Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
⚢ Fictions lesbiennes ⚥
Mises à jour !

Nouveauté :
  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

Projets en cours :
  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

Publicité
⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

1 juillet 2012

Epilogue : Deux ans plus tard.

« ...L'année 2011 restera inscrite sous le signe de la réussite pour l'équipe Project Finance de la Compagnie Jessie de Lonay. Le Groupe, déjà reconnu comme leader mondial en matière de conseil financier pour les projets Partenariats Public Privé (PPP) et pour les projets d’infrastructure et de transport, vient en effet de se voir décerner quatre récompenses par les magazines financiers...

Kate s’empara de la télécommande afin de couper le son, un sourire venant étirer ses lèvres. Sa tante avait pris la relève à la tête du Groupe deux années plus tôt, et elle avait rapidement prouvé qu’elle était on ne peut plus parfaite pour le rôle. Non pas que Kate – ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs – en ait jamais douté avant, mais Kate devait bien s’avouer qu’elle aurait aimé que ses parents soient encore de ce monde pour le voir.

Un air mélancolique s’empara d’elle alors qu'elle réarrangeait ses cours sur la table basse du salon. Son père était décédé la nuit même où elle avait annoncé à l’ensemble du Groupe que Jessie reprenait les rênes de la Compagnie ; Kate avait alors compris l’absence de sa mère ce soir-là, et la délégation à sa tante pour passer l’annonce. Mais Kate n’avait pas pardonné à sa mère pour autant ; elle s’était sentie utilisée, trahie, et blessée une fois de plus.

Elle s’était pourtant rendue à l’enterrement, non pas pour dire adieu à l’homme qui pour elle n’était son père que d’un point de vue génétique, mais pour enfin mettre un terme à cette partie de sa vie. Boucler la boucle, en quelque sorte, et aller enfin de l’avant tout en laissant tout cela derrière elle. Enfin... c’était ce qu’elle avait prévu de faire, jusqu’à ce que sa mère l’intercepte à la sortie du cimetière.

La conversation n’avait pas été très différente de celle qu’elles avaient eue lors de la nomination de Jessie à la tête du Groupe, mais la blessure étant beaucoup trop fraîche, Kate avait simplement laissé sa mère s’exprimer, pour ensuite passer à côté d’elle sans prononcer le moindre mot.

Kate secoua la tête tandis qu’un faible sourire étirait ses lèvres ; Emma n’avait peut-être pas tort, finalement, lorsqu’elle la disait s’être calmée. L’adolescente qu’elle avait été aurait très certainement répondu, ajoutant un esclandre de plus à son actif.

Ce qui l’avait fait changer d’avis, cependant, avait été un article de journal parut quelques mois plus tard, et qui lui avait appris l’admission de sa mère au sein du Centre de l'Écoute et du Langage d’Arcadie. Kate en avait tout d’abord été surprise, avant d’être très intriguée et – bien qu’elle ait eu du mal à se l’avouer à l’époque – inquiète. Que faisait sa mère dans un centre de réadaptation psychologique et psychopédagogique ?

Un coup de téléphone de Jessie lui avait finalement appris que, depuis le décès de son père plusieurs mois auparavant, sa mère souffrait d’une grave dépression qui avait requis une hospitalisation et des soins spécifiques. Léonora ayant tiré un trait définitif sur le Groupe – et donc sur ses membres –, Jessie en avait été tout aussi étonnée qu’elle, mais elle avait rapidement interrompu Kate lorsque cette dernière n’avait pu s’empêcher de se sentir responsable de par son refus de reprendre contact avec sa mère, après toutes les demandes que cette dernière avait faites.

Kate s’était tout de même retrouvée soudainement perdue, sa mère l’avait tellement trahie par le passé... comment pouvait-elle, tout à coup, se sentir désemparée devant l’annonce d’une telle nouvelle ? Qui sème le vent récolte la tempête... Léonora ne méritait-elle pas ce qui lui arrivait, après tout ? Et pourtant, Kate n’arrivait même pas à partir dans cette optique. Sa mère était souffrante, et elle en était soucieuse, aussi fou que cela puisse paraître.

Après une longue conversation avec Emma, elles avaient alors décidé de se rendre à la Capitale, sans vraiment savoir à quoi s’attendre réellement. Le médecin en charge de Léonora les avait accueillies dès leur arrivée sur place, et après un bref entretien, Kate s’était rendue dans la chambre qu’occupait sa mère. Elle avait alors découvert une femme complètement différente de celle avec laquelle elle avait passé les seize premières années de sa vie. Outre sa santé fragile, ses traits tirés et ses cernes sous les yeux, Léonora lui était devenue une véritable étrangère maintenant qu’elle avait perdu son époux, et laissé le Groupe derrière elle.

Kate avait été intriguée, et même si elle ne lui pardonnait pas ses erreurs passées à son égard, une partie d’elle avait envie d’apprendre à connaître cette femme qui aurait dû être sa mère. Avait alors commencé le début de nombreux aller-retour entre la capitale et Caden – la ville où Emma et Kate habitaient –, et le tissage de nouveaux liens.

Le regard de Kate s’arrêta de nouveau sur l’écran où le journaliste semblait retracer l’histoire du Groupe depuis sa création, et un triste sourire étira ses lèvres. Cette reconnexion avec sa mère n’avait duré qu’un temps cependant, la dépression ayant fini par l’emporter il y avait maintenant bientôt un an. Kate n’avait pas voulu savoir comment sa mère avait mis fin à ses jours, et avait fait tout son possible – avec l’aide de Jessie – pour que la presse n’en soit pas informée elle non plus. Avait alors commencé le deuil d’une mère, et pour la première fois de sa vie, la sensation d’être orpheline.

Kate en avait été surprise, après tout, n’avait-elle pas rayé ses parents de sa vie alors qu’elle n’était encore qu’adolescente ? N’avait-elle pas passé près de dix années sans les côtoyer ? Seulement, elle avait eu droit à une seconde chance, avec sa mère du moins, et elle regrettait désormais de n’avoir eu que quelques mois.

Des mains se glissèrent autour de sa taille suivit d’un corps chaud contre son dos, et elle sursauta légèrement.

- On révise par terre maintenant ? taquina Emma en venant l’embrasser dans le cou. Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur.

Kate se frotta les yeux tout en se reculant légèrement afin de profiter pleinement de la chaleur du corps de sa moitié.

- C’est rien, rassura-t-elle en caressant les bras d’Emma du bout de ses doigts. J’étais simplement perdue dans mes pensées. Quant au reste, figure-toi que ma femme s’est accordée une sieste sur le canapé, et qu’elle prenait toute la place.

Emma se redressa pour venir prendre place sur les cuisses de Kate.

- Elle prenait toute la place, hein ? sourit-elle en venant chatouiller les côtes à sa portée.

Kate rit légèrement tout en venant attraper les mains inquisitrices.

- Alors, prête à partir en vacances ? demanda-t-elle, une fois calmée.

- Et comment, sourit Emma. J’ai hâte de revoir tout le monde, Zoé a six ans maintenant, tu te rends compte ? Le temps passe si vite...

- Hmm, acquiesça Kate en l’embrassant furtivement. Tu as raison, d’ailleurs...

Elle s’empara d’une mèche de cheveux d’Emma qu’elle étudia sous tous les angles.

- ...ce ne serait pas un cheveu blanc que tu aurais, juste là ?

Emma l’observa, outrée.

- Oh tu es vilaine ! s’exclama-t-elle en reprenant ses chatouilles, s’écartant légèrement lorsque Kate se roula sur le sol, vaincue par les rires.

- Stop ! Stop, arrête, supplia Kate alors que des larmes se formaient au coin de ses yeux. Je me rends !

Emma retira ses mains, un sourire satisfait sur les lèvres.

- Alors, tu disais ? demanda-t-elle, un sourcil haussé.

- Rien, répondit Kate en se redressant, légèrement essoufflée. Rappelle-moi de ne jamais plus me jouer de toi, ajouta-t-elle en se recoiffant.

Emma retint un rire et regagna sa place au creux des bras de Kate, posant sa tête contre son épaule.

- Bonne initiative, dit-elle en lui tapotant affectueusement le ventre avant de froncer légèrement les sourcils. Le ciel s’assombrit, on dirait bien que l’on va avoir un orage, remarqua-t-elle doucement.

Kate tourna la tête vers les baies vitrées du salon et elle nota qu’en effet, le bleu d’il y a quelques instants était devenu presque violet. Le vent s’était levé discrètement, ras et puissant, et l’atmosphère avait changé, plus fraîche, plus humide, et chargée en électricité.

- J’adore la pluie d'été, poursuivit Emma en caressant la peau douce du ventre de Kate d’un air absent. Surtout lorsqu’elle émane d'un bel orage, tu as juste envie de tendre le visage vers ses gouttes.

- Tu vas être gâtée, alors, murmura Kate en venant l’embrasser sur le front. Les premières gouttes viennent de s'écraser sur le sol.

- Hmm, acquiesça Emma en se redressant. Mais la meilleure partie est à venir, sourit-elle malicieusement en tendant une main. Viens.

Des grondements semblables à ceux de tambours retentirent dans le lointain, suivit d’éclairs, et Kate se laissa traîner vers les doubles portes, venant aussitôt entourer la fine taille d’Emma après que cette dernière les avait ouvertes en grand.

- Tu sens ça ? demanda Emma alors qu’elle observait le rideau de pluie qui s’étendait entre elles et le paysage.

- Hmm, l'odeur de la pluie, murmura Kate. Un mélange de terre et de végétation, et de goudron chauffé à blanc.

- Oui, sourit Emma en entrelaçant leurs doigts et en prenant de profondes inspirations. Une odeur à nulle autre pareille. J’adore, ça me rappelle toujours mon enfance.

Kate frotta son nez contre la peau douce du cou d’Emma tout en regardant l’averse. Le store au-dessus d’elles résonnait comme un tambour sous ces milliers de gouttes qui l'attaquaient sans le traverser, puis glissaient en formant des rigoles, puis des flaques sur le sol de la terrasse.

- Raconte-moi, murmura-t-elle contre l’oreille toute proche.

- Je vais faire mieux que ça, répondit Emma avant de se retourner. Viens.

Kate sentit un sourire amusé prendre place sur ses lèvres alors qu’elle réalisait ce qu’Emma avait en tête.

- On va finir par tomber malade.

Emma vint l’embrasser.

- C’est pas grave..., murmura-t-elle contre ses lèvres. J’ai un médecin à la maison.

Kate lâcha un rire avant de venir l’embrasser à son tour.

- Et la médecin, qui s’occupera d’elle, hein ?

- Moi, répondit aussitôt Emma. Elle aura juste à me dire quoi faire. Allez Kate, d’ici dix minutes à peine, tout sera terminé…

Elle tira encore un peu et Kate finit par se laisser convaincre, la suivant à son tour sous la pluie, avant de rapidement descendre les marches de la terrasse pour venir prendre place au milieu du terrain. Kate leva les bras afin de se protéger des gouttes tièdes qui s'écrasaient sur sa peau nue, avant de s'infiltrer dans son cou et tremper ses vêtements légers, puis décida d’abandonner lorsqu’elle vit Emma pencher légèrement la tête vers l’arrière puis écarter les bras en signe de croix, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres tandis qu’au vu du faible mouvement de ses narines, elle humait la douce odeur de terre humide

L’image qui s’offrait à elle fit soudainement se rappeler à Kate la fin d’après-midi qu’elles avaient passée dans la neige à La Lumeda. Emma lui apparaissait telle qu’elle lui avait paru à l’époque ; calme, sereine, à simplement apprécier la caresse des gouttes de pluie sur son visage, et se nourrir de ce que la nature avait à offrir.  

La douce chaleur qui avait pris place dans la poitrine de Kate ce jour-là s’empara d’elle à nouveau, et ce fut comme si elle tombait amoureuse une fois de plus, l’émotion étant si forte qu’elle ne fut pas surprise de sentir sa vue se brouiller légèrement.

Les paupières d’Emma finirent par s’ouvrirent et elle sourit lorsqu’elle remarqua que Kate l’observait. Elle s’approcha d’elle et prit ses mains dans les siennes avant de venir l’embrasser légèrement, puis remonter doucement vers son oreille.

