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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

22 juillet 2013

Chapitre 14

Sarah s’essuya nerveusement les mains sur son jean avant de toquer contre la porte des quartiers de Maena, la lèvre inférieure coincée entre ses dents. Faîtes qu’elle ne soit pas là, faîtes qu’elle ne soit pas là, faîtes qu’elle ne soit pas là...

– Entrez.

Sarah baissa la tête de dépit. Bon, j’aurais essayé. Hésitante, elle passa la tête dans l’entrebâillement de la porte avant d’entrer lorsqu’elle aperçut Maena dans le petit salon, le regard fixé sur un léger paquet de feuilles qu’elle tenait entre ses mains. Elle semblait totalement déconnectée du monde extérieur, allant et venant lentement dans la pièce et Sarah s’approcha jusqu’à venir prendre appui contre le dossier de l’un des fauteuils.

– Amy m’a dit que tu me cherchais, répondit Maena en relevant les yeux vers elle. Elle t’a préparée une tasse de thé, sourit-elle légèrement en désignant la table basse.

– Granny a vraiment fait quelque chose de bien lorsqu’elle l’a embauchée, sourit aussitôt Sarah en venant s’emparer du mug.

Maena haussa un sourcil.

– Tu ne lui en veux plus alors ?

– Je ne lui en ai jamais voulu, répondit Sarah, surprise de réaliser combien elle pensait ce qu’elle disait. Cette situation ne me fait pas plaisir, mais je n’arrive pas à lui en vouloir. En revanche, ce que je me demande, c’est pourquoi elle en est venue à faire ça.

Maena hocha la tête :

– Moi aussi.

– Mais tu penses toujours qu’elle l’a fait pour une bonne raison...

– Granny n’avait pas une once de méchanceté en elle, déclara Maena en relevant les yeux vers elle. Au contraire, alors oui, c’est ce que je pense.

Sarah se frotta le sourcil :

– Tu réalises que tu ne le sauras peut-être jamais, pas vrai ?

Maena se mordit l’intérieur de la joue, pensive.

– C’est possible, admit-elle finalement. Mais j’en doute.

– Comment ça ? répondit Sarah, confuse. Tu penses qu’il y a plus que le testament ?

Maena haussa les épaules.

– On verra bien, répondit-elle en déposant son paquet de feuilles sur la petite table avant de s’emparer de sa tasse à son tour. Mais assez parlé de ça. Regarde derrière toi, j’aurais besoin de ton avis.

Sarah haussa un sourcil avant d’obtempérer et elle sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser légèrement lorsqu’elle reconnut l’immense tableau accroché au mur.

– La magnifique, brillante, Effie Ruskin, murmura-t-elle d’un ton ébahi tout en détaillant la femme âgée d’une quarantaine d’années confortablement assise dans son fauteuil et vêtue d’une somptueuse robe rouge bordeaux. On raconte qu’elle était d’une beauté rare, avec de longs cheveux auburn et des yeux bleus-gris magnifiques... Ecossaise jusqu’au bout des ongles, en plus de posséder un charme fou et une générosité sans limite.

Elle tourna la tête vers Maena :

– Tu savais qu’elle aurait été demandée vingt-sept fois en mariage avant de finalement épouser John Ruskin en 1848, sous les conseils de sa famille ? 

Maena s’approcha jusqu’à s’arrêter à ses côtés avant d’acquiescer légèrement :

– Il paraîtrait également qu’elle aimait provoquer son draconien d’époux en venant prendre le petit déjeuner avec des fleurs dans ses cheveux.

Sarah haussa aussitôt les sourcils :

– Tu connais l’histoire ? demanda-t-elle, agréablement surprise.

Maena hocha imperceptiblement la tête avant de porter son attention sur le tableau.

– Sa lune de miel a été catastrophique, Ruskin a refusé de lui faire l’amour et elle a passé les six années suivantes à espérer qu’il change d’avis.  Elle a fini par tomber en dépression, et Ruskin a aussitôt insinué qu’elle avait perdu l’esprit.

