– J’arrive pas à croire que je t’ai laissé prendre la limousine, marmonna Sarah en plissant des yeux dans l’espoir de pouvoir voir à travers les vitres teintées.
Maena baissa le journal qu’elle était en train de lire.
– Pourquoi ? Tu n’aimes pas ?
– C’est pas ça, grimaça Sarah en se rasseyant confortablement, prenant soin de ne pas plisser sa robe. C’est juste que là, pour passer inaperçu, c’est loupé.
– Tu veux passer inaperçue ?
Sarah lui offrit un regard appuyé.
– Oui, enfin non, enfin... Maena, avec une voiture pareille, ils vont s’attendre à voir une célébrité ! Tout le monde va nous regarder.
– Non, répondit Maena d’un air absent tout en reportant son attention sur son journal. Tout le monde va me regarder, parce que la plupart des habitants de cette ville ne m’ont jamais vu en vraie.
Sarah se mordit l’intérieur de la joue.
– Tu n’es jamais allée en boîte, avant ?
– Hmm une fois, avec Alison. Mais c’était il y a longtemps. Et je n’avais pas spécialement aimé. Trop de gens... trop étouffant.
Sarah laissa courir ses doigts sur la surface en cuir de son siège tout en observant discrètement Maena du coin de l’œil. Sa robe bleue nuit dévoilait ses épaules sur lesquelles ses cheveux reposaient librement, et mettait surtout en valeur ses interminables jambes. Sarah la trouvait irrésistiblement sexy.
– Elle te manque parfois ? Alison, demanda-t-elle enfin, la curiosité présente dans sa voix.
Maena leva les yeux vers elle avant d’abaisser son journal.
– Celle que j’ai rencontrée quand j’avais dix-sept ans me manque, répondit-elle. Celle qui nous a quitté il y a peu... je préfère ne pas y penser, remarqua-t-elle calmement avant d’ajouter, les yeux brillants : d’ailleurs, en parlant de ça, j’espère ne pas avoir brisé le cœur de Gwen ?
Sarah l’observa, surprise avant de détourner le regard.
– Elle ne te porte pas dans son cœur, ça c’est sûr, marmonna-t-elle avant d’ajouter, plus haut : mais ça importe peu, nous ne sommes plus ensemble. Ce dont tu devais te douter vu les grands titres que notre mariage a fait.
Maena détourna simplement le regard et Sarah se mordit l’intérieur de la joue, le regard fixé sur sa robe qu’elle lissait d’un air absent :
– Tu savais qu’on allait finir par rompre, pas vrai ? demanda-t-elle sans lever les yeux. La nuit de mon enlèvement, tu as pris soin de prévenir Eva, mais pas Gwen.
– Parce que tu l’aurais fait toi ?
Sarah releva les yeux, surprise avant de faiblement secouer la tête.
– Non, admit-elle faiblement. Non, je ne l’aurais pas fait. Ça faisait des semaines que je l’évitais le plus possible. Mais ça n’explique pas pourquoi toi, tu t’es abstenue.
– La prévenir aurait apporté des complications, elle aurait voulu poser des questions, savoir pourquoi... La laisser dans l’ombre était plus simple, et je savais qu’Eva la rassurerait dès le lendemain. Le fait de te savoir à l’hôtel allait lui faire comprendre que sa compagnie n’était pas désirée.
– Et qu’est-ce qui t’a fait croire qu’elle n’allait pas insister pour me joindre par la suite ?
Maena l’observa droit dans les yeux :
– Elle ne l’a jamais fait avant.
Sarah détourna aussitôt la tête, mal à l’aise. Elle avait beau savoir que Maena l’avait observée pendant des mois et connaissait sa vie sur le bout des doigts, elle n’arrivait pas à s’y faire.
Maena sembla le pressentir :
– Je suis désolée, c’était déplacé.
– Non, c’est rien, répondit Sarah en secouant la tête. Je crois que j’ai simplement du mal à me faire à l’idée que tu m’aies espionnée pendant tout ce temps et que tu connaisses pratiquement tout de ma vie.
– Je comprends, répondit faiblement Maena en détournant le regard.
Pour une raison qu’elle ignora, sa réaction poussa Sarah à sentir son visage s’adoucir.
– Est-ce que tu es désolée, au moins ? demanda-t-elle en essayant de croiser le regard de Maena.
– Bien sûr, assura aussitôt Maena en relevant la tête. Sarah, si je pouvais revenir en arrière...
Sarah leva aussitôt une main afin de l’interrompre.
– Ça devrait m’aider à te pardonner alors, sourit-elle faiblement avant de tourner la tête vers la vitre lorsqu’elle sentit la voiture s’arrêter.
Elle détacha sa ceinture avant d’hausser un sourcil en direction de Maena.
– Bon, prête à affronter la musique ?
– Ça dépend, ce sont tes amis, je dois m’inquiéter ?
Sarah fit la moue.
– Nan, assura-t-elle, priant intérieurement pour qu’elle ait visé juste.
💕
Après avoir fait la queue pendant quelques minutes, Sarah et Maena furent enfin autorisées à entrer à l’intérieur. Sarah reconnut aussitôt que Liz avait dit vrai lorsqu’elle avait décrit The Heaven comme étant le club le plus respectable de la ville. L’atmosphère semblait relaxante et agréable, et Sarah apprécia aussitôt le fait que la musique soit assez faible pour ne pas avoir à hurler pour se faire entendre, mais assez forte pour couvrir le bruit d’un verre qui se briserait à l’autre bout de la pièce.
Elles longèrent le bar situé sur la droite afin de rejoindre les tables qui entouraient la piste de dance et Sarah fit aussitôt volte-face lorsqu’elle perçut ses amies, renversant presque Maena au passage.
– Ecoute, je sais qu’on n’a pas discuté de la ligne de conduite à adopter, mais... suis-moi juste, d’accord ?
Maena haussa les sourcils.
– C’est supposé me rassurer, ça ?
Sarah lui offrit aussitôt un regard appuyé.
– Pour la peine, je t’embrasserai toutes les cinq minutes, et avec la langue, menaça-t-elle en s’avançant dangereusement vers elle.
Maena la surprit en l’embrassant aussitôt sur les lèvres.
– Deal, sourit-elle en se reculant.
