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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

24 juin 2015

Chapitre 1

Deux mois plus tard.

Elysia entra l’adresse dans la barre du navigateur internet avant d’appuyer sur la touche « Entrée », un sourire se dessinant automatiquement sur ses lèvres. En tant que rédactrice en chef de l’un des plus grands magazines de la ville, plusieurs responsabilités lui incombaient, dont l’évolution de son support média afin de conquérir de nouveaux lecteurs et/ou internautes. Elle avait alors passé plusieurs semaines, avec l’aide de son équipe graphiste, sur l’élaboration d’un site internet digne de ce nom, et aujourd’hui, c’était le grand jour, il était enfin en ligne.

Dire qu’elle était excitée comme une puce aurait été un euphémisme, elle y avait mis tellement d’énergie qu’elle avait encore du mal à réaliser qu’il était enfin terminé et que le résultat final dépassait largement ses plus grandes espérances. Son regard s’arrêta sur le nombre de visites et elle se réjouit de voir qu’en moins d’une heure, il y en avait déjà eu près de dix mille. Ce n’était pas grand-chose, bien loin des milliards que Google pouvait recevoir, par exemple, mais avec la publicité et le bouche-à-oreille, elle savait que le chiffre allait rapidement exploser.

De légers coups contre sa porte la tirèrent de sa contemplation et elle releva la tête pour voir son adjoint exécutif entrer dans son bureau, une tasse de thé entre les mains. Elysia sourit ; Joshua Mason avait non seulement très rapidement compris ses habitudes mais en plus, elle n’avait jamais besoin de se répéter deux fois. Ce qui, pour un poste à responsabilités comme le sien, était définitivement un plus.

— Bonjour Boss.

— Bonjour Josh.

Hmm. Continuons comme ça, et nous finirons par sortir un tube.

— Merci, dit-elle alors qu’il déposait la tasse sur le bureau, à ses côtés. Tu veux entendre la grande nouvelle ? ajouta-t-elle d’une voix tout excitée.

Leurs regards se croisèrent et, de nouveau, il se mit à rougir. Ce qui arrivait de plus en plus ces derniers temps, et c’était encore pire si Elysia se mettait à sourire. Ce qu’elle faisait d’ailleurs à l’instant même tellement elle était euphorique. Le pourquoi de ce comportement restait pour elle un mystère, et sa façon de se balancer d’un pied à l’autre et d’essuyer ses mains sur son jean à plusieurs reprises lui laissait penser qu’il devait abuser de la caféine. Elle avait beau chercher, elle ne voyait pas d’autres explications. Depuis son arrivée ici, c’était la première fois qu’elle voyait quelqu’un agir de la sorte.

Ah non, il y a Luke de la cafétéria aussi. Et Jake qui distribue mon journal chaque matin. Hmm. Bizarre. Il faudrait que je demande à mes collègues femmes si elles ont, elles aussi, à faire face à ce genre de comportement.

— Le site est en ligne ?

— Depuis ce matin, tu veux jeter un œil ?

Le regard de Josh se posa sur l’ordinateur et il hocha frénétiquement la tête. Elysia lui fit signe de faire le tour et de la rejoindre de l’autre côté du bureau pendant qu’elle écartait légèrement son fauteuil pour lui laisser la place.

— Woah c’est génial ! s’exclama-t-il aussitôt pour le plus grand bonheur d’Elysia. Vous avez choisi les couleurs ?

Elle lui donna une petite tape sur le bras.

— Je t’ai déjà dit de me tutoyer, l’admonesta-t-elle dans un sourire afin d’atténuer l’effet de ses propos.

Le premier jour, il l’avait appelé « madame », et Elysia avait bien cru qu’elle allait faire une crise cardiaque. Le « vous » n’arrangeait vraiment pas les choses. Marque de respect ou non, ce terme lui donnait la chair de poule. Elle avait trente-deux ans pour l’amour du ciel, pas cinquante.

