Chapitre 4 : Le Royaume des Mille et Une Nuits.
La semaine suivante, elles arrivèrent au Harem de Farah, où l’un des nombreux soldats gardant l’entrée principale leur demanda d’attendre sur un large perron qui menait au vestibule d’entrée.
– Y a pas de doute, y en a qui savent vraiment tirer parti de la guerre, remarqua Allison d’un ton admiratif, les yeux rivés sur le palais et les immenses statues qui l’entouraient. Tu sais, si elle est aussi belle qu’on le dit, j’aurais presque envie de devenir l’une de ses femmes, taquina-t-elle.
Soann roula des yeux.
– Ça je te laisserais en juger par toi-même, ironisa-t-elle.
– Hmm, elle te laisse insensible, c’est mauvais signe, soupira Allison, feignant un air dépité.
Soann soupira.
– J’ai jamais dit ça, faut aimer le genre dictateur, c’est tout.
Allison fit mine de sortir un calepin de sa poche et décrire dessus :
– Dictateur : non ! C’est noté, chef, sourit-elle fièrement.
– Je ne savais pas que mes préférences amoureuses t’intéressaient tant, rétorqua Soann, mi-amusée, mi-blasée.
Elle sentit un souffle chaud contre son oreille avant que la voix d’Allison ne lui parvienne :
– On est parti pour passer de longs mois ensemble, si j’ai la moindre chance, j’aime le savoir, taquina-t-elle. Au fait, tu ne m’a pas dit comment tu comptais t’y prendre pour pousser notre chère souveraine à coopérer ?
Soann eut besoin de quelques secondes pour retrouver ses esprits, et permettre à son visage de retrouver une teinte normale. Elle se racla finalement la gorge :
– Elle a une dette envers moi.
Allison haussa les sourcils.
– Wow. Je me serais attendue à tout sauf à ça. Comment t’as fait ton coup ?
– J’ai pas fait grand-chose, répondit Soann en haussant les épaules. Je l’ai trouvé au beau milieu du désert peu après avoir mis en place le pénitencier, une vilaine blessure à l’abdomen et sévèrement déshydratée. Je l’ai soignée et une fois remise sur pied, elle m’a juré qu’elle me renverrait la pareille. Je ne pensais pas avoir à lui en faire la réclamation un jour mais...
– Mais ça va nous être bien utile, conclut Allison, levant la tête lorsqu’une femme vêtue d’une armure en cuir, d’un tulle argenté et d’une longue épée attachée à la ceinture s’approcha d’elles.
Elle se mit à parler d’une voix grave :
– A l'époque des dieux de la mythologie, des seigneurs de la guerre, et des rois de légendes. Un pays en plein désordre demandait un héros. Alors survint...
Elle vit Soann qui l’observait comme si elle avait perdu l’esprit et elle haussa les épaules.
– Quoi ? Je t’en prie, tu ne peux pas dire qu’elle ne ressemble pas à Xena !
Soann secoua la tête mais retint néanmoins difficilement un sourire. Elles s’inclinèrent lorsque Farah s’arrêta devant elles.
– Souveraine, salua Soann avec respect.
Farah hocha légèrement la tête en réponse.
– Soann. Après la destruction du pénitencier, je ne m’attendais plus à te voir.
Elle détailla Allison de la tête aux pieds avant d’ajouter :
– Qui plus est en compagnie de la fille du chef d'état-major des armées. Que me vaut l’honneur d’une telle visite ?
Soann se redressa et essuya discrètement ses mains sur son jean avant de répondre :
– Tu te souviens de ce service que tu me dois ?
Elle prit une profonde inspiration avant d’ajouter, ignorant le sourcil relevé de Farah :
– J’en aurais besoin. Maintenant.
💕
Assises sur un banc en marbre dans le hall de l’entrée, Soann et Allison observaient silencieusement Farah tandis qu’elle arpentait la pièce en réfléchissant, le visage si impassible qu’aucune ne pouvait dire si elle était hors d’elle ou non.
– Laisse-moi résumer, déclara-t-elle enfin. Tu cherches un frère que tu n’as pas revu depuis plus de dix ans.
– Oui.
– Et... Allison t’aide à le retrouver grâce à ses aptitudes pour le pistage.
– C’est ça.
Farah hocha légèrement la tête.
– Et il s’avère que la dernière personne l’ayant vu vivant se trouve ici et qu’elle est la mère de son fils, dit-elle en s’arrêtant devant elles. Celle-là même qui a poussé tes amies à enfreindre mes règles juste pour lui parler.
Soann grimaça intérieurement.
– C’est ça, répéta-t-elle lamentablement.
– Hmm. Et tu voudrais que je te laisse lui parler parce que tu m’as sauvée la vie par le passé.
