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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

1 septembre 2011

Chapitre 9

Vendredi 05 décembre 2003.

La joue en appui sur son poing, Emma tentait tant bien que mal de déchiffrer ce que son professeur de maths, monsieur Tendyl, pouvait bien être en train de raconter sur le calcul des limites.

Un flot d’informations, véhiculé sous la forme d’explications interminables, s’échappait de ses lèvres en un rythme continu depuis vingt minutes déjà et elle ne put s’empêcher de penser qu’il parlerait Chinois, cela reviendrait très probablement à la même chose la concernant.

Un rapide coup d’œil alentour apprit cependant à Emma qu’elle n’était visiblement pas la seule à trouver le cours soporifique vu les quelques élèves à moitié avachis sur leur pupitre et elle trouva la nouvelle étrangement rassurante.

Kate allait de toute façon l’aider à revoir ce chapitre plus en détail, et lorsqu’elle réalisa qu’il ne restait qu’une vingtaine de minutes avant la fin du cours, elle décida de décrocher et ouvrit son agenda à la place.

Un sourire se dessina aussitôt sur ses lèvres lorsqu’elle s'arrêta sur la date du jour : 03 décembre 2003, et elle réalisa avec une certaine euphorie qu’ils étaient déjà au mois de décembre. Le premier semestre arrivait donc à sa fin mais il apportait surtout avec lui les vacances de Noël.

Elle allait enfin retourner à la maison.

En ce qui concernait les résultats, elle était assez confiante ; elle travaillait sérieusement, et avec Kate, elles n’hésitaient pas à se donner un coup de main quand le besoin s’en faisait ressentir. Sa colocataire étant en filière scientifique, elle l’aidait principalement pour les mathématiques tandis qu’Emma l’assistait pour les matières littéraires.

Un nouveau sourire se dessina sur ses lèvres. Kate. Elles avaient développé une profonde amitié au fil des dernières semaines et Emma devait bien avouer qu’elle chérissait de plus en plus les moments qu’elles passaient ensemble. Les longues soirées à discuter de tout et de rien, à partager les souvenirs et rêves d’enfance, les projets futurs. Et puis il y avait tous ces petits rituels qui s’étaient progressivement mis en place et auxquels elle tenait beaucoup, comme le fait qu’elles cuisinaient et prenaient toujours leurs repas ensemble, lorsqu’elles regardaient la télévision, ou bien lorsqu’elles allaient courir chaque matin avant d’aller en cours. Des choses ordinaires mais dont le simple fait de les partager avec quelqu’un faisait toute la différence.

La sonnerie indiquant la fin des cours retentit finalement au-dessus d’elle et Emma rangea ses affaires afin de regagner l’appartement en vitesse, sa journée de cours étant terminée. A l’extérieur, le froid glacial la poussa à resserrer sa veste autour de son corps, et lorsqu’elle jeta un regard vers le ciel, elle ne put s’empêcher une fois de plus d’espérer qu’il neige. De tous les jours de l’année, Noël était celui qu’elle préférait le plus, parce qu’elle y retrouvait toujours son âme d’enfant et elle adorait ça.

Arrivée au bâtiment des dortoirs, elle monta les marches deux par deux afin de regagner le troisième étage, et manqua presque de faire demi-tour lorsqu’une silhouette désormais familière apparut juste en face d’elle, à l’autre bout du couloir.

Mais qu’est-ce qu’elle fabrique ici ? se demanda Emma, sachant pertinemment que la chambre de Cassie se trouvait à l’étage inférieur, juste au-dessus de celui des garçons.

Elle fut encore plus intriguée lorsqu’elle la vit glisser quelques feuilles sous le pas de la porte devant laquelle elle se trouvait.

– Subordination hiérarchique, ça me donne le droit de faire tout ce que je veux de chacun d’entre vous, taquina soudainement la voix derrière elle.

Emma sursauta légèrement avant de lever les yeux vers un regard noisette presque aussi semblable à celui qu’elle connaissait désormais par cœur.

– On a besoin de savoir qui rentre et qui ne rentre pas pour les vacances de Noël, elle me rend service, précisa Eva avant de tendre une main afin de lui faire signe d’avancer. Ça faisait un moment que je ne t’avais pas vu, en tout cas. Comment s’est passé ce premier semestre ?