- Danse avec moi, souffla-t-elle avant de se reculer, les yeux brillants.

Kate se sentit sourire à son tour et, les pieds joints dans l’herbe humide, elles reculèrent légèrement le haut de leurs corps de manière à avoir les bras tendus, avant de se mettre à tourner, les yeux dans les yeux.

Le rire d’Emma lui parvint et Kate ne put se retenir de rire à son tour. A quand remontait la dernière fois où elle s’était simplement laissée aller ainsi, à simplement profiter ? Elle repensa à leur bataille de neige à La Lumeda et elle décida que cela remontait à bien trop longtemps déjà. Fermant les yeux, elle se laissa alors aller aux sensations qui l’envahissaient, savourant la mélodie du rire d’Emma et les gouttes d’eau qui venaient s’écraser sur son visage.

Le vent fit voler ses cheveux autour d’elle tout en venant siffler dans ses oreilles, le tonnerre gronda de plus en plus fort au-dessus d’elle, et lorsque ses paupières s’ouvrirent à nouveau, Kate remarqua que de magnifiques éclairs d'or et d'argent tranchaient le ciel désormais parsemé d’une palette de gris différents. Le vent quant à lui couchait les herbes un peu trop hautes, ployait la cime des arbres qui les entouraient, tandis qu’à leurs pieds, de grandes flaques s’étaient formées, les poussant à patauger dans l'eau glacée.

La vitesse finit par ralentir, le rire d’Emma par s’estomper, et des lèvres fraîches vinrent prendre place sur les siennes avant qu’un regard mutin ne lui apparaisse.

- A quoi tu penses ? souffla Emma, ses cheveux dégoulinant autour de son visage.

- Je me sens... vivante.

Emma sourit avant de venir l’embrasser à nouveau puis les diriger vers la terrasse d’un pas tranquille. Une fois arrivées sous la tonnelle, elles ne purent s’empêcher de rire lorsqu’elles s'ébrouèrent comme de jeunes chiots avant de s'arrêter et observer la nature déchaînée. Elles n'entendaient plus que la pluie qui martelait tout sur son passage, et le tonnerre qui grondait de plus belle, mais elles ne purent détacher leurs regards des éclairs qui éblouissaient le ciel, à la fois magnifiques, fougueux, et sauvages.

- C'est beau hein ? souffla Emma, comme si elle avait peur de briser la magie du moment. Cet univers qui s'exprime et qui vibre.

Kate hocha la tête avant de frissonner malgré elle, et Emma s’empara de nouveau de sa main avant de l’attirer à l’intérieur.

- A la douche, sourit-elle.

- Oh je vois, répondit Kate, les dents claquantes. Tout ça, c’était juste pour m’avoir nue, hein ?

Emma lâcha un rire tout en l’aidant à se débarrasser de son t-shirt.

- Non, contra-t-elle en le passant au-dessus de sa tête. Mais j’avoue que te voir ainsi, dégoulinante de pluie avec tes vêtements qui te collent à la peau...

Kate remarqua son regard empli de désir et elle se sentit frissonner à nouveau, mais pour des raisons complètement différentes.

- A la douche, répéta-t-elle avant de venir s’emparer de ses lèvres dans un baiser long et profond.

Emma se sentit soulevée et elle enroula instinctivement ses jambes autour de la taille de Kate, souriant d’amusement contre ses lèvres avant de grogner lorsque la sonnerie du téléphone se fit entendre.

- Laisse, soupira aussitôt Kate en poursuivant son chemin le long du couloir.

- Non, murmura Emma en l’embrassant à nouveau. Ça... pourrait... être... important, poursuivit-elle entre chaque baiser.

Kate la laissa redescendre non sans afficher un air boudeur et Emma vint coller son front contre le sien tout en caressant ses joues.

- Pars devant, je me dépêche, souffla-t-elle dans un sourire empli de désir.

Kate lui vola aussitôt un baiser avant de disparaître dans la salle de bain et Emma se dépêcha d’aller décrocher avant que le répondeur ne s’enclenche.

- Allo ? dit-elle, légèrement essoufflée. 

- Devine qui vient tout juste d’être tata pour la seconde fois, parvint la voix, taquine.

Emma haussa aussitôt les sourcils avant de se tourner vers la salle de bain.

- Kate ! hurla-t-elle, avant de lui faire signe de la main de s’approcher lorsque cette dernière passa la tête dans l’encadrement de la porte.

Kate s’approcha, désormais vêtue de son peignoir, et colla à son tour l’oreille contre le combiné tout en aidant Emma à enfiler le sien.

- Alors ça y est, elle a accouché ? poursuivit Emma d’une voix toute excitée alors qu’elle se frottait frénétiquement les bras pour se sécher.

- Il y a une heure, acquiesça Liz. Désolée de ne pas vous avoir prévenues plus tôt, j’avais un peu la tête dans les nuages.

Emma et Kate rirent doucement.

- Ne t’en fais pas, on comprend, répondit cette dernière. Comment va Eva ? 

- Elle va bien, répondit Liz. Elle se repose, l’accouchement a été un peu difficile.

Emma et Kate échangèrent un regard avant qu’Emma ne demande :

- Rien de grave, j’espère ?

- Non, non, rassura aussitôt Liz, son sourire évident à travers le téléphone. Ce petit bonhomme a simplement décidé de se présenter en position assise.

Emma et Kate rirent à nouveau.

- Il n’en fait déjà qu’à sa tête, sourit Emma. Sa tante n’aura rien à lui apprendre, alors, ajouta-t-elle d’un ton taquin en direction de Kate.

Cette dernière lui tira la langue et elle sourit encore plus.

- Exactement, rit Liz avant de reprendre son sérieux. Et justement, hum, on a pensé à un prénom aujourd’hui.

- Ah ? demanda Emma en échangeant un regard avec Kate. Et ?

- Et... on aimerait l’appeler « Gaël » en souvenir de la sœur d’Eva, répondit Liz avant de faire une légère pause. Mais on aimerait aussi lui donner « Alexandre » comme second prénom. Je pense que ce n’est un secret pour personne qu’Eva t’aime comme sa petite sœur, Kate. Elle tient vraiment, si tu le veux bien, à nommer notre fils d’après ton second prénom. Je dois avouer que je n’aurais pas pu trouver mieux.

Kate observa le combiné, interdite.

- Hum, c’est..., je... je ne sais pas quoi dire, répondit-elle enfin, l’émotion la gagnant.

Des bruits de mouvements lui parvinrent avant qu’une voix ne se fasse entendre à nouveau :

- Kate ? parvint la voix endormie d’Eva.

- Oui ? répondit aussitôt Kate, le cœur battant.

- Je viens de passer les dernières vingt-et-une heures à accoucher, qu’est-ce que tu penserais de, je ne sais pas moi, un simple « oui » ?

Le ton fatigué d’Eva lui parvint aisément, mais la petite note taquine était tout de même immanquable. Kate sourit.

- Ca me paraît bien, en effet.

- Génial, répondit aussitôt Eva. Je t’aime Kate.

Kate sentit le début de larmes lui piquer les yeux et elle accepta avec plaisir l’étreinte d’Emma.

- Je t’aime aussi, répondit-elle, la gorge légèrement nouée.

- Je sais ma belle, souffla Eva. Je vous repasse Liz avant qu’elle ne me trucide à faire une telle déclaration.

Emma et Kate rirent à nouveau.

- Le sommeil me rattrape de toute façon, poursuivit-elle dans un bâillement. Dieu sait que je vais avoir besoin de toutes mes forces si Gaël est aussi volcanique que toi, taquina-t-elle.

- Continue comme ça et je pourrais bien lui donner des cours, la prévint Kate dans un sourire.

- Oh non, je t’en prie ! s’exclama Eva, feignant un air horrifié. A plus tard les filles, faites attention sur la route.

Emma et Kate la saluèrent à leur tour avant d’entendre le téléphone être de nouveau passé à Liz.

- Vous venez toujours nous rendre visite dans l’après-midi ? demanda-t-elle aussitôt.

- Juste le temps de prendre une douche, et on est là, répondit Emma.

Il y eut un léger silence.

- Ça risque de prendre un petit moment alors, parvint la voix, taquine.

- Eh bien, justement..., commença Kate avant d’être interrompue par une main sur ses lèvres.

- On sera là dans quatre heures au plus tard, tout dépendra de la circulation, finit Emma dans un sourire avant de se tourner vers Kate et chuchoter : juste pour ça, on ne prendra qu’une douche, et rien de plus !

Kate plissa aussitôt les yeux avant d’afficher un air boudeur.

- A peine né qu’il me prive déjà de câlin, marmonna-t-elle, provoquant le rire d’Emma et de Liz.

- J’ai entendu ça, ricana cette dernière. Bon, à tout à l’heure les filles, alors.

- A tout à l’heure ! répondirent-elles en cœur avant de raccrocher.

Le combiné de nouveau mit en place, Emma se tourna vers Kate et vint l’embrasser doucement.

- Nommé d’après sa tante, dit-elle en venant se perdre dans les yeux noisette. C’est pas cool ça ?

- C’est même plus que ça, sourit Kate avant de reprendre un air sérieux. Je suis vraiment contente pour elles.

- Hmm, acquiesça Emma. La vie leur sourit enfin, il était temps.

- Et comment, répondit Kate avant d’appuyer son front contre celui d’Emma. Je suis vraiment privée de câlins ? demanda-t-elle, pleine d’espoir.

Emma lâcha un rire tout en la tirant vers la salle de bain.

- Après la vision que tu viens de m’offrir avec tes cheveux et tes vêtements dégoulinant de pluie ? Kate, au point où j’en suis, tu me supplieras d’arrêter.

Kate éclata aussitôt de rire alors qu’elle venait l’enlacer par derrière.

- Alors ça... jamais de la vie, souffla-t-elle dans l’oreille toute proche.

Amusée, Emma se retourna dans son étreinte et l’observa, les yeux scintillants. Sa main se posa sur la joue de Kate, et, du bout des doigts, elle la caressa avant de remonter légèrement vers le lobe de son oreille qu’elle aimait tant mordiller de temps à autre.

- Love don't have to be a bunch of drama…, commença-t-elle dans un faible sourire, ses doigts descendant le long du cou de Kate, puis encore plus bas, jusqu’à venir défaire la ceinture du peignoir qu’elle portait.

Elle en écarta doucement les pans et fut aussitôt ravie de voir que Kate n’avait gardé que ses sous-sous-vêtements. Cette simple vue fit de nouveau monter de nouveau le désir en elle et elle se rapprocha encore, jusqu’à coller son corps contre celui de Kate. La sensation de leurs poitrines pressées l’une contre l’autre la poussa à se mordre la lèvre, et elle embrassa à nouveau Kate avant de murmurer :

- A bunch of knock down, drag-outs cryin' in the rain…

Elle sentit les mains de Kate enserrer sa taille un peu plus fermement et elle sourit légèrement avant de venir déposer des baisers le long de son cou, ravie de sentir Kate pencher la tête en arrière et se cambrer pour mieux s’offrir.

- It's alright to keep it light now, don't you think ? poursuivit-elle en venant mordiller les tendres épaules à sa portée.

Elle entendit Kate prendre une inspiration profonde et elle descendit un peu plus, son regard se posant sur ses seins magnifiquement bien proportionnés et presque entièrement dévoilés par le tissu rendu transparent une fois humide. De ses paumes, elle vint les attraper par en dessous avant d’y déposer ses lèvres, se délectant une fois de plus de leur douceur incomparable.

- We're having such a good time together, it's only just begun…

Elle laissa sa langue glisser sur la pointe des tétons de Kate qui durcirent aussitôt sous le frôlement, puis s’agenouilla et la regarda d’en bas, sa respiration s’accélérant à la simple vue du corps si désirable de Kate et de sa tête toujours penchée en arrière. Des mains urgentes vinrent s’insinuer dans ses mèches blondes, et Emma vint aussitôt embrasser le nombril à proximité.

Un regard noisette empli de désir la regarda d’en haut, et elle descendit encore un peu, rencontrant un fin tissu noir lui cachant le grain de beauté qu’elle connaissait par cœur et qui semblait sans cesse lui indiquer la direction du plaisir,  ainsi que le fin duvet qui tentait vainement de tout recouvrir. Son appétit sensuel grandissant, Emma y déposa un chaste baiser, souriant légèrement lorsque Kate se cambra plus encore, puis elle se releva afin de l’observer à nouveau.