— Pardon, bredouilla-t-il. Tu as choisi les couleurs ?

— Oui, et tu vois ça ? Les petites animations là ? répondit Elysia en pointant du doigt les petites touches permettant l’accès aux différentes sections. C’est moi aussi. Cool hein ?

Le sourire qui apparut sur le visage Josh fut digne de celui d’un enfant un soir de Noël, et il n’avait certainement pas conscience de combien cela faisait plaisir à sa patronne.

— C’est génial. Combien de visites jusqu’à présent ?

— Hmm... 8 749 en une heure. Mais avec la publicité et...

— Ça va cartonner. Tu as gardé le même style que pour le magazine, les gens en raffolent, ils tomberont forcément amoureux du site. Les couleurs sont vives mais le tout reste clair, lisible, cohérent. On n’est pas perdu sans savoir où donner de la tête comme cela aurait pu être le risque. Et les animations, c’est vraiment une bonne idée. Elles rappellent l’air magique sur lequel tu as bâti ton succès.

Un immense sourire apparut sur le visage d’Elysia. Elle comptait toujours sur l’avis de Josh parce qu’il était toujours honnête et généreux dans ses réponses et même s’il avait des critiques négatives à apporter, il n’hésitait jamais, et ce même si elle était sa patronne. 

— Merci beaucoup Josh, tu es adorable.

Il rougit de nouveau avant de contourner le bureau et prendre cet air professionnel qui faisait de lui l’assistant parfait qu’il était.

— Tu as une réunion à 10h avec tes chefs de rubriques afin de décider de l'angle des articles du prochain numéro. Puis une autre à 14h avec les dessinateurs. Ensuite...

— Je réserve ma fin d’après-midi pour répondre au courrier des lecteurs.

Josh l’observa un instant avant de noter quelque chose sur son agenda puis le fermer.

— D’accord, parfait. Tu as besoin de quelque chose ?

— Hmm, non... oh si, une autre tasse de thé avant la réunion de 10h.

Josh leva aussitôt les yeux au ciel.

— Accro.

— C’est toujours mieux que d’abuser de la caféine, répondit aussitôt Elysia en lui offrant un regard appuyé.

Josh l’observa, perplexe.

— Surement..., répondit-il d’une voix trainante avant de sourire. Ma drogue, c’est le chocolat chaud, et il n’y a rien de mal là-dedans. Ma maman m’a toujours dit que ça ferait de moi un vrai homme, ajouta-t-il tout en fléchissant ses biceps. Le petit déjeuner des champions !

Elysia lâcha un rire avant de froncer les sourcils une fois qu’il eut quitté la pièce. Si la caféine n’avait rien à voir avec son comportement étrange, qu’est-ce que c’était, alors ?

Bah, je finirai bien par le découvrir. Elle décrocha son téléphone et s’apprêtait à appeler les quelques personnes dont l’aide lui avait été indispensable à la création du site lorsqu’une sensation étrange s’empara d’elle. Un frisson désagréable remonta le long de sa colonne vertébrale pour élire domicile au creux de sa nuque et elle se figea instantanément.

Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose.

Merde. Merde, merde, merde, merde ! La panique s’empara d’elle lorsqu’elle réalisa que, contrairement à ce qu’elle avait présomptueusement pensé, elle n’était pas du tout préparée. Quelque chose avait mal tourné, et si elle ne se bougeait pas les fesses d’ici la seconde suivante, rien n’aura plus d’importance, puisque tout sera terminé.

Et je ne peux pas laisser cela arriver. Hors de question.

Sur terre, ses choix étaient malheureusement limités. La facilité dont elle disposait avant n’était plus, et elle perdit de précieuses minutes avant d’opter pour la seule chose qu’il lui restait : son instinct. Le laissant prendre le dessus, elle sortit en trombe de son bureau et remercia le ciel que le couloir soit désert, l’heure matinale y étant probablement pour quelque chose. Elle arriva rapidement vers les cabines d’ascenseur, pour se rendre compte que sa chance était visiblement de courte durée, puisque toutes étaient occupées.

