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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Mises à jour !

Nouveauté :
  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

Projets en cours :
  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

19 août 2013

Chapitre 21

Une douce caresse sur sa joue poussa Sarah à quitter le pays des songes et elle se frotta les yeux, un bâillement s’échappant de ses lèvres. Le visage de Maena lui apparut et elle ne put retenir un sourire, mais ce ne fut rien comparé à ce qu’elle ressentit lorsqu’elle vit la blouse blanche qu’elle portait.

– Hmm, c’est sexy ça, ronronna-t-elle en tirant légèrement sur le vêtement. J’ai toujours eu un faible pour les femmes en uniforme... encore plus lorsqu’elles portent des lunettes, ajouta-t-elle quand elle perçu le dit objet dans les cheveux de Maena.

Maena détourna les yeux, une légère coloration recouvrant ses joues.

– Je travaillais, expliqua-t-elle avant de l’observer à nouveau. Mais j’ai eu envie de faire une pause, alors j’en ai profité pour venir te voir.

Sarah afficha aussitôt un sourire ravi et se pencha légèrement afin de lui voler un baiser. Le visage de Maena était si rayonnant, si pur, qu’elle se retrouva là à simplement l’observer, elle et ses yeux qui paraissaient beaucoup plus clairs exposés ainsi à la lumière du jour.

A la lumière du jour.

Le soleil.

Sarah se redressa d’un bon.

– Maena ! Le soleil ! s’exclama-t-elle, la panique s’emparant d’elle.

Maena grimaça.

– Je sais, il tape en plus hein ? chuchota-t-elle tout en évitant de tourner la tête en direction des immenses baies vitrées de la véranda, visiblement apeurée. J’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie.

Sarah l’observa, incrédule.

– Mais... mais... mais bouge ! Pourquoi est-ce que tu restes plantée là ?!

Maena haussa les sourcils, surprise par son emportement soudain, avant de prendre la main de Sarah entre les siennes.

– J’ai du mal à croire que tu sois encore plus flippée que moi, sourit-elle, mi-amusée, mi-incrédule. Calme-toi, elles sont recouvertes de filtres anti-UV. Et j’ai demandé à Michael de les vérifier une et à une et au millimètre près avant de me lancer dans cette opération suicide, frissonna-t-elle.

– Hein ? s’exclama aussitôt Sarah. Parce que c’est pas sûr à 100% ces trucs ?

– Si, soupira Maena, un air contrit sur le visage. Je dramatisais juste la situation pour me sentir un peu mieux, tu sais, courageuse et tout...

Sarah sentit un sourire se dessiner sur son visage tandis que son cœur regagnait progressivement son rythme normal. Elle se pencha jusqu’à frôler les lèvres sous les siennes.

– Moi je pense justement que c’était effectivement très... très courageux de ta part.

Maena leva vers elle un regard timide.

– C’est vrai ?

– C’est vrai, assura aussitôt Sarah en venant frôler la joue de Maena du bout des doigts, ravie de provoquer un immense sourire en retour. Tu devrais sourire plus souvent, tu es magnifique comme ça, ajouta-t-elle en venant caresser les lèvres de Maena.

Maena rougit légèrement et Sarah devina aussitôt qu’elle était mal à l’aise lorsqu’elle détourna le regard.

Elle décida de la laisser tranquille et de changer de sujet :

– Tu ne veux pas regarder ? demanda-t-elle en désignant les immenses baies vitrées.

Maena secoua aussitôt la tête.

– Non, répondit-elle avant de lever les yeux vers Sarah et sourire. Mais je veux bien une petite place à côté de toi.

Sarah ne se fit pas prier et elle se décala aussitôt, observant Maena s’allonger de tout son long à côté d’elle. Cette dernière tourna la tête dans sa direction et elle prit appui sur un coude avant de l’embrasser furtivement sur les lèvres.

– Tu ne vas vraiment pas regarder, hein ?

– Pas encore, répondit Maena avant d’hésiter. Je... je ne suis pas encore prête, je crois.

Sarah hocha la tête d’un air compréhensif avant de venir s’allonger sur elle, ne pouvant retenir un sourire lorsque Maena haussa aussitôt les sourcils.

 – Quoi ? demanda-t-elle, un sourire taquin sur les lèvres. Tu ne veux pas profiter du soleil, alors moi j’ai décidé de profiter du corps allongé sous moi.

Maena afficha aussitôt un immense sourire et elle entoura la taille de Sarah de ses bras :

– Même si je ne suis pas un vampire, finalement ?

Sarah grogna aussitôt et enfoui son visage dans le cou à proximité, une douce chaleur recouvrant progressivement ses traits.

– Vilaine, marmonna-t-elle lorsqu’elle sentit le corps sous elle se mettre à vibrer avant qu’un rire ne résonne dans la pièce.

– Excuse-moi, répondit Maena en l’embrassant sur la tempe. Mais plus sérieusement, Sarah... tu veux vraiment faire ça ici ? Parce qu’on a quatre-vingt-dix pour cent de chances d’être interrompues par la quasi-totalité de mes employés.

Sarah releva aussitôt la tête et tâtonna un instant jusqu’à ce qu’elle ait trouvé le poignet de Maena qui reposait contre sa hanche. Elle le tira jusqu’à son visage puis le porta à ses lèvres après avoir appuyé sur le premier bouton de la montre qui l’entourait :

– « Michael ? »

Il y eut quelques grésillements avant que la voix masculine ne lui parvienne :

– « Mademoiselle ? »

– « Vous voudrez bien faire en sorte que personne ne vienne déranger Madame Maena et moi-même s’il vous plaît ? Et si cela venait à arriver... vous seriez immédiatement renvoyé. »

Elle vit Maena s’apprêter à protester mais elle plaqua aussitôt sa main libre sur ses lèvres.

– « Michael ? »

– « Ou-oui Mademoiselle, personne ne viendra vous déranger. »

Sarah afficha aussitôt un sourire vainqueur.

– « Merci ! » s’exclama-t-elle avant de raccrocher. Bon, on en était où nous ? ajouta-t-elle avant de venir cueillir les lèvres de Maena dans un baiser furtif.

Elle sourit lorsque leurs nez se frôlèrent doucement et elle redessina le contour de la mâchoire de Maena du bout des doigts, avant de remonter vers sa joue puis finalement s’insinuer dans ses longs cheveux couleur ébène. Un lent sourire étira finalement leurs lèvres, et Sarah laissa sa main descendre un peu plus bas, sur le torse de Maena pour venir jouer avec les boutons de son chemisier sans pour autant les défaire.

Des yeux d’un bleu intense vinrent se plonger dans les siens et elle sentit une main se poser sur la sienne, l’appuyant légèrement contre la poitrine de Maena afin de lui faire sentir les battements de son cœur. Le rythme était précipité, mais fort et puissant et Sarah ferma aussitôt les yeux pour s’emparer des lèvres de Maena dans un baiser d’une tendresse infinie.

La main de Maena, toujours posée au creux de ses reins, redessina délicieusement ses courbes du bas de son dos jusqu’à ses omoplates et Sarah frissonna face à la chair de poule qui s’empara soudainement d’elle. Mais ce ne fut rien comparé à ce qu’elle ressentit lorsque leurs jambes s’entremêlèrent, exerçant une délicieuse pression exactement là où elle en avait le plus besoin.

Elle commençait tout juste à frémir contre Maena lorsque des bruits sourds se firent soudainement entendre juste derrière les doubles portes menant à la véranda et elle releva aussitôt la tête, hors d’elle.

– Je me fiche de ce que tu penses, il est définitivement viré, gronda-t-elle en sautant sur ses pieds.

Maena la retint aussitôt par le bras :

– Sarah –

– Il a même pas tenu cinq minutes ! s’exclama Sarah avant de sursauter lorsque la porte s’ouvrit soudainement.

Elle sentit Maena l’attirer fermement contre elle mais elle n’y prêta pas attention, ébahie par la scène qui s’offrait à elle. Les deux gardes du corps étaient pliés en deux dans le couloir, l’un se tenant le pied, l’autre l’entre-jambe et lorsque Sarah dévia son regard vers la jeune femme située devant elle, elle sentit sa mâchoire s’affaisser.

– Eva ? Mais... que... comment...

– Liz m’a prêté ses talons, sourit fièrement Eva en désignant les chaussures en question. Ça fait un carton sur les gros orteils. Bon le coup de genou dans les roubignoles, je t’apprends rien, c’est un classique.

Sarah cligna plusieurs fois des paupières, peu sûre de vraiment comprendre ce qu’il se passait.

– Eva... qu’est-ce que tu fais ici ?

Le visage d’Eva se ferma soudainement et elle croisa ses bras sous sa poitrine.

– Je suis venue te demander ce que tu fabriques. C’est quoi cette histoire Sarah ? Mariée ? Alors que tu ne nous as jamais parlé de Dame Carmilla la Comtesse ?

Sarah sentit aussitôt Maena se figer derrière elle et elle lança un regard désapprobateur en direction d’Eva.

– Elle s’appelle Maena, Eva.

Eva leva aussitôt les mains au ciel :

– Je m’en fous ! s’exclama-t-elle avant de s’approcher jusqu’à n’être plus qu’à un mètre de Sarah. Tu nous l’as appris par Facebook, Sarah. Par Facebook ! Avant de complètement disparaître de la circulation ! C’est comme ça que tu traites tes amis désormais ?

Sarah baissa la tête, honteuse et Eva en profita pour relever les yeux vers Maena.

– Qu’est-ce qu’elle t’a fait ? cracha-t-elle, la voix pleine de haine.

– Eva –

– Je l’ai faite kidnapper, avant de la forcer à m’épouser. 

Sarah grimaça aussitôt face au ton dénué d’émotion et aux paroles de Maena, avant qu’un sentiment de froid et d’abandon ne s’empare d’elle lorsque ses mains la relâchèrent. Elle vit Eva hausser les sourcils de surprise, puis plisser des yeux, comme si elle tentait de juger si Maena disait vrai ou non, avant de serrer des dents à nouveau.

La gifle partie si vite que Sarah réalisa qu’elle avait réellement eu lieu uniquement lorsqu’elle vit le visage légèrement tourné de Maena, ainsi que la légère marque rouge qui ornait désormais sa joue. Elle tourna aussitôt la tête vers Eva, surprise de voir ses yeux emplis de colère toujours fixés sur Maena et sa respiration légèrement saccadée, et elle s’empara brusquement de son menton afin qu’elle la regarde elle.

– Mais t’es complètement folle ! s’exclama-t-elle en la faisant légèrement reculer. Eva, je t’adore, vraiment, mais si tu lèves encore une fois la main sur Maena, je risque de t’aimer beaucoup moins !

– Elle t’a faite kidnapper ! gronda Eva en retour. Avant de te forcer à l’épouser !

– Et tu m’as entendue m’en plaindre ? rétorqua aussitôt Sarah.

Eva hésita avant de secouer négativement la tête et Sarah sentit aussitôt son expression s’adoucir.

– Ecoute, reprit-elle plus calmement. Je sais que ça paraît dingue, et je t’assure que j’étais tout aussi hors de moi que tu peux l’être maintenant. Mais je te promets que Maena n’est pas celle que tu crois, c’est juste... une longue histoire.

Eva pencha légèrement la tête sur le côté, pensive avant de soudainement se diriger vers les canapés.

– Très bien, dit-elle en prenant place. Je suis toute ouïe.

Sarah haussa les sourcils de surprise puis se mordit la lèvre inférieure, ses yeux déviant vers Maena qui n’avait pas bougé de place pendant tout ce temps pour la supplier du regard. Maena se contenta de lui offrir un faible sourire avant de porter son poignet à ses lèvres.

– « Amy ?... On aurait besoin de quelques boissons chaudes dans la véranda. ... Hmm oui, ajoutez quelques biscuits à grignoter aussi. Merci Amy. »

– Tu aurais peut-être dû demander un peu de glace pour ta joue, aussi, grimaça Sarah en venant frôler l’endroit du bout des doigts avant de s’emparer de la main de Maena et les guider vers Eva.

Maena se pencha afin de murmurer à son oreille :

– Nan, ça casserait toute ma réputation.

Sarah lâcha un rire avant de prendre place aux côtés d’Eva, et lui raconter tout ce qu’elle voulait savoir.

💕

– Attendez, attendez, laissez-moi résumer. Maena t’a fait kidnapper parce que Granny lui a laissé un testament dans lequel elle exigeait que vous vous mariiez et viviez six mois ensembles sans quoi son héritage vous passerait sous le nez ? énuméra-t-elle avant de tourner la tête vers Maena. Et vous avez la maladie des enfants de la lune, remarqua-t-elle tristement avant de soudainement écarquiller les yeux et porter une main à ses lèvres. Oh non, je suis désolée pour ma remarque sur Carmilla, grimaça-t-elle.

Sarah lui donna un léger coup de coude suivit d’un regard appuyé et Eva l’observa, confuse avant que la compréhension ne se fraye un chemin dans son esprit. Elle croisa les bras sous sa poitrine.

– Ah non, je m’excuserai pas pour la gifle.

– Eva...

– Elle l’a mérité !

Sarah leva aussitôt les yeux au ciel :

– Et alors ? Fais un effort !

– Non, marmonna Eva en prenant appui contre le dossier. J’ai pas envie, elle t’a faite kidnapper, je vais pas lui pardonner ça. C’était vraiment indispensable d’ailleurs ?

Comprenant que c’était à elle que la question s’adressait, Maena leva aussitôt les yeux vers Eva :

– Honnêtement ? Non. Mais sa réponse m’importait peu, je savais qu’elle refuserait. J’avais simplement besoin qu’elle soit ici, et qu’elle y reste.

– Et quoi de mieux qu’un kidnapping pour ça, termina Eva d’un ton ironique avant de serrer des dents. Tu as raison Sarah, je n’aurais pas dû la gifler ; j’aurais dû faire pire que ça.

Sarah leva aussitôt les mains dans l’espoir de calmer le jeu, fusillant Maena du regard lorsque cette dernière s’apprêta à répondre. Oh non, hors de question que tu ailles dans son sens ! :

– O.K., O.K. on se détend là, d’accord ? Eva, commença-t-elle calmement. J’apprécie ton envie de me protéger, vraiment, mais tout ça fait partie du passé maintenant. Maena a juste eu peur de perdre un héritage qui représentait tout pour elle, disons... disons qu’elle a simplement cédé à la panique. Mais sache qu’elle m’a rendue ma liberté trois jours plus tard, ça veut bien dire quelque chose ça, non ?

Eva observa Maena, sceptique :

– C’est vrai ?

– C’est vrai, assura fermement Sarah avant que Maena n’ait pu répondre, de peur qu’elle n’en profite pour porter le blâme à nouveau.

Elle laissa son visage s’adoucir avant d’ajouter :

– Elle n’est pas telle que ces gens la perçoivent là-dehors. Elle est tout le contraire. Ne la juge pas aussi durement uniquement parce qu’elle a commis une erreur. Une erreur qui nous a été aussi bénéfique, en plus, sourit-elle malicieusement avant de reprendre plus sérieusement : et si tu ne veux pas le faire pour elle, fais-le au moins pour moi... ai au moins confiance en ce que je te dis, moi. S’il te plaît ?

Eva observa Maena un long moment, comme si elle essayait de juger si Sarah disait vrai ou non à son sujet, avant de reporter son attention sur cette dernière et soupirer :

– Tu me prends par les sentiments, c’est pas fair-play, bouda-t-elle. Mais j’imagine que je peux faire un petit effort... et surtout te faire confiance, ajouta-t-elle dans un clin d’œil. Donc cette histoire de mariage, c’est bidon ou pas au final ?

– Le mariage est toujours bidon, mais..., Sarah exerça une légère pression sur la main de Maena qu’elle tenait toujours dans la sienne, ... Maena et moi sommes bel et bien ensemble. 

Les épaules d’Eva s’affaissèrent :

– Oh super..., marmonna-t-elle avant de sourire lorsque Sarah plissa des yeux. Super ! Woohoo ! Trop génial !

Sarah se couvrit les yeux d’une main tout en ricanant légèrement :

– T’es pas obligée d’en faire trop non plus, répliqua-t-elle avant de demander une fois qu’elle eut retrouvé son calme : Ça t’ennuie réellement ? Qu’on soit ensemble.

Eva les observa tour à tour, s’attardant légèrement sur Maena qui ne détachait pas leurs mains liées du regard, avant de secouer négativement la tête :

– Non, non c’est pas le problème. C’est juste que j’étais tellement en colère d’apprendre tout ça par Facebook, Sarah. Tu fais partie de mes amis les plus chers, et c’est sur un réseau social que j’apprends que tu as célébré ce qui est censé être l’un des évènements les plus importants d’une vie, et auquel je n’ai même pas été conviée...

– Mais –

Eva leva aussitôt une main pour l’interrompre :

– Je sais, tout est faux, sourit-elle faiblement. Je le sais maintenant, mais ce n’était pas le cas avant.

Sarah hocha la tête avant de lever timidement les yeux vers elle :

– Ça veut dire que je suis pardonnée ?

Eva fit mine de réfléchir :

– Ça dépend, je dois la pardonner aussi ? taquina-t-elle en désignant Maena.

– Eva...

Eva leva les yeux au ciel :

– Je plaisantais, beta, soupira-t-elle, feignant un air blasé tout en venant la prendre dans ses bras. Tu es toute pardonnée, c’est promis. Et Maena aussi, ajouta-t-elle rapidement avant que Sarah n’ait pu répondre.

Elle dévia son regard vers la personne concernée et tendit une main avec circonspection :

– Je suis désolée pour la gifle, mais il me faudra certainement un petit moment pour pardonner tout le reste.

– Ev – hmmpff !!!

– Je n’en attendais pas moins, coupa Maena d’un ton neutre, ignorant Sarah qui gesticulait frénétiquement à ses côtés dans l’espoir de retirer la main qui avait soudainement été plaquée contre sa bouche. J’aurais dû faire passer son bien-être en priorité... je suis soulagée de voir que c’est primordial pour les gens qui l’entourent.

Eva haussa un sourcil, surprise par la réponse inattendue. Elle l’observa un moment avant de demander, compatissante :

– Vous le regrettez vraiment, pas vrai ?

Maena détourna les yeux avant d’hocher faiblement la tête et Eva sentit aussitôt une partie de la colère qui l’avait habitée jusqu’à présent s’évaporer dans les airs. Sa réponse semblait sincère et même si Eva en avait douté, Sarah méritait au moins qu’elle fasse réellement un effort pour la pardonner.

Elle afficha un sourire espiègle :

– Je n’avais encore jamais utilisé cette méthode, mais je dois bien avouer que c’est sacrément efficace, taquina-t-elle en désignant Sarah. Sarah, ma belle, depuis le temps que je te dis que tu parles trop..., poursuivit-elle avant d’ajouter dans un clin d’œil en direction de Maena : je crois que je vous aime bien, en fait.

Même s’il fut discret, Sarah nota aisément le sourire amusé qui étira les lèvres de Maena et elle se libéra aussitôt de l’emprise de cette dernière, incrédule :

– Alors ça va se passer comme ça ? C’était une coalition contre moi qu’il fallait pour vous réconcilier ?

– Ben, c’est ce que tu voulais non ? taquina Eva tandis que Maena attirait Sarah contre elle et l’embrassait sur le dessus de la tête.

– Elle avait des remontrances légitimes, acquiesça Maena. A moi de lui prouver que c’était bel et bien une erreur, et rien de plus.

Sarah voulu répondre mais sa protestation mourut sur ses lèvres lorsque le souffle chaud de Maena lui chatouilla l’oreille :

– Sshhh, tu sais que j’ai raison. Le temps fera le reste.

Sarah serra doucement la main qu’elle tenait toujours dans la sienne avant de les observer tour à tour :

– O.K., mais interdiction de vous lier contre moi pour régler vos différents, déclara-t-elle avant de se lever et se diriger vers la sortie. Maintenant on y va, j’ai faim !

Maena et Eva la regardèrent, surprises, avant de s’observer l’une l’autre :

– C’est moi où l’idée et quand même vachement tentante ? murmura Eva, l’air conspirateur.

– J’ai entendu ça, coupa Sarah avant de les attendre à hauteur de la porte. Essaye et tu ne seras pas invitée le jour où j’aurais réellement décidée de me marier. Quant à toi Maena, ce qu’il s’est passé cette nuit pourrait bien ne jamais se reproduire !

Eva haussa un sourcil, son intérêt soudainement piqué, encore plus lorsqu’elle vit Maena rougir légèrement et Sarah afficher un air satisfait :

– Oooh il s’est passé quoi, cette nuit ? demanda-t-elle en les suivants hors de la pièce. Un petit scrabble histoire de faire passer le temps ?

Les mots eurent à peine échappé ses lèvres que ce ne fut pas une, mais deux jeunes femmes au visage cramoisi qui prirent place à table avec elle et Eva prit un malin plaisir à passer les minutes suivantes à les cuisiner à sa façon.

Encore plus lorsque celle qu’elle avait malencontreusement associée à Carmilla la Comtesse passa la quasi-totalité du repas à rougir ou détourner les yeux d’embarras.

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15 août 2013

Chapitre 20

Allongée sur son lit, Sarah jouait avec sa nourriture d’un air absent, le regard fixé sur l’écran de télévision. Depuis qu’elle l’avait vu dans Candy, Sarah est devenue une grande fan d’Abbie Cornish à laquelle elle associait talent fou et charme irrésistible. Pourtant, à la voir là dans Bright Star, éteindre le téléviseur la démangeait. Ce n’était pas la faute de l’actrice cependant, elle jouait son rôle à la perfection, mais Fanny Brawne avait quelque chose de particulièrement superficiel et agaçant.

Heureusement que John Keats est là, pensa Sarah, souriant légèrement lorsque l’acteur apparut à l’écran. Ben Whishaw avait selon elle été parfaitement bien choisi, campant le rôle avec un naturel déconcertant. Une amie lui avait dit un jour qu’elle lui trouvait une apparence de poète, et Sarah devait bien s’avouer qu’elle était parfaitement d’accord.

Son regard s’arrêta sur l’horloge murale et elle ne put cependant retenir un soupir. Contrairement à ce qui avait été prévu, Maena avait été retenue pour la soirée et elles n’avaient donc pas pu diner ensembles. Sarah en avait été déçue, elle avait apprécié ce rapprochement qui s’était opéré entre elles plus tôt dans la journée, un échange profond enfin dépourvu de secrets, et elle aurait vraiment aimé que cela continue.

 Alors en contrepartie, elle se retrouvait là, seule dans sa chambre, à regarder un film qu’elle avait déjà vu.

Ses pensées furent interrompues par le caractéristique bruit de griffes résonnant sur le parquet et elle se redressa péniblement sur un coude, apercevant aussitôt Dixie. La chienne s’arrêta devant elle et l’observa calmement, sa queue faisant des va-et-vient incessants sur la surface lustrée.

– Tiens, une revenante, taquina Sarah en prenant appui sur ses coudes. Tu sais, pour une chienne qui est censée m’appartenir, tu passes beaucoup de temps avec Maena. Fais attention, je pourrais t’accuser d’infidélité.

Dixie lui offrit un regard interrogateur.

– Mouais, c’est ça, fait l’innocente, poursuivit Sarah en lui lançant un morceau de son tournedos de thon mariné. Mais je t’ai à l’œil.

Dixie dressa aussitôt les oreilles avant de pencher la tête sur le côté et Sarah retint difficilement un rire.

– Et dire qu’en général, je préfère les chats, mais je dois bien avouer que tu sais te montrer terriblement craquante.

Un léger aboiement lui répondit et Sarah tendit une main afin de lui gratter le dessus de la tête, souriant lorsqu’elle vit Dixie s’approcher légèrement pour en profiter un peu plus. Autour d’elle, les lumières se mirent à grésiller légèrement, et Sarah fronça les sourcils, perplexe, avant de se figer lorsqu’elle entendit le bruit distinctif du tonnerre résonner à l’extérieur.

– O.K...., murmura-t-elle d’une voix trainante. Dixie, quoi qu’il arrive, t’as pas intérêt à me laisser toute seule.

Sa phrase fut à peine terminée que la pièce fut aussitôt plongée dans le noir, rapidement suivit par le caractéristique bruit de griffes s’éloignant dans le couloir.

Sarah sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser :

– Dixie !

💕

Le chien est le compagnon le plus fidèle de l'homme, tu parles. Dixie, je te jure que dès que je mets la main sur toi... 

La respiration tremblante, Sarah s’engagea dans le couloir tout en gardant les mains contre le mur. Apparemment, la demeure toute entière était plongée dans le noir le plus complet et même si Sarah n’avait habituellement aucun problème avec l’obscurité, l’orage qu’elle pouvait entendre gronder au-dessus d’elle lui faisait ressentir une sensation d’insécurité qui la pétrifiait.

– Maena... Maena..., répéta-t-elle d’une voix peu assurée tout en s’approchant des doubles portes.

L’absence des gardes fut loin de la rassurer et elle pénétra dans le petit hall d’un pas hésitant, avant d’accélérer le pas lorsqu’elle perçut le reflet des bougies qui brûlaient dans la chambre de Maena.

– Maena ? appela-t-elle un peu plus fort une fois qu’elle fut arrivée à hauteur de la porte.

Des mains se posèrent sur sa taille et elle lâcha aussitôt un cri de stupeur avant de soupirer de soulagement lorsqu’elle reconnut Maena.

– Avance, lui murmura cette dernière en la poussant légèrement vers le lit.

Sarah hésita.

– Euh, Maena...

– Je me cachais toujours sous ma couette quand j’étais petite et que j’avais peur, répondit simplement Maena en s’asseyant au bord du lit. Elle haussa un sourcil : je suis sûre que c’est ce que tu meurs d’envie de faire, pas vrai ?

Sarah rougit légèrement avant de se précipiter sous les couvertures lorsque le tonnerre gronda soudainement.