Plongeant dans les iris inondés de désir, elle murmura tout contre les lèvres entrouvertes :

- My heart's never smiled so hard, baby, lovin' you is fun.

Et après un faible sourire, un regard empli d’amour, et une caresse infiniment tendre sur son abdomen, Emma l’embrassa avant de passer les minutes suivantes à chérir son corps dans une douceur inégalable.

 

– FIN –

 

 

N'hésitez pas à nourir l'auteure, faites-lui savoir ce que vous avez pensé de son histoire !

Publicité
Publicité
1 juillet 2012

Chapitre 7 : Toutes les bonnes choses ont une fin... les mauvaises aussi ?

Eva jeta un coup d’œil rapide dans le Juda avant de prendre une profonde inspiration puis ouvrir la porte, Emma, nonchalamment appuyée contre le battant, lui apparut aussitôt.

- Hé, lui sourit cette dernière. Ta ligne téléphonique est coupée, je suppose qu’elle est toujours ici ? demanda-t-elle, un sourcil haussé.

- Oui, répondit prudemment Eva alors qu’elle étudiait son visage, essayant de déterminer ce qu’elle pouvait bien penser.

Emma hocha la tête.

- Merci pour le sms, j’aurais été totalement paniquée si tu ne m’avais pas prévenue, enchaîna-t-elle avant de plisser légèrement les yeux. Ça va toi ? Tu as l’air exténué, ajouta-t-elle plus doucement.

Eva se gratta le sourcil.

- Disons que j’ai eu une longue nuit, sourit-elle faiblement. Qui se transforme en une longue journée, apparemment.

- Hmm, acquiesça Emma d’un ton compréhensif. Laisse-moi te débarrasser de ta sœur alors, comme ça tu pourras profiter du reste de la journée pour te reposer.

Elle s’apprêtait à entrer lorsqu’Eva lui bloqua soudainement le passage. Surprise, elle haussa les sourcils avant de se reculer légèrement.

- Quelque chose ne va pas ? demanda-t-elle, appréhensive.

Eva se mordit la lèvre tout en l’observant ; après avoir finalement remarqué plusieurs appels en absence sur son portable et sur celui de Liz,  elle avait décidé de prévenir Emma lorsque Kate était partie prendre sa douche un peu plus tôt, se doutant qu’Emma allait chercher à la retrouver à un moment ou un autre, peu importe ce qui avait bien pu se passer entre elles auparavant. Mais la réaction qu’Emma avait désormais, si posée, si calme, presque... détachée, la surprenait.

Elle prit une profonde inspiration avant de répondre :

- Ecoute Emma, je sais que ça ne me regarde pas, mais Kate...

- Je sais, la coupa aussitôt Emma. Je vis avec elle depuis six ans maintenant, je la connais plutôt bien. Ne t’en fais pas, je ne compte pas faire de scène, ajouta-t-elle en lui mettant un coup amical dans les côtes.

Eva l’observa, intriguée.

- D’accord, répondit-elle, sur la réserve.

Emma hocha la tête puis l’embrassa sur la joue avant d’entrer dans l’appartement. Elle tendit l’oreille, à l’affut du moindre bruit, mais fut surprise de n’en entendre aucun. Confuse, elle lança un regard interrogateur en direction d’Eva avant de se diriger vers le salon lorsque cette dernière haussa simplement les épaules en réponse.

La première chose qu’elle aperçut lorsqu’elle pénétra dans la pièce, fut Kate qui s’arrêta soudainement de faire les cent pas pour la fixer bêtement, comme si elle venait d’avaler sa langue. Un mouvement sur sa droite attira son regard et elle salua Liz d’un signe de la main avant de reporter son attention sur Kate qui n’avait pas bougé, à l’exception de ses mains qui tripotaient nerveusement le bas de son t-shirt.

Elle s’apprêtait à prendre la parole lorsque son regard s’arrêta sur des morceaux de plastique formant un petit tas à même le sol. Elle haussa un sourcil.

- Eh bien..., je crois que c’est la dernière fois que j’investis plus de 300€ dans un téléphone portable, dit-elle d’un ton caustique.

Un silence pesant suivit ses paroles et elle leva les yeux au ciel avant de s’approcher de Kate.

- Ou alors... la prochaine fois, je t’offre la housse la plus résistante qu’ils ont avec, ajouta-t-elle en tirant légèrement sur son t-shirt.

Kate lui offrit un air totalement perplexe.

- Hum, Emma...

Emma posa une main sur ses lèvres.

- Je viens de passer les deux dernières heures dans les bouchons pour venir te retrouver ; j’ai définitivement besoin d’une tasse de thé et de quelque chose à avaler. Elle tourna la tête en direction d’Eva et Liz avant d’ajouter : ça vous dérange si on occupe votre cuisine pendant quelques temps ?

Eva et Liz échangèrent un regard avant que cette dernière ne réponde :

- Non, allez-y, on sera sur le balcon.

Emma hocha la tête.

- Merci, répondit-elle en s’emparant de la main de Kate et en l’entraînant vers la cuisine. Ça ne devrait pas être long.

Les sourcils de Kate grimpèrent sur son front. Pas être long ? C’est mauvais signe ça, non ? Elle chercha réassurance dans le regard de Liz et Eva mais n’y lut que le reflet de son propre étonnement et de son inquiétude.

Elle soupira tout en levant intérieurement les yeux au ciel. Merci les filles.

💕

- Je suis contente de voir que si quelque chose arrive, tu viens te réfugier ici, commença Emma en en désignant l’endroit du regard avant de prendre une première gorgée de son thé.

Kate hocha doucement la tête depuis sa place contre l’évier de la cuisine.

- Je ne voyais pas où aller d’autre, admit-elle.

- Hmm, j’aurais probablement fait la même chose, répondit Emma avant de se taire un instant, observant Kate. Tu as toujours eu du mal lorsque tu sais que je ne vais aimer, ou que ça va me faire mal, et que tu t’en sens infiniment coupable, reprit-elle en traçant le contour de sa tasse du bout du doigt.

Elle s’arrêta et leva les yeux vers Kate.

- Alors, qu’est-ce que c’est, cette fois-ci ? demanda-t-elle, un sourcil haussé.

Kate eut un rire dénué d’humour tout en secouant la tête.

- Cette fois-ci... A t’écouter, on dirait que j’ai quelque chose à me reprocher tous les trente-six du mois.

Emma grimaça. Ça commençait mal. Elle reposa sa tasse sur la table de la cuisine avant de s’approcher de Kate et passer ses bras autour de sa taille, redoutant un instant de se voir repousser lorsqu’elle sentit Kate se figer, mais finalement soulagée lorsque la jeune femme se détendit légèrement.

- Hé, appela-t-elle afin de croiser le regard de Kate.

Kate serra un instant la mâchoire avant de tourner légèrement la tête pour la regarder, sa colère et sa douleur s’atténuant considérablement lorsqu’elle se retrouva capturée par des yeux vert émeraude emplis d’amour.

- Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, reprit Emma d’une voix douce, ses mains caressant le dos de son épouse en des cercles réconfortants. Juste que, les rares fois où c’est arrivé, poursuivit-elle en insistant sur les mots, tu n’avais aucune raison de t’en vouloir. Alors... que s’est-il passé ? demanda-t-elle à nouveau.

Kate secoua la tête alors que les larmes montaient à nouveau malgré elle.

- Tu ne vas pas aimer, souffla-t-elle d’une voix tremblante, la gorge douloureusement nouée.

- Dis-moi, répondit Emma d’une voix encore plus douce.

Kate détourna le regard alors qu’une première larme coulait le long de sa joue.

- Oh Kate non, s’il te plaît, reprit Emma en essuyant sa joue. Je déteste te voir pleurer.

Kate secoua de nouveau la tête avant de se reculer, se détachant de son étreinte.

- Je suis désolée, balbutia-t-elle en se dirigeant vers la porte de la cuisine. Je ne peux pas... je...

Emma l’observa un instant, son cœur se déchirant dans sa poitrine face à la douleur de Kate qu’elle percevait aisément et elle baissa les yeux vers le sol avant de murmurer :

- Tu ne m’as pas trompée, Kate.

Les mots lui parvinrent et Kate finit par s’arrêter, le cœur tambourinant.

- Qu... quoi ?

- Tu ne m’as pas trompée, répéta Emma en s’approchant. C’est bien ce que tu croyais avoir fait, non ?

Interdite, Kate se retourna pour lui faire face et l’observa un long moment avant de répondre :

- Je... comment...

Emma eut un faible sourire avant de prendre le visage de Kate entre ses mains et l’embrasser doucement.

- Comment je le sais, hein ? demanda-t-elle en se reculant légèrement pour pouvoir la regarder. Je le sais parce que vous étiez ensemble pendant à peine cinq minutes, et, non pas que je doute de tes... capacités, dit-elle, le regard brillant. C’est un peu court, non ?

Kate secoua légèrement la tête, confuse.

- Je ne comprends pas.

Emma soupira avant de venir s’emparer d’une main qu’elle porta à ses lèvres.

- Eva a déjà vérifié mes doigts, répondit aussitôt Kate, embarrassée.

Emma s’interrompit, les sourcils haussés.

- Je comptais juste t’embrasser, précisa-t-elle, perplexe, avant de se sentir fondre devant l’air si adorable de Kate. Mais... la seule personne avec qui tu as fait l’amour la nuit dernière, Kate, c’est moi, dit-elle sérieusement. Enfin, tu as essayé, parce que tu t’es endormie en route, ajouta-t-elle en se retenant visiblement de rire. Tu ne supportes vraiment pas l’alcool.

Kate lâcha un rire nerveux alors qu’elle ne quittait pas sa main du regard, toujours tenue entre celles d’Emma.

- Endormie en route, hein ? Je suis plutôt embarrassée, maintenant.

- Non, répondit Emma en secouant frénétiquement la tête. Je m’endormais aussi, ajouta-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure avant de grimacer. Je suis désolée.

- Pas grave, sourit Kate avant de soupirer. Mais, la limousine...

Emma lui offrit un regard confus.

- La limousine ?

- J’étais seule avec Cassie lorsque nous sommes rentrées cette nuit, dans la limousine.

- Ah, sourit Emma. Il fallait bien que quelqu’un ramène la voiture, non ? dit-elle, un sourcil haussé. Je t’ai rejointe à la soirée Kate... le coup de fil qui m’a retenue ?

Kate se passa une main sur le visage, se sentant soudainement incroyablement stupide et fatiguée.

- Je n’avais pas pensé à ça, répondit-elle enfin, abattue. Je n’ai pensé à rien... Il y a eu ces flashs, et les paroles de Cassie...

Emma encadra de nouveau son visage de ses mains.

- Kate, vous n’étiez ensemble que pendant deux minutes. Deux minutes. Tu peux me dire ce que tu aurais eu le temps de faire pendant ce temps-là ? Ce n’est même pas dans le livre des records. Elle grimaça. Bon, si, ça l’est. Mais honnêtement, à part apparaître dans ce fichu bouquin, ils n’avaient aucun autre but. Je veux dire, ce n’est pas en une trentaine de secondes que tu as le temps d’en oublier ton prénom, si tu vois ce que je veux dire.

Sa phrase à peine terminée, elle fut ravie d’entendre le rire de Kate.

- Oh bon sang, répondit Kate en s’essuyant les yeux. Trente secondes ? Oserais-je demander comment tu sais ça ?

Emma se mordit la lèvre.

- Les lycéens ont des intérêts bien particuliers, parfois, admit-elle. Bon, ce n’était pas vraiment le record du rapport le plus rapide, mais plutôt du nombre de rapport dans une seule et même journée. Chaque rapport sexuel devait excéder trente secondes pour être comptabilisé.

- J’ai envie de savoir le résultat ? grimaça Kate.

- 919. Avec des partenaires différents.

Kate écarquilla les yeux avant de grimacer à nouveau.

- Beurk, c’est dégoûtant ! Et puis, en une journée ? J’imagine même pas l’état dans lequel elle devait être après...

Elle fut coupée par une main sur ses lèvres.

