amies.

— C’est une ex, c’est ça ? demanda-t-elle, une sensation désagréable au creux de l’estomac.

Kat déposa trois bougies sur la table de chevet et lui jeta un rapide coup d’œil avant de simplement hocher la tête. La gêne qu’Elysia ressentit au creux de son ventre sembla s’accentuer et elle fit de son mieux pour que le sentiment qui l’habite passe inaperçu.

— Elle est où, maintenant ?

Kat alluma les bougies avant de s’assoir sur le lit, si bien qu’Elysia ne voyait que son profil. Elle haussa les épaules, la tête baissée.

— Disparue.

Disparue ? Elysia ne fut pas sûre de bien comprendre ce qu’elle entendait par là, mais sentant que le sujet ne l’enchantait pas, elle décida d’en rester là pour le moment. Elle comptait surtout sur Mysa pour lui expliquer comment cela se faisait-il qu’elle ne se souvienne absolument pas de ce passage de la vie de Kat.

En attendant, en tout cas, un changement de sujet était de rigueur.

Elle s’empara d’un autre cliché, sur lequel Kat avait tout juste dix-neuf ans, et se tenait debout vêtue de l’universel treillis militaire.

— J’aime beaucoup celle-ci, en tout cas, sourit-elle doucement tout en caressant l’image. Je n’aurais jamais pensé que les cheveux courts t’iraient aussi bien.

— Je dois aller chercher la paire de ciseaux ? taquina Kat en s’approchant à nouveau d’elle.

Elysia écarquilla aussitôt les yeux.

— Tu es folle ! Jamais de la vie, j’adore tes cheveux.

Pour prouver ce qu’elle avançait, elle glissa ses doigts dans le désordre des mèches de Kat et l’attira à elle afin de lui voler un baiser qui les laissa à bout de souffle.

Kat avait de longs cheveux châtains striés de reflets et légèrement ondulés qu’elle laissait toujours relâchés, lui conférant un air... indomptable. Elysia était quasiment sûre que son surnom « sexy » venait de là.

— Ne les coupe jamais, insista-t-elle, légèrement essoufflée.

Kat hocha la tête, la respiration saccadée.

— O.K., acquiesça-t-elle, avant de fermer les yeux lorsqu’une main se glissa sous son t-shirt, et caressa la peau de son ventre.

— Tu as fini d’installer les bougies ? murmura Elysia, frottant les lèvres contre la clavicule de Kat.

Pour toute réponse, Kat la souleva du sol et afficha un sourire lorsqu’Elysia lâcha aussitôt un cri, puis la déposa gentiment sur le lit. Elle s’absenta une demi-seconde afin d’éteindre la lumière, puis revint s’allonger à ses côtés.

Les flammes dansantes des bougies projetaient des ombres sur la pièce, les inondant d’une lueur discrète, tout en cachant et dévoilant tour à tour des parties de leurs corps. Elysia dut bien s’admettre qu’elle était on ne peut plus charmée.

— Tu aimes ? demanda Kat, faisant délicatement glisser ses doigts contre la joue d’Elysia.

Cette dernière acquiesça aussitôt, puis ferma les yeux quand elle sentit Kat venir caresser sa lèvre inférieure. Une main se glissa sous son haut, à la recherche évidente de sa peau, la faisant frissonner et elle attira Kat contre elle, inclinant légèrement son visage afin de déposer ses lèvres contre les siennes.

Au premier contact avec sa langue, Elysia perdit le peu de notion de réalité qu’il lui restait. Les lèvres de Kat étaient si douces, si chaudes sur les siennes. Enivrantes.

Elle sentit Kat glisser une main sur sa hanche, puis contre ses reins afin de rapprocher un peu plus leurs corps, et elle ne put s'empêcher de haleter contre sa bouche, des milliards de petits picotements traversant sa colonne vertébrale tandis qu’elle se cambrait.

Leurs corps étaient si proches désormais, collés l’un contre l’autre et lorsque Kat glissa ses mains sous le haut d’Elysia afin de le retirer, cette dernière ne résista pas. Elle avait envie de sentir son corps sur elle, sa peau nue sous ses doigts, de cette langue qui parcourait désormais la moindre parcelle de ses courbes soudainement dévoilée... jusqu’à ce que le rire de Kat résonne dans la pièce.

Surprise, Elysia prit aussitôt un air indigné avant d’inspirer soudainement lorsque Kat suivit aussitôt le rebord de son soutien-gorge du bout du doigt.

— Des fraises.

Kat redessina l'une des formes colorées, juste sous la courbe d’un sein, avant d’ajouter :

— Tu as des petites fraises sur tes sous-vêtements, sourit-elle largement avant de presser ses lèvres contre la clavicule à proximité. J’adore.

Elysia laissa retomber sa tête contre l’oreiller, un grognement échappant ses lèvres.

— C’est pas possible de disparaître, là, maintenant, tout de suite ? gémit-elle.

— Oh non, non, non, non, non, j’adore moi, s’exclama Kat tout en secouant la tête, le bout de ses doigts frôlant le ventre à proximité avant de descendre un peu plus bas, vers l’attache du jean.

Elysia inspira soudainement face au contact, et sa main vint enserrer l’avant-bras à proximité. Le bouton céda, rapidement suivi par la fermeture éclair, et elle frissonna.

— Kat... qu’est-ce que tu fais ?

— Je suis en train de vérifier..., répondit Kat entre deux baisers le long du sternum d’Elysia, ...si le bas est assorti.

Elysia porta une main à son visage, riant malgré elle quand le souffle de Kat lui chatouilla le ventre. Elle l’interrompit cependant lorsque cette dernière chercha à lui retirer son jean.

— L’une de nous deux est beaucoup trop habillée, dit-elle lorsque Kat voulut protester. Maintenant que tu t’es bien amusée avec mon soutien-gorge, je veux voir ce que tu caches.

Kat l’embrassa furtivement.

— J’adore tes petites fraises, assura-t-elle contre ses lèvres avant de se reculer et de retirer ses vêtements en un éclair.

Elysia cligna des yeux, puis sentit sa mâchoire s’affaisser devant les sous-vêtements que Kat portait.

— Je te pensais plus du genre à porter quelque chose de plus... sportif ? dit-elle, tendant une main afin de laisser courir ses doigts sur la dentelle du soutien-gorge.

Le tissu bordeaux soulignait la poitrine haute et ferme de Kat et ses épaules dorées, quant au décolleté, il était suffisamment prononcé pour attiser la curiosité.

Comme hypnotisée, Elysia l’observa, sa lèvre inférieure coincée entre ses lèvres.

— Bon sang, tu es... parfaite. Superbe. Et définitivement sexy, sourit-elle, les yeux brillant de malice, tandis que ses doigts partaient du cou de Kat, suivaient son sternum, redessinaient la courbes de ses seins avant de remonter vers son visage.

Elle l’embrassa chastement.

— Tu es magnifique, Kat.

Kat frissonna et, le sourire aux lèvres, poussa légèrement Elysia afin de se rallonger sur elle. Du bout des doigts, elle redessina à son tour les traits du visage d’Elysia avant de descendre le long de son cou. Elle parcourut légèrement son épaule avant de revenir vers son sternum, s’évadant le long de la vallée creusée par ses seins. Elle s’arrêta un instant sur son ventre, redessina le contour de son nombril avant de poursuivre sa route plus bas encore. Libérant Elysia de son jean, elle effleura l’aine puis longea sa cuisse jusqu’à son genou, avant de terminer par son pied. Le regard plongé dans celui d’Elysia, elle refit le trajet en sens inverse avant de murmurer à quelques millimètres de ses lèvres.