— Merde. Fait chier, fait chier, fait chier !

N’ayant définitivement pas le temps d’attendre, elle n’eut d’autres choix que de prendre les escaliers et elle courut aussi vite que ses jambes le lui permirent, sa respiration se faisant de plus en plus difficile tandis qu’elle grimpait les marches quatre à quatre.

Bon sang, non, non, non, non ! J’ai pas fait... tout ce chemin... pour que ça se finisse comme ça ! pensa-t-elle intérieurement alors que ses muscles commençaient à la brûler.

La lourde porte en métal lui apparut enfin et elle trouva la force d’accélérer sur les derniers mètres, ouvrant le dernier rempart d’un geste brusque avant de pénétrer sur le toit. Un vent frais vint aussitôt caresser son visage, faisant voler quelques-unes de ses mèches blondes tandis que son regard s’évadait rapidement autour d’elle. Le soleil était déjà haut dans le ciel malgré l’heure matinale, et elle nota la présence d’autres bâtiments qui les entouraient, ainsi que deux personnes légèrement sur la gauche.

Kat ! pensa-t-elle avec soulagement, avant de froncer légèrement les sourcils.

Elle réalisa alors que cette dernière était debout sur le rebord du toit, et qu’elle commençait visiblement à basculer vers l’avant.

Mais ce qui surprit le plus Elysia, ce fut la silhouette qui se trouvait juste derrière elle, et ne faisait absolument rien pour l’arrêter.

Bien au contraire.

💕

Le choc passé, ce fut comme si son corps réagissait de lui-même. Ses jambes se mirent en mouvement et la seconde suivante, sa main agrippait l’arrière de la veste de Kat d’une poigne de fer, juste au milieu du dos, tandis que son autre bras s’enroulait autour de sa taille. Son pied se posa sur le rebord de l’immeuble, et elle tira de toutes ses forces tout en se laissant retomber vers l’arrière.

La chute fut douloureuse. Son dos heurta violemment les gravas recouvrant le sol du toit de l’immeuble, et le corps de Kat retomba à moitié sur le sien un millième de seconde plus tard. L’air quitta aussitôt ses poumons et des étoiles s’illuminèrent devant ses yeux. Puis, quand sa vue s’éclaircit enfin, ce fut pour se retrouver prisonnière d’un regard étrangement familier, mais qui lui donna froid dans le dos.

Entièrement vêtue de noir, un chèche recouvrait sa tête, comme ces peuples Touareg qui sillonnaient ces régions montagneuses du Sahara. Seuls ses yeux étaient visibles, mais ce qui surprit le plus Elysia, c’était l’énergie qui se dégageait d’elle.

Elle lui donna la chair de poule.

Un léger mouvement au-dessus d’elle la poussa cependant à détourner les yeux et elle porta son attention sur Kat, leurs regards se croisant et s’accrochant un long moment. Mon Dieu, elle a des yeux magnifiques, pensa-t-elle malgré elle.

Le silence autour d’elles était pesant, et Elysia eut comme l’impression que le temps venait de s’arrêter.

Jusqu’à ce qu’enfin, elle parvienne à retrouver ses esprits.

— Je… hum… vous allez bien ? balbutia-t-elle malgré elle.

Interdite, Kat la fixa avant de hocher légèrement la tête et Elysia leva brièvement les yeux pour s’apercevoir que la silhouette avait mystérieusement disparu. Surprise, elle regarda rapidement autour d’elles, puis haussa finalement les épaules avant de reporter son attention sur Kat.

— Vous pouvez vous relever ? demanda-t-elle.

La voyant commencer à bouger, Elysia passa un bras dans son dos et l’aida à se redresser.

— Rien de casser ?

— Non, juste…

Kat s’arrêta, réalisant surement combien sa voix était tremblante. Elle se contenta de montrer la main sur laquelle elle s’était appuyée pour amortir sa chute et Elysia remarqua que la peau était légèrement égratignée par endroit et que certaines petites écorchures saignaient.