Sarah l’observa, la mâchoire pendante avant de porter une main à ses lèvres. Elle vient de m’embrasser là, j’ai pas rêvé ? Un léger raclement de gorge la ramena à la réalité et elle reprit tant bien que mal contenance.
– Bon, hum, on ferait mieux d’y aller, répondit-elle rapidement en faisant demi-tour, ignorant le faible rire qui résonna aussitôt derrière elle.
Elles se frayèrent péniblement un chemin jusqu’à la table qu’avaient réservé ses amies et Sarah fut aussitôt agacée de voir Liz perdre son sourire lorsque son regard se posa sur elles. Elle l’ignora volontairement pour répondre à l’accolade que lui offrait Emma, une amie qu’Eva et Liz lui avaient présentée quelques années plus tôt. Sarah aimait beaucoup le côté pétillant et épanoui qu’elle dégageait.
– Coucou toi ! s’exclama Emma avant de souffler à son oreille. T’as de la chance, Eva n’a pas pu venir. Elle est clouée au lit avec la varicelle.
– La varicelle ? s’exclama aussitôt Sarah en se reculant. Comment...
– Gaël l’a attrapé à la garderie, expliqua Emma en tendant timidement une main vers Maena suivit d’un petit « bonsoir ». Et comme Eva ne l’a jamais eu...
Sarah eut du mal à retenir le rire sadique qui montait en elle et le « bien fait ! » qui cherchait désespérément à passer la barrière de ses lèvres.
– Oh la pauvre..., mentit-elle, recevant aussitôt une tape sur le bras de la part de Kate, l’épouse d’Emma, qui n’y avait absolument pas cru. Hé ! s’exclama-t-elle en la prenant à son tour dans ses bras.
– Eva a demandé à ce que tu passes dès que possible, enchaîna Kate en répondant à son étreinte. Je serais toi, j’irais sous couvert d’une armure.
Sarah rit légèrement tout en se reculant, avant de frissonner lorsqu’elle sentit la main de Maena dans le creux de son dos. Elle s’apprêtait à faire les présentations mais Kate la prit de court, la surprenant par les paroles qu’elle prononça :
– Docteur Beauregard, salua Kate en tendant une main, le ton révérencieux. C’est un honneur.
Un honneur ? Même s’il faisait trop sombre pour le voir, Sarah put jurer que Maena rougissait.
– Docteur De Lonay, répondit Maena en s’emparant de sa main. C’est un honneur également que de rencontrer la nièce de cette grande femme qu’est votre tante. Et si j’en crois les médias, vous n’avez pas grand-chose à lui envier.
Ce fut au tour de Kate de rougir.
– Bon, quand vous aurez fini de vous complimenter l’une l’autre, on pourrait peut-être s’assoir, non ? demanda Liz en s’approchant à son tour, et Sarah fut rassurée de voir qu’elle souriait.
Elle l’embrassa furtivement sur la joue et attendit qu’elle et Maena échange une poignée de main avant de prendre place sur les canapés qui entouraient la table basse. Emma, Kate et Liz prirent aussitôt place en face d’elles et Sarah redouta un instant un interrogatoire en bonne et due forme.
Elle fut soulagée lorsqu’elle vit Liz se redresser soudainement :
– Je vais danser, déclara-t-elle en s’emparant de la main de Sarah et l’entraîner avec elle sans lui demander son accord. Vous commandez en attendant ? Desperado cocktail pour moi et je suis sûre que Maena saura quoi choisir pour sa demoiselle, finit-elle en regardant la concernée.
– Prends-moi comme Liz, murmura précipitamment Sarah avant d’être entraînée sur la piste.
Elle fut surprise de voir Liz slalomer entre les gens jusqu’à atteindre l’autre bout de la pièce, puis pousser la lourde porte qui menait dans la cour extérieure, celle exclusivement réservée aux fumeurs. Liz regarda autour d’elle un instant, puis les dirigea vers le coin le plus éloigné, celui moins exposé à la fumée.
– Je croyais que tu voulais danser ? demanda Sarah une fois arrivée à destination.
– Plus tard, répondit Liz en secouant une main dans les airs. Sarah, c’est quoi cette histoire ? Mariée ? Tu ne nous as jamais parlé d’elle avant.
Sarah se frotta maladroitement le sourcil.
– Je sais, ça... c’est fait un peu rapidement, en fait.
– Un peu rapidement ? répéta Liz, incrédule. Tu m’étonnes, c’était tellement rapide qu’on a rien vu venir ! Eva est vraiment hors d’elle, tu sais. Elle pensait que vous étiez plus proches que ça.
Même si elle jugea la réflexion méritée, Sarah encaissa néanmoins difficilement le coup.
– On ne peut pas dire qu’elle possède une très grande opinion de Maena, aussi, répondit-elle d’un ton légèrement sarcastique.
Oui, bon, son excuse était pathétique, mais elle essayait tant bien que mal de gagner du temps.
– Alors c’est ça, ton échappatoire ? C’est pour ça que tu ne nous as rien dit ?
– Non, soupira Sarah. C’est... compliqué. Mais je te promets que ce n’était pas contre vous, ça c’est juste fait comme ça. Wow, ça passerait presque pour un non mensonge, ça. Je suis trop forte !
Liz lui offrit un air sceptique :
– Vous vous êtes mariées à Vegas ou quoi ?
– C’est ça ! s’exclama aussitôt Sarah avant de regagner contenance lorsqu’elle vit plusieurs personnes tourner la tête dans leur direction. Enfin, pas à Vegas, mais c’est l’idée. Ça c’est fait très vite.
Elle vit Liz se mordre l’intérieur de la joue, avant d’abaisser son regard vers son ventre qu’elle observa d’un œil critique.
– Quoi ? demanda Sarah, mal à l’aise d’être ainsi observée.
– Oh rien, rien, répondit aussitôt Liz tout en relevant les yeux vers elle.
Sarah l’a vit continuer à l’observer du coin de l’œil et elle porta ses mains à ses hanches tout en lui offrant un regard appuyé.
– Liz...
Liz l’observa de la tête aux pieds :
– Je me disais juste qu’il devait bien y avoir une raison pour que vous ayez décidé de vous marier aussi rapidement, expliqua-t-elle avant de l’accuser du regard. T’es enceinte ?