- Tu es magnifique. Parfaite. Superbe. Et définitivement sexy.

Troublée, Elysia détacha difficilement son regard de ses lèvres. Elle haussa un sourcil tout en souriant.

— C’est du plagiat ça, non ?

— Peut-être, sourit Kat, repoussant quelques mèches blondes du visage d’Elysia, avant de redessiner la longueur de son nez jusqu’à ses lèvres du bout du doigt. Mais si c’est vrai... où est le mal ?

Elysia s’empara de sa main et y déposa un léger baiser au creux de la paume avant de croiser à nouveau son regard.

— Kat... tu crois qu’on va trop vite ?

Kat plongea son regard dans le sien. Elle haussa les épaules.

— Peut-être, mais si on en a toutes les deux envie, pourquoi s’arrêter ?

Elysia afficha un large sourire.

— J’aime que tu dises ça, répondit-elle, glissant ses mains dans le creux du dos de Kat afin de la rapprocher plus encore. Parce que c'est exactement ce que je veux, c'est exactement ce dont j'ai besoin. Et sachant que tu ressens la même chose...

Elle se pencha afin de saisir les lèvres de Kat et poursuivit à travers le baiser :

— Ça me donne encore plus envie de continuer.

Elle attira la lèvre inférieure de Kat entre ses dents et lui permit, petit à petit, de façon exaspérante, de glisser librement.

— Et de ne jamais arrêter, ajouta-t-elle.

Kat gémit. Elle va me rendre folle. Elle appuya son front contre celui d’Elysia avant de se laisser complètement aller contre son corps.

Mais lorsqu’elle voulut répondre, Elysia porta une main à ses lèvres.

— Mais je pense que je dois te dire quelque chose avant.

— Hmm ? demanda aussitôt Kat, intriguée.

Elysia hocha silencieusement la tête avant de plonger son regard dans le sien, un léger sourire étirant ses lèvres.

— Je t’aime, souffla-t-elle simplement.

💕

Kat l’observa, interdite, avant de cligner des paupières lorsque sa vue devint floue. Le geste libéra les larmes qui s’y étaient accumulées et elle réalisa avec horreur qu’elle pleurait.

— Je... aah je suis désolée, s’excusa-t-elle tout en s’essuyant le visage d’une main irritée.

— Tant que tu l’es pour les larmes, et pas pour le fait de ne pas m’aimer en retour, crois-moi, je peux largement faire avec, taquina faiblement Elysia, écartant les mains de Kat afin d’essuyer elle-même ses joues de ses pouces.

Même si Elysia avait voulu le masquer, Kat n’avait eu aucun mal à discerner l’appréhension sous-jacente et elle s’empara de l’une des mains qui recouvrait sa joue pour la porter à ses lèvres. Elle embrassa ses doigts les uns après les autres, son regard rivé dans celui d’Elysia, puis se pencha afin de poser ses lèvres contre les siennes.

— Et je t’aime, répondit-elle, une délicieuse chaleur irradiant en elle.

Elysia ferma les yeux, savourant les douces paroles, avant de sourire.

— Hmm... c’est encore mieux qu’un matin de Noël, taquina-t-elle en rouvrant les paupières.

Kat sourit avant de l’embrasser sur le front, de façon presque révérencieuse. Elle répéta le geste sur chacune de ses paupières, puis sur le bout de son nez, avant de terminer par ses lèvres. Leurs regards se croisèrent, intenses, puis leurs lèvres se rencontrèrent à nouveau, avec douceur, comme si elles se découvraient pour la première fois. Puis l’envie laissa place à un tout autre désir, et les baisers chastes passèrent de tendres à passionnés, le contact de leurs corps presque nus l’un contre l’autre faisant renaître cette douce chaleur qui semblait faire revivre leurs êtres.

La bouche de Kat descendit dans son cou et Elysia sentit sa tête partir en arrière lorsque des lèvres affamées de désir descendirent vers sa poitrine, embrassant puis taquinant la peau sensible. Un sous-vêtement céda, puis un autre, puis encore un autre... jusqu’à ce qu’il ne reste que deux corps enlacés, brûlant d’envie, de désir et d’amour. 

20 juillet 2015

Chapitre 9

Un sourire se dessina sur les lèvres d’Elysia lorsque des mains douces et chaudes vinrent se glisser le long de ses épaules, puis dévièrent sur sa poitrine dans une lenteur à lui en faire perdre la tête.

Chaque parcelle de son corps pouvait la sentir. Celle qui venait s’approprier ce moment des plus intimes. Elle était plus présente ces derniers temps, plus intense. Presque sauvage.

Une langue tourmenta ses lèvres de manière exquise et Elysia glissa ses doigts dans des cheveux couleur ébène, les enserrant à chaque fois que le plaisir devenait insupportable. Son corps en sueur se tordait sous les couvertures, des gémissements l’échappant face à l'intensité des sensations qui la parcourait.

Une légère morsure au niveau du cou et elle entama l'ascension finale. Son corps et son esprit semblèrent s’envoler. Entre ses lèvres, son souffle se fit plus court. Dans sa poitrine, son cœur battait à tout rompre. Son corps enfiévré vibrait tout entier, s'abîmant dans ce plaisir si sacrilège, mais pourtant si délicieux. Le plaisir monta, étouffant, inexorable. Et enfin, elle se libéra dans des ondes de plaisir qui la submergèrent.

Epuisée, Elysia s'effondra contre son oreiller et essaya tant bien que mal de reprendre sa respiration. Son amante s’était évaporée, et elle se demanda une fois encore si elle avait été réelle, ou le simple fruit de son imagination.

Un léger raclement de gorge attira son regard vers la porte et elle écarquilla les yeux.

— Mysa ?! s’exclama-t-elle tout en remontant la couette jusqu’à son menton. Qu’est-ce que tu fabriques ici ?!

Mysa afficha un léger sourire en coin.

— J’ai bien fait d’insonoriser la chambre, répondit-il en venant prendre place au pied du lit. Ou je crois bien que tu aurais alerté tout le quartier.

Elysia cacha son visage entre ses mains, le visage cramoisi.

— C’est pas parce que tu es mon Daï-Natha que tu dois constamment me surveiller, gronda-t-elle, embarrassée.

— Désolé, répondit Mysa, imperturbable. Morphée t’a laissé pour compte ce soir ?

— Il semblerait, marmonna Elysia tout en se frottant le visage. Tu pourrais peut-être lui rendre une petite visite histoire de lui faire savoir qu’il m’a oubliée ?

Mysa rit légèrement, avant de prendre un air concerné.

— Qu’est-ce qui t’empêche de dormir ?

Elysia lui offrit un regard appuyé en réponse.

— Je croyais qu’on venait d’établir que Morphée m’avait oubliée.

— Aux dernières nouvelles, Morphée est loin d’être une grande brune aux yeux noisette, rétorqua aussitôt Mysa. Alors ?

Terriblement embarrassée, Elysia rougit de nouveau. Elle lutta néanmoins pour garder son sang-froid.

— Pourquoi poser la question si tu connais déjà la réponse ? répliqua-t-elle, un sourcil haussé.

— Parce qu’avoir un rêve érotique, et reconnaître ce que ça signifie réellement, c’est totalement différent.

Elysia baissa les yeux, mais elle ne répondit pas. Pourquoi parleraient-ils de l’éléphant dans la pièce quand tous deux savaient très bien de quoi il s’agissait ?

