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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

23 août 2015

Chapitre 18

— Bon, commença Mathilde, mal à l’aise. On a des bières, ça intéresse quelqu’un ?

— Je t’aide, répondit aussitôt Kim en prenant la direction de la cuisine.

Mathilde la suivit, mais s’arrêta une fois arrivée à hauteur de Kat, lui pressant amicalement l’épaule tout en lui soufflant quelque chose à l’oreille. Kat hocha la tête et Elysia attendit que Mathilde se soit à son tour éloignée pour s’approcher à son tour et se glisser dans les bras de sa bien-aimée. Elle releva légèrement la tête afin de croiser son regard.

— Hé, tu sais que c’est pas sexy de bouder comme ça ?

Le sourire qu’elle espérait apparut, même s’il fut minuscule, et Elysia lui vola un baiser avant de redessiner ses lèvres du bout du doigt, s’émerveillant une fois encore de leur douceur.

— C’est mal parti, hein ? murmura Kat d’un ton désemparé.

Elysia grimaça.

— C’est sûr qu’on aurait pu partir sur de meilleures bases, mais... ça aurait également pu être pire, tu ne crois pas ? On a toute la soirée devant nous pour percer les abcès et repartir du bon pied.  Alors si tu veux mon avis... je pense au contraire que ça commence plutôt bien. À nous de faire en sorte que les choses aillent dans la bonne direction.

Kat l’observa un moment avant de sourire.

— Je ne sais pas ce que je ferais sans toi et ton optimisme, dit-elle. Je t’aime.

— Et je t’aime, répondit Elysia en venant l’embrasser à nouveau. File rejoindre Chloé avant qu’elle ne se décide à donner acte à ses pensées et ne détruise toute ma déco.

Kat lâcha un rire tout en hochant la tête et Elysia prit la direction de la cuisine.

À elles deux, elles devraient pouvoir y arriver, non ?

💕

L'ambianceétaitsi tendue qu'Elysia n'osait même pas bouger, de peur de faire le moindre bruit. Autour d’elle, personne ne parlait, et quand les regards se croisaient, ils se faisaient si durs qu’on avait du mal à croire qu’il s’agissait d’une bande d’amis.  

Une fois de plus, la cuisse de Kat frôla la sienne et Elysia se concentra sur sa main qu’elle tenait dans la sienne, sur son pouce qui ne cessait ses va-et-vient contre sa peau dans l’espoir de la rassurer.

Enfin, elle entendit Mathilde se racler la gorge à côté d’elle.

— Bon, si personne n’est décidé à se lancer, moi j’aurais une petite question à notre nouvelle recrue que je ne connais pas encore, sourit-elle en direction de Kim. On m’a donné ton nom, ton âge, ton poste de graphiste... mais je crois qu’on a omis le plus important.

Elle se pencha légèrement vers l’avant.

— Ne le prends pas mal mais... comment une fille qui se présente avec des cheveux roses et au moins deux piercings visibles, parvient-elle à se faire embaucher par l’une des plus grosses boîtes de la ville ?

Kim se pencha vers l’avant à son tour.

— C’est simple, elle fait faire du chantage au Big Boss et prie pour que ça passe, répondit-elle dans un clin d’œil.

— Du chantage ? s’exclama aussitôt Mathilde en se redressant.

Elysia leva les yeux au ciel.

— Elle te fait marcher. Même si elle ne s’est pas gênée pour lui dire qu’elle était simplement une œuvre d’art sur pattes.

— Vraiment ? s’étonna Mathilde tandis qu’elle se retenait visiblement de rire.

 Kim se contenta de hocher la tête.

— Je crois d’ailleurs que c’est mon audace qui l’a poussé à me donner une chance.

— Ça et le fait qu’elle est surtout plus douée qu’on ne pourrait le croire, précisa Chloé avant de détourner le regard quand Kim tourna la tête vers elle.

Un silence gêné s’installa à nouveau et Elysia remercia intérieurement Mathilde pour le briser une fois de plus.

— Et les piercings, tu en as d’autres ?

Kim hocha la tête.

— À l’oreille, dit-elle en tirant légèrement sur la partie en question, en révélant quatre autres. Et... hum...

Elle baissa les yeux vers son ventre avant de les observer à nouveau.

— Au nombril ? demanda Lyna, confuse, prenant pour la première fois la parole.

Kim secoua la tête.

— Non, euh, un peu plus bas.

Ses traits se recouvrirent progressivement d’une légère rougeur et quand Elysia nota le sourire amusé qu’arborait Chloé, elle comprit aussitôt.

— Oh, lâcha-t-elle avant de grimacer. Oh, ah, non ! Ça a dû faire un mal de chien ! s’exclama-t-elle en serrant les cuisses par réflexe.

— Mal ? s’étonna Lyna avant de reporter son attention sur Kim.

Ses yeux passèrent de son nombril à un peu plus bas et elle fronça les sourcils, confuse, puis son visage s’éclaira soudainement.

— Oh, répondit-elle avant de grimacer, serrant des jambes à son tour. Oh ! Oh non, le simple fait d’y penser...

Elle frissonna franchement et Elysia tourna la tête quand Mathilde se mit à ricaner à côté d’elle.

— Quoi, tu en as un aussi ?

— Oh non, non, moi je m’en suis tenue au tatouage, répondit Mathilde. Une ancre au niveau de l’aine, précisa-t-elle, avant de porter son attention sur Chloé. Et toi Chloé, tatouage, piercing ?

— Aucun, répondit Chloé avant de jeter un rapide coup d’œil vers Kim. Mon ancien... hum, contrat l’interdisait. 

— Oh, répliqua Mathilde, mal à l’aise d’avoir remis le sujet sur le tapis sans le vouloir. Euh, Lyn’ ?

Lyna secoua négativement la tête.

— Non plus, il faut croire que je suis trop sage pour ça, plaisanta-t-elle dans un demi-sourire.

— C’est pour ça que tu te cantonnes au jus de fruit quand on est tous à la bière ? taquina aussitôt Mathilde. Je t’ai connu moins sérieuse.

Lyna baissa les yeux et Elysia pencha la tête sur le côté, l’observant d’un œil nouveau un instant. Elle avait justement remarqué son refus de les suivre sur la bière, mais maintenant que Mathilde le soulignait, c’était comme si toutes les pièces du puzzle s’assemblaient soudainement. Sa visite surprise à minuit passé, son refus de boire de l’alcool, Tawny qui insistait pour l’accompagner ce soir.

Tout était lié, et la raison derrière tout ça la rendit soudainement euphorique.

— Je l’ai connu moins rayonnante aussi, sourit-t-elle finalement.

Moins rayonnante ? s’exclama aussitôt Chloé, confuse.

Elysia se mordit la lèvre avant de sourire franchement en direction de Lyna.

— Tes vêtements amples parviennent peut-être à cacher ton ventre, mais ton tour de poitrine supplémentaire ne passe pas inaperçu. Ajoute à ça que tu ne consommes que de l’eau ou des jus de fruits...

Une légère rougeur envahit les traits de Lyna, mais quand elle voulut répondre, Kat la devança, surprenant tout le monde.

— Tu es enceinte ? s’exclama-t-elle.

Lyna grimaça face au ton qu’elle avait utilisé, celui-là même qui suppliait qu’on réponde à la négative. Elle hocha cependant la tête et Elysia sentit aussitôt Kat resserrer sa prise sur ses doigts.

— De combien ?

Lyna sembla hésiter avant de répondre.

— Presque six mois.

Un silence plana de nouveau puis Kat se redressa d’un bon, arpentant la pièce comme si elle ne parvenait pas à rester en place.

— Six mois..., répéta-t-elle enfin d’une voix mêlant incrédulité, colère et déception. Rassure-moi, tu comptais quand même me l’annoncer, j’espère ?

Lyna croisa aussitôt les bras sur sa poitrine.

— Ça dépend, tu comptais m’apprendre un jour que tu fréquentais une escorte ? rétorqua-t-elle, sarcastique.

— Avec qui je couche ou ne couche pas ne regarde personne, gronda aussitôt Kat, visiblement irritée.

Lyna lâche un rire dénué d’humour.

— Ça je veux bien te croire, vu la façon dont j’ai appris ta relation avec Elysia.

— Oh je t’en prie, t’es la première à m’avoir poussée dans ces bras ! Ne me dis pas que tu étais si surprise que ça ! répliqua Kat en levant les mains au ciel.

— Ça n’a rien à voir, répondit Lyna en se redressant, le corps vibrant de colère. En tant qu’amie, j’aurais pensé que tu aurais au moins pris la peine de m’en parler. Que tu aurais au moins voulu partager ça. Avec moi !