Sarah sentit aussitôt sa mâchoire se décrocher et elle l’observa, incrédule, avant de croiser les bras sur sa poitrine :
– Je ne sais même pas pourquoi je prends la peine de me justifier auprès de toi.
Liz lâcha aussitôt un rire :
– Oh ça va, je te taquinais ma belle, répondit-elle avant de reprendre son sérieux. C’est juste que ça ne te ressemble tellement pas..., remarqua-t-elle en se passant une main sur le visage, avant de sourire. Mais bon, il paraît que l’amour fait faire des trucs de fous, alors...
Sarah l’observa, pleine d’espoir :
– Ca veut dire que je suis pardonnée ?
Liz l’attira aussitôt dans ses bras.
– C’est ça, murmura-t-elle en l’embrassant sur la tempe. Je suis contente pour toi, commença-t-elle en se reculant. Mais t’as encore Eva à affronter.
– Sur une échelle de 01 à 10, je dois m’attendre à quel niveau de gravité ? grimaça Sarah.
– 10, répondit Liz en lui tapotant gentiment l’épaule.
Sarah baissa la tête de dépit avant de la suivre à l’intérieur.
Super.
💕
– Et tu es sortie quand même malgré le fait qu’Eva et ton fils soient malades ? demanda Sarah en s’accoudant au bar, regardant d’un air absent le barman préparer la quatrième tournée de boissons qu’elles avaient commandée.
– Hmm, ses parents sont chez nous, alors ils ne sont pas seuls, répondit Liz avant de sourire. Et sache qu’elle m’a littéralement jetée dehors, parce qu’elle tenait à ce que je t’informe de ce qu’elle pensait de la situation.
Sarah grimaça.
– Humpf, soupira-t-elle avant d’hausser un sourcil lorsqu’une Emma à l’air dépité vint littéralement se pendre au cou de Liz. Qu’est-ce que se passe ?
Emma releva péniblement la tête.
– J’aime Kate, vraiment, mais quand elle se met à parler médical... elle me perd super vite, gémit-elle avant de se redresser et poursuivre d’un air conspirateur : Mais Maena... woah ! Sarah, je ne sais pas où tu l’as trouvée, mais elle est super canon !
Liz ricana aussitôt :
– T’as envie que Kate lui casse la figure ? T’as pas peur avec des propos pareils toi.
– Kate n’oserait pas, répondit Sarah en s’emparant de leurs boissons. Elle aurait trop peur que Maena ait le dessus.
Emma prit un air pensif :
– C’est vrai que Maena est assez grande, reconnu-t-elle avant de sourire malicieusement. Mais ne t’inquiète pas, y a aucun risque pour que ça arrive ; Maena est peut-être magnifique, Kate l’est encore plus.
– Et ton jugement est totalement biaisé, ma pauvre, rit aussitôt Liz en passant devant elles.
– Parce que tu penses que Maena est plus canon qu’Eva, peut-être ? enchaîna aussitôt Emma en la suivant.
Liz s’arrêta avant de marmonner un faible « non » et se fut au tour de Sarah et d’Emma de rire à ses dépens tout en passant devant elle.
Elles rejoignirent leur table et s’apprêtaient à déposer leur quatrième tournée de verres lorsque les paroles de Maena leurs parvinrent :
– ...des déficits enzymatiques qui conduisent à la surproduction d'acide urique comme le déficit partiel de l'hypoxanthine guanine phosphoribosyl transférase enzyme.
Sarah cligna plusieurs fois des paupières avant de relever les yeux vers Emma :
– Je comprends mieux ce que tu voulais dire quand tu disais que Kate te perdait super vite lorsqu’elle parlait médical, chuchota-t-elle, conspiratrice. Elle vient de dire quoi là ?
– J’en ai pas la moindre idée, rit Emma en déposant leurs verres. Mais je te propose de très rapidement trouver un nouveau sujet de conversation si on ne veut pas rejoindre Morphée plus tôt que prévu !
Sarah ricana à son tour avant de regagner sa place aux côtés de Maena, la coupant avant qu’elle ne reprenne la parole :
– Stop, plus de travail, ou de médecine ou je ne sais quoi, dit-elle en portant une main à ses lèvres avant de tourner la tête vers Kate. Et ça vaut aussi pour toi.
Kate pinça aussitôt des lèvres avant de mimer une fermeture éclair de ses doigts puis jeter la clé imaginaire par-dessus son épaule. Sarah ne put s’empêcher de rire de sa bêtise, avant de frissonner lorsqu’elle sentit la main de Maena prendre place dans le bas de son dos et la caresser légèrement de son pouce.
Elle sourit intérieurement, une chose était sûre, Maena savait se prendre au jeu lorsqu’il le fallait.
– Bon, maintenant que les présentations ont été faites, et que l’on est à peu près à l’aise les unes avec les autres..., commença Liz en se redressant avant de porter son attention sur Maena et Sarah, ...vous pouvez peut-être nous en dire un peu plus sur votre histoire ?
Sarah eut à peine ouvert la bouche qu’elle l’interrompit :
– Cassie nous a dit pour la rencontre, la demande ultra-romantique et le mariage version Las Vegas. Mais nous, on veut un peu plus que ça, sourit-elle malicieusement.
– La demande ultra-romantique ? chuchota aussitôt Maena à l’oreille de Sarah. Je t’ai demandé ta main sans me soucier de ton avis et tu t’es aussitôt évanouie, qu’est-ce qu’il y avait de romantique là-dedans ?
Sarah sourit poliment à ses amies avant de discrètement plisser des yeux dans sa direction :
– La rose ? murmura-t-elle. Cassie voulait tout savoir, il a bien fallu que je trouve quelque chose qui tienne la route, non ?
Maena hocha la tête, visiblement amusée, avant de reporter son attention sur leurs acolytes :
– Je crois surtout que l’on vous doit des excuses avant toute chose, pour le mariage improvisé, commença-t-elle en s’emparant de l’une des mains de Sarah avant de la poser sur sa cuisse. Les choses se sont tellement précipitées que l’on a vu que notre amour au détriment des gens qui comptaient pour nous. Sachez que nous sommes vraiment désolées pour ça. Il n’a jamais été question de vous mettre à l’écart, déclara-t-elle sincèrement avant de tourner la tête vers Sarah et afficher l’un de ses rares sourires. On a seulement été aveuglées par les sentiments que l’on avait l’une pour l’autre.