Elysia retint une grimace et lui offrit un sourire qu’elle voulut rassurant.

— Venez, on va nettoyer ça.

Elle tendit une main pour l’aider à se remettre debout et, voyant ses jambes trembler, elle passa un bras autour de sa taille pour la soutenir. Leurs yeux se croisèrent à nouveau mais aucune d’elles n’osa prononcer le moindre mot, encore bien trop bouleversées par ce qu’il venait de se produire.

Elles descendirent les escaliers dans un silence pesant, Kat se laissant guider. Elysia fut légèrement surprise par la confiance qu’elle lui portait, mais elle se dit que c’était surement le choc qui la poussait à agir ainsi. Lorsqu’elle reprendra ses esprits, sa réaction sera certainement tout autre, je le sais.

Quelques instants plus tard, après avoir longé le couloir et être passées devant un dédale de pièces, elles pénétrèrent enfin dans son bureau où elle s’empressa d’aider Kat à prendre place sur le fauteuil en cuir qu’elle occupait quelques instants plus tôt. Kat porta une main tremblante à son visage et Elysia se retrouva à l’observer bêtement, ne sachant pas par où commencer.

Bon sang, je n’ai pas fait tout ce chemin pour rester muette comme une carpe une fois face à elle, non ? Certes, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle tente de mettre fin à ses jours, aussi,pensa-t-elle sarcastiquement.

Prenant une profonde inspiration, elle se força à dire quelque chose.

— Kat ? appela-t-elle d’une voix douce pour ne pas la surprendre. Je vais… je vais aller chercher ce qu’il faut pour votre main, d’accord ?

Elle attendit un instant mais n’obtint aucune réaction en retour. Alors, après une légère hésitation, elle ressortit finalement dans le couloir. Elle dépassa plusieurs bureaux avant de ralentir le pas lorsqu’elle arriva devant une porte légèrement entrebâillée sur laquelle était inscrit : « Kimberley Leggett — Designer graphiste ». Elle toqua légèrement avant de passer sa tête à l’intérieur, puis d’entrer lorsqu’elle perçut celle qu’elle cherchait ; une jeune femme au look gothique, qui s’était teint les cheveux en rose, arborait un piercing à la fois au nez et à la lèvre inférieure, sans oublier, bien sûr, le chewing-gum qui ne la quittait jamais.

— Hé Kim, appela-t-elle en prenant appui contre son bureau. Dis-moi, tu sais où se trouve la trousse de secours ?

Deux yeux noisette se détachèrent aussitôt de l’écran de l’ordinateur pour se poser sur Elysia.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé, tu t’es coupée tout en coloriant tes petits personnages ? taquina Kim tout en ouvrant le dernier tiroir de son bureau.

Elysia lui tira la langue avant de marmonner « j’aurais préféré ». Elle reprit plus haut :

— Rends-moi service tu veux, appelle la sécurité et demande leur d’aller faire un tour sur le toit. Je crois qu’on a un intrus dans l’immeuble.

— Sérieux ? s’exclama Kim qui lui tendait sa trousse de secours.

Elle décrocha son téléphone.

— Il ressemblait à quoi ?

Elysia se mordit l’intérieur de la joue.

— J’ai pas vu grand-chose, mentit-elle. Il était entièrement vêtu de noir, et il avait une espèce de turban sur la tête.

— Hmm bizarre, répondit Kim, les sourcils froncés de concentration tandis qu’elle composait le numéro. Ça sonne. File, je m’en occupe.

— Merci. Tiens-moi au courant, d’accord ?

