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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
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εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

29 juin 2015

Chapitre 3

— Mais démarre bon sang !

Elysia donna un coup contre le volant avant de soupirer et d’y poser sa tête.

Pourquoi fallait-il toujours que ce genre de choses arrive lorsque ça ne devait impérativement pas arriver ? La nuit commençait à tomber, et les possibilités s’offrant à elle étaient plutôt limitées. La batterie de son téléphone était vide, elle n’avait pas la moindre idée d’où elle se trouvait, et il n’y avait rien à des kilomètres à la ronde.

Super. Manquerait plus qu’un serial killer en mal de chair ensanglantée débarque.

Elle regarda aussitôt autour d’elle avant de lever les yeux ciel.

— Génial, et maintenant, je me fous la trouille toute seule, marmonna-t-elle en ouvrant la portière.

Une épaisse fumée noire s'échappant du moteur vint aussitôt l’asphyxier et lui piquer les yeux et elle retourna dans l’habitacle tout en toussotant.

— Et merde, marmonna-t-elle, bien consciente que si Mysa était là, il lui remonterait les bretelles pour son langage si coloré. C’est vraiment, vraiment, vraiment la grosse merde.

Ses mains se posèrent de nouveau sur le volant, et elle réalisa qu’elle n’avait d’autres choix que de continuer à pied. Cette solution fut très loin de la ravir, et c’est dans un profond soupir qu’elle enfila sa veste puis glissa son sac à main sur son épaule. Une fois sûre d’avoir pris tout ce qu’il lui fallait, elle verrouilla la voiture puis commença à s’enfoncer dans la pénombre, ses talons résonnant sur l’asphalte goudronné. Un léger frisson ne mit pas longtemps à la parcourir et elle réalisa qu’elle était très loin d’être rassurée. Qui aurait pu croire qu’il existait des endroits aussi déserts dans une ville aussi grande que celle d’Orlando ?

Après plusieurs minutes de marche, elle remarqua cependant qu’un bâtiment se dessinait un peu plus loin, près de la forêt, et elle relâcha aussitôt un soupir de soulagement.

— Bon, reste plus qu’à espérer que j’y trouve un téléphone, maintenant.

Une vingtaine de minutes plus tard, la chance sembla lui sourire, car c’est chaussures à la main qu’elle arriva devant un garage automobile visiblement ouvert malgré l’heure tardive.

Elle pénétra à l’intérieur du bâtiment et cligna un instant des yeux face à la lumière aveuglante avant de laisser son regard s’évader autour d’elle, le long des différentes rangées d’outils et autres machines.

— Il y a quelqu'un ?

De la musique lui parvint et elle se dirigea vers l’origine du son, le propriétaire du garage devant s’y trouver.

— Excusez-moi... ?

Des bruits de roues glissant sur le sol lui parvinrent et elle vit non pas le, mais la propriétaire du garage sortir la tête de sous une voiture. Leurs regards se croisèrent et elles se figèrent.

Oh merde.

— Donnez-moi deux minutes, je suis à vous tout de suite, lui lança finalement celle qu’Elysia ne s’attendait pas à voir ici avant de replonger sous le capot.

Elysia cligna des yeux avant de regarder autour d’elle. Mais comment avait-elle pu être aussi stupide ? Ce garage était celui dont avait hérité Kat lorsque le meilleur ami de son père était décédé. Il était hors-service, et elle n’y avait pas remis les pieds depuis des années.

Elysia espéra de tout cœur que ce revirement soudain n’était pas une conséquence de plus des agissements de cette stupide Targa. Même si, au fond, cela avait quand même quelque chose de positif ; Kat adorait bricoler sur d’anciennes voitures.

La planche roula à nouveau et Kat se glissa hors du dessous de la Chevrolet pour se diriger vers un évier situé non loin où elle entreprit de se laver les mains.

— Vous avez de la chance, lâcha-t-elle par-dessus son épaule. Le garage est fermé depuis des années.

— Je suppose que oui, sourit faiblement Elysia. Ma voiture est tombée en panne un peu plus loin. J'ai marché jusqu'ici et je suis tombée sur votre garage. Je... j'espérais que vous pourriez m'aider...

Kat s’empara d’un torchon avec lequel elle s’essuya les mains tout en lui faisant face. Son regard se posa sur ses pieds nus avant de remonter le long de sa tenue de soirée et Elysia put voir qu’elle était intriguée, mais elle resta silencieuse.

— Vous êtes garée loin ?

— Ça m’a pris une vingtaine de minutes à pied alors...

Kat hocha la tête avant de l’entrainer vers un pick-up et de lui demander dans quelle direction sa voiture était tombée en panne. L’information fournie, elles se mirent aussitôt en route.

— Vous comptiez quitter la ville ? Ou vous vous êtes simplement perdue ? demanda finalement Kat au bout de quelques minutes.

Ses yeux se promenèrent sur le visage maquillé d’Elysia, sa tenue de soirée, ses pieds nus, pour enfin finir sur ses chaussures à talons qu’elle tenait toujours entre ses mains. Elysia lui offrit un sourire penaud.

— Les deux, répondit-elle. Je devais assister à une soirée organisée par l’Orlando News. Mais c'est pas grave, c’est du genre chiant et prétentieux.

Sa réplique arracha un sourire à Kat et Elysia n’en fut pas peu fière ; elle semblait enfin se détendre.

— Je suis contente de ne pas y avoir été invitée, alors.

— Vous avez bien raison, taquina Elysia, ravie de provoquer un second sourire.

Sa voiture garée sur le bas-côté finit par apparaître sous la lueur des phares du pick-up, et Kat se gara juste en face avant de couper le moteur puis de descendre. Elle attendit qu’Elysia déverrouille la fermeture centralisée puis vint prendre place derrière le volant, tentant sans succès de faire démarrer le véhicule.

— Ça ne semble pas venir de la batterie, murmura-t-elle d’un air absent avant de venir soulever le capot.

Il ne lui fallut que quelques minutes avant de poser un premier diagnostic.

— Ça doit venir de la pompe de gavage, je pense qu’il faut la changer, dit-elle en tournant la tête vers Elysia. Je connais un bon garage pas loin d’ici, je peux leur dire d’envoyer une dépanneuse si vous voulez. À moins que vous n’ayez un garage préféré ?

— Le vôtre ?

Kat s’essuya les mains sur le torchon qu’elle avait glissé dans la poche arrière de son jean tout en se redressant.

— Je vous l’ai dit, il n’est pas ouvert.

— Mais vous l’utilisez quand même, et vous m’avez l’air de bien vous y connaître... si c’est l’argent le problème, ne vous inquiétez pas, je paierai.

Kat sembla hésiter.

— Ça risque de prendre du temps, je vais devoir commander la pièce...

— Pas grave, Josh passera me prendre, c’est pas un problème.

Kat hocha la tête.

— D’accord. Vous voulez que je vous dépose quelque part ? À votre soirée ?

Elysia grimaça :

— Non, et puis, je ne voudrais pas vous déranger. Un coup de fil ne serait pas de refus par contre, la batterie de mon portable est à plat...

Kat lui lança aussitôt son portable :

— Tenez, faites-vous plaisir. Mais puisque je suis ici, je peux aussi bien vous ramener chez vous, vous savez.

Elysia hésita :

— Vous êtes sûre ? Vous sembliez occupée au garage...

Kat referma le capot de la voiture puis se dirigea vers le pick-up.

— Certaine, lâcha-t-elle par-dessus son épaule.

Bon, je crois que la décision est prise. Elysia fila récupérer quelques affaires dans sa voiture puis monta à son tour dans le pick-up de Kat, direction le garage afin qu'elle puisse s'occuper de quelques petits trucs avant de la ramener.

Elles arrivèrent quelques minutes plus tard, et Elysia suivit aussitôt Kat à l’intérieur, prenant place sur l’établi afin de pouvoir l’observer finir de s’affairer sur la Chevrolet.

Elle s’empara d’une clé et la fit tourner entre ses mains.

— Mécano pour une femme, c’est plutôt inhabituel.

Kat haussa les épaules.

— Je dois ça à mon père, il m’a élevée seul et était un fan inconditionnel de mécanique. Je me suis vite retrouvée habillée en garçon manqué avec des traces noires sur les joues et ce, bien avant ma dixième bougie soufflée.

Elysia rit légèrement, Kat était surnommée « la petite sauvageonne » lorsqu’elle était plus jeune.

— Ça ne m’a pas empêché d’être heureuse avec lui, même si ça ne collait pas avec les normes de l’époque.

Elle se tourna légèrement vers Elysia.

— Je parie que vous étiez du genre à piquer les chaussures à talons et le rouge à lèvres de votre mère pour faire semblant d'être « grande ».

— Ah oui, laissez-moi deviner, le genre exact de filles que vous fuyiez à l’époque ? rit Elysia. 

Kat se joignit à elle tout en poursuivant ses manipulations dans le moteur, ses mains virevoltant entre le radiateur, le réservoir et toutes ces choses qui constituaient une voiture.

— Le meilleur ami de mon père était garagiste, expliqua-t-elle. Je me souviens du jour-même où j’ai mis les pieds ici pour la première fois. J’avais sept ans et j’ai su à l’instant même que je voulais devenir comme lui. Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête. Là où la plupart rêvaient d’être médecin, enseignante ou même présidente, moi, je voulais travailler dans ce garage quand j'en aurais l'âge.

— Qu’est-il advenu du rêve de cette petite fille, alors ?

A son regard désolé, Elysia réalisa aussitôt qu’elle venait de faire une boulette.

— Il est resté ce qu’il était ; un rêve, murmura-t-elle avant de refermer le capot dans un bruit sourd. J’ai terminé, je vais pouvoir vous ramener maintenant.

Elysia sauta du plan de travail avant de récupérer ses clés que Kat avait glissées dans la poche arrière de son jean. Kat lui offrit aussitôt un regard mêlant surprise et confusion et elle s’expliqua dans un sourire :

— Parfait, parce que je vous invite à dîner.

Et après un dernier regard, elle se dirigea vers le pick-up.

💕

Elysia détourna son regard de la vitre côté passager, les sourcils froncés :

— Vous n’écoutez jamais lorsque l’on vous donne des directions ? s’exclama-t-elle. J’habite de l’autre côté de la ville.

— Et vous, vous manquez toujours de savoir-vivre ? répondit Kat en jetant un œil dans le rétroviseur central. Si je me souviens bien, vous m’avez poussée derrière le volant et littéralement ordonnée de venir dîner chez vous.

Elysia afficha aussitôt un sourire :

— Et alors ? demanda-t-elle, un sourcil haussé. Ça vous pose un problème ?

— Non, répondit Kat, avant de sourire à son tour. Non, on va juste manger chez moi.

Elysia haussa les sourcils avant de regarder devant elle lorsque Kat gara le véhicule. Elle leva les yeux vers l’immeuble.

— Voleuse d’idées, marmonna-t-elle en croisant les bras sous sa poitrine.

Kat lâcha un rire venant du fond du cœur et Elysia lui tira la langue avant descendre du véhicule.