– C’est allé, répondit Emma tandis qu’elle faisait en sorte de garder Cassie dans son champ de vision. J’avais quelques difficultés en maths mais ça va mieux depuis que Kate – enfin Katherine, a proposé de m’aider. 

Eva afficha un sourire :

– Tant mieux. J’en conclus que la colocation se passe bien alors ?

– Parfaitement bien, sourit aussitôt Emma. On s’est pas encore disputée sur qui n’a pas refermé le tube de dentifrice alors j’imagine que c’est plutôt bon signe.

Eva haussa les sourcils, surprise par la plaisanterie inattendue, avant d’éclater de rire :

– Oh oui Emma, c’est plutôt très bon signe même, sourit-elle une fois calmée, afin de faire un signe en direction de Cassie. Tu sais si tu rentres ou non pour Noël ?

Emma se figea aussitôt lorsqu’elle vit Cassie s’approcher et elle l’observa d’un mauvais œil avant de reporter son attention sur Eva :

– Je rentre.

– Je m’en doutais, ta maman va être contente, répondit aussitôt Eva dans un clin d’œil avant de tourner la tête vers Cassie lorsqu’elle fut arrivée à leur hauteur. Ah, voilà celle sans qui je me demande sérieusement ce que je ferais, j’ai nommé mon indétrônable servante, taquina-t-elle. J’aurais besoin d’un formulaire pour la demoiselle, et un autre pour sa colocataire.

Cassie afficha un faible sourire avant de tendre les papiers en direction d’Emma, et cette dernière hésita avant de tendre une main. Vu le regard dénué d’émotion que Cassie lui lançait, Emma s’attendait sincèrement à ce qu’elle relâche sa prise sur les formulaires avant même qu’elle n’ait eu le temps de les attraper.

Heureusement pour elle, elle n’en fit rien.

– Merci, répondit-elle d’un ton neutre avant de les caler sous son bras et partir à la recherche de ses clés.

– De rien, Emma, rétorqua Cassie, l’observant un instant de la tête aux pieds avant de s’éloigner le long du couloir. A toute à l’heure Eva ! lâcha-t-elle par-dessus son épaule.

Eva ? Visiblement, Cassie avait su se mettre la surveillante principale dans la poche vu le sourire et le léger signe de la main que cette dernière lui lançait, et Emma ressentit soudainement le besoin de s’éloigner de sa présence, même si elle devait bien s’admettre que ça sonnait très « les amis des amis de mes ennemis sont mes ennemis ».

Seulement, en ce qui concernait Cassie, elle ne voulait prendre aucune chance.

– Je ferais mieux de rentrer, déclara-t-elle finalement en désignant la porte de son appartement.

Eva l’observa, intriguée, avant de hocher la tête.

– Bien sûr, répondit-elle, un sourire sur les lèvres. Je ne te retiens pas plus longtemps alors. Bonne fin de journée Emma.

Emma hocha la tête d’un air entendu avant d’insérer la clé dans la serrure puis ouvrir la porte, ignorant le regard concerné qu’elle pouvait encore sentir sur elle.

💕

– Ta journée s’est bien passée ?

Emma se contenta de hausser les épaules avant de s’étaler de tout son long sur son lit, un profond soupir s’échappant de ses lèvres.

– C’est allé. Et toi ?

– Idem, répondit Kate, avant de lever les yeux de son ordinateur. T’avais maths aujourd’hui, non ?

Emma afficha son premier sourire depuis sa rencontre non désirée avec Cassie et elle hocha la tête :

– C’était sur les limites, j’ai rien compris.

Kate lâcha un léger rire :

– Je dois finir ça, j’en ai pour cinq minutes. On s’y met après si tu veux ?

– O.K., acquiesça Emma, se tournant légèrement de côté afin de pouvoir l’observer.

Elle laissa le silence s’installer autour d’elle un instant, les touches du clavier de Kate émettant un bruit étrangement réconfortant, avant de demander :

– Dis Kate, je suis sûre que je t’apprends rien en te disant que nous sommes déjà au mois de décembre.

La réponse lui vint, l’air absent :

– En effet.

– Et que dans vingt jours, ce sera une date importante.

– En effet, à moins que le calendrier n’ait changé cette année.