Kim hocha la tête d’un air entendu et Elysia regagna son bureau d’un pas rapide, remarquant aussitôt que Kat n’avait pas bougé d’un poil. Même si elle était soulagée qu’elle ne soit pas partie en son absence, son manque de réaction, lui, ne la rassurait pas en tout cas. Elle déposa le kit sur l’un des sièges faisant face au bureau avant de s’approcher et de poser doucement une main sur son épaule. Elle sentit le corps de Kat se tendre aussitôt en réponse avant de se relâcher légèrement. Bon, au moins, elle ne me repousse pas. Enfin, pas encore.

— Je… j’ai trouvé le kit pour… hum..., pour votre main, balbutia-t-elle maladroitement. Vous avez de l’alcool ? ajouta-t-elle soudainement.

— Quoi ?

Kat tourna la tête dans sa direction et l’observa, un air perplexe sur le visage.

— De l’alcool ? Vous en avez sur vous ? répéta Elysia tandis qu’elle soupirait intérieurement d’obtenir enfin une réaction. Allez Kat, je sais que tu ne sors jamais sans ta fiole...

— Qu’est-ce qui vous ferait croire ça ? demanda Kat, passablement irritée.

Ton air de femme fatale avec tes cheveux sombres faussement négligés et ton manteau en cuir ? pensa Elysia, même si elle devait néanmoins admettre que Kat restait malgré tout très féminine et dégageait un charme tout simplement irrésistible. Sa peau était finement bronzée et les traits de son visage assez fins mais ce qui attirait le plus, c’était ses yeux. Deux yeux noisette incroyablement clairs, elle n’en avait jamais vu de semblables. Et bon sang, ils sont encore plus impressionnants vus en vrai.

— Vous en avez l’allure, sourit-elle finalement avant de tendre une main vers l’avant de sa veste. Je peux ?

Kat l’observa, son visage véhiculant la méfiance, avant de finalement hocher imperceptiblement la tête. Il ne lui en fallait pas plus, et Elysia passa aussitôt une main sous sa veste à hauteur de la poitrine et en ressortit une flasque de sa poche intérieur, sur laquelle était gravée une Harley Davidson soulignée de l’inscription « It’s not the destination, it’s the journey ». Elysia prit soin de dévisser le bouchon avant de la lui tendre.

— Tenez, vous en avez besoin.

Kat porta la flasque à ses lèvres et en avala plusieurs gorgées avant de la tendre à Elysia qui secoua aussitôt négativement la tête.

— Non, merci, grimaça-t-elle. Je n’aime pas l’alcool.

Elle s’empara néanmoins de la flasque à nouveau et prit soin de la refermer avant de la reposer à sa place initiale.

— Alors, qu’est-ce qu’une jolie jeune femme comme vous faisait sur le toit de mon immeuble ? demanda-t-elle d’un air absent tandis qu’elle s’emparait de sa main blessée. Les humains ne peuvent pas voler, vous savez.

Le corps de Kat se figea instantanément et Elysia comprit aussitôt qu’elle venait de commettre une erreur en ayant recours à l’humour, se préparant à la voir quitter la pièce et lui dire d’aller se faire voir. Un soupir tremblant lui parvint cependant et elle réalisa que Kat n’avait en aucun cas l’intention d’agir ainsi, mais la vision qui s’offrait à elle du coin de l’œil lui fendit littéralement le cœur. La vue de Kat se brouilla et son visage laissa apparaître un air si triste et si perdu qu’Elysia avait simplement envie de la prendre dans ses bras et de la serrer aussi fort qu’elle le pouvait. 

— Je sais pas, souffla-t-elle enfin. J’étais... j’étais seulement montée souffler un coup, et... et si possible me vider l’esprit... Quand je suis arrivée sur le toit, tout m’est revenu d’un coup. C’était trop fort, j’avais trop mal. Je voulais juste que ça s’arrête… je voulais… juste... que ça s’arrête.

A voir sa réaction, Elysia sut qu’elle allait vraiment mal. Mais ce qui la surprit le plus, c’était que Kat pensait réellement avoir tenté de mettre fin à ses jours. Elysia repensa à la silhouette et elle sentit une colère froide s’emparer d’elle.Elle avait presque failli arriver trop retard, mais une chose était sûre, on ne l’y reprendrait pas une seconde fois.