– Je déteste quand ça fait ça, se plaignit-elle une fois recroquevillée contre l’oreiller. Où sont les gardes, au fait ?

– Ils étaient avec moi, expliqua Maena en prenant appui contre la tête de lit. Dixie est venue me chercher juste après que les lumières se soient éteintes, figure toi qu’elle m’a trainé jusqu’à ta chambre, mais tu étais déjà partie. Pourquoi ne pas avoir utilisé ta montre ?

Sarah lui offrit un air embarrassé :

– Je n’y ai pas pensé, admit-elle. Dixie a vraiment fait ça ?

Maena hocha la tête et Sarah l’observa, visiblement surprise et secrètement reconnaissante, avant de regarder autour d’elle.

– Ça ne t’embête pas si je, hum, reste un peu ici ?

– Non, mais je ne garantis rien de ta survie si tu t’endors et te mets à ronfler, taquina aussitôt Maena avant de disparaître dans la salle de bain avoisinante.

Sarah afficha aussitôt un air outré.

– Je ne ronfle pas !

– Comment le saurais-tu ? Tu es supposée dormir lorsque ça arrive.

Sarah plissa des yeux avant de littéralement sentir sa bouche s’assécher lorsque Maena réapparu dans la pièce simplement vêtue d’une nuisette noire nouée autour du cou, et dévorée de fleurs en dentelle délicatement travaillées. La légère fente sur le côté et le petit décolleté rendaient le tout absolument sexy.

 – Tu... tu comptes dormir comme ça ? lâcha-t-elle, la voix soudainement anormalement rauque.

– Oui, pourquoi ? demanda Maena en dégageant les couvertures de son côté du lit.

– Parce que... parce que... parce que je risque la combustion instantanée là !

Maena lui offrit un air interrogateur.

– Pour rien, soupira finalement Sarah.

– Bien, répondit Maena avant de ramener ses pieds vers elle et enfiler les socquettes qu’elle avait ramenées avec elle.

Sarah ne put retenir le rire qui monta aussitôt en elle :

– Maena... t’es au courant que ça, c’est le tue l’amour par excellence ?

Maena afficha l’un de ses rares sourires.

– Je sais, admit-elle en se glissant sous les couvertures. Mais ma mauvaise circulation du sang ne se limite pas qu’aux mains. Crois-moi, si jamais tu viens à entrer en contact avec mes pieds pendant ton sommeil, tu me remercieras.

Sarah secoua la tête, totalement amusée.

– Et puis, au moins j’ai réussi à te faire penser à autre chose, poursuivit Maena en se tournant de manière à lui faire face.

– Ouaip, sourit Sarah en prenant appui sur un coude. Et puis, qui aurait cru que je serais venue me réfugier dans les bras de ma kidnappeuse vampire ?

Maena tiqua aussitôt sous ses propos et Sarah la pinça au niveau du bras.

– Ouch !

– Ça t’apprendra à ne pas reconnaître une blague quand j’en dis une, taquina aussitôt Sarah avant de grimacer lorsque le tonnerre gronda à nouveau à en faire trembler les murs. Ta distraction n’aura duré qu’un temps.

Maena s’installa confortablement contre son oreiller avant d’écarter les bras en signe d’invitation :

– Viens là.

Sarah hésita :

– Hum... tu es sûre ?

– Certaine, assura aussitôt Maena, avant d’ajouter une fois que Sarah fut allongée contre elle : qu’est-ce que tu fais d’habitude pour ne plus avoir peur ?

– J’appelle Vincent, marmonna Sarah contre son épaule.

Maena fronça les sourcils de confusion avant de se sentir profondément rougir lorsque la personne mentionnée lui revint en mémoire, et surtout le genre de relation qu’il entretenait avec Sarah.

– Ah... euh... hum...

Sarah releva la tête, amusée par l’air totalement embarrassé de Maena.

– Hé, calme-toi, dit-elle en posant un doigt sur les lèvres au-dessus d’elle. Ça ne se passait pas comme tu as l’air de te l’imaginer, et si ça avait été le cas, je serais simplement restée m’amuser toute seule dans ma chambre.

Elle ne put s’empêcher d’éclater de rire lorsqu’elle vit Maena rougir encore plus.

– Et dire que la ville toute entière nous croit mariées, regarde les réactions que tu as dès que je prononce des paroles un peu osées, poursuivit-elle en secouant la tête. En fait, il me racontait simplement des blagues débiles, et elles étaient tellement nulles, que je passais la moitié de la nuit pliée en deux de rire.

– Des blagues débiles ? répéta Maena.

Sarah hocha doucement la tête.

– Il paraît que j’ai le rire facile.

Maena prit un air pensif.

– Hmm... qu’est-ce qu’un slow pour un physicien ?

– Euh... j’en sais rien, répondit Sarah, confuse.

– Un mouvement de rotation uniforme... si on néglige les frottements.

Sarah l’observa comme si elle avait perdu l’esprit avant de se couvrir les yeux d’une main, un rire incrédule s’échappant de ses lèvres.

– Maena, c’était... la blague la plus pourrie que j’ai jamais entendu.

– C’est vrai ? s’étonna aussitôt Maena, avant de demander, pleine d’espoir : tu as aimé alors ?

Sarah ricana de plus belle.

– Maena, répondit-elle une fois plus ou moins calmée. J’ai surtout... absolument... rien compris.

Maena haussa les sourcils.

– C’est limpide pourtant ! s’exclama-t-elle.

– Nan, marmonna aussitôt Sarah en reposant sa tête contre son épaule. T’as pas une histoire plutôt ? Hmm... tiens, dis-moi lequel est ton préféré parmi tous les tableaux que tu possèdes.

Maena pointa aussitôt du doigt droit devant elle et Sarah se redressa légèrement afin d’apercevoir l’œuvre qu’elle désignait :

Astarte Syriaca de Dante Gabriel Rossetti, murmura-t-elle d’un air ébahi. L’épitome de la déesse de l’amour Préraphaélite, véritable idéal féminin.

Elle tourna de nouveau la tête vers Maena :

– Tu connais l’histoire ?

– Astarte était une divinité du Proche-Orient, une version antérieure et beaucoup plus belliqueuse de Venus, la déesse de l’amour. La légende raconte qu’elle possédait une force à laquelle peu parvenaient à résister, à la fois menaçante et attirante. Elle aurait aussi idéalisé la féminité. 

Sarah observa de nouveau l’œuvre et dut bien admettre que Rossetti avait fait un travail remarquable. Astarte respirait la sensualité et la volupté, une femme à la fois forte et délicate qui assumait et revendiquait visiblement ce charme qu’elle dégageait.

– Elle me fait penser à Lilith, répondit-elle enfin en détaillant la pose élégante et le regard soutenu. Elle attire tout en suscitant de la crainte, de l’appréhension. On a même l’impression qu’elle va sortir du tableau et nous affronter en personne.

– Je pense qu’elle représente surtout les fantasmes sexuels et les craintes de Rossetti. Jane Morris était sa muse, son amour, son obsession. Mais elle était surtout...

– ... la femme de son ami William Morris, termina Sarah en l’observant à nouveau. La Venus, l’enchanteresse inaccessible.

Elle fit la moue :

– C’est comme Shakespeare en fait, c’est déprimant.

– Déprimant ? répéta aussitôt Maena, incrédule. C’est pas déprimant, c’est beau et romantique et –

Elle fut coupée par une main sur ses lèvres.

– Effie Gray par Millais, c’est romantique, répondit Sarah en lui offrant un regard appuyé. Ça ? C’est déprimant ! Le pauvre, tout ce qu’il pouvait faire, c’était peindre celle qui était tout pour lui, en sachant que dès qu’il aurait terminé, elle retrouverait son homme...

Le corps sous elle se mit à vibrer et elle s’interrompit avant de plisser des yeux :

– J’ai dit quelque chose de drôle ?

– Non, répondit Maena en s’essuyant les yeux. Mais Sarah, franchement... tu penses vraiment qu’il ne s’est rien passé du tout entre eux après autant d’années à être son modèle ?

– Non ? hésita Sarah avant de sentir sa mâchoire s’affaisser lorsque Maena lui fit comprendre que si. Oh la vache, c’était une salope en fait !

Maena plaqua aussitôt une main sur ses lèvres :

– Sarah !

– Ben quoi ? C’est vrai, marmonna Sarah en se dégageant. Je vais plaindre William Morris maintenant.

Maena rit à nouveau et elle la pinça au niveau des côtes.

– Ouch ! se plaignit Maena en s’emparant de ses mains avant de regarder autour d’elle. On dirait que l’orage s’est enfin calmé, tu penses pouvoir dormir maintenant ?

Sarah hocha la tête et reposa sa tête contre son épaule. Son regard s’arrêta une nouvelle fois sur le portrait d’Astarte et elle demanda :

– Dis Maena... comment tu as su que tu étais amoureuse d’Alison ?

Maena l’observa un instant avant de répondre :

– Eh bien... je pense... que j’ai réalisé un jour qu’elle avait fini par devenir le fil conducteur de ma vie, et que je ne pouvais pas vivre sans elle. En sa présence je me sentais vivante, entière, comme pleine de vie. Elle me rendait heureuse. Et à contrario, quand elle n’était pas là, elle me manquait terriblement. Et puis il y avait toutes ces petites choses qui me poussaient à avoir un sourire niais malgré moi, le cœur qui battait, les papillons dans le ventre. Un regard trop insistant me poussait à détourner les yeux, le moindre compliment me faisait perdre mes moyens, un simple contact avec ma peau me faisait respirer un peu plus vite...

Une main se posa sur sa joue avant de lentement dévier vers ses lèvres et elle déglutit péniblement avant de murmurer :

– Sarah ?

Sarah observa les lèvres de Maena dont elle s’émerveillait de leur douceur avant de relever les yeux vers elle. Maena avait tout juste commencé à parler qu’elle s’était retrouvée comme en transe, subjuguée autant par ses paroles que la façon dont elle les véhiculait. Elle s’en était retrouvée étrangement bousculée, parce que lorsqu’elle était avec Maena, elle ressentait la même chose.

Elle en prenait réellement conscience désormais, et cette révélation soudaine lui donna légèrement le vertige.

– J’ai envie de t’embrasser, souffla-t-elle avant de rougir furieusement lorsqu’elle réalisa ce qu’elle venait de dire. Ah... euh... je sais pas ce qu’il m’a pris de dire ça, grimaça-t-elle en se redressant légèrement. Je suis désolée, je –

– J’en ai envie aussi.

Sarah s’interrompit aussitôt avant de relever les yeux vers Maena. Elle sonda un instant son visage avant de demander :

– C’est vrai ?

Maena hocha silencieusement la tête et elle se mordit la lèvre inférieure :

– Ce que tu viens d’énumérer... tu le ressens avec moi aussi ? chuchota-t-elle, bien consciente qu’elle risquait la déception à tout moment.

– Tu es la fille qui m’a poussée à vouloir sortir en plein jour malgré moi à deux reprises et tu oses me demander ça ? sourit Maena avant de s’emparer de la main de Sarah et la porter à ses lèvres. Je ressens tout ça, et plus encore, ajouta-t-elle sincèrement. 

Sarah rougit avant de laisser un sourire ravi apparaître sur ses lèvres. Puis, sans quitter Maena des yeux, elle s’approcha lentement et lorsqu'elle sentit enfin la chaleur de sa bouche contre la sienne, elle frissonna avant de s'abandonner, oubliant tout sauf ce baiser qu'elle désirait de toute son âme.

Le contact fut enivrant, si bien qu’elle pouvait presque sentir les lèvres de Maena palpiter sous les siennes. Un sentiment de plénitude, d’appartenance la parcourut, et elle eut l’étrange impression de se sentir revivre. Comme si elle avait enfin trouvé ce qu’elle avait, sans le savoir, cherché pendant toutes ces années.

Il arrive parfois que deux âmes se rencontrent pour n'en former plus qu'une.

Ce n’était pas la première fois qu’elles s’embrassaient, ni la première fois qu’elle embrassait quelqu’un, mais la connexion qu’elle ressentait à présent avec Maena... elle ne l’avait jamais ressentie avant. Elle était aussi bien physique que mentale, lui chavirant le cœur, le corps et l’âme.

Une douce odeur de rose lui parvint, et, blottie contre son corps doux et chaud, Sarah sentit sa respiration changer de rythme face aux sensations magiques que faisaient naître en elle chacun de ces sentiments nouveaux.

Ses lèvres descendirent dans le cou de Maena et elle effleura sa peau, goûtant pour la première fois à ce grain si délicat et si doux, avant de murmurer, désireuse :

– Je veux sentir tes mains sur mon corps.

Maena effleura ses joues de ses doigts et remonta doucement son visage afin de l'embrasser à nouveau. Sarah l'enlaça aussitôt, répondant à son baiser avant de gémir de frustration lorsque Maena s'écarta légèrement pour l'interroger du regard.

Le même désir brûlait en elles, et elle lui caressa doucement les cheveux avant de demander :

– Tu es sûre que ce n'est pas trop tôt ?

– Je m’en fous, répondit Sarah, provoquant aussitôt un rire en retour.

Elle rougit légèrement avant de reprendre :

– Si tu ressens tout ça... ça veut dire que tu m’aimes, non ? demanda-t-elle en venant jouer avec la bretelle de la nuisette de Maena d’un air distrait. 

Maena sourit, charmée par les paroles et l’attitude mi-joueuse, mi-intimidé de Sarah, avant de se pencher vers elle et l'embrasser tendrement.

– Ca veut dire ça, oui.

– Alors ça me suffit, répondit Sarah en relevant les yeux vers elle. Parce que je t’aime aussi. Alors pourquoi est-ce qu’on attendrait ?

Leurs regards étaient comme soudés l’un à l’autre et lorsque Maena sentit le frôlement des doigts de Sarah sur sa peau, un frisson la parcourut de la racine des cheveux jusqu'à ses orteils. Elle s’approcha et effleura la bouche de Sarah de ses lèvres, avant de glisser délicatement sur sa gorge puis remonter à sa bouche à nouveau. Les paupières de Sarah étaient lourdes, ses lèvres picotaient de plaisir. Pourtant, elle s’écarta subitement pour rire ouvertement.

– Excuse-moi, répondit-elle lorsqu’elle vit l’air on ne peut plus perplexe de Maena. C’est juste... Maena, je ne peux pas faire ça en sachant que tu as tes chaussettes aux pieds.

Maena haussa les sourcils d’incrédulité avant de soupirer et se débarrasser du vêtement en question.

– Mieux ? demanda-t-elle une fois réinstallée.

Sarah hocha frénétiquement la tête mais haussa les sourcils de surprise lorsque Maena posa un doigt sur ses lèvres quand elle voulut l’embrasser à nouveau.

– Quoi ?

– Eh bien tu peux parler toi, avec ton débardeur et ton vieux caleçon, répondit Maena en tirant sur le vêtement en question.

Sarah plissa des yeux avant de faire la moue.

– T’as raison, acquiesça-t-elle avant de se contorsionner sous les couvertures.

Maena sentit sa mâchoire s’affaisser lorsqu’elle vit les vêtements en question apparaître juste sous son nez avant de voler à l’autre bout de la pièce.

– Mieux ? demanda Sarah en venant se coller à elle de tout son long.

Maena sentit sa bouche s’assécher et elle se contenta d’hocher frénétiquement la tête, fermant les yeux lorsque Sarah glissa une main à l’arrière de sa nuque et l'attira contre elle. Ses lèvres embrassèrent sa gorge avant de s'attarder sur la veine qui battait sous la peau soyeuse et elle leva une main afin d’effleurer la courbe de l’épaule de Sarah avant de murmurer :

– Je crois que tu as raison, je pense que le moment est parfaitement choisi.

Sarah ralentit ses baisers avant de se redresser afin de croiser son regard, et elle sourit :

– Tant mieux, parce que je t’aime Maena, et j’ai bien l’intention de te le montrer.

Le poids du corps qui la pressa contre le matelas la remplit d'extase et Sarah l'étreignit avant de sourire lorsque les paroles suivantes furent murmurées contre ses lèvres :

– Je t’aime aussi.

12 août 2013

Chapitre 19

– Ce serait pas plus simple si tu mettais une combinaison ? demanda Sarah tout en observant le jean moulant et le petit chemisier que Maena avait décidée de porter, avant de remonter jusqu’à sa casquette dont quelques mèches brunes s’échappaient. Elle est vraiment mignonne comme ça.

Maena haussa les épaules, le doigt en appui sur un interrupteur.

– Probablement, mais je déteste ça. J’ai la crème et je suis en train de descendre les filtres UV qui recouvriront les vitres du toit, expliqua-t-elle tout en désignant l’interrupteur. On restera juste moins longtemps. En ce moment, c’est l’été, alors ça nous donne deux heures avant que je ne doive remettre de la crème.

Sarah hocha la tête, compréhensive.

– Donc, tu ne mets jamais la combinaison ? Ça pourrait te permettre de profiter de l’air extérieur...

– De l’air extérieur ? s’exclama Maena avant de plisser des yeux. Sarah, tu as déjà vu à quoi ressemblent ces combinaisons ?

Embarrassée, Sarah secoua négativement la tête et Maena s’empara de son iPhone qu’elle avait glissé dans sa poche arrière. Elle tapota l’écran de son pouce un instant avant de le tendre en direction de Sarah.

– Tiens, regarde.

Sarah s’empara du téléphone puis observa l’image que Maena avait sélectionnée. Son cœur se serra aussitôt lorsqu’elle remarqua qu’il s’agissait visiblement d’enfants à peine âgés d’une dizaine d’année, mais elle se sentit encore plus mal lorsqu’elle prêta réellement attention aux tenues qu’ils portaient.

– On dirait des tenues de mises en quarantaine, remarqua-t-elle doucement alors qu’elle détaillait du regard l’espèce de foulard qui recouvrait leur tête, les visières semblables à celles qu’elle mettait lorsqu’elle allait au ski, l’imposant manteau blanc et les gants de la même couleur.

– On les appelle les tenues fantômes, ça donne envie hein ? déclara Maena, le ton sarcastique. Tu entends mal, les gens te comprennent difficilement, et ton champ de vision est tellement rétréci que tu as une chance sur deux de tomber à chaque pas que tu fais. Sans compter que ça devient très rapidement un véritable sauna au bout d’une dizaine de minutes.

Elle baissa des yeux avant d’ajouter :

– Et lorsque tu sors dans la rue, les gens ont soit peur de toi, soit ils appellent les flics.

Sarah sentit aussitôt sa vue se brouiller, devinant aisément que Maena avait eu à faire à ce genre de réaction. Elle se racla maladroitement la gorge avant de remettre l’iPhone de Maena à sa place.

– Eh bien heureusement que tu t’es abstenue pour aujourd’hui alors, murmura-t-elle dans l’oreille toute proche dans l’espoir de provoquer un sourire. Parce que j’ai une phobie totale des fantômes, et la casquette te va à ravir, c’est super sexy. J’aurais été verte de louper ça !

Maena redressa légèrement la tête, amusée avant de remarquer les yeux humides de Sarah.

– Sarah..., soupira-t-elle, contrariée.

– Désolée, s’excusa aussitôt Sarah en s’essuyant rapidement les yeux. Y a des coups de vent par ici, non ?

Maena lui offrit un regard appuyé avant de finalement décider de laisser passer.

– Bon, ça y est, dit-elle en posant une main sur la poignée. Tu es prête ?

– Impatiente, sourit aussitôt Sarah.

Maena s’apprêtait à baisser la poignée mais elle s’interrompit :

– Avant, il faut que tu saches que c’est assez petit, et il n’y a pas énormément d’espèces différentes, et –

– Maena..., soupira Sarah tout en la poussant légèrement. Ouvre la porte, allez. J’ai pas mis le nez dehors depuis deux jours et je meurs d’envie de communier avec la nature.

Elle s’interrompit avant d’ajouter dans un sourire taquin :

– Et je suis sûre que ta serre est mignonne comme tout.

Maena rougit légèrement et elle acquiesça d’un signe de tête avant d’abaisser la poignée, et finalement ouvrir la porte.

– Après toi, murmura-t-elle en s’écartant légèrement.

Sarah la remercia d’un petit sourire puis pénétra dans la serre, aussitôt surprise par l’air chaud et humide qui l’accueillit aussitôt. Mais ce ne fut rien par rapport à ce qu’elle ressentit lorsqu’elle leva les yeux et regarda autour d’elle.

Epoustouflant fut le premier mot qui lui vint à l’esprit. 

Des papillons, des petits oiseaux, des diamants de Gould, des carpes, tout un tas d’espèces évoluaient dans un véritable décor de jungle.

Elle sursauta lorsque deux mains se posèrent sur ses hanches.

– La seule chose que je te demanderai, chuchota Maena à son oreille, c’est de faire attention où tu mets les pieds. Regarde devant toi.

Sarah baissa les yeux et elle sourit aussitôt lorsqu’elle remarqua les petites cailles qui se baladaient juste devant elle.

– Oh Maena, c’est trop mignon ! s’exclama-t-elle en s’agenouillant. Ça vole pas ?

Maena ne put retenir un sourire face à la question ô combien innocente. Elle s’agenouilla à son tour.

– Si, mais elles se nourrissent principalement de graines au sol et d’insectes.

Sarah s’immobilisa aussitôt :

– Il y a des insectes ici ?

– C’est une serre, bien sûr qu’il y a des insectes. T’as pas vu les papillons ?

Sarah plissa des yeux.

– Si, mais les papillons c’est mignon, dit-elle en regardant autour d’elle. Les tiens sont d’ailleurs magnifiques, ils sont de toutes les couleurs.

– Merci, répondit Maena en se redressant, entraînant Sarah avec elle. Et en ce qui concerne les moins jolis insectes, je te protégerai, t’en fais pas, taquina-t-elle.

Sarah lui tira aussitôt la langue.

– Merci, Madame Maena, charria-t-elle néanmoins en retour avant de s’exclamer : oh mon Dieu, tes orchidées sont magnifiques ! Enfin, si ce sont des orchidées, je n’en ai jamais vu des comme ça, dit-elle en s’approchant. Blanche au cœur bleu glace... comme Maena, sourit-elle intérieurement.

– Il est possible que je les aie modifiées.

– Modifiées ? s’étonna Sarah en levant les yeux vers elle. Comment ça ?

Maena porta une fleur à son nez et inspira doucement :

– Eh bien, c’est de la génétique, tu sais.

Sarah hocha doucement la tête avant de regarder autour d’elle.

– C’est ça, ton travail ? La génétique des fleurs ?

Maena secoua doucement la tête.

– La génétique tout court.

– Hmm... et tu fais de la recherche sur quoi, en ce moment ?

Maena vit un papillon noir à l’extérieur, et vert à l’intérieur se poser sur l’épaule de Sarah et elle le récupéra sur le bout de son doigt avant de répondre :

– Sur ma maladie. Le seul espoir qui réside est celui de la thérapie génique, en remplaçant le gène lésé par le soleil par un autre sain. Mais cette technique est difficile à mettre au point car il faut pouvoir reproduire des cellules de peau, les modifier génétiquement et les greffer sur les malades sans qu'il n’y ait de rejet.

– Et tu penses que c’est possible ? demanda doucement Sarah.

Maena haussa les épaules avant de la regarder droit dans les yeux :

– Je continuerai à chercher jusqu’à ce que je trouve, répondit-elle avant de sourire. Allez viens, que je te montre mes fruits exotiques. 

Sarah acquiesça d’un léger signe de tête et la suivit à l’autre bout de la serre.

– C’est pour ça que tu n’as pas voulu me dire sur quoi tu travaillais en ce moment ? demanda-t-elle alors que des effluves de vanille venaient agréablement lui chatouiller les narines. Parce que j’aurais aussitôt su de quoi tu souffrais ?

Maena s’empara de sa main et la dirigea dans une allée adjacente avant de s’arrêter, et Sarah fut aussitôt surprise par la quantité de fruits tropicaux qui les entouraient ; papayes, mangues, caramboles, ananas, avocats... elle sentit aussitôt son ventre se mettre à gargouiller.

– C’est réellement ça, qui t’intrigue ? demanda Maena en sortant un couteau suisse de sa poche afin de cueillir une goyave.

Elle coupa le fruit en deux dans des gestes précis puis en découpa un morceau qu’elle tendit à Sarah :

– Tiens, goûte-moi ça, sourit-elle.

Sarah obtempéra et elle sentit aussitôt ses paupières se fermer face à la chair juteuse et un goût balançant entre la pêche et la fraise.

– Hmm c’est délicieux.

– Merci, sourit aussitôt Maena avant de hausser un sourcil. Tu ne préfères pas savoir pourquoi je t’ai fait kidnapper plutôt ?

Sarah détourna le regard, légèrement embarrassée.

– Disons que je pensais que c’était dans l’espoir de pouvoir me garder ici quoi qu’il arrive, quelle que soit ma réponse face au testament.

 Maena regarda au loin, pensive :

– C’est à peu près ça, mais ça reste quand même un peu plus complexe, admit-elle avant de prendre une profonde inspiration. A cause de ma maladie, je suis constamment suivie par mon médecin traitant, ainsi que par des médecins spécialistes, des psychologues, des généticiens... et même si la plupart peuvent se déplacer à la maison, je dois parfois me rendre à leurs cabinets. J’ai toujours peur de ces moments-là, mais je les chéris aussi, parce que je peux profiter du paysage extérieur pendant un instant, et ce même si c’est au travers des vitres de la limousine.