Emma lâcha un léger rire :

– Huh, ouais. Et que, hmm, il y a un évènement tout particulier qui aurait lieu ce jour-là.

Kate afficha un sourire avant de tourner la tête dans sa direction :

– Et tu veux en venir où, exactement ?

– Je sais pas, répondit Emma en haussant les épaules. Je me demandais juste, qu’est-ce que tu fais pour Noël ?

Kate reporta son attention sur l’écran, tapant quelques mots avant de répondre :

– Je ne sais pas. Je vais surement aller chez ma tante. Ou rester ici.

– Rester ici ? s’exclama aussitôt Emma en se redressant. Mais tu ne peux pas rester ici !

Kate haussa un sourcil, surprise par sa réaction soudaine :

– Et pourquoi ça ?

– C’est Noël, tu ne peux pas être seule le jour de Noël.

Un rire désabusé accompagna la réponse :

– Ça ne changera pas de d’habitude, tu sais. 

Emma grimaça intérieurement. Plus le temps passait, plus elle réalisait à quel point l’enfance de Kate avait été différente de la sienne. Non pas qu’elle ne le savait pas, Kate le lui avait raconté, et ce à plusieurs reprises, mais Emma s’en rendait surtout compte dans la vie de tous les jours. Les choix de ses parents avaient eu des conséquences bien souvent négatives sur elle, comme la priver de choses simples mais tellement importantes aux yeux d’Emma. Ces personnes sont vraiment des monstres.

– Eh bien… tu pourrais venir chez moi, proposa-t-elle enfin tout en tripotant nerveusement le couvre lit de ses doigts.

Kate la regarda un instant avant de poser son ordinateur et venir prendre place à ses côtés, sur son lit. Emma faisait preuve d’une timidité soudaine et elle devait bien s’avouer qu’elle la trouvait touchante, presque autant que la proposition qu’elle venait de lui faire.

Posant ses mains sur les siennes, elle attendit de croiser son regard avant de répondre :

– C’est très gentil de ta part Emma, mais ne te sens pas obligée de m’inviter parce que tu sais que je serais ici sinon.

– Non, ça n’a rien à voir avec ça, l’assura aussitôt Emma. Bon d’accord, peut-être un peu, reprit-elle devant l’air sceptique de Kate. Mais je le fais surtout parce que tu es mon amie et que j’en ai envie.

– Vraiment ?

Emma hocha frénétiquement la tête.

– Alors ? s’enquit-elle, un sourcil haussé.

– Je ne sais pas, je n’ai pas envie de m’imposer…

– Kate, je t’invite, tu ne t’imposes pas, répondit Emma en lui offrant un regard appuyé. Allez, dis oui, s’il te plaît, supplia-t-elle avant d’opter pour son air de chien battu lorsqu’elle vit Kate hésiter.

Kate retint difficilement un rire avant de finalement hocher la tête :

– D’accord. Mais c’est uniquement parce que je ne peux pas résister quand tu me fais cette tête-là.

– C’est bon à savoir, sourit aussitôt Emma, taquine, avant de sauter du lit. Laisse-moi prévenir ma mère.

– Tu m’invites avant de lui demander la permission ? s’étonna Kate.

Emma remua aussitôt une main dans les airs :

– Non, elle est déjà au courant, répondit-elle en s’emparant du téléphone fixé au mur. Enfin, c’est elle-même qui m’a dit que tu étais la bienvenue à la maison quand je lui ai dit qu’on s’entendait bien. J’ai plus qu’à la prévenir que tu as dit oui.

Oh. Kate se contenta de hocher la tête, un air entendu sur le visage. Elle s’apprêtait à regagner son lit lorsqu’elle vit Emma s’interrompre et lui faire de nouveau face, un air d’excuse sur le visage.

– Par contre, on n’est pas croyant alors la messe de minuit le jour de Noël ben… euh…

Kate lâcha un rire :

– C’est pas grave, t’inquiète pas, et je l’avais bien remarqué de toute façon.

– Hein ? s’exclama aussitôt Emma, l’air confus. Comment ça ?

Kate lui offrit aussitôt un air appuyé :

– Emma, je t’en prie, tu fais la grimace à chaque fois qu’on approche de l’église, sans compter les coups de coude que je suis obligée de te donner pour t’indiquer quand on doit se lever ou non.

