Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
⚢ Fictions lesbiennes ⚥
Mises à jour !

Nouveauté :
  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

Projets en cours :
  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

Publicité
⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

29 juin 2015

Chapitre 3

— Mais démarre bon sang !

Elysia donna un coup contre le volant avant de soupirer et d’y poser sa tête.

Pourquoi fallait-il toujours que ce genre de choses arrive lorsque ça ne devait impérativement pas arriver ? La nuit commençait à tomber, et les possibilités s’offrant à elle étaient plutôt limitées. La batterie de son téléphone était vide, elle n’avait pas la moindre idée d’où elle se trouvait, et il n’y avait rien à des kilomètres à la ronde.

Super. Manquerait plus qu’un serial killer en mal de chair ensanglantée débarque.

Elle regarda aussitôt autour d’elle avant de lever les yeux ciel.

— Génial, et maintenant, je me fous la trouille toute seule, marmonna-t-elle en ouvrant la portière.

Une épaisse fumée noire s'échappant du moteur vint aussitôt l’asphyxier et lui piquer les yeux et elle retourna dans l’habitacle tout en toussotant.

— Et merde, marmonna-t-elle, bien consciente que si Mysa était là, il lui remonterait les bretelles pour son langage si coloré. C’est vraiment, vraiment, vraiment la grosse merde.

Ses mains se posèrent de nouveau sur le volant, et elle réalisa qu’elle n’avait d’autres choix que de continuer à pied. Cette solution fut très loin de la ravir, et c’est dans un profond soupir qu’elle enfila sa veste puis glissa son sac à main sur son épaule. Une fois sûre d’avoir pris tout ce qu’il lui fallait, elle verrouilla la voiture puis commença à s’enfoncer dans la pénombre, ses talons résonnant sur l’asphalte goudronné. Un léger frisson ne mit pas longtemps à la parcourir et elle réalisa qu’elle était très loin d’être rassurée. Qui aurait pu croire qu’il existait des endroits aussi déserts dans une ville aussi grande que celle d’Orlando ?

Après plusieurs minutes de marche, elle remarqua cependant qu’un bâtiment se dessinait un peu plus loin, près de la forêt, et elle relâcha aussitôt un soupir de soulagement.

— Bon, reste plus qu’à espérer que j’y trouve un téléphone, maintenant.

Une vingtaine de minutes plus tard, la chance sembla lui sourire, car c’est chaussures à la main qu’elle arriva devant un garage automobile visiblement ouvert malgré l’heure tardive.

Elle pénétra à l’intérieur du bâtiment et cligna un instant des yeux face à la lumière aveuglante avant de laisser son regard s’évader autour d’elle, le long des différentes rangées d’outils et autres machines.

— Il y a quelqu'un ?

De la musique lui parvint et elle se dirigea vers l’origine du son, le propriétaire du garage devant s’y trouver.

— Excusez-moi... ?

Des bruits de roues glissant sur le sol lui parvinrent et elle vit non pas le, mais la propriétaire du garage sortir la tête de sous une voiture. Leurs regards se croisèrent et elles se figèrent.

Oh merde.

— Donnez-moi deux minutes, je suis à vous tout de suite, lui lança finalement celle qu’Elysia ne s’attendait pas à voir ici avant de replonger sous le capot.

Elysia cligna des yeux avant de regarder autour d’elle. Mais comment avait-elle pu être aussi stupide ? Ce garage était celui dont avait hérité Kat lorsque le meilleur ami de son père était décédé. Il était hors-service, et elle n’y avait pas remis les pieds depuis des années.

Elysia espéra de tout cœur que ce revirement soudain n’était pas une conséquence de plus des agissements de cette stupide Targa. Même si, au fond, cela avait quand même quelque chose de positif ; Kat adorait bricoler sur d’anciennes voitures.

La planche roula à nouveau et Kat se glissa hors du dessous de la Chevrolet pour se diriger vers un évier situé non loin où elle entreprit de se laver les mains.

— Vous avez de la chance, lâcha-t-elle par-dessus son épaule. Le garage est fermé depuis des années.

— Je suppose que oui, sourit faiblement Elysia. Ma voiture est tombée en panne un peu plus loin. J'ai marché jusqu'ici et je suis tombée sur votre garage. Je... j'espérais que vous pourriez m'aider...