Elle sourit tristement avant de poursuivre :

– J’avais dû sortir ce jour-là, pour me rendre en centre-ville. Comme toujours, Granny discutait avec le conducteur pendant que moi j’observais le paysage défiler sous mes yeux, subjuguée et envieuse de tous ces gens qui n’avaient pas la moindre idée de combien ils étaient chanceux d’évoluer à même la lumière du jour. Et puis la limousine a fini par s’arrêter pour laisser passer un groupe de jeunes âgés d’une dizaine d’années, j’ai distraitement entendu Granny dire qu’il s’agissait de la sortie d’un collège, mais je leur ai à peine prêtés attention. Parce qu’à la place, je la regardais elle. Cette petite fille qui devait à peine avoir plus de dix ans tant elle semblait si jeune et si fragile, recroquevillée sur elle-même.

« Je me souviens encore de ses cheveux tressés et de l’adorable petite robe rouge qu’elle portait, puis la façon dont elle serrait son sac contre elle et baissait la tête m’a intriguée. Elle semblait apeurée, non plutôt... malheureuse. Un garçon l’a finalement bousculée et j’ai aussitôt ressentit comme un pincement au cœur lorsque j’ai vu qu’elle pleurait. Elle semblait si triste, si misérable que c’est seulement lorsque Granny m’a soudainement tirée en arrière que j’ai réalisé que j’avais ouvert la portière et m’apprêtais à aller vers elle.

– Qu-quoi ?

La voix de Sarah la ramena à la réalité et Maena baissa les yeux vers elle, aussitôt surprise de voir qu’elle pleurait.

– Je voulais te rejoindre, expliqua-t-elle en portant une main à son visage afin d’essuyer les larmes de ses pouces. Je ne pourrais l’expliquer, mais j’ai ressenti ce besoin au fond de moi. C’était comme si mon corps avait pris le dessus, et je devais simplement te rejoindre. Ça n’a pas de sens, pas vrai ?

Sarah s’essuya les yeux d’un revers de manche, et elle l’observa, la compréhension s’insinuant dans son esprit :

– C’est pour ça que Granny est venue me voir ce jour-là, c’était pour toi, pas vrai ?

Maena baissa la tête, un sourire embarrassé sur les lèvres :

– Je suis sûre qu’elle serait venue vers toi de toute façon si elle t’avait vue par elle-même.

– Mais tu as risqué ta vie pour moi, alors que tu ne me connaissais même pas ?

Maena fronça les sourcils de concentration :

– Je ne peux pas l’expliquer Sarah, j’en ai simplement ressenti le besoin, expliqua-t-elle en relevant un regard perdu vers elle. J’avais seize ans à l’époque, et je l’admets, étant en pleine crise d’adolescence, il m’est arrivé d’avoir des actes irréfléchis. Mais ce jour-là, je le voulais, je voulais vraiment effacer ces larmes de ton visage. Le reste m’était simplement égal.

Sarah prit appui contre la petite barrière qui longeait l’allée avant de porter ses mains à son visage, le flot d’information qu’elle venait de recevoir lui donnant légèrement le tournis.

– Donc... tu me connaissais déjà avant que cette histoire de testament n’ait lieu ? demanda-t-elle en l’observant à nouveau.

– Oui, mais je n’avais pas pensé à toi à nouveau avant de te recroiser il y a quelques mois.

Sarah lui offrit un regard confus et elle s’expliqua : 

– J’étais sortie avec Granny pour refaire le plein de crème solaire à la pharmacie, et alors qu’on s’apprêtait à repartir, je t’ai vu sortir à ton tour. Tu avais des lunettes de soleil, mais je t’ai aussitôt reconnue. Et je me suis dit que tu étais la plus belle femme que je n’avais jamais vue.

Sarah se sentit aussitôt rougir, et elle se frotta maladroitement la joue :

– Et Granny ? Elle m’a reconnu elle aussi ?

– Elle m’a dit, je cite : « ouvre-la portière et je jure te mettre la fessée devant tout le monde », sourit aussitôt Maena avant de se frotter le sourcil d’embarras. J’avais de nouveau la main sur la poignée, admit-elle honteusement.

– Vraiment ? s’exclama Sarah.

  Maena hocha la tête.

– Puis elle m’a conseillé de fermer la bouche et d’arrêter de baver, même si, comme il y a dix-sept ans en arrière, elle comprenait aisément pourquoi.

Sarah hésita aussitôt entre éclater de rire ou être de plus en plus embarrassée.

– J’imagine qu’elle m’avait en effet reconnue, dit-elle enfin avant de s’interrompre. Le testament... tu penses que c’était pour ça ?

– J’y ai pensé, admit Maena. Mais honnêtement ? Je ne sais pas.

– Hmm, répondit Sarah avant de lever les yeux vers elle : alors c’est pour ça que tu m’as kidnappée ? Ce n’était rien de plus que le fruit d’un caprice alors ? demanda-t-elle, perplexe.

Maena secoua aussitôt la tête.

– Non, ou peut-être que si, je ne sais pas, admit-elle, confuse. Lorsqu’Alison est partie, j’ai commencé à vraiment me sentir seule. Outre mon travail, je n’avais personne. J’étais fille unique, les enfants d’Amy avaient quitté la maison depuis longtemps et je n’avais pas d’amis. Enfin... j’avais les amis d’Alison, mais je te laisse deviner quel parti ils ont pris lorsque les choses ont commencées à dégénérer entre nous.

– C’est stupide.

Maena haussa les épaules.

– C’est comme ça, sourit-elle tristement. Les mois se sont écoulés, et j’ai vraiment commencé à désirer la présence de quelqu’un. Et puis j’ai eu vent du testament, et je me suis dit que c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. J’étais déjà tellement mal et seule à ce moment-là, que c’était soudainement pire. J’en voulais à la terre entière de m’avoir fait telle que je l’étais, j’en voulais à Granny de m’avoir m’abandonnée et d’empirer les choses. Si tu savais comme j’avais envie d’être comme tout un chacun Sarah, de pouvoir sortir dans la rue sans avoir à me soucier des risques que j’encours habituellement, du regard des autres, de pouvoir rencontrer n’importe qui...

Elle s’essuya les yeux d’une main irritée avant de poursuivre :

– Je sais bien ce qu’il se dit autour de moi, tu sais. Ce que le reste de la ville pense de moi, de cette femme étrange qui ne met jamais le nez dehors et que tout le monde craint. J’avais juste envie d’être normale, et d’avoir ce que tout le reste du monde a.

Elle leva un regard empli de désespoir vers Sarah et fut aussitôt surprise de sentir deux lèvres se poser sur les siennes tandis que des bras venaient s’enrouler autour de sa nuque. Elle écarquilla les yeux avant de gémir lorsqu’une langue vint caresser ses lèvres.

– Sarah, soupira-t-elle entre deux baisers. Qu’est-ce que...

Sarah sourit contre sa bouche et l’embrassa une dernière fois avant de se reculer :

– Quoi ? J’ai bien le droit d’embrasser ma femme, non ?

Maena se sentit aussitôt rougir.

– Hum... dis comme ça, je vais avoir du mal à te contredire, sourit-elle, légèrement embarrassée. Je peux savoir ce qui t’a donné envie de m’embrasser dans mon histoire déprimante là ?

– Ce que tu aurais dû faire depuis le début, répondit simplement Sarah en venant caresser les lèvres à proximité du bout du doigt. Etre simplement toi. Pas de mensonges montés de toute pièce, de prétention. Juste toi. La vraie toi.

Maena abaissa aussitôt les yeux.

– Personne n’a jamais voulu connaître la vraie moi.

Sarah lui redressa aussitôt le menton.

– Eh bien moi, si, murmura-t-elle sincèrement. J’ai envie de savoir ce qu’il y a là, murmura-t-elle en posant une main sur le cœur de Maena avant d’ajouter, taquine : maintenant que je sais exactement à quoi ressemble ton physique de rêve.

– Mon physique de rêve, hein ? sourit Maena avant de regarder autour d’elle. Il y a des bancs près du recoin à papillon, on peut rester encore un peu. Ça te dit ?

Sarah hocha la tête et s’empara de sa main avant de les diriger vers l’endroit désiré.

💕

– Tu m’as expliqué pourquoi tu ne sortais pas à la lumière du jour, même avec les tenues. Mais pourquoi ne pas avoir de fenêtres ? S’il existe des filtres anti ultraviolets...

Maena prit un air songeur avant de soudainement demander :

– Tu aimes le chocolat ?

– Le chocolat ? répéta bêtement Sarah, surprise par le changement de sujet soudain. Euh... oui, oui bien sûr.

– Très bien, commença Maena en se tournant légèrement vers elle. Alors imagine... le fondant au chocolat le plus délicieux que tu n’aies jamais vu, légèrement craquant sur le dessus, moelleux dessous et terriblement fondant à l’intérieur...

Elle s’interrompit lorsqu’elle entendit le ventre de Sarah gargouiller bruyamment.

– Tu as faim ? s’étonna-t-elle.

Sarah rougit d’embarras avant de secouer négativement la tête.

– Non, mais là, tu es très sérieusement en train de me donner envie !

Maena rit doucement.

– Excuse-moi, j’essaye juste de te faire comprendre quelque chose, répondit-elle avant de reprendre son sérieux. Maintenant, imagine que ce gâteau ait été mis sous verre, et que chaque jour que dieu fait, il soit constamment là, juste sous ton nez. Mais la cloche qui le recouvre n’est pas accrochée à son socle, ce qui veut dire que tu pourrais simplement la soulever... et céder à ton envie.

– Mais le gâteau est empoisonné, hein ? grimaça Sarah.

Maena hocha la tête, ravie de voir que Sarah avait compris là où elle voulait en venir.

– Exactement. Une simple bouchée entraînerait des dommages irréversibles, rapidement suivit d’une mort certaine. 

Sarah frissonna.

– C’est pour ça que tu n’as pas de fenêtre ? demanda-t-elle. Pour ne pas avoir à subir la tentation jour après jour...

– Oscar Wilde disait que le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est d'y céder, déclara Maena, le regard lointain. Mais honnêtement, je ne sais même pas si c’est par peur d’être tentée, ou par peur tout court.

Elle hésita avant d’ajouter :

– Le simple fait de savoir ce que le soleil pourrait me faire si je me décidais un jour à mettre le nez dehors...

Sarah ressentit aisément le frisson qui la parcourut.

– Il m’attire tout en me terrorisant, poursuivit Maena avant de lever vers elle un regard perdu. C’est insensé, hein ? 

– Non, répondit Sarah tout en prenant l’une de ses mains dans les siennes, désireuse de faire disparaître l’air soudainement si fragile qui habitait le visage de Maena. Au contraire Maena, ça a tout son sens.

Elle réfléchit un instant avant de demander :

– Et la véranda ? Pourquoi l’avoir laissée telle quelle est alors ?

Maena lui sourit tristement :

– Ce n’est pas parce que j’ai choisi de passer ma vie dans un véritable cercueil que je dois entraîner tout le monde avec moi, tu ne crois pas ? Ça n’aurait pas été juste pour ceux qui travaillent pour moi.

Elle hésita avant d’ajouter :

– Sarah, est-ce que... est-ce que c’est ce que le reste de la ville pense, que je suis un vampire ?

Sarah se sentit aussitôt rougir furieusement.

– Non, enfin, je ne pense pas, répondit-elle avant de grimacer. C’est juste mon imagination qui a très légèrement dépassé les bornes.

Elle fut soulagée de voir Maena sourire et serra la main qu’elle tenait toujours dans la sienne.

– Pourquoi est-ce que tu gardes ta maladie secrète, d’ailleurs ? Ca éviterait qu’ils s’imaginent toute sorte de chose...

Maena haussa les épaules.

– Je préfère surement éveiller de la crainte que de la pitié.

– Maena...

Maena la coupa de deux doigts sur les lèvres.

– Et la compassion est un beau sentiment, mais je préfère que l’on me considère pour qui je suis, pas pour ce dont je peux bien souffrir, répondit-elle avant de retrouver son sourire. A vrai dire, le moins c’est mentionné, le mieux je me porte.

– C’est ta façon de me dire d’arrêter de te questionner sur le sujet ? grimaça aussitôt Sarah.

Maena secoua doucement la tête.

– Non, si tu as des questions, j’y répondrais avec plaisir, la rassura-t-elle. Mais si ton attitude envers moi venait à changer...

– Tu es autorisée à me botter les fesses, promis aussitôt Sarah, ravie de provoquer un rire en retour.

Maena haussa un sourcil.

– Alors ? Qu’est-ce que tu veux savoir ?

Sarah se mordit la lèvre inférieure, les sourcils froncés de concentration, avant de relever soudainement la tête :

– Le jour où je t’ai annoncé que mes amies voulaient te rencontrer, tu as réagi bizarrement avant d’aller passer un coup de fil... ça avait à voir avec ta maladie ?

Maena hocha doucement la tête :

– On pense trop souvent, à tort d’ailleurs, que seule la lumière du soleil émet des ultra-violets. Mais ce n’est pas le cas. Les tubes néons, les lampes fluorescentes, les spots, le flash d’appareil photo... sont eux aussi concernés. Tu avais mentionné un club gay friendly ; je devais m’assurer que je ne risquais rien. Autre chose ?

Sarah se mordit la lèvre inférieure :

– Tu m’as dit l’autre jour que tu avais demandé à Alison de porter le bébé parce que tu ne le pouvais pas. C’est parce que tu avais peur de lui transmettre la maladie ?

– En partie, acquiesça Maena. Rien ne m’empêche de tomber enceinte, mais c’est déjà tellement difficile à vivre simplement comme ça... Même si je reste extrêmement prudente, le risque zéro n’existe pas. Ça pourrait affecter la grossesse. Mais pour en revenir à cette histoire de transmission, une personne souffrant du Xeroderma Pigmentosum n’aura un enfant affecté par la même maladie que si l’autre parent est porteur du gène muté, ou lui aussi souffrant. Tu me diras, on aurait pu choisir un donneur non porteur, mais...

– Il y aurait eu de grandes chances pour que l’enfant récupère quand même un exemplaire du gène muté, termina Sarah tout en hochant la tête de manière compréhensive. Laisse-moi deviner, Alison n’était pas porteuse, pas vrai ?

Maena secoua négativement la tête.

– Alors tu as préféré qu’elle, à l’aide d’un donneur non porteur du gène, porte le bébé, comme ça, tu étais sûre qu’il n’y aurait aucun risque pour que l’enfant soit porteur, et que l’un des futurs descendants ne soit malade à son tour. 

Maena hocha de nouveau silencieusement la tête et Sarah sentit sa gorge se serrer.

– Tu n’as pas de frères et sœurs ? Cousins, cousines ?

– Non.

– Alors ta lignée va s’arrêter là...

– Qu’aurais-tu fait à ma place, Sarah ? demanda Maena en relevant légèrement sa tête de manière à croiser son regard. Ce n’est pas une vie, encore moins pour un enfant. Je ne le souhaite à personne, et savoir que je pourrais en être responsable...

Elle frissonna.

– Non, et je suis même contente que mes parents n’aient pas reproduit la même erreur deux fois.

Sarah se dégagea aussitôt.

– C’est ce que tu penses ? demanda-t-elle, attristé. Que tu es une erreur ?

Maena soupira.

– Je pense que condamner un enfant dans le simple but d’assouvir des désirs personnels, c’est égoïste.

Sarah relâcha aussitôt un rire incrédule.

– Maena, je t’en prie, comment peux-tu dire que donner la vie, c’est être égoïste ? C’est supposé être tout le contraire. Tu regrettes vraiment que tes parents t’aient eu, toi ?

– C’est arrivé, répondit simplement Maena, et Sarah n’eut aucun mal à deviner la douleur qui se cachait derrière les mots. Ça arrive encore parfois.

Sa gorge se serra et Sarah s’essuya les yeux d’une main irritée.

– Bon sang, Maena...

– Tu souhaiterais ça pour tes enfants, toi ? Une vie plus courte que celle des autres, enfermée entre quatre murs, à envier ce que le reste du monde a ?

Elle fut coupée par une main sur ses lèvres.

– Tu n’es pas une erreur, déclara fermement Sarah avant de laisser son expression s’adoucir. Et je comprends ce que tu veux dire, vraiment. Mais... la vie, ce n’est pas noir ou blanc Maena. Il te reste tellement de belles choses qui restent à ta portée malgré tout. Je veux dire, regarde autour de toi, tu t’es créé un véritable petit paradis comme refuge. Pourquoi t’arrêter là ?

Elle se mordit la lèvre avant d’ajouter :

– Moi ce que je trouve triste, c’est que tu décides de ne voir que ce dont tu as été privée, et ne remarque même pas ce qui est là, juste sous ton nez, remarqua-t-elle tristement tout en venant caresser la joue de Maena. Je sais que c’est pas juste, que ça ne devrait pas être comme ça, mais tu peux quand même avoir une belle vie Maena. 

Maena baissa les yeux, visiblement émue, avant de l’observer à nouveau.

– Et si tu étais moi, qu’est-ce que tu ferais ?

– Je passerais un peu moins de temps dans mon labo et mettrais sur papier tout ce que j’ai envie de faire, et je le ferais, sourit aussitôt Sarah. Dans la mesure du possible bien sûr.

Maena haussa un sourcil.

– Tu penses que je travaille trop ?

Sarah lui offrit aussitôt un regard appuyé.

– Maena, il t’arrive de disparaître pendant des jours entiers et je suis sûre que la seule chose qui te pousse à t’arrêter, c’est ton corps qui réclame le sommeil dont tu l’as privé.

Maena détourna aussitôt le regard.

– Mes recherches sont importantes pour moi, Sarah. 

– Je sais, murmura aussitôt Sarah. Mais que penses-tu qu’il arrivera si vous parvenez à trouver un remède à temps ? Tu réaliseras que tu y auras sacrifié ta vie entière, Maena. Toutes ces belles années passées dans un laboratoire coupé du monde... Tu ne crois pas qu’il vaudrait mieux commencer à vivre dès maintenant ? Combine simplement les deux Maena...

Maena sourit faiblement

– J’y penserai, répondit-elle avant de porter une main à son oreille et froncer les sourcils. « Oui ? ... Quand ? » Elle jura silencieusement. « Donnez-moi cinq minutes, j’arrive. ... Oui... oui, merci Gretchen. »

– Ça va ? demanda Sarah une fois que la conversation fut terminée.

Maena releva un regard désolé vers elle :

– J’ai complétement oublié que j’avais un coup de fil important avec la première ministre du pays, il faut que j’y aille, s’excusa-t-elle. On se retrouve ce soir pour le diner ?

Sarah secoua légèrement la tête :

– La première ministre du pays, hein ? sourit-elle, amusée. Une chose est sûre, tu sais définitivement bien t’entourer. File, répondit-elle avant d’ajouter plus sérieusement : et merci pour tout ça.

– Non, contra aussitôt Maena avant de l’embrasser sur la joue. Merci à toi de m’avoir écoutée.

Sarah l’observa s’éloigner et elle ne put retenir un sourire tout en portant une main à son visage.

Elle allait devoir remercier Cassie pour ses précieux conseils.

8 août 2013

Chapitre 18

Sarah eut à peine mis un pied dans la véranda qu’elle s’arrêta aussitôt, les paroles qu’elle fredonnait mourant sur ses lèvres. Son regard s’évada autour d’elle et elle se mordit l’intérieur de la joue avant de reporter son attention en face d’elle, un rire empli d’incrédulité s’échappant de ses lèvres malgré elle. 

Les mets en tout genre, les desserts aussi délicieux les uns que les autres, O.K., ça, elle l’avait demandé. Mais pourquoi diable Amy s’était-elle permis de recouvrir la nappe de pétales de roses, de petites bougies, et d’entourer chaque assiette de fleurs d’hortensia ?

Ça hurle le romantisme, grimaça Sarah. En même temps, elle vous croit mariées, à quoi est-ce que tu t’attendais ?

Certes, mais avec tout ça, Maena va forcément croire que je la caresse dans le sens du poil afin de lui soutirer des informations.

Sarah se passa une main sur le visage tout en soupirant.

Pas sûr que ça marche en ma faveur tout ça.

Elle tendit une main afin de repositionner l’une des assiettes lorsqu’une voix résonna soudainement dans son oreille, la faisant sursauter.

– Sarah ? Je viens d’arriver dans la salle à manger, et elle est totalement déserte. Tu m’expliques ?

Sarah prit aussitôt un air innocent.

– Quoi ? Tu veux dire qu’on ne t’a pas prévenue ? demanda-t-elle avant de sourire. Il y a eu un léger changement de programme, on déjeune dans la véranda aujourd’hui et ça fait déjà cinq bonnes minutes que je t’attends.

Elle attendit patiemment la protestation qu’elle sentait venir.

– Sarah –

– A tout de suite ! coupa-t-elle aussitôt avant de raccrocher.

Elle parcouru une dernière fois la table basse du regard avant d’hocher la tête d’un air satisfait puis vint prendre place sur l’un des canapés afin d’attendre l’arrivée de Maena. Il ne fallut pas longtemps avant que cette dernière passe la tête dans l’entrebâillement de la porte.

Maena grimaça face à la luminosité avant de porter son attention sur Sarah.

– Je peux savoir à quoi tu joues ?

Sarah haussa les sourcils avant de désigner la table basse.

– Ben, ça se voit non ? Je t’attends pour déjeuner.

Maena relâcha un profond soupir avant de pénétrer dans la pièce à son tour, mais elle resta à hauteur de la porte, dans l’obscurité.

– Et on a justement une salle à manger pour ça, gronda-t-elle tout en jetant de temps à autre des regards apeurés en direction des baies vitrées. Je ne peux pas manger ici, ajouta-t-elle plus faiblement.

– C’est dommage, répondit Sarah, feignant un air déçu. Parce que tu admettras que le décor vaut le détour, je trouvais ça plus agréable que les quatre murs de la salle à manger.

Maena l’observa un instant avant d’hocher la tête.

– Tu as raison, admit-elle d’un ton résigné. Laisse-moi au moins demander à Amy si elle accepterait de te tenir compagnie, ce serait dommage d’en profiter seule.

Sarah hésita aussitôt entre la culpabilité, la peine et la colère. La culpabilité lorsqu’elle repéra aisément l’air attristé qui habitait le visage de Maena, la peine lorsqu’elle la vit prendre la fuite à nouveau, et la colère lorsqu’elle la vit justement favoriser la fuite au lieu de lui donner des réponses.

Elle se laissa retomber contre le dossier de son fauteuil et croisa les bras sur sa poitrine :

– Laisse tomber, c’est pas avec Amy que j’ai envie de déjeuner. 

– Et moi je ne peux pas déjeuner ici, Sarah, répondit aussitôt Maena, légèrement agacée.

– Et pourquoi pas ?

Maena soupira.

– Je te l’ai déjà dit, je ne supporte pas le soleil.

Sarah se mordit l’intérieur de la joue, hésitante, avant de se redresser. Elle s’avança jusqu’à n’être plus qu’à un mètre de Maena, mais toujours dans la lumière.

– Et si je m’emparais de ton bras et t’attirait soudainement à moi, là maintenant, qu’est-ce qui se passerait ?

Un air craintif prit aussitôt place sur le visage de Maena et Sarah en regretta aussitôt ses paroles, mais en vérité, elle en avait marre de ne pas savoir. Maena l’avait kidnappé, elle avait fait d’elle sa femme sans même lui demander son avis, et lorsqu’elle demandait un tout petit quelque chose en retour, c’était non ?

Eh bien, aujourd’hui, elle avait décidé que ce serait différent.

– Je ne le ferais pas, rassura-t-elle finalement. Mais j’ai envie... non, j’ai besoin de savoir Maena. S’il te plaît ? J’ai besoin de savoir qui est la femme que j’ai épousée.

Ses dernières paroles provoquèrent un léger sourire chez Maena et cette dernière hocha finalement la tête :

– A vrai dire, je pensais que tu l’avais déjà deviné, depuis tout ce temps.

– Oh ? lâcha Sarah avant de se tordre les doigts. Eh bien... hum... j’ai pensé à un truc mais...

Maena haussa un sourcil, la tête légèrement penchée sur le côté :

– Et ?

– Eh bien...

Sarah prit une profonde inspiration avant de lâcher :

– Tu es un vampire ?

– Un vampire ? répéta aussitôt Maena, surprise, avant d’éclater de rire lorsqu’elle réalisa que Sarah était sérieuse. Un vampire ? C’est réellement ce à quoi tu pensais ?

Sarah se renfrogna aussitôt, même si elle était secrètement ravie d’avoir enfin l’occasion d’entendre le rire de Maena. Un rire franc, profond, mais surtout communicatif.

– Tu ne supportes pas le soleil, tu deviens toute bizarre quand tu vois du sang, t’es aussi froide qu’un iceberg, à quoi d’autre est-ce que j’étais supposée penser ?!

– A la maladie des enfants de la lune ? proposa doucement Maena, un sourcil haussé. Même si je ne supporte vraiment pas la vue du sang, et que j’ai réellement une mauvaise circulation du sang dans les mains.

Sarah sentit aussitôt toute émotion la quitter.

– Oh. Mais... hum, je croyais que c’était une maladie qui ne concernait que les enfants ?

Maena sourit légèrement, indulgente :

– La raison pour laquelle je ne mets jamais le nez dehors lorsqu’il fait jour, c’est parce que je souffre d'une hypersensibilité de l'épiderme aux rayons ultra-violets. Une exposition au soleil entrainerait de graves brûlures, des lésions qui deviendraient très rapidement cancéreuses, ainsi que de gros problèmes oculaires. Le risque de cancer de la peau ou des yeux est à tel point décuplé que l'espérance de vie des malades dans mon genre oscille entre quinze et vingt ans.

Elle s’interrompit avant d’ajouter :

– Rares sont ceux d’entre nous qui parviennent à vivre aussi longtemps.

Les paroles lui parvinrent et Sarah fut surprise de sentir sa gorge se serrer aussitôt.

– Et... un traitement ? proposa-t-elle soudainement. Il doit bien avoir un traitement, non ? On doit bien pouvoir faire quelque chose ?