— J’espère que vous avez faim, je compte nous préparer mon plat préféré.

— Ah ! accusa aussitôt Elysia en la pointant du doigt. C’est pour ça que vous m’avez invitée chez vous ! Tout ça pour pouvoir bénéficier de votre mets favori !

Kat lui fit signe de la suivre tout en faisant mine de réfléchir.

— Il est possible que cette idée m’ait traversé l’esprit, admit-elle malicieusement. Vous venez ?

Elysia la suivit à l’intérieur de l’immeuble, surprise de découvrir combien le hall d’entrée était sombre avant de cligner des yeux face à la lumière aveuglante de l’ascenseur.

— Les néons du hall ne marchent plus depuis une semaine, expliqua Kat en appuyant sur le numéro 12. Et ceux de l’ascenseur sont trop puissants, soupira-t-elle en secouant la tête. Les gens se plaignent, mais les choses mettent du temps à bouger.

— Ce n’est pas très rassurant de se retrouver dans l’obscurité comme ça, répondit Elysia dans un frisson.

Kat se contenta de hausser les épaules, avant d’inviter Elysia à sortir lorsque les portes s’ouvrirent à nouveau. Un long couloir de portes s’étendait devant elles interrompu par de petits renfoncements parsemés de plantes.

— C’est mignon, sourit Elysia en s’approchant d’une.

— Attention, elles sont carnivores.

Surprise, Elysia se recula aussitôt, bousculant Kat au passage qui plaça aussitôt ses mains autour de sa taille pour l’empêcher de tomber. Elysia s’apprêtait à s’excuser, légèrement troublée par le contact inattendu, lorsque le rire de Kat lui fait soudainement comprendre qu’elle venait de se jouer d’elle.

Elle se retourna aussitôt tout en la pointant du doigt.

— Tu vas..., commença-t-elle avant de s’arrêter subitement. Pardon, vous...

— Non, la coupa Kat en secouant légèrement la tête. Le « tu » me vas très bien.

— D’accord, sourit Elysia avant de plisser de nouveau les yeux. Tu vas payer pour ça, Kat. Je serais toi... je ferais très attention.

Kat rit de nouveau avant de s’approcher de la porte portant le numéro 128 et d’y insérer une clé dans la serrure. Après un léger mouvement du poignet, elle s’écarta légèrement et invita Elysia à entrer.

Elysia lui sourit en guise de remerciement et pénétra dans l’antre de Kat qu’elle connaissait déjà aussi bien que le creux de sa propre main. Semblant tout droit sorti d’un décor d’une sitcom américaine, l’appartement de Kat inspirait le confort et l’apaisement avec son sol revêtu d’un parquet flottant assez sombre, ses murs jaunes pâles, et ses fenêtres — recouvertes de stores — suffisamment renfoncées pour permettre de s’assoir sur le rebord et d’observer l’activité incessante de la ville juste en bas.

La porte refermée, Kat récupéra la veste d’Elysia et l’accrocha à l’un des trois porte-manteaux fixés à même le mur avant de lui faire signe de la suivre. Le petit vestibule d’entrée donnait sur le salon et la salle à manger, et Elysia prit aussitôt place sur le canapé en cuir noir tandis que Kat prenait la direction de la cuisine ouverte située juste à droite et uniquement séparée de la pièce par un bar. Le regard d’Elysia se posa sur l’écran plat, puis sur l’immense bibliothèque située juste derrière et elle écarquilla les yeux. C’était encore plus impressionnant vu en vrai.

— Woah, il y en a combien ? demanda-t-elle en désignant les étagères remplies de DVD.

Kat lâcha un léger rire devant son air ahuri et étala sur le bar tout ce dont elle allait avoir besoin pour cuisiner.

— Honnêtement, je n’en ai pas la moindre idée, répondit-elle en sortant une salade verte du réfrigérateur. Ça fait un bon moment que j’ai arrêté de compter. Peut-être… 3 000 ?

— 3 000 ?! s’exclama Elysia avant de venir prendre place sur l’un des hauts tabourets. Woah. Tu n’as jamais pensé à ouvrir ton propre commerce ? taquina-t-elle.

Kat lui sourit tout en commençant à peler un pamplemousse à vif.

— Je suis fan de cinéma, je ne peux pas m’en empêcher, répondit-elle dans un air qu’Elysia lui devina légèrement timide. Tu as soif ?

— Je veux bien un verre d’eau, répondit Elysia en lui volant l’éplucheur des mains et la planche à découper. Occupe-toi du reste, je me charge de la salade, à deux, on ira plus vite. 

— C’est ta façon de me dire que tu es affamée ? rit Kat en sortant deux verres d’un placard situé au-dessus de l’évier. J’ai du sirop... ou du jus d’orange, si tu préfères ?

Elysia haussa les épaules, une légère rougeur recouvrant ses joues.

— Un jus d’orange sera parfait, et non, mentit-elle. On était simplement censées diner chez moi, si je t’aide, on est toutes les deux gagnantes.

Kat secoua la tête, amusée, et déposa deux verres ainsi qu’un bol sur le bar.

— Bien, charge-toi de la salade alors, je m’occupe des crabcakes, dit-elle en s’installant sur un haut tabouret de l’autre côté du bar, face à Elysia.

— Crabcakes ? sourit Elysia en déposant la peau du pamplemousse dans le bol. Qu’est-ce que j’ajoute ?

— Hmm, une fois le pamplemousse complètement pelé et séparé en quartiers, pèle les avocats et découpe les en cubes, de cette taille disons, dit-elle en montrant à l’aide de ses doigts. Ensuite, découpe les cœurs de palmier en rondelles assez épaisses puis effeuille le persil.

Elysia se mordit la lèvre.

— Si j’en oublie un bout en cours de route, je peux crier à l’aide ?

Kat rit avant de hocher la tête.

— Cool, bon, et ensuite ?

— Ensuite, on mélange tout et on arrose de jus de citron et d’huile avant de saler et de poivrer. Je la mettrai au frais le temps que les crabcakes cuisent.

— D’accord, bon eh bien, c’est parti, répondit Elysia tandis qu’elle en salivait d’avance. 

Quelques minutes plus tard, ses quartiers de pamplemousse étaient prêts et elle les déposa dans le saladier avant de s’attaquer aux avocats.

— Je peux te poser une question ? demanda soudainement Kat alors qu’elle émiettait le crabe et y ajoutait des échalotes.

— Je t’en prie, répondit Elysia d’un air absent tandis qu’elle découpait les avocats en petits cubes. 

— Qu’est-ce que tu faisais sur le toit, ce jour-là ?

Elysia s’apprêtait à déposer les petits cubes dans le saladier lorsque sa main s’arrêta subitement. Comment répondre à cette question ? Elle ne pouvait pas lui dire la vérité, elle n’en avait pas le droit, et de toute façon, Kat la prendrait très certainement pour une folle.

Elle se racla légèrement la gorge avant de croiser un regard noisette qui attendait patiemment.

— J’avais envie de prendre l’air, répondit-elle avant d’aller égoutter les cœurs de palmier.

Un léger silence s’installa avant que Kat ne poursuive :

— Pourquoi m’avoir sauvé la vie ?

Elysia ouvrit la boîte un peu plus rapidement qu’elle ne l’aurait voulu, à la fois surprise et incrédule que Kat puisse lui poser une question pareille. Une fois sûre que ses cœurs de palmier n’avaient pas fini sur le sol, ou qu’elle ne s’était pas coupée, elle leva les yeux et remarqua aussitôt que le regard de Kat était concentré sur son mélange de crabe, d’échalotes, de chapelure, d’œufs, de lait, de persil, de jus de citron et d’ail et que ses épaules trahissaient aisément la tension qui l’habite.

— Kat..., commença-t-elle d’une voix douce en regagnant sa place. Je n’allais pas rester sans rien faire et te regarder t’écraser sur le sol.

Kat tiqua visiblement sur ses propos avant de hausser les épaules.

— J’aurais pu t’entraîner dans ma chute malgré moi, répondit-elle en évitant soigneusement le regard d’Elysia. Je me demande juste quel genre de personne peut vouloir risquer sa vie comme ça pour une parfaite inconnue.

Les mains d’Elysia resserrèrent leur emprise sur le rebord du bar et elle dut prendre une profonde inspiration pour ne pas lui lancer la réplique acerbe qu’elle sentait monter en elle.

— Je vais finir par croire que tu es en train de me reprocher de t’avoir sauvé.

Oups, je crois que la réplique acerbe a réussi à se frayer son chemin, finalement. Le corps de Kat se tendit un instant avant qu’elle ne réponde.

— Ce n’est pas ce que j’ai dit, je me demande juste...

— Oui, j’ai très bien compris ce que tu te demandes, coupa Elysia d’un ton plus sec qu’elle ne l’aurait voulu avant de soupirer.

La vérité, c’est qu’elle était incapable de répondre à cette question. Elle lui avait sauvé la vie parce que Kat était la raison de son existence. Du moins, c’est ce qu’elle pensait. Car en tant que Daï-Natha, elle n’en aurait pas eu le pouvoir. Et en tant qu’humaine, elle n’en avait certainement pas le droit.

Mais elle l’avait fait. Parce qu’elle se sentait coupable, responsable. Parce que les Targas avaient enfreint les règles. Parce que ses récentes décisions avaient poussé Kat à cet extrême. Elle ne pouvait pas la laisser mettre fin à ses jours sachant que c’était par sa faute, pas vrai ? Si elle avait été plus prudente, cette Targa n’aurait peut-être pas pu l’approcher de si près...

Elysia se passa une main sur le visage. Plus elle y réfléchissait, plus elle était embrouillée. Les émotions qui la parcouraient l’empêchaient d’y voir clair. Mais, si elle avait été une simple humaine, l’aurait-elle sauvée comme elle avait pu le faire ?

— On mérite tous d’avoir droit à une seconde chance, reprit-elle calmement en découpant les cœurs de palmier.

Elle releva la tête pour plonger son regard dans celui de Kat.

— Si c’était à refaire, je le referais sans aucune hésitation, déclara-t-elle sincèrement avant de s’emparer de son verre de jus d’orange.

Kat l’observa, impassible, avant de reporter son attention sur son hachis.

— Tu n’es pas obligée de me mentir pour me faire plaisir.

Elysia porta une main à sa bouche pour éviter de recracher la gorgée qu’elle venait de prendre. Après quelques toussotements, elle répondit :

— Pardon ? Tu penses d’abord que je te prends en pitié, pour ensuite m’accuser de menteuse ?

Voyant Kat tiquer sur ses propos, elle soupira avant de se passer une main sur le visage.

— Écoute, je ferais mieux de rentrer, dit-elle en descendant du tabouret. Tout ça ne rime à rien. Je ne regretterai jamais ce que j’ai fait, bien au contraire, et si tu as un problème avec ça —

— Non, la coupa Kat avant d’afficher un air contrit.

Elle baissa le regard et tripota nerveusement l’extrémité du bar du bout des doigts.