Quelque chose dans ce qu’il venait de dire attira cependant son attention, et elle fronça les sourcils. Un rêve érotique... C’était bien ça, le problème. Ce n’était pas un rêve. Jamais. Elle était toujours parfaitement réveillée quand ça arrivait. Ça paraissait même tellement réel que...

Elle releva la tête, le regard assassin.

— C’était toi ! accusa-t-elle, les poings serrés dans la couverture. Je savais bien que ce rêve ou peu importe ce que c’était était bien trop étrange pour être... être... le simple fruit de mon imagination. Je peux savoir pourquoi tu as fait ça au juste ? 

— Je pense que tu le sais déjà, répondit Mysa, levant une main dans sa direction afin de poser ses doigts contre sa tempe.

Aussitôt, Elysia ferma les yeux, une série d’images déferlant dans sa tête.

 

Ce ne fut que lorsque le générique de fin défila à l’écran qu’Elysia prit réellement conscience de leur position. Ou plutôt de sa position. Kat, elle, n’avait pas bougé, mais les jambes d’Elysia reposaient désormais sur ses cuisses, cette dernière s’étant à un moment donné allongée de tout son long sur le canapé.

Elle leva les bras au-dessus d’elle afin de s’étirer, et gémit presque lorsque Kat en profita pour masser ses mollets.

— Je suis d’accord avec toi, fit remarquer Kat. Le deux est beaucoup moins bien que le un.

Elysia se laissa retomber sur le canapé, l’air confus.

— J’ai jamais dit...

Kat afficha un sourire amusé.

— Pas besoin. J’ai vite compris quand tu t’es mise à somnoler par intermittence. Si seulement tu pouvais ronfler un peu moins fort...

Elysia écarquilla aussitôt les yeux.

— Je ronfle pas ! s’exclama-t-elle, s’emparant de l’un des coussins du canapé afin de le lancer à Kat.

Cette dernière éclata de rire.

— D’accord, d’accord, reconnut-elle, levant les mains en signe d’apaisement. Cela dit, tu émets quand même un petit bruit. C’est très mignon.

Elysia se sentit aussitôt rougir et elle balança ses jambes hors du canapé afin de s’assoir.

— Merci, j’imagine, marmonna-t-elle avant de se passer une main dans le cou. Je crois surtout que le manque de sommeil de ces derniers jours m’a rattrapé, admit-elle juste avant d’étouffer un bâillement.

Kat posa une main sur sa cuisse et la serra doucement, l’air compatissante.

— Hmm... le sommeil m’appelle aussi. Je vais te laisser. Tu aurais le numéro d’une compagnie de taxi que je pourrais appeler ?

Elysia ricana aussitôt.

— Comme si j’allais te laisser rentrer en taxi, répondit-elle en secouant la tête. Cela dit, on est fatiguée, il se fait tard... tu pourrais simplement rester dormir.

Kat leva aussitôt les sourcils mais lorsqu’Elysia la sentit prête à refuser, elle ajouta :

— La première chambre d’amis n’a pas de lit, et la seconde me sert d’atelier peinture, grimaça-t-elle avant de désigner le canapé sur lequel elles étaient assises. Mais celui-ci est très confortable.

Kat tira sur le lobe de son oreille.

— Je ne sais pas si...

— Je vais te chercher ce qu’il faut, la coupa Elysia avant de l’observer d’un œil critique. On doit faire la même taille, je t’apporte aussi de quoi dormir.

Kat eut à peine le temps d’ouvrir la bouche qu’Elysia avait déjà disparue et cette dernière n’en fut pas peu fière. Elle ne savait pourquoi, mais une part d’elle se sentait si bien en présence de Kat, qu’elle n’avait aucune envie qu’elle rentre chez elle. Pas si tôt, du moins. À peine cinq minutes plus tard, elle fut de retour avec un oreiller, une couverture, et un pyjama et pour son plus grand plaisir, Kat n’avait pas bougé. Elle afficha néanmoins un air inquiet lorsqu’elle remarqua que Kat tenait sa tête entre ses mains.

— Ça va ? demanda-t-elle d’un ton concerné une fois arrivée à sa hauteur.

Kat releva aussitôt la tête et observa ce qu’Elysia avait apporté avant de répondre.

— Tu es sûre que tu ne préfères pas que je prenne un taxi ?

— Sois pas bête, répondit Elysia tout en lui jetant son fardeau dans les bras. Il est tard, je te ramènerai demain. Promis.

Lorsqu’elle vit Kat hésiter, Elysia se mordit l’intérieur de la joue, pensive, avant de s’assoir en face d’elle, sur la table basse.

— Kat, si c’est le fait de dormir ici qui t’embête, je te ramène, ce n’est pas grave, dit-elle sérieusement. Je pensais juste que c’était plus simple comme ça.

— Ça l’est, lui répondit aussitôt Kat.

— Bon, alors c’est quoi le problème ? demanda Elysia avant de sourire. T’as un doudou sans lequel tu ne peux pas dormir ?

Kat lui jeta aussitôt l’un des coussins du canapé, un petit sourire apparaissant sur son visage avant qu’elle ne vienne jouer avec l’un des coins de la couverture que lui avait apportée Elysia.

— Non. Je ne veux pas déranger, c’est tout.

Elysia se redressa afin de venir l’embrasser sur la tempe.

— Tu ne me déranges jamais, murmura-t-elle à son oreille avant de sourire. Mais je suis ravie de voir que, comme toujours, tes bonnes manières prédominent.

Kat la surprit en posant une main sur sa joue, qu’elle remonta jusqu’à sa nuque, et lorsque son souffle chaud vint chatouiller sa peau, la respiration d’Elysia se coupa.

— Pour toi ? Toujours, taquina Kat avant de l’embrasser sur la joue. Bonne nuit, Ely.

Ses yeux se fermèrent malgré elle et lorsqu’elle les rouvrit, elle réalisa que Kat s’était reculée depuis un petit moment et qu’elle l’observait d’un air amusé.

Merde.

Elle se racla légèrement la gorge.

— Bonne nuit Kat, sourit-elle, serrant sa main avant de regagner l’escalier.

 

— Tu lui as demandé de rester dormir.

— Je sais.

Mysa attendit un peu avant de demander :

— Parce que... ?

Elysia baissa les yeux vers le lit. Même si elle voulait le nier, elle ne le pourrait pas. La façon dont Kat l’avait embrassée tout à l’heure ne l’avait pas laissée insensible. Elle avait envie d’être auprès d’elle. De sa présence à ses côtés. Ce n’était pas la première fois que ce sentiment la traversait, seulement cette fois, il semblait plus fort. Si fort qu’elle le savait, c’était perdu d’avance, lutter ne servirait à rien. Alors, elle avait cédé à son envie, et avait demandé à Kat de rester.

Elle soupira.

— Parce qu’elle me plaît, admit-elle enfin. C’est bien ce que tu voulais que je m’admette en m’offrant un amant imaginaire, pas vrai ? Et maintenant que c’est fait, je dois m’attendre à une leçon de morale ?

— Non.

La rapidité avec laquelle Mysa lui avait répondu la surprit, puis la rendit suspicieuse. Sa mission n’incluait en aucun cas ce genre de sentiments venant de sa part, ni le rapprochement qu’elle soupçonnait d’arriver d’ici peu si Kat ressentait la même chose qu’elle. Mysa devrait la mettre en garde, voire même lui interdire de poursuivre ce qu’elle avait consciemment commencé en invitant Kat à passer la nuit chez elle. 