Emma eut la décence de rougir et elle se frotta maladroitement la joue avant de répondre :

– Ah, oui, c’est vrai. Eh bien, tu pourras toujours la voir à la télé sinon, ça te va ?

– C’est parfait, la rassura aussitôt Kate avant de légèrement pencher la tête sur le côté. Ça t’est difficile, hein ? 

Emma lui offrit aussitôt un air confus :

– Quoi ?

– Le côté religieux de l’établissement.

– Oh. Eh bien, je ne suis pas croyante alors...

– C’est si difficile que ça à supporter ?

Emma soupira :

– Kate... on ne devrait vraiment pas se lancer dans ce genre de conversation.

Kate haussa aussitôt les sourcils :

– Et pourquoi ça ?

– Parce que tu es catholique, et moi agnostique, on va forcément avoir un point de vue différent. Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée de se lancer là-dedans.

– Et être catholique ne veut pas dire être stupide ou incapable de s’intéresser à une opinion différente de la sienne, répondit aussitôt Kate d’un ton blessé.

Prise de court, Emma resta un instant interdite avant de regagner sa place sur le lit et prendre la main de Kate dans la sienne :

– Kate non, je ne voulais pas dire ça, s’excusa-t-elle sincèrement. C’est juste que…

Elle s’interrompit, puis leva les mains avant de les faire retomber sur ses cuisses. Oh et puis zut, autant se lancer.

– Bon, tu sais ce que je pense ? Je pense que les institutions ecclésiastiques ont pour seul but d’être gardiennes d’un modèle sociétal et d’empêcher toute différence. La religion n’est qu’hypocrisie et la seule chose que ça apporte, c’est de la tristesse, de la peur et du chagrin. C’est ce que Dieu, s’il existe, souhaite pour ceux qui l’aiment ?

Elle secoua la tête :

– Je pense que des concepts qui n'évoluent pas sont des concepts morts, n'apportant rien de positif à l'humanité. Regarde, même en prenant la Bible au sérieux, comment peut-on dire que ces écrits restent toujours valables en 2003 ? Prenons le Lévitique, il date de quand d’ailleurs ? 500, 600 avant J-C ?

Kate qui s’était retrouvée interdite, simplement assise là à écouter son monologue, sortit péniblement de sa torpeur. Bon sang, si je m’étais attendue à ça !

– Euh, oui, c’est ça, balbutia-t-elle enfin. 500 avant J-C, environ.

– Bien, prenons un exemple…

Emma réfléchit un instant avant de lever les yeux vers son bureau :

– Ah, je sais.

Elle se leva et se dirigea vers son ordinateur, un pc portable fourni par La Lumeda à chaque étudiant lors de son entrée dans la pension et, qui possédait des logiciels de pointe ne permettant qu’une utilisation purement scolaire, l’accès à de nombreux sites internet étant interdit et la navigation constamment contrôlée. Big Brother n’est vraiment pas loin, avait-elle pensé lors de sa première utilisation.

Elle laissa ses doigts courir sur le clavier puis hocha la tête d’un air entendu après avoir trouvé ce qu’elle cherchait.

– Voilà, dit-elle en faisant de nouveau face à Kate. "Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable; ils seront punis de mort: leur sang retombera sur eux" (Lv 20:13).

Même si Kate le masqua très vite, Emma la vit néanmoins tiquer sur la citation et elle grimaça intérieurement. L’homosexualité n’était peut-être pas le meilleur exemple à donner

Elle se racla maladroitement la gorge puis continua sur sa lancée :

– Prenons le contexte social, culturel et politique dans lequel le Lévitique est apparu. Il a été façonné par deux évènements. Le premier a été l’exil à Babylone de la haute classe d’Israël ; la royauté, les officiels d’état, les prêtres, les officiers de l’armée, et les artisans. Le second a été la décision prise par le roi Cyrus quelques années plus tard de permettre à ces leaders de retourner dans leur pays. Sa stratégie était de stabiliser son vaste empire en donnant aux peuples conquis une autonomie considérable dans leur vie culturelle propre et leur vie religieuse, tout en les maintenant dépendants politiquement.