— Excuse-moi, je ne voulais pas…, commença-t-elle avant de relever la tête, les yeux embués. C’est juste que…, je n’ai aucune idée de pourquoi j’ai voulu faire ça, lâcha-t-elle dans un soupir empli d’agonie.

Elle s’essuya les yeux d’une main irritée avant de lâcher un rire nerveux.

— Et je crois que j’en suis terriblement embarrassée. 

Elysia contourna le bar et posa une main sur la cuisse de Kat.

— Hé, appela-t-elle doucement afin de croiser son regard. Crois-moi, tu n’as pas à être embarrassée avec moi, assura-t-elle en exerçant une légère pression sur son genou. Et pour que les choses soient claires, je ne te l’ai pas dit pour te faire plaisir, mais simplement parce que je le pense.

Kat l’observa un moment avant de hocher la tête.

— Merci, répondit-elle en posant une main sur la sienne.

— De rien, lui répondit Elysia dans un clin d’œil avant de tourner la tête vers son plat. Besoin d’aide pour ça ? J’ai bientôt fini la salade, et je suis affamée.

Elle fut ravie d’entendre Kat rire doucement, et encore plus de sentir ses doigts se resserrer autour des siens avant qu’elle ne se libère.

💕

— Alors ?

Elysia l’observa, les sourcils haussés.

— Alors... quoi ? demanda-t-elle en s’essuyant la bouche à l’aide de sa serviette en papier.

Kat désigna son assiette.

— Le repas, tu as aimé ?

— Oh. Oh oui, la salade était excellente.

Kat haussa les sourcils lorsque rien d’autre ne vint.

— Et les crabcakes ?

Elysia se frotta maladroitement la nuque.

— Eh bien... c’était... hum, tu cuisines souvent ?

Kat cligna des yeux, prise de court par la question soudaine.

— Non... seulement quand j’ai des invités. En général, je me contente de surgelés à passer au micro-ondes, expliqua-t-elle avant de rapidement revenir au sujet en question. Pourquoi, c’était pas bon ?

— Si, si, c’était, hum... délicieux, assura aussitôt Elysia en hochant frénétiquement la tête avant de détourner le regard.

Kat l’observa, les yeux plissés :

— T’es en train de me mentir ? s’étonna-t-elle. 

Elysia se mordit l’intérieur de la joue avant d’afficher un léger sourire.

— Ça dépend, mademoiselle serait-elle sensible en ce qui concerne ses talents culinaires ? taquina-t-elle.

Kat plissa de nouveau les yeux et elle retint difficilement un rire.

— C’est la vengeance pour tout à l’heure, c’est ça ? demanda-t-elle en croisant les bras sous sa poitrine.

Elysia réunit la vaisselle et se dirigea vers la cuisine avant de jeter par-dessus son épaule :

— Peut-être, sourit-elle malicieusement avant de reprendre son sérieux. C’était délicieux Kat, la salade et les crabcakes, promit-elle. Tu devrais cuisiner plus souvent, tu es très douée.

— Merci. Mais j’ai du mal à trouver la motivation quand c’est juste pour moi, répondit Kat en entrant à son tour dans la cuisine. Laisse la vaisselle, je la ferais plus tard. Une glace, ça te dit ? J’ai des pots Ben&Jerry, chocolat, caramel ou vanille.

— Chocolat, répondit aussitôt Elysia tout en se passant la langue sur les lèvres.

Kat récupéra deux cuillères et elles retournèrent prendre place dans le salon, chacune dégustant silencieusement son propre pot pendant plusieurs minutes.

— Kat, reprit finalement Elysia. Pourquoi est-ce que tu travailles chez nous ? Au magazine, je veux dire.

Kat cligna un instant des paupières, surprise par la question inattendue.

— Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? Tu trouves que je fais mal mon travail ?

— Non, bien sûr que non, répondit aussitôt Elysia en secouant la tête. C’est juste que, après ce que j’ai vu ce soir, je n’arrête pas de me demander pourquoi tu passes tes journées à distribuer du courrier quand tu pourrais... vivre de ta passion ? Je veux dire, tu possèdes ton propre garage, et tu ne manques visiblement pas des qualifications requises. Qu’est-ce qui te pousse à rester chez nous ?

Kat haussa les épaules tout en s’essuyant la bouche avec une serviette en papier.

— Ma priorité, c’est de gagner ma vie. Et puis, c’est pas si simple de lancer sa propre boîte, y a tout un tas d’éléments à prendre en considération. J’aime la mécanique, mais la compta ? Pas tellement. Les choses me conviennent comme elles le sont en ce moment.

Elle s’interrompit un instant avant de demander :

— Ce qui s’est passé sur ce toit l’autre jour... tu penses que c’est à cause du boulot ? C’est pour ça que tu me demandes tout ça ?

Elysia se mordit la lèvre.

— Si tu veux réellement une raison, disons que je me sens responsable. Tu n’aurais jamais dû passer ces derniers mois à réaliser ces tâches qui, non seulement étaient ingrates, mais t’étaient incombées par des moins que rien.

— Tu n’es pas celle qui m’a embauchée. Tu ne m’as jamais manqué de respect.

Elysia sourit tristement.

— Je sais, mais ça n’empêche pas le fait que j’aurais dû voir ce qu’il se passait juste sous mon nez. Maintenant, si tu désires rester chargée de courrier, des communications téléphoniques, de la rédaction des comptes-rendus de réunion et j’en passe, sache qu’il n’y a aucun problème avec ça. Au contraire, ça me fait plaisir de savoir que je continuerai à te voir dans les parages.

Kat acquiesça et Elysia tapa des mains, fière d’elle.

— Super ! s’exclama-t-elle, satisfaite, avant de regarder sa montre.

Elle grimaça.

— Il se fait tard. Je devrais rentrer.

Kat hocha légèrement la tête, bien qu’en vérité, elle n’avait aucune envie de se retrouver seule. Elysia dégageait quelque chose de frais, de pétillant qu’elle n’avait pas connu depuis longtemps et elle ne voulait pas s’en passer.

— Je te revois lundi matin, alors ? Tu pourras demander à Josh de te déposer au garage avant si tu veux, ta voiture devrait être prête d’ici là.

— Génial, sourit Elysia. Maintenant, en route, chère kidnappeuse, que je puisse rentrer chez moi.

Kat roula des yeux.

— Ah ces rédac’ chef, tous des petits chefs, feignit-elle de soupirer, un sourire néanmoins présent au coin des lèvres.

  Elysia se contenta de lui taper légèrement sur le bras avant de partir devant, souriant lorsque Kat rit légèrement.

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26 juin 2015

Chapitre 2

Attention : Le début de ce chapitre - toute la partie en italique - pourrait heurter la sensibilité des plus jeunes comme des plus âgés, merci d’en tenir compte avant d’entâmer la lecture.

 

— Rentre là-dedans !

Ses genoux entrèrent violemment en contact avec le sol carrelé et elle gémit avant de trembler de peur lorsqu’elle entendit la porte en métal se refermer bruyamment derrière elle.

Elle était désormais seule.

Enfermée.

Avec lui.

— Debout ! hurla l’homme en l’attrapant par les cheveux, la forçant à se redresser et à se retrouver collée contre lui, le dos contre son torse. Tu vois, souffla-t-il contre son oreille, l’odeur d’alcool lui chatouillant désagréablement les narines. Mes petits copains situés juste derrière la porte vont s’assurer que personne ne vienne... interrompre... notre petit... show.

Il la retourna subitement.

— Alors... tu vas te tenir bien tranquille, hein ? Ce serait dommage de devoir en venir à des solutions... plus... radicales. Tu ne crois pas ?

Elle l’écoutait à peine, son regard scrutant désespérément la pièce dans l’espoir de trouver un moyen de sortir et de partir le plus loin possible. Elle fut alors surprise de sentir des lèvres se poser subitement sur les siennes, puis une langue pénétrer brutalement en elle et chercher la sienne. Surprise, elle ne se recula pas. Elle le laissa. Par peur. Par espoir. ‘Si je le laisse faire, peut-être me laissera-t-il tranquille ?’ pensa-t-elle, refusant de se confronter à l'inéluctable.

La suite des évènements lui fit cependant réaliser combien elle avait été naïve. Après tout, ses « petits copains » avaient pris la peine de la passer tabac avant de l’enfermer avec lui.

Bien sûr qu’il n’allait pas s’arrêter en si bon chemin.

 Les mains de l’homme se glissèrent sous son débardeur, caressant longuement son ventre, ses côtes endoloris, et elle gémit de douleur. Il chercha le contact direct de ses seins avant de descendre plus bas et défaire d’un geste brusque la ceinture qui retenait son pantalon de treillis.

Il tomba au sol, bien vite suivi de son sous-vêtement, et les mains revinrent à la charge, sur ses fesses, sa taille, puis de nouveau son ventre avant de descendre en direction de son triangle intime.

Il brûlait d’envie d’être en elle, elle le savait. À sa façon de la toucher, de l'embrasser, elle savait qu’il n'en pouvait plus. Il avait cruellement besoin de la pénétrer. Là où il la révulsait, elle savait que, malgré elle, elle le rendait fou de désir.

Lorsque sa main se faufila entre ses jambes, elle chercha à s'évader de sa bouche et à repousser ses assauts :

— Non... non... pas ça, gémit-elle alors qu'il effleurait son sexe fermé.

La douleur de ses hématomes sembla s’effacer devant la terreur, mais elle réalisa avec horreur qu’ils l’avaient suffisamment rouée de coups pour qu’elle ne puisse vraiment se défendre. Ses membres semblaient refuser de coopérer, quant à son corps, il semblait avoir épuisé toutes ses ressources.

— Chut... laisse-toi faire, susurra-t-il en embrassant son cou, poursuivant l'exploration de son corps. Tu sais bien qu’on obéit toujours à son capitaine, hmm ?

Elle essaya alors de saisir ses poignets pour l'éloigner, en vain.

— Arrêtez..., commença-t-elle à sangloter. Enlevez votre main, je vous en prie...

— Shhh détends-toi..., murmura l’homme tout en continuant à se frayer un chemin entre ses jambes.

Elle sentit sans peine à quel point elle l’excitait lorsqu’il commença, sûrement sans s'en rendre compte, à se frotter frénétiquement contre la peau nue de sa cuisse. Elle tenta tant bien que mal de résister, mais, sans prévenir, elle le sentit forcer le passage entre ses jambes et introduire ses doigts en elle.

— Non... Non ! hurla-t-elle, grimaçant face à la douleur qu’il lui procurait.

Il leva alors vers elle un regard dur, lui faisant comprendre sans le moindre doute qu’elle n'avait pas le droit de lui faire ça. Pas le droit de l'exciter puis de se refuser.

— Laisse-toi faire ! ordonna-t-il tout en enfonçant ses doigts plus profondément dans son sexe. Tu vas aimer ça, tu vas voir...

— Non... je ne veux pas..., s’il vous plaît..., supplia-t-elle alors qu’une nouvelle vague de larmes se déversait sur son visage.