Kat haussa un sourcil.

— Comme tu l’as fait avec ta grossesse ?

— Exactement, répondit Lyna en la regardant droit dans les yeux. J’ai toujours voulu que tu sois la première à connaître l’existence de mon bébé et qu’il ait la chance de t’avoir toi pour marraine.

Ses paroles semblèrent bousculer Kat puisqu’elle l’observa, visiblement déstabilisée, avant de hausser un sourcil.

— C’était il y a trois jours, il t’a fallu quatre mois pour te rendre compte que tu étais enceinte ?

Lyna soupira tout en se passant une main sur le visage.

— On a découvert le sexe du bébé ce jour-là, expliqua-t-elle enfin, souriant faiblement face au souvenir. Ça faisait un moment qu’on essayait, mais c’était pas forcément très fructueux. Alors, quand la nouvelle est tombée trois mois plus tôt, on s’est promis d’attendre avant de mettre l’entourage dans la confidence.

Elle haussa les épaules.

— On n’avait pas envie de se faire de faux espoirs. Mais ce jour-là, quand le sexe nous a été révélé, on ne pouvait plus se retenir. On avait prévu de venir te l’annoncer le lendemain mais on est tombé d’accord sur un prénom ce soir-là. 

Elle leva les yeux vers Kat et lui sourit tristement tout en poursuivant :

— Tu es notre meilleure amie, on voulait... on veut, que tu sois la marraine. Je n’ai pas pu attendre, je voulais tellement t’annoncer la nouvelle et partager ça avec toi. Je ne m’attendais juste pas à ce que tu ais de la compagnie.

Mathilde se tourna légèrement de manière à pouvoir observer sa sœur.

— Tu vas avoir du mal à ne pas lui pardonner, maintenant, souffla-t-elle, son regard lui intimant de faire juste ça.

Kat l’ignora et reporta son attention sur Lyna.

— Ça n’explique pas pourquoi tu as pris la fuite juste après nous avoir surprises. Alors quoi, mon homosexualité te pose soudainement problème ?

Lyna roula des yeux.

— Je t’en prie, Kat. Je n’ai jamais eu de problèmes avec ça, c’est pas aujourd’hui que ça va commencer. En fait...

A la surprise de tous, elle rougit légèrement avant d’ajouter :

— Tu me croirais si je te dis que j’étais jalouse ?

Elysia écarquilla aussitôt les yeux tandis que Chloé lâchait un yes ! victorieux

— Je le savais, sourit-elle, avant de chantonner : I kissed a girl and I liked it...

Lyna la fusilla du regard.

— Pas comme ça, précisa-t-elle avant de reporter son attention sur Kat.

— Tu es ma meilleure amie, depuis toujours, commença-t-elle avant de prendre à nouveau un air triste. Seulement... j’ai l’impression que tu passes ton temps à me fuir, et à force, je crois que je ne le supporte plus.

Elle leva une main quand Kat voulut l’interrompre.

— Quand tu es revenue de l’armée... Ne me méprends pas, j’étais vraiment en colère quand j’ai appris ce qui t’était arrivé, et te voir dans cet état... ça m’a fait mal. Mais j’étais tellement heureuse de te retrouver Kat, de retrouver ma meilleure amie. Et je me suis promis de tout faire pour t’aider. Mais, plus tu te rétablissais, plus je te sentais t’éloigner à nouveau. Avec Tawny aussi, mais il faut croire qu’il a eu la chance de t’aider à retaper quelques voitures. Difficile de l’ignorer dans ces circonstances, hein ?

— Lyna...

— Non, attends, la supplia Lyna en levant une main. J’ai bientôt fini. Quand tu m’as appelée pour te défendre au tribunal il y a plus de trois ans, je me suis dit, enfin, ça y est, elle revient enfin vers moi. Mais une fois le verdict tombé... tu as de nouveau disparue. Je n’ai jamais compris pourquoi. Je ne comprends toujours pas. Tu n’as visiblement aucun mal à faire entrer de nouvelles personnes dans ton cœur, pourtant moi, j’ai beau essayer, mais...

Elle soupira, la voix tremblante.

— J’aimerai juste comprendre pourquoi ma meilleure amie ne veut plus de moi.

La vue de Kat s’était tellement brouillée qu’elle ne la voyait presque plus. Sa poitrine lui faisait mal tellement elle était compressée, et sa gorge était si nouée qu’aucune parole ne parvenait à franchir la barrière de ses lèvres.

Alors, lorsque le premier sanglot monta, elle ne le retint pas. Et quand d’autre suivirent, elle se roula simplement en boule face à la douleur qui lui tordait le ventre. Elle avait mal. Elle avait mal parce qu’elle avait fait souffrir l’une des personnes les plus chères à son cœur pendant toutes ces années. Elle avait mal parce qu’elle réalisait que son absence l’avait affectée plus qu’elle ne l’aurait cru possible. Elle avait mal parce qu’elle n’avait même pas de raison valable à lui offrir.

Une main se glissa dans ses cheveux et la tira légèrement jusqu’à ce que son visage trouve refuge contre une épaule accueillante. Des paroles réconfortantes furent murmurées à son oreille mais elle pleurait si fort qu’elle n’en déchiffrait que la moitié. Mais ce n’était pas grave. Le simple fait de savoir qu’ils étaient là lui offrait le réconfort dont elle avait besoin.

Finalement, ses larmes se tarirent et elle resta simplement là à écouter les battements de cœur contre son oreille, à sentir la main qui remontait le long de son dos jusqu’à ses cheveux, à apprécier le souffle qui la caressait légèrement. Un verre d’eau lui fut finalement présenté et elle releva la tête pour croiser deux yeux pers qu’elle affectionnait plus que tout au monde. Elysia lui embrassa le haut de la tête avant de caresser sa joue.

— On va aller faire un petit tour avec les filles, je crois que vous avez besoin de discuter, toutes les deux.

Kat se racla péniblement la gorge.

— Tu es sûre ?

Elysia hocha légèrement la tête puis leva les yeux vers Lyna.

— Je te la confie. Je te demanderai bien de prendre soin d’elle, mais je sais que tu le feras de toute façon, finit-elle dans un clin d’œil. À tout à l’heure.

Kat les regarda disparaître à travers la porte avant de reprendre sa place sur le canapé. Elle laissa aussitôt sa tête retomber contre le dossier.

— Ça va ? demanda Lyna, l’inquiétude présente dans sa voix.

Kat se passa une main sur le visage avant de répondre.

— Non.

Elle ne put s’empêcher de sourire faiblement quand Lyna haussa les sourcils.

— C’était pas la réponse à laquelle tu t’attendais, hein ?

Lyna sourit à son tour. C’était bien, l’atmosphère était beaucoup trop chargée en émotion.

— Non, admit-elle. Alors dis-moi, qu’est-ce qui ne va pas ?

Kat réfléchit un instant avant de finalement se lancer.

— J’aimerais pouvoir te dire que je ne sais pas pourquoi je me suis éloignée de toi après être revenue de l’armée, mais ce serait mentir, parce que je le sais pertinemment.

Lyna baissa les yeux avant de glisser ses bras autour de sa taille et Kat comprit qu’elle redoutait ce qu’elle s’apprêtait à dire.

Elle prit une profonde inspiration avant de lâcher.

— J’avais honte.

— Quoi ? répondit aussitôt Lyna en levant la tête.

— J’avais honte... de ce qu’il m’avait fait. Je ne pouvais même plus me regarder dans le miroir. Et le fait que vous soyez au courant ne m’aidait pas. Je me sentais sale et... j’avais honte.

Elle relâcha un soupir tremblant avant de poursuivre.

— Tawny n’est pas du genre à parler des sentiments. J’ai toujours su que je pouvais compter sur lui si j’avais besoin, mais qu’il ne me pousserait jamais là où je n’ai pas envie d’aller.

— Mais moi si, répondit platement Lyna.

Kat dut se mordre la lèvre pour ne pas pleurer à nouveau.

— Lyna... c’est pas ce que j’ai dit.

— Je t’en prie, Kat, soupira Lyna, lui offrant un regard appuyé. C’est bien ce que j’ai fait la première fois que je t’ai revue, non ?

Kate secoua négativement la tête tout en s’emparant de l’une de ses mains.

— Justement, non. Toi, tu m’as aidée à faire mon premier pas dans la bonne direction. Moi... moi je n’ai fait que déballer mon linge sale, et je ne suis plus jamais parvenue à te regarder en face après ça.

Lyna voulut protester, mais le visage de Kat, couvert de larmes, lui rappela la douleur qui autrefois l’habitait, et elle fut soudainement transportée dans le passé.

 

Mardi 03 Juillet 2004, Orlando, Floride.