Sarah sentit son visage se réchauffer et elle fut aussitôt reconnaissante de l’obscurité prononcée de la pièce. Elle ne savait pas si ses amies y croyaient, mais pour sa part, elle trouvait Maena extrêmement convaincante. Si bien que si elle n’avait pas pris part de la supercherie elle aussi, elle y aurait presque cru.
– Awww, répondit Liz en encadrant son visage de ses mains et en battant des cils, poussant aussitôt Kate à lever les yeux au ciel. C’est mignon ! Je suis sûre que ça adoucira les ardeurs d’Eva. Enfin, un peu du moins, ajouta-t-elle après réflexion.
– Mais ça n’explique pas pourquoi vous avez gardé votre relation secrète aussi longtemps, poursuivit Kate, visiblement intriguée. C’est surtout ça qu’Eva vous reproche.
Sarah eut un rire dénué d’humour :
– « Me reproche », Kate, corrigea-t-elle en levant les yeux vers elle. Et si je n’ai rien dit, c’est parce que...
– Je lui ai demandé de ne pas le faire, coupa Maena.
Sarah tourna aussitôt la tête dans sa direction, confuse :
– Mais qu’est-ce que tu fabriques ? chuchota-t-elle. Je te préviens, tu n’as pas intérêt à te les mettre à dos pour qu’elles ne m’en tiennent pas rigueur. Je ne te laisserai pas faire ça !
Maena l’ignora afin de poursuivre :
– Je voulais la protéger, expliqua-t-elle avant d’abaisser son regard sur leurs mains liées. Je savais qu’à partir du moment où notre relation serait publique, il y aurait de grandes chances pour que les médias décident aussitôt de mettre leur nez dans nos affaires. Je ne voulais pas que Sarah y soit confrontée.
Kate hocha aussitôt la tête, compréhensive. En tant que fille de Charles De Lonay et nièce de Jessie De Lonay, elle savait mieux que quiconque ce qu’une exposition aux médias représentait. Elle avait grandi avec et aujourd’hui encore devait en faire les frais de temps à autres.
– Je n’ai pas entendu grand-chose depuis que votre histoire a été dévoilée au grand public.
– Mon frère a fait en sorte qu’ils se tiennent à distance et mesurent leurs propos, répondit Maena en relevant les yeux vers elle. Il fait partie des plus grands hackers que la terre n’ait jamais portés, et sait être persuasif.
– Ça sent le blackmail, déclara Emma, visiblement mal à l’aise.
Maena se redressa légèrement :
– Rien de bien méchant, assura-t-elle. Il lui est arrivé d’avoir recours à des menaces, mais n’a jamais eu à les mettre à exécution. La plupart des gens savent se montrer raisonnable lorsque leur image risque d’être passablement ternie.
Elle se pencha légèrement vers l’avant lorsqu’elle vit Emma secouer la tête de désaccord :
– Emma ? Si je menaçais de dévoiler un lourd secret concernant Kate, ou de salir son image, tu resterais simplement là, les bras croisés, sans rien faire ?
– Je comprends tes motivations, répondit Emma en l’observant à son tour. Vraiment. Mais je crois que j’essaierais simplement de trouver une tactique différente.
Maena sourit faiblement :
– Plus pacifiste, j’imagine ? Ce genre de méthode marche rarement dans ce milieu.
– Je sais, répondit calmement Emma, un entretient passé avec le père de Kate surgissant dans son esprit. Difficile de débattre avec des gens manquant d’humanité, hein ?
Kate s’expliqua lorsqu’elle perçut les regards confus et intrigués de Maena et Sarah :
– Elle a rencontré mon père.
– Oh, répondit Maena, comprenant aussitôt avant de préciser pour Sarah : Charles De Lonay, il était à la tête du Groupe –
– Que Jessie De Lonay a repris, interrompit Sarah. Je sais qui c’est, Marko m’en a parlé.
Maena haussa les sourcils de surprise mais n’eut pas l’occasion d’approfondir sa curiosité que Liz reprit la parole :
– Sarah aurait tout de même pu nous le dire, tempéra-t-elle calmement. On ne l’aurait pas hurlé sur tous les toits, les médias n’en auraient jamais rien su.
– C’était ma décision personnelle, répondit Sarah avant que Maena ne puisse encore prendre la responsabilité de leurs prétendues actions. Je crois que j’aimais ce côté coupée du monde extérieur, c’était juste nous deux, sourit-elle timidement en jetant un rapide coup d’œil en direction de Maena. Le temps est simplement passé plus vite que je ne l’aurais cru.
– Hmm dit comme ça, difficile de t’en vouloir, taquina aussitôt Liz avant de prendre une gorgée de son verre. J’arriverai peut-être à plaider ton cas auprès d’Eva avec tout ça maintenant.
Sarah lui sourit son remerciement avant de s’excuser lorsqu’elle sentit son iPhone vibrer dans la poche arrière de son jean. Elle le sortit et fronça aussitôt les sourcils lorsqu’elle vit qu’il s’agissait d’un mms d’un numéro inconnu, avant de l’ouvrir, intriguée.
La discussion reprit autour d’elle mais elle n’y prêta pas attention, sentant à la place sa respiration se couper face à la photo que Marko venait visiblement de lui envoyer. Le cliché la montrait clairement en train de l’embrasser, sa main gauche tenant fermement le rideau alors qu’elle s’apprêtait à le fermer. Lui était de dos, mais on percevait quand même aisément la scène, et surtout le fait qu’elle n’était vêtue que d’un string et d’un soutien-gorge.
Les mains légèrement moites, elle remonta afin de lire la phrase signée de Marko à laquelle elle avait à peine prêter attention, et sentit aussitôt un profond soupir s’échapper de ses lèvres. « Situation sous contrôle, heureusement que tu as promis de ne plus m’embrasser ;) Marko. »
Sarah s’apprêtait à se redresser dans l’espoir d’appeler Marko afin d’en savoir plus sur le sujet lorsqu’elle réalisa que Maena n’avait pas prononcé le moindre mot durant les quelques minutes où elle s’était retrouvée coupée du monde extérieur. Son cœur se mit à tambouriner à nouveau dans sa poitrine et elle hésita avant de lever les yeux vers elle, grimaçant aussitôt intérieurement dès qu’elle fit face à un regard impassible.