— Pourquoi ? demanda-t-elle enfin. Je doute que cela leur fasse plaisir, là-haut. Je me trompe ?

Il ne dit rien, mais son silence parla pour lui. Ce qu’Elysia ne comprit pas, par contre, c’était pourquoi il ne l’arrêtait pas.

- Mysa... tu me caches quelque chose ?

Son regard croisa le sien et Elysia comprit aussitôt qu’elle avait mis le doigt sur quelque chose. Son visage, bien qu’impassible, lui faisait clairement comprendre que pousser plus loin ne servirait à rien.

Elle soupira, irritée.

— Je croyais que j’étais celle qui était en mission, pourquoi est-ce que j’ai soudainement l’impression d’être celle de quelqu’un d’autre ?!

— Elysia...

— Je dois m’inquiéter ?

— Non.

— Non ?

Mysa acquiesça mais Elysia resta sceptique. Pourquoi la poussait-il à aller à l’encontre de ce que leurs supérieurs attendaient d’elle ? Et pire encore, que lui cachait-il de si important au point de ne pas pouvoir le lui dire ?

— Je suis tombée amoureuse d’elle, Mysa.

— Je sais.

— Et tu ne vas pas m’arrêter ?

Il secoua doucement la tête et Elysia soupira.

— Pourquoi ?

Il se contenta de hausser les épaules.

— Ça vient d’eux ? dit-elle en levant un doigt vers le ciel.

De nouveau, il resta silencieux et Elysia relâcha un grognement de frustration.

— Bon, je n’ai pas de soucis à me faire, très bien. Et Kat ?

— Tu sais très bien qu’on ne s’en prendrait jamais à l’un de nos protégés.

— On ? Comment ça « on » ? Ça vient bien d’eux, alors ?

Mysa soutint son regard et Elysia comprit qu’elle n’obtiendrait aucune réponse.

— Et si je descends l’embrasser ? Tu ne m’arrêteras vraiment pas ?

Il sourit légèrement.

— Tu n’as pas l’intention de faire ça.

Elysia grogna à nouveau et Mysa se pencha légèrement vers l’avant afin de pouvoir prendre ses mains dans les siennes.

— Elysia, tu peux me faire confiance, murmura-t-il sincèrement. Je suis ton ami, pas vrai ?

— Un ami me dirait ce qu’il me cache.

— Pas si c’est pour te protéger.

Elysia l’observa, attentive.

— Tu me protèges ?

Il haussa de nouveau les épaules et elle leva les yeux au ciel.

— D’accord ! s’exclama-t-elle, exaspérée. J’arrête de te demander quoi que ce soit, voilà !

— On sait tous les deux que c’est faux, t’es trop curieuse pour ça, la taquina-t-il avant de la regarder droit dans les yeux, le regard bienveillant.

— Tu te souviens de ce que je t’ai dit l’autre jour ?

Elysia réfléchit.

— Que les apparences sont parfois trompeuses ?

— C’est ça, acquiesça-t-il. Fais-moi confiance, et écoute ton cœur. D’accord ?

Elysia hésita.

— Tu ne me trahirais pas, hein ? demanda-t-elle, appréhensive.

Le visage de Mysa s’adoucit et il lui répondit sincèrement :

— Jamais.

💕

Elysia grimaça lorsque les marches grincèrent sous ses pas quand elle descendit l’escalier le lendemain matin. Bien qu’il soit encore tôt, la nuit avait été étonnamment reposante. Le manque de sommeil des jours passés avait dû la rattraper, l’empêchant ainsi de ressasser encore et encore les paroles qu’elle et Mysa avaient eues cette nuit. Ou peut-être que le fait que les choses soient rentrées dans l’ordre avec Kat lui avait permis de dormir comme un loir.

Penser à Kat fit aussitôt apparaître un sourire sur ses lèvres et elle descendit les dernières marches d’un pas sautillant. Un rapide coup d’œil vers le canapé la fit cependant s’arrêter sur-le-champ.

Comme elle l’avait soupçonné, Kat était profondément endormie, allongée sur le ventre et les bras emmitouflés sous son oreiller, mais la couverture avait glissé pendant la nuit et lui offrait une vue imprenable sur une bonne partie de son dos et de ses jambes qui n’en finissaient pas. Elle dort nue, se souvint soudainement Elysia, une légère coloration recouvrant ses joues.

Comme hypnotisé, son regard s’attarda sur son corps et la seule chose qui la poussa à détourner les yeux, ce fut la peur que Kat se réveille et la surprenne à l’observer ainsi. Prenant une profonde inspiration, elle se dirigea vers la cuisine avant de jurer entre ses dents lorsque son orteil buta contre le coin d’un meuble.

Kat redressa aussitôt la tête, un instant perdue avant de porter son attention sur Elysia.

— Hé... qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle d’une voix rendue rauque par le sommeil.

Elysia se baissa afin de masser son orteil endolori.

— J’essayais de rejoindre la cuisine sans faire de bruit, mais j’ai oublié que ce meuble était là, grimaça-t-elle. Désolée, je ne voulais pas te réveiller.

Kat secoua la tête tout en appuyant une main sur ses lèvres afin d’étouffer un bâillement.

— Pas grave. Il est quelle heure ?

— Un peu moins de sept heures, répondit Elysia, sautant sur un pied afin de venir s’assoir dans le fauteuil jouxtant le canapé.

Kat écarquilla aussitôt les yeux.

— Qu’est-ce que tu fais debout si tôt ?

— J’embauche à huit heures, répondit Elysia, l’observant comme si elle avait perdu la tête.

— Oh. Oh, lâcha Kat avant de grimacer. J’avais oublié qu’on était lundi...

Elysia afficha un petit sourire.

— Lundi 25 mai, précisa-t-elle. Alors tu peux encore dormir autant que tu veux. C’est férié, ajouta-t-elle lorsque Kat l’observa avec confusion.

— Oh, le Jour du Souvenir, acquiesça Kat avant de plisser des yeux. Qu’est-ce que tu fais debout à cette heure alors ?

Elysia laissa retomber son pied sur le sol avant de poser ses mains sur ses cuisses.

— Parce que je suis rédactrice en chef de l’un des plus grands magazines de la ville et qu’on a des délais à respecter, Madame, taquina-t-elle.

Mademoiselle, corrigea Kat en lui envoyant son oreiller.

Elysia le lui renvoya aussitôt tout en lâchant un rire.

— Rendors-toi, mademoiselle. Je laisserai un double des clés pour quand tu seras prête, dit-elle en se redressant.

Kat la saisit par le bras lorsqu’elle passa devant elle pour rejoindre la cuisine.

— T’es vraiment obligée d’aller travailler à huit heures ? Ton équipe peut bien s’en sortir sans toi pendant une petite heure ou deux, non ?

Elysia haussa un sourcil.

— Et pourquoi je ferais ça ?

Elle eut un léger sursaut lorsque Kat tendit une main vers son visage, puis sentit ses yeux se fermer d’eux-mêmes lorsque des doigts caressèrent le haut de sa joue.

— Tes cernes sont encore marqués, murmura Kat. Un peu de sommeil en plus ne te ferait pas de mal. 

Elysia rouvrit les yeux, la respiration légèrement saccadée.

— J’imagine que je peux...

Elle désigna par-dessus son épaule avant d’être soudainement tirée vers l’avant, et elle cligna des yeux lorsqu’elle se retrouva allongée juste à côté de Kat.

Cette dernière afficha un sourire en coin.

— Y a suffisamment de place pour deux ici, fit-elle remarquer.