– Et alors qu’elle était tombée au plus bas, Ruskin a suggéré qu’elle pose pour son petit protégé, John Everett Millais.

Maena acquiesça, un léger sourire sur les lèvres :

– Hmm, Everett savait reconnaître une beauté naturelle lorsqu’il en voyait une, il était d’ailleurs lui-même assez bel homme. Ils ont alors passé l’été de 1853 ensemble dans une petite maison de campagne dans les Highlands d’Ecosse. Ruskin a totalement ignoré sa femme. Everett, en revanche, était fasciné par Effie. Il la peignait les jours de pluie, et l’accompagnait lors de longues promenades quand le soleil brillait. Et puis un beau jour, alors qu’il l'aidait à traverser un cours d’eau en enjambant des pierres de gué, Effie s’est soudainement agrippée à son bras et ils ont tous les deux glissé dans la boue. Ça a été le début de leur histoire. Seulement, même si Everett savait que son mariage avec Ruskin partait en lambeaux, il craignait que la passion qu’il ressentait pour Effie ne la mette en péril. Mais c’était sans compter sur cette dernière qui, après des mois de dépression, a finalement révélé leur secret à ses parents. Avec leur aide et celle de nombreux amis influents, Effie a pu faire ses valises, dire adieu à Ruskin et rejoindre celui qu’elle aimait.

– Son mariage avec John Everett Millais a duré plus de quarante ans. Ils ont eu huit enfants, et elle a été sa muse, inspirant ses œuvres d’une beauté plus belle encore.

Sarah observa silencieusement le tableau quelques instants encore avant de faire la moue :

– Par contre, je n’ai pas la moindre idée de pourquoi Ruskin n’a jamais voulu consumer le mariage.

Maena exerça une légère pression sur sa taille afin qu’elle vienne prendre place sur l’un des deux fauteuils qui faisaient face à la cheminée :

– Ruskin aurait trouvé différentes excuses, commença-t-elle en prenant place. Un refus d’avoir des enfants pour lesquels il éprouvait une haine profonde, des motivations religieuses, un désir de préserver la beauté d’Effie... Il aurait fini par lui avouer la véritable raison lors de leur divorce. 

Maena dut retenir un sourire lorsqu’elle vit Sarah se pencher légèrement vers l’avant, comme si elle avait peur d’en louper une miette.

– Il aurait imaginé Effie différemment, et ce serait pour cette raison qu’il aurait refusé de lui faire l’amour. Son visage avait beau être magnifique, elle n’était selon lui pas faite pour susciter le désir chez l’autre. Au contraire, il aurait été dégoûté.

– Dégoûté ? s’exclama aussitôt Sarah, incrédule. Maena, je t’en prie, Effie était l’une – non, retire ça – elle était la plus belle femme de son époque !

Maena lui offrit un sourire indulgent. 

– Sarah, Ruskin était un esthète, il n’avait jamais vu de femme nue outre celles représentées dans les tableaux artistiques. Il s’était imaginé un idéal à des années lumières de la réalité. Le soir de la nuit de noces, lorsqu’il s’est retrouvé face à des poils pubiens, et non le renflement lisse, l’abricot imberbe auquel il s’attendait – celui véhiculé par la Royale Académie des Arts – il aurait été horrifié. D’autres racontent qu’Effie aurait simplement eu ses règles ce soir-là.

Sarah secoua la tête, mi-amusée, mi-incrédule.

– Horrifié... Maena, je t’en prie...

Maena haussa les épaules.

– C’est psychologique. Certains parlent d’asexualité, d’autres de pédophilie puisqu’il aurait rencontré Effie alors qu’elle était encore assez jeune, et aurait admis être par la suite tombé amoureux de Rose La Touche alors qu’elle n’avait que dix ans.

Sarah grimaça, mal à l’aise.

– Et tu en penses quoi, toi ?