Soann se passa une main sur le visage.
– Dis comme ça, on dirait du chantage, soupira-t-elle avant de lever les yeux vers Farah. Je veux juste retrouver mon frère, et elle peut peut-être m’y aider. Je n’ai même pas besoin de lui parler moi-même, tu peux lui montrer les portraits robots et lui demander toi.
Farah plissa des yeux, l’air menaçant.
– Tu veux que je l’interroge, explicita-t-elle, croisant les bras sur sa poitrine. Et qu’en plus, je lui montre des clichés d’un ancien amant.
A côté d’elle, Soann put sentir Allison rentrer la tête dans les épaules et elle grimaça à nouveau. Elle fut cependant surprise d’entendre Farah ajouter :
– Oublie les clichés. Suivez-moi.
Construit au cœur d’une immense beauté architecturale, le harem de Farah était composé de couloirs obscurs, de cours exiguës, d'escaliers dérobés, et de petites salles aménagés autour d’un immense bassin naturel enveloppé de verdure et d’une imposante caverne naturelle creusée dans un rocher. Soann fut cependant surprise de voir qu’elles quittaient le bâtiment commun du rez-de-chaussée pour rejoindre une suite au premier étage.
Allison sembla sentir sa confusion.
– Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle.
– Seules les favorites sont installées à l’étage, répondit Soann. Celles qui partagent la couche impériale.
– Oh. Wow, la vile chanceuse, semblerait qu’elle ait reçu une promotion !
Soann haussa les sourcils et Allison articula silencieusement « je t’en prie, avec des fesses pareille, je tuerais pour partager son lit ! »
Soann se sentit rougir et sursauta lorsque Farah s’arrêta soudainement devant une entrée à double porte.
– Tu as cinq minutes, précisa-t-elle avant de poser une main contre la poitrine d’Allison lorsqu’elle voulut la suivre. Seule.
Soann acquiesça avant d’entrer à l’intérieur.
💕
La porte refermée, Farah avait pris place sur la banquette longeant le mur après avoir invité Allison à l’y rejoindre. Il n’avait fallu à cette dernière que quelques secondes pour réaliser que malgré le mur qui les séparaient, elles percevaient néanmoins aisément la conversation qui se tenait à l’intérieur.
Allison n’eut pas besoin d’être un génie pour savoir que Farah l’avait fait exprès.
Pourtant, en tant que fille du chef d'état-major des armées, elle-même responsable d’une centaine de soldats, elle comptait bien tirer parti de la situation elle aussi.
Elle prit une profonde inspiration avant de tourner la tête vers Farah.
– D’après Soann, vous n’êtes pas alliée avec L’Elite mais vous leur offrez des soirées divertissantes en échange de femmes.
Farah plissa légèrement les yeux.
– Et vous vous permettez de tels propos parce que... ?
Allison décida d’ignorer la menace sous-jacente.
– Vous savez qui je suis, vous pensez réellement que j’allais rester assise, là, à attendre que le temps passe ?
– Qu’est-ce que vous voulez ? se contenta de rétorquer Farah.
– Vous possédez votre propre armée. Et je ne pense pas vous surprendre en vous disant que la guerre est proche.
– En effet, répliqua Farah. Et on gagnerait du temps si vous alliez droit au but.
Allison afficha un léger sourire. Elle adorait les femmes de pouvoirs, elles avaient quelque chose de terriblement excitant.
– Nous savons toutes les deux que le moment venu, vous allez devoir faire un choix. L’Elite voudra se rallier à vous et si vous refusez, elle vous écrasera aussitôt. Je peux vous proposer une protection de l’armée.
– En échange d’une alliance ?
Allison secoua la tête.
– Non, même si je vous conseillerais grandement de vous joindre à nous le jour venu. Je peux vous promettre une protection contre l’ennemi, en échange de la femme située de l’autre côté de cette porte.
La réponse fut si longue à arriver qu’Allison était persuadée qu’elle n’arriverait plus.
– C’est une demande osée, remarqua Farah tout en l’observant intensément Et quand bien même j’accepterais, il me faudrait des garanties.
– La protection avant la fille, rétorqua aussitôt Allison. Je n’ai qu’un mot à dire et un premier bataillon peut être là d’ici une semaine.
Des bruits de voix se rapprochèrent des doubles portes mais Farah les ignora. Elle plissa légèrement des yeux.
– J’y réfléchirai, répondit-elle finalement, juste avant que la porte ne s’ouvre.
Même si elle le masqua rapidement, Allison sut aussitôt à l’air déconfit de Soann que la conversation n’avait pas porté ses fruits.
Elle avait plus qu’à espérer pour que Farah, au moins, accepte sa proposition.