Les doigts qui s'agitèrent en elle la révulsèrent et elle tenta une fois de plus de le repousser mais il la maintenait fermement contre lui, faisant d’elle sa prisonnière. Puis, brusquement, il l’attrapa fermement dans ses bras et elle commença à vraiment prendre peur : où voulait-il l'emmener ? Que comptait-il lui faire ?

— Chut... Calme-toi..., murmura-t-il alors qu’il l’allongeait sur le carrelage froid avant de retirer d'un geste brutal le reste de ses vêtements.

Elle comprit avec horreur qu’il la voulait allongée sous lui, en femme docile, en femme soumise. Il avait besoin de commander et d'être enfin obéi.

— Lâchez-moi ! s’écria-t-elle, la panique s’emparant d’elle. Je ne veux pas. Laissez-moi ! pleurnicha-t-elle, honteuse de se retrouver nue devant cet homme qui n’était à ses yeux plus qu’un monstre.

Il glissa sa main entre ses cuisses afin de la masturber à nouveau.

— Arrête ! Laisse-toi faire, susurra-t-il en bloquant ses gestes et ouvrant ses jambes d'un geste brutal. Il est grand temps pour toi de comprendre..., les gens comme toi méritent d’être remis dans le droit chemin, ajouta-t-il avant de la couvrir d’un regard qu’elle n’eut aucun mal à déchiffrer.

Etendue nue en dessous de lui, elle offrait à sa vue tout ce qu'il désirait ravir. Il admirait sa poitrine ferme, son triangle intime, ses hanches rondes et son ventre plat. Il enfonça ses doigts en elle et commença à faire des va-et-vient rapides.

— Je sais que t’aimes ça. Tu mouilles, je l'ai senti. T'en peux plus, hein ? Je sais ce que tu veux, ce dont tu as besoin.

La honte et la peur la figèrent sur place, incapable de bouger,  incapable de l'arrêter.

D’un geste, il retira son marcel puis déboutonna son pantalon de treillis, et elle devina son besoin de frotter sa peau nue contre la sienne. Horrifiée, elle tenta de se reculer en se traînant sur le sol mais il la plaqua aussitôt contre le carrelage froid  avant de s'étaler sur elle.

— Non ! Non ! supplia-t-elle.

Sa peau douce abrasa son désir et il frotta son sexe tendu à l'extrême contre sa toison pubienne, savourant l'instant. Elle le lit dans son regard, elle le voyait saliver à l'idée de s'enfoncer entre ses cuisses ouvertes.

— Non ! Arrêtez ! S'il vous plaît ! bafouilla-t-elle, apeurée, fixant son regard sur son dog tag pour ne plus avoir à regarder son visage.

Elle fut surprise de le voir subitement se reculer avant de comprendre avec horreur ce qu’il attendait d’elle. Désormais allongé sur le dos, il l’attira contre lui avant de la forcer à descendre le long de son corps, en direction de son sexe tendu. Elle essaya de résister mais la peur la rendit inefficace, la paralysant sur place, tendue à craquer. Il lui maintint fermement la nuque et l'obligea à coller son visage contre son pénis :

— Mets-le dans ta bouche, souffla-t-il.

La panique s’empara d’elle. Ce qu'il lui demandait de faire l'écœurait et l'épouvantait au plus haut point.

—  Obéis ! hurla-t-il d’un ton menaçant tout en resserrant son étreinte contre sa nuque.

N’ayant d’autres choix que de se plier aux ordres et aux gestes brutaux, elle entrouvrit les lèvres et le laissa l'envahir.

— Mets-le dans ta bouche... Voilà... C'est bien... Oh oui, comme ça..., commenta-t-il en regardant son sexe s'enfoncer entre ses lèvres. Suce-le doucement... Oh oui... c'est bien... c'est bien... 

Elle sentait sa main dans ses cheveux, son regard sur elle, il la regardait avec avidité, soumise à ses pieds.

— Continue... Ne t'arrête pas... Oh... Oui...

Elle voudrait fuir, crier mais elle ne bougea pas, lui obéissant au doigt et à l’œil. Elle se sentait honteuse, dégradée. Elle avait envie de vomir, de pleurer, de mourir. Elle n’avait plus aucune force, plus aucune volonté, elle ne pouvait ni lutter, ni crier, ni s’enfuir.

Elle sentit ses mains sur sa chevelure brune l'obliger à aller plus vite, plus fort, s'enfonçant plus profondément en elle et la forçant à le sucer avec docilité et application.

Elle le sentit prêt à éjaculer, mais elle devina qu’il voulait que l’instant s'éternise, que ce moment d'extase dure le plus longtemps possible. Il la força alors à se coucher de nouveau sur le sol et la recouvrit de son tout poids.

— Écarte les cuisses..., dit-il d’une voix rauque, transformée par son désir d’elle.

— Non ! S'il vous plaît ! pleurnicha-t-elle en tentant de se cacher avec ses bras tremblants.

— Ça va bien se passer, tu verras..., susurra-t-il avec appétit.

Elle sentit son sexe se positionner à l'entrée de son orifice et elle crispa les mâchoires et ferma les yeux, désormais incapable de bouger. Littéralement paralysée par la peur.

Elle sentit d’abord sa respiration dans son cou, puis la douleur, d'abord faible, puis de plus en plus violente au fur et à mesure qu'il la pénétrait. Il s'enfonçait en elle avec lenteur, ne pouvant réprimer des râles de jouissance face à l'étroitesse de son sexe et sa soumission.

Elle sanglota, ses bras resserrés autour d’elle dans une tentative de se recroqueviller afin de se protéger et des petits cris plaintifs s’échappèrent entre ses dents serrées.

Oh oui... t’es tellement bonne..., chuchota-t-il à son oreille. Oh... oui... Oh... bon sang..., souffla-t-il en faisant des va-et-vient de plus en plus rapides. T’aimes ça, hein ? Je sais que t’aimes ça..., souffla-t-il à son oreille. T’aimes que je te baise, je sais que t'attendais que ça... 

Elle le sentit effleurer son visage de ses lèvres humides, de la pointe de sa langue. Le corps crispé, elle ravala ses larmes et attendit simplement qu'il s'arrête enfin. Plus il accélérait ses mouvements en elle, plus sa fente meurtrie la faisait souffrir. Il lui releva ensuite les cuisses et baissa ses yeux vers leurs sexes fusionnés. Puis, tout à coup, il s’arrêta et se retira d’elle, la poussant à croire que c'était enfin fini, que sa délivrance était arrivée. Elle avait tellement mal ! Son sexe la brûlait tellement ! Mais il lui ordonna de se retourner, et elle comprit qu’il voulait réaliser son fantasme jusqu'au bout :

— Mets-toi à quatre pattes, exigea-t-il.

— Quoi ? demanda-t-elle faiblement. Non ! Non ! S'il vous plaît...

— Obéis..., gronda-t-il en la plaçant dans la position qui l'excitait.

Elle se laissa alors faire, ne sachant comment se débattre. Ses moindres résistances ne faisaient qu'accroître son excitation et il était tellement plus fort qu’elle.

— S’il vous plaît... Non...

— Écarte les jambes. Allez ! Écarte ! commanda-t-il, surexcité de la voir soumise à toutes ses envies. Cambre-toi, encore... Voilà... 

De nouveau, elle sentit son regard sur elle, avant que sa voix ne lui parvienne, un souffle à peine au creux de son oreille :

— Tu verras, lorsque j’en aurais terminé... tu me remercieras de t’avoir sauvé de ce chemin de dépravé dans lequel tu es tombée.

Elle le sentit alors se positionner derrière elle et s’enfoncer dans son sexe d'un coup de rein violent qui la fit hurler de douleur.

 

Chloé laissa échapper son eyeliner dans un sursaut lorsqu’un cri perçant brisa soudainement la tranquillité de l’appartement. Sous le choc, elle quitta la salle de bains et fut aussitôt surprise de voir Kat assise au milieu du lit, hurlant à pleins poumons, les yeux fermés, ses bras et ses jambes se débattant frénétiquement autour d’elle.

— Kat ! hurla-t-elle dans l’espoir de se faire entendre tandis qu’elle l’attrapait par les épaules et la secouait fermement. Kat, c’est moi, réveille-toi !

Kat ouvrit soudainement les yeux et Chloé se sentit aussitôt être violemment renversée sur le lit, juste avant que Kat ne la chevauche et ne l’attrape à la gorge d’une main de fer. Elle fut tellement surprise qu’elle n’eut aucune idée de comment réagir. Les mains de Kat étaient verrouillées autour de son cou, le tenaient fermement, rendant sa respiration difficile, et ses bras étaient coincés sous les jambes de Kat de chaque côté de son corps.

Elle n’avait aucune échappatoire possible.

— Kat, gémit-elle faiblement. Kat... arrête. Tu... tu m’étouffes.

Il fallut un moment avant que les paroles de Chloé ne parviennent à pénétrer les ténèbres dans lesquelles Kat se trouvait, celles emplies de terreurs et de peur. Mais sa persistance paya finalement lorsque Kat regagna progressivement ses esprits.

— Kat ?

La voix familière la ramena instantanément à la réalité et Kat retira aussitôt ses mains, observant Chloé comme si elle la voyait pour la première fois. Son ventre se contracta douloureusement et elle sauta soudainement du lit pour détaler vers la salle de bains.

Chloé comprit aussitôt lorsqu’elle entendit la cuvette des toilettes claquer contre la porcelaine puis le bruit caractéristique de quelqu’un qui vomissait. Elle attendit un instant que sa respiration se calme et que les étoiles qui étaient progressivement apparues devant ses yeux disparaissent avant de rejoindre la salle de bains à son tour.

Kat se trouvait accroupie à même le sol lorsqu’elle entra dans la pièce, le corps parcouru de soubresauts et Chloé s’empara du peignoir accroché derrière la porte afin de le déposer sur ses épaules, caressant son dos en des gestes apaisants tandis que les spasmes se calmaient petit à petit.

Kat tira finalement la chasse avant de poser ses bras contre la cuvette et d’y ajouter sa tête, et elle ferma les yeux lorsqu’elle sentit Chloé passer un linge frais sur son visage avant de venir effacer ses larmes. 

— Merci, murmura-t-elle finalement.

Chloé dégagea quelques mèches de cheveux de son visage et l’embrassa sur le front.

— Tu te sens mieux ?

— Comment va ton cou ? demanda Kat, ignorant la question.

La marque de ses doigts était clairement visible et elle tendit une main vers l’endroit en question avant de s’écarter aussitôt lorsqu’elle vit Chloé grimacer.

— Je survivrai, répondit Chloé dans un faible sourire, s’emparant de la main de Kat afin de lui embrasser la paume puis les doigts. Il avait l’air plutôt violent, ce cauchemar. Tu veux en parler ?

— Pour que je te donne envie de cauchemarder à ton tour ? ironisa Kat en se redressant péniblement. Non, et crois-moi, tu n’as aucune envie de savoir.

Chloé recouvrit une brosse à dents de dentifrice qu’elle lui tendit aussitôt :

— C’est le même que d’habitude ?