- Arrête, je ne veux vraiment pas penser à ce genre de chose.

Elle sentit Kate sourire avant qu’elle ne reprenne rapidement son sérieux, un air coupable prenant place sur son visage.

- Elle était nue, dans le même lit que moi, Emma. Et je n’étais pas beaucoup vêtue non plus.

- Hmm, lorsque je l’ai aperçue, elle était enroulée dans une serviette de bain, non ?

Kate cligna un instant des yeux avant d’hocher la tête.

- Oui, ses cheveux étaient humides aussi.

- Je sais, sourit Emma. Viens, on sera plus à l’aise dans le salon. Et allons chercher Eva et Liz aussi, je n’ai pas envie de raconter l’histoire une deuxième fois, ajouta-t-elle en feignant un air blasé.

💕

- Ca va aller, tu crois ? Entre elles ?

Liz haussa les épaules alors qu’elle prenait place sur le hamac rouge qu’elles avaient installé sur le balcon.

- Je ne sais pas, répondit-elle. S’il y a bien quelqu’un de compréhensif, c’est Emma. Rappelle-toi cette histoire avec Cassie ; elle a une confiance aveugle en Kate. Mais... si Kate l’a vraiment trompée... je ne sais pas comment on peut passer au-dessus de ça.

- Ce serait ridicule, soupira Eva depuis sa place contre la balustrade, le regard perdu dans le paysage qui s’étendait devant elle. Je veux dire, Kate ne s’en souvient même pas.

- Hmm. C’est juste une épreuve qu’elles vont devoir affronter ensembles, tenta de la rassurer Liz d’un ton conciliant. On sera là pour elles, comme elles l’ont été pour nous. Pas vrai ?

Eva lui jeta un rapide coup d’œil alors qu’un faible sourire prenait place sur ses traits.

- Elles ont plutôt assuré, hein ? demanda-t-elle faiblement.

- Elles ont été géniales, acquiesça Liz alors que les images repassaient dans son esprit.

💕

Installée dans le fauteuil près de la fenêtre, Liz resserra un peu plus le plaid autour d’elle alors qu’une fois de plus, des pensées désolantes la traversaient. Jamais elle n’avait éprouvé une telle souffrance, la douleur d’apprendre la mort d’un être qu’Eva et elle chérissaient déjà tant, le regret de ne plus jamais pouvoir le connaître, la culpabilité de ne pas avoir été là pour empêcher le drame et, pire que tout, ce sentiment d’impuissance pour soutenir Eva. Une énième larme coula le long de sa joue, et elle sursauta légèrement lorsque quelqu’un vint l’essuyer pour elle.

- Hé, sourit doucement Emma dans l’espoir de la rassurer.

- Hé, répondit Liz, la voix rendue rauque par l’émotion. Tu... hum, ça fait longtemps que tu es là ?

Emma secoua légèrement la tête.

- Non, je viens tout juste de rentrer, répondit-elle en venant prendre ses mains dans les siennes. Je suis désolée, je ne voulais pas te faire peur.

Liz haussa les épaules avant de reporter son attention sur son épouse. L’opération avait eu lieu deux heures plus tôt et, après s’être plainte de douleur dans le bas du ventre, Eva s’était de nouveau endormie. Elle n’avait pas quitté son chevet depuis, et ce même lorsque ses parents, Cassie et Emma étaient arrivés.

- Elle va avoir besoin de toi, lui parvint de nouveau la douce voix d’Emma.

-  Je sais…

-  Elle s’en veut énormément, reprit Emma en déviant son regard vers Eva. Elle est persuadée que c’est de sa faute, qu’elle aurait pu l’éviter.

Liz détourna son regard et l’observa, surprise.

- Elle te l’a dit ? demanda-t-elle d’un ton mêlant à la fois étonnement et reproche.

Emma secoua aussitôt la tête.

- Non, elle m’a à peine dit un mot après l’opération. Mais il n’y a pas besoin d’être devin pour le deviner ; son corps tout entier le crie.

-  Mais c’était un accident, murmura Liz alors que les larmes coulaient à nouveau.

Emma se leva et la prit dans ses bras.

- Shh, je sais. Je n’ai pas arrêté de lui répéter, mais elle ne veut rien entendre. Elle est perdue. Je pense... je pense qu’elle a peur que tu lui en veuilles.

Liz se recula légèrement et secoua la tête d’incrédulité.

- Lui en vouloir ? Emma je t’en prie... Elle prit une inspiration tremblante, le regard rendu vague par la douleur. Oh bon sang, c’est un cauchemar.

Emma prit place sur l’accoudoir et vint caresser ses cheveux dans un geste de réconfort.

- Ecoute, le docteur a assuré que physiquement, Eva allait aussi bien que possible, lui dit-elle d’un ton doux. Elle pourra avoir d’autres enfants sans problème. En attendant... il faut qu’elle fasse le deuil de ce bébé, toi seule peux l’y aider.

Liz s’essuya les yeux d’une main irritée.

-  Je sais. C’est juste… elle était si heureuse d’attendre cet enfant Emma, je te jure, renifla-t-elle. Elle était... je ne sais pas comment elle va pouvoir s’en remettre.

-  Avec du temps et ton amour, lui sourit doucement Emma. Et sa prochaine grossesse. Il ne faut pas qu’elle oublie que ce n’était qu’un accident et qu’elle pourra avoir tous les enfants qu’elle veut.

Liz hocha doucement la tête.

-  J’aurais dû..., j’aurais dû faire plus attention, peut-être que…

Emma l’interrompit aussitôt en venant encadrer son visage de ses mains.

-  Liz, il n’y a rien que tu aurais pu faire qui aurait empêché sa fausse couche, lui dit-elle d’un ton ferme mais doux. Ne laisse pas la culpabilité prendre le dessus, tu n’aurais rien pu faire. C’était un accident. Tu dois être forte pour elle, Liz, elle a traversé une épreuve terrible, il lui faudra plusieurs mois pour en guérir. Elle n’y arrivera pas sans toi.

- Elle va avoir besoin de vous aussi.

Emma lui offrit aussitôt un sourire entendu.

- Bien sûr, et ses parents sont en route. Elle aura toute l’aide dont elle va avoir besoin, et plus encore.

- Merci Emma, répondit Liz en prenant ses mains dans les siennes. Ça te dérange si... enfin, j’aimerais être un peu seule avec elle. D’accord ?

Emma se redressa et l’embrassa sur la tempe.

- Pas de soucis, répondit-elle d’un air entendu. Je serais dans la salle d’attente au bout du couloir, avec Cassie et tes parents. Kate ne devrait pas tarder à arriver.

Liz hocha la tête d’un air entendu et Emma commença à s’éloigner avant de s’arrêter soudainement, hésitant un instant avant de se retourner afin de lui faire face à nouveau.

- On est là pour toi aussi, Liz, d’accord ? lui dit-elle sincèrement. Elle va avoir besoin de toi, mais je sais aussi que tu auras tout autant besoin d’elle. Ça lui prendra peut-être du temps... mais on est là, nous, d’accord ? A n’importe quelle heure du jour comme de la nuit, compris ?

Liz hocha la tête, l’émotion la gagnant à nouveau.

- Compris, souffla-t-elle en s’essuyant les yeux. Merci Emma, tu n’imagines même pas ce que ça représente pour moi.

- Oh si, je pense en avoir une petite idée, lui répondit Emma d’un air compatissant avant de s’éloigner à nouveau. A tout à l’heure.

Liz la regarda disparaître, avant de relâcher un soupir tremblant. Enfin, elle ressentait un peu d’espoir.

💕

Eva croisa son regard avant de tourner à nouveau la tête vers le paysage qui s’étendait devant elle. Malgré les paroles rassurantes de Kate ce jour-là, lorsqu’elle était enfin sorti de son mutisme, elle n’avait pu trouver la force d’affronter Liz contrairement à ce qu’elle avait prévu. La peur, l’appréhension, la culpabilité l’avaient clouée sur place, et mis à part quelques brèves paroles, elle n’avait rien dit. Pire encore, elle redoutait depuis se retrouver en sa présence, non plus pour les mêmes raisons, mais parce qu’elle s’était rendu compte à quel point son attitude avait dû la faire souffrir, et également combien elle lui manquait.

Il est grand temps que cela change, pensa-t-elle fervemment avant de tourner à nouveau la tête vers Liz. Elle croisa aussitôt un regard bleu azur perplexe.

- Ça va ? demanda Liz, le ton inquiet.

- Oui, sourit nerveusement Eva. Je… hum, j’aimerais te parler te quelque chose, en fait, ajouta-t-elle, hésitante.

Liz cligna un instant des yeux avant de se redresser et s’appuyer contre les oreillers.

- D’accord, répondit-elle, sur la réserve. Qu’est-ce qu’il y a ?

- Eh bien..., commença Eva en se tordant nerveusement les doigts. Liz… je... oh bon sang, je ne sais même pas par où commencer, soupira-t-elle en se passant une main dans les cheveux. Des excuses seraient un bon début, hein ? J’ai été horrible avec toi depuis..., bref, depuis le début, et j’en suis sincèrement désolée. Tu as toujours été là pour moi et je n’ai fait que te repousser…

Liz tenta de l’interrompre en levant une main mais elle manqua subitement de tomber à la renverse lorsque le hamac bascula sous elle. Deux bras vinrent aussitôt l’entourer et elle releva la tête, surprise, pour se retrouver aussitôt capturée par deux yeux noisette qu’elle affectionnait tant. Le temps sembla s’arrêter autour d’elles et elles restèrent ainsi, comme paralysées, avant que Liz ne murmure enfin :

- Tu veux bien t’installer à côté de moi ? demanda-t-elle, pleine d’espoir. S’il te plaît ? ajouta-t-elle lorsqu’elle vit Eva hésiter.

Elle se doutait qu’Eva désirait mettre de la distance entre elles afin d’avoir la force de pouvoir dire ce qu’elle avait sur le cœur, mais Liz en avait marre de cette distance, justement. Elle s’était installée entre elles, avait fait son nid, et ne semblait plus vouloir les laisser tranquilles. La proximité qu’elles échangeaient à présent s’était faite cruellement rare dans leur vie, et cela lui manquait plus que tout.

Il est grand temps que ça s’arrête.

- Ce sera plus simple pour discuter, continua-t-elle. Et puis..., je ne mords que si tu me le demande.

Le sourire qu’elle espérait apparut aussitôt et elle s’écarta légèrement lorsqu’Eva vint la rejoindre.

- Tu ne demandes pas toujours, rétorqua cette dernière malgré l’angoisse qui lui serrait le ventre.

- C’est vrai, admit Liz avant de prendre à nouveau un ton taquin. Mais c’est uniquement parce ce que ton corps tout entier me hurle de le faire.

Eva sourit faiblement et elles s’allongèrent de profil de manière à être l’une en face de l’autre, leurs doigts venant doucement se frôler, hésitant, avant de s’entrelacer. Liz lui sourit timidement avant de parler : 

- Tu n’as pas à t’excuser, Eva, reprit-elle d’un ton sérieux.

Eva secoua aussitôt la tête pour l’arrêter.

- Si, ma tristesse n’excuse pas tout, Liz, souffla-t-elle en se rapprochant légèrement. Je ne suis pas la seule à avoir perdu un enfant ; tu l’aimais autant que moi, et je n’ai vu que ma propre souffrance. Et, pire que tout, j’ai refusé ton aide et, faisant cela, je t’ai fait souffrir encore plus.

Elle avala difficilement avant d’ajouter :

- Alors que tu avais besoin de moi.

- Ce n’est pas pour autant que tu dois t’en vouloir, Eva, lui murmura sincèrement Liz alors qu’elle soupirait intérieurement de soulagement d’entendre ses paroles. Je ne t’en veux pas, j’ai toujours compris pourquoi tu réagissais ainsi.

Eva lui offrit un regard perplexe :

- Liz, je t’en prie. Je t’ai fait souffrir, ne dis pas le contraire.

Liz secoua frénétiquement la tête avant de venir l’embrasser sur le front.

- Non, souffla-t-elle. Ce qui m’a fait mal, c’est de te voir souffrir autant. Que tu me repousses est une réaction naturelle dans ce genre de situation.