Mettant ses élucubrations de côté, elle se concentra sur la situation actuelle.

— Kat ?

Cette dernière releva aussitôt la tête et Elysia se retrouva soudainement prisonnière d’un regard chocolat intense, mêlant surprise et appréhension. 

— Comment connaissez-vous mon nom ? demanda-t-elle sur la défensive. Et puis, vous êtes qui au juste ?

Elysia grimaça intérieurement.

— Je m’appelle Elysia. Elysia Sonja Lasheras, répondit-elle en tendant une main que Kat ignora. Je suis la rédactrice en chef du magazine, je pensais que vous le sauriez étant donné que vous m’apportez mon courrier tous les matins, ajouta-t-elle dans un sourire qui se voulut taquin.

Kat ne répondit pas. En réalité, son poste se traduisait par des gestes tellement répétitifs qu’il y avait bien longtemps qu’elle n’avait plus prêté attention à qui faisait quoi, qui occupait quel bureau ou encore à quel visage appartenait quel nom. Tout ce qu’elle faisait, c’était glisser des enveloppes dans des boîtes aux lettres jouxtant des portes de bureau, apporter des cafés, nettoyer les salles de conférences avant et après les réunions et faire des photocopies. Personne ne faisait attention à elle, et elle ne se gênait pas pour rendre la pareille.

— Oh... alors vous vous intéressez à ceux qui se trouvent tout en bas de l’échelle finalement ? Moi qui pensais que vous ne parveniez pas à nous voir depuis votre tour d’ivoire, ironisa-t-elle, sarcastique. Première nouvelle. En général, les rares fois où vous et votre clique daigniez me remarquer, c’est quand vous avez besoin de café ou de photocopies. Si j’avais gagné ne serait-ce qu’un dollar à chaque fois qu’on m’a sorti « et toi là-bas ! », je serais déjà milliardaire. Je ne savais pas que j’avais un nom, finalement.

Elysia fut tellement surprise par la tirade inattendue et acerbe qu’elle ne répondit pas tout de suite. Abasourdie, elle se redressa avec lenteur et prit place dans l’un des fauteuils réservé aux visiteurs, son regard ne quittant pas Kat. Elle avait du mal à croire que ses collègues la traitaient ainsi, seulement Kat n’était pas du genre à mentir, et la colère qui émanait d’elle semblait trop réelle pour être feinte. Mais ce qui surprenait surtout Elysia, c’était de n’avoir rien vu. Comment avait-elle pu louper quelque chose d’aussi gros ? Elle faisait toujours partie des premières arrivées, et était souvent l’une des dernières à partir, elle était constamment présente... comment avait-elle pu ne rien voir ?

Elle soupira intérieurement. Sa mission se montrait beaucoup plus complexe qu’elle ne le pensait. La femme qu’elle avait si longuement observée n’était déjà plus la même depuis son arrivée sur Terre. L'absence de sa Daï-Natha avait profondément affecté Kat et Elysia avait du mal à s’adapter. Elle n’arrivait plus à la lire aussi facilement, n’avait plus aucune maîtrise sur ses réactions. Et elle n’avait certainement pas envisagé que le contexte puisse lui compliquer davantage la tâche.

Elle se racla légèrement la gorge, jugeant important de préciser :

— Je ne vous ai jamais appelé comme ça.

Kat afficha un air surpris et Elysia réalisa que ce n’était pas la réponse à laquelle elle s’était attendue.

Kat haussa les épaules :

— Josh s’occupe de vos besoins, pas vous.

Elysia haussa les sourcils avant de sentir le sang quitter son visage :

— Il... il ne vous appelle quand même pas...

— Il est peut-être l’adjoint exécutif de la rédactrice en chef, il n’en reste pas moins un « assistant »..., répondit Kat dans un sourire dénué d’humour. Même s’il y en a que ça n’arrête pas pour autant. Mais Josh est différent, c’est un bon garçon.