Maena haussa les sourcils, surprise :

– On ? répéta-t-elle avant de légèrement plisser les yeux. Sarah... serais-tu inquiète pour ta kidnappeuse ?

Sarah détourna le regard.

– Maena..., soupira-t-elle. Réponds-moi juste, d’accord ?

Il y eut un léger silence avant que la voix légèrement rauque de Maena lui parvienne à nouveau :

– Il n'existe aucun traitement capable de guérir de cette maladie. Tout ce que l’on possède, ce sont des lignes de conduite strictes, auquel cas la moindre entorse peut être fatale ; protection totale contre la lumière du jour, crème solaire à l'indice le plus élevé, filtres UV aux vitres de la voiture, combinaison de sécurité...

– Quoi ? l’interrompit Sarah en l’observant à nouveau. Tu peux sortir à l’extérieur alors ? Tu pourrais même avoir des fenêtres !

Maena porta ses mains à ses tempes avant de soupirer.

– Ce serait jouer avec le feu, répondit-elle enfin avant d’afficher un petit sourire : sans vouloir faire de mauvais jeu de mot.

Sarah sourit faiblement avant de prendre un air attristé :

– Tu ne sors vraiment jamais alors ? Le jour, je veux dire.

– Si, lorsque c’est vraiment nécessaire. Mais je fais toujours en sorte que ça ne dure jamais trop longtemps. 

Maena hésita avant d’ajouter :

– J’ai... j’ai une serre où j’aime souvent me réfugier.

– Une serre ? répéta Sarah, surprise. Genre, avec des plantes et tout ?

– Des fruits et des légumes aussi, sourit Maena avant d’ajouter, un peu timidement : la rose que je t’ai offert, elle venait de là.

Sarah rougit légèrement avant de regarder autour d’elle.

– On peut y aller ?

– Donne-moi juste le temps de me préparer, répondit aussitôt Maena avant d’hésiter. Par contre, est-ce que... hum, tu voudrais bien m’aider pour la crème ? En général c’est Amy qui s’en occupe mais...

Elle s’interrompit avant de chuchoter :

– Elle est aussi âgée que devrait l’être ma mère et je trouve ça vraiment dérangeant !

Sarah haussa les sourcils avant d’éclater de rire :

– Très bien, ouvre la voie, je te suis.

Maena la remercia d’un imperceptible mouvement de tête avant de les diriger vers ses quartiers. Elle nota du coin de l’œil que les gardes de Sarah les suivaient, comme à leur habitude, et elle leur fit signe d’attendre près des doubles portes une fois arrivée à sa chambre.

– Après toi, dit-elle à Sarah avant de refermer derrière elle.

Elles parcoururent le petit vestibule d’entrée, puis le salon, avant d’enfin atterrir dans la pièce maîtresse.

– Bon, en quoi as-tu besoin de mon aide, exactement ? demanda Sarah tout en observant le décor qui l’entourait. Parce qu’à part ton dos, je ne vois pas quelle partie du corps tu ne peux pas attendre toi-même...

Son regard se posa de nouveau sur Maena et elle écarquilla aussitôt les yeux :

– Oh mon Dieu ! s’exclama-t-elle tout en portant une main à ses yeux.

Surprise, Maena arrêta aussitôt tout mouvement :

– Quoi ?

– Quoi ?! répéta Sarah avant de la désigner d’une main. Mais t’es toute nue !

Maena lui offrit un regard appuyé.

– Je dois mettre de la crème, dit-elle en finissant de retirer son jean, ne gardant que son sous-vêtement. Tu veux que je le fasse toute habillée ?

– Quoi ? Non ! s’exclama Sarah tout en efforçant ses yeux à ne pas quitter le visage de Maena. Mais t’es... t’es... t’es obligée d’en mettre partout ? Tu ne comptes pas me faire visiter ta serre en tenue d’Eve quand même ? Parce que ça, c’est pas un string, c’est une ficelle !

– Je ne prends aucun risque, répondit Maena en se dirigeant vers la salle de bain.

Sarah abaissa malgré elle le regard vers le postérieur qui lui faisait désormais face.

– Et moi, avec une vue pareille, je prendrais au contraire tous les risques, marmonna-t-elle pour elle-même.

– Qu’est-ce que tu as dit ? demanda Maena en entrant de nouveau dans la pièce, un tube de crème dans les mains.

– Rien, répondit aussitôt Sarah avant de détourner le regard lorsqu’elle vit que Maena était toujours aussi dévêtue. Oh si : habille toi bon sang !

Maena s’approcha jusqu’à s’arrêter devant elle.

– Je t’ai déjà dit que –

– Je sais, je sais ! s’exclama Sarah avant de la retourner et la pousser vers la salle de bain. Mais t’es pas obligée de te trémousser sous mon nez !

Maena l’observa par-dessus son épaule, un sourcil haussé :

– Pourquoi ? Ça te dérange ?

– Oui, non enfin si mais – arg ! Maena, les gens normaux –

– N’existent pas. Et si j’en crois ce que tu as dit tout à l’heure, la vue de mon « postérieur » était très loin de te poser problème.

Sarah nota le petit rictus amusé et elle se sentit profondément rougir.

– C’était... euh..., elle s’interrompit avant de lever une main : tu disais avoir besoin d’aide ?

Maena sourit avant de lui donner le tube de crème solaire.

– Tu fais l’arrière, je m’occupe de l’avant. 

Sarah hocha la tête avant d’écarquiller les yeux :

– L’arr- l’arrière ? Genre, tout l’arrière ?

– C’est ça, répondit Maena tout en prenant place devant le grand miroir et réunissant ses longs cheveux bruns en un chignon serré. Et applique-toi, s’il te plaît.

Les derniers mots avaient été à peine murmurés et les protestions de Sarah moururent aussitôt sur ses lèvres. Elle hocha la tête, comprenant aisément ce que Maena ne disait pas, et se mit aussitôt au travail.

Au bout de quelques minutes, Maena fronça les sourcils.

– Sarah ?

– Oui ? parvint aussitôt la voix, légèrement tremblante.

– Pourquoi est-ce que tu viens de passer du bas de mon dos, à mes cuisses ? T’as pas oublié une zone super importante là ?

Tu m’étonnes qu’elle est super importante, même Pippa Middleton a de quoi être jalouse avec des fesses pareilles !

Maena haussa un sourcil avant d’afficher un air satisfait.

– Merci.

Sarah redressa aussitôt la tête.

– Hein ? Oh non, non, non, elle n’a pas entendu ça ! Quoi, ta maladie te permet de lire dans les pensées aussi ?

Maena rit doucement.

– Non, mais tu es comme ma secrétaire ; tu ne penses pas, tu marmonnes entre tes dents. 

Merde.

– Bon, mes fesses, tu me les fais ?

Sarah se décala de manière à pouvoir voir le visage de Maena dans le miroir, mais sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser lorsqu’elle vit cette dernière étaler la crème sur ses seins dans des gestes que n’importe quelle personne avec un semblant de libido trouverait sensuels.

C’est définitif, elle veut ma mort.

– Alors ? demanda Maena, un sourcil haussé.

Sarah se racla maladroitement la gorge :

– Euh, hum, j’ai pas pour habitude de toucher les fesses de n’importe qui comme ça, hein. Tu ne peux pas le faire toi ?

Maena se tourna de manière à lui faire face avant de croiser les bras sous sa poitrine.

– Tu sais, je ne te pensais pas aussi pudique.

– Pudique ? Je ne suis pas pudique, je suis... je suis... respectueuse !

– Respectueuse ? s’exclama Maena avant de lever les mains vers le ciel. Sarah, je te demande de le faire ! Alors s’il te plaît, oublie tes principes pendant deux minutes et aide moi à faire en sorte que je ne risque pas de dommages irréversibles une fois que j’aurais mis le nez dehors.

Sarah serra des dents avant de verser une noisette de crème dans le creux de sa main.

– Très bien ! Tourne-toi.

Maena obtempéra, un sourire satisfait sur les lèvres.

– Merci.

Sarah leva les yeux au ciel avant de passer les minutes suivantes à réciter l’alphabet grec dans sa tête dans l’espoir de ne pas penser à où ses mains se trouvaient.

5 août 2013

Chapitre 17

De doux effluves vinrent chatouiller les narines de Sarah et elle ferma les yeux, inspirant profondément avant de sourire de contentement :

– Parfait.

Elle éteignit le four avant d’en sortir le plat qu’elle avait elle-même cuisiné une demi-heure plus tôt, une douce odeur se répandant aussitôt dans toute la cuisine.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda Amy tout en enfilant son tablier.

Elle avait été surprise de voir la cuisine déjà occupée lorsqu’elle était venue prendre son service. En trente ans de carrière, cela n’était jamais arrivé avant. Qu’elle soit attendue dans l’espoir de soulager un petit creux, oui, mais que l’on prenne sa place en tant que cuisinière ?

Jamais.

– Un crumble poire chocolat, répondit Sarah en déposant le plat sur le plan de travail central. Mon dessert préféré et la seule chose que je sais cuisiner sans me bruler moi ou tout ce qui m’entoure. Je me suis dit que c’était une bonne idée pour me faire pardonner auprès de Marko, ajouta-t-elle dans une grimace.

– Oh oui, j’ai entendu parler des tensions qu’il y a eu entre lui et Maena. Vous n’avez vraiment pas peur, la rendre jalouse comme cela... pauvre Marko. A sa place, j’aurais moi aussi trouvé refuge aussi loin que possible.

Jalouse ? La surprise fut telle que Sarah en fit presque tomber l’assiette qu’elle tenait, avant de se rappeler qu’elles étaient mariées aux yeux du reste du monde.

 – Euh... hum, oui enfin, c’était pas forcément prémédité non plus..., marmonna-t-elle en s’emparant d’un couteau.

Amy sourit légèrement :

– Eh bien la prochaine fois que vous avez envie de refaire le plein de lingeries et de sous-vêtements sexy, invitez Maena, répondit-elle, le regard taquin.

Sarah se sentit aussitôt rougir. De toute l’histoire, c’était tout ce qu’Amy en savait. Marko l’avait simplement accompagnée faire du shopping, Maena l’avait par la suite découvert, et disons que moins elle et Marko se croisaient, mieux c’était pour tout le monde.

Sarah pour sa part s’en voulait énormément d’être responsable des tensions qu’il y avait entre eux.

– Elle ne peut pas sortir dehors, répondit-elle finalement d’un ton plus dur qu’elle ne l’aurait voulu, déposant la part qu’elle comptait offrir à Marko dans une petite assiette.

Amy l’observa calmement :

– Vous ne lui en voulez pas, j’espère ? Elle donnerait le ciel pour pouvoir sortir dehors avec vous.

Sarah, qui s’était apprêté à répondre que si, que justement si, elle lui en voulait de la garder dans l’ombre quand le reste du monde semblait lui être au courant de tout, sentit la colère qui avait soudainement monté en elle s’évaporer. Elle donnerait le ciel pour pouvoir sortir dehors avec vous.

– Elle vous l’a dit ?

– Elle n’en a pas eu besoin, répondit Amy en posant une main réconfortante sur son bras.

Sarah hocha doucement la tête avant de lever les yeux vers elle :

– Merci, répondit-elle sincèrement avant de désigner le gâteau. Vous en voulez ?

– Avez plaisir, sourit aussitôt Amy. Ça sent délicieusement bon.

Sarah se sentit de nouveau légèrement rougir et elle s’afféra à couper une nouvelle part qu’elle tendit à Amy après l’avoir déposé dans une petite assiette. Elle recouvrit ensuite le plat à l’aide d’une cloche et alla le déposer sur le comptoir qui longeait le mur, à côté du micro-ondes.

– Vous voulez bien le surveiller pour moi le temps que j’apporte sa part à Marko ? Ceux qui en veulent peuvent se servir, mais qu’il en reste au moins pour Maena. Je m’occuperai d’elle à mon retour.

– Ne vous embêtez pas, je lui dis de descendre dans disons... vingt minutes ?

Sarah se mordit l’intérieur de la joue, pensive, avant d’hocher la tête. Elle pourrait faire d’une pierre deux coups en la réconciliant elle et son frère, et en mettant Maena au pied du mur pour qu’elle obtienne enfin les réponses qu’elle attendait tant.

– C’est parfait. Merci Amy ! s’exclama-t-elle avant de sortir dans le couloir, les doubles portes se refermant derrière elle dans un bruit sourd.

💕

Une fois arrivée à l’extrémité sud de la propriété, Sarah porta une main à son front afin de se protéger du soleil.

– Il est plutôt haut, non ? demanda-t-elle, grimaçante avant de se reculer réflexivement d’un pas lorsque la bête hennit.

Marko lâcha aussitôt un rire :

– C’est un cheval, à quoi est-ce que tu t’attendais ? répondit-il en calant son pied gauche dans l’étrier afin de descendre. Mais si tu veux mon avis, c’est plutôt toi qui es trop peti –

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Sarah lui donna aussitôt un coup sur l’épaule.

– Ouch !

– Ça t’apprendra, marmonna-t-elle en plissant des yeux. Pour la peine, je ne sais pas si je vais te donner la part de ce merveilleux gâteau que j’ai cuisiné rien que pour toi..., poursuivit-elle en faisant passer l’assiette juste sous son nez.

Elle lâcha aussitôt un rire lorsque Marko lui offrit un véritable air de chien battu :

– Tiens, capitula-t-elle en lui tendant l’assiette et la petite cuillère.

Il sourit aussitôt, les yeux brillants de gourmandise.

– Merci, répondit-il avant de littéralement gémir une fois la première bouchée prise. Hmm... merci Sarah, c’est délicieux.

Sarah lâcha un rire, amusée :

– Contente que ça te plaise. Mais pour revenir à un sujet plus sérieux, je venais en fait te demander pourquoi tu passais autant de temps à l’extérieur ces derniers temps ? Pour un type qui d’habitude vit H24 avec ses ordinateurs...

– Comme si tu ne le savais pas, ironisa aussitôt en Marko en calant les rênes du cheval sous son bras afin de le faire avancer en même temps qu’eux.

Sarah haussa les sourcils :

– Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire, ça ?

Marko lui offrit aussitôt un regard appuyé avant d’hausser un sourcil :

– Tu ne lui as rien dit concernant notre baiser, pas vrai ? demanda-t-il en prenant une nouvelle bouchée du gâteau. Avant qu’elle ne le découvre.

– Non, mais –

– Pourquoi ?

Sarah cligna des paupières à plusieurs reprises :

– Eh bien... je... euh...

– Y en a vraiment pas une pour rattraper l’autre, répondit Marko en secouant la tête. Accordes-y un moment de réflexion, tu comprendras peut-être.

Sarah plissa à nouveau des yeux :

– Et qu’est-ce que c’est censé vouloir dire, ça ?

– Rien, répondit Marko avant de désigner le cheval. Tu veux le monter ?

Sarah secoua aussitôt la tête de gauche à droite :

– Euh non, ça va aller. Les animaux et moi, tu sais... on se porte beaucoup mieux quand on est très, très loin les uns des autres.

– Dixit la nana qui voulait un chien, répondit Marko en la poussant légèrement vers le cheval.

Il désigna l’étrier tout en terminant son dessert :

– Met ton pied là-dedans.

– Marko...

Marko l’ignora et posa l’une des mains de Sarah sur le pommeau la selle, puis glissa son pied gauche dans l’étrier.

– T’inquiète pas, je reste juste à côté, et Taho n’est absolument pas méchant, la rassura-t-il avant d’aller déposer son assiette et sa cuillère au pied d’un arbre puis revenir vers elle.

Il posa ses mains sur ses hanches et l’aida à enjamber le cheval.

– Ça va ? demanda-t-il une fois qu’elle fut confortablement assise.

Sarah hocha faiblement la tête avant de s’emparer des rênes qu’il lui tendit d’une main légèrement tremblante.

 – T’as pas le vertige au moins ? demanda Marko en réglant rapidement l’étrier avant de passer à l’autre.

– Hum... peut-être un peu ? grimaça Sarah, ses doigts devenant presque blanc contre le pommeau de la selle.

Marko, se mordit l’intérieur de la joue, pensif :

– On essaye d’aller au pas, et si tu ne le sens pas, on arrête. O.K. ?

Sarah prit une profonde inspiration avant de simplement hocher la tête, et Marko fit aussitôt un bruit avec sa bouche afin de faire avancer le cheval. D’abord crispée, Sarah finit cependant par se détendre, se surprenant finalement à apprécier cette petite balade à l’ombre des arbres. Un léger vent frais vint caresser son visage et elle laissa même un sourire venir étirer ses lèvres.

– T’as raison, c’est pas si terrible que ça, en fait.

Marko lâcha un léger rire.

– Tu veux essayer d’aller un peu plus vite ?

Sarah se mordit aussitôt la lèvre avant de demander, hésitante :

– Plus vite comment ?

– Si tu donnes un coup de talon, il ira au trot. Ensuite, si tu te sens prête à ce qu’il accélère encore un peu plus, t’as juste à lui en donner encore un autre, et ainsi de suite.

Sarah hocha la tête :

– Je pense que je peux faire ça. Juste un coup de talon alors ?

– C’est ça, acquiesça Marko en se reculant légèrement. Et pour l’arrêter, tire simplement sur les rênes. Mais pas trop fort non plus.

– Oh l’arrêter oui... merci de me prévenir, grimaça Sarah avant de se réinstaller confortablement. Bon, un léger coup de talon...

Elle s’exécuta et le cheval accéléra aussitôt dans un léger trot. Légèrement surprise, Sarah resserra sa prise sur les rênes, mais c’était plus d’excitation que de peur. Tirant légèrement sur la bride, elle parvint à le diriger sur la droite, et elle s’amusa à lui faire faire des cercles pendant un certain temps, gagnant la confiance qui lui avait fait défaut au début.

Marko, qui les suivait de loin, porta ses mains à sa bouche et hurla :

– Galop ? 

Sarah releva aussitôt la tête dans sa direction et hésita un instant avant de coopérer. Ses talons rencontrèrent une nouvelle fois les flancs du cheval et elle le sentit aussitôt aller plus vite, ses muscles bougeant sous ses cuisses et le vent frais qui fouettait un peu plus son visage. La vitesse lui procura un sentiment de liberté qu’elle n’avait encore jamais éprouvée, et Sarah ne put s’empêcher de sourire, des frissons de plaisir parcourant sa peau.

Taho dut le ressentir car il accéléra soudainement tout en cabriolant. Exaltée, Sarah releva les yeux vers Marko et elle ne put s’empêcher de rire lorsqu’elle le vit lever les pouces dans sa direction. Elle tendit l’oreille lorsqu’elle le vit s’apprêter à lui dire quelque chose, avant de suivre son regard lorsqu’il tourna soudainement la  tête.

Une forme noire surgit soudainement d’un fourré et Sarah ferma les yeux, attendant simplement la chute qu’elle savait inévitable. Il y eut tout d’abord une série d’aboiements aigus et courts, puis elle sentit Taho faire un écart et se dresser brusquement sur ses antérieurs. Ses mains agrippèrent le pommeau de la selle mais le geste fut si brusque que Sarah se sentit quand même partir en arrière. Sa tête heurta violemment le sol herbeux, et la seule chose qu’elle entendit fut son nom hurlé par une voix qu’elle aurait reconnue entre mille, avant que les ténèbres ne l’enveloppent.

💕

La première chose que Sarah entendit lorsqu’elle revint à elle, ce fut des chuchotements frénétiques accompagnés d’un « bip » incessant qu’elle jugea très vite désagréable. Elle avait froid, et sa tête lui semblait comme... engourdie, et lourde. Après un inventaire rapide de son corps, elle dut bien s’avouer qu’à la réflexion, chacun de ses membres lui semblait engourdi et lourd.

– C’était irréfléchi, Marko, tu le sais aussi bien que moi.

Sarah fronça légèrement les sourcils avant de tourner la tête en direction du bruit.

– Oh je t’en prie, elle a simplement fait du cheval. Le reste n’était rien de plus qu’un malheureux concours de circonstances.

– Un malheureux concours de circonstance ? répéta Maena, visiblement en colère. Va lui dire ça maintenant qu’elle se retrouve allongée sur un lit d’hôpital, inconsciente, et probablement aveugle !

Sarah sentit comme une douche froide s’abattre sur elle à l’entente de ces simples mots et elle porta aussitôt ses mains à son visage.

– Ça expliquerait en effet pourquoi j’arrive à peine à discerner vos silhouettes..., murmura-t-elle avant de grimacer. Aaah O.K. je crois que je vais garder les yeux fermés parce que ça me donne la nausée. 

Elle entendit quelqu’un approcher avant que l’on ne dépose quelque chose entre ses mains, et elle sursauta légèrement lorsqu’elle sentit des lèvres se poser contre son front.

– Tiens, mets ça. C’est un masque de nuit, ça devrait te soulager. Comment te sens-tu ?

Sarah obtempéra avant de répondre la première chose qui lui passa par la tête, la seule chose qu’elle avait eu le temps de remarquer depuis son réveil :

– Engourdie et lourde. Et aveugle.

Un faible rire lui parvint et elle ne fut pas déçue de l’avoir causé ; Maena riait beaucoup trop rarement à son goût.

– Tu as fait une sacrée chute. Tu es sous sédatif. Quant à la cécité, le médecin nous a assuré qu’elle ne serait que passagère, elle est due à ta commotion cérébrale. Il est possible que tes autres sens soient affectés aussi. 

Sarah fronça légèrement les sourcils :

– Hmm j’ai en effet l’impression de moins bien entendre que d’habitude, admit-elle. Comme si j’étais en train de passer sous un tunnel. J’ai l’impression de devoir forcer pour articuler aussi... Et puis, il y a une forte odeur de rose là, non ? 

Ses paroles furent à peine prononcées qu’elle rougit aussitôt, réalisant qu’il s’agissait très probablement du parfum de Maena. Le rire de Marko confirma aussitôt ses soupçons.

– Désolée, marmonna-t-elle, embarrassée. Mais ça sent très bon, enfin, j’aime bien, c’est... bref.

Réalisant qu’elle s’enfonçait plus qu’autre chose, elle décida simplement de se taire mais elle ne put retenir un frisson lorsqu’elle sentit Maena se pencher vers son oreille :

– Merci, murmura-t-elle avant d’embrasser sa joue.

Sarah sentit sa rougeur s’accentuer mais elle n’y prêta pas attention, réalisant à la place pour la première fois que les mains qui entouraient la sienne étaient recouvertes de quelque chose, d’une matière douce et chaude qu’elle comprit aussitôt être des gants. Et lorsqu’elle libéra sa main afin de la porter au visage de Maena, elle réalisa qu’une espèce de foulard en recouvrait une bonne partie. C’est pour ça que je n’ai pas sentie ses lèvres lorsqu’elle m’a embrassée, pensa-t-elle avant de remonter vers des lunettes de soleil puis une capuche.

– Tu ne peux vraiment pas sortir dehors, murmura-t-elle finalement, ébahie.

Elle le savait déjà, bien sûr, mais maintenant qu’elle se retrouvait face à une réalité qu’elle n’avait jusqu’à présent que soupçonné, elle s’en retrouva stupéfaite. 

Le silence régnait autour d’elle et elle se demanda un instant si c’était par respect pour elle, le temps qu’elle assimile la nouvelle, ou si c’était par simple malaise, par gêne, ou n’importe quelle autre raison qui faisait que Maena lui cachait la vérité.

Le bruit de la porte lui parvint et Sarah tourna aussitôt la tête en direction du bruit, jurant intérieurement lorsqu’elle entendit la voix du médecin – il n’aurait pas pu choisir de meilleur moment pour entrer celui-là, non ? 

– Ah, mademoiselle Delgado, ravie de voir que vous êtes de nouveau parmi nous. Comment vous sentez vous ?

Sarah marmonna de nouveau les paroles qu’elle avait eues plus tôt :

– Engourdie, lourde et aveugle.

Elle fut surprise de l’entendre rire légèrement :

– Vous avez fait une sacrée chute, mais par chance, vous n’avez rien de cassé, juste une commotion. Vous pouvez me dire votre prénom ainsi que la date d’aujourd’hui ?

Sarah fronça légèrement les sourcils :

– Sarah, et nous sommes le... mardi 26 août 2012.

– Exact. Vous étiez partiellement consciente lorsque vous êtes arrivée, vous vous êtes évanouie par la suite. Je peux ? demanda-t-il en tirant légèrement sur le masque de nuit.

Sarah hocha faiblement la tête et elle plissa aussitôt des yeux lorsque la lumière de la pièce vient agresser ses yeux.

– Hmm vos pupilles sont encore dilatées, j’ai bien peur que cela dure pendant plusieurs jours. Vous vous plaigniez de vertiges, vous pouvez me dire si ça va mieux de ce côté-là ?

– Ça va, mais le fait de ne pas voir clairement me rend vraiment nauséeuse.

Elle fut soulagée lorsque le médecin replaça aussitôt le masque de nuit sur ses yeux.

– Rien de surprenant, acquiesça-t-il. Je vous ai mise sous sédatif pour les douleurs corporelles et les maux de tête, mais je préfère quand même vous garder en observation pour la nuit au cas où les vertiges reviendraient, ou si n’importe quel autre symptôme se décidait à survenir. N’hésitez pas à appeler l’infirmière si vous notez quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire, d’accord ?

Sarah hocha aussitôt la tête :

– Je pourrais sortir demain alors ?

– Si tout se passe bien cette nuit, je n’y vois pas d’inconvénient. Je repasserai vous voir un peu plus tard.

– Merci.

Elle entendit la porte se refermer derrière lui mais elle n’eut pas le temps de reprendre la parole que Marko la devança :

– Tu devrais y aller aussi, Maena.

Sarah sentit aussitôt Maena se figer à ses côtés :

– C’est inutile, Marko. Je ne suis pas sortie sans protection.

– Maena...

Sarah entendit la protestation de Marko mourir sur ses lèvres et elle devina aisément que Maena venait de le faire taire d’un simple regard.