- Naturelle ? s’étonna Eva avant de se mordre la lèvre. Liz..., tu trouves naturel d’être égoïste quand on souffre ?

- C’est un moyen de se protéger, alors oui... c’est une réaction naturelle, lui répondit Liz avant de s’interrompre, les sourcils légèrement froncés. Mais on a tout à construire, Eva. Je sais que tant que tu seras à mes côtés, j’en aurai la force.

Elle perçut aussitôt les larmes qui apparaissaient de nouveau dans le regard d’Eva, et elle attira sa tête contre sa poitrine avant de la serrer fort contre elle.

- Shh, murmura-t-elle d’une voix apaisante lorsque les premiers sanglots lui parvinrent.

Elle sentit Eva lui rendre son étreinte, et elle fut surprise de constater qu’en dépit de la douleur qu’elle ressentait à voir Eva aller aussi mal, elle éprouvait aussi un bonheur sans nom à la voir revenir vers elle. Ses yeux s’embuèrent, et elle attendit patiemment qu’Eva se calme avant de s’écarter légèrement, puis saisir doucement son menton afin de lui relever la tête.

Elle parla à travers sa gorge nouée :

- Eva, amour, je peux tout supporter, sauf de te perdre. Ces derniers jours… j’ai eu peur que tu me fermes la porte au nez à tout jamais, et que tu ne retrouves jamais l’envie de vivre, même à mes côtés. J’ai... j’ai eu peur que ma présence te rappelle trop le bébé qu’on a perdu.

- Tout me le rappelle, renifla aussitôt Eva d’un air désespéré. Mais… j’ai compris qu’il fallait que j’accepte l’idée que jamais nous ne l’oublierons, et que j’allais devoir apprendre à vivre ainsi.

- Ensemble.

Eva acquiesça, un triste sourire sur les lèvres.

- Crois-moi, je n’y arriverai pas sans toi, Liz.

- Tant mieux, répondit Liz dans un sourire ému. Je serai toujours là pour toi, Eva. Je ferai tout pour te rendre heureuse à nouveau, je te le promets.

Eva ferma un instant les yeux, de nouveau gagnée par l’émotion, avant de les rouvrir.

- Uniquement si tu retiens que je suis là pour toi aussi.

- Marché conclu, acquiesça Liz dans un faible rire de soulagement.

Eva vint de nouveau se blottir dans ses bras et, après quelques minutes d’une étreinte mêlant réconfort et soulagement de retrouver l’autre, elle ressentit le sommeil la gagner, épuisée par les évènements. Collée tout contre Liz, elle retrouva cet effet apaisant que cette dernière avait toujours eu sur elle et elle se demanda un instant comment elle avait bien pu faire pour oublier à quel point Liz effaçait toujours ses peurs et appréhensions. Confortablement installée sous son menton, elle laissa ses paupières se fermer et s’endormit dans ses bras sans même s’en rendre compte.

Le son de sa respiration profonde lui parvint et Liz devina qu’Eva avait rejoint le pays des rêves. C’était bien. Ses nuits étaient légèrement agitées et rares étaient les fois où elle parvenait à enchaîner plusieurs heures de sommeil. Elle s’apprêtait à s’accorder quelques minutes de repos elle aussi lorsqu’elle entendit les doubles portes menant sur le balcon glisser légèrement. Elle leva les yeux pour croiser ceux souriant d’Emma.

- Ça fait plaisir, de vous voir comme ça.

Liz se sentit rougir légèrement.

- Je ne vais pas te contredire la dessus, acquiesça-t-elle avant d’essayer de voir par-dessus son épaule. Kate n’est pas avec toi ? ajouta-t-elle, inquiète.

- Elle est dans le salon, répondit Emma d’un ton rassurant. J’aimerais vous parler à toutes, mais si Eva dort...

- ‘suis réveillée, marmonna Eva, la voix endormie avant de se redresser.

Elle se frotta les yeux tout en baillant à s’en décrocher la mâchoire.

- Je suis réveillée, répéta-t-elle plus clairement tout en se levant, ne lâchant pas la main de Liz alors que cette dernière descendait à son tour du hamac. Ouvre la marche, on te suit. 

Emma secoua légèrement la tête, amusée et attendrie, avant de prendre la direction du salon. Lorsqu’elles pénétrèrent dans la pièce, Kate leva aussitôt les yeux vers elles avant de s’arrêter sur les mains liées d’Eva et Liz. Emma sut exactement quelles pensées traversaient son esprit ; de la joie et du soulagement, car elle savait qu’ensemble, elles ne tarderaient pas à reprendre goût à la vie.

Elle prit place sur l’accoudoir du fauteuil dans lequel Kate était assise et s’empara aussitôt de sa main, son autre bras venant encercler son cou. Elle attendit ensuite qu’Eva et Liz s’installent sur le canapé, puis, une fois sûre d’avoir leur attention, elle ouvrit la bouche afin de prendre la parole lorsque le bruit de la porte d’entrée leur parvint, rapidement suivit d’une voix forte :

- Bon, où est ma maitresse, que je vienne l’embrasser avant de filer prendre mon avion !

Emma grimaça, sentant Kate se figer aussitôt alors qu’Eva et Liz haussaient les sourcils, surprises.

- Oh bon sang, gémit Eva en se couvrant le visage de ses mains. Vous le voulez vraiment ce triangle amoureux, c’est pas possible.

Kate lui lança un regard noir et elle feignit un air innocent avant de tourner la tête vers Cassie lorsqu’elle apparut dans la pièce, une petite tête blonde entre ses bras.  

Cassie les observa tour à tour avant de s’arrêter sur Kate, son visage prenant aussitôt un air dépité face à celui distant de Kate :

- Awww, quoi, on rompt déjà ? gémit-elle avant de plisser les yeux lorsqu’elle nota sa main liée à celle d’Emma. Et pour la même fille qu’à l’époque, en plus. Décidément, je suis maudite, ajouta-t-elle en se laissant retomber dans le fauteuil le plus proche. Heureusement que je t’ai ma puce, tu ne m’abandonnerais pas toi, hein ? ajouta-t-elle en direction de sa fille alors qu’elle lui retirait son bonnet blanc.

Sa phrase fut à peine terminée que la petite descendit de ses genoux pour aller sauter dans ceux d’Eva en lâchant un « tata ! » enthousiaste, provoquant le rire de tous.

Cassie couvrit son visage de ses mains.

- Laquelle d’entre vous m’achève ?

- Tu me l’aurais demandé six ans plus tôt, je t’aurais dit oui volontiers, taquina Emma.

Cassie plissa des yeux avant de reporter son attention sa fille.

- Zoé, mon cœur, qu’est-ce qu’on a dit au sujet des chaussures sur le canapé ? dit-elle d’une voix typiquement maternelle.

Zoé leva aussitôt les deux pieds en l’air, poussant la robe qu’elle portait à remonter subitement et Cassie se couvrit les yeux avant de pointer un doigt vers Emma.

- Ne va certainement pas dire qu’elle tient de moi cette fois-ci, prévint-elle, un sourcil haussé.

Emma ricana, mimant une fermeture éclair de ses doigts avant de jeter la clé imaginaire par-dessus son épaule. Cassie leva les yeux au ciel.

- Allez viens, princesse, dit Eva en installant Zoé sur ses genoux, la débarrassant de ses chaussures avant de venir tresser de nouveau ses nattes que le bonnet avait légèrement décoiffées. Elle a des boucles d’oreilles ? s’étonna-t-elle soudainement en relevant les yeux vers Cassie. A quatre ans ? Woah.

Cassie soupira.

- Ce sont des fausses.

- Des fausses ? répéta Liz, dubitative alors qu’elle observait les boucles de plus près. Ça m’a l’air plutôt réaliste.

- Ce sont des vraies, reprit Cassie en levant les yeux au ciel. Ce que je voulais dire, c’est que ses oreilles ne sont pas percées ; ce sont des boucles à clip. Zoé n’est pas du genre capricieux, mais lorsque ma belle-mère lui a mis l’idée en tête...

- Elle a oublié qu’elle n’avait que quatre ans ? lâcha Emma, incrédule.

Cassie soupira de soulagement.

- Ravie de voir que je ne suis pas la seule à penser qu’elle est trop jeune pour ça. Mais selon ma belle-mère, si elle n'a pas de boucles d'oreilles, ce n'est pas une fille. Je l’adore, mais parfois... Bref, je préfère attendre qu’elle soit plus grande, et réellement capable d’en prendre la décision elle-même.

- Tu as raison, acquiesça Eva en venant embrasser la joue de Zoé. Elles sont toutes mignonnes en plus, des petites grenouilles, ajouta-t-elle en lui chatouillant les côtes.  

Zoé rit aussitôt en remuant sous les assauts et Cassie les observa, attendrie, avant de porter son attention sur Kate qui était restée étonnamment silencieuse depuis son arrivée. Un air absent sur le visage, sa joue reposait contre la tête d’Emma qui avait glissé sur ses genoux. Ses bras quant à eux l’encerclaient dans une étreinte possessive, comme si elle avait peur qu’elle disparaisse soudainement. 

Cassie se mordit la lèvre alors qu’elle croisait le regard d’Emma :

- Laisse-moi deviner, je suis arrivée trop tôt ? grimaça-t-elle.

Emma retint un sourire tout en hochant légèrement la tête. Le mouvement fit sortir Kate de sa torpeur, et elle observa Cassie à son tour.

- Bon, maintenant que tu es là, vous allez pouvoir m’éclairer, dit-elle alors que l’impatience la gagnait de plus en plus.

- J’avoue que l’on aimerait bien un petit éclaircissement nous aussi, enchaîna Eva dont le regard ne cessait de passer alternativement d’Emma à Cassie, Zoé somnolant à présent contre son épaule.

- Ca va venir, répondit Cassie avant de se pencher légèrement vers Kate. Mais avant... Kate, si on avait...

Elle se rappela soudainement la présence de sa fille et elle fit signe à Liz de lui couvrir les oreilles.

Zoé fronça aussitôt les sourcils tout en essayant de se dégager avant de se laisser faire lorsqu’elle sentit Eva l’embrasser sur le front avant de lui offrir un sourire rassurant.

Cassie ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. Zoé aimait tellement Eva que cette dernière pouvait lui faire faire n’importe quoi. Heureusement pour moi, elle n’en abuse pas.

- Je disais donc, Kate, si on avait couché ensemble... tu t’en souviendrais, sourit-elle dans un clin d’œil. Pour le reste, ta femme est définitivement une petite malicieuse.

Kate lui offrit aussitôt un regard confus.

- Hein ?

💕

Arcadie, la capitale. Le matin même.

 

Lorsqu’Emma ouvrit les yeux, la première chose qu’elle aperçut fut les diodes rouges du réveil qui vinrent agresser sa rétine. Un grognement s’échappa aussitôt de ses lèvres et elle enfonça son visage dans l’oreiller avant de se tourner de l’autre côté. Le visage de Kate lui apparut aussitôt et elle sentit un sourire se dessiner sur ses lèvres alors qu’elle la regardait. Son air serein et ses cheveux légèrement en bataille la rendaient infiniment craquante.

Elle jeta de nouveau un œil au réveil et réalisa qu’il était 07h14. Il était encore tôt, surtout pour un lendemain de soirée et encore plus pour un dimanche matin, mais elle savait que Cassie avait un avion à prendre et elle ne voulait pas abuser de son hospitalité.

Après un léger baiser sur le front de Kate, elle se glissa discrètement hors des couvertures puis enfila un peignoir avant de quitter la chambre. Elle fit un petit tour plus qu’indispensable aux toilettes, puis prit la direction de la cuisine et s’arrêta dans l’entrée lorsqu’elle y retrouva Cassie, vêtue d’une simple serviette de bain enroulée autour de son corps et une autre autour de sa tête.

- Mince, et moi qui voulais préparer le petit déj, tu m’as devancée, mentit-elle dans un sourire tout en s’appuyant contre le chambranle.

Cassie lui jeta un rapide coup d’œil avant de reporter son attention sur les oranges qu’elle pressait.

- Bien sûr, quel dommage, hein ? sourit-elle. Le café est en route pour notre marmotte nationale, j’ai du chocolat chaud aussi, et il y a également du thé, si tu veux.