Elysia ne sut si c’était dû à l’intimité que leur offrait le levé du jour, ou la façon dont les yeux de Kat semblaient la transpercer, mais elle se retrouva soudainement incapable de prononcer le moindre mot.

Jusqu’au moment où Kat souleva la couverture afin de les recouvrir toutes les deux.

Elle recouvrit automatiquement ses yeux d’une main.

— Kat ! s’exclama-t-elle. T’es toute nue !

Kat haussa aussitôt les sourcils.

— Non, j’ai un shorty. Et je me suis enroulée dans le drap. Mais si ça te gêne vraiment, je peux —

— Non, non, ça va, l’interrompit Elysia, peu sûre de survivre si Kat se mettait à arpenter sa maison seulement vêtue d’un drap pour masquer sa nudité.

Elle s’allongea sur le dos et remonta la couverture que Kat lui tendait jusqu’à son menton, tournant la tête lorsqu’elle entendit Kat éclater de rire.

— Quoi ? dit-elle, défensive.

— Rien, renifla Kat. Juste, tu ne vas jamais pouvoir dormir si tu es aussi tendue.

Elle tendit une main mais s’arrêta lorsqu’elle vit Elysia fléchir. Appuyée sur un coude, elle l’observa, amusée.

— C’est juste une main, Ely. La même que lorsque je suis un peu plus habillée.

Parfaitement consciente que Kat se jouait d’elle, Elysia décida de jouer aussi. Et puis, si Kat ne ressentait pas la même chose qu’elle... elle pourrait toujours prétendre qu’il ne s’agissait de rien de plus qu’un jeu.

Elle prit à son tour appui sur un coude.

— Je sais. Mais tu vois, ton odeur est partout ici. Je t’ai dit combien je l’adorais ? Ça ne va pas m’aider à dormir, ça. Alors si en plus tu te mets à me toucher...

Elle fit mine de relâcher un soupir désespéré.

— Ça ne va pas m’aider non plus.

Kat haussa un sourcil, et même si son sourire était toujours présent, Elysia crut voir quelque chose changer dans son regard. Comme s’il avait... gagné en intensité.

— Oh ? Donc si je fais ça...

Kat réunit leurs mains et les porta à sa bouche afin d’embrasser les doigts d’Elysia.

Elysia se laissa retomber sur le dos.

— Et maintenant, tu m’embrasses. Tu as gagné, le sommeil m’a définitivement quittée.

Kat lâcha un rire avant de secouer légèrement la tête.

— Non, ça, c’était un bisou... sur ta main. Embrasser, c’est... différent, et ça se passe... ailleurs.

Elysia sentit de nouveau la chaleur venir recouvrir ses joues, mais ne bougea pas quand Kat approcha son visage du sien. Ses yeux se fermèrent d’eux-mêmes quand son souffle effleura ses lèvres pour se rouvrir lorsqu’elle sentit la main de Kat contre sa joue. Cette dernière l’interrogea du regard et Elysia s’humidifia les lèvres avant de hocher imperceptiblement la tête.

Une bouffée de chaleur l’envahit lorsqu’elle vit Kat se pencher vers elle avant qu’elle ne l’embrasse. Un baiser chaste, un simple contact empli d’une douceur infinie qui pourtant lui donna déjà le tournis.

Kat se recula mais Elysia glissa une main à l’arrière de son cou afin de recommencer. Elle n’en avait pas eu assez. Les lèvres de Kat étaient tellement douces et sa façon de serrer et desserrer son étreinte autour de ses doigts la rendait folle. Elle ressentait la même chose qu’elle.

Leurs baisers n’allèrent pas plus loin que le simple contact de leurs lèvres, mais cela fut suffisant. Ils cessèrent enfin et Kat vint l’embrasser sur le front avant de plonger son regard dans le sien. Elle sourit légèrement.

— Tu penses pouvoir dormir maintenant ? chuchota-t-elle.

— Avec un dénouement comme celui-là, je serais damnée si ce n’est pas le cas.

Kat rit puis s’allongea sur le dos, entraînant Elysia avec elle. Cette dernière enfouit son visage dans le creux de son cou et lorsque les bras de Kat vinrent l’entourer, elle écarquilla les yeux.

— Bon sang Kat, je peux sentir... ta peau... et...

Le rire de Kat lui parvint aussitôt tandis qu’elle venait embrasser le haut de sa tête.

— Si ça te dérange, je peux...

Elysia secoua frénétiquement la tête.

- Non, non. Ça va. C’est... bien. Même mieux que bien. Je serais folle de m’en plaindre. Mais si toi, ça te dérange, je comprendrais. Je veux dire —

Elle fut interrompue par un doigt sur ses lèvres.

— Tu bafouilles.

Son ton amusé fit rougir Elysia.

— Hum, oui, pardon.

— Non, j’aime beaucoup. C’est mignon.

Elysia sourit avant de s’emparer de la main qui caressait sa joue et vint en embrasser la paume.

— Merci, Sexy.

Le rire de Kat lui parvint à nouveau, une douce mélodie qui lui fit une fois encore oublier le monde qui les entourait.

— Une chose est sûre, tu es vraiment bonne pour mon ego, taquina Kat.

— Toi aussi, répondit aussitôt Elysia alors que sa main venait caresser les lèvres de Kat. Merci pour ça, Kat. Je suis contente qu’on l’ait fait.

Kat s’empara de son index avant de l’embrasser.

— Moi aussi, sourit-elle. Tu devrais essayer de dormir maintenant, je sais que tu es en train de lutter.

Ce n’était pas faux, contrairement à ce qu’Elysia déclarait plus tôt, le corps chaud contre le sien poussait ses yeux à se fermer d’eux-mêmes.

— Bonne nuit, dit-elle en embrassant la peau offerte du cou de Kat.

— Bonne nuit, Ely.

La dernière chose dont elle se souvint fut les lèvres de Kat contre son front et sa main dessinant des arabesques sur son épaule.

17 juillet 2015

Chapitre 8

Domiciliée en périphérie de la ville, Elysia habitait dans une jolie maison à étage de style victorien, suffisamment éloignée de la rue pour pouvoir bénéficier à la fois d’une cour à l’avant et à l’arrière.

Kat gara sa mustang dans l’allée dallée puis suivit Chloé jusqu’au porche, s’essuyant longuement les pieds sur le tapis de seuil dans l’espoir de gagner du temps. Elle savait qu’elle devait trouver le courage, pour Chloé, mais elle ne put s’empêcher de redouter comment Elysia allait l’accueillir. Chloé parlait de jalousie, mais Kat n’en était pas si sûre. De quoi Elysia serait-elle jalouse ? C’était ridicule. Pour sa part, elle pensait plus tôt qu’Elysia en avait conclu qu’elle et Chloé étaient ensemble — ce qui n’était pas exactement faux, mais pas vrai non plus — et qu’elle n’avait pas apprécié.

D’ailleurs, Elysia ne serait pas la première à trouver ce genre de relation répugnant.

La main de Kat se leva à nouveau, mais elle eut à peine le temps d’hésiter que Chloé la devança et appuya sur la sonnette.

— Chloé ! s’exclama-t-elle aussitôt, incrédule.

Chloé roula des yeux.

— Oh je t’en prie Kat, soupira-t-elle en prenant appui contre le mur. À ce rythme-là, demain, on y était encore.