– De quoi est-ce qu’il parle ? demanda-t-elle en tournant la tête vers Maena. Tu es couverte de vêtements de la tête aux pieds...

– Elle avait seulement sa veste de tailleur rabattue sur sa tête lorsqu’elle t’a rejoint dans la cour tout à l’heure, après ta chute, précisa Marko, visiblement mécontent. Elle doit se faire ausculter elle aussi.

Sarah sentit de nouveau le corps à côté d’elle se figer avant que la voix grondante de Maena ne résonne dans la pièce.

– Marko...

– Le cri, c’était toi ? coupa Sarah, surprise. J’ai entendu quelqu’un hurler mon nom...

Elle ne put voir l’air contrit de Maena :

– Je me dirigeais vers les cuisines quand j’ai entendu Dixie se mettre à aboyer puis le cheval à hennir. Ensuite... je crois que mon corps à simplement prit le dessus. J’étais tout juste arrivée dans la véranda quand je t’ai vu tomber. Tu m’as donné la peur de ma vie.

– Tu as risqué ta vie pour moi ? chuchota Sarah, surprise et secrètement touchée.

Il y eut un nouveau silence avant que la réponse ne lui parvienne, et Sarah maudit sa cécité soudaine de ne pas pouvoir lire le visage de Maena :

– « Risquer ma vie » est peut-être un peu fort, je te l’ai dit, je n’ai pas réfléchi. Mais j’ai bien peur que le cheval ce soit fini pour toi, maintenant.

Sarah repéra aisément la note taquine qui s’était insinuée dans ses dernières paroles et elle accepta, même si à contrecœur, de passer à des sujets plus légers. Elle comptait bien avoir le dernier mot plus tard, cependant. Elle en avait trop découvert pour s’arrêter là.

– Je te rassure, je ne compte pas remonter de sitôt, grimaça-t-elle, un sourire néanmoins accroché sur les lèvres. Comment va Dixie, au fait ? Et Taho ?

– Ils vont parfaitement bien, ne t’inquiète pas. Dixie avait simplement envie de jouer, mais choisir un cheval pour cela...

Sarah nota la note amusée et elle rit légèrement :

– C’était pas le choix le plus judicieux qu’elle ait fait, acquiesça-t-elle. Je refermerai la fenêtre de la véranda derrière moi la prochaine fois, j’aurais dû me douter qu’elle aurait fini par sortir à son tour.

– Mais tu n’aurais jamais pu deviner que tu allais faire du cheval à ce moment-là, tempéra aussitôt Maena d’un ton doux. Tu vas bien, c’est tout ce qui importe.

Sarah haussa un sourcil :

– Tu peux pardonner ton frère alors ? Parce qu’il n’y est absolument pour rien dans l’histoire, en plus...

Le rire de Maena lui parvint aussitôt :

– Je pense que je peux faire ça, acquiesça-t-elle. Je m’excuse Marko.

– Et pour la séance shopping aussi, lui souffla aussitôt Sarah.

– Et pour la séance shopping aussi, répéta consciencieusement Maena.

Vu le ton qu’elle avait employé, Sarah n’eut aucun mal à deviner qu’elle avait en même temps levé les yeux au ciel.

– Et pour le bais –

Elle fut aussitôt coupée par une main sur ses lèvres :

– Ne pousse pas ta chance, Sarah, la prévint Maena. Et c’est compris dans la séance shopping, ça.

– O.K., marmonna Sarah en se dégageant. Satisfait, Marko ?

Un faible rire lui parvint du bout de la pièce :

– Satisfait, répondit-il avant de prendre un ton plus ferme et plus sérieux. Maena, tu dois vraiment y aller maintenant.

– Marko...

– Amy t’attend dans le couloir et tu sais tout comme moi qu’il n’y a aucune chance pour que tu en réchappes, la coupa-t-il avant d’ajouter, le ton plus doux : c’est pour ton bien, tu le sais.

Sarah tendit l’oreille, curieuse de savoir ce que Maena allait répondre, avant de légèrement sursauter lorsque des lèvres se posèrent sur son front :

– Je te vois plus tard.

– Non, demain matin, répondit aussitôt Sarah en levant la tête vers l’endroit où elle supposait se trouver le visage de Maena. J’apprécie énormément les risques que tu as pris... mais j’ai besoin que tu prennes soin de toi aussi, finit-elle dans un timide sourire.

Elle leva une main pour arrêter la protestation qu’elle sentait venir :

– Ne m’oblige pas à soudoyer ton chauffeur pour qu’il ne t’emmène pas ici.

– Je pourrais prendre un taxi.

Sarah plissa aussitôt des lèvres :

– Maena...

– D’accord, d’accord, soupira cette dernière. Je n’en ferais rien.

Elle embrassa une nouvelle fois Sarah sur le front avant d’ajouter :

– J’ai le numéro de ta chambre, tu m’autorises le téléphone au moins ?

Sarah sourit aussitôt, touchée et irrémédiablement charmée :

– Et comment, répondit-elle. Tu... hum, tu me tiens au courant pour le médecin ?

Un silence gêné lui répondit et elle précisa, retenant difficilement un soupir :

– Je veux juste m’assurer que tu vas bien, Maena.

– Je sais, murmura aussitôt Maena en exerçant une pression sur sa main. A ce soir.

Sarah se contenta d’hocher la tête, et même si la déception s’empara d’elle une fois de plus, elle se refusa de lui laisser avoir le dessus cette fois-ci. Il s’était passé beaucoup trop cet après-midi pour qu’elle décide de s’arrêter en si bon chemin, alors lorsqu’elle entendit la porte se refermer dans un léger clic, elle se réinstalla confortablement contre ses oreillers et s’afféra à mettre en place son plan.

Et peu importe ce qu’il faudrait, elle ne laisserait pas Maena en réchapper cette fois-ci.

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1 août 2013

Chapitre 16

– Maena n’a jamais été aussi grincheuse que ce matin. Elle ne vous a pas dit qu’elle ne supportait pas l’alcool ?

Surprise, Sarah sursauta légèrement avant de tendre rapidement les mains afin d’immobiliser le sac de boxe. S’essuyant ensuite le front d’un revers de bras, elle fit face à Amy et la salua d’un sourire avant de s’emparer de la tasse de thé qu’elle lui tendait.

– Merci, répondit-elle, légèrement essoufflée. Et si, mais il était déjà trop tard pour ça, sourit-elle malicieusement.

– Tsk tsk, regardez ce que vous faites de notre maîtresse de maison, feignit de l’admonester Amy. Heureusement qu’elle tient beaucoup à vous. Marko a essayé une fois, il s’en est mordu les doigts durant le restant de la semaine.

– Pardon ? l’interrompit Sarah, peu sûre d’avoir bien entendu. Qu’est-ce que vous avez dit ?

Amy l’observa, confuse.

– Que Marko...

– Non, non, avant ça, répondit Sarah en remuant une main dans les airs. Sur Maena.

Amy sourit :

– Oh... le passage où je disais qu’elle tenait beaucoup à vous..., taquina-t-elle avant d’hausser un sourcil. C’est votre femme, vous n’en doutiez pas quand même ?

Sarah rougit légèrement avant de faiblement secouer la tête. De toutes les personnes auxquelles elle devait mentir, Amy était celle qui la faisait se sentir le plus mal. Parce qu’elle la respectait tellement que c’était comme quand elle allait à l’Eglise et qu’elle oubliait de faire le signe de croix avant de sortir. Elle se sentait mal à l’aise et éprouvait toujours des difficultés à s’observer dans le miroir après ça. 

– Ça me rassure, sourit Amy en récupérant son plateau. Parce qu’il n’y a rien de plus flagrant que ce qui était destiné à arriver. Non mariées, je vous aurais littéralement poussé dans les bras l’une de l’autre !

– Pardon ? s’exclama aussitôt Sarah, incrédule, tandis qu’elle prenait place sur le banc situé juste derrière elle. Mais quelle mouche l’a piquée ce matin ?

Amy leva les yeux au ciel :

– Sarah, je vous en prie. Vous vous disputez comme un vieux couple, vous parlez comme deux meilleures amies, vous flirtez l’une avec l’autre comme seuls les jeunes amoureux ont l’habitude de le faire et vous êtes aussi protectrice l’une envers l’autre que deux frère et sœur peuvent l’être.

Elle s’interrompit avant de lui faire un léger clin d’œil :

– C’était destiné à arriver, sourit-elle avant de faire demi-tour, et quitter la salle de gym.

Sarah se contenta de l’observer s’éloigner, sidérée par ce qu’elle venait d’entendre. Une petite voix à l’intérieur de sa tête tenta de lui rappeler les paroles étranges que Maena avait prononcées la nuit dernière, juste après l’avoir embrassée, mais elle se refusa de l’écouter. S’y attarder impliquait beaucoup trop de choses sur lesquelles elle n’était pas sûre d’être prête à méditer.

– Ben alors, on gobe les mouches ?

Sarah sursauta avant de lever les yeux pour voir Cassie s’approcher d’elle, ses talons résonnant légèrement sur le sol de la salle de gym. Elle avait été tellement surprise par les paroles d’Amy qu’elle ne l’avait même pas vue entrer à son tour.

Elle remarqua que Cassie revêtait cette fois-ci un magnifique tailleur pantalon de couleur noir, dont la veste cintrée aux manches trois quarts épousait parfaitement son corps et mettait ses formes en valeur. Elle apprécia secrètement ses longs cheveux blonds qui reposaient librement sur ses épaules.

– Qu’est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle en retirant les straps qu’elle entourait toujours autour de ses mains lorsqu’elle boxait. 

Cassie haussa un sourcil :

– Duh, bonjour à toi aussi Sarah, répondit-elle, un brin sarcastique avant de regarder autour d’elle et grimacer. C’est moi où certains sentent vraiment le chacal ici ?

Elle frissonna.

– Beurk.

Sarah rit légèrement.

– C’est une salle de gym, à quoi est-ce que tu t’attendais ?

– Hmm, c’est ça, fais la maline, renchéri aussitôt Cassie tout en prenant place sur le banc situé à proximité. Tu riras moins lorsqu’Eva t’aura enfin mis la main dessus, sourit-elle malicieusement. Kate s’est peut-être adoucie avec le temps, Eva est en train de limer ses griffes à l’heure actuelle. Elle m’a appelé ce matin, elle est vraiment hors d’elle, Sarah. Liz a beau avoir essayé de plaider ton cas, ça n’a pas l’air d’y avoir fait grand-chose. Je ne sais pas ce que tu attends, mais si tu continues à faire la sourde oreille, elle va finir par débarquer ici et ce ne sera pas pour te sauter au cou.

Elle s’interrompit, remuant une main dans les airs :

– Enfin si, justement. Mais ce ne sera pas une partie de plaisir pour toi !

Sarah s’essuya le visage avec sa serviette avant de prendre de longues gorgées de sa petite bouteille d’eau.

– Je l’appellerai, promit-elle.

– Bonne petite, sourit aussitôt Cassie. Bon, et sinon, qu’est-ce qui t’a perturbée comme ça ?

Sarah détourna les yeux :

– Rien, enfin non, si, répondit-elle avant de soupirer. Cassie, qu’est-ce que tu penses de Maena, exactement ? Je veux dire, est-ce que... est-ce que tu lui confierais ta fille, par exemple ?

Même si Sarah ne l’avait vu que quelques fois, elle savait que Cassie considérait sa fille Zoé comme la prunelle de ses yeux.

– Il faudrait que Maena travaille beaucoup moins pour ça, répondit Cassie en faisant la moue. Mais sinon... oui, pourquoi pas ?

Sarah hocha doucement la tête.

– Et... elle ne t’a jamais inquiétée ou... enfin, elle n’a jamais rien fait qui t’ait poussé à t’interroger sur elle ?

Cassie l’observa un moment avant demander :

– Sarah, tu ne crois pas que ce serait plus simple si tu me disais de quoi il en retourne exactement plutôt que de tourner autour du pot ? demanda-t-elle.

Elle sentit l’inquiétude monter en elle lorsque Sarah détourna simplement les yeux.

– Sarah... Maena a fait quelque chose ?

Elle réfléchit un instant avant de sentir le sang quitter son visage.

– Elle ne t’a pas trompée, quand même ? Parce que bon, certes je suis très loin d’être la mieux placée dans ce cas là, mais j’ai du mal à imaginer Maena...

Sarah secoua frénétiquement la tête.

– Non, c’est rien de tout ça, assura-t-elle. C’est juste... que je n’arrive pas à comprendre comment une femme que tout le monde semble visiblement beaucoup apprécier puisse en venir à me kidnapper et continuer à faire la sourde oreille lorsque je veux simplement en apprendre plus sur elle. C’est rien, je dois être fatiguée, c’est tout, sourit-elle finalement.

– Oh, répondit Cassie, peu convainque. En tout cas, ce que je peux te dire, c’est que Maena n’a pas toujours eu une vie facile, tu sais. Il y a ce qu’elle doit supporter jour après jour, bien sûr, mais la fin de sa relation avec Alison a été très dur pour elle aussi.

Sarah hocha doucement la tête :

– Elle m’en a un peu parlé.

– Tant mieux, répondit aussitôt Cassie avant de secouer la tête, visiblement mécontente. Elle garde beaucoup trop de choses pour elle. Elles s’aimaient d’un amour profond, tu sais, et ont fini par devenir les pires ennemies du monde. Maena a même avoué se sentir soulagée lorsqu’Alison est finalement partie. Je crois qu’une part d’elle a encore beaucoup de mal à vivre avec ces sentiments négatifs qui l’habitaient et l’habitent peut–être toujours.

– Et toi, qu’est-ce que tu penses de tout ça ?

Cassie se mordit l’intérieur de la joue :

– Je pense... que Maena est très loin d’être le monstre qu’elle se pense être. Et ce n’est pas pour jeter la pierre, elles avaient toutes les deux des torts, mais Alison s’est vraiment montrée particulièrement désagréable sur la fin. Et puis ce qu’elle a fait avec ses recherches... j’aurais probablement été soulagée moi aussi.

Sarah secoua la tête d’incrédulité.

– J’ai du mal à imaginer qu’elle ait pu faire ça à une personne qui comptait énormément pour elle il y a encore peu de temps.

– Pas moi, répondit Cassie avant de s’expliquer lorsqu’elle vit l’air surpris de Sarah : on est tous capable du pire en désespoir de cause, Sarah. Elles se sont blessées l’une l’autre, Alison savait que sa fin était proche, elle avait peur et elle était en colère contre le monde entier. Elle s’est simplement laissée entraînée par tout ça.

Cassie soupira avant d’ajouter :

– Regarde-moi, j’ai bien trompée Kate avec une ribambelle de mec différents juste pour que mes parents ne sachent pas que c’était elle qui faisait battre mon cœur et laissent leurs hommes de mains là où ils étaient. J’ai même rasé la tête de sa copine par simple jalousie, alors tu vois...

Sarah écarquilla les yeux.

– T’as rasé la tête d’Emma ?! s’exclama-t-elle, poussant aussitôt les quelques gardes présent à tourner la tête vers elles.

– Shhh ! s’exclama aussitôt Cassie en plaquant une main sur sa bouche. Je te l’ai dit, on fait des trucs de malades quand on est désemparé, sourit-elle avant de reprendre son sérieux. Mais là où je voulais en venir, c’est que Maena traîne pas mal de bagages derrière elle. Je ne sais pas pourquoi tu doutes en ce moment, mais ne sois pas trop dure, d’accord ?

Elle attendit que Sarah hoche la tête avant d’ajouter :

– Et puis, il n’y a pas de secret dans la vie, pour qu’une relation marche, faut communiquer, poursuivit-elle dans un sourire. Alors si tu veux savoir quelque chose... demande lui.

Elle ponctua sa phrase d’un clin d’œil et Sarah se mordit la lèvre inférieure. Demander... mais pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ?

25 juillet 2013

Chapitre 15

– J’arrive pas à croire que je t’ai laissé prendre la limousine, marmonna Sarah en plissant des yeux dans l’espoir de pouvoir voir à travers les vitres teintées.

Maena baissa le journal qu’elle était en train de lire.

– Pourquoi ? Tu n’aimes pas ?

– C’est pas ça, grimaça Sarah en se rasseyant confortablement, prenant soin de ne pas plisser sa robe. C’est juste que là, pour passer inaperçu, c’est loupé.

– Tu veux passer inaperçue ?

Sarah lui offrit un regard appuyé.

– Oui, enfin non, enfin... Maena, avec une voiture pareille, ils vont s’attendre à voir une célébrité !  Tout le monde va nous regarder.

– Non, répondit Maena d’un air absent tout en reportant son attention sur son journal. Tout le monde va me regarder, parce que la plupart des habitants de cette ville ne m’ont jamais vu en vraie.

Sarah se mordit l’intérieur de la joue.

– Tu n’es jamais allée en boîte, avant ?

– Hmm une fois, avec Alison. Mais c’était il y a longtemps. Et je n’avais pas spécialement aimé. Trop de gens... trop étouffant.

Sarah laissa courir ses doigts sur la surface en cuir de son siège tout en observant discrètement Maena du coin de l’œil. Sa robe bleue nuit dévoilait ses épaules sur lesquelles ses cheveux reposaient librement, et mettait surtout en valeur ses interminables jambes. Sarah la trouvait irrésistiblement sexy.

– Elle te manque parfois ? Alison, demanda-t-elle enfin, la curiosité présente dans sa voix.

Maena leva les yeux vers elle avant d’abaisser son journal.

– Celle que j’ai rencontrée quand j’avais dix-sept ans me manque, répondit-elle. Celle qui nous a quitté il y a peu... je préfère ne pas y penser, remarqua-t-elle calmement avant d’ajouter, les yeux brillants : d’ailleurs, en parlant de ça, j’espère ne pas avoir brisé le cœur de Gwen ?

Sarah l’observa, surprise avant de détourner le regard.

– Elle ne te porte pas dans son cœur, ça c’est sûr, marmonna-t-elle avant d’ajouter, plus haut : mais ça importe peu, nous ne sommes plus ensemble. Ce dont tu devais te douter vu les grands titres que notre mariage a fait.

Maena détourna simplement le regard et Sarah se mordit l’intérieur de la joue, le regard fixé sur sa robe qu’elle lissait d’un air absent :

– Tu savais qu’on allait finir par rompre, pas vrai ? demanda-t-elle sans lever les yeux. La nuit de mon enlèvement, tu as pris soin de prévenir Eva, mais pas Gwen.

– Parce que tu l’aurais fait toi ?

Sarah releva les yeux, surprise avant de faiblement secouer la tête.

– Non, admit-elle faiblement. Non, je ne l’aurais pas fait. Ça faisait des semaines que je l’évitais le plus possible. Mais ça n’explique pas pourquoi toi, tu t’es abstenue.

– La prévenir aurait apporté des complications, elle aurait voulu poser des questions, savoir pourquoi... La laisser dans l’ombre était plus simple, et je savais qu’Eva la rassurerait dès le lendemain. Le fait de te savoir à l’hôtel allait lui faire comprendre que sa compagnie n’était pas désirée.

– Et qu’est-ce qui t’a fait croire qu’elle n’allait pas insister pour me joindre par la suite ?

Maena l’observa droit dans les yeux :

– Elle ne l’a jamais fait avant.

Sarah détourna aussitôt la tête, mal à l’aise. Elle avait beau savoir que Maena l’avait observée pendant des mois et connaissait sa vie sur le bout des doigts, elle n’arrivait pas à s’y faire.

Maena sembla le pressentir :

– Je suis désolée, c’était déplacé.

– Non, c’est rien, répondit Sarah en secouant la tête. Je crois que j’ai simplement du mal à me faire à l’idée que tu m’aies espionnée pendant tout ce temps et que tu connaisses pratiquement tout de ma vie.

– Je comprends, répondit faiblement Maena en détournant le regard.

Pour une raison qu’elle ignora, sa réaction poussa Sarah à sentir son visage s’adoucir.

– Est-ce que tu es désolée, au moins ? demanda-t-elle en essayant de croiser le regard de Maena.

– Bien sûr, assura aussitôt Maena en relevant la tête. Sarah, si je pouvais revenir en arrière...

Sarah leva aussitôt une main afin de l’interrompre.

– Ça devrait m’aider à te pardonner alors, sourit-elle faiblement avant de tourner la tête vers la vitre lorsqu’elle sentit la voiture s’arrêter.

Elle détacha sa ceinture avant d’hausser un sourcil en direction de Maena.

– Bon, prête à affronter la musique ?

– Ça dépend, ce sont tes amis, je dois m’inquiéter ?

Sarah fit la moue.

– Nan, assura-t-elle, priant intérieurement pour qu’elle ait visé juste.

💕

Après avoir fait la queue pendant quelques minutes, Sarah et Maena furent enfin autorisées à entrer à l’intérieur. Sarah reconnut aussitôt que Liz avait dit vrai lorsqu’elle avait décrit The Heaven comme étant le club le plus respectable de la ville. L’atmosphère semblait relaxante et agréable, et Sarah apprécia aussitôt le fait que la musique soit assez faible pour ne pas avoir à hurler pour se faire entendre, mais assez forte pour couvrir le bruit d’un verre qui se briserait à l’autre bout de la pièce.

Elles longèrent le bar situé sur la droite afin de rejoindre les tables qui entouraient la piste de dance et Sarah fit aussitôt volte-face lorsqu’elle perçut ses amies, renversant presque Maena au passage.

– Ecoute, je sais qu’on n’a pas discuté de la ligne de conduite à adopter, mais... suis-moi juste, d’accord ?

Maena haussa les sourcils.

– C’est supposé me rassurer, ça ?

Sarah lui offrit aussitôt un regard appuyé.

– Pour la peine, je t’embrasserai toutes les cinq minutes, et avec la langue, menaça-t-elle en s’avançant dangereusement vers elle.

Maena la surprit en l’embrassant aussitôt sur les lèvres.

– Deal, sourit-elle en se reculant.

Sarah l’observa, la mâchoire pendante avant de porter une main à ses lèvres. Elle vient de m’embrasser là, j’ai pas rêvé ? Un léger raclement de gorge la ramena à la réalité et elle reprit tant bien que mal contenance.

– Bon, hum, on ferait mieux d’y aller, répondit-elle rapidement en faisant demi-tour, ignorant le faible rire qui résonna aussitôt derrière elle.

Elles se frayèrent péniblement un chemin jusqu’à la table qu’avaient réservé ses amies et Sarah fut aussitôt agacée de voir Liz perdre son sourire lorsque son regard se posa sur elles. Elle l’ignora volontairement pour répondre à l’accolade que lui offrait Emma, une amie qu’Eva et Liz lui avaient présentée quelques années plus tôt. Sarah aimait beaucoup le côté pétillant et épanoui qu’elle dégageait.

– Coucou toi ! s’exclama Emma avant de souffler à son oreille. T’as de la chance, Eva n’a pas pu venir. Elle est clouée au lit avec la varicelle.

– La varicelle ? s’exclama aussitôt Sarah en se reculant. Comment...

– Gaël l’a attrapé à la garderie, expliqua Emma en tendant timidement une main vers Maena suivit d’un petit « bonsoir ». Et comme Eva ne l’a jamais eu...

Sarah eut du mal à retenir le rire sadique qui montait en elle et le « bien fait ! » qui cherchait désespérément à passer la barrière de ses lèvres.

– Oh la pauvre..., mentit-elle, recevant aussitôt une tape sur le bras de la part de Kate, l’épouse d’Emma, qui n’y avait absolument pas cru. Hé ! s’exclama-t-elle en la prenant à son tour dans ses bras.

– Eva a demandé à ce que tu passes dès que possible, enchaîna Kate en répondant à son étreinte. Je serais toi, j’irais sous couvert d’une armure.

Sarah rit légèrement tout en se reculant, avant de frissonner lorsqu’elle sentit la main de Maena dans le creux de son dos. Elle s’apprêtait à faire les présentations mais Kate la prit de court, la surprenant par les paroles qu’elle prononça :

– Docteur Beauregard, salua Kate en tendant une main, le ton révérencieux. C’est un honneur.

Un honneur ? Même s’il faisait trop sombre pour le voir, Sarah put jurer que Maena rougissait.

– Docteur De Lonay, répondit Maena en s’emparant de sa main. C’est un honneur également que de rencontrer la nièce de cette grande femme qu’est votre tante. Et si j’en crois les médias, vous n’avez pas grand-chose à lui envier.

Ce fut au tour de Kate de rougir.

– Bon, quand vous aurez fini de vous complimenter l’une l’autre, on pourrait peut-être s’assoir, non ? demanda Liz en s’approchant à son tour, et Sarah fut rassurée de voir qu’elle souriait.

Elle l’embrassa furtivement sur la joue et attendit qu’elle et Maena échange une poignée de main avant de prendre place sur les canapés qui entouraient la table basse. Emma, Kate et Liz prirent aussitôt place en face d’elles et Sarah redouta un instant un interrogatoire en bonne et due forme. 

Elle fut soulagée lorsqu’elle vit Liz se redresser soudainement :

– Je vais danser, déclara-t-elle en s’emparant de la main de Sarah et l’entraîner avec elle sans lui demander son accord. Vous commandez en attendant ? Desperado cocktail pour moi et je suis sûre que Maena saura quoi choisir pour sa demoiselle, finit-elle en regardant la concernée.

– Prends-moi comme Liz, murmura précipitamment Sarah avant d’être entraînée sur la piste.

Elle fut surprise de voir Liz slalomer entre les gens jusqu’à atteindre l’autre bout de la pièce, puis pousser la lourde porte qui menait dans la cour extérieure, celle exclusivement réservée aux fumeurs. Liz regarda autour d’elle un instant, puis les dirigea vers le coin le plus éloigné, celui moins exposé à la fumée.

– Je croyais que tu voulais danser ? demanda Sarah une fois arrivée à destination.