Kat s’empara d’un torchon avec lequel elle s’essuya les mains tout en lui faisant face. Son regard se posa sur ses pieds nus avant de remonter le long de sa tenue de soirée et Elysia put voir qu’elle était intriguée, mais elle resta silencieuse.

— Vous êtes garée loin ?

— Ça m’a pris une vingtaine de minutes à pied alors...

Kat hocha la tête avant de l’entrainer vers un pick-up et de lui demander dans quelle direction sa voiture était tombée en panne. L’information fournie, elles se mirent aussitôt en route.

— Vous comptiez quitter la ville ? Ou vous vous êtes simplement perdue ? demanda finalement Kat au bout de quelques minutes.

Ses yeux se promenèrent sur le visage maquillé d’Elysia, sa tenue de soirée, ses pieds nus, pour enfin finir sur ses chaussures à talons qu’elle tenait toujours entre ses mains. Elysia lui offrit un sourire penaud.

— Les deux, répondit-elle. Je devais assister à une soirée organisée par l’Orlando News. Mais c'est pas grave, c’est du genre chiant et prétentieux.

Sa réplique arracha un sourire à Kat et Elysia n’en fut pas peu fière ; elle semblait enfin se détendre.

— Je suis contente de ne pas y avoir été invitée, alors.

— Vous avez bien raison, taquina Elysia, ravie de provoquer un second sourire.

Sa voiture garée sur le bas-côté finit par apparaître sous la lueur des phares du pick-up, et Kat se gara juste en face avant de couper le moteur puis de descendre. Elle attendit qu’Elysia déverrouille la fermeture centralisée puis vint prendre place derrière le volant, tentant sans succès de faire démarrer le véhicule.

— Ça ne semble pas venir de la batterie, murmura-t-elle d’un air absent avant de venir soulever le capot.

Il ne lui fallut que quelques minutes avant de poser un premier diagnostic.

— Ça doit venir de la pompe de gavage, je pense qu’il faut la changer, dit-elle en tournant la tête vers Elysia. Je connais un bon garage pas loin d’ici, je peux leur dire d’envoyer une dépanneuse si vous voulez. À moins que vous n’ayez un garage préféré ?

— Le vôtre ?

Kat s’essuya les mains sur le torchon qu’elle avait glissé dans la poche arrière de son jean tout en se redressant.

— Je vous l’ai dit, il n’est pas ouvert.

— Mais vous l’utilisez quand même, et vous m’avez l’air de bien vous y connaître... si c’est l’argent le problème, ne vous inquiétez pas, je paierai.

Kat sembla hésiter.

— Ça risque de prendre du temps, je vais devoir commander la pièce...

— Pas grave, Josh passera me prendre, c’est pas un problème.

Kat hocha la tête.

— D’accord. Vous voulez que je vous dépose quelque part ? À votre soirée ?

Elysia grimaça :

— Non, et puis, je ne voudrais pas vous déranger. Un coup de fil ne serait pas de refus par contre, la batterie de mon portable est à plat...

Kat lui lança aussitôt son portable :

— Tenez, faites-vous plaisir. Mais puisque je suis ici, je peux aussi bien vous ramener chez vous, vous savez.

Elysia hésita :

— Vous êtes sûre ? Vous sembliez occupée au garage...

Kat referma le capot de la voiture puis se dirigea vers le pick-up.

— Certaine, lâcha-t-elle par-dessus son épaule.

Bon, je crois que la décision est prise. Elysia fila récupérer quelques affaires dans sa voiture puis monta à son tour dans le pick-up de Kat, direction le garage afin qu'elle puisse s'occuper de quelques petits trucs avant de la ramener.

Elles arrivèrent quelques minutes plus tard, et Elysia suivit aussitôt Kat à l’intérieur, prenant place sur l’établi afin de pouvoir l’observer finir de s’affairer sur la Chevrolet.

Elle s’empara d’une clé et la fit tourner entre ses mains.

— Mécano pour une femme, c’est plutôt inhabituel.

Kat haussa les épaules.