Kat s’apprêtait à répondre lorsque la porte s’ouvrit soudainement, laissant apparaître celle qu’elle redoutait. Vêtue d’une salopette noire et d’un t-shirt, Elysia avait l’air exténuée, mais lorsque son regard s’arrêta sur Kat, il fut aussitôt alerte. La mâchoire pendante, elle l’observa un instant, interdite, avant de cligner des paupières et de sortir de sa léthargie.

— Kat ? s’étonna-t-elle. Qu-qu’est-ce que tu fais là ?

Kat enfonça les mains dans les poches de son jean, hésitante.

 — Hum, je ne te dérange pas ? demanda-t-elle, désignant le crayon de papier qui dépassait de l’oreille d’Elysia.

Cette dernière leva une main vers l’objet, comme si elle avait oublié sa présence.

— Non. Non, dit-elle en secouant la tête. J’étais juste en train de travailler sur quelques planches. Je... tu... tu veux entrer ? demanda-t-elle finalement, un sourcil haussé.

Chloé ayant pris appui contre le mur, Elysia ne l’avait pas encore vue et Kat tendit une main vers elle afin de la faire entrer dans son champ de vision avant d’ajouter, penaude.

— Je ne suis pas venue seule.

— Hé, intervient aussitôt Chloé en remuant une main.

Elysia se figea et lorsqu’elle regarda de nouveau Kat, son visage était impassible.

C’est moi ou la température vient de chuter d’un coup ? pensa Kat avant de se racler maladroitement la gorge.

— L’invitation à entrer tient toujours ?

Elysia sembla hésiter, puis leur offrit un sourire forcé avant de s’écarter légèrement.

— Bien sûr. Le salon est juste là, indiqua-t-elle avant de refermer la porte et de s’essuyer les mains sur sa salopette. Vous avez soif ? demanda-t-elle soudainement, comme si elle venait de se souvenir que c’était probablement la chose à demander quand on recevait quelqu’un.

— Non merci, répondit aussitôt Kat tandis que Chloé acquiesçait.

Kat lui offrit un regard appuyé face auquel Chloé haussa les sourcils, l’air de dire « bah quoi ? ». Kat soupira.

— J’ai du thé glacé, ça ira ? demanda Elysia par-dessus son épaule tandis qu’elle prenait la direction de la cuisine.

— Parfait, sourit Chloé, avant de rejoindre Kat sur le canapé.

Quelques minutes plus tard, Elysia apparut avec un plateau entre les mains et dispersa trois verres et deux pichets sur la table basse avant de servir. Une fois terminé, elle prit place sur le fauteuil jouxtant le canapé et posa ses mains sur ses cuisses.

Un silence embarrassant sembla s’installer avant qu’elle ne demande.

— Alors, qu’est-ce qui vous amène ?

Kat échangea un regard avec Chloé qui se mordit la lèvre inférieure, puis reporta son attention sur Elysia. Elle se racla la gorge.

— Alors voilà, commença-t-elle tout en essuyant ses mains sur son jean. Si nous sommes venues te voir, c’est parce que... enfin, c’était pour savoir si…

— Je cherche un nouveau travail, la coupa Chloé.

Kat la fusilla aussitôt du regard.

— Tu devais me laisser faire, siffla-t-elle entre ses dents.

— Oui, mais à la vitesse où tu allais, demain on était encore là ! rétorqua aussitôt Chloé en roulant des yeux.

— C’est pas une raison ! s’exclama Kat à son tour. Tu pourrais —

Un raclement de gorge l’interrompit et elle tourna aussitôt la tête en direction d’Elysia qui les observait, les bras croisés sur sa poitrine, dans l’attente.

— Pardon, s’excusa Kat, jurant intérieurement lorsqu’elle se sentit rougir. Ce que Chloé veut dire, c’est qu’elle…

— … cherche un travail, j’ai compris, répondit calmement Elysia. Mais je ne suis pas une agence d’intérim, alors si vous venez me voir, c’est pour savoir si je peux la prendre dans mon magazine, je me trompe ?

Kat et Chloé se contentèrent d’acquiescer. Elysia porta son attention sur Chloé.

— Nouveau, disais-tu ? Que s’est-il passé avec le précédent ? Il ne te convient plus ?

Chloé jeta un furtif coup d’œil à Kat tout en grimaçant.

— Je vais démissionner, répondit-elle en s’emparant de son verre. Ou être renvoyée, je sais pas, ajouta-t-elle avant de boire une longue gorgée de thé.

Elysia lui offrit un regard confus.

— Je ne suis pas sûre de comprendre... Enfin, vouloir démissionner, si. Mais pourquoi serais-tu renvoyée ?

Chloé soupira tout en se passant une main sur le visage.

— L’un de mes clients a fait quelque chose qu’il n’aurait pas dû. Alors, je suis partie de mon... lieu de travail sans terminer mon... service.

Elle ajouta finalement lorsqu’Elysia l’observa, toujours aussi confuse.

— Je suis escorte de luxe.

Kat avala aussitôt de travers et Chloé tourna un regard surpris vers elle avant de lui tapoter le dos. 

— Ça va ?

Kat acquiesça, toussant légèrement. Elle leva la tête vers Elysia une fois calmée.

— Tu veux bien nous excuser un instant ?

Surprise, Elysia acquiesça finalement et Kat traîna aussitôt Chloé dans la cuisine, tournant le dos au salon de manière à être la plus discrète possible.

— T’es malade ? s’exclama-t-elle dans un murmure. C’était vraiment indispensable de lui faire part de ce petit détail ?

Chloé haussa les sourcils avant de croiser les bras sur sa poitrine.

— Si tu voulais que je lui mente, fallait me le dire avant, gronda-t-elle, les dents serrées, puis son expression s’adoucit ostensiblement. Elle nous pensait déjà ensemble Kat, lorsqu’elle nous a surprises ce jour-là.

— C’est différent, là...

— Là quoi ? lui demanda Chloé tout en scrutant son visage avant que la prise de conscience ne la frappe. Oh je vois, c’est différent parce que tu te tapes une pute.

Son ton blessé n’échappa pas à Kat et elle la retint par le bras lorsque Chloé essaya de partir.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, Chloé, lui dit-elle en la regardant droit dans les yeux. C’est juste...

Elle soupira de frustration lorsqu’elle ne trouva pas les mots, avant de finalement se résigner à aller droit au but.

— Ma vie a souvent été merdique, Chloé, reprit-elle doucement. Je n’ai pas envie que ça recommence, et encore moins qu’elle le voie. C’est... c’est assez pathétique comme ça. La dernière chose que je désire d’elle, c’est de la pitié, et là... vu comment c’est parti... avec tout ce qu’elle a déjà découvert...

La colère qui avait habité le visage de Chloé s’estompa et elle vint encadrer le visage de Kat de ses mains.

— Ce que tu peux être bête, parfois, soupira-t-elle, mi-compatissante mi-lassée. Tu te souviens cette conversation qu’on a eue, où tu me disais que les histoires d’amour, c’était pas pour toi ? 

Kat lui adressa un regard confus.

— Euh, oui. Et ?

— Et ? L’amour existe, ma belle. Et il brille tellement fort ici que j’aurais bien aimé avoir apporté mes lunettes de soleil !

Kat lâcha un rire avant d’observer Chloé comme si elle avait perdu la tête lorsqu’elle réalisa qu’elle était sérieuse. Cette dernière lui offrit un regard appuyé.

— Kat... ce malaise qui flotte dans l’air là ? Même un aveugle serait capable de voir ce qui se passe entre vous deux. Elle est jalouse, et toi, t’es qu’une trouillarde.

Kat protesta aussitôt.