– Mae –
– Si vous voulez bien nous excuser, sourit poliment Maena en direction de Liz, d’Emma, et de Kate avant de se redresser puis tendre une main vers Sarah.
Perplexe et peu rassurée, Sarah décida néanmoins de jouer la comédie et s’empara de la main de Maena en prétendant que tout allait bien. Les filles semblèrent n’y voir que du feu, supposant très certainement qu’elles allaient danser, et elle suivit bêtement Maena jusqu’aux toilettes, sursautant légèrement lorsque cette dernière passa derrière elle pour poser ses mains sur ses hanches avant de la pousser dans la première cabine déserte.
L’étroitesse de l’endroit et la proximité avec Maena lui rappelèrent aussitôt le tour de passe-passe que lui avait joué son esprit ce jour-là, avec Marko, et Sarah se sentit aussitôt mal à l’aise.
Encore plus lorsqu’elle sentit le regard de Maena peser sur elle, de même que le silence qui les entourait.
– Vous êtes ensembles ?
Sarah releva aussitôt la tête, surprise :
– Hein ?
– Est-ce que vous êtes ensembles ?
Sarah cligna des yeux à plusieurs reprises, incrédule :
– Mais bien sûr que non ! Bon sang, Maena –
– Alors c’est quoi ? Une sorte de relation non exclusive ? Sans attachement ?
– Non, non c’est rien de tout ça, c’est –
– Ce n’est pas ce que cette photo avait l’air de dire.
Sarah referma la bouche d’un coup sec, agacée d’être à nouveau interrompue. Elle se passa une main sur le visage avant de soupirer :
– Je sais, admit-elle. Mais crois-le ou non, mis à part un baiser, il ne s’est rien passé d’autre. Et c’est la seule et unique fois que c’est arrivé.
Maena lui offrit un regard appuyé accompagné d’un sourcil haussé et Sarah leva aussitôt les mains au ciel lorsqu’elle comprit que Maena faisait référence à la première fois où elle avait rencontré Marko :
– Il ne s’est rien passé ce jour-là, je voulais juste lui mettre un vent pour s’être moqué de moi !
– Hmm et c’est ce qu’il s’est passé cette fois-ci ? Il s’est encore « moqué de toi » alors tu t’es dit que tu allais l’embrasser à pleine bouche ?
Sarah serra des dents avant de détourner le regard :
– Non, murmura-t-elle. Je voulais qu’il me donne son avis sur les vêtements que j’essayais, et je crois que j’ai simplement aimé la façon dont il me regardait. De fil en aiguille on s’est embrassés... mais j’y ai mis fin avant que ça n’aille plus loin.
Il y eut un long silence avant que la réponse n’arrive :
– Je dois m’attendre à ce que ça se reproduise ?
– Non, assura aussitôt Sarah en relevant la tête.
Maena lui offrit aussitôt un air sceptique et elle plongea son regard dans les yeux bleus au-dessus d’elle, désireuse d’être crue :
– C’était une erreur, Maena. Marko et moi l’avons aussitôt réalisé ce jour-là. Alors non, ça ne se reproduira plus.
Maena l’observa un instant avant de baisser les yeux :
– Bien, répliqua-t-elle calmement. Tu as le droit de fréquenter qui tu veux Sarah, mais j’aimerais juste être prévenue avant. Histoire de savoir s’il y a un risque pour que l’on fasse encore parler de moi dans mon dos.
Un rire dénué d’humour s’échappa de ses lèvres :
– C’est rarement en bien, alors j’aimerais pouvoir éviter de leurs fournir des éléments croustillants si je le peux.
Sarah se remémora aussitôt la réaction que Maena avait eu lorsqu’elle avait entendu Eva prononcer ces paroles au téléphone, puis lorsque la majorité de ses employés l’avaient vu à deux doigts d’embrasser Marko. Elle réalisa soudainement que Maena était parfaitement au courant de la façon dont le reste de la ville la percevait, et accordait en conséquence beaucoup d’importance à ce que les gens pensaient d’elle.
Elle sentit sa gorge se serrer face à la femme qui apparaissait désormais devant elle. Ce n’était pas celle qu’elle avait l’habitude de côtoyer, qui était si forte et si sûre d’elle, intrigante et énigmatique. Non, la femme qui se tenait devant elle aujourd’hui dévoilait quelque chose de beaucoup plus fragile, de douloureux. Une femme marquée au fer rouge par la médisance des autres, des ignorants.
Sarah se demanda depuis combien de temps elle trainait cette souffrance.
Elle voulut répondre, mais sa gorge, trop serrée, l’en empêcha alors elle fit ce qu’elle savait faire le mieux ; elle s’avança légèrement et lui offrit sa première étreinte, réconfortante, et prometteuse de pleins d’autres à venir encore si le besoin s’en faisait ressentir.
– Tu ne souffriras jamais par ma faute, Maena, promit-elle en encerclant sa taille de ses bras avant de poser sa tête sur son épaule et lever les yeux vers elle. Crois-le ou non, mais j’ai fini par beaucoup m’attacher à toi. Je ne suis pas sûre que j’arriverai à me regarder dans un miroir à nouveau si ça arrivait.
Maena lui rendit son étreinte avant de poser son menton sur le dessus de sa tête :
– C’est gentil, mais tu ne peux pas être sûre de ça. Personne ne peut savoir avec certitude qu’il ne fera jamais souffrir les gens qui lui sont chers.
Sarah médita un instant sur ses paroles avant de sourire faiblement :
– A moi de faire en sorte que ça n’arrive jamais alors, répondit-elle en s’écartant légèrement, son cœur se serrant lorsqu’elle vit les yeux humides de Maena. Je suis désolée Maena, je ne pensais pas que cette histoire avec ton frère te ferait aussi mal.
Maena haussa imperceptiblement les sourcils avant de s’emparer des feuilles de papier toilette que Sarah lui tendit.
– Merci, répondit-elle en s’essuyant les yeux. Vous avez pas mal discuté à ce que je vois.
– Un peu, admit Sarah. Pourquoi est-ce que tu ne m’as jamais dit qu’il était ton frère ?