- Un thé sera parfait, répondit Emma en allant se servir. Tu as besoin d’aide pour quelque chose ?

Cassie se mordilla la lèvre tout en regardant autour d’elle.

- Tout dépend de ce qui vous fait envie. Je me contente d’un verre de jus d’orange et de rondelles de bananes dans un bol de lait. Mais j’ai des céréales, des toasts...

- Ce sera parfait, la coupa Emma alors qu’elle enclenchait la bouilloire puis fouillait dans les placards. Je m’en occupe, t’embête pas. J’irais réveiller Kate quand ce sera prêt.

Cassie lâcha un rire.

- Prévois plutôt le remède contre la gueule de bois, elle va avoir une jolie migraine.

- Je sais, grimaça Emma. Elle n’a jamais supporté le champagne, je ne sais pas trop ce qui lui est passé par la tête hier soir.

- Besoin de décompresser, sûrement. La soirée a été forte en émotions pour elle.

Emma hocha doucement la tête alors qu’elle étalait du beurre sur deux tranches de pain.

- Hmm. Et si elle compte laisser sa mère entrer de nouveau dans sa vie, j’ai bien l’impression que ça n’est pas prêt de se terminer.

- Mais tu seras là pour elle, enchaîna Cassie dans un clin d’œil. Comme tous les gens pour qui elle compte. Tiens, goûte moi ça, fraichement pressé ; le petit déjeuner des champions.

Emma s’empara du verre de jus d’orange et le porta à ses lèvres.

- Mmh, excellent. Gardes-en pour Kate.

- Le pichet est plein, mais je doute qu’elle réussisse à en avaler.

Elle prit place sur l’un des hauts tabourets entourant la table puis releva soudainement la tête vers Emma.

- Hé, il n’est même pas huit heures, qu’est-ce que tu fais déjà debout au fait ?

- Tu as un avion à prendre, non ? demanda Emma, confuse, alors qu’elle versait l’eau bouillante dans sa tasse avant d’y plonger le sachet de thé. Et puis, on n’a pas envie de trop s’imposer. C’était déjà très gentil de ta part de nous héberger.

Cassie leva les yeux au ciel.

- Tu aurais dû dormir aussi longtemps que tu le voulais, bêta. Vous êtes ici chez vous. Ça me fait plaisir de vous avoir à la maison. Surtout étant donné qu’avec la distance, on ne se voit pas beaucoup.

- C’est vrai, acquiesça Emma. Mais, et ton avion ?

- Hmm ? Oh, j’ai encore le temps, j’ai choisi un vol de nuit. Ça me permettra de dormir, je m’ennuie sinon.

Emma plissa des yeux.

- Alors pourquoi est-ce que toi, tu es déjà levée, et même douchée, alors qu’il n’est pas encore huit heures ?

- Je dors mal sans la présence de mes amours, répondit aussitôt Cassie dans un grand sourire. Puis j’ai encore mes valises à faire. Je m’y prends toujours au dernier moment, grimaça-t-elle.

- Besoin d’aide ? demanda Emma tout en venant mordre dans sa tartine.

Cassie secoua la tête et attendit d’avoir avaler avant de répondre.

- Merci, mais non, ça ira. Tu as une grosse marmotte dont tu dois t’occuper, taquina-t-elle.

Emma leva les yeux au ciel.

- En parlant de ça, je ferais bien d’aller la réveiller.

Cassie s’apprêtait à répondre lorsqu’une tornade blonde pénétra dans la cuisine, un « maman ! » infini s’échappant de ses lèvres. Surprise, elle sauta aussitôt de son tabouret et écarta les bras pour la recevoir.

- Hé ma petite puce ! Qu’est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle alors que son regard empli d’inquiétude se posait sur son frère qui pénétrait à son tour dans la pièce. Jérôme ? ajouta-t-elle tout en regagnant sa place, sa fille entre ses bras.

- Elle va bien, la rassura-t-il en se frottant les yeux. Elle s’est réveillée à cinq heures et n’a cessé de demandé à te voir depuis ; elle ne voulait pas te louper avant ton départ.

Cassie soupira tout en venant embrasser la tête blonde.

- Je t’avais pourtant dit que je viendrais passer du temps avec toi mon cœur, répondit-elle avant de hausser les sourcils lorsque Zoé l’ignora au profit des rondelles de bananes flottant dans son bol de lait. Eh, forcément, ma nourriture t’intéresse plus que moi, hein ? Petite coquine, ajouta-t-elle en la chatouillant légèrement, produisant aussitôt un éclat de rire qui comme toujours lui réchauffait le cœur.

- Elle est surtout rassurée d’être enfin dans tes bras, bailla son frère avant de venir s’emparer de l’une des tartines d’Emma après l’avoir saluée.

Cette dernière haussa aussitôt les sourcils sans le lâcher du regard.

- C’était mon déjeuner, Jérôme.

- Ah ? Il est délicieux, sourit-il, carnassier.

- Jérôme ? répondit Cassie sans lever les yeux vers lui. Kate est dans la chambre d’ami.

Son sourire s’effaça aussitôt et il reposa la tartine qu’il venait de prendre tout en marmonnant entre ses dents. Emma haussa de nouveau les sourcils avant de sourire malicieusement.

- Alors là, je veux que tu m’expliques ça.

Cassie sourit à son tour en levant les yeux vers elle.

- Ça remonte à l’époque où Kate et moi étions ensemble. Jérôme était une vraie tête dure, il l’a cherché, et...

Elle recouvrit les oreilles de sa fille avant d’ajouter :

- Kate lui a répondu par un bon coup de genoux entre les jambes suivit d’un poing dans le nez. Il ne l’a plus jamais embêtée depuis. Pourtant, quand on sait qu’il revient de l’armée maintenant...

Emma se mit à rire, ça ressemblait bien à Kate ça, avec son caractère bien trempé, que rien ne semblait impressionner. Elle vint mordre dans sa tartine tout en le charriant, mais Jérôme se contenta de plisser des yeux avant de venir embrasser Zoé dont la tête reposait à présent conte l’épaule de Cassie, son pouce entre ses lèvres.

- On ne pense pas bouger de la journée, dépose là quand tu veux. On appellera si jamais nos plans changent, ajouta-t-il avant de venir embrasser sa joue.

- Je note, répondit Cassie en l’embrassant à son tour. Merci.

Jérôme lui fit un clin d’œil avant de venir embrasser Emma puis quitter la pièce.

- On ? demanda aussitôt Emma. Il est casé ?

- Curieuse, la taquina Cassie avant de reprendre son sérieux. Elle s’appelle Sarah, elle était sa psychologue.

- Sa psy ? s’étonna Emma.

Le visage de Cassie s’assombrit.

- L’armée ne l’a pas épargné, tu sais, dit-elle tristement. Cauchemars, flashs, crises de panique... elle l’a beaucoup aidé, et de fil en aiguille... Elle a arrêté de s’occuper de lui avant que ça n’aille plus loin que la simple relation médecin-patient. Ca fait bientôt un an qu’ils sont ensemble maintenant.

- C’est plutôt sérieux alors.

- Hmm. Il est toujours suivi par le psychologue qui a pris la révèle, mais je pense que c’est elle qui continue à vraiment l’aider. Il va beaucoup mieux aujourd’hui, tu l’aurais vu à son retour... il n’était plus que l’ombre de lui-même. Je suis vraiment contente qu’il l’ait trouvé.

- L’amour est un bon médicament, hein ? sourit Emma.

Cassie retrouva sa bonne humeur.

- Et comment. En parlant de ça, allons réveiller la marmotte. Hein, ma puce ? ajouta-t-elle en venant embrasser la joue de Zoé alors qu’elle glissait une rondelle de banane dans sa bouche.

- Justement..., commença Emma. Tu devrais y aller.

Cassie releva la tête, confuse.

- Hmm..., j’ai dû louper un épisode, là.

Emma se pencha et lui murmura à l’oreille. Se redressant, elle ajouta :

- Ca lui apprendra d’abuser du champagne à s’en rendre malade, sourit-elle.

- Oh tu es diabolique, répondit Cassie, le regard brillant. Remarque, je le savais déjà. Je me souviens d’une certaine boite de nuit, et d’une danse assez collée serrée...

- Tcht, l’admonesta Emma tout en s’emparant de Zoé. Il est des choses qu’il est bien de garder sous silence. Maintenant file, on a à discuter, ta fille et moi.

Cassie afficha un air boudeur avant de plisser des yeux.

- Et de quoi ? demanda-t-elle en cédant sa place, amusée de voir que Zoé ne lâchait pas son bol des yeux et tendait de nouveau une main vers les fruits.

- Il faut bien qu’elle apprenne un jour qu’elle genre d’adolescente était sa mère, non ? taquina Emma.

Cassie remua un doigt sous son visage.

- La piste de danse te pend au nez, ma belle, feignit-elle de menacer avant de soupirer. Zoé, mon cœur, si tu as faim tu le dis.

- Non, répondit Zoé avant d’enfourner une nouvelle rondelle de banane.

Cassie leva les yeux au ciel.

- Je suis sûre que Jérôme lui a donné son petit déjeuner, mais visiblement, elle m’a l’air d’avoir encore de l’appétit. Tu veux bien t’en occuper pour moi ?

Emma hocha la tête.

- Pas de soucis. Elle prend quoi ?

- Prépare lui la même chose que moi, un bol de lait chaud avec des rondelles de bananes. Mais ajoute des céréales. Hein, mon cœur ?

- J’ai pas faim, sourit Zoé en prenant une nouvelle bouchée.

Emma ricana.

- Elle n’a pas uniquement hérité de ton apparence, taquina-t-elle, riant à nouveau lorsque Cassie lui tira la langue. Je m’en occupe. Maintenant, bouge-moi tes jolies petites fesses et  file !

- Merci et… Hein ? Tu as dit quoi au sujet de mes fesses ?

Emma leva les yeux au ciel.

- C’est une expression Cass’, pas la peine de prendre cet air outré ! File !

- J’y vais, j’y vais ! se plaignit Cassie en s’éloignant. Quelle rabat-joie.

💕

Cassie colla son oreille contre le battant avant d’ouvrir la porte lorsqu’elle entendit la respiration profonde de Kate. Elle se glissa rapidement dans la pièce puis referma doucement derrière elle avant de venir prendre place sur le rebord du lit, près des oreillers.

Son regard tomba sur le visage de Kate, et elle ne put s’empêcher de l’observer d’un air compatissant. Elle n’était pas une grande consommatrice d’alcool, de temps en temps, lors de soirées ou d’événements, histoire de marquer le coup. Mais comme la plupart des gens, elle avait elle aussi, à un moment ou un autre, expérimenté la gueule de bois. 

Un sentiment de sympathie s’empara d’elle mais elle le repoussa. Ce qu’elle comptait faire n’était pas méchant. Loin de là. Juste un peu de taquineries pour une femme qui aurait dû s’abstenir de s’abreuver d’un liquide qu’elle savait ne pas supporter.

Sa main glissa sur l’épaule dénudée de Kate et elle est dessina des arabesques invisibles du bout des doigts. Elle ne fut pas surprise lorsque Kate remua légèrement tout en marmonnant quelque chose d’incompréhensible. Repoussant le rire qui montait de sa gorge, Cassie recommença à nouveau tout en appelant doucement.

- Kate... réveille-toi...

L’épaule bougea de nouveau, puis Kate s’installa plus confortablement contre son oreiller avant de murmurer :

- Hmm ?

Cassie remonta sa main vers sa joue et la frôla de ses doigts tout en appelant de nouveau.

- Kate...

Elle vit les sourcils remuer légèrement, puis, après quelques battements de cils, un œil brun lui apparut. Elle sourit tout en glissant une mèche brune derrière son oreille.

- Ravie de te revoir enfin parmi le monde vivant, mon cœur, murmura-t-elle en venant embrasser son front. Tu as bien dormi ? ajouta-t-elle en se redressant.

Cassie retira la serviette qui entourait sa tête et commença à se sécher les cheveux tout en l’observant sans se départir de son sourire. Kate laissa un deuxième œil brun apparaitre avant relever la tête et regarder autour d’elle. Lorsque son regard croisa de nouveau le sien, Cassie fronça légèrement les sourcils.

- Laisse-moi deviner, mal de tête, hein ?