Frapper à la porte de l'appartement de Kat fut encore plus effrayant que ce que Lyna avait imaginé, et elle hésita avant de donner trois petits coups contre le battant. Il lui était venu à l’esprit hier soir, alors qu’elle était allongée sur son lit, que ça allait être la première fois qu’elle allait parler à une survivante d’une expérience aussi terrible. Et que cette personne était sa meilleure amie.

Cette pensée l’avait maintenue éveillée toute la nuit, couplée à l’inquiétude qui ne l’avait pas quittée depuis que Tawny l’avait appelé deux semaines plus tôt pour lui annoncer terrible nouvelle. Domiciliée à New York pour ses études, Lyna avait pris le premier avion direction Fort Campbell, où l’équipe médicale qui avait pris Kat en charge les avait à peine laissé la voir. Puis, ses examens terminaux approchant, elle avait dû repartir, laissant derrière elle une jeune femme brisée qui lui avait à peine adressé deux mots.

Deux semaines plus tard, Lyna n’avait pas la moindre idée de ce à quoi elle devait s'attendre, ni même si elle serait à la hauteur.

Comme s’il avait détecté son anxiété, ce dernier choisit justement ce moment pour ouvrir la porte et Lyna lui sourit instinctivement, mais celui que Tawny lui renvoya était crispé.

— Hé, murmura-t-il tout en écartant les bras.

Lyna s’y réfugia aussitôt, relâchant un soupir de contentement quand ses bras l’entourèrent. 

— Je suis vraiment content que tu sois enfin là.

Il fit un pas en arrière et entraîna Lyna avec lui à l’intérieur de l’appartement.

— Mathilde a accepté d’aller passer ses examens uniquement parce qu’elle savait que tu serais là. 

Il afficha un sourire forcé.

— Elle craignait que Kat ne soit pas très à l’aise si elle se retrouvait seule avec moi. Elle est dans sa chambre là. J'étais sur le point de regarder quelque chose à la télévision ; je pense qu’il vaut mieux que je reste ici pendant que vous parlez.

— Bien sûr.

Lyna resserra son étreinte puis rassembla son courage et rencontra son regard.

— Comment va-t-elle aujourd'hui ?

Le visage de Tawny s’assombrit et il serra des dents pour refouler son émotion.

— Elle est mal, Lyn’. Elle fait des cauchemars. Elle est triste, elle souffre et elle se blâme, et il n'y a rien que je puisse faire. J'essaie de la faire manger, de lui apporter des calmants, lui tenir la main... Je lui parle, mais il y a tellement de choses qu'elle ne veut pas me dire. Je ne me suis jamais senti si impuissant de toute ma vie. Je déteste ça.

— Te sous-estime pas Tawn’, je sais que tu aimes Kat plus que tout. Je suis sûre tu l’aides. Juste en étant là.

Tawny relâcha un souffle tremblant.

— Je ne sais même plus qui elle est, Lyn. Elle n'agit plus comme elle le faisait avant. La lumière dans ses yeux ? Elle est partie. Il l'a pris.

— Elle reviendra.

Sa gorge remua et Lyna sut qu’il retenait ses larmes.

— Je l'espère.

— Elle est forte. Elle s’en sortira. On va tout faire pour l’y aider, d’accord ?

Tawny hocha la tête.

— Tu as raison, je me sens juste un peu responsable. Je suis celui qui l’a poussé à te parler. Peut-être qu'elle n'est pas prête.

Lyna se colla à nouveau contre lui, sa tête venant reposer contre son épaule.

— Crois-moi, elle l’est. C’est jamais bon de garder tout ça à l'intérieur. Il n'est jamais trop tôt pour commencer la guérison.

Elle désigna le couloir situé sur la gauche.

— Sa chambre est là-bas ?

— Ouais. Je vais lui faire savoir que tu es ici.

Lyna le regarda marcher jusqu'à la porte située au bout du couloir et frapper doucement. Un moment passa, puis il entre-ouvrit légèrement le battant et passa la tête à l'intérieur. Quelques chuchotements lui parvinrent puis il recula d'un pas et fit signe à Lyna d’approcher.

Une fois arrivée à sa hauteur, Tawny posa une main dans son dos tandis que ses lèvres venaient embrasser sa tempe.

— Tu vas être géniale, je le sais.

Lyna se contenta de lui offrir un faible sourire en réponse, son cœur battant tellement fort qu’elle se sentait incapable de quoi que ce soit d’autre, avant de s’avancer légèrement. Elle rencontra aussitôt le regard effrayé d'une jeune fille qui semblait à peine assez âgée pour pouvoir s'acheter une canette de bière légalement. Étourdie tant par la jeunesse et l'épuisement inscrit sur son visage, Lyna ne put lui offrir qu’un faible geste de la main.

— Hé, Kat.

— Hé.

Assise les jambes croisées au pied du lit, Kat tripotait nerveusement sa couette du bout des doigts tout en évitant son regard. Lyna fut surprise de sentir de la colère et de la tristesse s’emparer d’elle face au son apeuré de sa petite voix et elle les repoussa avant d’adresser à Tawny un hochement de tête résolu.

— Ça va aller.

— D'accord.

Son regard se tourna vers Kat lorsqu’il ajouta :

— Je serai dans le salon si vous avez besoin de moi.

— Je sais, marmonna Kat. Ça ira.

Tawny hocha la tête d’un air entendu puis exerça une pression sur la main de Lyna avant de quitter la pièce, prenant soin de refermer la porte derrière lui. Lyna hésita, peu sûre de savoir où s'asseoir. Le mobilier était assez modeste, un lit, une table de chevet, et une commode, et elle n’était pas sûre de savoir comment Kat réagirait si elle envahissait son espace personnel.

Mais à sa plus grande surprise, Kat se déplaça vers la tête du lit.

— Tu peux t’assoir si tu veux.

Lyna soupira de soulagement.

— Merci.

Elle s’installa, le corps tourné vers Kat. Puis, sentant que cette dernière n’allait pas engager la conversation, Lyna décida de commencer, mais elle réalisa bien vite qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait bien pouvoir dire.

Kat lui surprit à nouveau en brisant le silence.

— Je te trouvais déjà très belle au lycée, mais ce n’est rien comparé à ce que tu es devenue. Tu es sublime.

Prise au dépourvu, Lyna ne put s’empêcher de rougir face au compliment. Elle l’avait déjà entendu auparavant, mais la douce admiration qui apparut dans son timide regard la fit se sentir encore plus déséquilibrée.

— Et tu as gagné en amabilité, répondit-t-elle d’un ton légèrement taquin.

Kat ne réagit pas et elle n’en fut pas surprise, même si un peu déçue.

— Tu as toujours pour ambition de devenir avocate ?

Le cœur de Lyna se serra, la question de Kat prouvait combien la distance les avait éloignées l’une de l’autre.

— Oui. Je viens de terminer ma dernière année d’université, j’entame mon doctorat en jurisprudence à la rentrée.

Le regard de Kat dévia et sa gorge remua difficilement.

— C’est bien, murmura-t-elle d’une voix enrouée. Je suis vraiment contente pour toi.

Puis, sans que Lyna ne comprenne ce qui se passait, Kat fondit en larmes dans une rapidité désarmante qui l’alarma aussitôt. Pourtant, elle n’eut pas le temps de réagir, car aussi vite que c’était arrivé, ce fut terminé et, profondément embarrassée, Kat essuya son visage comme si elle essayait de chasser ses émotions.

— Je suis désolée.

— Non, je suis désolée, murmura aussitôt Lyna, posant une main entre elles sur la couette.

Elle voulait la rassurer mais elle n’était pas tout à fait sûre de ce qui l'avait bousculée ainsi, ou de comment la calmer.

— On n’est pas obligée d’en parler si c'est trop dur pour toi, Kat.

Kat secoua la tête, s'essuyant les yeux de ses mains tremblantes.

— J’y ai pensé pendant toute la journée. La nuit dernière, quand je n’arrivais pas à dormir, je pensais à ce que Tawny m’a dit, que ça finirait par aller mieux et combien en parler m’aiderait. Et... je suis pathétique, Lyn’. Je ne peux pas continuer comme ça.

Lyna essaya de capter son regard mais échoua.

— Alors... alors tu veux en parler.

— Oui, répondit Kat avant de recouvrir sa bouche lorsqu’un sanglot s’en échappa. Je ne sais pas ce que je peux dire à voix haute, mais j'ai besoin d'essayer.

— Tu n’as pas à me dire ce qu'il t’a fait. Tu n’as pas à me parler de ce que tu ne veux pas partager.

— Je sais, souffla Kat avant de pencher la tête et fermer les yeux, comme si elle réfléchissait profondément.

