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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Mises à jour !

Nouveauté :
  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

Projets en cours :
  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

8 avril 2015

Chapitre 4 : Le Royaume des Mille et Une Nuits.

La semaine suivante, elles arrivèrent au Harem de Farah, où l’un des nombreux soldats gardant l’entrée principale leur demanda d’attendre sur un large perron qui menait au vestibule d’entrée.

   – Y a pas de doute, y en a qui savent vraiment tirer parti de la guerre, remarqua Allison d’un ton admiratif, les yeux rivés sur le palais et les immenses statues qui l’entouraient. Tu sais, si elle est aussi belle qu’on le dit, j’aurais presque envie de devenir l’une de ses femmes, taquina-t-elle.

   Soann roula des yeux.

  – Ça je te laisserais en juger par toi-même, ironisa-t-elle.

   – Hmm, elle te laisse insensible, c’est mauvais signe, soupira Allison, feignant un air dépité.

   Soann soupira.

   – J’ai jamais dit ça, faut aimer le genre dictateur, c’est tout.

   Allison fit mine de sortir un calepin de sa poche et décrire dessus :

   – Dictateur : non ! C’est noté, chef, sourit-elle fièrement.

   – Je ne savais pas que mes préférences amoureuses t’intéressaient tant, rétorqua Soann, mi-amusée, mi-blasée.   

   Elle sentit un souffle chaud contre son oreille avant que la voix d’Allison ne lui parvienne :

   – On est parti pour passer de longs mois ensemble, si j’ai la moindre chance, j’aime le savoir, taquina-t-elle. Au fait, tu ne m’a pas dit comment tu comptais t’y prendre pour pousser notre chère souveraine à coopérer ?

   Soann eut besoin de quelques secondes pour retrouver ses esprits, et permettre à son visage de retrouver une teinte normale. Elle se racla finalement la gorge :

   – Elle a une dette envers moi.

   Allison haussa les sourcils.

   – Wow. Je me serais attendue à tout sauf à ça. Comment t’as fait ton coup ?

   – J’ai pas fait grand-chose, répondit Soann en haussant les épaules. Je l’ai trouvé au beau milieu du désert peu après avoir mis en place le pénitencier, une vilaine blessure à l’abdomen et sévèrement déshydratée. Je l’ai soignée et une fois remise sur pied, elle m’a juré qu’elle me renverrait la pareille. Je ne pensais pas avoir à lui en faire la réclamation un jour mais...

   – Mais ça va nous être bien utile, conclut Allison, levant la tête lorsqu’une femme vêtue d’une armure en cuir, d’un tulle argenté et d’une longue épée attachée à la ceinture s’approcha d’elles.

   Elle se mit à parler d’une voix grave :

   – A l'époque des dieux de la mythologie, des seigneurs de la guerre, et des rois de légendes. Un pays en plein désordre demandait un héros. Alors survint...

   Elle vit Soann qui l’observait comme si elle avait perdu l’esprit et elle haussa les épaules.

   – Quoi ? Je t’en prie, tu ne peux pas dire qu’elle ne ressemble pas à Xena !

   Soann secoua la tête mais retint néanmoins difficilement un sourire. Elles s’inclinèrent lorsque Farah s’arrêta devant elles.

   – Souveraine, salua Soann avec respect.

   Farah hocha légèrement la tête en réponse.

   – Soann. Après la destruction du pénitencier, je ne m’attendais plus à te voir.

   Elle détailla Allison de la tête aux pieds avant d’ajouter :

   – Qui plus est en compagnie de la fille du chef d'état-major des armées. Que me vaut l’honneur d’une telle visite ?

   Soann se redressa et essuya discrètement ses mains sur son jean avant de répondre :

   – Tu te souviens de ce service que tu me dois ?

   Elle prit une profonde inspiration avant d’ajouter, ignorant le sourcil relevé de Farah :

   – J’en aurais besoin. Maintenant. 

💕

   Assises sur un banc en marbre dans le hall de l’entrée, Soann et Allison observaient silencieusement Farah tandis qu’elle arpentait la pièce en réfléchissant, le visage si impassible qu’aucune ne pouvait dire si elle était hors d’elle ou non.

   – Laisse-moi résumer, déclara-t-elle enfin. Tu cherches un frère que tu n’as pas revu depuis plus de dix ans.

   – Oui.

   – Et... Allison t’aide à le retrouver grâce à ses aptitudes pour le pistage.

   – C’est ça.

   Farah hocha légèrement la tête.

   – Et il s’avère que la dernière personne l’ayant vu vivant se trouve ici et qu’elle est la mère de son fils, dit-elle en s’arrêtant devant elles. Celle-là même qui a poussé tes amies à enfreindre mes règles juste pour lui parler.

   Soann grimaça intérieurement.

   – C’est ça, répéta-t-elle lamentablement.

   – Hmm. Et tu voudrais que je te laisse lui parler parce que tu m’as sauvée la vie par le passé.

   Soann se passa une main sur le visage.

   – Dis comme ça, on dirait du chantage, soupira-t-elle avant de lever les yeux vers Farah. Je veux juste retrouver mon frère, et elle peut peut-être m’y aider. Je n’ai même pas besoin de lui parler moi-même, tu peux lui montrer les portraits robots et lui demander toi.

Farah plissa des yeux, l’air menaçant.

   – Tu veux que je l’interroge, explicita-t-elle, croisant les bras sur sa poitrine. Et qu’en plus, je lui montre des clichés d’un ancien amant.

   A côté d’elle, Soann put sentir Allison rentrer la tête dans les épaules et elle grimaça à nouveau. Elle fut cependant surprise d’entendre Farah ajouter :

   – Oublie les clichés. Suivez-moi.

   Construit au cœur d’une immense beauté architecturale, le harem de Farah était composé de couloirs obscurs, de cours exiguës, d'escaliers dérobés, et de petites salles aménagés autour d’un immense bassin naturel enveloppé de verdure et d’une imposante caverne naturelle creusée dans un rocher. Soann fut cependant surprise de voir qu’elles quittaient le bâtiment commun du rez-de-chaussée pour rejoindre une suite au premier étage.

   Allison sembla sentir sa confusion.

   – Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle.

   – Seules les favorites sont installées à l’étage, répondit Soann. Celles qui partagent la couche impériale.

   – Oh. Wow, la vile chanceuse, semblerait qu’elle ait reçu une promotion !

   Soann haussa les sourcils et Allison articula silencieusement « je t’en prie, avec des fesses pareille, je tuerais pour partager son lit ! »

   Soann se sentit rougir et sursauta lorsque Farah s’arrêta soudainement devant une entrée à double porte.

   – Tu as cinq minutes, précisa-t-elle avant de poser une main contre la poitrine d’Allison lorsqu’elle voulut la suivre. Seule.

   Soann acquiesça avant d’entrer à l’intérieur.

💕

   La porte refermée, Farah avait pris place sur la banquette longeant le mur après avoir invité Allison à l’y rejoindre. Il n’avait fallu à cette dernière que quelques secondes pour réaliser que malgré le mur qui les séparaient, elles percevaient néanmoins aisément la conversation qui se tenait à l’intérieur.  

   Allison n’eut pas besoin d’être un génie pour savoir que Farah l’avait fait exprès.

   Pourtant, en tant que fille du chef d'état-major des armées, elle-même responsable d’une centaine de soldats, elle comptait bien tirer parti de la situation elle aussi.

   Elle prit une profonde inspiration avant de tourner la tête vers Farah.

   – D’après Soann, vous n’êtes pas alliée avec L’Elite mais vous leur offrez des soirées divertissantes en échange de femmes.

Farah plissa légèrement les yeux.

   – Et vous vous permettez de tels propos parce que... ?

   Allison décida d’ignorer la menace sous-jacente.

   – Vous savez qui je suis, vous pensez réellement que j’allais rester assise, là, à attendre que le temps passe ?

   – Qu’est-ce que vous voulez ? se contenta de rétorquer Farah.

   – Vous possédez votre propre armée. Et je ne pense pas vous surprendre en vous disant que la guerre est proche. 

   – En effet, répliqua Farah. Et on gagnerait du temps si vous alliez droit au but.

   Allison afficha un léger sourire. Elle adorait les femmes de pouvoirs, elles avaient quelque chose de terriblement excitant.

   – Nous savons toutes les deux que le moment venu, vous allez devoir faire un choix. L’Elite voudra se rallier à vous et si vous refusez, elle vous écrasera aussitôt. Je peux vous proposer une protection de l’armée.

   – En échange d’une alliance ?

   Allison secoua la tête.

   – Non, même si je vous conseillerais grandement de vous joindre à nous le jour venu. Je peux vous promettre une protection contre l’ennemi, en échange de la femme située de l’autre côté de cette porte.

   La réponse fut si longue à arriver qu’Allison était persuadée qu’elle n’arriverait plus.

   – C’est une demande osée, remarqua Farah tout en l’observant intensément Et quand bien même j’accepterais, il me faudrait des garanties.

   – La protection avant la fille, rétorqua aussitôt Allison. Je n’ai qu’un mot à dire et un premier bataillon peut être là d’ici une semaine.

   Des bruits de voix se rapprochèrent des doubles portes  mais Farah les ignora. Elle plissa légèrement des yeux.

   – J’y réfléchirai, répondit-elle finalement, juste avant que la porte ne s’ouvre.

   Même si elle le masqua rapidement, Allison sut aussitôt à l’air déconfit de Soann que la conversation n’avait pas porté ses fruits.

   Elle avait plus qu’à espérer pour que Farah, au moins, accepte sa proposition.

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8 avril 2015

Chapitre 3 : A la Recherche de l’Epingle dans la Botte de Foin

Quand Allison regagna le char ce soir-là, ses chaussures et son pantalon étaient trempés mais grâce aux pouvoirs de Neva, elle ne sentait rien. Au contraire, elle avait pris du plaisir à entendre le bruit de la neige qui craquait sous ses pas alors qu’elle passait la ville au peigne fin, et s’était même plusieurs fois surprise à renverser la tête en arrière pour observer les flocons de neige qui tourbillonnaient.

   Une fois à l’intérieur du véhicule, une vague de culpabilité la submergea cependant d’avoir laissé Soann seule aussi longtemps et elle retira son manteau d’hiver avant de venir prendre place à ses côtés.

   – Mince, j’ai oublié qu’il pouvait faire si froid à l’intérieur, s’excusa-t-elle, prenant les mains de Soann dans les siennes afin de les réchauffer. Ça va ?

   Soann hocha la tête. Entre ses vêtements d’hiver et les couvertures polaires, elle n’avait pas eu si froid que ça. C’était surtout le fait d’attendre sans pouvoir bouger qui l’avait rendue folle.