— Non, pas vraiment. Ils ne sont pas si... Ils ne sont pas comme ça, en général. Celui-là était tellement... tellement réel et... si conforme à la réalité.

Un frisson la parcourut et elle fut reconnaissante lorsque Chloé l’enlaça par derrière avant de chuchoter à son oreille :

— Shh... c’est fini maintenant, tu es en sécurité ici. Il ne peut rien t’arriver de mal.

— Je sais, répondit Kat, exerçant une légère pression sur les mains qui entouraient sa taille. Merci, ajouta-t-elle avant de porter la brosse à sa bouche et se laver frénétiquement les dents.

Cholé l’embrassa au niveau de l’omoplate :

— Je t’ai préparé un chocolat chaud si jamais tu penses pouvoir avaler quelque chose. Il y a des croissants et des pains au chocolat aussi.

Elle hésita un instant avant d’ajouter :

— Tu es sûre que tu ne veux pas en parler ?

Kat se rinça la bouche puis s’essuya les lèvres d’un revers de main avant de répondre :

— Je ne crois pas que socialiser avec tes clients fasse partie de ton travail.

Chloé afficha aussitôt un sourire :

— Le petit déjeuner non plus, pourtant, tu ne t’en es jamais plainte.

— Touchée, répondit Kat en souriant à son tour.

— Et puis, il faut bien que quelqu’un s’occupe de toi en attendant qu’une jolie demoiselle vienne s’emparer de ton petit cœur, non ? renchérit Chloé tout en l’attrapant par les pans de son peignoir afin de l’attirer vers la chambre.

Kat ne sut pourquoi, mais elle repensa soudainement à la femme qui l’avait secourue sur ce toit il y avait maintenant une semaine, visualisant sans le vouloir son regard bleu-vert et ses longs cheveux d’un blond naturel qui flottaient librement autour de son visage.

La voix de Chloé la tira cependant rapidement de ses pensées.

— Ooooh c’est quoi ce regard ? Il y aurait déjà quelqu’un alors ?

Kat reprit sa place contre l’oreiller avant de secouer la tête.

— Non. Ce genre de relation... c’est pas pour moi.

Chloé haussa un sourcil mais resta silencieuse. Peut-être avait-elle deviné, depuis longtemps, mais jamais elle n’avait donné voix à ses pensées, et pour Kat, c’était mieux ainsi.

— C’est bête, tu sais, répondit-elle néanmoins d’une voix légère tout en laissant courir son doigt le long de la clavicule de Kat avant de descendre un peu plus bas. Je suis sûre qu’une magnifique femme comme toi doit avoir tout un tas de propositions.

Son petit sourire s’effaça et elle scruta Kat un moment, comme si elle pesait intérieurement le pour et le contre afin de savoir si elle devait continuer ou non. Elle baissa finalement les yeux vers le drap.

— Tu mérites d’être heureuse Kat, poursuivit-elle. Pas de passer quelques nuits par semaine avec une escorte.

— Je suis bien avec toi.

Chloé sourit.

— Moi aussi, et je compte bien rester en attendant que cette fameuse personne arrive et me demande de foutre le camp, répondit-elle, le regard brillant. Alors, elle est comment, cette nana ?

— Blonde.

Chloé l’observa puis leva les yeux au ciel lorsque rien d’autre ne vint :

— Duh, merci Kat pour cette réponse si explicite, se plaignit-elle en la pinçant au niveau des côtes.

Kat sursauta légèrement et attrapa ses mains avant de soupirer :

— J’en sais rien. Blonde aux yeux bleus.

— Oh le cliché, ricana Chloé. Elle a les gros seins qui vont avec aussi ?

Ce fut au tour de Kat de la pincer au niveau des côtes et elle fut particulièrement ravie de la voir sursauter à son tour.

— Obsédée.

Chloé laissa sa main descendre vers la poitrine offerte de Kat avant de venir mordiller son lobe d’oreille de ses dents :

— Hmm, tu n’as pas idée, ronronna-t-elle.

Kat frissonna avant de s’emparer de sa main :

— Tcht. Tiens-toi tranquille.

Chloé l’embrassa sur la joue avant de se reculer :

— Bon, et c’est tout ? Blonde aux yeux bleus ? Elle s’appelle comment ?

— Elysia.

Chloé haussa un sourcil :

— Elysia ? Comme Elysia Field ? C’est peu commun.

En effet, être nommée d’après les Champs Elysées, ce n’était pas courant.

— C’est marrant, elle m’a fait penser à un ange, répondit Kat d’un air absent alors que dans son esprit, son image apparaissait subitement. Un ange aux yeux pers... La pâleur de sa peau et le teint si clair de ses cheveux lui donnaient même un air... divin.

— Un air divin ?

La voix de Chloé la ramena à la réalité et elle réalisa soudainement ce qu’elle venait de dire. Elle se sentit furieusement rougir.

— Et après tu me dis que tu n’es pas intéressée, rit Chloé. Tu l’as rencontrée où ?

Le sang qui avait afflué dans le visage de Kat disparut subitement :

— Je crois qu’elle m’a... sauvé la vie.

— Hein ? répondit Chloé, surprise.

— J’ai failli sauter du toit de l’immeuble du magazine.

Les mots quittèrent sa bouche et elle fut aussi surprise que Chloé par ce qu’elle venait de dire. Cette dernière resta un instant interdite à l’observer bêtement avant de finalement cligner des yeux à plusieurs reprises.

— Merde, souffla-t-elle avant de se passer une main sur le visage. Merde. Quelle conne. Quelle conne, quelle conne, quelle conne.

Elle se redressa subitement et commença à faire des va-et-vient dans la pièce tout en portant une main à ses lèvres. Son attitude inquiéta aussitôt Kat.

— Chloé ? tenta-t-elle.

Chloé tourna la tête dans sa direction et Kat réalisa que ses yeux étaient emplis de larmes. Son cœur se serra. C’était exactement pour cette raison qu’elle ne lui parlait jamais de ce qui la hantait. Chloé était beaucoup trop jeune, trop innocente pour avoir à faire face à ce genre de choses, elle ne méritait pas ce poids sur ses frêles épaules.

— J’aurais dû t’aider, murmura-t-elle enfin.

— Tu le fais, à chacun de nos rendez-vous.

Un rire dénué d’humour s’échappa de ses lèvres tandis qu’elle secouait la tête de dépit.

— Il y a une personne derrière la prostituée de luxe, répondit-elle d’un ton dur et douloureux. Je sais écouter Kat, j’aurais pu t’apporter mon soutien, mon réconfort. Et ça pas juste avec mon corps !

Son ton était empli de tristesse et de colère et Kat se demanda un instant s’il était plus dirigé contre Chloé elle-même ou contre elle.

— Chloé s’il te plaît... j’ai choisi de ne rien dire, c’était mon choix, tenta-t-elle en se redressant. Te sens pas responsable de tout ça.

Chloé leva les mains avant de les laisser retomber à ses côtés.

— Je le sais depuis le début, Kat. Je le voyais à chaque fois... à quel point ce qui t’habite te ronge de l’intérieur.

Elle se mordit la lèvre et les larmes dument retenues commencèrent à couler le long de ses joues.

— Est-ce que tu réalises ce que ça m’aurait fait de te perdre ?

Son ton empli de douleur atteignit Kat en plein cœur et elle se redressa aussitôt pour la prendre dans ses bras, luttant elle aussi contre les larmes. Malgré les termes du contrat, Chloé avait fini par devenir une amie au fil de leurs rendez-vous, et elle détestait la voir souffrir, encore plus lorsqu’elle savait que cela venait d’elle.

— C’était pas prémédité Chloé, je te le promets, murmura-t-elle à son oreille. Je sais pas ce qu’il s’est passé... un instant, j’étais là à simplement fumer ma cigarette, et le suivant... quelqu’un me tirait en arrière et m’éloignait du vide.

Chloé renifla avant de se reculer et l’observer :

— C’est vrai ?

— Promis.

— O.K., répondit Chloé en hochant faiblement la tête. Elle t’a sauvé alors ? demanda-t-elle en s’essuyant les joues.

Kat s’empara de sa main et elles s’installèrent de nouveau sur le lit, Chloé s’emparant aussitôt de la boite de mouchoirs qui reposait sur la table de chevet.

— Oui, c’est exactement ça. Elle est... elle est arrivée juste à temps.

Chloé exerça une forte pression sur sa main :

— J’espère que tu l’as remercié.

Kat sourit, comprenant aisément au ton léger que Chloé avait besoin de détendre l’atmosphère.

— Je... non, réalisa-t-elle soudainement en fronçant les sourcils. C’est plutôt le contraire, je me suis montrée assez désagréable.

Elle secoua la tête, confuse :

— C’est juste que... je comprends pas ce qu’il s’est passé Chloé, ma vie est loin d’être au beau fixe, mais... je suis simplement montée sur ce toit pour fumer. Je ne me souviens de rien d’autre.

Chloé la poussa légèrement afin que Kat s’allonge de nouveau sur le lit et qu’elle puisse venir prendre place contre elle, sa tête reposant au creux de l’épaule de Kat tandis que son bras venait s’enrouler autour de son ventre.

— Tout va bien maintenant, souffla-t-elle. Tu es en sécurité.

Son étreinte se resserra et Kat sut qu’elle cherchait à se rassurer elle aussi. Elle tourna légèrement la tête et l’embrassa sur le front.

— Je sais. Je suis désolée.

Chloé se redressa et prit appui sur un coude afin de pouvoir la regarder :

— T’as pas à t’excuser, dit-elle en redessinant la ligne de la mâchoire de Kat. Mais souviens-toi que je ne suis pas là uniquement pour te soulager physiquement.

— Je pensais que c’était ton travail pourtant, la taquina aussitôt Kat. Ah, voilà le sourire qui me manquait tant.

— Peut-être, admet Chloé. Mais notre relation va plus loin que ça, pas vrai ? ajouta-t-elle, incertaine.

Kat s’empara de sa main et vint y embrasser la paume.

— Bien sûr. 

— Alors... je suis là, d’accord ? Pas uniquement pour le sexe. Compris ?

— Cinq sur Cinq.

Chloé hocha la tête.

— Bon. Et concernant cette... Elysia, tu as son numéro ?

Kat plissa légèrement les yeux, appréhensive.

— Pourquoi ?

— Pourquoi ? demanda Chloé, surprise. Cette femme te sauve la vie, et tu me demandes pourquoi ? Tu dois la remercier !

Kat remua, mal à l’aise.

— Je ne lui ai rien demandé moi hein, marmonna-t-elle.

— Oh très mature Kat, soupira aussitôt Chloé. Appelle-la et remercie-la. Si tu ne veux pas le faire pour toi, fais-le au moins pour moi.

Kat haussa un sourcil.

— C’est un ordre ?

— Ouais, sourit Chloé tout en se redressant. Maintenant debout, tu vas être en retard.

— Oui maman, soupira aussitôt Kat tout en se levant à son tour.

Le rire de Chloé lui parvint tandis qu’elle se dirigeait vers la salle de bains :

— Oh non, ta mère ne t’aurait jamais fait ce que j’ai pu te faire cette nuit !