Elysia hocha aussitôt la tête, visiblement soulagée. Elle se redressa soudainement et contourna de nouveau le bureau avant d’en ouvrir le premier tiroir et en sortir une feuille blanche et un stylo.

— Vous allez me faire la liste de tous ceux qui vous ont manqué de respect depuis votre arrivée ici, et de quelle façon cela s’est produit.

Kat haussa aussitôt les sourcils, incrédule :

— Excusez-moi ?

— Vous allez...

Kat remua une main dans les airs :

— J’ai compris, je suis pas sourde. Je peux savoir pourquoi je ferais ça ?

— L’Orlando Comics est un magazine très réputé, mais il est hors de question qu’il bâtisse son succès sur des personnes qui ne savent pas faire la différence en un chien et un employé dévoué. Alors ?

Kat serra les dents. Elle savait pertinemment que le magazine l’avait embauchée parce qu’ils prétendaient donner les mêmes chances à tous, peu importe leur situation personnelle et professionnelle. Elle savait également que c’était en grande partie pour cela qu’elle était constamment prise en grippe par tout le monde. Elle n’était pas une employée. Elle était une moins-que-rien que l’armée avait mis à la porte sans préavis et à qui les services sociaux avaient offert une seconde chance. Mais s’il y avait bien une chose que Kat ne comptait certainement pas laisser passer, c’était d’être perçue comme une victime.

— Je dois partir, j’ai du travail, répondit-elle en se redressant.

Elysia l’observa, abasourdie, avant de se poster juste devant elle lorsqu’elle voulut quitter la pièce. Elle la défia du regard :

— Très bien, allez-y. Mais laissez-moi vous dire que si vous quittez cette pièce sans poser ne serait-ce qu’un nom sur cette feuille, vous ne vaudrez pas mieux qu’eux.

Kat la cloua aussitôt du regard :

— J’ai jamais manqué de respect à quiconque ! gronda-t-elle.

— Non, répondit aussitôt Elysia en soutenant son regard. Mais vous comptez les laisser faire. Qu’est-ce que ça dit de vous, à votre avis ?

Elysia savait qu’elle poussait sa chance, mais si elle voulait aider Kat, elle savait que ses choix étaient limités. Soit elle prenait le taureau par les cornes, soit elle prenait le risque que l’opportunité se présente trop tard pour qu’elle ait réellement le temps de faire quelque chose.

Elles s’observèrent un moment, la tension palpable, avant que le visage d’Elysia ne s’adoucisse.

— Écoutez, que vous le vouliez ou non, vous êtes sous ma responsabilité. C’est mon devoir de m’assurer que vous travaillez dans de bonnes conditions. Alors... vous voulez bien m’aider à faire en sorte que ce soit le cas ?

Kat baissa les yeux vers la feuille avant de soupirer :

— Ils sauront que ça vient de moi. La seule chose que ça va faire, c’est empirer la situation.

Elysia feignit un air blessé :

— Ravie de voir que vous avez confiance en votre supérieur, ironisa-t-elle dans un sourire ; elle se sentait beaucoup plus légère maintenant qu’elle sentait la victoire à portée de main. Je suis désolée, mais vous allez devoir me faire confiance sur ce point, poursuivit-elle en regagnant l’autre côté du bureau. En ce qui vous concerne, vous êtes chargée du courrier. Aux dernières nouvelles, pour les cafés et photocopies, ils ont tous des assistants alors à partir de maintenant, la seule chose que vous avez à faire, c’est de distribuer nos petites enveloppes.

— Vous vous rendez compte que vous demandez l’impossible ?

Elysia remua distraitement une main dans les airs :

— Peut-être, mais en attendant, faites la sourde oreille. Et c’est un ordre, Mlle Harper, ajouta-t-elle dans un sourire en coin. Je peux m’occuper de votre main, maintenant ?  ajouta-t-elle. Parce que vous ne pourrez pas faire grand-chose si vous la laissez dans cet état.