– Attends, l’interrompit Kate. Tu as lu la Bible ? Et puis comment est-ce que tu sais tout ça ? demanda-t-elle, incrédule.

Emma lui répondit, le regard malicieux :

– Etre agnostique ne veut pas dire être stupide ou incapable de s’intéresser à une opinion différente de la sienne.

Sa réplique arracha un sourire à Kate et elle poursuivit :

– J’ai lu la Bible, et me suis intéressée à quelques écrits parus autour de ça, expliqua-t-elle avant d’affiche un fier sourire. Sans compter que j’ai une très bonne mémoire.

– D’accord, d’accord, rit Kate. Je t’en prie, continue.

– A leur retour au pays, les chefs israélites ont trouvé des villages détruits, Jérusalem et le Temple largement en ruine et des gens dans la pauvreté. Beaucoup d’étrangers étaient entrés dans le pays et s’étaient mariés avec les israélites qui n’avaient pas été déportés. Ils avaient par conséquent mélangé les coutumes religieuses et sociales.

Elle s’arrêta un instant, son visage prenant un air pensif comme si elle semblait chercher ses mots :

– Les prêtres ont essayé de stabiliser le pays en dessinant des lignes de partage permettant de différencier Israël des populations issues d’autres nations vivant dans le même pays. Cette distinction a été rendue visible par les règles concernant la circoncision, des règles alimentaires, le Shabbat, des interdits à propos de la sexualité et des relations, des sacrifices et des fêtes. L’observation de ces règles identifiait ceux qui étaient à l’intérieur de la communauté de ceux qui étaient à l’extérieur, ceux qui seraient retranchés de la communauté et sous quelles conditions.

« Les chefs israélites ont réoccupé le pays en essayant d’apporter, à travers un code complexe de règles de pureté, une uniformité religieuse à un peuple à présent très divers du point de vue ethnique et religieux. Leur stratégie était à l’image d’une exclusivité religieuse et ethnique, d’une supériorité mâle, d’une supériorité religieuse, de règles économiques protectionnistes et de lois d’héritage restrictives.

De nouveau, elle fit une légère pause durant laquelle elle rejoignit Kate et s’assit en tailleur sur le lit avant de poser un coussin sur ses genoux sur lequel elle s’appuya, bien conscience du regard intéressé de Kate sur elle.

– Le Lévitique a donc été rédigé à cette période, réunissant un ensemble de règles rituelles destinées avant tout aux Lévites et aux prêtres qui étaient chargés de réaliser les sacrifices dans le Temple de Jérusalem. Les versets sur les relations entre hommes sont issus du Code de Pureté car pour pouvoir s'approcher du Saint des Saints, le lieu le plus sacré du Temple, il fallait être pur, être le plus saint possible. L’auteur du Lévitique était donc préoccupé par des questions de pureté, et non des questions « morales » au sens où on l’entend aujourd’hui. La préoccupation de l’auteur était de savoir quels types de sacrifices pouvaient ou non être offerts au Temple, et quelles personnes pouvaient ou non l’approcher.

« Le monde antique supposait que la pureté consistait à garder distinctes les catégories de la création. On croyait que Dieu avait créé les hommes et les femmes avec des rôles sociaux distincts qui étaient innés et inchangeables. Mélanger ces rôles de genre par l’activité de même sexe revenait à créer une situation impure.

« Les hommes de l’antique Israël pouvaient se présenter devant un Dieu qui était saint seulement s’ils étaient purs. Ils ne pouvaient pas être aussi proches de Dieu dans le Temple que l’étaient les prêtres, mais ils pouvaient s’approcher plus près que les femmes. Les femmes ne pouvaient entrer que dans la Cour des Femmes du Temple. Cour qui était elle-même plus proche du Saint des Saints que la cour réservée aux Gentils, mais elle était plus éloignée que la Cour d’Israël qui était réservée aux hommes israélites. En étant ou en « agissant comme » une femme, ces personnes se plaçaient ainsi dans un statut bien inférieur.

« Le Code de Sainteté fournissait donc un ensemble complexe de rites purificatoires, des règlements, et de tabous destinés aux Israélites après l’Exil. Le sens du code était de les aider à être purs et saints. C’est pourquoi les relations entre hommes étaient condamnées, elles portaient atteinte à la survie d'Israël et à la supériorité masculine. Aujourd'hui, c'est plutôt la surpopulation qui nous menace. Et plus personne, ou presque, n'accepte l'assujettissement des femmes.