Kat s’arrêta avant de grimacer, elle se tourna vers Chloé :

— On ferait mieux d’éviter ce genre d’associations, ma vie sexuelle et mes parents sont deux choses bien distinctes et je tiens absolument à ce que ça reste comme ça.

— C’est toi qui as commencé, répondit Chloé en lui tirant la langue.

Kat leva les yeux au ciel :

— Et tu n’es pas obligée de me suivre dans mes bêtises, répondit-elle avant d’hésiter.

Au vu du soupir de Chloé, elle comprit aussitôt que cette dernière avait deviné ce à quoi elle s’apprêtait à faire allusion.

— Pas aujourd’hui Kat, s’il te plaît. On en a déjà discuté, ma décision ne changera pas.

— Tu te proposes de m’aider, je peux bien le faire aussi, non ?

Chloé se gratta la nuque avant de lui faire totalement face depuis sa place sur le lit :

— Surement, et j’apprécie la pensée, mais je préfère me débrouiller. Ce n’est que l’affaire de quelques mois maintenant.

Kat hésita un instant avant de hocher la tête. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre les raisons pour lesquelles Chloé s’était tournée vers la prostitution de luxe. Hormis le fait que les études étaient relativement onéreuses aux Etats-Unis, Chloé, jeune femme seulement âgée de vingt-et-un ans, s’était malgré elle retrouvée confrontée à un inextricable problème de surendettement dont elle n’était pourtant pas responsable. Fille d’une mère accro aux jeux en tout genre, qui avait fait de nombreux crédits à la consommation, des prêts qu’elle n’avait jamais commencé à rembourser, Chloé s’était vue chaque mois obligée de devoir verser une somme monstrueuse auprès des banques ayant investi, sous prétexte que sa mère, dans son dos, l’avait inscrite comme co-emprunteur.

N’ayant personne pour l’aider financièrement, Chloé avait fini par se décider à devenir escorte, accompagnant des clients lors de soirées ou de dîners d’affaires afin de les mettre en valeur, ou pour leur tenir simplement compagnie le temps d’un week-end. Après avoir passé trois années à aller jusqu’à additionner trois boulots différents afin de financer ses études et rembourser ses prêts, ce choix lui avait semblé être judicieux à l’époque. Après tout, qui se plaindrait d’avoir simplement à faire la belle pendant quelques heures pour un cachet pouvant monter à plusieurs milliers de dollars ?

Cependant, et même si elle avait beau essayer de le cacher, Kat savait qu’elle détestait ce boulot. Étant déjà très sélective sur ses clients, elle le devenait de plus en plus et le manque de rentrée d’argent se faisait ressentir. Kat se demandait même parfois si elle n’était pas sa seule cliente sur plusieurs semaines.

Alors, petit à petit, elle avait commencé à lui proposer son aide, simplement parce qu’elle voulait mieux pour elle. Elle savait très bien ce qui circulait dans ces soirées et qu’un dérapage pouvait arriver à tout moment. Mais Chloé ne cessait de refuser catégoriquement.

Elle soupira. Je suppose que cela fait partie des raisons pour lesquelles les clients ne sympathisent normalement jamais avec les escortes.

— L’enveloppe est sur la table de chevet, répondit-elle finalement avant d’entrer dans la salle de bains, et de refermer la porte derrière elle.

 

Dans la pièce adjacente, une silhouette sombre quittait discrètement l’appartement, un sourire victorieux sur les lèvres.

Essaye de faire mieux, Daï-Natha.

24 juin 2015

Chapitre 1

Deux mois plus tard.

Elysia entra l’adresse dans la barre du navigateur internet avant d’appuyer sur la touche « Entrée », un sourire se dessinant automatiquement sur ses lèvres. En tant que rédactrice en chef de l’un des plus grands magazines de la ville, plusieurs responsabilités lui incombaient, dont l’évolution de son support média afin de conquérir de nouveaux lecteurs et/ou internautes. Elle avait alors passé plusieurs semaines, avec l’aide de son équipe graphiste, sur l’élaboration d’un site internet digne de ce nom, et aujourd’hui, c’était le grand jour, il était enfin en ligne.

Dire qu’elle était excitée comme une puce aurait été un euphémisme, elle y avait mis tellement d’énergie qu’elle avait encore du mal à réaliser qu’il était enfin terminé et que le résultat final dépassait largement ses plus grandes espérances. Son regard s’arrêta sur le nombre de visites et elle se réjouit de voir qu’en moins d’une heure, il y en avait déjà eu près de dix mille. Ce n’était pas grand-chose, bien loin des milliards que Google pouvait recevoir, par exemple, mais avec la publicité et le bouche-à-oreille, elle savait que le chiffre allait rapidement exploser.

De légers coups contre sa porte la tirèrent de sa contemplation et elle releva la tête pour voir son adjoint exécutif entrer dans son bureau, une tasse de thé entre les mains. Elysia sourit ; Joshua Mason avait non seulement très rapidement compris ses habitudes mais en plus, elle n’avait jamais besoin de se répéter deux fois. Ce qui, pour un poste à responsabilités comme le sien, était définitivement un plus.

— Bonjour Boss.

— Bonjour Josh.

Hmm. Continuons comme ça, et nous finirons par sortir un tube.

— Merci, dit-elle alors qu’il déposait la tasse sur le bureau, à ses côtés. Tu veux entendre la grande nouvelle ? ajouta-t-elle d’une voix tout excitée.

Leurs regards se croisèrent et, de nouveau, il se mit à rougir. Ce qui arrivait de plus en plus ces derniers temps, et c’était encore pire si Elysia se mettait à sourire. Ce qu’elle faisait d’ailleurs à l’instant même tellement elle était euphorique. Le pourquoi de ce comportement restait pour elle un mystère, et sa façon de se balancer d’un pied à l’autre et d’essuyer ses mains sur son jean à plusieurs reprises lui laissait penser qu’il devait abuser de la caféine. Elle avait beau chercher, elle ne voyait pas d’autres explications. Depuis son arrivée ici, c’était la première fois qu’elle voyait quelqu’un agir de la sorte.

Ah non, il y a Luke de la cafétéria aussi. Et Jake qui distribue mon journal chaque matin. Hmm. Bizarre. Il faudrait que je demande à mes collègues femmes si elles ont, elles aussi, à faire face à ce genre de comportement.

— Le site est en ligne ?

— Depuis ce matin, tu veux jeter un œil ?

Le regard de Josh se posa sur l’ordinateur et il hocha frénétiquement la tête. Elysia lui fit signe de faire le tour et de la rejoindre de l’autre côté du bureau pendant qu’elle écartait légèrement son fauteuil pour lui laisser la place.

— Woah c’est génial ! s’exclama-t-il aussitôt pour le plus grand bonheur d’Elysia. Vous avez choisi les couleurs ?

Elle lui donna une petite tape sur le bras.

— Je t’ai déjà dit de me tutoyer, l’admonesta-t-elle dans un sourire afin d’atténuer l’effet de ses propos.

Le premier jour, il l’avait appelé « madame », et Elysia avait bien cru qu’elle allait faire une crise cardiaque. Le « vous » n’arrangeait vraiment pas les choses. Marque de respect ou non, ce terme lui donnait la chair de poule. Elle avait trente-deux ans pour l’amour du ciel, pas cinquante.

— Pardon, bredouilla-t-il. Tu as choisi les couleurs ?

— Oui, et tu vois ça ? Les petites animations là ? répondit Elysia en pointant du doigt les petites touches permettant l’accès aux différentes sections. C’est moi aussi. Cool hein ?

Le sourire qui apparut sur le visage Josh fut digne de celui d’un enfant un soir de Noël, et il n’avait certainement pas conscience de combien cela faisait plaisir à sa patronne.

— C’est génial. Combien de visites jusqu’à présent ?

— Hmm... 8 749 en une heure. Mais avec la publicité et...

— Ça va cartonner. Tu as gardé le même style que pour le magazine, les gens en raffolent, ils tomberont forcément amoureux du site. Les couleurs sont vives mais le tout reste clair, lisible, cohérent. On n’est pas perdu sans savoir où donner de la tête comme cela aurait pu être le risque. Et les animations, c’est vraiment une bonne idée. Elles rappellent l’air magique sur lequel tu as bâti ton succès.

Un immense sourire apparut sur le visage d’Elysia. Elle comptait toujours sur l’avis de Josh parce qu’il était toujours honnête et généreux dans ses réponses et même s’il avait des critiques négatives à apporter, il n’hésitait jamais, et ce même si elle était sa patronne. 

— Merci beaucoup Josh, tu es adorable.

Il rougit de nouveau avant de contourner le bureau et prendre cet air professionnel qui faisait de lui l’assistant parfait qu’il était.

— Tu as une réunion à 10h avec tes chefs de rubriques afin de décider de l'angle des articles du prochain numéro. Puis une autre à 14h avec les dessinateurs. Ensuite...

— Je réserve ma fin d’après-midi pour répondre au courrier des lecteurs.

Josh l’observa un instant avant de noter quelque chose sur son agenda puis le fermer.

— D’accord, parfait. Tu as besoin de quelque chose ?

— Hmm, non... oh si, une autre tasse de thé avant la réunion de 10h.

Josh leva aussitôt les yeux au ciel.

— Accro.

— C’est toujours mieux que d’abuser de la caféine, répondit aussitôt Elysia en lui offrant un regard appuyé.

Josh l’observa, perplexe.

— Surement..., répondit-il d’une voix trainante avant de sourire. Ma drogue, c’est le chocolat chaud, et il n’y a rien de mal là-dedans. Ma maman m’a toujours dit que ça ferait de moi un vrai homme, ajouta-t-il tout en fléchissant ses biceps. Le petit déjeuner des champions !

Elysia lâcha un rire avant de froncer les sourcils une fois qu’il eut quitté la pièce. Si la caféine n’avait rien à voir avec son comportement étrange, qu’est-ce que c’était, alors ?

Bah, je finirai bien par le découvrir. Elle décrocha son téléphone et s’apprêtait à appeler les quelques personnes dont l’aide lui avait été indispensable à la création du site lorsqu’une sensation étrange s’empara d’elle. Un frisson désagréable remonta le long de sa colonne vertébrale pour élire domicile au creux de sa nuque et elle se figea instantanément.

Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose.

Merde. Merde, merde, merde, merde ! La panique s’empara d’elle lorsqu’elle réalisa que, contrairement à ce qu’elle avait présomptueusement pensé, elle n’était pas du tout préparée. Quelque chose avait mal tourné, et si elle ne se bougeait pas les fesses d’ici la seconde suivante, rien n’aura plus d’importance, puisque tout sera terminé.

Et je ne peux pas laisser cela arriver. Hors de question.

Sur terre, ses choix étaient malheureusement limités. La facilité dont elle disposait avant n’était plus, et elle perdit de précieuses minutes avant d’opter pour la seule chose qu’il lui restait : son instinct. Le laissant prendre le dessus, elle sortit en trombe de son bureau et remercia le ciel que le couloir soit désert, l’heure matinale y étant probablement pour quelque chose. Elle arriva rapidement vers les cabines d’ascenseur, pour se rendre compte que sa chance était visiblement de courte durée, puisque toutes étaient occupées.