   – Alors ? demanda-t-elle, incapable de patienter plus longtemps

   – J’ai repéré deux appartements dans lesquels Mathis a apparemment vécu, mais aucune trace de ton frère, répondit Allison dans un air désolé.

   Soann hocha la tête, compréhensive.

   – Je m’en doutais. Mathis n’a jamais connu son père, et si j’en crois ce que m’a dit Neva, sa mère n’était pas du genre à s’investir amoureusement parlant, ironisa-t-elle. 

   – Hmm. On devrait atteindre les terres arides d’ici trois à quatre semaines, tu pourras interroger les habitants pendant que je piste la trace de ton frère.

   – On ne va pas pouvoir s’y rendre avec le char, remarqua Soann. On va se faire repérer trop facilement.

   Allison secoua négativement la tête.

   – Aucune chance, mon bébé est invisible, sourit-elle dans un clin d’œil, caressant le tableau de bord avec affection.

   – Invisible ? rétorqua Soann, dubitative. Si le char est invisible... comment se fait-il qu’on puisse toujours se voir ?

   Allison se mordit l’intérieur de la joue, pensive.

   – Tu connais Harry Potter ? demanda-t-elle inquisitrice. Tu sais, Poudlard, Dumbledore...

   Elle s’interrompit lorsque Soann lui offrit un regard appuyé.

   – Harry Potter possédait une cape d’invisibilité qui lui permettait de se rendre invisible aux yeux de tous, mais lui pouvait toujours se voir à l’intérieur de la cape. Eh bien là, c’est pareil. C’est comme si le char tout en entier avait été recouvert de sa cape, sourit-elle, fière de son analogie.

   – Donc le bruit, les odeurs... tout ça reste quand même repérable ? conclut Soann.

   Allison hocha la tête, un soupir s’échappant de ses lèvres.

   – Malheureusement oui, n’importe qui soupçonnant notre présence peut nous toucher mais bon, c’est quand même mieux que rien, non ?

   – Hmm. Pistage, invisibilité... il y a encore d’autres pouvoir que tu possèdes ?

   Allison se mordit la lèvre.

   – J’aime en général jouer la carte du mystère, mais... Je suis un peu comme... un caméléon ? Je copie les pouvoirs des autres et me les approprie, expliqua-t-elle avant de désigner les mains de Soann. Tu peux d’ailleurs retirer tes gants, aucun risque de m’électrocuter, dit-elle tout en faisant apparaître des petits éclairs d'électricité entre ses doigts.

   Elle reprit plus sérieusement lorsque Soann l’observa bêtement :

   – June m’a dit que tu t’interdisais de toucher les gens à cause de ça. Excepté Mathis, sourit-elle furtivement. Tu peux me toucher si tu veux. Enfin, en tout bien tout honneur, bien sûr, taquina-t-elle.

   Soann retira ses gants et sursauta quand Allison s’empara aussitôt de l’une de ses mains. Le bout de ses doigts contre les siens lui fit l’effet d’une décharge électrique comme jamais elle n’en avait connu avant, et quand Allison afficha un sourire, Soann se sentit presque pousser des ailes.

   Elle avait l’impression de vraiment respirer pour la première fois.

💕

   Comme prévu, elles atteignirent les terres arides quatre semaines plus tard. Principalement parce que même si le char pouvait atteindre les 70km/h, il était toutefois plus sûr d'adopter une vitesse de croisière allant de 25 à 30 km/h. Sans compter qu’elles devaient également faire attention à bien gérer leur consommation d’essence. Plus elles allaient vite, plus elles risquaient de tomber en panne dans un endroit dépourvu de bases militaires.

   Après discussion, elles avaient décidé de s’arrêter au harem avant d’envisager de s’enfoncer un peu plus dans le Mexique, et, en attendant, Allison sillonnait chacune des villes qu’elles croisaient dans l’espoir de relever la moindre odeur pendant que Soann montrait les différents portraits-robots de son frère aux passants. 

   Le soleil était déjà bas dans le ciel quand elles se retrouvèrent près du char.

   – Alors ? demanda Allison tout en débarrassant du foulard qui la protégeait du soleil et du sable.

   – Rien, soupira Soann, ses longs cheveux flottant autour de son visage. Toi ?

   – Nada, nix, zilch, répondit Allison avant de regarder autour d’elle. On ferait bien d’installer la tente et d’allumer un feu avant qu’il ne fasse nuit. Je ne sais pas toi, mais je meurs d’envie de goûter les mangues et les bananes qu’on a trouvées.

   Le ventre de Soann grogna rien qu’à l’idée et elles se mirent aussitôt au travail. Deux heures plus tard, elles étaient allongées sur de fines paillasses à observer les étoiles.

   Allison se tourna sur le côté et prit appui sur un coude.

   – Dis, je pensais à un truc tout à l’heure ; t’as un petit côté Pocahontas, tu sais ? dit-elle tout en admirant le profil de Soann. Les longs cheveux bruns, les yeux gris sombres, les pommettes saillantes, le teint mat...

   – ... et elle a été nommée Pocahontas pour son espièglerie, sans compter que son père était le chef de l'empire Powhatan, renchérit aussitôt Soann, un sourire amusé au coin des lèvres. Tu es beaucoup plus Pocahontas que moi.

   Allison secoua négativement la tête.

   – Non, j’ai la peau beaucoup trop claire. Et les cheveux légèrement bouclés. Et les yeux whisky. Comme...

   – Blanche neige.

   Allison porta une main à ses lèvres avant d’éclater de rire.

   – Quoi ? demanda Soann, surprise.

   – Rien, répondit Allison, la larme à l’œil. Je me disais juste que contrairement à elle, j’avais bien plus que sept nains ! rit-elle à nouveau en pensant aux soldats qu’elle avait sous ses ordres. Et j’ai pas de méchante reine qui veuille ma mort. Ni de prince charmant.

   – L’un comme l’autre sont tout aussi bien si tu veux mon avis.

   Allison haussa des épaules.

   – Bon, tu serais plutôt qui alors si t’es pas Pocahontas ?

   Soann plissa des yeux, réfléchissant un instant.

   – Cléopâtre.

   – Oh la femme de caractère, séductrice, ambitieuse et étrangère, ronronna Allison. Ça te correspond peut-être mieux, vu que tu étais à la tête du refuge du pénitencier Severide. Mais si tu as une sexualité dépravée, je te préviens, je préfère ne pas savoir, précisa-t-elle avant de lâcher un cri lorsque Soann la pinça au niveau des côtes.

   Elles rirent un instant avant qu’Allison ne demande plus sérieusement.

   – Mon père était déçu d’apprendre que tu avais refusé le grade d’officier, tu sais. Les Arcans te font confiance, ils t’auraient suivie n’importe où.

   – Ils ont confiance en l’armée aujourd’hui, répondit Soann en haussant les épaules. Et puis, diriger ce n’est pas mon truc. Au pénitencier, je ne faisais que maintenir l’ordre. Il aurait dû offrir le poste à June, elle a de bonnes qualités de meneuse.

   – Oh il l’a fait, juste après que tu aies refusé.

   Soann haussa les sourcils de surprise. June ne lui avait rien dit.

   – Et ?

   – Elle a refusé. Je crois qu’elle a déjà les mains pleines avec Mia. La pauvre, il va visiblement lui falloir encore un peu de temps avant qu’elle ne maîtrise pleinement son pouvoir, frissonna-t-elle.

   Soann s’apprêtait à acquiescer lorsqu’un déclic se fit dans sa tête. Elle se redressa soudainement. 

   – Attends, tu m’as dit que tu copiais les pouvoirs des autres, c’est bien ça ? demanda-t-elle, le regard rivé sur Allison. Donc tu dois avoir les mêmes capacités que Mia...

   Allison secoua aussitôt la tête.

   – Oh non, non, non. Je n’ai rien contre elle, mais je préfère l’éviter comme la peste. J’ai aucun envie de devenir une bombe atomique.

   Le rire de Soann la fit prendre conscience du double sens de ses paroles et elle se couvrit le visage de ses mains, les joues rougies.

   – Bref, tu as compris ce que je voulais dire, rit-elle à son tour.

   Soann se rallongea à ses côtés avant de reprendre plus sérieusement :

   – Tu peux te rendre invisible. Couple ça avec le pouvoir de Mia, et tu pourrais...

   – Faire sauter les centres de l’Elite ? On y a déjà pensé. Surtout que je pourrais également rendre Mia invisible. A nous deux, on offre un sacré avantage à l’armée, hein ? Mais crois-le ou non, l’idée est très loin de réjouir mon père et encore plus loin de réjouir Neva.

   Ça, Soann pouvait le comprendre.

   – Mais toi, qu’est-ce que tu en penses ? demanda-t-elle en lui faisant face.

   Allison la regarda dans les yeux.

   – Que le moment venu, l’armée pourra définitivement compter sur moi.

8 avril 2015

Chapitre 2 : Dans les Entrailles de la Bête

Installée sur un siège étroit, Soann observait les nombreux cadrans, l’espèce de frein à main et les quelques manettes qui constituaient le tableau de bord. Devant elle s’ouvrait une mince fente de visée, de même que sur les côtés et elle essayait tant bien  que mal de ne pas se laisser envahir par le sentiment de claustrophobie que lui inspirait l’habitacle.

Elle tourna la tête lorsqu’Allison prit place à côté d’elle et l’observa positionner une lampe sous son menton de façon à éclairer son visage par le dessous. Elle imita une voix d’outre-tombe :

– Bienvenue dans les entrailles de la bête.

Amusée, Soann afficha l’un de ses rares sourires et Allison feignit un air surpris, clignant des yeux tout en portant une main à sa poitrine.

– Mais regardez-moi ça, elle sait sourire ! taquina-t-elle.

Soann leva les yeux au ciel.

– Oui eh bien ne t’y habitue pas trop, répondit-elle, le soupçon de son sourire néanmoins toujours présent sur ses lèvres.

– Chef oui Chef ! rétorqua Allison tout en tournant la clé du démarreur.

Un grondement sourd emplit la cabine et elle écrasa ensuite la pédale d’embrayage, l’engin faisant un léger bond en avant, avant de glisser sur le sol, obéissant aux leviers commandant les chenilles et la direction qu’Allison manipulait.

– Tu penses pouvoir manier la tourelle ? demanda-t-elle après quelques minutes de silence.

– La quoi ? répondit Soann en regardant autour d’elle.

Allison retint difficilement un rire.

– Le long tube du canon ? Celui qui nous sert à tirer les obus ? taquina-t-elle. Si l’ennemie nous tombe dessus, l’une devra conduire pendant que l’autre tire. Je te montrerai comment ouvrir la culasse du canon et charger le projectile. Pour la mise à feu, c’est facile, suffit de tirer la manette rouge, ajouta-t-elle dans un clin d’œil.

Soann secoua légèrement la tête.