Après une minute, elle lui dit :

— Il m'a violée pendant près de deux heures. D’autres soldats ont pénétré dans le couloir et ont fait fuir ceux qui gardaient la porte. Il a pris peur. Il s’est rhabillé et il est parti à son tour. Je pensais qu'il allait me tuer quand il en aurait enfin terminé, et je le souhaitais presque...

Elle expira et baissa la voix jusqu’à chuchoter :

— À un certain moment, je voulais juste qu’il le fasse. Me tuer, pour que ça s’arrête enfin.

Deux heures. La réalité de ce que Kat avait connu frappa Lyna tel un coup de poing dans l’estomac, coupant son souffle. La nausée s’empara d’elle alors qu’elle essayait de s’imaginer la douleur et la terreur sur une telle période de temps prolongée.

— Ces hommes m’ont sauvée, sans le savoir. Je ne saurai jamais s'il m’aurait tuée ou non. Mais je ne peux pas m'empêcher de me le demander.

Kat ouvrit finalement les yeux.

— Je suppose que ça n'a pas vraiment d'importance. Je suis en vie, non ? C'est ce qui compte.

— C’est ce qui compte, oui, lui répondit doucement Lyna.

Pour la première fois depuis son arrivée dans la pièce, Kat rencontra enfin son regard. Elle relâcha un soupir tremblant.

— Tu m’as manquée.

Le cœur de Lyna se serra à nouveau, et la confiance qui transparaissait dans le regard de Kat lui donna envie de fondre en larme.

— Toi aussi, ma belle. Plus que tu ne peux l’imaginer.

— Mon père m’a offert un poste.

Ses joues rougirent légèrement.

— Je veux dire, il a besoin d’aide au garage, il pense que je devrais sérieusement y réfléchir.

— C’est excellent ça, sourit Lyna. Pourquoi ne suis-je pas surprise ? Tu as toujours eue les mains dans le cambouis, voilà ce que c’est de passer son temps libre dans une décharge, la taquina-t-elle.

— C’est pas n’importe quelle décharge, elle est vraiment cool.

— Je pense aussi.

Les paroles de Kat repassèrent dans sa tête et Lyna fronça les sourcils.

— Mais pourquoi avoir besoin d’y réfléchir ?

Kat se mordit la lèvre inférieure et Lyna devina aisément qu’elle refusait à nouveau de succomber aux larmes. Son ventre se serra face à l’agonie qui se reflétait sur son visage à vouloir garder toutes ces émotions à l'intérieur.

— Kat, murmura-t-elle. Si tu as besoin de pleurer, pleure. Il n'y a pas de honte à avoir besoin de faire sortir tous ces sentiments négatifs.

Une larme s'échappa et poursuivit son chemin le long de la joue de Kat, puis son menton se mit à trembler.

— Parce qu'en ce moment, je ne veux rien. Je pense à mon avenir et je me sens désespérée. Comme s’il n'y avait plus rien pour moi maintenant. Comme s’il avait volé ma passion. Ma motivation. C'est encore pire que d’avoir voler mon esprit, ma santé mentale. J’ai peur tout le temps. Les choses les plus stupides peuvent m'envoyer dans une panique totale. Je n’arrive même plus à me concentrer.

— Oh, ma belle...

Lyna avala difficilement, luttant contre ses propres larmes.

- Donne-toi du temps pour guérir. Crois-moi. Je te le promets, ça reviendra.

Kat lui offrit un air sceptique.

- Je suis allée à la clinique hier afin de réaliser le test du HIV, un mec était assis à côté de moi dans la salle d’attente. Je suis restée là une demi-heure complètement paralysée. J’avais peur de bouger, parce que j’arrêtais pas de repenser à ce que ce monstre avait fait de moi, encore et encore. J'ai pas entendu lorsque l’infirmière m’a enfin appelée.

Les larmes coulaient librement désormais, mais elle ne prit pas la peine de les essuyer. Lyna n’était même pas sûre qu'elle réalisait qu'elle pleurait.

— Tu penses que mes crises de panique s’arrêteront un jour ?

La douleur de Kat était si forte qu’elle déclencha une myriade d'émotions en Lyna, si bien qu’elle eut du mal à garder une voix contrôlée.

— Je pense que tu peux apprendre à les gérer.

— Comment ?

— Eh bien...

Lyna réfléchit un instant avant de relever la tête.

- Tu te souviens du divorce de mes parents ?

Kat cligna un instant des yeux, certainement surprise par le changement de direction dans la conversation, avant de hocher légèrement la tête. Elle savait mieux que personne combien les années durant lesquels les parents de Lyna n’avaient cessés de se battre l’un contre l’autre l’avaient affectées. Elle était tout juste adolescente et la maison avait ressemblé plus à l’enfer qu’autre chose pour elle.

— J'ai eu une thérapeute merveilleuse à l’époque, je pense qu’elle pourrait t’aider à apprendre comment éviter les flashbacks et traiter ce qui les a déclenchés.

La mâchoire de Kat se serra.

— Je ne veux pas aller en thérapie.

— Je ne le voulais pas non plus.

— Un thérapeute me ferait parler de ce qui s'est passé, pas vrai ?

— Elle ne m’a jamais forcé à parler si je n’en avais pas envie. Mais ce qui est drôle au sujet de la thérapie, cependant, c'est que j’avais vraiment envie de lui dire toutes ces choses que je ne pouvais pas dire à quelqu'un d'autre. Je ne pensais pas que ça aurait pu m’arriver, et pourtant...

Elle s’interrompit avant d’ajouter :

— J'étais très réticente à l'idée d’une thérapie, il m’a fallu un certain temps avant que je ne me décide à y aller.

Elle sourit en repensant à la semaine qui avait précédé cette décision.

— Ma cousine m’en avait parlé. Et Tawny et toi vouliez que j'y aille. Comme toi, je savais que quelque chose devait changer. J'avais du mal à gérer. Les gens qui se souciaient de moi me demandaient de recevoir de l'aide, et je le voulais, je le désirais tout autant que je détestais l'idée de parler avec un professionnel. Mais j’ai fini par me dire que ça ne pouvait pas me nuire. Après tout, je tentais de faire face à tout ce qui m’arrivait par moi-même, mais j’échouais lamentablement.

Kat resta silencieuse avant de murmurer :

— Tawny, hein ?

— Mmh, mmh. Il a été d’un grand soutien, tout comme toi.

Lyna fut heureuse de voir enfin un sourire se dessiner sur les lèvres de Kat, même s’il était minuscule. Son regard se posa sur la porte de la chambre, puis de nouveau sur elle et la triste nostalgie qui captura soudainement son visage rendit son regard encore plus perdu qu’avant.

— Tu as vraiment trouvé l’homme parfait.

— Il l’est, en effet.

Lyna sentit l’expression de son visage s’adoucir aussitôt à la seule pensée de Tawny, comme il le faisait toujours à chaque fois qu’elle pensait à lui, et elle fut heureuse de voir la bouche de Kat se former en un sourire momentané en réponse.

Lyna hésita, puis ajouta :

— Et toi, tu as quelqu’un ?

Le visage de Kat s’assombrit aussitôt et elle renifla avant de murmurer :

— Non, je crois pas. Je veux dire, non.

— Tu ne m’as pas l’air très sûre de toi.

Sa réponse déclencha un nouveau cycle de larmes et elle grimaça intérieurement, se sentant aussitôt coupable de la peine qu’elle ajoutait sur celle qui l’habitait déjà.

— Eh bien, j'ai quelqu’un. En quelque sorte. Depuis quelques mois. C’était plutôt sérieux mais...

Elle se mordit la lèvre si fort que Lyna s'attendit à voir du sang.

— Je ne sais pas comment être avec elle. Elle est venue à l'hôpital cette nuit-là, mais quand elle est arrivée près de moi...

Un air de dégoût passa sur son visage.

— Pour l'instant, je ne peux pas être près d’elle. Ou de n'importe qui, mais surtout elle. Je ne la mérite plus. Pas après ça... elle ne peut pas me vouloir encore après ça.

— Kat... Il faut du temps pour rétablir l'intimité. Pour que tu te sentes suffisamment à l'aise pour la laisser entrer dans ton espace. C'est normal ça, je te le promets.

— Elle a dit qu'elle m'attendrait, qu'elle désirait du long terme, mais il ne me semble pas juste de rester avec elle.

Lyna perçut aisément l’amour qu’elle portait à sa petite-amie rien qu’à la douleur dans sa voix quand elle lui en parlait, mais ce qu’elle réalisa surtout avec grande désolation, c’était que Kat semblait penser qu’elle faisait ce qui était pour le mieux pour chacune d'elles. Oh Kat...