— Je dois ça à mon père, il m’a élevée seul et était un fan inconditionnel de mécanique. Je me suis vite retrouvée habillée en garçon manqué avec des traces noires sur les joues et ce, bien avant ma dixième bougie soufflée.

Elysia rit légèrement, Kat était surnommée « la petite sauvageonne » lorsqu’elle était plus jeune.

— Ça ne m’a pas empêché d’être heureuse avec lui, même si ça ne collait pas avec les normes de l’époque.

Elle se tourna légèrement vers Elysia.

— Je parie que vous étiez du genre à piquer les chaussures à talons et le rouge à lèvres de votre mère pour faire semblant d'être « grande ».

— Ah oui, laissez-moi deviner, le genre exact de filles que vous fuyiez à l’époque ? rit Elysia. 

Kat se joignit à elle tout en poursuivant ses manipulations dans le moteur, ses mains virevoltant entre le radiateur, le réservoir et toutes ces choses qui constituaient une voiture.

— Le meilleur ami de mon père était garagiste, expliqua-t-elle. Je me souviens du jour-même où j’ai mis les pieds ici pour la première fois. J’avais sept ans et j’ai su à l’instant même que je voulais devenir comme lui. Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête. Là où la plupart rêvaient d’être médecin, enseignante ou même présidente, moi, je voulais travailler dans ce garage quand j'en aurais l'âge.

— Qu’est-il advenu du rêve de cette petite fille, alors ?

A son regard désolé, Elysia réalisa aussitôt qu’elle venait de faire une boulette.

— Il est resté ce qu’il était ; un rêve, murmura-t-elle avant de refermer le capot dans un bruit sourd. J’ai terminé, je vais pouvoir vous ramener maintenant.

Elysia sauta du plan de travail avant de récupérer ses clés que Kat avait glissées dans la poche arrière de son jean. Kat lui offrit aussitôt un regard mêlant surprise et confusion et elle s’expliqua dans un sourire :

— Parfait, parce que je vous invite à dîner.

Et après un dernier regard, elle se dirigea vers le pick-up.

💕

Elysia détourna son regard de la vitre côté passager, les sourcils froncés :

— Vous n’écoutez jamais lorsque l’on vous donne des directions ? s’exclama-t-elle. J’habite de l’autre côté de la ville.

— Et vous, vous manquez toujours de savoir-vivre ? répondit Kat en jetant un œil dans le rétroviseur central. Si je me souviens bien, vous m’avez poussée derrière le volant et littéralement ordonnée de venir dîner chez vous.

Elysia afficha aussitôt un sourire :

— Et alors ? demanda-t-elle, un sourcil haussé. Ça vous pose un problème ?

— Non, répondit Kat, avant de sourire à son tour. Non, on va juste manger chez moi.

Elysia haussa les sourcils avant de regarder devant elle lorsque Kat gara le véhicule. Elle leva les yeux vers l’immeuble.

— Voleuse d’idées, marmonna-t-elle en croisant les bras sous sa poitrine.

Kat lâcha un rire venant du fond du cœur et Elysia lui tira la langue avant descendre du véhicule.

— J’espère que vous avez faim, je compte nous préparer mon plat préféré.

— Ah ! accusa aussitôt Elysia en la pointant du doigt. C’est pour ça que vous m’avez invitée chez vous ! Tout ça pour pouvoir bénéficier de votre mets favori !

Kat lui fit signe de la suivre tout en faisant mine de réfléchir.

— Il est possible que cette idée m’ait traversé l’esprit, admit-elle malicieusement. Vous venez ?

Elysia la suivit à l’intérieur de l’immeuble, surprise de découvrir combien le hall d’entrée était sombre avant de cligner des yeux face à la lumière aveuglante de l’ascenseur.

— Les néons du hall ne marchent plus depuis une semaine, expliqua Kat en appuyant sur le numéro 12. Et ceux de l’ascenseur sont trop puissants, soupira-t-elle en secouant la tête. Les gens se plaignent, mais les choses mettent du temps à bouger.

— Ce n’est pas très rassurant de se retrouver dans l’obscurité comme ça, répondit Elysia dans un frisson.

Kat se contenta de hausser les épaules, avant d’inviter Elysia à sortir lorsque les portes s’ouvrirent à nouveau. Un long couloir de portes s’étendait devant elles interrompu par de petits renfoncements parsemés de plantes.