– C’est moi ou tu as l’air excitée par le voyage ? demanda-t-elle en posant son coude contre la meurtrière et appuyant sa tempe contre son poing.

Un long manteau neigeux s’étendait à perte de vue devant elles depuis qu’elles avaient quitté le hangar et elle trouvait le paysage apaisant.

Allison haussa les épaules.

– Un peu. Être une femme militaire, c’est pas toujours facile. Être une femme militaire fille du chef d'état-major des armées ? C’est l’enfer. Non seulement je dois montrer l’exemple mais en plus ses soldats me fuient comme la peste, soupira-t-elle en roulant des yeux. Je crois qu’ils me redoutent autant qu’ils me détestent, remarqua-t-elle avant de lâcher un rire : si seulement ils savaient combien je passe plus de temps à désobéir à mon père qu’autre chose...

– Il est si difficile à vivre ?

– Pas vraiment. Il a surtout des valeurs en lesquelles il croit, qu’il fait passer en priorité. Il n’a pas forcément tort, mais j’ai passé toute ma vie dans l’armée, alors parfois j’ai envie de plus, d’autre chose... il a du mal à l’accepter.

– Rassure-moi, c’est pas une crise d’adolescence tardive quand même ?

Allison lâcha un rire.

– Non, ça j’ai déjà donné. J’avais juste envie de m’éloigner un peu de toute cette testostérone et faire autre chose. La suggestion de June de te venir en aide est tombée au bon moment.

Elle ajouta après quelques minutes :

– Mais pour répondre à ta question, la première, pas celle sur la crise d’adolescence, précisa-t-elle, feignant un air renfrogné. Je me suis dit que ça t’éviterait de penser à ton fils que tu laissais derrière. Je sais que ça ne doit pas être facile.

Soann haussa les sourcils.

– Mon fils ? répéta-t-elle, peu sûre d’avoir bien entendu.

– Mathis ? rétorqua Allison, confuse. C’est bien ton fils, non ?

Soann secoua légèrement la tête.

– Non... mais j’imagine que tu as tiré cette conclusion parce qu’on a les mêmes pouvoirs ?

– Oui, non, c’est... oh merde ! s'exclama soudainement Allison en portant une main à son front. Quelle andouille ! J’ai senti que vous aviez du patrimoine génétique en commun mais pas suffisamment pour que ce soit entre une mère et son fils. Une tante et son neveu par contre...

Elle tourna la tête vers Soann qui l’observait, le cœur battant.

– Tu n’as pas d’autres frères et sœurs ?

Soann secoua négativement la tête.

– Alors ton frère est papa, et son fils s’appelle Mathis, conclut Allison en tapant des doigts contre son menton.

Elle tendit soudainement une main vers l’arrière de son siège et en sortit une carte qu’elle déplia sur le tableau de bord, gardant un œil sur la route.

– Tu sais où il vivait avant de rejoindre le refuge ? demanda-t-elle, levant les yeux lorsque Soann ne répondit pas.

Un air coupable s’abattit sur elle lorsqu’elle remarqua son visage éberlué. Elle posa une main sur son bras.

– Désolée, ça doit faire beaucoup à assimiler d’un coup...

Soann secoua légèrement la tête tout en clignant des yeux.

– Non, c’est... hum, c’est plutôt une bonne nouvelle, en fait. C’est la première fois que j’ai des nouvelles de mon frère depuis l’insurrection. Je pensais...

Elle ferma les yeux lorsqu’elle sentit les larmes monter et prit une profonde inspiration pour se calmer.

– Une part de moi pensait qu’il n’avait pas survécu, alors apprendre qu’il a un fils ? Je sais que je ne dois pas trop me faire d’espoirs mais savoir qu’il était encore en vie il y a huit ans...

– Je comprends, répondit Allison avec compassion.

Soann lui sourit tristement avant de se racler la gorge :

– Crane Lake. Il a grandi à Crane Lake, au nord du pays. Mais sa mère appartient au harem de Farah.

Allison haussa les sourcils d’incrédulité.

– Un harem ? s’exclama-t-elle. Tu sais, c’est pas parce que je me suis plainte de l'excès de testostérone qui envahissait la base qu’il faut automatiquement m’emmener dans un endroit non seulement interdit aux hommes, mais qui regorge de femmes en tenues d’Eve, taquina-t-elle.

Soann l’ignora et désigna la ville sur la carte. Allison changea aussitôt le char de direction.

– On devrait y être d’ici trois semaines. Si ça ne donne rien, on filera au harem juste après.

Soann se contenta d’hocher la tête.

Pour la première fois depuis la disparition de son frère, elle sentit l’espoir renaître en elle.

4 avril 2015

Anne Azel - Juste Partenaires (Academy Valentine 2003)

(Texte original ici : Anne Azel - Just Business Partners)

 

Nous sommes juste partenaires commerciales, Erin et moi. Erin Rapetti est une boule d’énergie d’1,57 mètre, qui pourrait vendre du sable à un Egyptien. Elle est petite, jolie comme un cœur et sait mettre chacun de ses attributs en valeur. Je suis tout le contraire. Je mesure 1,70 mètre, musclée et là où Erin possède la beauté brune des Italiennes, je suis la blonde scandinave stoïque. Ce que nous partageons est indispensable si on veut se garantir le succès.

Ce sont les années 1990. L’époque où on pouvait se détendre et apprendre à se connaître soi-même est révolue depuis longtemps. J'ai eu un portefeuille d'investissement depuis que ma mamie Nordrum m'a donné une tirelire à cinq ans. Erin jure qu'elle est née avec un agenda à la main. Nous avons rencontré le succès, principalement grâce aux baby-boomers qui ont soudainement réalisé qu'ils étaient passé à côté de tous ces bons moments qu'ils étaient censés avoir. Erin et moi vendons des motos. Pas les massives qui vrombissent, qui effraient les gens dans la rue et attirent les gangs, mais des motos de yuppies. Beaucoup de chrome, de couleurs, de sacoches de selle, et de systèmes audio. Secrètement, nous les appelons les bécanes de la ménopause.

Comme c’est la Saint Valentin, j’ai aidé Erin à installer une moto rouge brillant dans la vitrine et nous avons laissé une rose à longue tige sur le siège en cuir noir. Elle avait allumé le système audio et les Spice Girls chantaient Wannabe.

– Les mecs vont envisager de s’offrir une dernière folie, et les nanas, une histoire d'amour avec un rebelle, sourit Erin, les mains sur les hanches, en regardant le vélo dans la vitrine.

– Du moment que ça marche.

Je tire une clé de ma poche de jeans et me dirige vers à la boutique, vu que la customisation des bécanes, c’est mon travail.

– Val ?

Je m'arrête et me retourne.

– T’as jamais pensé à vendre l'entreprise ?

Je reviens sur mes pas, mes sourcils se fronçant.

– Bien sûr, mais on vend juste après un pic de la demande, pas quand on résiste aux aléas du marché boursier. Pourquoi ?

Erin se perche sur une moto turquoise avec des sacoches blanches, qui, pour des raisons dépassant mon entendement, fait partie de nos meilleures ventes. Je m’appuie contre le chambranle de la porte. Ça va visiblement être une conversation sérieuse.

Erin se mort la lèvre.

– J'ai rencontré quelqu'un.

Mon cœur fait Pan. Pan. Il n'y a pas d'autre façon de le décrire. Ok, Erin a eu une série de petits amis au fil des ans, mais elle n'a jamais commencé une conversation par « J'ai rencontré quelqu'un. » C'est stupide, mais je me sens trahie.

– Rencontré quelqu'un ?

– Une femme.

Pan. C’est à mon tour de m’asseoir. Je choisis le bord de la vitrine.

 – Une femme.

Super, j’en suis réduite à des phrases de deux mots.

– Je suis lesbienne.

– Lesbienne.

Je secoue la tête pour faire fonctionner mon vocabulaire à nouveau.

Je suis lesbienne. T’as jamais été lesbienne. Est-ce que tu t’es déjà rendue à des défilés de la Gay Pride ? T’es déjà sortie avec une femme ? Merde, tu flirtes avec tous les gars qui viennent ici !

– C'est mon travail. Je les flatte, je les caresse dans le sens du poil, puis je les sers. D’ailleurs, c’est pas pour flirter avec des hommes qui retombent en enfance pour la seconde fois et pour flatter des femmes en quête de liberté que je suis resté fidèle à ce travail.

Pan. Je crois que je vais m'évanouir. Le travail de ma vie se délite. Je m’en sors très bien avec les motos mais je ne pourrais pas en vendre une pour sauver ma vie.

– Qu’est-ce qui a déclenché tout ça ?

– Rencontrer Rose tout d’abord, mais aussi en regardant les gens enfourcher leur moto et partir d’ici comme si pour la première fois dans leur vie, ils étaient vraiment vivant.

Je pouffe de rire.

– Pour l'amour de Dieu, Erin, ce sont des bécanes de la ménopause, tu le sais. T’es trop jeune pour avoir la crise de la quarantaine. 

– J’ai pas la crise de la quarantaine. J’ai la crise de toi !

– Moi ?

Soudain, le visage d’Erin est rouge de colère et elle se tient debout devant moi.

– Toi, espèce d’idiote ! Tu sais quel jour on est ?

Je réfléchis sérieusement. Son anniversaire est au printemps. Il est déjà temps pour elle d’avoir sa mammographie et son examen physique ? Elle déteste ces jours-là. Nan.

– C'est juste la Saint Valentin, c’est ça ?

Elle me frappe avec une sacoche.

– Je t'aime, espèce de grande nigaude !

Pan. C’est pas mon cœur cette fois-ci. C'est une moto rouge vif, plutôt lourde, qui tombe sur moi. L'annonce d'Erin mérite une réflexion sérieuse. Je ne lui en accorde aucune puisque je ne reprends conscience qu’une fois l'ambulance à mi-chemin de l'hôpital.

Une fois admise, je vois un médecin, qui est légèrement flou et arbore deux têtes.

– Alors, pouvez-vous me dire ce qui s'est passé ?

– J'ai été frappé à l'épaule avec une sacoche blanche et sur la tête avec une moto rouge, marmonne-je. 

Il rit.

– Vous me semblez confuse ?

– Confuse ? Et comment ! Ma partenaire vient juste de me dire que je suis une grande nigaude et elle m'aime.

– C’est elle qui vous a roulé dessus avec la moto ?

– Non, elle se trouvait à l’autre bout de la sacoche blanche. La moto a agi de son plein gré. 

– Ça arrive, répond le docteur, hochant sagement la tête.

– J'ai besoin de voir Erin.

– Serait-ce celle qui tient une rose à longue tige et une clé ?

– C’est ça.

– Vous avez une bonne commotion cérébrale et devrez être admise au moins pendant la nuit, mais je vais vous donner quelques minutes avec votre, euh, partenaire commerciale, si elle accepte de me remettre sa clé.