Kat l’observa, visiblement toujours agacée, avant de capituler et poser son bras sur le bureau, permettant ainsi à Elysia de travailler sur sa main sans difficulté.

— Ça risque de piquer un peu, murmura-t-elle avant d’appliquer le désinfectant, les sourcils légèrement froncés de concentration.

Kat grimaça légèrement puis se contenta d’observer chacun de ses gestes d’un air absent. Elysia termina quelques minutes plus tard.

— Voilà, le bandage n’est pas trop serré ? demanda-t-elle en levant les yeux.

— Non, ça va, merci, répondit Kat d’un ton légèrement brusque.

Maintenant que la tension était enfin retombée, elle réalisait pleinement ce qu’elle avait failli faire là-haut, sur ce toit, et elle avait désespérément besoin de se retrouver seule et surtout loin de cette femme qui faisait comme si rien ne s’était passé.

— Pourquoi est-ce que vous faites ça ? reprit-elle soudainement. Par pitié ?

— Par pitié ? s’étonna Elysia, surprise de réaliser combien ce simple mot lui faisait mal.

Elle secoua la tête avant de la rejoindre de l’autre côté du bureau, ouvrant le second tiroir afin d’en sortir une petite carte qu’elle glissa entre les doigts de sa main bandée.

— Passez une bonne journée, mademoiselle Harper.

Elle la regarda une dernière fois droit dans les yeux avant de se retourner pour quitter la pièce.

— Vous connaissez la sortie, lâcha-t-elle par-dessus son épaule.

Kat baissa les yeux vers la carte qu’elle tenait désormais entre ses doigts, notant qu’elle contenait le nom et prénom d’Elysia, ainsi qu’un numéro de fixe et de portable. Elle releva les yeux :

— Qu’est-ce qui vous fait croire que je ne recommencerai pas une fois que vous aurez passé cette porte ?

Elysia s’arrêta aussitôt avant de tourner légèrement la tête, si bien que Kat ne voyait que son profil.

— Si c’est vraiment ce que vous désirez, je n’ai aucun doute sur le fait que vous parviendrez à vos fins un jour ou l’autre. J’ose seulement espérer que vous m’appellerez à la place.

Mais tu n’as jamais voulu sauter, Kat. Et crois-moi, tu ne réussiras que si je te le permets. Il est hors de question que je te laisse tomber. Ça m’est impossible. Nous sommes liées l’une à l’autre d’une façon dont tu n’imagines même pas l’existence.

Elysia lui jeta un dernier coup d’œil puis disparut dans le couloir, une seule et même pensée tournant sans cesse dans son esprit :

Je dois absolument empêcher cette Targa de l’approcher à nouveau.

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Commentaires
M
Je suppose que tu fais référence à La Triade (oui, démons maléfiques !). :)
K
Eh bien, pour tout te dire, le début du récit, avec le Conseil ? Ça c'est inspiré de Charmed :D Mais il me semble que dans la série, c'était un conseil maléfique... Alors il est possible que les Daï-Natha m'aient aussi été inspirés par la série ;)
M
Mais de rien ! :)<br /> <br /> C'était ma série préférée à une époque et j'ai une bonne mémoire. Alors j'ai pas pu m'empêcher de faire un parallèle. Les Daï-Natha me font penser aux êtres de lumière. :)
M
Super premier chapitre ! <br /> <br /> Est-ce que Elysia ne serait pas l'ange gardien de Kat venue sur Terre pour mieux la protéger ? Et le méchant qui voulait faire sauter Kat serait ... l'inverse d'un ange gardien...<br /> <br /> La situation m'a fait penser à un épisode de Charmed où un démon manipule une femme pour la pousser à se suicider.<br /> <br /> Bref ... chouette chapitre ! Et j'adore ta plume ! :D
I
Salut, <br /> <br /> Un début très prometteur ! J'attend la suite avec impatience ! :D
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