— Je ne suis pas sûre de pouvoir avoir de nouveau des relations sexuelles avec elle. Je ne peux même pas me l’imaginer, pour dire la vérité. Pas après ce que cet homme a fait de moi.

— Ne dis pas ça, Kat, déclara Lyna. Ça prendra peut-être un certain temps, mais je pense qu’arrivera un jour où tu décideras de récupérer ton corps. Même si ça te semble impossible aujourd'hui, l'amour et l'intimité partagé avec une personne de confiance ne doit pas disparaître à jamais.

Kat lui offrit un regard larmoyant.

— J’aurais pensé que ça aurait été plus facile de laisser tomber ma garde avec une autre femme. Et pourtant, j’ai l’impression que ça me sera impossible.

— Il te faut simplement du temps. La thérapie t’aidera, j’en suis sûre.

Kat serra de nouveau la mâchoire et Lyna pu voir qu’elle essayait de réunir son courage afin de lui dire quelque chose de difficile. Il lui fallut seulement l'espace de quelques respirations.

— Deux heures, c'est long. Et l'idée de faire l’une de ces choses, et ce de manière volontaire, même avec une personne que j’aime...

Elle encercla son ventre comme si elle allait être malade.

— Je ne peux pas. Je ne veux pas.

La gorge de Lyna se serra et elle s’empara de son sac à main qui reposait à ses pieds.

— Laisse-moi de te donner le numéro de ma thérapeute, d’accord ? Elle est...

Kat tourna brusquement la tête.

— Je ne peux pas.

— Si, tu peux, répondit aussitôt Lyna, levant néanmoins une main dans un signe d'apaisement. Je vais te donner ses coordonnées, et tu pourras l’appeler une fois que tu te sentiras prête. Mais s'il te plaît... fais-le, d’accord ? Tu as beaucoup trop de choses auxquelles tu dois faire face, Kat, et je te promets que parler aide.

Elle laissa un petit sourire apparaître sur ses lèvres dans l’espoir d’alléger l’atmosphère.

— Elle est très gentille, et ne fait pas peur du tout.

Kat encercla ses bras autour de ses genoux, comme un enfant qui cherchait désespérément à se protéger.

— J’étais de dos quand il est arrivé près de moi. Il m'a bousculée. Maintenant, j'ai peur de marcher dans la rue, je ne supporte pas que quelqu’un soit juste derrière moi.

Le tremblement de ses mains qui s’intensifiait interrompit son discours et elle entrelaça ses doigts ensemble dans une lutte évidente pour arrêter la réaction instinctive de son corps à la peur que ses mots avaient suscités.

— Ne te laisse pas retourner à cette journée-là, lui dit doucement Lyna. C'est fini Kat. Tu es en sécurité, ici, avec moi.

Une des mains de Kat jaillit et vint enserrer celle de Lyna qui reposait encore sur la couette entre elles, et Lyna enroula aussitôt ses doigts autour des siens, son toucher semblant l’aider à se détendre. Quand sa main cessa de trembler, Lyna saisit l'autre et les tint toutes les deux serrées contre elle.

— Il a été si monstrueux avec moi, lâcha Kat dans un souffle, comme si elle ne pouvait pas supporter le fait d'entendre ses propres mots. Je savais, je sentais que ma peur l’excitait vraiment.

Kat la regarda avec une telle tristesse que le cœur de Lyna se serra.

— Bon sang, mais quel genre de monstre fait ça?

— Je ne sais pas, murmura difficilement Lyna.

La douleur de Kat était si forte qu’elle dut détourner le regard sous peine de s’effondrer sous ses yeux. Elle observa la chambre pour la première fois et remarqua aussitôt qu’elle ne possédait rien rappelant Kat. Pas de photos sur les murs, pas de bibelots, rien qui ne fasse allusion à ses intérêts. Sa chambre d’adolescente chez son père était complétement différente. À l’opposé même.

— C’est la chambre d’ami.

L’affection se glissa dans la voix de Kat.

— Tawny a insisté pour que je m’installe ici, ma chambre est emplie de celle que j’étais avant... je ne pouvais tout simplement pas rester dans un endroit où... où tout me rappelait ce qu’il m’avait fait. Ce qu’il m’avait pris.

— Il assure aussi dans le rôle du grand frère, hein ? répondit Lyna dans un triste sourire.

— Il est génial, acquiesça Kat avant que son sourire ne s’efface. Il m’a tellement soutenue...

— Je suis heureuse que tu ais quelqu'un, ça fait toute la différence.

Le visage de Kat s’assombrit à nouveau et elle étouffa un sanglot.

— Honnêtement, ça m’est difficile d'être dans la même pièce que lui maintenant. Je suis tellement gênée par ce qui s'est passé.

— Tu n'as aucune raison d'être embarrassée, tu n'as rien fait de mal.

Lyna pressa ses mains.

Il l’a fait. D'accord ?

Kat détourna son visage et ferma les yeux.

— J’ai l’impression que tout le monde me regarde et peut voir ce qu'il a fait. Je suis dégoûtante.

L’estomac de Lyna se serra face à la haine qui parut dans sa voix, une haine non pas contre lui, mais contre elle-même. Elle savait que peu importe ce qu’elle pourrait dire, ça ne servirait à rien. De simples paroles ne la feraient pas se sentir différemment. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était faire preuve d'empathie.

— Je sais que je peux simplement imaginer ce que tu as subit, mais Tawny t’aime, il ne pense pas moins de toi. Et peu importe l’impression que tu as, personne ne sait ce qui s'est passé en te regardant. Je te promets. Ça ne marche pas comme ça.

Sans ouvrir les yeux, Kat murmura :

— Il s’est servi de ma bouche sur lui, j'avais peur et j’avais mal et je voulais juste que ça s'arrête. Mais il était évident qu'il n'allait pas abandonner aussi rapidement... alors il m'a... il m’a...

Lyna resserra son emprise sur ses mains dans l’espoir de l'arrêter avant qu'elle n’en dise plus. Elle n’était honnêtement pas sûre de pouvoir gérer le fait d’entendre ce qu’il avait pu faire de sa bouche.

— Tout va bien maintenant, Kat. Nous savons toutes les deux que tu n’as pas voulu ce qu'il t’a fait.

Kat dévoila ses yeux bordés de rouge, paraissant vaincue.

— Même en étant entourée par un cadre familier, par des personnes chères à mon cœur,  je ne me sens pas en sécurité. Et je ne peux m’empêcher de me demander si je me sentirais de nouveau en sécurité un jour. Je suis épuisée, Lyna, et je ne sais pas comment continuer. Je ne sais même pas si j’en ai envie.

Horrifiée par le désespoir qu’elle entendit dans ses paroles, Lyna relâcha ses mains et ouvrit ses bras, la suppliant ouvertement de la laisser lui offrir son soutien. À son plus grand soulagement, Kat s'y effondra aussitôt, se cramponnant avec une force surprenante. Son corps se souleva alors que des sanglots brisés lui parvenaient et Lyna les balança d’avant en arrière tout en la tenant proche.

— Tu vas surmonter tout ça, murmura-t-elle à son oreille. Il ne doit pas gagner, d'accord ? Il va être puni pour ce qu'il a fait, et toi... toi tu iras bien. Je te le promets.

Kat hocha légèrement la tête depuis sa place entre ses bras.

— Je suis désolée, je me comporte comme un vrai bébé.

Lyna embrassa le haut de sa tête avant de murmurer :

— Non. Tu es très loin d’en être un.

— J’aurais dû attendre, ne pas y aller seule. J’avais déjà reçu des menaces, mais non, au lieu de ça, j’ai marché droit vers le danger. Parce que j’étais bornée, parce que je ne pensais pas qu’une chose aussi... affreuse pouvait se passer.

Un sanglot lui échappa et elle releva la tête afin de la regarder.

— Peut-être que je l'ai mérité. Pour avoir été si stupide. Si naïve.

La gorge serrée, Lyna repoussa ses larmes tout en la serrant encore plus fort contre elle.

— Hé, dit-elle en touchant son menton. Un homme t’a attaqué. Il t’a blessée. Tu n'as rien fait de mal.

— Je sais.

Sa réponse était automatique et Lyna pouvait voir qu'elle ne croyait pas ce qu'elle disait.

— Non, répéta Lyna avec force tout en la regardant profondément dans les yeux. Tu n'as rien fait de mal. D’accord ?

Kat hocha la tête, le menton tremblant.

Tu sais combien de fois j'ai marché seule dans la rue après la nuit tombée ?

Lyna baissa la tête, forçant Kat à maintenir un contact visuel lorsqu’elle essaya de détourner le regard.