Kate cligna des paupières avant de répéter :

- Mon cœur ?

Cassie s’interrompit et vint de nouveau poser sa main sur sa joue.

- Ou mon amour. Mon ange. Ma chérie, énuméra-t-elle en la caressant de son pouce. Tu as toujours préférée « mon amour ». Tu veux quelque chose pour ta tête ? demanda-t-elle en venant s’occuper de nouveau de ses cheveux.

Elle vit Kate laisser son regard glisser sur son corps avant de baisser la tête vers le sien, soulevant légèrement la couverture avant de la rabaisser rapidement. Elle s’assit précipitamment en tailleur.

- Je suis complètement nue, lâcha-t-elle en se passant une main nerveuse dans les cheveux.

- Ah ça, tu l’es très certainement, répondit Cassie d’un air appréciateur. J’y ai particulièrement veillé, ajouta-t-elle en laissant un regard appréciateur courir sur la peau nue qu’elle pouvait apercevoir.

Kate suivit son regard et remonta la couverture jusqu’à son cou avant de couvrir son visage de ses mains.

- Oh bon sang, je ne me souviens de rien.., lâcha-t-elle dans un souffle tout en se balançant légèrement d’avant en arrière. Qu’est-ce que j’ai fait... mais qu’est-ce que j’ai fait...

Ses doigts vinrent appuyer sur ses tempes et Cassie décida de mettre fin à son supplice. Elle voulait certes jouer un peu, mais elle n’était pas sadique non plus. Et elle était loin d’imaginer que Kate marcherait autant. Elle tendit une main, mais Kate se leva soudainement du lit et s’éloigna à toute vitesse vers la porte.

Elle écarquilla les yeux.

- Woah. Ne vomis pas avant d’être arrivée aux toilettes ! hurla-t-elle alors que Kate troquait la couverture pour un peignoir puis s’élançait dans le couloir. La pauvre, elle va passer une mauvaise journée, grimaça-t-elle en se levant à son tour. Il n’y a rien de pire que la gueule de bois.

Elle retrouva Emma dans la cuisine et sourit lorsqu’elle la vit en train de jouer avec Zoé. Elle prit appui contre le chambranle et les observa un instant.

- Who stole the cookie from the cookie jar? chantait Emma alors que Zoé tapait dans ses mains, un grand sourire sur les lèvres et les yeux brillants.

- Emma ! s’exclama cette dernière.

- Emma stole the cookie from the cookie jar, reprit Emma avant d’afficher un air surpris. Who, me ? demanda-t-elle.

Zoé lâcha un rire tout en hochant la tête.

- Yes you ! s’exclama-t-elle.

- Couldn’t be !

- Then who ? répondit Zoé en posant ses mains sur ses hanches.

Emma vint lui chatouiller le ventre.

- Zoé stole the cookie from the cookie jar, taquina-t-elle avant de s’interrompre lorsqu’elle aperçut Cassie. Hé.

- Elle ne maîtrise même pas encore entièrement sa langue maternelle que tu lui apprends déjà l’anglais, répondit Cassie en faignant un air exaspéré.

- C’est un bon moyen de devenir bilingue facilement, hein, princesse ? répondit Emma en frottant le nez contre le sien.

Son accent était bien sûr loin d’être parfait, mais Zoé se montrait plutôt avancée pour son âge.

Cassie sourit.

- Tu peux en avoir une rien qu’à toi si tu le veux, tu sais, taquina-t-elle à moitié.

Emma rougit légèrement.

- Dis pas de bêtises.

- En quoi vouloir un enfant serait une bêtise ? demanda Cassie en s’approchant. Ma fille t’a bien conquise, elle, ajouta-t-elle en posant les mains autour de la taille de Zoé, la laissant prendre appui contre son ventre alors qu’elle continuait à jouer avec Emma.

- Cassie... il passerait son temps chez la nourrice, et ça, non merci. Et puis, après ce qu’Eva et Liz ont dû traverser, ça refroidit pas mal.

Le visage de Cassie quitta son air taquin pour s’adoucir ostensiblement.

- J’avoue. Perdre sa progéniture est la pire chose qui puisse arriver à quelqu’un. Même avant qu’elle n’ait eu le temps de pointer le bout de son nez. Mais... c’est comme les accidents de voitures, on sait que ça existe, pourtant, on conduit quand même. Sinon on ne vivrait plus. Il ne faut surtout pas s’arrêter là-dessus.

Elle sourit de nouveau en caressant les cheveux de Zoé :

- Donner la vie est un cadeau inestimable, crois-moi.

Emma l’observa à travers ses sourcils.

- Tu essayes de me convaincre ? sourit-elle.

- Non, répondit Cassie. Peu importe ce que tu me réponds, je sais que l’idée est là, dit-elle en tapotant légèrement sa tête de son doigt, et qu’elle fait son tour...

Emma secoua la tête, amusée.

- D’accord, je reconnais y avoir déjà réfléchi.

- Ah, tu vois, enchaîna aussitôt Cassie, fière d’elle.

- Chut, l’admonesta Emma avant de poursuivre. Ce n’était pas difficile en même temps, entre toi qui nous as apporté cette petite princesse, dit-elle en frottant son nez contre celui de Zoé, provoquant de nouveau un rire. Et Eva et Liz..., ça nous a été impossible de ne pas y penser nous aussi.

- Et ? insista Cassie, impatiente.

Emma se sentit rougir de nouveau.

- Eh bien, on l’envisage. Mais pas pour tout de suite. Kate vient d’entamer son DES en chirurgie, elle en a encore pour cinq ans avant d’être diplômée, et elle est plutôt débordée. Quant à moi, je viens tout juste de commencer à enseigner, alors...

- Hmm, je comprends. Envie d’avoir une vie stable et bien rangée avant d’envisager agrandir la famille, hein ?

Emma hocha la tête et Cassie sentit son sourire s’agrandir.

- Ma petite puce à deux tatas ultra sérieuses qu’elle va pouvoir garder rien que pour elle pendant encore quelques années, alors.

Emma éclata aussitôt de rire.

- T’es bête. En parlant de la tata, où est-elle ?

Cassie ouvrit la bouche pour répondre lorsque la porte d’entrée claqua derrière elle. Surprise, elle se retourna aussitôt et fronça les sourcils avant de retourner dans la chambre d’amis, Emma sur ses talons.

- Elle est partie ? s’étonna Emma en actionnant l’interrupteur avant d’entrer dans la pièce.

Son regard tomba sur leurs valises et elle comprit aussitôt qu’elle avait vu juste ; cette dernière était ouverte et des vêtements étaient éparpillés autour d’elle.

Cassie se confondit aussitôt en excuse lorsqu’elle se tourna vers elle :

- Emma, je suis vraiment désolée. Je ne pensais pas...

- C’est rien, répondit Emma en lui tendant Zoé. Je suis celle qui en a eu l’idée, non ?

Cassie serra sa fille contre elle tout en affichant un air coupable.

- Si j’avais su...

- T’en fais pas Cass’, vraiment. L’important pour l’instant, c’est de la retrouver. Je ne me le pardonnerais jamais s’il lui arrivait quelque chose.

Sur ces paroles, Emma réunit quelques vêtements puis quitta la pièce à son tour.

- Merd... er... mince, se rattrapa Cassie en suivant Emma qui s’était réfugiée dans la salle de bain.

Elle s’arrêta devant la porte légèrement entrouverte.

- Tu as une idée d’où elle a pu aller ?

Des bruits de vêtements lui parvinrent avant que la voix d’Emma ne se fasse entendre :

- Les connaissances que l’on a à Arcadie sont assez limitées ; je ne vois qu’une personne chez qui elle se réfugierait.

- Hmm. Eva.

- Tata ! s’exclama aussitôt Zoé en relevant la tête avant d’étouffer un bâillement.

Emma et Cassie ne purent retenir un rire.

- Tata oui, et toi, petite coquine, dit-elle en venant embrasser sa joue, tu vas retourner au dodo. Tu m’as l’air exténuée.

- Non ! répondit aussitôt Zoé en ouvrant grands ses yeux bleus comme pour prouver son point.

Emma ouvrit complètement la porte et vint embrasser la joue de Zoé avant de retourner devant le lavabo.

- Elle tient définitivement de toi, sourit-elle avant de se passer de l’eau sur le visage.

- Mon mari n’est pas un ange non plus, hein, marmonna Cassie en berçant sa fille d’un léger mouvement du bassin.

Emma lâcha un rire alors qu’elle s’essuyait le visage. Elle arrangea ensuite ses cheveux puis se tourna vers Cassie.

- J’aurais adoré une douche, mais ça devra faire l’affaire pour le moment. Ça va ? Je ne risque pas d’effrayer la moitié de la ville ?

- Non, Kate s’en est déjà chargée, taquina Cassie avant de venir l’embrasser sur la joue. Tu es parfaite, file retrouver ta douce. 

Emma soupira.

- Merci, répondit-elle en retournant vers la chambre. Si elle appelle –

- Je te préviens aussitôt, répondit Cassie en la suivant.

Elle s’installa sur le lit alors qu’Emma enfilait sa veste et s’emparait de son sac à main.

- Je suis sûre qu’elle va bien, Emma. Essaye de ne pas trop t’inquiéter.

- Plus facile à dire qu’à faire, répondit cette dernière en sortant ses clés avant d’attraper leurs valises. Elle n’a pas pris la voiture, au moins. Même si je ne sais pas si c’est censé me rassurer ou non.

Cassie se redressa et prit sa main dans la sienne tout en retenant Zoé de l’autre, désormais endormie contre son épaule.

- Je suis sûre qu’elle a pris un taxi, et qu’à l’instant même, elle est chez Eva et Liz. J’essaye de les joindre, concentre toi sur Kate, d’accord ? Je t’appelle dès que j’ai des nouvelles.

Emma prit une profonde inspiration qu’elle relâcha doucement.

- D’accord, acquiesça-t-elle en hochant la tête. Merci Cass’, tu es géniale.

- Je n’ai pas vraiment l’impression de l’être pour l’instant, grimaça cette dernière. Mais tu peux toujours compter sur moi. Aller, file.

Emma l’embrassa à nouveau puis caressa légèrement le dos de Zoé avant de quitter la pièce d’un pas rapide.

- Croise les doigts pour moi ! cria-t-elle par-dessus son épaule.

- Promis ! répondit Cassie avant de venir embrasser la tête de Zoé. On va même croiser les orteils, hein ?

💕

- Tout ça... pour une histoire de champagne ? lâcha Kate, incrédule, alors que son regard passait de l’une à l’autre.

Cassie évita son regard et lorsqu’elle observa Emma, cette dernière fixait ses mains qu’elle tordait nerveusement.

- Non mais qu’est-ce qui ne va pas dans vos têtes ?

- C’était une plaisanterie qui a mal tournée, tenta Eva dans l’espoir de détendre l’atmosphère. De mauvais goût, plutôt puérile, et qui aurait pu vraiment mal finir...

Elle remarqua le regard désapprobateur de Liz et elle se reprit :

- Mais qui se finit bien, sourit-elle. C’est le plus important, non ? Vous êtes ensemble, et l’histoire se finit bien.

Aucune réaction ne lui parvint et elle lâcha un profond soupir :

- Bon sang, vous êtes vraiment butées lorsque vous le voulez, hein ?

Cassie esquissa un petit sourire.

- Et c’est toi qui dis ça ? demanda-t-elle, provoquant les rires de chacune.

- Je suis la plus âgée, j’ai le droit, rétorqua Eva en lui tirant la langue.

- Oh  bien, ton discours sur la maturité vient de tomber à l’eau, amour, rit Liz en la chatouillant légèrement dans les côtes.

Eva sursauta et s’empara des doigts inquisiteurs avant de reporter son attention sur Emma et Kate.

- Allez les filles, réconciliez-vous, sourit-elle doucement. Il y a pire dans la vie.

Emma et Kate relevèrent aussitôt la tête vers elle et lorsqu’Eva perçut leurs regards compatissants, elle leva les yeux au ciel.

- J’aurais dû la sentir venir, celle-là, marmonna-t-elle entre ses dents. Bon sang, les filles, je ne faisais pas référence à moi.