Le médecin disparaît et quelques minutes plus tard, Erin apparaît au coin du rideau.

– Je suis tellement désolée. La moto est juste tombée, je te jure.

Elle sanglote.

– Je sais. Tu m'aimes ? 

Deux têtes floues hochent la tête vers moi.

– Je t'aime aussi.

Erin s’approche et prend ma main.

– Vraiment ? Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?

– Parce que je n'avais aucune idée que tu étais de ce bord-là.

– Rose m'a dit qu'il était temps d'être honnête avec moi-même.

– Mais c’est qui cette Rose, bordel ?

– Chut, t’énerve pas. C’est ma thérapeute.

– T’as pas besoin de thérapeute. Tu as besoin de moi.

J'essaie de m'asseoir, mais le monde continue de tourner.

– Reste tranquille. Oui, c'est ce que dit Rose. Cesse de porter ton cœur à bout de bras, dis-lui simplement et vis avec les conséquences.

Je souris.

– Pas « conséquences », « commotions ».

Erin embrasse délicatement mes lèvres. Pan. Ça, c'était mon cœur.

– C'est le plus beau cadeau de Saint-Valentin que j'ai jamais eu. Dès que je sors d'ici, je vais t’inviter à sortir, Erin Rapetti. Je me fiche que tu grasseyes et que tu aies deux têtes.

 

- FIN -

4 février 2015

Epilogue

📎Annexe 4

Annexe 4

Holy Cross – Six mois plus tard.

Située au cœur même de la ville, la base militaire recouvrait une superficie de plus de 100 hectares, enterrée à 150 mètres de profondeur sous plusieurs tonnes de granit. Véritable fortification souterraine pouvant résister à une attaque nucléaire, chimique et bactériologique, dont l’accès était gardé en permanence par 150 commandos, elle représentait une véritable petite ville habitée par près de 700 Hommes. Composée d’immenses couloirs, de sas de protection avec porte blindée d’une épaisseur impressionnante, elle se divisait en deux immeubles de quatre étages, d’installations de commandement, d’une cafétéria, d’une salle de repos, d’une salle de relaxation et d’une infirmerie.

C’était dans cette dernière que Neva se trouvait à présent.

Allongée sur le ventre sur une table d’examen, elle grimaçait.

– Ça fait mal, se plaignit-elle pour la énième fois.

– C’est censé faire mal, rétorqua aussitôt June, un sourire évident dans la voix.

Si son pouce ne faisait pas d’allées et venues sur le dessus de sa main, Neva lui aurait pincé la première partie de son corps qu’elle aurait pu atteindre.

– Attends d’accoucher pendant vingt-trois heures, là tu sauras réellement ce que c’est la douleur, déclara Tegan, confortablement assise dans l’un des fauteuils longeant le mur.

Les yeux rivés sur le bébé qu’elle tenait entre ses bras, Neva était certaine qu’elle ne réalisait pas combien elle souriait bêtement tandis qu’elle le nourrissait au sein. 

– Vous en êtes où pour le prénom ? demanda-t-elle, baissant les yeux vers le nouveau-né.

Tegan se trouvant juste en face d’elle, elles étaient les seules qu’elle pouvait voir dans la pièce ; Kayla, la tatoueuse, émettait un « tcht » réprobateur à chaque fois qu’elle tentait de regarder ailleurs.

Tegan redressa aussitôt la tête, un sourire encore plus large sur les lèvres.

– Maëlys.

Neva haussa les sourcils.

– Vous l’avez nommée ainsi en l’honneur de Mama ? s’étonna-t-elle, attendrie par le geste.

– Jack ne voulait pas que je me sente forcée d’accepter quand il l’a proposé, mais je trouvais ça parfait, acquiesça Tegan.

– Hmm. T’as eu de la chance qu’il ne propose pas « Pea », en tout cas, ricana Neva pour elle-même.

Tegan plissa des yeux.

– C’est son deuxième prénom, répondit-elle, puis elle demanda lorsqu’elle vit Neva rougir. Neva, il vient d’où, ce prénom ?

– De son ami imaginaire ? grimaça Neva, désirant soudainement quitter la pièce.

Tegan haussa les sourcils.

– Il a nommé mon bébé d’après une amie imaginaire ? répéta-t-elle, incrédule.

– Oui, enfin, celle qu’il avait quand il était petit, expliqua rapidement Neva. Et puis, vois le bon côté des choses, il l’a nommée d’après les deux personnes qui ont le plus compté dans sa vie.

Elle ajouta lorsque Tegan plissa à nouveau les yeux.

– A part toi, je voulais dire, balbutia-t-elle avec rapidité. Parce que, enfin, avoue que ça ferait bizarre d’avoir deux « Tegan », le pauvre, il s’emmêlerait vite les pinceaux.

Elle serra douloureusement la main de June lorsque cette dernière ricana à ses côtés.

– Elle a pas tort, rétorqua June, loin d’être dérangée. Imagine-le en plein cœur de l’orgasme, ça te ferait pas bizarre de l’entendre hurler un nom que tu partages avec ta fille ? taquina-t-elle.

Tegan recouvrit aussitôt les oreilles de Maëlys.

– Il n’y a que toi pour parler de sexe dans un moment pareil, soupira-t-elle en roulant des yeux. Et puis d’abord, qui a dit qu’on avait prévu de recoucher ensemble ? taquina-t-elle.

– Oh je t’en prie, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, grimaça Neva. Si ses frères n’étaient pas là pour lui rappeler ses obligations militaires, il resterait collé à toi H24 ! Et on sait tous que l’idée serait bien loin de te déplaire.

Tegan sentit ses joues s’enflammer.

– Oui ben en même temps, entre toi et June qui ne vous lâchez plus, et Skye et Mia qui passent tous leur temps ensemble, j’avais pas vraiment le choix, marmonna-t-elle, souriant néanmoins.

Elle savourait chaque moment passé avec Jack, mais elle n’allait certainement pas l’admettre à voix haute ; Neva et June aimeraient trop ça.

Ces dernières se contentèrent cependant de l’observer avec contentement. Ils avaient tous failli perdre un être cher ce jour-là, lorsque Mia avait dévoilé son véritable pouvoir. En conséquence, ils s’étaient tous beaucoup rapprochés depuis, chacun cherchant à profiter à fond de ce qui avant failli ne plus être. 

Et d’une certaine façon, même si leur association avec l’armée leur offrait une sécurité en plus, l’Elite n’en restait pas moins redoutable.

Dieu seul savait de ce qui allait pouvoir advenir demain.

Mais leur acharnement, lui, était toujours aussi grand. Si bien qu’une nouvelle bataille se préparait, contre un centre ennemi de taille moyenne situé à quelques centaines de kilomètres. Une première étape qui, chacun le savait, allait les mener vers bien d’autres.

Jusqu’au, ils l’espéraient, coup final.

– Et voilà, c’est fini, déclara Kayla, essuyant une dernière fois la nuque de Neva avant de commencer à ranger son matériel.  

Neva se redressa, étirant ses muscles endormis. La plupart des membres de leur petite bande étant tatoués, elle avait longtemps délibéré avant de finalement se décider à sauter le pas elle aussi. Le choix du dessin avait été vite fait, sauf que contrairement à June, elle avait été loin d’être ivre au moment de le faire savoir...

Kayla lui tendit un miroir à main qu’elle plaça devant son visage, et Neva attendit que cette dernière en positionne un second derrière sa tête, avant de sourire lorsque l’œuvre lui apparut.

– Parfait.

Le regard rivé sur sa nuque, June et Tegan acquiescèrent aussitôt.

– Notre Reine des Glaces enfin marquée à son tour, et ce du symbole des Arcans, sourit Tegan. Une date qui restera à jamais gravé dans nos mémoires...

June consentit tout en frôlant l’image du bout des doigts.

Sur la peau légèrement rougie, en couleur, résidait désormais un pélican, confortablement installé dans son nid, en train de nourrir ses petits.

 

 

- FIN -

 

 

 

Glossaire :

 

2015–2017 => insurrection

2030 => de nos jours

 

Neva & June => 30 ans

Les garçons => 35 ans

Tegan et Tawny => 34 ans

Mia => 13 (presque 14 ans)

Skye => 16 puis 17 ans

Mathis => 8 ans

 

 

N'hésitez pas à nourir l'auteure, faites-lui savoir ce que vous avez pensé de son histoire !

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4 février 2015

Chapitre 16

Neva observait le large sans vraiment le voir, les yeux rougis d’avoir trop pleuré. Derrière elle, elle pouvait entendre les plaintes déchirantes que lâchait Skye, la seule à avoir encore des forces pour exprimer ouvertement sa douleur, mais Neva n’y prêtait pas attention.

Le champignon avait laissé place à un véritable brouillard de particules de poussière et de sable, rendant la visibilité presque nulle et elle accueillait avec reconnaissance ce semblant de solitude qu’il lui apportait.

Elle se sentait vide de l’intérieur.

Mia était morte.

June était morte.

Elle n’avait besoin de personne pour savoir qu’au fond, une part d’elle était morte elle aussi.

Elle avait presque maudit les pilotes lorsque l’hélicoptère avait touché terre, les sauvant in extremis, avant de se reprendre. La moindre perte de plus n’aurait fait qu’ajouter à son malheur. Et elle ne désirait cela pour personne.

Une main se posa sur son épaule, interrompant le cours de ses pensées, mais elle la sentit à peine.

– Nos véhicules se trouvaient trop loin pour être engloutis par le tsunami, commença Jack en s’asseyant à ses côtés. Le corps de troupe vient de nous rejoindre avec plusieurs bateaux pneumatiques. J’ai décidé d’aller inspecter l’endroit avec quelques-uns de mes hommes.

– Vous n’y trouverez rien, répondit Tegan, apparaissant à leurs côtés. Rien de vivant du moins, ajouta-t-elle difficilement, les yeux humides. On n’est même pas sûr qu’il reste une île.

Jack baissa la tête, les épaules affaissées.

– Je sais. Mais je ne peux pas rester là et... rien faire. S’il y a la moindre chance pour qu’elles soient –

– Y en a pas, coupa Neva en se redressant subitement. Et plus tôt tu l’accepteras, mieux ce sera pour tout le monde, ajouta-t-elle avant de s’éloigner.

Le ton dénué d’émotions dans lequel elle s’était exprimée fit plus de mal à Jack que ce qu’elle venait de lui dire, et il tendit une main dans sa direction mais fut aussitôt arrêté par Tegan. Celle-ci secoua simplement la tête lorsqu’il croisa son regard.

– J’y vais quand même, répondit-il. Je peux pas rester là sans...

– Je sais, coupa Tegan en prenant une de ses mains dans la sienne, avant de lever les yeux vers lui. Elle te pardonnera, pour cette nuit, tu sais ? On sait tous que tu nous as sauvé la vie. Accorde-lui juste un peu de temps.