Maena détourna son regard vers le feu qui crépitait doucement dans la cheminée.

– J’en pense... je pense que rien ne le prouve, et que c’est dommage de dresser de telles conclusions sans savoir si c’est vrai ou non. Et puis, même si c’était vrai, est-ce que ça importe vraiment ? John Ruskin était un défenseur de l'art pour l'art, de l'architecture gothique et de l'artisanat d'art, il a prêché pour une esthétique opposée à la réalité économique et sociale de la société victorienne. C’était un partisan infatigable de la justice sociale qui a profondément et durablement influencé des écrivains, des architectes, des mouvements artistiques et des hommes politiques aussi divers que Tolstoï, Gandhi ou encore Proust. Voilà ce qu’on devrait retenir. Pas tous ces commérages qui ne riment à rien.

Sarah eut soudainement l’impression qu’elles venaient d’atteindre un sujet sensible pour Maena, au point qu’elle se demanda s’il s’agissait toujours de Ruskin dont elle parlait. Hmm, bizarre.

– Ce sont pourtant certains de ces mythes qui font vivre nombre de ces tableaux, Maena. Effie Gray Millais fascine pour toutes ces histoires qui évoluent autour d’elle. Et puis, en ce qui la concerne, rien n’a été inventé. De nombreuses lettres qu’elle envoyait elle-même régulièrement à ses proches ont été retrouvées. Elle n’avait aucun secret, surtout pour son père.

Maena sourit légèrement :

– Tu veux toujours avoir le dernier mot, hein ? demanda-t-elle, retenant difficilement un rire lorsque Sarah hocha aussitôt la tête. Bon, et pourquoi est-ce que tu voulais me voir, sinon ?

Sarah sentit aussitôt le malaise qui l’avait habité toute la journée s’emparer à nouveau d’elle et elle abaissa son regard vers ses mains qu’elle tordait nerveusement sur ses cuisses avant de répondre :

– Eh bien... je... j’ai... j’ai failli coucher avec ton frère et ce au beau milieu d’un magasin de vêtement. Ah non je peux pas lui dire ça ! J’ai eu Eva au téléphone ce matin, se défila-t-elle finalement, levant intérieurement les yeux au ciel face à son cruel manque de courage. Et... et il se pourrait que...

– Qu’elle ait envie de faire ma connaissance ? proposa Maena, un sourcil haussé.

Sarah grimaça :

– Elle et quelques amies ? Elles n’ont pas spécialement apprécié le fait d’apprendre notre engagement au travers de Facebook alors je me disais...

– D’accord.

Sarah s’interrompit aussitôt, surprise :

– D’accord ? C’est vrai ?

– Hmm, répondit Maena d’un air absent tout en récupérant son paquet de feuilles. Où ça ?

– Dans un club gay-friendly, The Heaven ou un truc comme ça.

Sarah put jurer que Maena venait de se figer et lorsqu’elle releva les yeux vers elle, Sarah fut surprise d’y déceler le trouble qui l’habitait visiblement. Puis, aussi vite qu’il était apparu, il disparut et Maena hocha légèrement la tête avant de se redresser.

– Laisse-moi juste passer un coup de fil avant.

– O.K...., répondit Sarah, perplexe, avant de soudainement la retenir par le bras. Attends, tu ne vas pas demander à tes gardes de venir avec nous quand même, hein ?

Maena haussa les sourcils avant de laisser son visage s’adoucir :

– J’ai besoin d’eux ici Sarah, alors non, ils ne viendront pas avec nous.

– Oh, O.K., répondit Sarah dans un sourire penaud avant de froncer les sourcils. Mais pourquoi est-ce que tu as besoin de passer un coup de fil alors ?

– Pour... hum... le chauffeur, répondit finalement Maena avant de s’éloigner. Je n’en ai pas pour longtemps.

Sarah l’observa bêtement quitter la pièce, un sentiment de déception s’abattant sur elle.

Une chose était sûre, Maena était une très mauvaise menteuse. 

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