— Merde. Fait chier, fait chier, fait chier !

N’ayant définitivement pas le temps d’attendre, elle n’eut d’autres choix que de prendre les escaliers et elle courut aussi vite que ses jambes le lui permirent, sa respiration se faisant de plus en plus difficile tandis qu’elle grimpait les marches quatre à quatre.

Bon sang, non, non, non, non ! J’ai pas fait... tout ce chemin... pour que ça se finisse comme ça ! pensa-t-elle intérieurement alors que ses muscles commençaient à la brûler.

La lourde porte en métal lui apparut enfin et elle trouva la force d’accélérer sur les derniers mètres, ouvrant le dernier rempart d’un geste brusque avant de pénétrer sur le toit. Un vent frais vint aussitôt caresser son visage, faisant voler quelques-unes de ses mèches blondes tandis que son regard s’évadait rapidement autour d’elle. Le soleil était déjà haut dans le ciel malgré l’heure matinale, et elle nota la présence d’autres bâtiments qui les entouraient, ainsi que deux personnes légèrement sur la gauche.

Kat ! pensa-t-elle avec soulagement, avant de froncer légèrement les sourcils.

Elle réalisa alors que cette dernière était debout sur le rebord du toit, et qu’elle commençait visiblement à basculer vers l’avant.

Mais ce qui surprit le plus Elysia, ce fut la silhouette qui se trouvait juste derrière elle, et ne faisait absolument rien pour l’arrêter.

Bien au contraire.

💕

Le choc passé, ce fut comme si son corps réagissait de lui-même. Ses jambes se mirent en mouvement et la seconde suivante, sa main agrippait l’arrière de la veste de Kat d’une poigne de fer, juste au milieu du dos, tandis que son autre bras s’enroulait autour de sa taille. Son pied se posa sur le rebord de l’immeuble, et elle tira de toutes ses forces tout en se laissant retomber vers l’arrière.

La chute fut douloureuse. Son dos heurta violemment les gravas recouvrant le sol du toit de l’immeuble, et le corps de Kat retomba à moitié sur le sien un millième de seconde plus tard. L’air quitta aussitôt ses poumons et des étoiles s’illuminèrent devant ses yeux. Puis, quand sa vue s’éclaircit enfin, ce fut pour se retrouver prisonnière d’un regard étrangement familier, mais qui lui donna froid dans le dos.

Entièrement vêtue de noir, un chèche recouvrait sa tête, comme ces peuples Touareg qui sillonnaient ces régions montagneuses du Sahara. Seuls ses yeux étaient visibles, mais ce qui surprit le plus Elysia, c’était l’énergie qui se dégageait d’elle.

Elle lui donna la chair de poule.

Un léger mouvement au-dessus d’elle la poussa cependant à détourner les yeux et elle porta son attention sur Kat, leurs regards se croisant et s’accrochant un long moment. Mon Dieu, elle a des yeux magnifiques, pensa-t-elle malgré elle.

Le silence autour d’elles était pesant, et Elysia eut comme l’impression que le temps venait de s’arrêter.

Jusqu’à ce qu’enfin, elle parvienne à retrouver ses esprits.

— Je… hum… vous allez bien ? balbutia-t-elle malgré elle.

Interdite, Kat la fixa avant de hocher légèrement la tête et Elysia leva brièvement les yeux pour s’apercevoir que la silhouette avait mystérieusement disparu. Surprise, elle regarda rapidement autour d’elles, puis haussa finalement les épaules avant de reporter son attention sur Kat.

— Vous pouvez vous relever ? demanda-t-elle.

La voyant commencer à bouger, Elysia passa un bras dans son dos et l’aida à se redresser.

— Rien de casser ?

— Non, juste…

Kat s’arrêta, réalisant surement combien sa voix était tremblante. Elle se contenta de montrer la main sur laquelle elle s’était appuyée pour amortir sa chute et Elysia remarqua que la peau était légèrement égratignée par endroit et que certaines petites écorchures saignaient.

Elysia retint une grimace et lui offrit un sourire qu’elle voulut rassurant.

— Venez, on va nettoyer ça.

Elle tendit une main pour l’aider à se remettre debout et, voyant ses jambes trembler, elle passa un bras autour de sa taille pour la soutenir. Leurs yeux se croisèrent à nouveau mais aucune d’elles n’osa prononcer le moindre mot, encore bien trop bouleversées par ce qu’il venait de se produire.

Elles descendirent les escaliers dans un silence pesant, Kat se laissant guider. Elysia fut légèrement surprise par la confiance qu’elle lui portait, mais elle se dit que c’était surement le choc qui la poussait à agir ainsi. Lorsqu’elle reprendra ses esprits, sa réaction sera certainement tout autre, je le sais.

Quelques instants plus tard, après avoir longé le couloir et être passées devant un dédale de pièces, elles pénétrèrent enfin dans son bureau où elle s’empressa d’aider Kat à prendre place sur le fauteuil en cuir qu’elle occupait quelques instants plus tôt. Kat porta une main tremblante à son visage et Elysia se retrouva à l’observer bêtement, ne sachant pas par où commencer.

Bon sang, je n’ai pas fait tout ce chemin pour rester muette comme une carpe une fois face à elle, non ? Certes, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle tente de mettre fin à ses jours, aussi,pensa-t-elle sarcastiquement.

Prenant une profonde inspiration, elle se força à dire quelque chose.

— Kat ? appela-t-elle d’une voix douce pour ne pas la surprendre. Je vais… je vais aller chercher ce qu’il faut pour votre main, d’accord ?

Elle attendit un instant mais n’obtint aucune réaction en retour. Alors, après une légère hésitation, elle ressortit finalement dans le couloir. Elle dépassa plusieurs bureaux avant de ralentir le pas lorsqu’elle arriva devant une porte légèrement entrebâillée sur laquelle était inscrit : « Kimberley Leggett — Designer graphiste ». Elle toqua légèrement avant de passer sa tête à l’intérieur, puis d’entrer lorsqu’elle perçut celle qu’elle cherchait ; une jeune femme au look gothique, qui s’était teint les cheveux en rose, arborait un piercing à la fois au nez et à la lèvre inférieure, sans oublier, bien sûr, le chewing-gum qui ne la quittait jamais.

— Hé Kim, appela-t-elle en prenant appui contre son bureau. Dis-moi, tu sais où se trouve la trousse de secours ?

Deux yeux noisette se détachèrent aussitôt de l’écran de l’ordinateur pour se poser sur Elysia.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé, tu t’es coupée tout en coloriant tes petits personnages ? taquina Kim tout en ouvrant le dernier tiroir de son bureau.

Elysia lui tira la langue avant de marmonner « j’aurais préféré ». Elle reprit plus haut :

— Rends-moi service tu veux, appelle la sécurité et demande leur d’aller faire un tour sur le toit. Je crois qu’on a un intrus dans l’immeuble.

— Sérieux ? s’exclama Kim qui lui tendait sa trousse de secours.

Elle décrocha son téléphone.

— Il ressemblait à quoi ?

Elysia se mordit l’intérieur de la joue.

— J’ai pas vu grand-chose, mentit-elle. Il était entièrement vêtu de noir, et il avait une espèce de turban sur la tête.

— Hmm bizarre, répondit Kim, les sourcils froncés de concentration tandis qu’elle composait le numéro. Ça sonne. File, je m’en occupe.

— Merci. Tiens-moi au courant, d’accord ?

Kim hocha la tête d’un air entendu et Elysia regagna son bureau d’un pas rapide, remarquant aussitôt que Kat n’avait pas bougé d’un poil. Même si elle était soulagée qu’elle ne soit pas partie en son absence, son manque de réaction, lui, ne la rassurait pas en tout cas. Elle déposa le kit sur l’un des sièges faisant face au bureau avant de s’approcher et de poser doucement une main sur son épaule. Elle sentit le corps de Kat se tendre aussitôt en réponse avant de se relâcher légèrement. Bon, au moins, elle ne me repousse pas. Enfin, pas encore.

— Je… j’ai trouvé le kit pour… hum..., pour votre main, balbutia-t-elle maladroitement. Vous avez de l’alcool ? ajouta-t-elle soudainement.

— Quoi ?

Kat tourna la tête dans sa direction et l’observa, un air perplexe sur le visage.

— De l’alcool ? Vous en avez sur vous ? répéta Elysia tandis qu’elle soupirait intérieurement d’obtenir enfin une réaction. Allez Kat, je sais que tu ne sors jamais sans ta fiole...

— Qu’est-ce qui vous ferait croire ça ? demanda Kat, passablement irritée.

Ton air de femme fatale avec tes cheveux sombres faussement négligés et ton manteau en cuir ? pensa Elysia, même si elle devait néanmoins admettre que Kat restait malgré tout très féminine et dégageait un charme tout simplement irrésistible. Sa peau était finement bronzée et les traits de son visage assez fins mais ce qui attirait le plus, c’était ses yeux. Deux yeux noisette incroyablement clairs, elle n’en avait jamais vu de semblables. Et bon sang, ils sont encore plus impressionnants vus en vrai.

— Vous en avez l’allure, sourit-elle finalement avant de tendre une main vers l’avant de sa veste. Je peux ?

Kat l’observa, son visage véhiculant la méfiance, avant de finalement hocher imperceptiblement la tête. Il ne lui en fallait pas plus, et Elysia passa aussitôt une main sous sa veste à hauteur de la poitrine et en ressortit une flasque de sa poche intérieur, sur laquelle était gravée une Harley Davidson soulignée de l’inscription « It’s not the destination, it’s the journey ». Elysia prit soin de dévisser le bouchon avant de la lui tendre.

— Tenez, vous en avez besoin.

Kat porta la flasque à ses lèvres et en avala plusieurs gorgées avant de la tendre à Elysia qui secoua aussitôt négativement la tête.

— Non, merci, grimaça-t-elle. Je n’aime pas l’alcool.

Elle s’empara néanmoins de la flasque à nouveau et prit soin de la refermer avant de la reposer à sa place initiale.

— Alors, qu’est-ce qu’une jolie jeune femme comme vous faisait sur le toit de mon immeuble ? demanda-t-elle d’un air absent tandis qu’elle s’emparait de sa main blessée. Les humains ne peuvent pas voler, vous savez.

Le corps de Kat se figea instantanément et Elysia comprit aussitôt qu’elle venait de commettre une erreur en ayant recours à l’humour, se préparant à la voir quitter la pièce et lui dire d’aller se faire voir. Un soupir tremblant lui parvint cependant et elle réalisa que Kat n’avait en aucun cas l’intention d’agir ainsi, mais la vision qui s’offrait à elle du coin de l’œil lui fendit littéralement le cœur. La vue de Kat se brouilla et son visage laissa apparaître un air si triste et si perdu qu’Elysia avait simplement envie de la prendre dans ses bras et de la serrer aussi fort qu’elle le pouvait. 