Jack se passa une main sur le visage avant de hocher la tête. Il l’embrassa sur le front.

– File rejoindre les autres dans le bunker, toute cette poussière, c’est bon pour personne.

Tegan acquiesça et il l’observa s’éloigner après un faible signe de la main. Une fois hors de vue, il fit demi-tour et s’enfonça dans la brume. Ses soldats surveillant les environs, il ne fut pas surpris lorsqu’une ombre apparut quelques mètres devant lui, et commençait à la rejoindre lorsque la silhouette se mit à tituber. Il se précipita pour l’aider, avant de se figer une fois qu’il l’eut identifié.

Un seul mot passa la barrière de ses lèvres dans un cri monumental :

– NEVA !!!

💕

A l’autre bout du campement, le hurlement fit l’effet d’une décharge électrique. Neva, qui s’apprêtait à trouver refuge au sein du bunker, se mit aussitôt à courir en direction du bruit, Tawny, Tegan et Skye sur les talons. Arrivée sur place, elle détailla la scène d’un regard affolé, la respiration saccadée, avant de se laisser tomber à genoux tout en portant une main à ses lèvres. Ses yeux se remplirent à nouveau de larmes lorsqu’une voix qu’elle pensait ne plus jamais entendre prononça :

– Alors, qu’est-ce que ça fait d’être la mère d’une véritable bombe atomique ? taquina June malgré son grand état de fatigue.

Elle venait tout juste de tomber à même le sol lorsque Jack les avait rejointes, et il était désormais installé derrière elle afin de la soutenir, elle et Mia qui somnolait dans ses bras.

Neva lâcha un rire.

– A toi de me le dire, tu l’as mise au monde, rétorqua-t-elle, glissant une main dans les longs cheveux de Mia. Comment va-t-elle ?

– Exténuée, mais ça ira, répondit June avec difficulté, comme si le simple fait de parler puisait dans le peu d’énergie qu’il lui restait. Donne-nous juste le temps de recharger nos batteries, et on sera comme neuves, sourit-elle.

Quasiment nues, chacune était recouverte d’un mélange de suie, de poussière et d’égratignures, et Neva s’approcha afin d’embrasser sa fille sur le front, comme si elle avait besoin du contact pour s’assurer de la véracité de ce qu’elle voyait.

Elle appuya ensuite son front contre celui de June.

– Ne me refais plus jamais, jamais, un coup pareil, défia-elle, les larmes montant à nouveau.

June l’embrassa furtivement, l’émotion la gagnant elle aussi.

– Promis.

Neva sut à la simple réponse, dépourvue d’humour, que June était vraiment fatiguée et elle s’écarta, laissant à Tawny le soin de prendre Mia dans ses bras tandis que Jack s’occupait de June. Ils s’apprêtaient à regagner le bunker lorsque Mia ouvrit péniblement les yeux et les regarda tour à tour, visiblement épuisée, avant de sourire.

– Alors ça... c’était trop cool.

La surprise céda rapidement la place à l’incrédulité et tous se mirent à rire, Tegan s’approchant afin de prendre l’une des mains de l’adolescente dans les siennes.

– Y a pas de doute, c’est bien le sang de June qui coule dans ses veines ! taquina-t-elle, arrachant de nouveaux sourires enjoués.

Elle s’écarta afin de céder la place à Skye et les laissa partir devant, puis fit de nouveau face à Jack, June et Neva.

– Bon, et maintenant ?

Neva dévia son regard vers les soldats et les Arcans qu’elle pouvait sentir évoluer autour d’eux et elle afficha un sourire.

– Maintenant... on reprend nos forces, on rejoint l’armée, et on met fin à l’Elite pour de bon.

Ils s’observèrent tour à tour avant de prononcer d’un commun accord :

– Amen !

4 février 2015

Chapitre 15

Une fois à l’intérieur de la prison, June trouva Neva dans la pièce menant au sous-sol. Avec Jess et Sara, elles se démenaient afin d’évacuer le plus de réfugiés possible en les dirigeant vers le tunnel qui les conduirait sur le continent. Semblable à la cavité abritant les bains à remous, il s’étendait profondément sous la surface de l’eau sur au moins trois kilomètres, et débouchait dans un immense bunker vieux de cent ans. Construit par des sympathisants nazis faisant partie des Silver Shirt, une organisation américaine supportrice du fascisme, il était censé accueillir Hitler afin qu’il puisse continuer à diriger le monde une fois ses ennemis vaincus.

Neva n’aurait jamais pu penser qu’un endroit aussi sordide allait une nouvelle fois leur servir de refuge.

– Hé, ça va ? demanda June en posant une main sur l’épaule de Neva.

Elle eut à peine terminé sa phrase que cette dernière s’était déjà jetée sur elle, l’enlaçant avec force. Puis June fut surprise de la voir s’écarter et grimaça lorsque Neva la frappa violemment à l’épaule.

– Ne t’avise plus jamais de refaire ça ! s’exclama Neva, à la fois énervée et soulagée de voir que June n’avait rien.

– Quoi ? Me faire assommer à mon insu ? rétorqua June dans un sourire. Marché conclu.

Neva répondit malgré elle à son sourire avant de la serrer à nouveau dans ses bras.

– Je suis contente que tu n’aies rien. J’étais prête à aller te chercher quand Soann m’a dit qu’ils t’avaient repérée au loin.

Elle relâcha un soupir tout en s’écartant légèrement.

– Je savais bien que rien ne pourrait t’arrêter, taquina-t-elle faiblement, souriant avec affection.

– T’as bien raison, rétorqua June dans un clin d’œil. Qu’est-ce que tu as fait de celle qui s’est fait passer pour moi ?

Neva désigna l’arrière de la pièce du menton et June alla s’accroupir devant la forme assise à même le sol, affalée contre le mur. 

– Elle s’est... éteinte ? Quand elle a entendu que tu arrivais. On a rien pu en tirer depuis.

June détailla un instant le corps sans vie, puis prit une moue pensive avant de lever les yeux vers Neva.

– Je savais que j’étais sexy mais à ce point-là..., taquina-t-elle, poussant Neva à rouler des yeux.

Elle se redressa lorsque Soann entra dans la pièce.

– Sara, Jess, j’ai besoin de vous à l’autre bout du tunnel. Avec un peu de chance, l’ennemi n’aura pas découvert le bunker. On risque cependant d’avoir pas mal de blessés de ce côté-ci, tenez-vous prêtes à les accueillir.

Les deux femmes hochèrent la tête avant de dévaler les marches de l’imposant escalier en béton et Soann porta son attention sur Neva et June.

– J’ai besoin de vous deux sur le flanc Ouest de l’île. Tawny nous y attend déjà.

Elle commença à partir avant de s’interrompre et lever les yeux vers Neva.

– La décision te revient, mais Mia pourrait nous être d’une grande aide.

Neva se mordit l’intérieur de la joue, tiraillée entre l’envie de la mettre à l’abri, et celle de la garder près d’elle.

– Et Mathis ? répondit-elle à la place. Skye ?

– Je m’en occupe, déclara Tegan en entrant dans la pièce, le petit bonhomme recroquevillé contre son épaule. Skye viendra avec moi. Bonne chance pour les séparer elle et Mia, ajouta-t-elle, pince-sans-rire.

Soann hocha la tête.

– Allons-y.

Et elles partirent en courant.

💕

Arrivée au bord de l’île, Neva sentit sa respiration se couper face aux imposants navires qu’ils pouvaient apercevoir au loin, énormes masses sombres se dégageant dans la nuit, et elle regretta aussitôt de ne pas avoir fait évacuer Mia avec les autres réfugiés. Elle fut cependant reconnaissante que Tawny soit resté avec l’adolescente, légèrement en retrait, sous le hall d’un vieux bâtiment qui devançait l’une des tours de garde.

Ses craintes furent interrompues lorsque June marmonna à côté d’elle :

– On doit les empêcher d’approcher l’île.  

Soann, qui l’avait elle aussi entendu, s’accroupit aussitôt au bord de l’eau, y plongea les mains, et envoya une violente décharge dans la mer. Elle attendit quelques secondes puis se redressa lorsque chacun des navires fut plongé dans le noir.

– J’ai grillé leurs systèmes, mais ça ne les retiendra qu’un temps, dit-elle en se frottant les mains.

June prit un air pensif, un doigt sur le menton, avant de regarder Neva.

– Tu penses que tu serais capable de geler la mer ?

Neva écarquilla aussitôt les yeux.

 – Je... mais... c’est... c’est pas la mer là June, c’est l’océan pacifique ! s’exclama-t-elle finalement. Comment veux-tu que –

– Les navires sont encore loin, mais pas tant que ça, l’interrompit Soann, visiblement emballée par l’idée. A découvert, sur une aussi longue distance, on aura beaucoup plus de chances de les stopper avant qu’ils n’atteignent l’île. Sans compter qu’on ne sait pas quel genre d’artillerie ils peuvent avoir dans leurs navires.

Elle observa Neva sans sourciller, le ton pressant.

– Neva, tu dois essayer. S’ils approchent...

– O.K., O.K. ! s’exclama Neva en s’agenouillant, les mains légèrement tremblantes. On parle quand même de plusieurs centaines de mètres, je ne sais pas si...

– Essaye juste, O.K. ? répondit June en s’accroupissant à ses côtés. Si ça ne marche pas, on avisera.

Neva hocha la tête puis retira son collier avant d’imiter les gestes que Soann avait eus plus tôt, plongeant ses mains dans l’eau tiède. Malgré la tension palpable et les regards qu’elle pouvait sentir posés sur elle, cette dernière baissa aussitôt en température, avant de se transformer en glace et tous retinrent leur souffle lorsqu’elle se rapprocha lentement mais sûrement des navires.

De longues secondes s’écoulèrent avant qu’une série de craquements sinistres ne retentissent.

– C’est bon, la glace les encercle, déclara Soann.

– Non, répondit Neva, légèrement essoufflée. Elle est encore trop fine, je dois la renforcer si on veut...

Sa respiration se fit plus difficile et June lui massa le dos, frustrée de ne pouvoir rien faire de plus.

– Ça va aller ?

Neva hocha la tête.

– C’est juste... j’ai l’impression que quelqu’un lutte de l’autre côté, souffla-t-elle.

– Ils ont dû emmener leurs propres Arcans, déclara June, jurant entre ses dents.

– Raison de plus pour les maintenir à distance, enchaîna Soann d’une voix sombre.

Ils attendirent encore un peu, observant les volutes de fumée qui s’élevaient progressivement de la glace, avant de se figer lorsque la terre se mit à légèrement vibrer sous leurs pieds.

– Bordel, c’était quoi ça ? s’exclama Tawny tandis qu’ils regardaient tous autour d’eux.