Maena haussa les épaules avant de jeter le papier toilette dans la petite corbeille jouxtant le mur :
– Tu n’as jamais demandé, déclara-t-elle, souriant faiblement lorsque Sarah leva les yeux au ciel. Mais pour être honnête, je pensais que tu l’avais deviné étant donné qu’Amy t’avait très légèrement mise sur la voix.
– « Très légèrement » justement, marmonna aussitôt Sarah en croisant les bras sur sa poitrine avant de se mordre la lèvre inférieure. Et... hum, tu penses vraiment qu’il n’y a aucun risque pour que la photo que Marko m’a envoyé tombe entre de mauvaises mains ?
Maena ouvrit la porte de la cabine avant de l’inviter à sortir :
– Marko est le meilleur, ne t’inquiète pas, la rassura-t-elle en posant ses mains sur ses épaules. S’il te dit que tout va bien, c’est que tout va bien.
Sarah s’arrêta avant de se retourner :
– A vrai dire, je serais surtout rassurée si ces paroles venaient de toi, répondit-elle, son regard faisant clairement comprendre à Maena qu’elle parlait d’elles deux.
Maena l’observa avant de légèrement sourire :
– Tout va bien Sarah, je te le promets.
💕
– Tu tangues un peu, sourit légèrement Sarah en levant les yeux vers Maena.
Les premières notes de « Lovesong » d’Adèle avaient à peine résonnées que Maena l’avait aussitôt invitée à danser. Et même si la demande l’avait agréablement surprise pour une raison qu’elle ignorait, Sarah l’avait surtout fortement soupçonnée d’avoir simplement voulu échapper aux questions de ses amies.
Le début de soirée s’était plutôt bien passé, mais Kate, Emma et Liz avaient visiblement du mal à lui délier la langue. Sarah ne savait pas si c’était parce que Maena était mal à l’aise, ou parce qu’elle refusait tout simplement de s’intégrer.
– Je ne supporte pas très bien l’alcool, admit Maena, un léger rictus au coin des lèvres.
Sarah devait bien admettre qu’après deux Desperado cocktail à base de Tequila, de jus de citron et de bière blonde suivit d’une tournée de shooters B-52, elle n’était plus très fraîche elle non plus. Mais elle aimait la sensation de détente que cela procurait.
Elle frissonna lorsqu’elle sentit le souffle chaud de Maena contre son oreille :
– Tu sais que tes amies n’arrêtent pas de nous regarder, en tout cas ?
– Non, c’est toi qu’elles regardent, répondit Sarah en levant les yeux vers elle, le sourire aux lèvres. Figure-toi qu’elles te trouvent irrésistiblement canon.
Elle fut surprise de voir Maena détourner aussitôt les yeux d’embarras. Elle haussa un sourcil :
– Maena, rassure-moi, tu as conscience de combien tu es sublime quand même, hein ?
– Je croyais que j’étais simplement Carmilla à leurs yeux ? répondit Maena en l’observant à nouveau.
Sarah fit la moue, pensive :
– Eh bien... Carmilla est énigmatique, incroyablement séduisante et lesbienne, sourit-elle finalement avant de battre innocemment des paupières. Qui ne voudrait pas être comparée à elle ?
– Carmilla était surtout dangereuse.
– Ce que tu n’es pas, répondit aussitôt Sarah.
Maena haussa un sourcil parfaitement épilé :
– Qu’est-ce que te fait croire ça ? demanda-t-elle. Sarah, je t’ai fait kidnapper au cas où tu l’aurais oublié.
– Et tu m’as relâchée trois jours plus tard, en plus de m’offrir un dressing complet et 10 000€ par jour, répondit aussitôt Sarah en lui offrant un regard appuyé. Excuse-moi mais si ça c’est être dangereux, j’ai hâte de croiser tous les tarés du quartier !
Elle reprit son sérieux lorsqu’elle vit Maena secouer la tête, visiblement contrariée :
– Ecoute, s’il y a bien une chose que tu partages avec Carmilla, outre son exquise beauté, c’est son côté énigmatique, déclara-t-elle en plongeant dans les yeux bleus au-dessus d’elle, avant de poursuivre, un léger sourire sur les lèvres : tu es mystérieuse Maena, et j’ai bien l’intention de découvrir ce que tu caches.
– C’est pour ça que tu restes ? contra aussitôt Maena, intriguée. Pour assouvir ta curiosité ?
Sarah haussa les épaules :
– Peut-être, taquina-t-elle en tirant légèrement sur sa main afin qu’elles regagnent leur table. Ça et le fait que je dois aimer les femmes dangereuses.
Elle l’observa par-dessus son épaule, souriante :
– Et qu’il y a plusieurs millions d’euros à la clé, finit-elle dans un clin d’œil.
– Oh, tu veux juste la moitié de mon héritage alors, feint d’être blessée Maena, mais Sarah perçut aussitôt le trouble dans ses iris bleus glace.
Elle s’arrêta à quelques mètres de leur table pour lui faire à nouveau face :
– Ce serait mentir que de dire que l’argent ne m’attire pas, répondit-elle avant d’hausser un sourcil. Ose me trouver une personne qui dirait aussitôt non à plusieurs millions d’euros ? Mais si tu veux réellement savoir pourquoi je reste, c’est parce que cet héritage te revient, Maena. Je ne sais pas pourquoi Granny a fait tout ça, mais cette demeure et tout ce qu’elle contient t’appartient. Je tiens réellement à ce que tout te revienne une fois ces six mois écoulés.
– Même la moitié qui t’est destinée ? s’étonna Maena.
Sarah hocha aussitôt la tête :
– Maena, je n’ai rien à faire dans cette histoire. Je me sentirai mal à l’aise de profiter de ce qui ne m’appartient pas. Granny m’a permis d’avoir confiance en moi à un moment de ma vie où j’en avais le plus besoin, c’est plutôt à moi de lui rendre la pareille. Et c’est ce que je compte faire en faisant en sorte que sa petite fille reçoive ce qui lui revient de droit.
Maena sourit faiblement :
– Elle t’aurait sincèrement appréciée si elle avait eu la chance de te connaître. Mais tu ne repartiras pas les mains vides une fois ces six mois écoulés.