Elle se tut un moment, secouant légèrement la tête :

– Le problème c’est que beaucoup ont une approche littérale du Lévitique sans se soucier de son contexte historique et donc finissent par approuver un code religieux antique d’une branche conservatrice d’Israël comme s’il nous était applicable. Il est approuvé sans chercher à comprendre le concept de sainteté de ce code, son sexisme, ou son image d’un Dieu séparé et pratiquement inaccessible. 

« Je ne dis pas de tout rejeter, c’est après tout dans le Lévitique que l’on trouve « aime ton prochain comme toi-même ». Mais adapter les choses à la société actuelle ne serait-il pas plus judicieux ? Le Lévitique réuni d'anciennes coutumes sacrificielles et rites de purification ne concernant que l'Israël antique et une partie du judaïsme contemporain. Je ne vois pas en quoi ça peut aider à déterminer ce qui est éthique aujourd’hui. C’est juste… qu’il y a bien trop de chose que je ne comprends pas dans la religion et que j’ai beaucoup de mal à accepter, ajouta-t-elle finalement en offrant un sourire penaud à sa colocataire.

Kate qui l’avait jusque-là consciencieusement écouté se racla légèrement la gorge, le regard fixé sur ses mains qu’elle avait croisé devant elle :

– L’Église catholique ne condamne pas l'homosexualité en tant que tel car elle sait que ce n'est pas un choix volontaire de la personne, mais un état de fait. Elle distingue donc les tendances homosexuelles, qui sont involontaires et ne justifient ni mépris ni condamnation des personnes, des actes homosexuels qui sont eux jugés désordonnés car contraires à la loi de différenciation entre l'homme et la femme. Alors… elle les invite à la chasteté.

Il y eut un léger silence avant qu’Emma ne réponde.

– Tu sais, je pense que lorsque deux personnes s’aiment, et s’il y a bien existence d’une force divine, cette dernière se moque bien de qui elles sont et ce à quoi elles ressemblent et les laisse vivre leur vie sans jugement.

 Ses paroles pénétrèrent son esprit et Kate ferma les yeux un instant, laissant les larmes, qui avaient petit à petit brouillé sa vue, couler le long de ses joues. Une boule d’émotion lui serrait la gorge et elle avait l’impression de ressentir une vague de chaleur s'installer sur elle et prendre possession de tout son corps. Elle rouvrit finalement les paupières et se leva pour serrer Emma fort dans ses bras avant de l’embrasser sur la joue.

– Merci, murmura-t-elle sincèrement, avant de se redresser et partir vers le séjour.

Interdite, Emma resta bêtement assise à la regarder s’éloigner avant de se redresser à son tour et la rattraper par le bras.

– Kate, attends ! Tu, hum, ça va ?

Kate hocha aussitôt la tête.

– Mieux que tu ne le croies, répondit-elle en exerçant une douce pression sur la main d’Emma avant de rejoindre le séjour.

Emma resta plantée là, debout au milieu de la pièce, et totalement abasourdie par le comportement de Kate. Il vient de se passer quoi là exactement ? Elle observa Kate prendre place sur le canapé, visiblement en paix avec elle-même, et Emma décida de se repasser leur conversation en détail un peu plus tard afin de comprendre ce qu’il venait de se passer exactement.

Regagnant la chambre, elle s’empara de nouveau du combiné et composa le numéro, un sourire inconscient se frayant un chemin sur ses lèvres tandis qu’elle attendait que sa mère décroche.

Ce que Kate ne savait pas, c’était qu’elle avait un plan bien spécifique en tête pour les vacances. Et une chose était sûre, sa colocataire n’allait pas être déçue.

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Commentaires
M
C'est génial de découvrir les passages que tu as rajouté ! Je me demande bien pourquoi tu as mis un passage qui donne à Emma des raisons de douter de Eva ! <br /> <br /> Tu aurais des sources au fait en ce qui concerne l'homosexualité dans la bible ? Je cherche des infos là-dessus à distribuer à des trop croyants dans ma famille depuis la première fois que j'ai lu ce chapitre. :)
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