– Ils ont dû atteindre l’île de l’autre côté, rétorqua Soann, lançant une série d’invectives.

Elle n’avait aucune envie de voir leurs pouvoirs de près.

– Ce sera le dernier de nos soucis si eux nous atteignent, s’exclama June, pointant du doigt vers les étoiles. Ils vont nous attaquer par les airs !

Elle eut à peine terminé sa phrase que Soann avait déjà commencé à tirer sur les avions à peine invisibles, si ce n’était par les lumières clignotantes qu’ils émettaient, et Tawny entraîna Mia à l’intérieur du bâtiment en espérant qu’il suffise à les protéger. La terre se mit de nouveau à trembler, et tous comprirent que le reste de l’île était également assiégé.

– On peut pas rester là, il faut qu’on se mette à couvert ! s’écria June lorsqu’un missile tomba non loin d’eux, faisant exploser la glace que Neva s’efforçait de renforcer.

Cette dernière choisit justement ce moment pour s’effondrer à même le sol et June s’alarma lorsqu’elle vit un filet de sang couler de son nez. Elle voulut la prendre dans ses bras mais Soann lui intima de continuer à tirer et elle obéit seulement lorsque Tawny vint la soulever dans ses bras après lui avoir remis son collier.

Il s’apprêtait à la mettre à l’abri lorsqu’un reflet sur la glace attira son regard et il se figea sur place.

– Qu’est-ce...

Une explosion l’interrompit, éclairant soudainement le ciel et il observa les restes de l’un des avions ennemis venir heurter la glace une centaine de mètres plus loin, disparaissant ensuite dans l’océan. Un autre connut le même sort, puis un autre, et June et Soann cessèrent de tirer, abasourdies.

Quelqu’un était en train de décimer les appareils ennemis, juste sous leurs yeux.

Au même moment, une série de chars d’assaut et de véhicules blindés apparurent au loin, se faufilant sur la glace entre les navires, suivis d’hélicoptères de combat qui les mitraillèrent. June et Soann ainsi que le reste de la bande s’écartèrent instinctivement lorsque l’un d’eux s’éloigna du lot et que son faisceau lumineux s’arrêta sur eux. La main en visière pour se protéger les yeux, ils le virent voler sur place, juste au-dessus d’eux, puis un homme laisser tomber une corde avant de commencer à descendre.

Arrivé en bas, il leva aussitôt les mains en signe d’apaisement, puis sourit franchement lorsque son regard croisa celui de June.

– Hé sœurette, tu croyais quand même pas qu’on allait vous laisser vous amuser sans nous quand même ?

June sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser, détaillant sa tenue militaire de la tête aux pieds, avant de sauter dans ses bras.

– Jack ! Mais... comment... quand...

– Disons que l’Elite n’était pas la seule à opérer en secret, rétorqua-t-il dans un clin d’œil. Mais on ferait mieux de bouger d’ici, ces bâtards sont peut-être moins nombreux que nous, mais ils sont vicieux. 

– Donc quand tu dis « nous »...

– Je parle de l’armée américaine, acquiesça Jack avant de froncer les sourcils lorsque son regard tomba sur Neva, à peine consciente dans les bras de Tawny.

Il fut près d’elle en trois enjambées.

– Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il, alarmé.

– Elle a un peu trop puisé dans ses pouvoirs, répondit Tawny. Ça va aller.

Jack hocha la tête avant de faire signe à l’hélicoptère de se poser.

– Préparez-vous à grimper ! hurla-t-il pour se faire entendre à travers le bruit des hélices et du vent. 

Soann accourut et progressivement, ils montèrent à l’intérieur de l’engin. Une fois tout le monde à bord, Jack s’apprêtait à refermer la porte lorsque Neva hurla, malgré son manque de force :

– Mia !

Tous regardèrent autour d’eux, et June relâcha un soupir de soulagement lorsqu’elle la vit à quelques mètres de l’hélicoptère, avant de réaliser qu’elle était en feu.

– Merde, jura-t-elle au sautant de l’appareil.

Elle posa ses mains sur les épaules de l’adolescente une fois arrivée à sa hauteur.

– Mia, il faut que tu te calmes. C’est fini maintenant, Jack va nous emmener loin d’ici, O.K. ?

Mia secoua frénétiquement la tête.

– Je peux pas, June. Ça arrête pas d’augmenter. Je peux pas l’arrêter !  

– Quoi ? Comment ça « ça augmente » ? répondit June avec confusion.

Le feu qu’émettait Mia sembla gagner en intensité et June retira aussitôt ses mains. Le feu ne l’avait pas brûlé, mais elle avait clairement senti que la chaleur avait augmenté d’un cran et elle avait du mal à regarder Mia en face tellement la lumière devenait aveuglante.

Puis, la prise de conscience la frappa, et elle se revit quatorze ans en arrière, alors qu’elle venait tout juste d’accoucher.

 

Tout juste après avoir révélé le nom du bébé auprès de la sage-femme, June fut surprise de voir un adolescent apparaître soudainement à l’entrée de la pièce, la tenue en papier qu’il portait partiellement déchirée, une vilaine entaille à l’arcade gauche. Elle eut à peine le temps de lâcher un hoquet de surprise que les gardes le maîtrisaient déjà, et fut étonnée de le voir se débattre avec acharnement, le regard fixé sur le nouveau-né.

– Lâchez-moi ! C’est mon bébé aussi !

June haussa les sourcils, peu sûre d’avoir bien entendu. Affolées, les sages-femmes ne semblaient pas savoir comment réagir, mais la sage-femme en chef prit rapidement les choses en main :

– Emmenez le bébé, ordonna-t-elle avant de s’adresser aux gardes. Mais qu’est-ce qu’il fait là ? Il est censé être en quarantaine !

L’adolescent suivit le nourrisson du regard jusqu’à ce qu’il ait disparu dans une pièce adjacente, puis reporta son attention sur la sage-femme en chef tout en se débattant encore plus violemment, jusqu’à ce qu’une énergie blanche semble soudainement émaner de lui.

– Qu’est-ce qui se passe ? demanda l’une des infirmières, visiblement apeurée.

La sage-femme en chef sembla hésiter avant d’ordonner aux gardes :

– Tuez-le.

Ces derniers la regardèrent avec hésitation.

– Tuez-le, ou il nous détruira tous !

Les gardes l’emmenèrent et June vit la lumière s’accentuer, avant de soudainement disparaître au moment même où un bang ! résonnait dans les airs.

 

June avait à peine repris pied avec le présent qu’elle s’était tournée vers l’hélicoptère, hurlant à pleins poumons :

– Foutez le camp ! Maintenant !

Elle ne sut si c’était l’entraînement militaire de Jack où la façon désespérée dans laquelle elle s’était exprimée mais ce dernier obéit aussitôt, claquant la porte d’un coup sec, et June sut qu’elle n’oublierait jamais les cris de panique que Neva avait aussitôt lâchés.

Une fois dans les airs à plusieurs kilomètres de distance, un éclair aveuglant suivi d’un champignon atomique qui s’étendait progressivement sur le paysage éblouirent les passagers de l’hélicoptère. La trace de l’onde de choc les frappa quelques secondes plus tard, l’hélicoptère se mit à remuer dans tous les sens, et un sifflement assourdissant emplit l’air, les pilotes s’écriant qu’il fallait à tout prix atterrir.

Puis tout devint noir.

4 février 2015

Chapitre 14

Quand June reprit connaissance, ce fut pour grimacer face à la violente migraine qui lui martelait les tympans. Elle passa la main dans ses cheveux et jura entre ses dents lorsqu’une vive douleur ainsi qu'une bosse naquirent sous ses doigts.

Elle ne savait pas qui, mais quelqu’un l’avait assommée et elle était prête à parier qu’il s’agissait d’un membre de l’Elite.

Ses soupçons furent confirmés lorsqu’elle baissa les yeux vers son corps complètement nu, puis sur la tenue militaire qui résidait à ses côtés.

Elle fronça les sourcils. Quiconque avait pris ses vêtements cherchait visiblement à se faire passer pour un civil, mais elle ne voyait pas comment cette personne aurait pu convaincre Neva de la laisser derrière.

Car il n’y avait aucune chance pour que cette dernière se soit laissé entraîner sans chercher à se débattre. A moins que...

June se redressa subitement. Ses souvenirs étaient encore flous mais elle se rappelait clairement avoir vu le visage de son agresseur juste avant de perdre connaissance.

C’était moi, réalisa-t-elle, sous le choc.

Non, pas elle. Quelqu’un s’étant fait passer pour elle.

Elle se leva dans un bon et commença à enfiler ses vêtements dans des gestes brusques. Neva savait se défendre, les parties de son corps qui étaient encore douloureuses le prouvaient. Mais si elle se croyait en compagnie de June...

Elle ne serait pas sur ses gardes.

Et le reste des Arcans non plus.

💕

Après avoir bataillé avec un cheval sauvage pendant pas loin d’une demi-heure, June avait filé droit sur la prison, puis sauté dans la première barque trouvée. Elle doutait que la personne s’étant fait passer pour elle avait kidnappé Neva afin de l’emmener dieu sait où – elle n’aurait pas eu besoin de se déguiser en June pour ça. Non, pour elle, l’Elite cherchait où ils se cachaient. Alors elle avait foncé droit sur la prison.

Car si tel était le cas, ils couraient tous un véritable danger.

Les muscles de ses bras la brûlaient d’avoir ramé avec précipitation et elle leva les mains en l’air une fois arrivée à hauteur de l’embarcadère. Soann ainsi qu’une poignée de soldats l’y attendaient, armes en joue et elle observa cette dernière immobiliser la barque avant de grimper à l’intérieur. 

June grimaça lorsqu’elle la vit retirer ses gants l’un après l’autre, mais ne broncha pas quand Soann dégagea les cheveux de sa nuque avant de s’emparer de son bras droit. Un courant électrique la fit sursauter et elle leva les yeux vers Soann qui l’observait avec amusement.

– On n’est jamais trop prudent, répondit cette dernière, et June sut qu’elle n’obtiendrait rien de plus comme excuse.

– J’imagine qu’elle est encore ici, répondit-elle, suivant Soann jusqu’à la terre ferme.

Soann hocha la tête.

– Tegan et Neva l’ont rapidement percée à jour, dit-elle, désignant le bras droit de June. Mis à part son comportement étrange, elle n’avait surtout pas de tatouage. On fait profil bas pour l’instant, mais elle ne tardera pas à se rendre compte qu’on a déjà commencé à évacuer l’île.

June hocha la tête. S’il s’agissait bel et bien d’un androïde, ce dont elle était pour sa part certaine, il y avait de grandes chances pour qu’elle soit dotée d’un mouchard.

– Elle est où là ?

Soann s’apprêtait à répondre lorsqu’un mouvement attira son regard par-dessus l’épaule de June et elle serra des dents.