— Je suis pas une trouillarde ! s’exclama-t-elle avant de plisser les yeux. Toi par contre, je peux te dire que tu as un peu trop profité du soleil. Il a dû sacrément te taper sur le crâne, celui-là.

— Oh non, ne fais pas ça, la coupa aussitôt Chloé en levant une main. Sinon, c’est mentir. Et ça, ça c’est mal, l’admonesta-t-elle avant d’afficher un petit sourire en coin. Bon, laisse-moi essayer une tactique différente. Hmm, tu la trouves mignonne ?

Kat leva les mains, prête à protester de nouveau, avant de soupirer lorsque Chloé lui lança un regard d’avertissement.

— Bien sûr qu’elle est mignonne.

Le sourire de Chloé s’agrandit aussitôt.

— Arrête, ça ne veut rien dire. Il suffit de la regarder, n’importe qui dirait la même chose !

Chloé l’ignora.

— Et sexy ? Tu la trouves sexy ? enchaîna-t-elle.

Kat sentit son visage se réchauffer et Chloé ricana aussitôt. Merde.

— C’est bien ce que je pensais.

— Tout le monde penserait ça aussi, marmonna Kat.

— Bien sûr, rétorqua Chloé en roulant des yeux. T’es tellement butée parfois. Tu as vu les regards qu’elle me jette ? Si elle pouvait m’arracher les yeux avec une petite cuillère, elle le ferait !

— Chloé...

— On en reparlera plus tard. Kat, ce que je voulais dire, c’est que cette femme, ce n’est pas de la pitié que tu lui inspires, mais plutôt de l’affection et de l’inquiétude. Parce que, que tu le veuilles ou non, elle tient à toi, et elle n’a pas envie de te juger, juste d’apprécier celle que tu es vraiment.

Elle s’interrompit avant d’afficher un petit sourire :

— Même si pour l’instant, ses hormones lui donnent sûrement simplement envie de t’étriper. Mais ça, t’y peux rien, c’est biologique. 

Sa réplique parvint à arracher un sourire à Kat et elle secoua la tête avant de se passer une main sur le visage tout en prenant une profonde inspiration.

— Ça va aller, dit-elle comme pour se rassurer.

— Tu es sûre ? demanda Chloé, tout soupçon de plaisanterie ayant désormais disparu.

Kat hocha la tête.

— Oui, viens.

Chloé acquiesça et elles retournèrent dans le salon afin de regagner leurs places. Elysia, dont le regard était perdu dans le verre de thé glacé qu’elle tenait entre ses mains, releva aussitôt les yeux vers elles et Kat sentit son ventre se nouer. Son visage était à nouveau fermé, impossible à déchiffrer.

Un silence pesant les entoura et elle fut soulagée d’entendre Chloé prendre la parole.

— Kat a longtemps essayé de me sortir de ce milieu, seulement, je n’avais pas beaucoup de choix pour financer mes études et... tout le reste, commença-t-elle, le regard rivé sur ses mains qu’elle avait liées devant elle. Elle a proposé de m’aider à trouver autre chose, et étant étudiante en journalisme, elle a pensé que peut-être...

Elysia hocha la tête, une  vague de compréhension se frayant un chemin dans son esprit.

— Je vois. Cependant, ce n’est pas parce que je suis rédactrice en chef que je me charge des embauches. Mais je vais voir ce que je peux faire. Cela dit, ne t’attends pas à des revenus astronomiques, tu ne gagneras même pas la moitié de ce que tu peux te faire en tant qu’escorte.

— On s’est déjà mises d’accord sur ce point, intervint aussitôt Kat en levant les yeux vers elle. Je lui ai promis de me charger du reste.

Le regard d’Elysia se posa sur elle avant qu’elle ne réponde.

— C’est très généreux de ta part.

Chloé se leva aussitôt.

— Elle sait que je la rembourserai jusqu’au dernier centime, dit-elle, levant une main lorsque Kat sembla vouloir l’interrompre, avant de reporter son attention sur Elysia. Merci beaucoup. Vous n’imaginez même pas à quel point vous m’aidez.

Elysia lui offrit un faible sourire.

— De rien, répondit-elle avant de prendre la direction de son bureau. Vous avez un numéro ? Une adresse mail ? Que je puisse vous recontacter dans la semaine afin que l’on se mette d’accord sur un rendez-vous pour mettre tout ça en place.

— Kat à mon numéro, enchaîna aussitôt Chloé. Je suis désolée, mais je vais devoir y aller, j’ai pas mal de devoirs qui m’attendent et un grand besoin de repos. Vous pourrez la ramener ?

Kat haussa les sourcils, prête à protester, mais Elysia avait déjà hoché la tête. Même si ce fut avec une légère hésitation.

— Pas de problème.

— Merci, répondit Chloé avant de venir prendre Kat dans ses bras.

— À quoi tu joues ? lui murmura aussitôt cette dernière tout en lui rendant son étreinte.

Chloé rit légèrement avant de lui souffler à son tour :

— Ronchonne pas Sexy, dit-elle en venant chatouiller le nombril de Kat. Vous avez besoin discuter.

— Je sais, mais —

Chloé posa une main sur ses lèvres et la regarda, hésitante, avant d’ajouter :

— Tu me diras ce que tu veux, je sais qu’elle compte beaucoup pour toi. Dans la vie, soit on reste sur le banc de touche, soit on prend le taureau par les cornes. Réfléchis bien Kat, une chance comme celle-là, c’est rare.

Kat fut surprise de sentir une boule venir obstruer sa gorge, et la seule chose qu’elle parvint à faire, ce fut de hocher doucement la tête. Chloé lui sourit avant de contourner la table et de nouveau serrer la main d’Elysia.

— Merci encore, vraiment, lui dit-elle sincèrement avant de se diriger vers la porte, disparaissant derrière le battant après un dernier signe de la main.

Kat reporta son attention sur Elysia et le regard que cette dernière lui offrit fut très loin d’être accueillant, si bien que Kat eut l’impression que la température de la pièce venait encore de baisser. Elle s’apprêtait à prendre la parole lorsqu’Elysia passa devant elle en coup de vent et s’empara de son sac à main situé sur la table de la cuisine.

— Je vais te ramener, lâcha-t-elle sans la regarder.

La bouche de Kat se referma dans un claquement et elle l’observa, interdite.

Et elle qui s’apprêtait à penser que ça aurait pu être pire.

Stupides hormones ?

💕

Elysia était jalouse.

Il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour le deviner lorsque sa poitrine s’était compressée et que son cœur s’était douloureusement serré quand Chloé était apparue dans son champ de vision.

Jalouse. Jalouse. Jalouse.

Elle se détestait pour ça, mais ne pouvait pas s’en empêcher. Et le fait que Chloé soit une jeune femme adorable et qu’elle ait été d’un grand soutien pour Kat ne l’aidait pas du tout.

Elle ne pouvait pas la détester.

Merde.

Pourtant, elle savait que le lien qui les unissait ne dépassait pas celui de l’amitié, mais c’était plus fort qu’elle. Elle savait ce qu’elles avaient partagé — ce qu’elles partageaient encore — et, bien que cela ne lui aurait posé aucun problème là-haut, ça semblait la chagriner ici.

Y penser lui fut tellement insupportable que les mots quittèrent sa bouche sans qu’elle ne s’en rende réellement compte :

— Je vais te ramener.

Elle avait à peine sorti les clés de son sac à main qu’un rire dénué d’humour lui parvint. Elle releva la tête, surprise.