— C’est mignon, sourit Elysia en s’approchant d’une.

— Attention, elles sont carnivores.

Surprise, Elysia se recula aussitôt, bousculant Kat au passage qui plaça aussitôt ses mains autour de sa taille pour l’empêcher de tomber. Elysia s’apprêtait à s’excuser, légèrement troublée par le contact inattendu, lorsque le rire de Kat lui fait soudainement comprendre qu’elle venait de se jouer d’elle.

Elle se retourna aussitôt tout en la pointant du doigt.

— Tu vas..., commença-t-elle avant de s’arrêter subitement. Pardon, vous...

— Non, la coupa Kat en secouant légèrement la tête. Le « tu » me vas très bien.

— D’accord, sourit Elysia avant de plisser de nouveau les yeux. Tu vas payer pour ça, Kat. Je serais toi... je ferais très attention.

Kat rit de nouveau avant de s’approcher de la porte portant le numéro 128 et d’y insérer une clé dans la serrure. Après un léger mouvement du poignet, elle s’écarta légèrement et invita Elysia à entrer.

Elysia lui sourit en guise de remerciement et pénétra dans l’antre de Kat qu’elle connaissait déjà aussi bien que le creux de sa propre main. Semblant tout droit sorti d’un décor d’une sitcom américaine, l’appartement de Kat inspirait le confort et l’apaisement avec son sol revêtu d’un parquet flottant assez sombre, ses murs jaunes pâles, et ses fenêtres — recouvertes de stores — suffisamment renfoncées pour permettre de s’assoir sur le rebord et d’observer l’activité incessante de la ville juste en bas.

La porte refermée, Kat récupéra la veste d’Elysia et l’accrocha à l’un des trois porte-manteaux fixés à même le mur avant de lui faire signe de la suivre. Le petit vestibule d’entrée donnait sur le salon et la salle à manger, et Elysia prit aussitôt place sur le canapé en cuir noir tandis que Kat prenait la direction de la cuisine ouverte située juste à droite et uniquement séparée de la pièce par un bar. Le regard d’Elysia se posa sur l’écran plat, puis sur l’immense bibliothèque située juste derrière et elle écarquilla les yeux. C’était encore plus impressionnant vu en vrai.

— Woah, il y en a combien ? demanda-t-elle en désignant les étagères remplies de DVD.

Kat lâcha un léger rire devant son air ahuri et étala sur le bar tout ce dont elle allait avoir besoin pour cuisiner.

— Honnêtement, je n’en ai pas la moindre idée, répondit-elle en sortant une salade verte du réfrigérateur. Ça fait un bon moment que j’ai arrêté de compter. Peut-être… 3 000 ?

— 3 000 ?! s’exclama Elysia avant de venir prendre place sur l’un des hauts tabourets. Woah. Tu n’as jamais pensé à ouvrir ton propre commerce ? taquina-t-elle.

Kat lui sourit tout en commençant à peler un pamplemousse à vif.

— Je suis fan de cinéma, je ne peux pas m’en empêcher, répondit-elle dans un air qu’Elysia lui devina légèrement timide. Tu as soif ?

— Je veux bien un verre d’eau, répondit Elysia en lui volant l’éplucheur des mains et la planche à découper. Occupe-toi du reste, je me charge de la salade, à deux, on ira plus vite. 

— C’est ta façon de me dire que tu es affamée ? rit Kat en sortant deux verres d’un placard situé au-dessus de l’évier. J’ai du sirop... ou du jus d’orange, si tu préfères ?

Elysia haussa les épaules, une légère rougeur recouvrant ses joues.

— Un jus d’orange sera parfait, et non, mentit-elle. On était simplement censées diner chez moi, si je t’aide, on est toutes les deux gagnantes.

Kat secoua la tête, amusée, et déposa deux verres ainsi qu’un bol sur le bar.

— Bien, charge-toi de la salade alors, je m’occupe des crabcakes, dit-elle en s’installant sur un haut tabouret de l’autre côté du bar, face à Elysia.

— Crabcakes ? sourit Elysia en déposant la peau du pamplemousse dans le bol. Qu’est-ce que j’ajoute ?