— Combien de fois j’ai emprunté des petites ruelles à peine éclairées ? Combien de fois j’ai traversé des quartiers chauds sans jamais demander à être escortée ? Si ça avait été moi là-bas ce soir-là, si cet homme m'avait violée, tu penserais que je le mériterais ? Que j’aurais fait quelque chose de mal ?

Le visage de Kat blanchit aussitôt.

— Bien sûr que non. Mon Dieu, Lyn’, je ne veux même pas y penser.

— Personne ne pense que c’est de ta faute.

Lyna la fixa dans les yeux. Elle savait que son regard était intense, mais elle avait besoin que Kat le comprenne une fois pour toutes.

— On s’est tous retrouvé seul à un moment donné. Tu n'es pas la seule. C’était un coup de malchance.

Essuyant ses yeux d’un revers de main, Kat expira en tremblant.

— Tu vas me faire pleurer.

Lyna cala de nouveau sa tête sous son menton et se remit à se balancer.

— Excuse-moi, je veux juste que tu comprennes que tu n’y es absolument pour rien Kat, il est coupable.

— Je le déteste, dit doucement Kat.

La force de la haine qui transparaissait dans sa voix surprit Lyna mais la rassura également. Elle la faisait se sentir mieux, elle s’y raccrochait.

— Je veux qu’il meure.

— Je sais.

— Je ne veux pas me sentir de cette façon. Je ne suis pas censée me sentir de cette façon.

— Comment es-tu censée se sentir?

Kat hésita.

— Différente. Comme moi-même.

— Tu es toujours toi. Et je ne te blâme pas pour le haïr. Je le hais, aussi.

Sa main caressa doucement ses cheveux.

— Tu devrais essayer de dormir un peu, ma belle.

— Lyna ?

Cette dernière ralentit ses mouvements puis s’arrêta.

— Oui ?

— Tu veux bien me tenir comme ça un peu plus longtemps ?

La vulnérabilité qui transparaissait dans sa voix la rendit encore plus jeune que son âge.

— Ça m’aide.

Lyna posa sa joue contre ses cheveux sombre et recommença à les balancer, doucement et de façon paisible.

— Alors je continuerai aussi longtemps que tu en ressentiras le besoin.

💕

Kat avait dormi pendant plus de deux heures lorsqu'elle remua et cligna des yeux, hébétée. Lyna arrêta de caresser ses cheveux et sourit.

— Hé, murmura-t-elle. Tu t’es endormie.

Kat se redressa rapidement, les joues rougies.

— Je suis vraiment désolée.

— Ne le sois pas. Tu as fait une bonne sieste ?

Kat hocha la tête puis allongea le cou pour regarder le réveil.

— J’ai dormi combien de temps ?

— Quelques heures. 

Kat écarquilla les yeux de panique et Lyna reprit aussitôt sa main dans la sienne.

— Ça va, j’étais heureuse d'être ton oreiller.

— Oh bon sang, je suis tellement embarrassée.

Son regard évita celui de Lyna et elle s'agita, mais Lyna fut contente de voir qu’elle ne s’écartait pas.

— Tawny doit attendre.

— Je lui ai envoyé un texto pour lui faire savoir que tu te reposais, répondit Lyna en se redressant, soupirant d’aise de pouvoir enfin se dégourdir les jambes. Il a parfaitement compris.

Kat se leva à son tour et se passa une main dans les cheveux tout en regardant autour d’elle comme si elle reconnaissait à peine l’endroit.

— Je me sens mieux.

Elle se tourna vers Lyna et lui offrit un sourire, petit, mais authentique.

— Et je n'ai pas rêvé.

— Bonne nouvelle, sourit Lyna à son tour. Essaye de le faire à nouveau après mon départ, d'accord ?

Le sourire de Kat s’effaça.

— Je vais essayer.

Lyna s'approcha et plaça soigneusement ses mains sur ses épaules, la regardant les yeux dans les yeux.

— Tu vas t’en sortir, tu m’entends ?

Kat hocha la tête.

— Il t’a fait vivre l’enfer, Kat. Je ne peux même pas imaginer ce que tu as dû endurer.

Kat secoua la tête et ouvrit la bouche pour parler, mais Lyna l’interrompit.

— Mais il ne doit pas gagner. C'est comme ça que tu commenceras à guérir, quand tu décideras qu'il ne doit pas gagner. Tu peux et tu guériras. Ce ne sera pas facile, et ça ne se fera pas d’un coup, mais ça ira mieux. Je te le promets.

Kat tomba dans ses bras et l’étreignit fortement.

— Je vais essayer, dit-elle à nouveau, la voix chevrotante. Merci.

Lyna lui frotta légèrement le dos.

— Tu appelleras la thérapeute ?

— Peut-être.

Lyna sentit son cœur se serrer à nouveau face au doute qui transparaissait dans sa voix. Elle avait peur qu’elle ait déjà pris sa décision, et que cette dernière ne soit pas celle qu’elle espérait au plus profond d’elle.

— Elle va t’aider. Vraiment.

Kat se recula, essuyant ses larmes.

— Je vais y réfléchir.

C’était tout ce qu’elle pouvait lui donner ce soir, Lyna le savait. Pourtant, elle ne put résister à lui donner une autre suggestion.

— Et pense aussi à appeler ta douce, d'accord ? On dirait qu'elle se soucie vraiment de toi. Essaye de la laisser t’aider.

Kat détourna le regard mais Lyna bougea en même temps qu’elle, maintenant un contact visuel.

— Je sais que ce n'est pas facile, et parfois, quand les gens t’aiment, ils veulent que tu parles, même si tu penses que tu ne peux pas. Mais je te le dis dès maintenant, l'amour qu’elle a pour toi t’aidera certainement plus à guérir que toute autre chose.

Hochant rapidement la tête, Kat lui répondit :

— En parlant de ça, je te permets de retrouver Tawny.

Lyna sourit, comprenant qu’elle en avait assez eu pour la journée.

— Je vais y aller. Repose-toi.

— Oui, merci.

Kat ouvrit la porte de la chambre et se tourna vers Lyna, l’attirant dans un autre câlin rapide, puis s’écarta afin de lui permettre de sortir dans le couloir.

— Je repasse te voir très vite, d’accord ? dit Lyna.

Kat lui sourit puis ferma la porte dans un léger clic.

Lyna se sentit aussitôt soulagée, elle n’avait pas craqué devant elle. Pourtant, Dieu savait que l’envie l’avait prise à plusieurs reprises.

Elle se dirigea vers le salon et Tawny tourna les yeux vers elle à l'instant même où elle entrait dans la pièce. Leurs yeux se croisèrent et quand le sourire de Tawny s’effaça, Lyna comprit qu’elle faisait vraiment un mauvais travail pour cacher son état émotionnel tumultueux. Profondément préoccupé, Tawny se leva et contourna la table basse pour la rejoindre.

— Ça va ?

— On a eu une bonne conversation, elle a même réussi à obtenir quelques heures de sommeil.

— Tu penses que ça va aller ?

— Tant qu'elle y travaille, oui. Je lui ai donné le numéro de ma thérapeute. Encourage-la à l'utiliser, d’accord ?

Sentant la chaleur de la main de Tawny dans son dos, Lyna se détendit contre lui et il l’encercla aussitôt de ses bras.

— J'ai également suggéré qu'elle donne une chance à sa petite amie pour l'aider à traverser tout ça. Je ne suis pas sûre qu'elle suive mes conseils, mais -

— Non, c'est très bien.

Tawny expira, l'air heureux.

— Je ne m'attendais pas à ce que tu accomplisses un miracle. Mais tu l'as aidée à obtenir un peu de sommeil, et il semble qu’elle se soit un peu ouverte, alors... Je te l’avais dit, tu es géniale.

Il l’embrassa sur le front et Lyna se colla encore plus contre lui.

— Je ne sais pas, Tawny. Elle m’inquiète vraiment. Elle va vraiment mal. Je lui ai dit que je reviendrais très vite afin de veiller sur elle.

— Parfait. Elle va avoir besoin de toi.

Consciente qu’elle était sur le point de craquer émotionnellement, Lyna secoua frénétiquement la tête, lâchant un « elle va avoir besoin de toi aussi » tremblant avant de fondre en larmes. Inquiet, Tawny la serra aussitôt contre lui mais maintenant que le torrent avait commencé, Lyna ne pouvait plus le retenir. Ses sanglots s’intensifièrent au point qu’il lui devint difficile de respirer.

Semblant sentir la panique qui l’envahissait, Tawny frotta vivement une main dans son dos afin de la calmer.

— Respire, mon amour. Respire.