Maena passa devant elle et Sarah ouvrit la bouche avant de la refermer à plusieurs reprises, pour finalement se dépêcher de la rejoindre avant qu’elle ne s’asseye :
– Maena, gronda-t-elle en s’emparant de son bras. Tu m’as déjà donné de l’argent, un dressing complet et je suis littéralement nourrie logée. Ça suffit amplement !
– Et tu as perdu ton emploi.
Sarah cligna plusieurs fois des paupières, prise de court :
– Je ne savais pas que tu étais au courant, admit-elle en détournant le regard.
Maena haussa un sourcil :
– Tu penses vraiment que j’allais finir par croire que ton patron t’avait autorisé six mois de congés ? C’était destiné à arriver, Sarah.
– Je sais.
Le testament stipulait qu’aucune d’entre elles ne devait quitter la demeure plus d’une semaine sous peine de voir le testament s’annuler et la demeure remise entre les mains de la ville. Et là où Eva était architecte, Sarah s’occupait du service marketing et merchandising, ce qui nécessitait des déplacements parfois plus ou moins longs. Elle avait su dès le début qu’elle aurait à s’absenter plus d’une semaine au moins une fois durant ces six mois. Cela n’aurait tout simplement pas fonctionné, alors elle avait décidé de démissionner.
– Je trouverai autre chose, déclara-t-elle en relevant la tête. Les agences d’architecture ce n’est pas ce qui manque à la capitale.
Maena afficha un petit sourire en coin et elle plissa aussitôt les yeux, suspicieuse :
– Quoi ?
– Je connais quelques-uns des grands patrons, alors non, tu ne devrais en effet pas avoir de mal à trouver quelque chose.
Sarah secoua aussitôt la tête :
– Maena, je ne veux pas de ton aide. Je suis assez grande pour me débrouiller toute seule.
– Oh mais je n’allais rien faire, répondit Maena en la poussant légèrement vers leur table. Le simple fait que tu sois mon épouse suffit. Ton nom est à jamais associé au miens désormais, finit-elle dans un clin d’œil.
Sarah se contenta de secouer la tête, amusée.
Pour une raison qu’elle ignorait, l’idée était très loin de la déranger.
Et cela n’avait rien à voir avec les privilèges futurs dont elle allait visiblement bénéficier.
💕
– Hé !
Sarah lâcha un juron lorsque son eyeliner tomba dans le lavabo et elle jeta aussitôt un regard assassin vers la personne qui venait de lui donner la peur de sa vie, avant de sourire, agréablement surprise :
– Cassie ! s’exclama-t-elle en venant la prendre dans ses bras. Je croyais que tu ne pouvais pas venir ?
– Et louper Maena dans cette magnifique robe bleue nuit qui épouse tellement bien ses formes que – ouch ! s’interrompit-elle lorsque Sarah lui pinça le bras. Ben quoi ? répliqua-t-elle innocemment avant de sourire : C’est pas parce que je suis déjà servie que je ne peux pas regarder le menu hein !
Sarah plissa des yeux :
– Tiens-toi tranquille..., feignit-elle de menacer avant d’hausser un sourcil. Michael est venu avec toi ?
– Nan, répondit aussitôt Cassie en secouant négativement la tête. Il est à la maison avec Zoé, je suis d’ailleurs juste de passage ; on a prévu de passer la journée au parc demain, Zoé nous a rarement eu tous les deux à la maison en même temps ces derniers mois alors on a décidé d’en profiter. Et si je veux au moins quelques heures de sommeil..., grimaça-t-elle en regardant sa montre, notant qu’il était déjà presque quatre heures. Non vraiment je ne reste pas longtemps.
Sarah hocha la tête, compréhensive :
– C’est gentil à toi d’être venue, en tout cas, sourit-elle sincèrement.
Cassie remua une main dans les airs :
– Je te l’ai dit, Maena... magnifique robe bleue nuit...
– Cassie...
Cassie lâcha un rire.
– D’accord, d’accord, j’arrête de t’embêter, promit-elle. Bon et toi, comment ça va ? La soirée a l’air de plutôt bien se dérouler d’après ce que j’en ai vu, sourit-elle avant de se mordre l’intérieur de la joue. Bon en même temps, celle qui pose réellement problème n’est pas venue, mais t’as quand même réussi à te mettre les trois autres dans la poche, c’est plutôt positif, non ?
Sarah hocha aussitôt la tête :
– Elles s’inquiétaient juste, ce que je peux comprendre, répondit-elle en faisant tourner son eyeliner entre ses doigts, avant de lever un regard amusé vers Cassie. Et puis Maena maitrise la rhétorique comme personne, même si elles ne l’avaient pas voulu, elles auraient été convaincues quand même.
– A qui le dis-tu, taquina aussitôt Cassie. C’est pour ça que j’ai choisi d’y croire dès le début !
Sarah sourit, mais haussa néanmoins un sourcil :
– C’est vrai que tu es la seule à avoir aussitôt bien pris la chose... une raison particulière ?
Cassie haussa les épaules :
– Disons que je vous connais suffisamment l’une l’autre pour savoir que je n’ai pas de soucis à me faire. Et crois-le ou non, mais avec deux cœurs aussi purs que les vôtres, c’est un peu difficile de vous en vouloir et ce peu importe ce que vous avez bien pu faire.
Sarah baissa les yeux, visiblement touchée, avant de lever soudainement la tête lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir à nouveau, laissant Emma entrer à son tour dans les toilettes :
– Laisse-moi deviner, grimaça-t-elle. Elles parlent encore médecine ?
Emma secoua négativement la tête, amusée :
– Non, répondit-elle avant de faire un léger signe de tête en direction de Cassie. En fait, je venais te mettre en garde contre Madame ici présente. Pour l’instant, elle observe de loin, et comprends bien qu’ « observe » est un euphémisme, mais ensuite, elle embrasse et avant que tu n’aies eu le temps de cligner des yeux, hop ! elle aura mis Maena dans son lit ! Ne lui fais absolument pas confiance, finit-elle dans un clin d’œil complice.
– Hé ! s’exclama aussitôt Cassie, outrée. C’est Kate qui m’a embrassée je te signale ! Et vu la façon dont elle s’y est prise, ça n’avait absolument rien de romantique. Et c’est toi qui m’as poussée dans votre lit conjugal ! Qui au passage était mon lit mais là n’est pas la question, précisa-t-elle en remuant une main dans les airs.