– Plus tard, répondit Liz en secouant une main dans les airs. Sarah, c’est quoi cette histoire ? Mariée ? Tu ne nous as jamais parlé d’elle avant.

Sarah se frotta maladroitement le sourcil.

– Je sais, ça... c’est fait un peu rapidement, en fait. 

– Un peu rapidement ? répéta Liz, incrédule. Tu m’étonnes, c’était tellement rapide qu’on a rien vu venir ! Eva est vraiment hors d’elle, tu sais. Elle pensait que vous étiez plus proches que ça.

Même si elle jugea la réflexion méritée, Sarah encaissa néanmoins difficilement le coup.

– On ne peut pas dire qu’elle possède une très grande opinion de Maena, aussi, répondit-elle d’un ton légèrement sarcastique.

Oui, bon, son excuse était pathétique, mais elle essayait tant bien que mal de gagner du temps.

– Alors c’est ça, ton échappatoire ? C’est pour ça que tu ne nous as rien dit ?

– Non, soupira Sarah. C’est... compliqué. Mais je te promets que ce n’était pas contre vous, ça c’est juste fait comme ça. Wow, ça passerait presque pour un non mensonge, ça. Je suis trop forte !

Liz lui offrit un air sceptique :

– Vous vous êtes mariées à Vegas ou quoi ?

– C’est ça ! s’exclama aussitôt Sarah avant de regagner contenance lorsqu’elle vit plusieurs personnes tourner la tête dans leur direction. Enfin, pas à Vegas, mais c’est l’idée. Ça c’est fait très vite.

Elle vit Liz se mordre l’intérieur de la joue, avant d’abaisser son regard vers son ventre qu’elle observa d’un œil critique.

– Quoi ? demanda Sarah, mal à l’aise d’être ainsi observée.

– Oh rien, rien, répondit aussitôt Liz tout en relevant les yeux vers elle.

Sarah l’a vit continuer à l’observer du coin de l’œil et elle porta ses mains à ses hanches tout en lui offrant un regard appuyé.

– Liz...

Liz l’observa de la tête aux pieds :

– Je me disais juste qu’il devait bien y avoir une raison pour que vous ayez décidé de vous marier aussi rapidement, expliqua-t-elle avant de l’accuser du regard. T’es enceinte ?

Sarah sentit aussitôt sa mâchoire se décrocher et elle l’observa, incrédule, avant de croiser les bras sur sa poitrine :

– Je ne sais même pas pourquoi je prends la peine de me justifier auprès de toi.

Liz lâcha aussitôt un rire :

– Oh ça va, je te taquinais ma belle, répondit-elle avant de reprendre son sérieux. C’est juste que ça ne te ressemble tellement pas..., remarqua-t-elle en se passant une main sur le visage, avant de sourire. Mais bon, il paraît que l’amour fait faire des trucs de fous, alors...

Sarah l’observa, pleine d’espoir :

– Ca veut dire que je suis pardonnée ?

Liz l’attira aussitôt dans ses bras.

– C’est ça, murmura-t-elle en l’embrassant sur la tempe. Je suis contente pour toi, commença-t-elle en se reculant. Mais t’as encore Eva à affronter.

– Sur une échelle de 01 à 10, je dois m’attendre à quel niveau de gravité ? grimaça Sarah.

– 10, répondit Liz en lui tapotant gentiment l’épaule.

Sarah baissa la tête de dépit avant de la suivre à l’intérieur.

Super.

💕

 – Et tu es sortie quand même malgré le fait qu’Eva et ton fils soient malades ? demanda Sarah en s’accoudant au bar, regardant d’un air absent le barman préparer la quatrième tournée de boissons qu’elles avaient commandée.

– Hmm, ses parents sont chez nous, alors ils ne sont pas seuls, répondit Liz avant de sourire. Et sache qu’elle m’a littéralement jetée dehors, parce qu’elle tenait à ce que je t’informe de ce qu’elle pensait de la situation.

Sarah grimaça.

– Humpf, soupira-t-elle avant d’hausser un sourcil lorsqu’une Emma à l’air dépité vint littéralement se pendre au cou de Liz. Qu’est-ce que se passe ?

Emma releva péniblement la tête.

– J’aime Kate, vraiment, mais quand elle se met à parler médical... elle me perd super vite, gémit-elle avant de se redresser et poursuivre d’un air conspirateur : Mais Maena... woah ! Sarah, je ne sais pas où tu l’as trouvée, mais elle est super canon !

 Liz ricana aussitôt :

– T’as envie que Kate lui casse la figure ? T’as pas peur avec des propos pareils toi.

– Kate n’oserait pas, répondit Sarah en s’emparant de leurs boissons. Elle aurait trop peur que Maena ait le dessus.

Emma prit un air pensif :

– C’est vrai que Maena est assez grande, reconnu-t-elle avant de sourire malicieusement. Mais ne t’inquiète pas, y a aucun risque pour que ça arrive ; Maena est peut-être magnifique, Kate l’est encore plus.

– Et ton jugement est totalement biaisé, ma pauvre, rit aussitôt Liz en passant devant elles.

– Parce que tu penses que Maena est plus canon qu’Eva, peut-être ? enchaîna aussitôt Emma en la suivant.

Liz s’arrêta avant de marmonner un faible « non » et se fut au tour de Sarah et d’Emma de rire à ses dépens tout en passant devant elle.

Elles rejoignirent leur table et s’apprêtaient à déposer leur quatrième tournée de verres lorsque les paroles de Maena leurs parvinrent :

– ...des déficits enzymatiques qui conduisent à la surproduction d'acide urique comme le déficit partiel de l'hypoxanthine guanine phosphoribosyl transférase enzyme.

Sarah cligna plusieurs fois des paupières avant de relever les yeux vers Emma :

– Je comprends mieux ce que tu voulais dire quand tu disais que Kate te perdait super vite lorsqu’elle parlait médical, chuchota-t-elle, conspiratrice. Elle vient de dire quoi là ?

– J’en ai pas la moindre idée, rit Emma en déposant leurs verres. Mais je te propose de très rapidement trouver un nouveau sujet de conversation si on ne veut pas rejoindre Morphée plus tôt que prévu !

Sarah ricana à son tour avant de regagner sa place aux côtés de Maena, la coupant avant qu’elle ne reprenne la parole :

– Stop, plus de travail, ou de médecine ou je ne sais quoi, dit-elle en portant une main à ses lèvres avant de tourner la tête vers Kate. Et ça vaut aussi pour toi.

Kate pinça aussitôt des lèvres avant de mimer une fermeture éclair de ses doigts puis jeter la clé imaginaire par-dessus son épaule. Sarah ne put s’empêcher de rire de sa bêtise, avant de frissonner lorsqu’elle sentit la main de Maena prendre place dans le bas de son dos et la caresser légèrement de son pouce.

Elle sourit intérieurement, une chose était sûre, Maena savait se prendre au jeu lorsqu’il le fallait.

– Bon, maintenant que les présentations ont été faites, et que l’on est à peu près à l’aise les unes avec les autres..., commença Liz en se redressant avant de porter son attention sur Maena et Sarah, ...vous pouvez peut-être nous en dire un peu plus sur votre histoire ?

Sarah eut à peine ouvert la bouche qu’elle l’interrompit :

– Cassie nous a dit pour la rencontre, la demande ultra-romantique et le mariage version Las Vegas. Mais nous, on veut un peu plus que ça, sourit-elle malicieusement.

– La demande ultra-romantique ? chuchota aussitôt Maena à l’oreille de Sarah. Je t’ai demandé ta main sans me soucier de ton avis et tu t’es aussitôt évanouie, qu’est-ce qu’il y avait de romantique là-dedans ?

Sarah sourit poliment à ses amies avant de discrètement plisser des yeux dans sa direction :

– La rose ? murmura-t-elle. Cassie voulait tout savoir, il a bien fallu que je trouve quelque chose qui tienne la route, non ?

Maena hocha la tête, visiblement amusée, avant de reporter son attention sur leurs acolytes :

– Je crois surtout que l’on vous doit des excuses avant toute chose, pour le mariage improvisé, commença-t-elle en s’emparant de l’une des mains de Sarah avant de la poser sur sa cuisse. Les choses se sont tellement précipitées que l’on a vu que notre amour au détriment des gens qui comptaient pour nous. Sachez que nous sommes vraiment désolées pour ça. Il n’a jamais été question de vous mettre à l’écart, déclara-t-elle sincèrement avant de tourner la tête vers Sarah et afficher l’un de ses rares sourires. On a seulement été aveuglées par les sentiments que l’on avait l’une pour l’autre.

Sarah sentit son visage se réchauffer et elle fut aussitôt reconnaissante de l’obscurité prononcée de la pièce. Elle ne savait pas si ses amies y croyaient, mais pour sa part, elle trouvait Maena extrêmement convaincante. Si bien que si elle n’avait pas pris part de la supercherie elle aussi, elle y aurait presque cru.

– Awww, répondit Liz en encadrant son visage de ses mains et en battant des cils, poussant aussitôt Kate à lever les yeux au ciel. C’est mignon ! Je suis sûre que ça adoucira les ardeurs d’Eva. Enfin, un peu du moins, ajouta-t-elle après réflexion.

– Mais ça n’explique pas pourquoi vous avez gardé votre relation secrète aussi longtemps, poursuivit Kate, visiblement intriguée. C’est surtout ça qu’Eva vous reproche.

Sarah eut un rire dénué d’humour :

– « Me reproche », Kate, corrigea-t-elle en levant les yeux vers elle. Et si je n’ai rien dit, c’est parce que...

– Je lui ai demandé de ne pas le faire, coupa Maena.

Sarah tourna aussitôt la tête dans sa direction, confuse :

– Mais qu’est-ce que tu fabriques ? chuchota-t-elle. Je te préviens, tu n’as pas intérêt à te les mettre à  dos pour qu’elles ne m’en tiennent pas rigueur. Je ne te laisserai pas faire ça !

Maena l’ignora afin de poursuivre :

– Je voulais la protéger, expliqua-t-elle avant d’abaisser son regard sur leurs mains liées. Je savais qu’à partir du moment où notre relation serait publique, il y aurait de grandes chances pour que les médias décident aussitôt de mettre leur nez dans nos affaires. Je ne voulais pas que Sarah y soit confrontée.

Kate hocha aussitôt la tête, compréhensive. En tant que fille de Charles De Lonay et nièce de Jessie De Lonay, elle savait mieux que quiconque ce qu’une exposition aux médias représentait. Elle avait grandi avec et aujourd’hui encore devait en faire les frais de temps à autres.

– Je n’ai pas entendu grand-chose depuis que votre histoire a été dévoilée au grand public.

– Mon frère a fait en sorte qu’ils se tiennent à distance et mesurent leurs propos, répondit Maena en relevant les yeux vers elle. Il fait partie des plus grands hackers que la terre n’ait jamais portés, et sait être persuasif.

– Ça sent le blackmail, déclara Emma, visiblement mal à l’aise.

Maena se redressa légèrement :

– Rien de bien méchant, assura-t-elle. Il lui est arrivé d’avoir recours à des menaces, mais n’a jamais eu à les mettre à exécution. La plupart des gens savent se montrer raisonnable lorsque leur image risque d’être passablement ternie.

Elle se pencha légèrement vers l’avant lorsqu’elle vit Emma secouer la tête de désaccord :

– Emma ? Si je menaçais de dévoiler un lourd secret concernant Kate, ou de salir son image, tu resterais simplement là, les bras croisés, sans rien faire ?

– Je comprends tes motivations, répondit Emma en l’observant à son tour. Vraiment. Mais je crois que j’essaierais simplement de trouver une tactique différente.

Maena sourit faiblement :

– Plus pacifiste, j’imagine ? Ce genre de méthode marche rarement dans ce milieu.

– Je sais, répondit calmement Emma, un entretient passé avec le père de Kate surgissant dans son esprit. Difficile de débattre avec des gens manquant d’humanité, hein ?

Kate s’expliqua lorsqu’elle perçut les regards confus et intrigués de Maena et Sarah :

– Elle a rencontré mon père.

– Oh, répondit Maena, comprenant aussitôt avant de préciser pour Sarah : Charles De Lonay, il était à la tête du Groupe –

– Que Jessie De Lonay a repris, interrompit Sarah. Je sais qui c’est, Marko m’en a parlé.

Maena haussa les sourcils de surprise mais n’eut pas l’occasion d’approfondir sa curiosité que Liz reprit la parole :

– Sarah aurait tout de même pu nous le dire, tempéra-t-elle calmement. On ne l’aurait pas hurlé sur tous les toits, les médias n’en auraient jamais rien su.

– C’était ma décision personnelle, répondit Sarah avant que Maena ne puisse encore prendre la responsabilité de leurs prétendues actions. Je crois que j’aimais ce côté coupée du monde extérieur, c’était juste nous deux, sourit-elle timidement en jetant un rapide coup d’œil en direction de Maena. Le temps est simplement passé plus vite que je ne l’aurais cru.

– Hmm dit comme ça, difficile de t’en vouloir, taquina aussitôt Liz avant de prendre une gorgée de son verre. J’arriverai peut-être à plaider ton cas auprès d’Eva avec tout ça maintenant.

Sarah lui sourit son remerciement avant de s’excuser lorsqu’elle sentit son iPhone vibrer dans la poche arrière de son jean. Elle le sortit et fronça aussitôt les sourcils lorsqu’elle vit qu’il s’agissait d’un mms d’un numéro inconnu, avant de l’ouvrir, intriguée.

La discussion reprit autour d’elle mais elle n’y prêta pas attention, sentant à la place sa respiration se couper face à la photo que Marko venait visiblement de lui envoyer. Le cliché la montrait clairement en train de l’embrasser, sa main gauche tenant fermement le rideau alors qu’elle s’apprêtait à le fermer. Lui était de dos, mais on percevait quand même aisément la scène, et surtout le fait qu’elle n’était vêtue que d’un string et d’un soutien-gorge.

Les mains légèrement moites, elle remonta afin de lire la phrase signée de Marko à laquelle elle avait à peine prêter attention, et sentit aussitôt un profond soupir s’échapper de ses lèvres. « Situation sous contrôle, heureusement que tu as promis de ne plus m’embrasser ;)  Marko. »

Sarah s’apprêtait à se redresser dans l’espoir d’appeler Marko afin d’en savoir plus sur le sujet lorsqu’elle réalisa que Maena n’avait pas prononcé le moindre mot durant les quelques minutes où elle s’était retrouvée coupée du monde extérieur. Son cœur se mit à tambouriner à nouveau dans sa poitrine et elle hésita avant de lever les yeux vers elle, grimaçant aussitôt intérieurement dès qu’elle fit face à un regard impassible.

– Mae –

– Si vous voulez bien nous excuser, sourit poliment Maena en direction de Liz, d’Emma, et de Kate avant de se redresser puis tendre une main vers Sarah.

Perplexe et peu rassurée, Sarah décida néanmoins de jouer la comédie et s’empara de la main de Maena en prétendant que tout allait bien. Les filles semblèrent n’y voir que du feu, supposant très certainement qu’elles allaient danser, et elle suivit bêtement Maena jusqu’aux toilettes, sursautant légèrement lorsque cette dernière passa derrière elle pour poser ses mains sur ses hanches avant de la pousser dans la première cabine déserte.

L’étroitesse de l’endroit et la proximité avec Maena lui rappelèrent aussitôt le tour de passe-passe que lui avait joué son esprit ce jour-là, avec Marko, et Sarah se sentit aussitôt mal à l’aise.

Encore plus lorsqu’elle sentit le regard de Maena peser sur elle, de même que le silence qui les entourait.

– Vous êtes ensembles ?

Sarah releva aussitôt la tête, surprise :

– Hein ?

– Est-ce que vous êtes ensembles ?

Sarah cligna des yeux à plusieurs reprises, incrédule :

– Mais bien sûr que non ! Bon sang, Maena –

– Alors c’est quoi ? Une sorte de relation non exclusive ? Sans attachement ?

– Non, non c’est rien de tout ça, c’est –

– Ce n’est pas ce que cette photo avait l’air de dire.

Sarah referma la bouche d’un coup sec, agacée d’être à nouveau interrompue. Elle se passa une main sur le visage avant de soupirer :

– Je sais, admit-elle. Mais crois-le ou non, mis à part un baiser, il ne s’est rien passé d’autre. Et c’est la seule et unique fois que c’est arrivé.

Maena lui offrit un regard appuyé accompagné d’un sourcil haussé et Sarah leva aussitôt les mains au ciel lorsqu’elle comprit que Maena faisait référence à la première fois où elle avait rencontré Marko :

– Il ne s’est rien passé ce jour-là, je voulais juste lui mettre un vent pour s’être moqué de moi !

– Hmm et c’est ce qu’il s’est passé cette fois-ci ? Il s’est encore « moqué de toi » alors tu t’es dit que tu allais l’embrasser à pleine bouche ?

Sarah serra des dents avant de détourner le regard :

– Non, murmura-t-elle. Je voulais qu’il me donne son avis sur les vêtements que j’essayais, et je crois que j’ai simplement aimé la façon dont il me regardait. De fil en aiguille on s’est embrassés... mais j’y ai mis fin avant que ça n’aille plus loin.

Il y eut un long silence avant que la réponse n’arrive :

– Je dois m’attendre à ce que ça se reproduise ?

– Non, assura aussitôt Sarah en relevant la tête.

Maena lui offrit aussitôt un air sceptique et elle plongea son regard dans les yeux bleus au-dessus d’elle, désireuse d’être crue :

– C’était une erreur, Maena. Marko et moi l’avons aussitôt réalisé ce jour-là. Alors non, ça ne se reproduira plus.

Maena l’observa un instant avant de baisser les yeux :

– Bien, répliqua-t-elle calmement. Tu as le droit de fréquenter qui tu veux Sarah, mais j’aimerais juste être prévenue avant. Histoire de savoir s’il y a un risque pour que l’on fasse encore parler de moi dans mon dos.

Un rire dénué d’humour s’échappa de ses lèvres :

– C’est rarement en bien, alors j’aimerais pouvoir éviter de leurs fournir des éléments croustillants si je le peux.

Sarah se remémora aussitôt la réaction que Maena avait eu lorsqu’elle avait entendu Eva prononcer ces paroles au téléphone, puis lorsque la majorité de ses employés l’avaient vu à deux doigts d’embrasser Marko. Elle réalisa soudainement que Maena était parfaitement au courant de la façon dont le reste de la ville la percevait, et accordait en conséquence beaucoup d’importance à ce que les gens pensaient d’elle.

Elle sentit sa gorge se serrer face à la femme qui apparaissait désormais devant elle. Ce n’était pas celle qu’elle avait l’habitude de côtoyer, qui était si forte et si sûre d’elle, intrigante et énigmatique. Non, la femme qui se tenait devant elle aujourd’hui dévoilait quelque chose de beaucoup plus fragile, de douloureux. Une femme marquée au fer rouge par la médisance des autres, des ignorants.

Sarah se demanda depuis combien de temps elle trainait cette souffrance.

Elle voulut répondre, mais sa gorge, trop serrée, l’en empêcha alors elle fit ce qu’elle savait faire le mieux ; elle s’avança légèrement et lui offrit sa première étreinte, réconfortante, et prometteuse de pleins d’autres à venir encore si le besoin s’en faisait ressentir.

– Tu ne souffriras jamais par ma faute, Maena, promit-elle en encerclant sa taille de ses bras avant de poser sa tête sur son épaule et lever les yeux vers elle. Crois-le ou non, mais j’ai fini par beaucoup m’attacher à toi. Je ne suis pas sûre que j’arriverai à me regarder dans un miroir à nouveau si ça arrivait.

Maena lui rendit son étreinte avant de poser son menton sur le dessus de sa tête :

– C’est gentil, mais tu ne peux pas être sûre de ça. Personne ne peut savoir avec certitude qu’il ne fera jamais souffrir les gens qui lui sont chers.

Sarah médita un instant sur ses paroles avant de sourire faiblement :

– A moi de faire en sorte que ça n’arrive jamais alors, répondit-elle en s’écartant légèrement, son cœur se serrant lorsqu’elle vit les yeux humides de Maena. Je suis désolée Maena, je ne pensais pas que cette histoire avec ton frère te ferait aussi mal.

Maena haussa imperceptiblement les sourcils avant de s’emparer des feuilles de papier toilette que Sarah lui tendit.

– Merci, répondit-elle en s’essuyant les yeux. Vous avez pas mal discuté à ce que je vois.

– Un peu, admit Sarah. Pourquoi est-ce que tu ne m’as jamais dit qu’il était ton frère ?

Maena haussa les épaules avant de jeter le papier toilette dans la petite corbeille jouxtant le mur :

– Tu n’as jamais demandé, déclara-t-elle, souriant faiblement lorsque Sarah leva les yeux au ciel. Mais pour être honnête, je pensais que tu l’avais deviné étant donné qu’Amy t’avait très légèrement mise sur la voix.

– « Très légèrement » justement, marmonna aussitôt Sarah en croisant les bras sur sa poitrine avant de se mordre la lèvre inférieure. Et... hum, tu penses vraiment qu’il n’y a aucun risque pour que la photo que Marko m’a envoyé tombe entre de mauvaises mains ?

Maena ouvrit la porte de la cabine avant de l’inviter à sortir :

– Marko est le meilleur, ne t’inquiète pas, la rassura-t-elle en posant ses mains sur ses épaules. S’il te dit que tout va bien, c’est que tout va bien.

Sarah s’arrêta avant de se retourner :

– A vrai dire, je serais surtout rassurée si ces paroles venaient de toi, répondit-elle, son regard faisant clairement comprendre à Maena qu’elle parlait d’elles deux.

Maena l’observa avant de légèrement sourire :

– Tout va bien Sarah, je te le promets.

💕

– Tu tangues un peu, sourit légèrement Sarah en levant les yeux vers Maena.

Les premières notes de « Lovesong » d’Adèle avaient à peine résonnées que Maena l’avait aussitôt invitée à danser. Et même si la demande l’avait agréablement surprise pour une raison qu’elle ignorait, Sarah l’avait surtout fortement soupçonnée d’avoir simplement voulu échapper aux questions de ses amies.

Le début de soirée s’était plutôt bien passé, mais Kate, Emma et Liz avaient visiblement du mal à lui délier la langue. Sarah ne savait pas si c’était parce que Maena était mal à l’aise, ou parce qu’elle refusait tout simplement de s’intégrer.

– Je ne supporte pas très bien l’alcool, admit Maena, un léger rictus au coin des lèvres.

Sarah devait bien admettre qu’après deux Desperado cocktail à base de Tequila, de jus de citron et de bière blonde suivit d’une tournée de shooters B-52, elle n’était plus très fraîche elle non plus. Mais elle aimait la sensation de détente que cela procurait.

Elle frissonna lorsqu’elle sentit le souffle chaud de Maena contre son oreille :

– Tu sais que tes amies n’arrêtent pas de nous regarder, en tout cas ?

– Non, c’est toi qu’elles regardent, répondit Sarah en levant les yeux vers elle, le sourire aux lèvres. Figure-toi qu’elles te trouvent irrésistiblement canon.

Elle fut surprise de voir Maena détourner aussitôt les yeux d’embarras. Elle haussa un sourcil :

– Maena, rassure-moi, tu as conscience de combien tu es sublime quand même, hein ?

– Je croyais que j’étais simplement Carmilla à leurs yeux ? répondit Maena en l’observant à nouveau.

Sarah fit la moue, pensive :

– Eh bien... Carmilla est énigmatique, incroyablement séduisante et lesbienne, sourit-elle finalement avant de battre innocemment des paupières. Qui ne voudrait pas être comparée à elle ?

– Carmilla était surtout dangereuse.

– Ce que tu n’es pas, répondit aussitôt Sarah.

Maena haussa un sourcil parfaitement épilé :

– Qu’est-ce que te fait croire ça ? demanda-t-elle. Sarah, je t’ai fait kidnapper au cas où tu l’aurais oublié.

– Et tu m’as relâchée trois jours plus tard, en plus de m’offrir un dressing complet et 10 000€ par jour, répondit aussitôt Sarah en lui offrant un regard appuyé. Excuse-moi mais si ça c’est être dangereux, j’ai hâte de croiser tous les tarés du quartier !

Elle reprit son sérieux lorsqu’elle vit Maena secouer la tête, visiblement contrariée :

– Ecoute, s’il y a bien une chose que tu partages avec Carmilla, outre son exquise beauté, c’est son côté énigmatique, déclara-t-elle en plongeant dans les yeux bleus au-dessus d’elle, avant de poursuivre, un léger sourire sur les lèvres : tu es mystérieuse Maena, et j’ai bien l’intention de découvrir ce que tu caches.

– C’est pour ça que tu restes ? contra aussitôt Maena, intriguée. Pour assouvir ta curiosité ?

Sarah haussa les épaules :

– Peut-être, taquina-t-elle en tirant légèrement sur sa main afin qu’elles regagnent leur table. Ça et le fait que je dois aimer les femmes dangereuses.

Elle l’observa par-dessus son épaule, souriante :

– Et qu’il y a plusieurs millions d’euros à la clé, finit-elle dans un clin d’œil.

– Oh, tu veux juste la moitié de mon héritage alors, feint d’être blessée Maena, mais Sarah perçut aussitôt le trouble dans ses iris bleus glace.

Elle s’arrêta à quelques mètres de leur table pour lui faire à nouveau face :

– Ce serait mentir que de dire que l’argent ne m’attire pas, répondit-elle avant d’hausser un sourcil. Ose me trouver une personne qui dirait aussitôt non à plusieurs millions d’euros ? Mais si tu veux réellement savoir pourquoi je reste, c’est parce que cet héritage te revient, Maena. Je ne sais pas pourquoi Granny a fait tout ça, mais cette demeure et tout ce qu’elle contient t’appartient. Je tiens réellement à ce que tout te revienne une fois ces six mois écoulés.