— Tu es la dernière personne dont je me serais attendu à un tel comportement.

Elysia fronça les sourcils, confuse.

— Quoi ? demanda-t-elle tout en reposant son sac à main.

— Qu’est-ce qui te dérange le plus ? lui demanda Kat, le ton amer. Que Chloé soit une escorte, ou que ce soit une femme ?

Elysia la dévisagea, incrédule.

— Quoi ? Aucun. Pourq —

— Vraiment ? l’interrompit Kat, sceptique. C’est quoi le problème, alors ? Parce que visiblement, il y en a un. Et à part ces deux-là, je vois pas.

Elysia serra les dents de frustration, puis elle avança jusqu’à la table basse et ramassa le livre que Kat n’avait jusqu’à présent pas remarqué.

— Ceci devrait te convaincre que ton homosexualité ne me pose pas de problèmes, dit-elle en lui lançant le bouquin à la poitrine. Même si je n’arrive pas à croire que tu puisses avoir une aussi petite estime de moi.

Kat baissa les yeux vers le livre, et un air coupable se dessina sur ses traits. 96 heures de Georgia Beers. Le seul livre dont elle n’ait jamais parlé à Elysia. 100% lesbien.

Elle se passa une main sur le visage tout en soupirant.

— Très bien. C’est quoi le problème, alors ? demanda-t-elle, soudainement lasse.

Elysia baissa les yeux vers ses mains avant de marmonner.

— Rien.

Kat laissa retomber ses bras.

— Je t’en prie, vu ta façon de te comporter, ça n’avait pas l’air d’être « rien ».

Son ton légèrement agacé poussa finalement Elysia à bout, et elle lâcha, à son tour énervée :

— Si le fait que Chloé soit une escorte me dérangeait, tu penses vraiment que je me serais proposé de l’embaucher ? s’exclama-t-elle en écartant les bras.

Sa main vint heurter la lampe qui reposait sur le meuble juste à côté du canapé et elle s’écrasa sur le sol avec fracas. L’ampoule explosa dans un flash et Elysia sursauta, surprise de sentir Kat la tirer légèrement par le bras afin de l’éloigner.

— Ça va ? demanda Kat, soudainement près d’elle.

Elysia cligna des yeux à plusieurs reprises, l’éclat de l’ampoule ayant provoqué des points lumineux dans son champ de vision. Elle baissa le regard vers sa main et Kat la prit doucement entre les siennes, remarquant qu’elle saignait légèrement. Elle avait dû se blesser en heurtant l’auvent de la lampe.

Kat l’entraîna dans la cuisine, prenant bien soin d’éviter les morceaux de porcelaine qui recouvraient le sol, puis jusqu’à l’évier.

Elle ouvrit le robinet et Elysia fit passer son doigt sous l’eau afin de nettoyer la plaie.

— Trousse de secours ? demanda Kat.

Elysia désigna par-dessus son épaule.

— Dans la salle de bains. Première porte à l’étage.

Kat réapparut quelques minutes plus tard avec une pelle et une balayette qu’elle déposa sur le sol avant de rejoindre Elysia dans la cuisine. Doucement, elle s’empara de nouveau de sa main et recouvrit son doigt d’un pansement à l’effigie d’Hello Kitty.

Elysia haussa un sourcil.

— Je suis quasiment sûre qu’il y avait une boîte de pansements standards dans la trousse. C’était vraiment nécessaire ?

Kat haussa les épaules, un léger sourire au coin des lèvres, avant de reporter son attention sur le sol. Elle se passa une main sur la nuque, l’air coupable.

— Je suis désolée pour... pour ce que j’ai insinué tout à l’heure, s’excusa-t-elle. J’ai dépassé les bornes. 

Elysia s’empara gentiment de son menton afin de tourner son visage vers le sien.

— Non, je suis désolée. Je me suis comportée comme une... comme une idiote.

Kat haussa les sourcils.

— C’est-à-dire ?

Elysia put facilement lire l’espoir sur son visage et elle parcourut les quelques centimètres qui les séparaient avant de se glisser dans ses bras, redoutant un instant que Kat la repousse lorsque cette dernière se figea, avant de relâcher un soupir de soulagement lorsqu’elle se détendit.

— C’est-à-dire que je n’ai aucun problème avec ton homosexualité, ou le fait que tu aies... que tu fréquentes une escorte. Ça m’a… ça m’a prise par surprise, c’est tout.

Elysia grimaça intérieurement face à sa demi-admission, mais elle ne pouvait pas faire mieux pour le moment. Elle ne se voyait pas avouer à Kat une chose qu’elle n’était pas sûre d’accepter elle-même.

Kat la serra contre elle et Elysia frissonna lorsqu’elle sentit son souffle chaud contre son oreille.

— Tu avais raison. J’ai fréquenté. Tout ça, c’est terminé désormais. Chloé est une amie.

Elysia laissa courir ses doigts contre l’épaule de Kat avant de lever les yeux vers elle.

— Pourquoi est-ce que tu ne m’as jamais dit que tu fréquentais ce genre d’agence ?

Kat resta silencieuse et lorsqu’Elysia commença à se faire à l’idée qu’elle ne répondrait pas, Kat soupira :

— Tout comme je ne t’ai rien dit au sujet de ma condamnation, répondit-elle. Il y a beaucoup de choses dont je ne suis pas fière dans ma vie, Ely.

Elysia plongea aussitôt son regard dans celui de Kat.

— Tu n’as aucune raison d’en avoir honte, Kat. Pas avec moi.

Kat détourna les yeux, et au vu de sa façon de contracter la mâchoire, Elysia sut qu’elle luttait contre l’émotion. Ce n’était pas grave, elle n’attendait pas de réponse. Après un léger baiser sur sa joue, elle décida de détendre l’atmosphère.

Elles en avaient autant besoin l’une que l’autre.

— Bon, je n’ai pas beaucoup de DVD, et ils sont très certainement moins passionnants que les tiens, mais j’ai le câble ; ça te tente ?

Kat l’observa avant d’afficher un petit sourire. Elle hocha la tête.

— On mange avant ? demanda Elysia. Ou pendant ?

— Pendant, répondit aussitôt Kat. Pizza ?

— Tu lis dans mes pensées, sourit Elysia en s’emparant du téléphone pour passer la commande.

Elle commençait à composer le numéro lorsque Kat posa une main sur la sienne. Elle lui offrit un regard interrogateur.

— Merci de l’avoir aidé, répondit sincèrement Kat. Là où je n’ai pas pu.

— Tu l’as conduite jusqu’à moi, dit Elysia en prenant sa main dans la sienne. Bien sûr que tu l’as aidé.

Un petit sourire étira les lèvres de Kat tandis qu’elle secouait légèrement la tête.

— Il faut toujours que tu voies le bon côté des choses, hein ? demanda-t-elle.

— Eh bien... c’est toujours mieux de voir le verre à moitié plein, qu’à moitié vide, non ? la taquina Elysia. Maintenant, file nous dégotter un film parce que je n’ai pas eu ma dose pendant quatre jours, et je suis incroyablement en manque.

Kat prit la direction du salon, un rire s’échappant de ses lèvres. Elle choisit cependant de ramasser les restes de la lampe avant de prendre place sur le canapé.

— Et, Ely ? appela-t-elle par-dessus son épaule tandis qu’elle s’accroupissait et saisissait la pelle. Passe rapidement la commande alors, parce que tu m’as manquée aussi.

Elysia sentit son cœur manquer un battement et ce fut avec un empressement difficilement dissimulé qu’elle coopéra.

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