— Hmm, une fois le pamplemousse complètement pelé et séparé en quartiers, pèle les avocats et découpe les en cubes, de cette taille disons, dit-elle en montrant à l’aide de ses doigts. Ensuite, découpe les cœurs de palmier en rondelles assez épaisses puis effeuille le persil.

Elysia se mordit la lèvre.

— Si j’en oublie un bout en cours de route, je peux crier à l’aide ?

Kat rit avant de hocher la tête.

— Cool, bon, et ensuite ?

— Ensuite, on mélange tout et on arrose de jus de citron et d’huile avant de saler et de poivrer. Je la mettrai au frais le temps que les crabcakes cuisent.

— D’accord, bon eh bien, c’est parti, répondit Elysia tandis qu’elle en salivait d’avance. 

Quelques minutes plus tard, ses quartiers de pamplemousse étaient prêts et elle les déposa dans le saladier avant de s’attaquer aux avocats.

— Je peux te poser une question ? demanda soudainement Kat alors qu’elle émiettait le crabe et y ajoutait des échalotes.

— Je t’en prie, répondit Elysia d’un air absent tandis qu’elle découpait les avocats en petits cubes. 

— Qu’est-ce que tu faisais sur le toit, ce jour-là ?

Elysia s’apprêtait à déposer les petits cubes dans le saladier lorsque sa main s’arrêta subitement. Comment répondre à cette question ? Elle ne pouvait pas lui dire la vérité, elle n’en avait pas le droit, et de toute façon, Kat la prendrait très certainement pour une folle.

Elle se racla légèrement la gorge avant de croiser un regard noisette qui attendait patiemment.

— J’avais envie de prendre l’air, répondit-elle avant d’aller égoutter les cœurs de palmier.

Un léger silence s’installa avant que Kat ne poursuive :

— Pourquoi m’avoir sauvé la vie ?

Elysia ouvrit la boîte un peu plus rapidement qu’elle ne l’aurait voulu, à la fois surprise et incrédule que Kat puisse lui poser une question pareille. Une fois sûre que ses cœurs de palmier n’avaient pas fini sur le sol, ou qu’elle ne s’était pas coupée, elle leva les yeux et remarqua aussitôt que le regard de Kat était concentré sur son mélange de crabe, d’échalotes, de chapelure, d’œufs, de lait, de persil, de jus de citron et d’ail et que ses épaules trahissaient aisément la tension qui l’habite.

— Kat..., commença-t-elle d’une voix douce en regagnant sa place. Je n’allais pas rester sans rien faire et te regarder t’écraser sur le sol.

Kat tiqua visiblement sur ses propos avant de hausser les épaules.

— J’aurais pu t’entraîner dans ma chute malgré moi, répondit-elle en évitant soigneusement le regard d’Elysia. Je me demande juste quel genre de personne peut vouloir risquer sa vie comme ça pour une parfaite inconnue.

Les mains d’Elysia resserrèrent leur emprise sur le rebord du bar et elle dut prendre une profonde inspiration pour ne pas lui lancer la réplique acerbe qu’elle sentait monter en elle.

— Je vais finir par croire que tu es en train de me reprocher de t’avoir sauvé.

Oups, je crois que la réplique acerbe a réussi à se frayer son chemin, finalement. Le corps de Kat se tendit un instant avant qu’elle ne réponde.

— Ce n’est pas ce que j’ai dit, je me demande juste...

— Oui, j’ai très bien compris ce que tu te demandes, coupa Elysia d’un ton plus sec qu’elle ne l’aurait voulu avant de soupirer.

La vérité, c’est qu’elle était incapable de répondre à cette question. Elle lui avait sauvé la vie parce que Kat était la raison de son existence. Du moins, c’est ce qu’elle pensait. Car en tant que Daï-Natha, elle n’en aurait pas eu le pouvoir. Et en tant qu’humaine, elle n’en avait certainement pas le droit.

Mais elle l’avait fait. Parce qu’elle se sentait coupable, responsable. Parce que les Targas avaient enfreint les règles. Parce que ses récentes décisions avaient poussé Kat à cet extrême. Elle ne pouvait pas la laisser mettre fin à ses jours sachant que c’était par sa faute, pas vrai ? Si elle avait été plus prudente, cette Targa n’aurait peut-être pas pu l’approcher de si près...