– Ça c’est le dernier de nos soucis, répondit-elle avant de hurler. Déclenchez les alarmes ! Ennemi en vue !

June se retourna aussitôt mais ne vit rien d’autre que la côte qui s’élevait au loin, jusqu’à ce qu’un laser de visée croise son regard. 

– Pour la discrétion, ils repasseront.

– Ils se fichent de la discrétion, remarqua Tegan, apparaissant soudainement légèrement essoufflée. Leurs navires nous cernent depuis l’autre côté.

June jura aussitôt entre ses dents.

Ils allaient devoir évacuer, et vite.

4 février 2015

Chapitre 13

Le soleil était couché depuis un moment lorsqu’elles atteignirent enfin la prison, et Neva tira l’arrière du t-shirt de June lorsque celle-ci chercha à s’éloigner alors qu’elles étaient à peine arrivées.

– Hé, tu m’abandonnes déjà ? demanda-t-elle, mi-taquine, mi-incertaine.

Elle, qui pensait jusque-là que leur tête-à-tête les avait rapprochées, ne comprenait pas le comportement soudain de June.

– J’ai un truc à faire, répondit cette dernière, tandis qu’elle détaillait la prison d’un regard aiguisé. Je te retrouve tout à l’heure.

– O.K.... hé et mon bisou alors ? s’exclama Neva lorsque June commença à partir.

Cette dernière l’embrassa furtivement, plus un smack qu’autre chose, et Neva resta bêtement là à l’observer s’éloigner.

Jusqu’à ce que Mia apparaisse soudainement en face d’elle, les bras croisés sur la poitrine.

– T’as rien à me dire ? demanda l’adolescente dans un air renfrogné.

Neva cligna des yeux à plusieurs reprises.

– Hein ? balbutia-t-elle avant de secouer la tête afin de s’éclaircir les idées. Attends, tu devrais pas être couchée toi ? Il doit être pas loin de minuit passé là.

– Dit-elle pour éviter de parler du baiser qu’elle vient d’échanger avec June, se moqua gentiment Mia.

 Neva se sentit aussitôt rougir. Elle glissa nerveusement une mèche de cheveux derrière ses oreilles.

– Mia –

– Quand on sait qu’elle fait tout un pataquès de ma relation avec Skye, maugréa l’adolescente.

Ce fut au tour de Neva de prendre une position de confrontation.

– June est majeure, ce que je peux difficilement dire pour toi et Skye, et on a quasiment le même âge, ce que, une fois encore, je peux difficilement dire pour toi et Skye ! rétorqua-t-elle.

– Reste que tu fricotes avec ma mère biologique. Tu ne t’es jamais dit que ça pourrait me poser problème ? renchérit Mia, les yeux plissés.

Neva se retrouva bouche bée.

– Mia... c’est... je...

Ses balbutiements cédèrent subitement lorsque Mia éclata de rire. Elle l’observa avec étonnement, puis avec suspicion.

– Tu as bu ?

– Non, répondit Mia, tentant vainement de se calmer. Mais tu aurais vu ta tête. Je me doutais qu’il y avait anguille sous roche vu le temps que vous passiez ensemble, et Tegan qui évitait le sujet à chaque fois que je posais la question. Mais j’ai pas pu résister quand je vous ai vues. L’occasion était trop belle, s’amusa-t-elle.

– Mouais, reste que j’aurais préféré que tu attendes d’être un peu plus âgée pour fréquenter Skye, marmonna Neva avant de se mordre la lèvre. Donc June et moi... ça ne te dérange pas ?

Mia haussa les épaules, désormais plus en retenue.

– Maintenant que je sais qu’elle n’a jamais voulu nous séparer toi et moi, non... Du moment que tu es heureuse, c’est tout ce qui m’importe.

Neva la prit dans ses bras, écartant légèrement ses mèches brunes afin de l’embrasser sur le front.

– Je le suis, assura-t-elle. Et c’est aussi pour ça que je ne m’oppose pas à ton histoire avec Skye, admit-elle.

Mia s’écarta légèrement afin de pouvoir croiser son regard.

– Tu sais que tu peux nous faire confiance, pas vrai ? Notre histoire... c’est vraiment sérieux. Je te promets qu’on ne fait pas n’importe quoi.

– Je sais, répondit Neva.

Elle l’embrassa une dernière fois sur le dessus de la tête puis commença à s’éloigner avant de se raviser.

– Enfin, du moment que je ne trouve pas d’autres chats tatoués quelque part sur ton corps..., feignit-elle de menacer les yeux plissés.

Elle fut ravie de voir Mia rougir jusqu’à la racine de ses cheveux.

💕

Neva regagnait tout juste sa cellule lorsque des bruits de voix lui parvinrent depuis celle de Tegan, et elle ne put s’empêcher de tendre l’oreille.

– ...je te le dis Jess, y a un truc qui cloche. Il n’aurait jamais dû rester aussi longtemps.

– Tegan, c’est justement quand il part qu’il y a truc qui cloche, tu sais ? soupira la doctoresse.

Tegan gémit ouvertement.

– Pas chez moi. Tu peux me dire ce que je vais faire avec un bébé ? J’ai même pas –

Neva inspira soudainement, surprise par ce qu’elle venait d’entendre, et elle sut aussitôt qu’on l’avait entendu lorsque le rideau s’ouvrit dans un geste brusque.

– Vous êtes rentrées ? s’étonna Tegan.

– T’es enceinte ? balbutia Neva, les yeux rivés sur son abdomen.

– Temporairement, marmonna Tegan, croisant les bras sur sa poitrine.

– Parce qu’une grossesse dure neuf mois, répondit Jess en apparaissant à ses côtés. Tegan a du mal à se faire à l’idée que d’ici six mois...

– D’ici six mois rien du tout ! coupa Tegan en se couvrant les oreilles. Je ne peux avoir de bébé, c‘est impossible. Tu le sais bien.

Jess s’empara de ses poignets afin d’écarter ses mains.

– Bien sûr que si, dit-elle, ses yeux bleus rivés dans les siens. Les conditions sont loin d’être les mêmes. A l’époque, tu n’étais rien de plus qu’un rat de laboratoire victime d’expérimentations, ce qui a pu fortement jouer sur tes fausses couches. Aujourd’hui... bébé est en excellente santé et trouve ton utérus tout ce qu’il y a de plus confortable, sourit-elle, dévoilant deux fossettes.

Tegan afficha une grimace digne d’un enfant sur le point de faire un caprice. Neva s’attendait même à la voir taper du pied.

– Je ne peux pas avoir de bébé, je ne veux pas avoir de bébé. On est dans un climat de guerre, il aura même pas de papa et –

– Je croyais que tu savais qui c’était ? rétorqua Jess, les sourcils haussés.

– Savoir qui il est et le joindre sont deux choses différentes, grogna Tegan, les dents serrées.

Le regard de Neva passa de l’une à l’autre.

– Attends, parce qu’il n’est pas d’ici ? demanda-t-elle, avant de faire un calcul rapide. Ça veut dire que... oh mon Dieu, c’est Jack ? s’exclama-t-elle en levant les yeux vers Tegan.

Tegan hocha imperceptiblement la tête et Neva porta aussitôt ses mains à ses lèvres.

– Tu vas avoir le bébé de Jack... tu dois lui dire, lâcha-t-elle sans réfléchir. Si tu es enceinte de lui, il a le droit de savoir. C’est... c’est...

– Impossible, rétorqua Tegan. Au cas où tu l’aurais oublié, l’époque des pigeons voyageurs est révolue depuis longtemps. On n’a pas la moindre idée d’où ils se trouvent, sans compter qu’on a d’autres chats à fouetter et plus important encore, j’ai jamais dit que je le voulais ce gamin !

Neva lui offrit un regard appuyé, un sourcil haussé.

– C’est un peu tard pour ça, répliqua-t-elle avec ironie.

– Je peux toujours mettre un terme à la grossesse, marmonna Tegan, les yeux plissés.

– Et tu comptes faire ça comment ? s’exclama Neva avant de suivre le regard de Tegan quand il se posa sur Jess.

Son regard passa de l’une à l’autre avant qu’elle ne s’exclame lorsqu’aucune ne daigna répondre :

– Tu déconnes ? Tu ne peux pas faire ça, ce serait... ce serait... un meurtre ! Jack ne te le pardonnerait jamais.

Tegan haussa les sourcils.

– Aux dernières nouvelles, c’est pas parce qu’il m’a donné quelques orgasmes qu’il a tous les droits sur mon corps. Quant au reste, tu peux arrêter de paniquer, soupira-t-elle en se passant une main dans les cheveux. Je serais incapable de faire ça.

Neva sentit ses épaules s'affaisser de soulagement. Elle s’apprêtait à répondre lorsque du mouvement aperçu du coin de l'œil attira son attention et elle fronça les sourcils quand elle vit June inspecter chaque cellule de la rangée d’en face.

– Qu’est-ce qu’elle fabrique ? murmura Tegan, visiblement amusée.

– J’en sais rien, elle a cessé d’être elle-même depuis qu’on est revenues, répondit Neva, les yeux rivés sur June.

Elle commençait tout juste à mettre le doigt sur ce qui clochait lorsqu’une main agrippa fermement son épaule.

– C’est parce que ce n’est pas June, siffla Tegan entre ses dents, la tension émanant de son corps.

Neva comprit aussitôt ce qui lui avait mis la puce à l’oreille.

Le bras droit de June était vierge de tatouage.

4 février 2015

Chapitre 12

📎 Annexe 3

Annexe 3

 

À ce tarif-là, autant y aller nue, pensa Neva, les yeux baissés vers le minuscule bout de tissu qui la dévoilait plus qu'il ne la cachait.

Comme June, elle avait revêtu un soutien-gorge en coton blanc couvert de pierreries, une ceinture similaire ainsi qu’un sarong au tissu fluide transparent. À ses bras cliquetaient des rangées de bracelets aux couleurs variées et à ses pieds, elle portait une paire de fines sandales. Ses cheveux avaient quant à eux été réunis en un chignon sophistiqué, et elle haussa un sourcil inquisiteur lorsque June l’examina une dernière fois.

– Parfait, sourit cette dernière, les mains sur les hanches.

Neva roula des yeux tout en soupirant.

– C’est vraiment obligatoire tout ça ? Je croyais qu’on y allait juste pour parler affaires.

– Soann dit justement que ça aide à faciliter les échanges, répondit June, pliant légèrement des genoux afin que Neva puisse unir les deux nattes qui allaient retenir ses cheveux sur sa nuque. Mais qu’on n’avait pas à s’inquiéter. Sauf si on ne savait pas garder nos yeux pour nous... un truc comme ça. Je crois que Farah est assez protectrice quand il est question de ses... possessions. 