— Je sais pas, souffla-t-elle enfin. J’étais... j’étais seulement montée souffler un coup, et... et si possible me vider l’esprit... Quand je suis arrivée sur le toit, tout m’est revenu d’un coup. C’était trop fort, j’avais trop mal. Je voulais juste que ça s’arrête… je voulais… juste... que ça s’arrête.

A voir sa réaction, Elysia sut qu’elle allait vraiment mal. Mais ce qui la surprit le plus, c’était que Kat pensait réellement avoir tenté de mettre fin à ses jours. Elysia repensa à la silhouette et elle sentit une colère froide s’emparer d’elle.Elle avait presque failli arriver trop retard, mais une chose était sûre, on ne l’y reprendrait pas une seconde fois.

Mettant ses élucubrations de côté, elle se concentra sur la situation actuelle.

— Kat ?

Cette dernière releva aussitôt la tête et Elysia se retrouva soudainement prisonnière d’un regard chocolat intense, mêlant surprise et appréhension. 

— Comment connaissez-vous mon nom ? demanda-t-elle sur la défensive. Et puis, vous êtes qui au juste ?

Elysia grimaça intérieurement.

— Je m’appelle Elysia. Elysia Sonja Lasheras, répondit-elle en tendant une main que Kat ignora. Je suis la rédactrice en chef du magazine, je pensais que vous le sauriez étant donné que vous m’apportez mon courrier tous les matins, ajouta-t-elle dans un sourire qui se voulut taquin.

Kat ne répondit pas. En réalité, son poste se traduisait par des gestes tellement répétitifs qu’il y avait bien longtemps qu’elle n’avait plus prêté attention à qui faisait quoi, qui occupait quel bureau ou encore à quel visage appartenait quel nom. Tout ce qu’elle faisait, c’était glisser des enveloppes dans des boîtes aux lettres jouxtant des portes de bureau, apporter des cafés, nettoyer les salles de conférences avant et après les réunions et faire des photocopies. Personne ne faisait attention à elle, et elle ne se gênait pas pour rendre la pareille.

— Oh... alors vous vous intéressez à ceux qui se trouvent tout en bas de l’échelle finalement ? Moi qui pensais que vous ne parveniez pas à nous voir depuis votre tour d’ivoire, ironisa-t-elle, sarcastique. Première nouvelle. En général, les rares fois où vous et votre clique daigniez me remarquer, c’est quand vous avez besoin de café ou de photocopies. Si j’avais gagné ne serait-ce qu’un dollar à chaque fois qu’on m’a sorti « et toi là-bas ! », je serais déjà milliardaire. Je ne savais pas que j’avais un nom, finalement.

Elysia fut tellement surprise par la tirade inattendue et acerbe qu’elle ne répondit pas tout de suite. Abasourdie, elle se redressa avec lenteur et prit place dans l’un des fauteuils réservé aux visiteurs, son regard ne quittant pas Kat. Elle avait du mal à croire que ses collègues la traitaient ainsi, seulement Kat n’était pas du genre à mentir, et la colère qui émanait d’elle semblait trop réelle pour être feinte. Mais ce qui surprenait surtout Elysia, c’était de n’avoir rien vu. Comment avait-elle pu louper quelque chose d’aussi gros ? Elle faisait toujours partie des premières arrivées, et était souvent l’une des dernières à partir, elle était constamment présente... comment avait-elle pu ne rien voir ?

Elle soupira intérieurement. Sa mission se montrait beaucoup plus complexe qu’elle ne le pensait. La femme qu’elle avait si longuement observée n’était déjà plus la même depuis son arrivée sur Terre. L'absence de sa Daï-Natha avait profondément affecté Kat et Elysia avait du mal à s’adapter. Elle n’arrivait plus à la lire aussi facilement, n’avait plus aucune maîtrise sur ses réactions. Et elle n’avait certainement pas envisagé que le contexte puisse lui compliquer davantage la tâche.

Elle se racla légèrement la gorge, jugeant important de préciser :

— Je ne vous ai jamais appelé comme ça.

Kat afficha un air surpris et Elysia réalisa que ce n’était pas la réponse à laquelle elle s’était attendue.

Kat haussa les épaules :

— Josh s’occupe de vos besoins, pas vous.

Elysia haussa les sourcils avant de sentir le sang quitter son visage :

— Il... il ne vous appelle quand même pas...

— Il est peut-être l’adjoint exécutif de la rédactrice en chef, il n’en reste pas moins un « assistant »..., répondit Kat dans un sourire dénué d’humour. Même s’il y en a que ça n’arrête pas pour autant. Mais Josh est différent, c’est un bon garçon.

Elysia hocha aussitôt la tête, visiblement soulagée. Elle se redressa soudainement et contourna de nouveau le bureau avant d’en ouvrir le premier tiroir et en sortir une feuille blanche et un stylo.

— Vous allez me faire la liste de tous ceux qui vous ont manqué de respect depuis votre arrivée ici, et de quelle façon cela s’est produit.

Kat haussa aussitôt les sourcils, incrédule :

— Excusez-moi ?

— Vous allez...

Kat remua une main dans les airs :

— J’ai compris, je suis pas sourde. Je peux savoir pourquoi je ferais ça ?

— L’Orlando Comics est un magazine très réputé, mais il est hors de question qu’il bâtisse son succès sur des personnes qui ne savent pas faire la différence en un chien et un employé dévoué. Alors ?

Kat serra les dents. Elle savait pertinemment que le magazine l’avait embauchée parce qu’ils prétendaient donner les mêmes chances à tous, peu importe leur situation personnelle et professionnelle. Elle savait également que c’était en grande partie pour cela qu’elle était constamment prise en grippe par tout le monde. Elle n’était pas une employée. Elle était une moins-que-rien que l’armée avait mis à la porte sans préavis et à qui les services sociaux avaient offert une seconde chance. Mais s’il y avait bien une chose que Kat ne comptait certainement pas laisser passer, c’était d’être perçue comme une victime.

— Je dois partir, j’ai du travail, répondit-elle en se redressant.

Elysia l’observa, abasourdie, avant de se poster juste devant elle lorsqu’elle voulut quitter la pièce. Elle la défia du regard :

— Très bien, allez-y. Mais laissez-moi vous dire que si vous quittez cette pièce sans poser ne serait-ce qu’un nom sur cette feuille, vous ne vaudrez pas mieux qu’eux.

Kat la cloua aussitôt du regard :

— J’ai jamais manqué de respect à quiconque ! gronda-t-elle.

— Non, répondit aussitôt Elysia en soutenant son regard. Mais vous comptez les laisser faire. Qu’est-ce que ça dit de vous, à votre avis ?

Elysia savait qu’elle poussait sa chance, mais si elle voulait aider Kat, elle savait que ses choix étaient limités. Soit elle prenait le taureau par les cornes, soit elle prenait le risque que l’opportunité se présente trop tard pour qu’elle ait réellement le temps de faire quelque chose.

Elles s’observèrent un moment, la tension palpable, avant que le visage d’Elysia ne s’adoucisse.

— Écoutez, que vous le vouliez ou non, vous êtes sous ma responsabilité. C’est mon devoir de m’assurer que vous travaillez dans de bonnes conditions. Alors... vous voulez bien m’aider à faire en sorte que ce soit le cas ?

Kat baissa les yeux vers la feuille avant de soupirer :

— Ils sauront que ça vient de moi. La seule chose que ça va faire, c’est empirer la situation.

Elysia feignit un air blessé :

— Ravie de voir que vous avez confiance en votre supérieur, ironisa-t-elle dans un sourire ; elle se sentait beaucoup plus légère maintenant qu’elle sentait la victoire à portée de main. Je suis désolée, mais vous allez devoir me faire confiance sur ce point, poursuivit-elle en regagnant l’autre côté du bureau. En ce qui vous concerne, vous êtes chargée du courrier. Aux dernières nouvelles, pour les cafés et photocopies, ils ont tous des assistants alors à partir de maintenant, la seule chose que vous avez à faire, c’est de distribuer nos petites enveloppes.

— Vous vous rendez compte que vous demandez l’impossible ?

Elysia remua distraitement une main dans les airs :

— Peut-être, mais en attendant, faites la sourde oreille. Et c’est un ordre, Mlle Harper, ajouta-t-elle dans un sourire en coin. Je peux m’occuper de votre main, maintenant ?  ajouta-t-elle. Parce que vous ne pourrez pas faire grand-chose si vous la laissez dans cet état.

Kat l’observa, visiblement toujours agacée, avant de capituler et poser son bras sur le bureau, permettant ainsi à Elysia de travailler sur sa main sans difficulté.

— Ça risque de piquer un peu, murmura-t-elle avant d’appliquer le désinfectant, les sourcils légèrement froncés de concentration.

Kat grimaça légèrement puis se contenta d’observer chacun de ses gestes d’un air absent. Elysia termina quelques minutes plus tard.

— Voilà, le bandage n’est pas trop serré ? demanda-t-elle en levant les yeux.

— Non, ça va, merci, répondit Kat d’un ton légèrement brusque.

Maintenant que la tension était enfin retombée, elle réalisait pleinement ce qu’elle avait failli faire là-haut, sur ce toit, et elle avait désespérément besoin de se retrouver seule et surtout loin de cette femme qui faisait comme si rien ne s’était passé.

— Pourquoi est-ce que vous faites ça ? reprit-elle soudainement. Par pitié ?

— Par pitié ? s’étonna Elysia, surprise de réaliser combien ce simple mot lui faisait mal.

Elle secoua la tête avant de la rejoindre de l’autre côté du bureau, ouvrant le second tiroir afin d’en sortir une petite carte qu’elle glissa entre les doigts de sa main bandée.

— Passez une bonne journée, mademoiselle Harper.

Elle la regarda une dernière fois droit dans les yeux avant de se retourner pour quitter la pièce.

— Vous connaissez la sortie, lâcha-t-elle par-dessus son épaule.

Kat baissa les yeux vers la carte qu’elle tenait désormais entre ses doigts, notant qu’elle contenait le nom et prénom d’Elysia, ainsi qu’un numéro de fixe et de portable. Elle releva les yeux :

— Qu’est-ce qui vous fait croire que je ne recommencerai pas une fois que vous aurez passé cette porte ?

Elysia s’arrêta aussitôt avant de tourner légèrement la tête, si bien que Kat ne voyait que son profil.

— Si c’est vraiment ce que vous désirez, je n’ai aucun doute sur le fait que vous parviendrez à vos fins un jour ou l’autre. J’ose seulement espérer que vous m’appellerez à la place.

Mais tu n’as jamais voulu sauter, Kat. Et crois-moi, tu ne réussiras que si je te le permets. Il est hors de question que je te laisse tomber. Ça m’est impossible. Nous sommes liées l’une à l’autre d’une façon dont tu n’imagines même pas l’existence.

Elysia lui jeta un dernier coup d’œil puis disparut dans le couloir, une seule et même pensée tournant sans cesse dans son esprit :

Je dois absolument empêcher cette Targa de l’approcher à nouveau.

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