Secouant la tête, Lyna tenta de trouver la force de lui dire qu’elle ne pouvait plus respirer, qu’elle avait peur, qu’elle allait s’évanouir, mais elle ne pouvait pas former les mots. Au lieu de cela, elle s'accrocha à lui en désespoir de cause, terrifiée de lâcher prise.

— Je te tiens, lui dit alors Tawny tout en ralentissant le mouvement de sa main contre son dos.

Il la serra le plus près possible, jusqu'à ce que sa poitrine soit collée contre son torse et que Lyna puisse sentir le battement de son cœur, presque aussi tonitruant que le sien.

Lyn’, reste ici avec moi. Ça va. Tu es en sécurité.

Lyna ferma les yeux et canalisa toute son énergie afin de se sortir de cette spirale. Tawny avait raison, elle était en sécurité. Dans le cercle de ses bras, rien ne lui ferait de mal. Peu à peu, sa respiration se calma et ses larmes ralentirent. Sa poitrine continuait à lui faire mal, mais le pire était derrière elle.

— Hé, qu'est-ce que c’était, ça ? demanda Tawny, soucieux.

Lyna ouvrit les yeux mais ne recula pas sa tête de son épaule.

— Il l'a violée pendant deux heures.

Tawny resserra son étreinte.

— Je ne peux même pas imaginer ce à travers quoi elle est passée.

— Honnêtement, je ne peux pas non plus. Deux heures, Tawny. Deux heures de relations sexuelles forcées, de torture, d'humiliation.

— Pas étonnant qu'elle soit dans cet état aujourd’hui.

La colère s’était glissée dans sa voix, même si Lyna savait qu’il avait essayé de l’étouffer.

— Elle ne méritait pas ça.

— Elle est tellement brisée, Tawny. Elle est tellement mal. Je lui ai dit que ça irait mieux, mais la vérité c’est que je n'ai aucune idée de comment elle se sent en ce moment. Deux heures, Tawn’.

Sa poitrine se serra alors qu’une vague de colère impuissante s'écrasait sur elle.

— Elle est passée par tellement d’horreur, et je ne peux même pas la débarrasser de ces putains de cauchemars. Qui suis-je pour lui dire que ça ira mieux ?

— Elle ira mieux.

La voix de Tawny était douce, mais pleine d'autorité et Lyna sentit son menton se mettre à trembler.

— Elle est juste une enfant. Elle ne devrait pas avoir à faire face à tout ça, et elle ne devrait certainement pas avoir l'impression qu'elle n’a plus d'avenir. Il doit être puni, pour elle.

Tawny encadra son visage dans ses mains alors que ses propres yeux débordaient de larmes.

— Je t'aime, Lyna, et je n'ai jamais été aussi fier de toi. Je sais combien ce soir a été difficile. Je sais combien tu as donné de toi-même pour Kat là-dedans. Et je pense ... Je pense que tu es géniale. Et s'il y a quelque chose que je puisse faire pour te faire sourire en ce moment, n’importe quoi, je veux le faire. Parce que tu ne devrais pas avoir à te sentir comme ça, non plus.

Emportée par l'émotion intense et pure qui jaillissait de Tawny, Lyna se pencha pour lier leurs bouches ensemble. Tawny resta très calme et ne fit aucun effort pour approfondir le baiser, mais frotta ses pouces contre ses joues avec une tendresse déchirante. Fermant hermétiquement les yeux, Lyna murmura :

Juste, s'il te plaît, ne me lâche jamais.

Tawny secoua la tête, serrant ses mains sur son visage, la gardant près de lui.

— Je ne le pourrais pas. Même si je le voulais.

Lyna sourit.

💕

— Je sais combien tu essayais d’être courageuse pour m’aider. Je l’ai toujours su, Lyn’, lui assura Kat en prenant sa main dans la mienne. Et je l’ai toujours grandement apprécié.

— J’aurais simplement aimé que ce soit suffisant... pour que tu restes près de moi.

— Oh Lyn’, souffla Kat, l’émotion la gagnant à nouveau. Bien sûr que c’était suffisant. Je t’en supplie, ne pense pas que ça venait de toi, parce que ce n’est absolument pas le cas. C’était moi, c’était comme si j’étais en train de mourir de l’intérieur. J’étais persuadée que tout le monde connaissait la vérité, qu’ils pouvaient le voir dans chacun de mes mouvements, dans chacune de mes paroles. J’étais tellement embarrassée. Je n’avais pas envie que les gens parlent de moi. Je n’avais pas envie que les gens me regardent. Et toi et Tawny savaient. Te parler cette nuit-là m’avait fait du bien, mais ensuite... J’ai eu peur de ce que tu pouvais penser. De ce que tu pouvais ressentir. Que tu ais ce regard. Que tu me vois telle que j’étais. Sale et dégoutante et...

Ses paroles furent coupées court par une main qui se posa soudainement sur ses lèvres avant de dévier pour venir caresser sa joue.

— Jamais Kat, jamais, tu m’entends ? lui intima Lyna en la regardant droit dans les yeux, la voix tremblante. Tu es ma meilleure amie et je t’aime. Et Dieu sait que je tuerais cette ordure de mes propres mains si je le pouvais. Il n'y a rien, absolument rien dont tu doives avoir honte.

— Je sais. Je le sais aujourd’hui. Mais à l’époque... j’étais complètement brisée.

Lyna hocha faiblement la tête tout en s’essuyant les yeux d’un revers de main.

— Tu sais, j’ai passé les années qui ont suivies à me dire que je donnerais n'importe quoi pour avoir ne serait-ce que dix minutes seule avec ce type.

— Et moi à souhaiter qu’il meurt dans d’atroces souffrances.

Lyna hocha la tête avant de relever les yeux vers Kat, hésitante.

— Tu vas plus me fuir alors, pas vrai ?

Kat vint aussitôt la prendre dans ses bras avant de murmurer à son oreille.

— Jamais. Je te le promets.

Lyna resserra son étreinte puis s’écarta, un petit sourire sur les lèvres.

— Tant mieux, parce qu’il est hors de question que mon petit bout grandisse sans toi. Surtout quand on sait qu’il te doit la vie.

Kat l’observa avec confusion.

— Je ne suis pas sûre de comprendre...

— Moi et Tawny, cette nuit-là... c’était toi, pas vrai ? demanda-t-elle en l’étudiant intensément. Tu avais tout calculé avant de partir pour l’armée.

Kat sourit.

— Tu veux dire que ça a marché... exactement à ce moment-là ?

Lyna hocha frénétiquement la tête avant de lui raconter.

 

Un rayon de soleil venu prendre place sur son visage la poussa à froncer les sourcils et elle tourna la tête pour échapper à la lumière aveuglante, s’éveillant lentement. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas aussi bien dormi, surtout après un lendemain de fête. Elle se sentait reposée, revigorée, si bien qu’elle garda ses paupières closes, savourant le bien être qui l’étreignait. La chaleur de la couette qui l’enveloppait lui offrait un cocon oh combien confortable et elle ne put retenir un soupir de contentement.

Jusqu’à ce que le lit sous elle se mette soudainement à bouger.

Et qu’une érection matinale très enthousiaste ne frôle sa cuisse.

Surprise, elle se figea. Elle n’avait pas bu au point de ramener un inconnu, quand même ? Un bras enserra sa taille et elle réalisa que ses jambes étaient emmêlées avec d’autres, ce qui expliquait très certainement pourquoi elle le sentait si... volumineux contre elle.

Bon sang, mais combien mesurait-il ?

Les joues rougies d’avoir eu une telle pensée, elle bondit finalement hors du lit quand une main endormie se rapprocha un peu trop de sa poitrine à son goût et elle croisa aussitôt le regard interloqué de Tawny qui semblait aussi surpris qu’elle.

Lyna se rappela alors son sexe contre sa cuisse, et elle ignora l’embarras au profit de la colère.

Elle lui avait laissé le canapé, et voilà qu’il se retrouvait dans son lit à frotter sa rigidité contre elle !

— Je peux savoir ce que tu fiches dans mon lit ? demanda-t-elle en posant les poings sur ses hanches.

— Lyna, tu…

— Et tu as intérêt à avoir une excuse en béton ou je te promets de faire de tes testicules de la chair à pâté !

Tawny haussa les sourcils avant de fixer un point sur sa droite.

— Je ne sais pas comment je suis arrivé ici, mais tu devrais…

— Comment ça, tu ne sais pas ?! s’exclama aussitôt Lyna, incrédule. Je te laisse sur le canapé, et je me réveille avec toi tout autour de moi ! Sans compter ta... ta...

— Lyna, tu es…

— Et je te prierais de me regarder quand je te parle ! gronda-t-elle.

Tawny serra des dents avant de croiser son regard.