– Même la moitié qui t’est destinée ? s’étonna Maena.

Sarah hocha aussitôt la tête :

– Maena, je n’ai rien à faire dans cette histoire. Je me sentirai mal à l’aise de profiter de ce qui ne m’appartient pas. Granny m’a permis d’avoir confiance en moi à un moment de ma vie où j’en avais le plus besoin, c’est plutôt à moi de lui rendre la pareille. Et c’est ce que je compte faire en faisant en sorte que sa petite fille reçoive ce qui lui revient de droit.

Maena sourit faiblement :

– Elle t’aurait sincèrement appréciée si elle avait eu la chance de te connaître. Mais tu ne repartiras pas les mains vides une fois ces six mois écoulés.

Maena passa devant elle et Sarah ouvrit la bouche avant de la refermer à plusieurs reprises, pour finalement se dépêcher de la rejoindre avant qu’elle ne s’asseye :

– Maena, gronda-t-elle en s’emparant de son bras. Tu m’as déjà donné de l’argent, un dressing complet et je suis littéralement nourrie logée. Ça suffit amplement !

– Et tu as perdu ton emploi.

Sarah cligna plusieurs fois des paupières, prise de court :

– Je ne savais pas que tu étais au courant, admit-elle en détournant le regard.

Maena haussa un sourcil :

– Tu penses vraiment que j’allais finir par croire que ton patron t’avait autorisé six mois de congés ? C’était destiné à arriver, Sarah.

– Je sais.

Le testament stipulait qu’aucune d’entre elles ne devait quitter la demeure plus d’une semaine sous peine de voir le testament s’annuler et la demeure remise entre les mains de la ville. Et là où Eva était architecte, Sarah s’occupait du service marketing et merchandising, ce qui nécessitait des déplacements parfois plus ou moins longs. Elle avait su dès le début qu’elle aurait à s’absenter plus d’une semaine au moins une fois durant ces six mois. Cela n’aurait tout simplement pas fonctionné, alors elle avait décidé de démissionner.

– Je trouverai autre chose, déclara-t-elle en relevant la tête. Les agences d’architecture ce n’est pas ce qui manque à la capitale.

Maena afficha un petit sourire en coin et elle plissa aussitôt les yeux, suspicieuse :

– Quoi ?

– Je connais quelques-uns des grands patrons, alors non, tu ne devrais en effet pas avoir de mal à trouver quelque chose.

Sarah secoua aussitôt la tête :

– Maena, je ne veux pas de ton aide. Je suis assez grande pour me débrouiller toute seule.

– Oh mais je n’allais rien faire, répondit Maena en la poussant légèrement vers leur table. Le simple fait que tu sois mon épouse suffit. Ton nom est à jamais associé au miens désormais, finit-elle dans un clin d’œil.

Sarah se contenta de secouer la tête, amusée.

Pour une raison qu’elle ignorait, l’idée était très loin de la déranger.

Et cela n’avait rien à voir avec les privilèges futurs dont elle allait visiblement bénéficier.

💕

– Hé !

Sarah lâcha un juron lorsque son eyeliner tomba dans le lavabo et elle jeta aussitôt un regard assassin vers la personne qui venait de lui donner la peur de sa vie, avant de sourire, agréablement surprise :

– Cassie ! s’exclama-t-elle en venant la prendre dans ses bras. Je croyais que tu ne pouvais pas venir ?

– Et louper Maena dans cette magnifique robe bleue nuit qui épouse tellement bien ses formes que – ouch ! s’interrompit-elle lorsque Sarah lui pinça le bras. Ben quoi ? répliqua-t-elle innocemment avant de sourire : C’est pas parce que je suis déjà servie que je ne peux pas regarder le menu hein !

Sarah plissa des yeux :

– Tiens-toi tranquille..., feignit-elle de menacer avant d’hausser un sourcil. Michael est venu avec toi ?

– Nan, répondit aussitôt Cassie en secouant négativement la tête. Il est à la maison avec Zoé, je suis d’ailleurs juste de passage ; on a prévu de passer la journée au parc demain, Zoé nous a rarement eu tous les deux à la maison en même temps ces derniers mois alors on a décidé d’en profiter. Et si je veux au moins quelques heures de sommeil..., grimaça-t-elle en regardant sa montre, notant qu’il était déjà presque quatre heures. Non vraiment je ne reste pas longtemps.

Sarah hocha la tête, compréhensive :

– C’est gentil à toi d’être venue, en tout cas, sourit-elle sincèrement.

Cassie remua une main dans les airs :

– Je te l’ai dit, Maena... magnifique robe bleue nuit...

– Cassie...

Cassie lâcha un rire.

– D’accord, d’accord, j’arrête de t’embêter, promit-elle. Bon et toi, comment ça va ? La soirée a l’air de plutôt bien se dérouler d’après ce que j’en ai vu, sourit-elle avant de se mordre l’intérieur de la joue. Bon en même temps, celle qui pose réellement problème n’est pas venue, mais t’as quand même réussi à te mettre les trois autres dans la poche, c’est plutôt positif, non ?

Sarah hocha aussitôt la tête :

– Elles s’inquiétaient juste, ce que je peux comprendre, répondit-elle en faisant tourner son eyeliner entre ses doigts, avant de lever un regard amusé vers Cassie. Et puis Maena maitrise la rhétorique comme personne, même si elles ne l’avaient  pas voulu, elles auraient été convaincues quand même.

– A qui le dis-tu, taquina aussitôt Cassie. C’est pour ça que j’ai choisi d’y croire dès le début !

Sarah sourit, mais haussa néanmoins un sourcil :

– C’est vrai que tu es la seule à avoir aussitôt bien pris la chose... une raison particulière ?

Cassie haussa les épaules :

– Disons que je vous connais suffisamment l’une l’autre pour savoir que je n’ai pas de soucis à me faire. Et crois-le ou non, mais avec deux cœurs aussi purs que les vôtres, c’est un peu difficile de vous en vouloir et ce peu importe ce que vous avez bien pu faire.

Sarah baissa les yeux, visiblement touchée, avant de lever soudainement la tête lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir à nouveau, laissant Emma entrer à son tour dans les toilettes :

– Laisse-moi deviner, grimaça-t-elle. Elles parlent encore médecine ?

Emma secoua négativement la tête, amusée :

– Non, répondit-elle avant de faire un léger signe de tête en direction de Cassie. En fait, je venais te mettre en garde contre Madame ici présente. Pour l’instant, elle observe de loin, et comprends bien qu’ « observe » est un euphémisme, mais ensuite, elle embrasse et avant que tu n’aies eu le temps de cligner des yeux, hop ! elle aura mis Maena dans son lit ! Ne lui fais absolument pas confiance, finit-elle dans un clin d’œil complice.

– Hé ! s’exclama aussitôt Cassie, outrée. C’est Kate qui m’a embrassée je te signale ! Et vu la façon dont elle s’y est prise, ça n’avait absolument rien de romantique. Et c’est toi qui m’as poussée dans votre lit conjugal ! Qui au passage était mon lit mais là n’est pas la question, précisa-t-elle en remuant une main dans les airs.

– Hmm je retiens surtout que je n’ai pas eu besoin de beaucoup pour te convaincre, taquina aussitôt Emma.

Cassie l’observa, la mâchoire pendante, et Sarah retint difficilement un rire :

– Vous êtes sûre que c’est avec Kate que vous êtes sortie toutes les deux ? Parce qu’à vous observer comme ça, on dirait un vieux couple qui se dispute...

Emma écarquilla les yeux avant de se reculer réflexivement d’un pas lorsqu’elle vit Cassie poser ses yeux sur elle et l’observer d’un air prédateur.

– Hmm tu as raison, ronronna Cassie tout en s’approchant d’Emma. Jusqu’à présent, je ne voyais que Kate, mais je dois bien admettre que sa moitié n’est pas méchante à regarder du tout..., poursuivit-elle en détaillant Emma de la tête aux pieds avant de lâcher un soupir résigné : c’est malin, je crois bien que c’est d’elle dont j’ai envie maintenant.

Emma haussa les sourcils de surprise avant de lâcher un cri aigu lorsque Cassie l’attrapa par la taille et la poussa vers la première cabine. Son dos heurta la porte et elle éclata de rire lorsque Cassie insinua son visage dans son cou et feignit de l’embrasser. 

Sarah les observa, totalement amusée, avant de tourner la tête lorsqu’elle vit la porte s’ouvrir d’un coin de l’œil, dévoilant Maena. Elle expliqua aussitôt lorsqu’elle la vit froncer légèrement les sourcils face à la scène qui se déroulait sous ses yeux :

– Je crois que l’alcool leur monte à la tête.

– Tcht, l’admonesta aussitôt Cassie alors qu’elle et Emma s’approchaient. Je n’ai pas encore bu je te signale, précisa-t-elle en se recoiffant. Et on allait justement regagner notre table avant que Kate ne se décide à venir nous chercher et m’étriper par la même occasion.

– Et tu ne l’auras pas volé, rit aussitôt Emma tout en la tirant par le bras.

Elles quittèrent la pièce et Sarah secoua la tête d’amusement avant de reporter son attention sur Maena :

– Ça va ?

Maena hocha légèrement la tête tout en s’approchant.

– Dis, je me demandais... vous partez à quelle heure, en général ?

– A la fermeture, répondit Sarah en rangeant son eyeliner dans son sac à main.

Maena avala difficilement sa salive avant de regarder autour d’elle :

– Et c’est à quelle heure, ça ?

– Cinq heures. Mais en général, on prend le petit déjeuner ensemble avant de rentrer chacune de notre côté. Pourquoi ?

Maena se frotta maladroitement le sourcil :

– Le soleil se lève à cinq heures.

Sarah lui offrit un regard confus avant de se souvenir.

– Oh. Eh bien... c’est pas grave, on peut partir plus tôt, répondit-elle, ne sachant pas ce qui la perturbait le plus entre le mal-être évident de Maena ou les non-dits qui flottaient autour d’elles. Bon sang Maena, quand me diras-tu de quoi il en retourne exactement ?

– Non, déclara aussitôt Maena en secouant la tête. Reste, je dirais au chauffeur de repasser te prendre.

Sarah lui offrit aussitôt un regard appuyé :

– Maena, on est supposées être mariées, de quoi on va avoir l’air si on part toutes les deux à des horaires différents ? demanda-t-elle avant de lever une main lorsque Maena s’apprêta à répondre. Et ne me sors pas l’excuse du travail, c’est dimanche demain.

Maena sourit faiblement avant d’afficher un air embêté :

– Tu pourrais profiter de tes amis encore un peu si tu restais.

– Je sais, répondit Sarah avant d’hausser les épaules. Mais tu dois rentrer pour je ne sais quelle raison, alors on rentre. 

Maena tiqua sur ses propos et elle regretta aussitôt le ton qu’elle avait employé sans le vouloir.

– Excuse-moi, soupira-t-elle en se passant une main sur le visage. C’était pas censé sortir comme ça.

– C’est rien, répondit faiblement Maena en détournant le regard.

Un silence pesant s’installa entre elles et Sarah se mordit l’intérieur de la joue avant de demander :

– Tu me le diras, un jour ? Ce que tu caches.

Maena releva un regard mêlant crainte et appréhension vers elle.

– Je croyais que tu avais l’intention de le découvrir par toi-même ? répondit-elle après avoir repris contenance.

C’est pas comme si tu me facilitais la tâche aussi hein, pensa sarcastiquement Sarah.

– Un indice ? demanda-t-elle, pleine d’espoir. De quoi as-tu peur, Maena ?

Elle sut qu’elle n’obtiendrait pas de réponse lorsque Maena détourna à nouveau les yeux.

– Viens, capitula-t-elle en tirant légèrement sur son bras. Allons leur dire au revoir.

– Sarah...

Sarah posa aussitôt deux doigts sur ses lèvres.

– Il est quatre heures, j’ai passé une excellente soirée et je peux les revoir quand bon me semble, alors on rentre, énonça-t-elle simplement avant de sourire. J’ai une épouse à mettre au lit, après tout.

Maena afficha aussitôt l’un de ses rares sourires.

– Tu es sûre ?

– Que je veux rentrer ? Ou te mettre au lit ? répondit aussitôt Sarah, taquine.

Maena leva les yeux au ciel.

– Je suis sûre, assura Sarah en tirant légèrement sur sa main. Et dépêche-toi, l’heure tourne.

Elle s’apprêta à protester à nouveau lorsqu’elle sentit Maena la retenir par le bras, mais elle fut aussitôt coupée par deux lèvres sur les siennes. Surprise, elle se figea, avant de cligner bêtement des paupières lorsque Maena se recula.

– Que... quoi...

– Pour te remercier, répondit simplement Maena en replaçant une mèche blonde derrière son oreille. Et je n’ai rien dit tout à l’heure, mais cela m’aurait effectivement dérangée s’il y avait réellement eu quelque chose entre mon frère et toi, admit-elle en levant les yeux vers elle, avant de la contourner et regagner leur table.

Sarah se contenta de l’observer disparaître à travers la foule, déconcertée.

22 juillet 2013

Chapitre 14

Sarah s’essuya nerveusement les mains sur son jean avant de toquer contre la porte des quartiers de Maena, la lèvre inférieure coincée entre ses dents. Faîtes qu’elle ne soit pas là, faîtes qu’elle ne soit pas là, faîtes qu’elle ne soit pas là...

– Entrez.

Sarah baissa la tête de dépit. Bon, j’aurais essayé. Hésitante, elle passa la tête dans l’entrebâillement de la porte avant d’entrer lorsqu’elle aperçut Maena dans le petit salon, le regard fixé sur un léger paquet de feuilles qu’elle tenait entre ses mains. Elle semblait totalement déconnectée du monde extérieur, allant et venant lentement dans la pièce et Sarah s’approcha jusqu’à venir prendre appui contre le dossier de l’un des fauteuils.

– Amy m’a dit que tu me cherchais, répondit Maena en relevant les yeux vers elle. Elle t’a préparée une tasse de thé, sourit-elle légèrement en désignant la table basse.

– Granny a vraiment fait quelque chose de bien lorsqu’elle l’a embauchée, sourit aussitôt Sarah en venant s’emparer du mug.

Maena haussa un sourcil.

– Tu ne lui en veux plus alors ?

– Je ne lui en ai jamais voulu, répondit Sarah, surprise de réaliser combien elle pensait ce qu’elle disait. Cette situation ne me fait pas plaisir, mais je n’arrive pas à lui en vouloir. En revanche, ce que je me demande, c’est pourquoi elle en est venue à faire ça.

Maena hocha la tête :

– Moi aussi.

– Mais tu penses toujours qu’elle l’a fait pour une bonne raison...

– Granny n’avait pas une once de méchanceté en elle, déclara Maena en relevant les yeux vers elle. Au contraire, alors oui, c’est ce que je pense.

Sarah se frotta le sourcil :

– Tu réalises que tu ne le sauras peut-être jamais, pas vrai ?

Maena se mordit l’intérieur de la joue, pensive.

– C’est possible, admit-elle finalement. Mais j’en doute.

– Comment ça ? répondit Sarah, confuse. Tu penses qu’il y a plus que le testament ?

Maena haussa les épaules.

– On verra bien, répondit-elle en déposant son paquet de feuilles sur la petite table avant de s’emparer de sa tasse à son tour. Mais assez parlé de ça. Regarde derrière toi, j’aurais besoin de ton avis.

Sarah haussa un sourcil avant d’obtempérer et elle sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser légèrement lorsqu’elle reconnut l’immense tableau accroché au mur.

– La magnifique, brillante, Effie Ruskin, murmura-t-elle d’un ton ébahi tout en détaillant la femme âgée d’une quarantaine d’années confortablement assise dans son fauteuil et vêtue d’une somptueuse robe rouge bordeaux. On raconte qu’elle était d’une beauté rare, avec de longs cheveux auburn et des yeux bleus-gris magnifiques... Ecossaise jusqu’au bout des ongles, en plus de posséder un charme fou et une générosité sans limite.

Elle tourna la tête vers Maena :

– Tu savais qu’elle aurait été demandée vingt-sept fois en mariage avant de finalement épouser John Ruskin en 1848, sous les conseils de sa famille ? 

Maena s’approcha jusqu’à s’arrêter à ses côtés avant d’acquiescer légèrement :

– Il paraîtrait également qu’elle aimait provoquer son draconien d’époux en venant prendre le petit déjeuner avec des fleurs dans ses cheveux.

Sarah haussa aussitôt les sourcils :

– Tu connais l’histoire ? demanda-t-elle, agréablement surprise.

Maena hocha imperceptiblement la tête avant de porter son attention sur le tableau.

– Sa lune de miel a été catastrophique, Ruskin a refusé de lui faire l’amour et elle a passé les six années suivantes à espérer qu’il change d’avis.  Elle a fini par tomber en dépression, et Ruskin a aussitôt insinué qu’elle avait perdu l’esprit.

– Et alors qu’elle était tombée au plus bas, Ruskin a suggéré qu’elle pose pour son petit protégé, John Everett Millais.

Maena acquiesça, un léger sourire sur les lèvres :

– Hmm, Everett savait reconnaître une beauté naturelle lorsqu’il en voyait une, il était d’ailleurs lui-même assez bel homme. Ils ont alors passé l’été de 1853 ensemble dans une petite maison de campagne dans les Highlands d’Ecosse. Ruskin a totalement ignoré sa femme. Everett, en revanche, était fasciné par Effie. Il la peignait les jours de pluie, et l’accompagnait lors de longues promenades quand le soleil brillait. Et puis un beau jour, alors qu’il l'aidait à traverser un cours d’eau en enjambant des pierres de gué, Effie s’est soudainement agrippée à son bras et ils ont tous les deux glissé dans la boue. Ça a été le début de leur histoire. Seulement, même si Everett savait que son mariage avec Ruskin partait en lambeaux, il craignait que la passion qu’il ressentait pour Effie ne la mette en péril. Mais c’était sans compter sur cette dernière qui, après des mois de dépression, a finalement révélé leur secret à ses parents. Avec leur aide et celle de nombreux amis influents, Effie a pu faire ses valises, dire adieu à Ruskin et rejoindre celui qu’elle aimait.

– Son mariage avec John Everett Millais a duré plus de quarante ans. Ils ont eu huit enfants, et elle a été sa muse, inspirant ses œuvres d’une beauté plus belle encore.

Sarah observa silencieusement le tableau quelques instants encore avant de faire la moue :

– Par contre, je n’ai pas la moindre idée de pourquoi Ruskin n’a jamais voulu consumer le mariage.

Maena exerça une légère pression sur sa taille afin qu’elle vienne prendre place sur l’un des deux fauteuils qui faisaient face à la cheminée :

– Ruskin aurait trouvé différentes excuses, commença-t-elle en prenant place. Un refus d’avoir des enfants pour lesquels il éprouvait une haine profonde, des motivations religieuses, un désir de préserver la beauté d’Effie... Il aurait fini par lui avouer la véritable raison lors de leur divorce. 

Maena dut retenir un sourire lorsqu’elle vit Sarah se pencher légèrement vers l’avant, comme si elle avait peur d’en louper une miette.

– Il aurait imaginé Effie différemment, et ce serait pour cette raison qu’il aurait refusé de lui faire l’amour. Son visage avait beau être magnifique, elle n’était selon lui pas faite pour susciter le désir chez l’autre. Au contraire, il aurait été dégoûté.

– Dégoûté ? s’exclama aussitôt Sarah, incrédule. Maena, je t’en prie, Effie était l’une – non, retire ça – elle était la plus belle femme de son époque !

Maena lui offrit un sourire indulgent. 

– Sarah, Ruskin était un esthète, il n’avait jamais vu de femme nue outre celles représentées dans les tableaux artistiques. Il s’était imaginé un idéal à des années lumières de la réalité. Le soir de la nuit de noces, lorsqu’il s’est retrouvé face à des poils pubiens, et non le renflement lisse, l’abricot imberbe auquel il s’attendait – celui véhiculé par la Royale Académie des Arts – il aurait été horrifié. D’autres racontent qu’Effie aurait simplement eu ses règles ce soir-là.

Sarah secoua la tête, mi-amusée, mi-incrédule.

– Horrifié... Maena, je t’en prie...

Maena haussa les épaules.

– C’est psychologique. Certains parlent d’asexualité, d’autres de pédophilie puisqu’il aurait rencontré Effie alors qu’elle était encore assez jeune, et aurait admis être par la suite tombé amoureux de Rose La Touche alors qu’elle n’avait que dix ans.

Sarah grimaça, mal à l’aise.

– Et tu en penses quoi, toi ?

Maena détourna son regard vers le feu qui crépitait doucement dans la cheminée.

– J’en pense... je pense que rien ne le prouve, et que c’est dommage de dresser de telles conclusions sans savoir si c’est vrai ou non. Et puis, même si c’était vrai, est-ce que ça importe vraiment ? John Ruskin était un défenseur de l'art pour l'art, de l'architecture gothique et de l'artisanat d'art, il a prêché pour une esthétique opposée à la réalité économique et sociale de la société victorienne. C’était un partisan infatigable de la justice sociale qui a profondément et durablement influencé des écrivains, des architectes, des mouvements artistiques et des hommes politiques aussi divers que Tolstoï, Gandhi ou encore Proust. Voilà ce qu’on devrait retenir. Pas tous ces commérages qui ne riment à rien.

Sarah eut soudainement l’impression qu’elles venaient d’atteindre un sujet sensible pour Maena, au point qu’elle se demanda s’il s’agissait toujours de Ruskin dont elle parlait. Hmm, bizarre.

– Ce sont pourtant certains de ces mythes qui font vivre nombre de ces tableaux, Maena. Effie Gray Millais fascine pour toutes ces histoires qui évoluent autour d’elle. Et puis, en ce qui la concerne, rien n’a été inventé. De nombreuses lettres qu’elle envoyait elle-même régulièrement à ses proches ont été retrouvées. Elle n’avait aucun secret, surtout pour son père.

Maena sourit légèrement :

– Tu veux toujours avoir le dernier mot, hein ? demanda-t-elle, retenant difficilement un rire lorsque Sarah hocha aussitôt la tête. Bon, et pourquoi est-ce que tu voulais me voir, sinon ?

Sarah sentit aussitôt le malaise qui l’avait habité toute la journée s’emparer à nouveau d’elle et elle abaissa son regard vers ses mains qu’elle tordait nerveusement sur ses cuisses avant de répondre :

– Eh bien... je... j’ai... j’ai failli coucher avec ton frère et ce au beau milieu d’un magasin de vêtement. Ah non je peux pas lui dire ça ! J’ai eu Eva au téléphone ce matin, se défila-t-elle finalement, levant intérieurement les yeux au ciel face à son cruel manque de courage. Et... et il se pourrait que...

– Qu’elle ait envie de faire ma connaissance ? proposa Maena, un sourcil haussé.

Sarah grimaça :

– Elle et quelques amies ? Elles n’ont pas spécialement apprécié le fait d’apprendre notre engagement au travers de Facebook alors je me disais...

– D’accord.

Sarah s’interrompit aussitôt, surprise :

– D’accord ? C’est vrai ?

– Hmm, répondit Maena d’un air absent tout en récupérant son paquet de feuilles. Où ça ?

– Dans un club gay-friendly, The Heaven ou un truc comme ça.

Sarah put jurer que Maena venait de se figer et lorsqu’elle releva les yeux vers elle, Sarah fut surprise d’y déceler le trouble qui l’habitait visiblement. Puis, aussi vite qu’il était apparu, il disparut et Maena hocha légèrement la tête avant de se redresser.

– Laisse-moi juste passer un coup de fil avant.

– O.K...., répondit Sarah, perplexe, avant de soudainement la retenir par le bras. Attends, tu ne vas pas demander à tes gardes de venir avec nous quand même, hein ?

Maena haussa les sourcils avant de laisser son visage s’adoucir :

– J’ai besoin d’eux ici Sarah, alors non, ils ne viendront pas avec nous.

– Oh, O.K., répondit Sarah dans un sourire penaud avant de froncer les sourcils. Mais pourquoi est-ce que tu as besoin de passer un coup de fil alors ?

– Pour... hum... le chauffeur, répondit finalement Maena avant de s’éloigner. Je n’en ai pas pour longtemps.

Sarah l’observa bêtement quitter la pièce, un sentiment de déception s’abattant sur elle.

Une chose était sûre, Maena était une très mauvaise menteuse. 

18 juillet 2013

Chapitre 13

– Ça fait longtemps que tu travailles pour elle ?

Seul le silence lui répondit et Sarah reposa le jean qu’elle observait d’un œil critique avant de se tourner vers Marko. Elle sourit aussitôt lorsqu’elle le vit observer les demoiselles qui évoluaient dans le rayon lingerie avec intérêt.

Elle lui donna une légère tape sur le ventre :

– L’une d’entre elle pourrait être ta copine si tu lâchais un peu tes ordinateurs, tu sais ?

Marko tourna la tête vers elle tout en plissant des yeux, mais décida de l’ignorer pour répondre à sa première question :

– Tout dépend ce que tu veux réellement savoir, car si c’est depuis combien de temps je connais Maena, je dirais... depuis toujours.

– Toujours ? s’étonna aussitôt Sarah. Genre toujours, toujours ?

Marko afficha un léger sourire tout en la poussant légèrement vers le rayon suivant. Il détestait le shoping, alors si en plus Sarah y passait la journée, il n’allait jamais y survivre.

– En fait, elle avait déjà trois ans lorsque je l’ai rencontrée. Mais je ne m’en souviens pas trop, puisque je n’en avais que quatre.

Sarah haussa les sourcils avant que la compréhension ne s’insinue dans son esprit :

– Tu es le fils d’Amy ?

– C’est ça, répondit Marko, amusé. Alors en plus d’être aveugle, tu es longue à la détente ?

Sarah le frappa aussitôt sur le bras.