– Hmm je retiens surtout que je n’ai pas eu besoin de beaucoup pour te convaincre, taquina aussitôt Emma.
Cassie l’observa, la mâchoire pendante, et Sarah retint difficilement un rire :
– Vous êtes sûre que c’est avec Kate que vous êtes sortie toutes les deux ? Parce qu’à vous observer comme ça, on dirait un vieux couple qui se dispute...
Emma écarquilla les yeux avant de se reculer réflexivement d’un pas lorsqu’elle vit Cassie poser ses yeux sur elle et l’observer d’un air prédateur.
– Hmm tu as raison, ronronna Cassie tout en s’approchant d’Emma. Jusqu’à présent, je ne voyais que Kate, mais je dois bien admettre que sa moitié n’est pas méchante à regarder du tout..., poursuivit-elle en détaillant Emma de la tête aux pieds avant de lâcher un soupir résigné : c’est malin, je crois bien que c’est d’elle dont j’ai envie maintenant.
Emma haussa les sourcils de surprise avant de lâcher un cri aigu lorsque Cassie l’attrapa par la taille et la poussa vers la première cabine. Son dos heurta la porte et elle éclata de rire lorsque Cassie insinua son visage dans son cou et feignit de l’embrasser.
Sarah les observa, totalement amusée, avant de tourner la tête lorsqu’elle vit la porte s’ouvrir d’un coin de l’œil, dévoilant Maena. Elle expliqua aussitôt lorsqu’elle la vit froncer légèrement les sourcils face à la scène qui se déroulait sous ses yeux :
– Je crois que l’alcool leur monte à la tête.
– Tcht, l’admonesta aussitôt Cassie alors qu’elle et Emma s’approchaient. Je n’ai pas encore bu je te signale, précisa-t-elle en se recoiffant. Et on allait justement regagner notre table avant que Kate ne se décide à venir nous chercher et m’étriper par la même occasion.
– Et tu ne l’auras pas volé, rit aussitôt Emma tout en la tirant par le bras.
Elles quittèrent la pièce et Sarah secoua la tête d’amusement avant de reporter son attention sur Maena :
– Ça va ?
Maena hocha légèrement la tête tout en s’approchant.
– Dis, je me demandais... vous partez à quelle heure, en général ?
– A la fermeture, répondit Sarah en rangeant son eyeliner dans son sac à main.
Maena avala difficilement sa salive avant de regarder autour d’elle :
– Et c’est à quelle heure, ça ?
– Cinq heures. Mais en général, on prend le petit déjeuner ensemble avant de rentrer chacune de notre côté. Pourquoi ?
Maena se frotta maladroitement le sourcil :
– Le soleil se lève à cinq heures.
Sarah lui offrit un regard confus avant de se souvenir.
– Oh. Eh bien... c’est pas grave, on peut partir plus tôt, répondit-elle, ne sachant pas ce qui la perturbait le plus entre le mal-être évident de Maena ou les non-dits qui flottaient autour d’elles. Bon sang Maena, quand me diras-tu de quoi il en retourne exactement ?
– Non, déclara aussitôt Maena en secouant la tête. Reste, je dirais au chauffeur de repasser te prendre.
Sarah lui offrit aussitôt un regard appuyé :
– Maena, on est supposées être mariées, de quoi on va avoir l’air si on part toutes les deux à des horaires différents ? demanda-t-elle avant de lever une main lorsque Maena s’apprêta à répondre. Et ne me sors pas l’excuse du travail, c’est dimanche demain.
Maena sourit faiblement avant d’afficher un air embêté :
– Tu pourrais profiter de tes amis encore un peu si tu restais.
– Je sais, répondit Sarah avant d’hausser les épaules. Mais tu dois rentrer pour je ne sais quelle raison, alors on rentre.
Maena tiqua sur ses propos et elle regretta aussitôt le ton qu’elle avait employé sans le vouloir.
– Excuse-moi, soupira-t-elle en se passant une main sur le visage. C’était pas censé sortir comme ça.
– C’est rien, répondit faiblement Maena en détournant le regard.
Un silence pesant s’installa entre elles et Sarah se mordit l’intérieur de la joue avant de demander :
– Tu me le diras, un jour ? Ce que tu caches.
Maena releva un regard mêlant crainte et appréhension vers elle.
– Je croyais que tu avais l’intention de le découvrir par toi-même ? répondit-elle après avoir repris contenance.
C’est pas comme si tu me facilitais la tâche aussi hein, pensa sarcastiquement Sarah.
– Un indice ? demanda-t-elle, pleine d’espoir. De quoi as-tu peur, Maena ?
Elle sut qu’elle n’obtiendrait pas de réponse lorsque Maena détourna à nouveau les yeux.
– Viens, capitula-t-elle en tirant légèrement sur son bras. Allons leur dire au revoir.
– Sarah...
Sarah posa aussitôt deux doigts sur ses lèvres.
– Il est quatre heures, j’ai passé une excellente soirée et je peux les revoir quand bon me semble, alors on rentre, énonça-t-elle simplement avant de sourire. J’ai une épouse à mettre au lit, après tout.
Maena afficha aussitôt l’un de ses rares sourires.
– Tu es sûre ?
– Que je veux rentrer ? Ou te mettre au lit ? répondit aussitôt Sarah, taquine.
Maena leva les yeux au ciel.
– Je suis sûre, assura Sarah en tirant légèrement sur sa main. Et dépêche-toi, l’heure tourne.
Elle s’apprêta à protester à nouveau lorsqu’elle sentit Maena la retenir par le bras, mais elle fut aussitôt coupée par deux lèvres sur les siennes. Surprise, elle se figea, avant de cligner bêtement des paupières lorsque Maena se recula.
– Que... quoi...
– Pour te remercier, répondit simplement Maena en replaçant une mèche blonde derrière son oreille. Et je n’ai rien dit tout à l’heure, mais cela m’aurait effectivement dérangée s’il y avait réellement eu quelque chose entre mon frère et toi, admit-elle en levant les yeux vers elle, avant de la contourner et regagner leur table.
Sarah se contenta de l’observer disparaître à travers la foule, déconcertée.