Elysia se passa une main sur le visage. Plus elle y réfléchissait, plus elle était embrouillée. Les émotions qui la parcouraient l’empêchaient d’y voir clair. Mais, si elle avait été une simple humaine, l’aurait-elle sauvée comme elle avait pu le faire ?

— On mérite tous d’avoir droit à une seconde chance, reprit-elle calmement en découpant les cœurs de palmier.

Elle releva la tête pour plonger son regard dans celui de Kat.

— Si c’était à refaire, je le referais sans aucune hésitation, déclara-t-elle sincèrement avant de s’emparer de son verre de jus d’orange.

Kat l’observa, impassible, avant de reporter son attention sur son hachis.

— Tu n’es pas obligée de me mentir pour me faire plaisir.

Elysia porta une main à sa bouche pour éviter de recracher la gorgée qu’elle venait de prendre. Après quelques toussotements, elle répondit :

— Pardon ? Tu penses d’abord que je te prends en pitié, pour ensuite m’accuser de menteuse ?

Voyant Kat tiquer sur ses propos, elle soupira avant de se passer une main sur le visage.

— Écoute, je ferais mieux de rentrer, dit-elle en descendant du tabouret. Tout ça ne rime à rien. Je ne regretterai jamais ce que j’ai fait, bien au contraire, et si tu as un problème avec ça —

— Non, la coupa Kat avant d’afficher un air contrit.

Elle baissa le regard et tripota nerveusement l’extrémité du bar du bout des doigts.

— Excuse-moi, je ne voulais pas…, commença-t-elle avant de relever la tête, les yeux embués. C’est juste que…, je n’ai aucune idée de pourquoi j’ai voulu faire ça, lâcha-t-elle dans un soupir empli d’agonie.

Elle s’essuya les yeux d’une main irritée avant de lâcher un rire nerveux.

— Et je crois que j’en suis terriblement embarrassée. 

Elysia contourna le bar et posa une main sur la cuisse de Kat.

— Hé, appela-t-elle doucement afin de croiser son regard. Crois-moi, tu n’as pas à être embarrassée avec moi, assura-t-elle en exerçant une légère pression sur son genou. Et pour que les choses soient claires, je ne te l’ai pas dit pour te faire plaisir, mais simplement parce que je le pense.

Kat l’observa un moment avant de hocher la tête.

— Merci, répondit-elle en posant une main sur la sienne.

— De rien, lui répondit Elysia dans un clin d’œil avant de tourner la tête vers son plat. Besoin d’aide pour ça ? J’ai bientôt fini la salade, et je suis affamée.

Elle fut ravie d’entendre Kat rire doucement, et encore plus de sentir ses doigts se resserrer autour des siens avant qu’elle ne se libère.

💕

— Alors ?

Elysia l’observa, les sourcils haussés.

— Alors... quoi ? demanda-t-elle en s’essuyant la bouche à l’aide de sa serviette en papier.

Kat désigna son assiette.

— Le repas, tu as aimé ?

— Oh. Oh oui, la salade était excellente.

Kat haussa les sourcils lorsque rien d’autre ne vint.

— Et les crabcakes ?

Elysia se frotta maladroitement la nuque.

— Eh bien... c’était... hum, tu cuisines souvent ?

Kat cligna des yeux, prise de court par la question soudaine.

— Non... seulement quand j’ai des invités. En général, je me contente de surgelés à passer au micro-ondes, expliqua-t-elle avant de rapidement revenir au sujet en question. Pourquoi, c’était pas bon ?

— Si, si, c’était, hum... délicieux, assura aussitôt Elysia en hochant frénétiquement la tête avant de détourner le regard.

Kat l’observa, les yeux plissés :

— T’es en train de me mentir ? s’étonna-t-elle. 

Elysia se mordit l’intérieur de la joue avant d’afficher un léger sourire.

— Ça dépend, mademoiselle serait-elle sensible en ce qui concerne ses talents culinaires ? taquina-t-elle.

Kat plissa de nouveau les yeux et elle retint difficilement un rire.