Autrement dit, ses femmes, frissonna Neva. Elle, qui pensait avoir tout vu après Nazino, n’était apparemment pas au bout de ses peines.

– Voilà, c’est fait, dit-elle une fois terminé.

June l’embrassa furtivement sur les lèvres en guise de remerciement puis s’assura une dernière fois que leurs affaires étaient bien camouflées par la végétation qui les recouvrait, elles et le quad. 

Neva l’observa avec hésitation.

– T’es sûre qu’on ne ferait pas mieux d’emmener quelque chose avec nous ? Je veux dire, si jamais ça tourne mal...

– Farah le prendrait aussitôt comme une provocation. En venant les mains vides, on ne pose aucune menace.

– Et nos pouvoirs ? rétorqua aussitôt Neva. Elle a de la zéolithe ?

June se frotta maladroitement la nuque.

– Disons que personne ne met jamais les pieds dans sa demeure sans avoir enfilé un collier avant.

Elle ajouta, confirmant les pensées de Neva :

– Un collier de zéolithe.

Neva hocha lentement la tête, déglutissant péniblement.

Si les choses tournaient mal, elles allaient être totalement à sa merci.

💕

Le palais s'élevait sur une grande terrasse de marbre divisée par des acrotères supportant d’immenses statues. Un large perron menait ensuite au vestibule d’entrée et le garde qui les y avait conduit leur fit signe d’attendre là.

Quelques minutes plus tard, une femme à l’allure imposante apparut, suivie d’une poignée de gardes. Elle portait une armure en cuir et une cape bleue enveloppait ses épaules, masquant légèrement l’épée attachée à sa ceinture. Fidèle à la description que Soann en avait faite, elle paraissait jeune et dangereuse.

June et Neva s’inclinèrent lorsque Farah s’arrêta devant elles.

– Souveraine, salua June avec respect avant de lui tendre une missive écrite de la main de Soann.

Farah la lut attentivement avant de les détailler de la tête aux pieds.

– Soann n’a pas pour habitude d’envoyer quelqu’un d’autre à sa place, remarqua-t-elle d’une voix dénuée d’émotions.

Elle laissa passer un temps avant d’ajouter, comme arrière-pensée :

– J’espère pour elle qu’elle n’a pas eu tort.

Elle fit demi-tour et ajouta par-dessus son épaule :

– Suivez-moi.

Une fois dans le palais même, Neva fut subjuguée par les voiles de couleur, les lambris dorés et les délicates peintures qui décoraient chacune des pièces. Les flammes des torches se reflétaient sur les sols en marbre et les vitraux aux teintes vives, leur conférant une lueur charnelle absolument magnifique.

De la musique et des rires résonnant depuis la cour intérieure attirèrent son attention et Neva jeta un furtif coup d’œil à Farah et June qui marchaient légèrement devant elle, discutant discrètement, avant de s’approcher du muret. Elle fut aussitôt fascinée par l’immense bassin naturel entouré de verdure, ainsi que par l’imposante caverne naturelle creusée dans un rocher.

Une trentaine de femmes belles et voluptueuses, comme si dans le harem on ne vieillissait pas, étaient occupées à nager, à jouer de la musique, à manger des fruits exotiques et Neva sentit son corps se figer lorsque son regard s’arrêta sur une jeune femme d’une vingtaine d’années. Ses longs cheveux blonds et ses yeux couleur océan lui rappelaient étrangement ceux de... Mathis.

– C’est la mère de Mathis, réalisa-t-elle avant d’appeler. Madame Navard ! Abby !

Elle eut à peine le temps de voir les femmes lever les yeux vers elle qu’elle fut violemment projetée en arrière. L’air quitta ses poumons et elle grimaça lorsqu’un pied se pressa contre sa poitrine avant de lever les yeux et croiser un regard bleu de glace.

– Donne-moi une bonne raison pour laquelle je ne devrais pas te tuer maintenant, gronda Farah.

Neva avala difficilement tout en cherchant désespérément June du regard. Elle sentit la panique monter en elle lorsqu’elle la vit collée contre le mur par deux imposants soldats, le visage déformé par la colère.

– Je n’ai pas souvenir de t’avoir autorisé à regarder mes femmes et encore moins à leur parler, fulmina Farah en approchant son visage de celui de Neva. Alors tu as plutôt intérêt à avoir une bonne excuse.

Neva hocha frénétiquement la tête et Farah diminua la pression de son pied contre son sternum. Légèrement. 

– Cette femme, la blonde aux yeux bleus ? balbutia Neva. C’est Mme Navard, A-Abby.

Farah haussa un sourcil véhiculant et alors ?

– Elle a un fils, Mathis. Il a huit ans, il-il est avec nous.

Le visage de Farah resta impassible et Neva laissa retomber sa tête contre le sol, un soupir s’échappant de ses lèvres.

– Je voulais juste lui faire savoir qu’il était sain et sauf. 

Farah plissa des yeux avant de retirer son pied, et Neva se redressa aussitôt avant de lâcher un cri de surprise lorsque Farah l’attrapa par la gorge et la plaqua contre le mur aux côtés de June.

Elle les observa à tour de rôle avant de resserrer sa prise.

– C’est pour ça que vous êtes venues ? siffla-t-elle entre ses dents serrées, les traits durs.

La respiration coupée, Neva se contenta de secouer négativement la tête.

– Soann m’envoie pour parler business, répondit June, d’une voix grondante. Rien de plus. On ne savait pas qu’elle serait là. Elle a été enlevée il y a plusieurs mois, on n’a jamais su ce qu’elle était devenue.

Farah les étudia un moment avant de relâcher sa prise et Neva tomba aussitôt à genoux tout en aspirant de grandes bouffées d'air.

– L’Elite l’a capturée avant de me la remettre, remarqua Farah tout en faisant signe aux soldats de libérer June. Les femmes dépourvues de pouvoirs ne les intéressent pas.

Neva réalisa aussitôt quel genre de relation Farah devait entretenir avec l’Elite. Probablement des soirées divertissantes en échange de livraisons gratuites.

– Elle doit savoir, insista-t-elle, la voix cassée avant de lever les yeux vers Farah. Pour son fils. Elle a le droit de savoir.

Farah s’agenouilla en face d’elle, un rictus sur les lèvres.

– Ton amie et moi allons parler business, pendant que toi, tu nous attendras au cachot, répliqua-t-elle avant de se redresser.

Elle ordonna à ses gardes de l’emmener avant de conduire June à son bureau et Neva comprit au silence de June qu’elles n’avaient d’autres choix que de coopérer.    

💕

La cellule du cachot dans laquelle Neva se trouvait ne mesurait guère plus de trois mètres de long sur un mètre de large. Assise sur le bord du lit, ses genoux touchaient le mur d'en face, et le jour pénétrait à peine à travers les épais barreaux chargés de rouille. Une cuvette et un lit complétaient l’ameublement.

Elle venait tout juste de décider qu’elle ne pouvait plus endurer la torture de l’attente une minute de plus quand elle entendit des pas approcher et fut surprise de voir Farah apparaître accompagnée d’Abby.

Elle dut bien reconnaître que malgré le fait que les femmes enfermées dans ce harem étaient avant tout des prisonnières, des esclaves offertes en cadeau, certainement capturées lors des campagnes militaires ou achetées quand elles étaient petites filles ou adolescentes, elles semblaient cependant être traitées avec soin et respect. Et même si cela lui semblait invraisemblable, aucune ne lui avait paru malheureuse.

Neva nota cependant l’absence de June et elle s’en inquiéta rapidement, lançant un regard interrogateur en direction de Farah.

– June t’attend à l’extérieur, tu as cinq minutes, répondit cette dernière avant de croiser les bras contre sa poitrine et prendre appui contre le mur.

Bon ben pour l’intimité, on repassera, ironisa Neva avant de reporter son attention sur Abby.

💕

– J’arrive pas à croire qu’elle ait choisi de rester, fulmina Neva, troquant sa tenue légère pour un short et un t-shirt dans des gestes brusques. Son fils se retrouve seul depuis des mois, mais non, elle, elle préfère rester avec sa Maîtresse !

– Tu crois vraiment que Farah l’aurait laissée partir ? tempéra June, libérant ses cheveux. Abby lui appartient, elle n’avait pas le choix.

Neva commença à protester, pour finalement se laisser retomber sur le quad, dépitée.

– Je sais, soupira-t-elle à contrecœur. Je parierais même qu’elle est aussi redoutable que les hommes qui l’entourent, ajouta-t-elle, dégoûtée. 

June posa une main sur sa cuisse tout en s’agenouillant en face d’elle.

– Regarde le bon côté des choses, on sait où elle est maintenant. Et puis, rien ne dit qu’on ne pourrait pas y emmener Mathis pour qu’il puisse la voir...

Neva l’observa avec incrédulité.

– Tu veux emmener un gamin de huit ans dans une espèce de bordel... sex-club... je sais pas quoi. T’as perdu la tête ?

June lâcha un rire.

– Son palais regorge de pièces isolées, il n’en verrait rien.

Elle ajouta lorsque Neva ne répondit pas :

– C’est loin d’être l’idéal, mais c’est quand même mieux que rien, non ?

– Hmm, tu as sûrement raison, admit Neva en se grattant le front.

– Bien sûr que j’ai raison, répondit June en l’embrassant sur le dessus de tête. Mais en attendant, j’ai désespérément besoin de soulager un besoin naturel, grimaça-t-elle en sautillant vers les buissons.

Neva lâcha un rire, ravie du changement de sujet. Elle en profita pour ranger le reste de leurs affaires, sécurisant ensuite les sacs sur le quad, puis s’autorisa une gorgée d’eau et quelques fruits. Elle lança par-dessus son épaule, taquine, lorsque June mit du temps à revenir :

– June, si t’as oublié de quoi t’essuyer, tu peux toujours courir !

Le silence lui répondit et elle fronça légèrement les sourcils avant de se lever du quad. June s’était un peu éloignée par souci d’intimité, mais quand même, elle l’avait forcément entendue.

– June ? réitéra-t-elle en s’approchant.

Son cœur fit un bon dans sa poitrine lorsqu’un bruit sourd lui parvint, suivi de mouvements dans les buissons et elle lâcha un soupir de soulagement lorsque June apparut enfin, légèrement dépareillée.

– Bon sang, tu m’as foutu les jetons à pas répondre comme ça, protesta-t-elle, une main sur la poitrine. Qu’est-ce qui s’est passé, tu t’es battue avec un écureuil ? taquina-t-elle.

June se contenta de venir prendre place sur le quad, puis de mettre le moteur en marche.

Neva l’observa avec confusion.

– Hé, ça va ?

– La route est longue, répondit June d’un ton neutre. On ferait bien d’y aller.

Neva obtempéra non sans froncer les sourcils face à son soudain changement d’humeur.

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