— Très bien ! s’irrita-t-il à son tour. Je tenais juste à te faire remarquer que tu es en petite tenue !

Hein ?

Lyna abaissa les yeux sur son corps et remarqua avec horreur qu’elle ne portait qu’une petite culotte et débardeur qui ne cachait pas grand-chose. Sans réfléchir, elle s’empara du drap et l’entoura autour de son corps avant de réaliser que ce faisant, elle venait de dévoiler le torse finement sculpté de Tawny, ainsi que le boxer qu’il portait.

Et la jolie bosse qui allait avec.

Arg !

La gorge sèche, elle se retourna rapidement pour tenter de cacher ses joues rougies. Puis, une fois sûre que son visage était neutre, elle se tourna de nouveau vers Tawny qui la dévisageait d’un air gêné mêlé d’autre chose qu’elle n’arriva pas à déchiffrer.

— La vue te plaît ? lui demanda Tawny d’un ton taquin.

Lyna sentit ses joues s’enflammer de nouveau et elle détourna le regard tout en marmonnant :

Ça t’apprendra de m’avoir reluquée.

— Reluquer ? s’exclama aussitôt Tawny. Je te rappelle que c’est toi qui m’as dit de te regarder !

— Tu aurais pu me dire que je n’avais rien sur le dos !

— Tu m’en as empêché ! répliqua Tawny en dégageant une partie du drap pour se couvrir.

Cette conversation ne rime à rien. Lyna soupira et reprit sa place sur le lit, prenant appui contre les oreillers alors que sa colère s’envolait peu à peu.

— Bon, de quoi est-ce que tu te souviens ? demanda-t-elle au bout d’un moment.

Tawny lui jeta un coup d’œil comme pour vérifier son état d’esprit avant de répondre.

— Tu es partie te coucher, j’ai allumé la télé et…

— Et ? interrogea Lyna en se redressant sur un coude pour le fixer.

Tawny fronça les sourcils, pensif.

— Et je sais pas, je me suis certainement endormi, soupira-t-il en venant se frotter les yeux. Qui s’amuserait à nous mettre à moitié nus dans le même lit ?

— Il n’y a pas cinquante réponses possibles à cette question, maugréa Lyna. Kat, probablement aidée par Mathilde. Ferme les yeux, je veux m’habiller.

— J’ai déjà tout vu, je te rappelle, répondit Tawny avant de lever les mains en signe d’apaisement quand Lyna lui asséna un regard noir. D’accord, d’accord, marmonna-t-il avant de lui tourner le dos.

Lyna se dirigea vers sa penderie et sélectionna des vêtements propres avant de s’immobiliser quand la voix de Tawny lui parvint à nouveau.

— Tu sais, je comprends pas pourquoi tu t’emportes comme ça, commença-t-il d’une voix simple. C’est pas comme si on avait fait quelque chose, hein.

Le ton blessé et confus lui parvint aisément et Lyna sentit sa poitrine se contracter. En vérité, ses sentiments pour son meilleur ami n’avaient cessé de se renforcer avec le temps, lui rendant de plus en plus difficile le simple fait d’être en sa présence tout en sachant qu’il n’était justement que ça : un ami. Se réveiller au creux de ses bras était une scène qui avait hanté ses rêves pendant tellement de fois qu’elle ne les comptait même plus. Mais les voir se réaliser de cette manière lui était trop douloureux. Elle faisait partie de ces gens qui préféraient ne rien avoir plutôt que de n’avoir qu’un peu.

Elle se mordit la lèvre tout en se retournant, l’observant alors qu’il jouait avec le drap d’un air absent. La vérité, c’était qu’elle était morte de trouille, terrifiée à l’idée que ses sentiments ne soient qu’à sens unique. Et par-dessus tout, elle avait peur qu’en lui déclarant sa flamme, leur relation ne soit plus la même et qu’ils ne se parlent plus du tout. Alors pendant tout ce temps, elle s‘était tue et elle avait observé toutes ces rivales qui défilaient dans ses bras.

Sans réfléchir, elle le rejoignit et posa sa main sur celle de Tawny, sentant son cœur s’emballer à la seconde près où leurs peaux se touchèrent. Elle leva la tête et croisa le regard sombre de Tawny, il semblait surpris. Lentement, sa main glissa le long de son bras et elle se rapprocha de son corps. Un frisson la parcourut et elle s’arrêta sur son épaule, sa poitrine frôlant son torse musclé.

Voyant qu’il ne réagissait toujours pas, elle s’empara de sa main pour la poser sur sa taille avant de venir caresser doucement sa joue, ses doigts descendant lentement jusqu’à sa bouche dont elle redessina les contours. Avec bonheur, elle vit son visage se pencher vers elle et bien vite, leurs lèvres se frôlèrent. Désirant plus que ce simple contact, Lyna se hissa un peu plus contre lui pour ravir à nouveau ses lèvres. Leur baiser fut doux, puis sa langue vint caresser ses lèvres qu’il entrouvrait aussitôt, permettant ainsi à leurs langues de se trouver, se cajoler. Ses bras se resserrèrent autour de sa taille, rapprochant leurs corps qui s’épousaient à merveille, leurs arrachant à tous deux un gémissement. Quelques minutes plus tard, ils se séparèrent à bout de souffle et Lyna ne put détacher son regard de ses joues rosies, de son souffle chaud caressant son visage. Elle le savait d’avance, jamais elle ne se lasserait de ce spectacle. Son regard croisa le sien et elle y lut du bonheur mais aussi de la perplexité.

— Je t’aime, confessa-t-elle simplement, surprise de réaliser combien les mots sonnaient juste à ses oreilles.Je t’aime depuis un moment. Et ça m’est difficile de t’avoir auprès de moi alors que tu ne m’es pas accessible.

Elle lâcha un petit rire gêné.

— Enfin, je devrais dire « étais », non ? demanda-t-elle, incertaine.

— Mais…tu… Enfin, et Chris ?

Lyna roula des yeux tant sa question lui paraissait bête, mais s’arrêta aussitôt quand elle remarqua son air vexé.

— Tawny, on a jamais été ensemble, lui expliqua-t-elle doucement. Enfin, pas vraiment. C’était juste comme ça.

— Oh.

Lyna l’observa, confuse.

— Tu... croyais que c’était sérieux ?

— Non, répondit aussitôt Tawny. Enfin, je l’espérais, avoua-t-il en venant caresser sa joue.

Lyna sentit ses yeux se fermer d’eux-mêmes.

— Tu n’as pas à t’inquiéter à son sujet, tu es et resteras toujours le seul pour qui mon cœur bat.

Tawny lui sourit aussitôt.

— Toi aussi, murmura-t-il et Lyna afficha un sourire quand il se pencha vers son oreille et murmura : « je t’aime ».

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Commentaires
E
Wouah, il était rempli d’emotion ce chapitre !! J’ai adoré !!!
M
Beaucoup d'émotions dans ce chapitre ! Des émotions négatives et des positives ... <br /> <br /> Un bien beau chapitre en tout cas ! :)
M
Ah d'accord ! On poste un dimanche en cachette. Ça aussi c'est sadi.. bon ok j'arrête.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour cette très courte suite, riche en émotion mais pauvre en rupture, mais riche en émotion, bien que pauvre en rupture.<br /> <br /> <br /> <br /> Car non EeeM, un éloignement n'est pas une rupture, surtout quand ça concerne une amitié. Alors je ne suis pas contente.<br /> <br /> Mais je serais patiente. Cette rupture on l'aura un jour, on l'aura. (EeeM EeeM ah !)<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Ps pour le lecteur de l'ombre fan de cheminée : Allez viens, on est bien, dans la section commentaire.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Sur ce, je m'en retourne bouder comme Chloé.
E
Whaouuuuuuuuu !!!!<br /> <br /> <br /> <br /> Quel chapitre !! De l'Amour, de l'Amitié, de la souffrance, de la culpabilité, de l'impuissance... Le début des retrouvailles !!!<br /> <br /> <br /> <br /> L'atmosphère se dégel lorsque l'annonce la plus merveilleuse pour un couple tombe... suivie de reproches, les cœurs s'ouvrent, les langues se délient, le passé ressurgit... ce passé ô combien douloureux... pour tous... les explications arrivent, les confidences... L'Amour... L'amitié !!!<br /> <br /> <br /> <br /> Entre Lyna et Kat, une certaine rupture c'était produite, les éloignant petit à petit l'une de l'autre... Maintenant c'est le temps des retrouvailles, de la réconciliation...<br /> <br /> <br /> <br /> J'en connais deux qui vont être contente (^^,)<br /> <br /> <br /> <br /> Bisous, bisous EeeM (^^,)
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