— C’est la vengeance pour tout à l’heure, c’est ça ? demanda-t-elle en croisant les bras sous sa poitrine.

Elysia réunit la vaisselle et se dirigea vers la cuisine avant de jeter par-dessus son épaule :

— Peut-être, sourit-elle malicieusement avant de reprendre son sérieux. C’était délicieux Kat, la salade et les crabcakes, promit-elle. Tu devrais cuisiner plus souvent, tu es très douée.

— Merci. Mais j’ai du mal à trouver la motivation quand c’est juste pour moi, répondit Kat en entrant à son tour dans la cuisine. Laisse la vaisselle, je la ferais plus tard. Une glace, ça te dit ? J’ai des pots Ben&Jerry, chocolat, caramel ou vanille.

— Chocolat, répondit aussitôt Elysia tout en se passant la langue sur les lèvres.

Kat récupéra deux cuillères et elles retournèrent prendre place dans le salon, chacune dégustant silencieusement son propre pot pendant plusieurs minutes.

— Kat, reprit finalement Elysia. Pourquoi est-ce que tu travailles chez nous ? Au magazine, je veux dire.

Kat cligna un instant des paupières, surprise par la question inattendue.

— Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? Tu trouves que je fais mal mon travail ?

— Non, bien sûr que non, répondit aussitôt Elysia en secouant la tête. C’est juste que, après ce que j’ai vu ce soir, je n’arrête pas de me demander pourquoi tu passes tes journées à distribuer du courrier quand tu pourrais... vivre de ta passion ? Je veux dire, tu possèdes ton propre garage, et tu ne manques visiblement pas des qualifications requises. Qu’est-ce qui te pousse à rester chez nous ?

Kat haussa les épaules tout en s’essuyant la bouche avec une serviette en papier.

— Ma priorité, c’est de gagner ma vie. Et puis, c’est pas si simple de lancer sa propre boîte, y a tout un tas d’éléments à prendre en considération. J’aime la mécanique, mais la compta ? Pas tellement. Les choses me conviennent comme elles le sont en ce moment.

Elle s’interrompit un instant avant de demander :

— Ce qui s’est passé sur ce toit l’autre jour... tu penses que c’est à cause du boulot ? C’est pour ça que tu me demandes tout ça ?

Elysia se mordit la lèvre.

— Si tu veux réellement une raison, disons que je me sens responsable. Tu n’aurais jamais dû passer ces derniers mois à réaliser ces tâches qui, non seulement étaient ingrates, mais t’étaient incombées par des moins que rien.

— Tu n’es pas celle qui m’a embauchée. Tu ne m’as jamais manqué de respect.

Elysia sourit tristement.

— Je sais, mais ça n’empêche pas le fait que j’aurais dû voir ce qu’il se passait juste sous mon nez. Maintenant, si tu désires rester chargée de courrier, des communications téléphoniques, de la rédaction des comptes-rendus de réunion et j’en passe, sache qu’il n’y a aucun problème avec ça. Au contraire, ça me fait plaisir de savoir que je continuerai à te voir dans les parages.

Kat acquiesça et Elysia tapa des mains, fière d’elle.

— Super ! s’exclama-t-elle, satisfaite, avant de regarder sa montre.

Elle grimaça.

— Il se fait tard. Je devrais rentrer.

Kat hocha légèrement la tête, bien qu’en vérité, elle n’avait aucune envie de se retrouver seule. Elysia dégageait quelque chose de frais, de pétillant qu’elle n’avait pas connu depuis longtemps et elle ne voulait pas s’en passer.

— Je te revois lundi matin, alors ? Tu pourras demander à Josh de te déposer au garage avant si tu veux, ta voiture devrait être prête d’ici là.

— Génial, sourit Elysia. Maintenant, en route, chère kidnappeuse, que je puisse rentrer chez moi.

Kat roula des yeux.

— Ah ces rédac’ chef, tous des petits chefs, feignit-elle de soupirer, un sourire néanmoins présent au coin des lèvres.

  Elysia se contenta de lui taper légèrement sur le bras avant de partir devant, souriant lorsque Kat rit légèrement.

Publicité
Publicité
Commentaires
E
Ah ah !! Ça se précise 😀
Publicité