– Elle a parlé de trois enfants, mais n’a mentionné que sa fille ainée, expliqua-t-elle. Alors je ne vois pas comment j’aurais pu le deviner !

– Rose, répondit aussitôt Marko en s’emparant d’un haut qu’il tendit à Sarah. C’est ma grande sœur, ensuite il y a mon frère, Sébastien et moi : Marc.

Sarah plaça le caraco devant elle avant de s’observer d’un œil critique dans l’un des nombreux miroirs qui occupaient les rayons ici et là :

– Je comprends mieux pourquoi tu reluques tout ce qui bouge sauf Maena en tout cas, sourit-elle malicieusement avant de relever les yeux vers lui. Elle doit être comme une sœur pour toi, non ? Puisque vous avez grandi ensembles.

Marko hocha la tête et Sarah l’observa de la tête au pied :

– Par contre, ne le prends pas mal, mais tu ne fais absolument pas trente-quatre ans, répondit-elle, visiblement surprise. Je te pensais même plus jeune que moi, ajouta-t-elle avant de se diriger vers le rayon lingerie.

– Je prendrais ça pour un compliment, sourit Marko avant de sentir le sang quitter son visage lorsqu’il réalisa où Sarah l’emmenait. Euh, t’es pas sérieuse là ? Déjà que je ne comprends pas pourquoi tu as insisté pour que ce soit moi qui t’accompagne, mais alors là, c’est hors de question. Appelle qui tu veux, moi je m’en vais !

Sarah le retint aussitôt par la capuche de son sweat-shirt.

– Je ne peux pas y aller avec mes copines, depuis qu’elles ont appris pour Maena et moi, elles sont insupportables. Et je déteste faire du shopping toute seule.

– Maena t’a offert un dressing au grand complet, répondit aussitôt Marko en lui offrant un regard appuyé. T’as même pas besoin de faire du shopping !

Sarah afficha un petit sourire :

– Une femme n’a jamais trop de vêtements, déclara-t-elle, les yeux brillants. Et j’ai quelques milliers d’euros qui n’attendent qu’à être utilisés, je ne vais quand même pas les laisser prendre la poussière ? ajouta-t-elle innocemment.

Marko marmonna entre ses dents avant de rougir furieusement lorsqu’un string en dentelle rouge fut agité juste sous son nez.

– J’en conclus que tu aimes, sourit Sarah en s’emparant du soutien-gorge assorti avant de prendre la direction des cabines. Et ne va nulle part, j’ai besoin de ton avis ! lâcha-t-elle par-dessus son épaule.

Marko leva aussitôt les yeux au ciel avant de la suivre. Elle veut ma mort. Il l’observa pénétrer dans l’étroite cabine la plus éloignée, puis sentit sa bouche littéralement s’assécher lorsque le rideau s’ouvrit à nouveau, dévoilant une facette de Sarah qu’il n’aurait jamais cru voir un jour. Comme hypnotisé, il ne put détacher son regard de son corps, contemplant ses jambes dénudées et finement musclées, la fine culotte qui cachait tellement peu qu’il en eut aussitôt le vertige, un ventre plat totalement mis à nu avant de s’arrêter sur une poitrine magnifiquement enserrée par un soutien-gorge en dentelle.

Il se demanda un instant s’il n’était pas mort et arrivé au Paradis.

– C’est... hum... c’est pas interdit d’essayer les sous-vêtements normalement ? bégaya-t-il finalement.

Sarah tira légèrement sur le tissu rouge afin de dévoiler un autre string en dentelle noire :

– Pas si tu gardes les tiens en dessous, expliqua-t-elle avant de relever la tête. Alors, qu’est-ce que tu en penses ? Je ne sais pas trop si le rouge, c’est ma couleur...

Elle entendit Marko déglutir et elle afficha aussitôt un sourire satisfait :

– Ou peut-être que si, finalement.

Elle replaça la bretelle du soutien-gorge en un geste inconscient et elle vit aussitôt les yeux noisette de Marko s’assombrir ostensiblement. Son regard captura le sien, et elle ne sut si c’était parce qu’elle se sentait soudainement désirable, ou parce qu’elle était seule depuis si longtemps qu’elle avait besoin de se sentir connectée à quelqu’un à nouveau, ne serait-ce qu’un instant, mais elle se vit se hisser sur la pointe des pieds et poser ses lèvres sur les siennes.

Marko resta figé, aussi raide qu’une statue, les yeux fixés sur elle comme s’il la voyait pour la première fois et Sarah redouta un instant avoir mal interprété la lueur qui brillait dans son regard. Elle l’embrassa à nouveau, et fut rapidement soulagée de le sentir l’agripper par la taille avant de l’attirer doucement à lui.

Dans un élan de lucidité, Sarah leva une main afin de refermer le rideau derrière eux, puis s’accrocha à son cou. Le désir coulait dans ses veines, son corps vibrait d’impatience et elle sut aussitôt que Marko ressentait la même chose lorsqu’une main se posa sur son genou avant de remonter jusqu'à son entrejambe. Elle le connaissait depuis un peu moins de deux mois, mais le désir annihilait toutes les sonnettes d’alarmes que lui envoyait sa raison. Elle avait besoin de cette étreinte, de le sentir contre elle. En elle.

Marko laissa glisser sa main le long de son dos jusqu’au creux de ses reins et Sarah s’entendit gémir contre sa bouche lorsqu’elle le sentit venir caresser ses fesses. Comme si c’était le signal qu’il attendait, Marko la plaqua contre lui afin qu’elle sente la force de son désir et, au comble de l’excitation, Sarah glissa ses mains sous son sweat-shirt avant de les remonter jusqu’à la toison qui recouvrait son torse, ses dents venant mordiller l’oreille à proximité.

– Sarah...

Sarah fut surprise par la voix qui lui parvint, tant elle était complètement différente de ce à quoi elle se serait attendue. Elle ouvrit légèrement les yeux et remarqua aussitôt que ses mains s’étaient glissées dans de longs cheveux couleur ébène. Des yeux bleus turquoise, presque azur sous l’effet du désir, l’observaient en retour et elle sentit sa respiration se couper.

– Sarah...

Ce même timbre de voix, grave, et un peu cassé, accompagné d’un léger accent néo-zélandais qu’elle aurait reconnu entre milles lui parvint à nouveau et elle s’entendit gémir, avant de fermer les yeux lorsque des lèvres affamées se pressèrent à nouveau contre les siennes. Des mains parcoururent ses cuisses avant de remonter et agripper ses fesses, et même si le désir était à son apogée, Sarah fut surprise de sentir si bien, si à l’aise alors qu’elle l’embrassait.

Ses mains resserrèrent leur prise sur les cheveux ébène, et elle approfondit un peu plus le baiser, avant de le rompre à regret.

Ses yeux s’ouvrirent doucement, et elle eut aussitôt l’impression de recevoir comme une douche froide lorsqu’elle vit Marko. Son visage arborait une expression étrange, mais Sarah se demandait surtout ce qu’il venait de se passer. Elle était là, à l’embrasser, et soudainement... j’embrassais Maena, réalisa-t-elle avec stupéfaction. L’illusion avait été si forte qu’elle pouvait encore sentir ses mèches brunes entre ses doigts et ses yeux bleu azur posés sur elle.

Une main se posant sur sa joue la fit revenir à la réalité et elle leva aussitôt les yeux vers Marko avant de détacher ses jambes de sa taille et se redresser. Son désir n’était désormais plus qu’un souvenir et elle tenta tant bien que mal de regagner le contrôle d’elle-même. 

Elle se racla maladroitement la gorge :

– Je suis désolée Marko, répondit-elle enfin tout en réarrangeant ses vêtements. Je ne sais pas ce qui m’a pris et –

– C’est moi qui suis désolé, l’interrompit Marko en portant ses mains à son entre-jambe, priant pour que la bosse qui déformait son jean disparaisse rapidement. Heureusement que cette histoire de mariage est complètement bidon, je crois que Maena m’aurait tué pour ça sinon.

Sarah, qui avait commencé à se rhabiller, s’interrompit lorsque les paroles de Marko lui parvinrent :

– Qu-quoi ? balbutia-t-elle en l’observant à nouveau. Tu es au courant ?

Marko détourna le regard, embarrassé :

– C’est moi qui me suis occupé de ton enlèv – Ouch ! s’exclama-t-il lorsque Sarah le frappa aussitôt sur l’épaule de son poing. Désolé, je suis désolé ! poursuivit-il quand il comprit qu’elle ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin.

– T’as plutôt intérêt, gronda Sarah avant d’enfiler son chemisier. Elle t’aurait dit de sauter d’un pont, tu l’aurais fait aussi ?

Marko serra des dents, visiblement agacé.

– J’ai dit que j’étais désolé, qu’est-ce que tu veux de plus ?

– Là, tout de suite ? Que tu sortes de cette cabine, répondit Sarah en le poussant à l’extérieur. Et que tu remettes ça en rayon ! ajouta-t-elle en lui lançant les sous-vêtements qu’elle venait tout juste d’essayer.

Marko obtempéra, un profond soupir s’échappant de ses lèvres.

Et lui qui pensait que sa sœur avait du caractère...

💕

– Tu m’en veux toujours ?

– Oui, répondit Sarah en prenant appui contre la voiture et en croisant les bras sur sa poitrine tandis que Marko sortait tous ses sacs du coffre.

Marko secoua la tête, incrédule.

 – Je ne comprends pas pourquoi. Je veux dire, t’es toujours là, alors visiblement, les choses se sont réglées entre toi et Maena.

Sarah plissa des yeux :

– Parce que j’ai presque couché avec le type qui a orchestré mon kidnapping ! Sans compter que je suis censée jouer l’épouse de Maena, t’aurais jamais dû me laisser aller aussi loin.

– Oh c’est de ma faute alors ? s’exclama Marko tout en la contournant pour pénétrer dans l’immense demeure.

Sarah accéléra afin d’arriver à sa hauteur :

– Exactement. C’est ta sœur, elle te fait confiance.

– Et tu m’as embrassée, répondit aussitôt Marko en lui offrant un regard appuyé. A vrai dire, c’est toi qui passe ton temps à me séduire, alors c’est de ta faute.

Sarah ouvrit la bouche avant de la refermer. Même si ça lui coûtait de l’admettre, il marquait un point.

– Eh bien je te rassure, ça n’arrivera plus !

– Très bien !

Le silence s’installa entre eux tandis qu’ils montaient les marches de l’imposant escalier de marbre et Sarah l’observa du coin de l’œil, remarquant aisément qu’il était agacé. Elle se mordit l’intérieur de la joue avant de soupirer :

– Bon d’accord, je suis désolée, s’excusa-t-elle. Je n’aurais jamais dû faire ça, mais je pense quand même que tu es une ordure pour m’avoir fait kidnapper.

Même si elle lui en voulait sûrement, Marko nota néanmoins le faible sourire qui étirait ses lèvres et il hocha la tête en reconnaissance :

– Ça me convient. Et je suis désolé aussi.

– Parfait, sourit Sarah avant de tourner la tête lorsque le bruit d’une porte leur parvint.

Elle vit aussitôt Maena sortir de son bureau, rapidement suivit d’une femme que Sarah n’avait jamais vue avant et, intriguée, elle se recula et poussa Marko dans un léger renfoncement de manière à ce qu’ils puissent voir sans être vu. Son regard s’attarda un instant sur l’inconnue avec qui Maena discutait et elle devait bien admettre qu’elle était sublime. Son tailleur gris cendré épousait ses courbes de rêve à merveille et lorsqu’elle tourna légèrement la tête dans sa direction, Sarah découvrit des traits affirmés et un sourire craquant qui accentuaient encore plus sa beauté.

– Qui c’est ? murmura-t-elle tout en observant l’inconnue sortir un foulard de sa poche et venir le nouer autour de son cou.

– Jessie De Lonay, répondit Marko, tout aussi subjugué par la beauté brune. Ou la femme qui fait pâlir d'envie la Bourgeoisie au grand complet.

Avec une allure pareille, tu m’étonnes, pensa aussitôt Sarah avant de plisser des yeux vers le morceau de tissu qui recouvrait désormais le cou de l’inconnue.

– Et qu’est-ce qu’elle fait ici ? demanda-t-elle, intriguée.

– Elle investit dans les recherches de Maena.

– Comme Cassie ? s’étonna aussitôt Sarah.

Marko hocha aussitôt la tête et elle se mordit l’ongle du pouce, pensive :

– Hmm... je suppose que si je te demande de quoi il en retourne, tu ne me le diras pas ?

Marko secoua légèrement la tête :

– C’est à elle de te le dire.

– Elle refuse de le faire.

– Elle doit avoir ses raisons.

Sarah soupira :

– Elle sait visiblement bien s’entourer, en tout cas.

– Jessie est une vieille amie de Granny, comme beaucoup d’autres membres de la Haute société. Maena les a tous rencontrés par son intermédiaire. Elle a décidé d’accepter l’aide de quelques-uns d’entre eux lorsqu’ils se sont proposés. 

Sarah fronça légèrement les sourcils :

– Et ils offrent leur aide en hommage à Granny, ou sincèrement pour Maena ?

Marko afficha un sourire carnassier :

– Tu peux avoir confiance en Maena pour bien choisir ses investisseurs. Même si Granny représentait tout pour elle, il est des choses qu’elle n’accepterait jamais.

Sarah hocha la tête avant de reporter son attention sur Maena lorsque des rires lui parvinrent faiblement. Elle vit l’inconnue s’avancer légèrement afin de la prendre dans ses bras et l’embrasser sur la joue et Sarah se sentit obligée de détourner le regard, un sentiment de gêne qu’elle eut du mal à s’expliquer prenant place au creux de son estomac. 

– Ça va ? lui parvint aussitôt la voix sur la gauche.

Sarah fut surprise d’y discerner de l’inquiétude et elle acquiesça, un faible sourire sur les lèvres avant de relever la tête lorsque l’inconnue passa à côté d’eux pour regagner la sortie. Légèrement reculés dans l’obscurité, elle ne les aperçut pas et Sarah observa son foulard avec suspicion avant de reporter son attention sur Maena.

Peu importait ce qu’elle avait beau lui cacher, Sarah avait bien l’intention de le découvrir. Et vite.

15 juillet 2013

Chapitre 12

Sarah observa calmement Maena alors qu’elle refermait l’attache de la montre qui entourait désormais son poignet gauche. Elle fronça légèrement les sourcils.

– Comment t’as deviné que ma couleur préférée c’était le bleu ? demanda-t-elle avant de s’emparer du poignet de Maena. La tienne, c’est le vert ?

Maena sourit.

– Appelle ça l’instinct féminin. Et non, c’est le rouge, précisa-t-elle tout en levant vers Sarah des yeux d’un bleu presque gris sous l’éclairage de la lune. Mais le vert vient juste après.

Le rouge. Sarah avala difficilement avant de détourner le regard. Quelle surprise, pensa-t-elle sarcastiquement.

A sa demande, Maena avait accepté de diner avec elle à l’extérieur. Sa seule condition avait été d’attendre que le soleil soit couché, et Sarah avait bêtement hoché la tête, un léger mal être prenant place au creux de son estomac.

Puis elle avait vu la nappe à rayure rouge et blanche parsemée de bougies et de mets en tout genre, et elle avait intérieurement remercié Amy pour son aide inégalable. Sarah s’était sentie coupable du comportement qu’elle avait eu un peu plus tôt, lorsqu’elle avait blessé Maena en flirtant ouvertement avec Marko. Alors elle avait demandé à Amy de l’aider à organiser un diner romantique dans le jardin faisant face à la véranda, et pour que tout le monde soit au courant, elle avait parsemé des pétales de roses à même le sol du bureau de Maena jusqu’à la nappe sur laquelle elles étaient désormais assises, juste à côté du bassin d’eau.

Elle sursauta lorsqu’elle vit des formes oranges, vertes et roses évoluer dans ce dernier.

– Euh, Maena ? Je peux savoir pourquoi tes poissons brillent dans la nuit ?

Elle fut surprise d’entendre un léger rire résonner à côté d’elle. Maena souriait à peine, mais alors rire ? Impossible ! Pourtant, lorsqu’elle tourna la tête dans sa direction, elle sentit aussitôt sa respiration se couper face au sourire franc qui illuminait son visage et dévoilait une parfaite rangée de dents blanches.

– Ce sont des GloFish, des poissons zèbre génétiquement modifié, expliqua finalement Maena. Des gènes d'une protéine fluorescente ont été introduits dans leur génome.

– Oh... je peux avoir un truc comme ça dans ma chambre ? demanda Sarah, pleine d’espoir.

Maena secoua la tête, amusée.

– Si tu veux, sourit-elle avant de désigner le poignet de Sarah qu’elle tenait toujours entre ses mains. Je peux t’expliquer comment tu dois t’en servir maintenant ?

Sarah hocha la tête et elle obtempéra :

– Bien, tu vois le premier bouton, juste ici ? demanda-t-elle en désignant celui situé complètement sur la gauche. Tu ne peux pas le voir là, mais il y a un petit « G » gravé dessus ; c’est pour les gardes. Comme tu peux le constater, le bracelet est beaucoup trop petit pour pouvoir y apposer un bouton pour chacun d’entre eux, alors il te faudra prononcer un prénom à chaque fois, car ils sont tous branchés sur la même fréquence.

Elle hésita un instant avant d’ajouter :

– Sarah, si jamais il t’arrivait quelque chose, ou si tu remarquais quelque chose qui sort de l’ordinaire, je veux que tu les contactes aussitôt, d’accord ?

Sarah l’observa, surprise.

– Que tu veux qu’il m’arrive ici ? s’exclama-t-elle avant de plisser des yeux. Et puis de qui, d’abord ? ajouta-t-elle avant de pâlir soudainement. Elle ne me met pas en garde contre elle, quand même ?

– C’est... compliqué, répondit Maena avant de désigner le dernier bouton. Celui-ci, c’est Marko. Il est principalement mon homme à tout faire, mais c’est surtout un véritable génie de l’informatique. Il a accès sur tout ici, et dans chaque pièce : il voit tout et entend tout, un véritable Big Brother, sourit-elle légèrement avant de reprendre son sérieux. Idem, si jamais il arrivait quelque chose, je veux que tu le préviennes lui aussi, d’accord ?

Maena releva les yeux et elle laissa son visage s’adoucir lorsqu’elle remarqua l’air apeuré de Sarah.

– Excuse-moi, je m’y prends mal, grimaça-t-elle. Sarah, tu es vraiment en sécurité ici, je t’assure. Seulement, il arrive que mon travail... en vienne à attirer quelques irréductibles. Mais ils ne s’en prendront jamais à toi, sauf si tu décidais de te mettre sur leur chemin, j’imagine. Préviens juste ceux qui sont payés pour s’occuper de ce genre de chose, d’accord ? 

Sarah prit une profonde inspiration qu’elle relâcha doucement :

– C’est un peu un discours à double sens. Qu’est-ce que tu peux bien faire pour attirer des soi-disant... irréductibles ?

Maena soupira avant de se pincer l’arête du nez. Pourquoi fallait-il que Sarah soit aussi curieuse ?

– Des recherches.

– Je sais ça, répondit Sarah tout en lui offrant un regard appuyé. Mais sur quoi ?

– Sarah, commença Maena en prenant ses mains dans les siennes. Ce n’est pas ça qui importe, mais plutôt dans quel but ces personnes là cherchent à voler ce qui ne leur appartient pas.

Elle réfléchit un instant, cherchant un exemple qui lui ferait clairement comprendre ce qu’elle voulait dire.

– Il y a plusieurs années, une souche de coronavirus sur lequel des chercheurs d’un laboratoire de Chine travaillaient a été volée. La contamination s’est propagée à une vitesse folle, éclatant en novembre 2002 et sévissant jusqu'au début de l'été 2003. Plus de 8.000 personnes ont été touchées par la maladie dans le monde, et à peu près 800 en sont mortes.

Elle s’interrompit avant d’ajouter :

– Mis entre de mauvaises mains, les résultats de certaines recherches peuvent très rapidement devenir des armes ultimes. Et à contrario, un chercheur qui aurait tout juste découvert un remède contre le cancer pourrait se voir voler ses recherches avant même qu’il n’ait eu le temps de déposer un brevet. Son voleur pourrait en tirer tous les bénéfices.

Sarah pencha légèrement la tête sur le côté.

– C’est ce dont tu as peur, toi ? demanda-t-elle. Qu’on te vole tes recherches ?

Maena détourna le regard et alors que Sarah commençait à se faire à l’idée qu’elle ne lui répondrait pas, elle releva les yeux vers elle pour lui dire :

– Il est possible que ce soit déjà arrivé.

Sarah haussa aussitôt les sourcils.

– « Arrivé » ? Comment ça ? Et qu’est-ce que c’était ? Un remède contre le cancer ?!

Maena ne put retenir un faible sourire, mais elle secoua négativement la tête.

– Non, et avant que tu ne poursuives ton interrogatoire, coupa-t-elle en levant une main, je ne t’en dirais pas plus. La seule protection que je possède, c’est le silence. Et je compte bien m’y tenir.

Sarah grommela avant de se mettre à dessiner des arabesques sur la nappe du bout du doigt.

– Tu pourrais me dire ce sur quoi tu travaillais avant..., proposa-t-elle innocemment. Ce sur quoi il n’y aurait pas le risque d’incidences négatives aujourd’hui ?

Elle sut que sa méthode venait de fonctionner lorsque Maena afficha un faible sourire.

– Tu ne lâcheras pas le morceau tant que je ne te l’aurais pas dit, c’est ça ?

– C’est ça, répondit aussitôt Sarah, le regard brillant.

Maena hocha doucement la tête avant de poser son regard sur elle :

– Pour tout te dire, tu connais déjà la réponse.

Sarah l’observa, confuse :

– Le cancer ? proposa-t-elle.

– Le cancer, affirma Maena avant de détourner le regard. Leucémie aiguë, survenue pendant une grossesse. L’un des cancers les plus rares et les plus difficiles à traiter.

Sarah porta aussitôt une main à ses lèvres, horrifiée. Oh mon dieu, elle ne parle pas d’Alison quand même là, si ?

– La découverte d'une leucémie aiguë au premier trimestre nécessite une polychimiothérapie d'urgence, ce qui impose une interruption de grossesse, poursuivit Maena tout en levant les yeux vers les étoiles. Alison m’a aussitôt haï, parce que c’est moi qui lui avait fait part de mon envie d’avoir des enfants, mais elle qui avait dû le porter parce que je ne le pouvais pas. J’ai fini par la détester en retour, parce qu’elle me tenait pour responsable de tout, et m’avait privée des recherches que j’opérais à l’époque pour ne m’occuper que d’elle.

Elle inspira profondément avant de soupirer :

– Elle avait promis de me rendre ce que j’avais trouvé jusque-là dès qu’elle serait sortie d’affaire, poursuivit-elle avant de lâcher un rire dénué d’humour. Comme si j’allais, à moi seule, trouver un remède efficace d’ici là.

Elle secoua la tête avant de baisser les yeux vers Sarah.

– Mais elle ne m’a jamais rien rendu. Quant à la chimiothérapie, elle n’a pas fonctionné, et Alison est décédée quelques mois plus tard.

– Oh Maena...

Maena leva aussitôt une main.

– Non, juste... non, d’accord ? supplia-t-elle. Une part de moi lui en veut toujours de m’avoir fait perdre des années de recherches, alors qu’elle était simplement désespérée, commenta-t-elle avant d’hausser un sourcil. Ça doit en dire beaucoup sur ma personne, non ?

Sarah sentit aussitôt sa gorge se serrer et elle s’empara des mains de Maena avant de plonger son regard dans le sien à nouveau.

– Moi ce que je vois, c’est que désespérée ou non, Alison n’a pas joué fair-play dans l’histoire, répliqua-t-elle sincèrement. Mais que tu as quand même été là pour elle, même si ça t’a coûté beaucoup.

Elle hésita avant de demander :

– Ces recherches qu’elle t’a volé... ce sont celles sur lesquelles tu travailles en ce moment ?

Maena hocha doucement la tête.

– Celles sur lesquelles j’ai toujours travaillé.

– Et tu as peur qu’on te vole... parce qu’Alison l’a fait ?

Maena se figea aussitôt.

– Alison ne m’a pas seulement volé, coupa-t-elle d’un ton mêlant colère et désemparement. Elle a surtout vendu mes recherches au plus offrant.

– Oh la salope, s’exclama aussitôt Sarah avant de plaquer une main sur ses lèvres. Pardon.

Maena haussa les sourcils avant de secouer la tête, un sourire amusé sur ses lèvres.

– Non, je t’en prie, répondit-elle. Ça fait deux ans que je pense comme toi sur ce point, même si je l’ai surement cherché quelque part.

Sarah haussa un sourcil, incrédule.

– A ce que je sache, c’est pas toi qui lui a refilé le cancer, et elle devait bien le désirer aussi cet enfant pour accepter de se faire engrosser par le premier cathéter du coin.

– Engr... par le premier cathé... ? répéta bêtement Maena avant de littéralement éclater de rire. Oh mon dieu Sarah, tu es unique, tu le sais ça ?

Sarah se contenta d’hausser les épaules, un timide sourire sur les lèvres face au compliment inattendu. Elle était néanmoins contente d’avoir réussi à éloigner Maena de ses noirs démons et provoquer ce rire qui était si rare chez elle.

Elle tourna légèrement la tête lorsqu’elle perçu du mouvement derrière elle et repéra aussitôt Bulldog n°1 et Bulldog n°2.

– Tu crois qu’ils sont rassurés ? demanda-t-elle en observant de nouveau Maena.

Maena hocha doucement la tête.

– Ça n’importait pas vraiment, pour être honnête, répondit-elle avant d’ajouter sincèrement : mais merci de l’avoir fait.

Sarah se contenta d’afficher un sourire satisfait.

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