Emma fut la première à réagir et elle lui murmura un « désolée » avant de détourner le regard. Kate pour sa part, observa son épouse du coin de l’œil et elle ne put retenir un sourire. Après tout, elle savait que le malaise d’Emma venait de son appréhension face à sa réaction, et même si réaliser que la crainte qui lui avait noué l’estomac toute la journée n’était que le fruit d’une plaisanterie, le soulagement qu’elle ressentait de savoir que sa plus grande peur ne s’était pas réalisée balayait tout le reste.

Elle était trop heureuse pour en vouloir à qui que ce soit.

- Si je comprends bien, j’ai gagné une maitresse, alors ?

Emma releva aussitôt la tête et dévisagea Kate comme pour s’assurer qu’elle n’avait pas rêvé ces paroles. Elle remarqua aussitôt ses traits détendus, taquins même et elle se sentit sourire de soulagement avant de plisser des yeux.

- Jamais de la vie, répondit-elle, provoquant aussitôt une nouvelle tournée de rire.

Elle se sentit rougir légèrement mais n’eut pas le temps de s’en soucier que Kate l’attirait à elle avant de venir l’embrasser dans une infinie douceur.

- Bon, maintenant que tout ceci est réglé, dit Cassie en posant ses mains sur ses cuisses. Je vais pouvoir partir l’esprit tranquille. J’ai une petite princesse à déposer, en plus.

- Elle ne vient pas avec toi ? s’étonna Eva en détournant les yeux de Zoé.

- Non, on va passer tout notre temps entre réunions d’affaires, conventions et j’en passe. Elle resterait enfermée dans la chambre d’hôtel avec une nourrice, ce n’est certainement pas ce que je veux pour elle.

Eva sourit ; Cassie était définitivement différente de ceux du milieu dans lequel elle évoluait. Mais elle savait surtout que la jeune femme ne voulait pas reproduire les mêmes erreurs que ses parents – ou ceux de Kate en l’occurrence – avaient pu commettre avec elle. Cassie désirait offrir à sa fille une enfance la plus normale possible, malgré leur situation particulière. Elle devait bien s’avouer qu’elle l’admirait pour ça.

- Et puis elle a l’école, maintenant, poursuivit Cassie. Elle va rester chez mon frère.

- Oh.

Même si elle tenta de le cacher, Cassie n’eut aucun mal à apercevoir l’air de déception teinté de peine qui passa sur le visage d’Eva. Elle et Liz étaient celles qui gardaient Zoé à chaque fois qu’elle en avait besoin ; elle avait depuis le début désiré des visages familiers autour de sa fille, pas une succession de nourrices inconnues, et le choix s’était naturellement imposé. Mais son frère était de retour en ville, désormais, et avec le drame qu’Eva et Liz venaient de connaître... elle devait bien s’avouer qu’elle avait volontairement choisi de changer, cette fois-ci. Non pas par manque de confiance, mais parce qu’elle savait qu’elles avaient des blessures à panser. Chose peu évidente avec une enfant de quatre ans dans les parages.

- Tu vas pouvoir profiter de ton tonton pendant quelques jours alors, poursuivit Eva d’un ton taquin en chatouillant légèrement Zoé. Petite chanceuse.

- Arrête ! rit Zoé en asseyant d’attraper les mains inquisitrices. Mais je l’ai déjà vu, j’ai envie de rester ici maintenant, poursuivit-elle d’un air boudeur, les sourcils froncés et la lèvre inférieure légèrement ressortie.

Emma se mit à rire.

- Quand je dis qu’elle te ressemble, regarde son adorable petite bouille ; tu as la même quand tu boudes.

- Hmm, moi j’ai surtout envie de voir comment elle va se sortir de ce pétrin, enchaîna Kate, un sourire moqueur sur les lèvres.

Cassie plissa des yeux dans leur direction et se retint de justesse de tirer la langue, elle reporta son attention sur Zoé.

- Zoé, mon cœur, tu viens voir maman deux minutes s’il te plaît ? demanda-t-elle en écartant les bras.

Zoé soupira mais obtempéra, sautant des jambes d’Eva puis venant à sa rencontre.

- Quoi ? dit-elle une fois arrivée à sa hauteur, son visage montrant bien qu’elle n’était pas contente d’avoir dû quitter sa place.

Cassie entendit Emma tenter d’étouffer son ricanement et elle la fusilla du regard avant de reporter son attention sur sa fille.

- Dis le si je t’embête, princesse, dit-elle en venant chatouiller son ventre.

Zoé se tortilla, un rire s’échappant de ses lèvres avant qu’elle ne vienne lui entourer le cou de ses bras tout en lâchant un petit « non ». La tête de sa fille dans le creux de son cou, Cassie en profita pour tirer la langue à Emma et Kate avant de venir embrasser la chevelure blonde identique à la sienne. Elle recula légèrement Zoé pour pouvoir croiser son regard.

- Tu veux rester avec tes deux tatas, alors ? demanda-t-elle d’un air conspirateur.

Zoé hocha frénétiquement la tête avant de dévier son regard vers Eva et Liz, comme pour s’assurer que sa réponse allait. Vu les sourires niais qu’elles ont sur le visage, elles sont plus que d’accord pour la garder, rit intérieurement Cassie tout en levant les yeux au ciel.

- Et tonton alors ? poursuivit-elle.

- Je l’ai déjà vu ! répondit Zoé d’un ton plaintif en la regardant à nouveau.

Cassie se mit à rire.

- D’accord, d’accord, capitula-t-elle. Alors file leur demander –

Sa phrase à peine terminée, Zoé partit comme une flèche et Cassie dut la retenir par le bras pour terminer ce qu’elle disait.

- Hop hop hop, je n’ai pas fini, jeune fille, dit-elle en l’attirant de nouveau vers elle, retenant difficilement un sourire face aux yeux grand ouverts de Zoé, trahissant sa surprise et son impatience. Je disais donc, file leur demander si elles sont d’accord, et on verra tonton le weekend prochain, d’accord ?

- Avec toi aussi, hein ? demanda Zoé d’un ton incertain.

Cassie vint l’embrasser sur la joue avant de coller son front contre le sien.

- Bien sûr mon cœur, avec moi, et papa aussi, la rassura-t-elle. On revient jeudi, tu te souviens ?

- C’est loin jeudi, soupira Zoé en baissant les yeux.

Cassie sentit son cœur se serrer, devoir laisser Zoé derrière elle était la seule chose qui lui faisait se demander pourquoi elle avait choisi cette voix-là, et lui donnait parfois envie de tout laisser tomber pour pouvoir rester avec elle.

Heureusement, elle s’était arrangée pour que les déplacements ne soient pas nombreux. Et lorsqu’il n’y avait d’autres choix, Michael s’arrangeait pour partir en premier et faire le plus gros. Ainsi, elle ne partait que pour quelques jours. Zoé voyait un peu moins son père, mais Cassie préférait cette alternative plutôt qu’ils soient tous les deux absents.

- Ça passera vite, je te le promets, murmura-t-elle sincèrement. On t’appellera tous les soirs, et les matins à chaque fois qu’on le pourra, d’accord ?

- Promis ? demanda Zoé en la regardant à nouveau.

- Promis, souffla Cassie en frottant son nez contre le sien. Alors, tu leur demandes ou je le fais ? la poussa-t-elle dans un sourire afin de lui remonter le moral. Allez mon cœur, je ne supporte pas de te voir triste.

Pour son plus grand bonheur, Zoé retrouva son sourire et partit comme une flèche vers le canapé, retrouvant aussitôt sa place sur les genoux d’Eva. Prenant soudainement conscience du silence qui s’était installé, Zoé regarda tour à tour les visages qui l’entouraient, indécise, avant de s’arrêter sur celui de Cassie. Oh elle est adorable lorsqu’elle devient soudainement timide comme ça. Cassie lui offrit un sourire encourageant suivit d’un clin d’œil et Zoé se tourna aussitôt vers Eva, soulevant doucement une mèche de cheveux pour atteindre son oreille. Elle murmura si fort que tout le monde entendit :

- Je peux dormir chez toi ce soir ?

Elles se mirent toutes à rire et Eva se recula légèrement avant de murmurer à son tour d’un air conspirateur :

- Juste ce soir ?

Zoé se mordit la lèvre inférieure tout en secouant la tête. Elle leva une main sur laquelle elle compta à l’aide de l’autre pendant un instant, les sourcils froncés de concentration, puis finit par lever quatre doigts.

- Quatre nuits ? demanda Eva en feignant un air surpris.

- Hmm hmm, répondit Zoé en hochant la tête. Alors ? chuchota-t-elle à nouveau.

Eva retint un rire.

- Ca dépend, répondit-elle. Tu as apporté tes affaires ?

Zoé écarquilla soudainement les yeux avant de se tourner de nouveau vers Cassie.

- Jérôme viendra les déposer, rassura cette dernière avant de se redresser. Tu viens me faire un câlin ma puce ? Maman va devoir partir maintenant.

Contrairement à la réaction qu’elle avait eue un peu plus tôt, Zoé descendit cette fois-ci lentement du canapé, si lentement que l’on pouvait facilement ressentir combien elle redoutait d’affronter l’inévitable. Elle arriva finalement devant Cassie et se glissa dans ses bras dans un silence surprenant. Cassie l’enserra aussitôt tout en se relevant.

- Eva ? Tu nous accompagnes en bas ?

Eva hocha la tête et Cassie entama les au revoir, commençant par Liz avant de terminer par Kate et Emma.

- Prenez soin de vous les filles, d’accord ? reprit-elle alors qu’elle glissait son sac à main sur son épaule libre, Zoé toujours silencieuse contre l’autre. Et prévenez-moi la prochaine fois que vous montez à la capitale.

- Tu peux venir à la maison aussi, tu sais, répondit Kate en caressant doucement le dos de Zoé. Bon, ce n’est pas aussi grand que chez toi, taquina-t-elle, mais il y a assez de place pour tout le monde.

Cassie lui offrit un air contrarié.

- J’aimerais beaucoup, mais avec le poste que j’ai...

- Ce n’est pas évident, termina Emma. T’en fais pas, on comprend, la rassura-t-elle.

- Merci, répondit Cassie. Mais on essayera, c’est promis. Si ce n’est pour nous, au moins pour Zoé. Vous êtes autant ses tantes qu’Eva et Liz, je tiens à ce qu’elle vous ait autant dans sa vie qu’elles.

Elles hochèrent la tête d’un air entendu et Kate vint de nouveau la prendre dans ses bras.

- Ne t’en fais pas, quatre jours, ça passe vite, murmura-t-elle à son oreille dans un ton réconfortant.

Cassie lâcha un faible rire.

- Je pensais l’avoir bien caché, souffla-t-elle à son tour alors que sa vue se voilait légèrement.

- Je te connais, répondit simplement Kate en se reculant. Elle sera entre de bonnes mains.

- Je sais, sourit aussitôt Cassie.

Elle leur offrit un dernier signe de main avant de quitter l’appartement avec Eva qui avait troqué sa tenue pour un jean et un haut à capuche.

- Pfiouh, soupira aussitôt Emma en se laissant retomber sur le canapé. Ce fut le weekend le plus fort en émotions que je n’ai jamais connu.

- Hmm, acquiesça Kate en s’asseyant à son tour. Mais il s’est plutôt bien terminé, non ? ajouta-t-elle en s’emparant de sa main.

- Oui, sourit Emma avant de porter son attention sur Liz qui occupait désormais le fauteuil dans lequel Cassie était assise. Et pas uniquement pour nous, en plus.

Liz rougit légèrement.

- J’avoue que la situation a pris un tour inattendu, admit-elle avant de sourire. Tes bêtises nous ont été bénéfiques, petite fauteuse de trouble.

- Humpf, gémit Emma en cachant son visage entre ses mains. J’aurais aimé ne pas l’avoir fait aux dépends de Kate, répondit-elle en se mordant la lèvre inférieure tout en regardant cette dernière. Je suis vraiment désolée.  

Kate entoura son cou de son bras et vint l’embrasser sur la tempe.

- C’est oublié, ne t’en fais pas.

Liz les observa à tour de rôle, un sourire attendri sur les lèvres, avant de reporter son attention sur Kate :

- Dis Kate... pourquoi tes parents t’ont-ils choisie toi, pour prendre la relève ? demanda-t-elle, les sourcils froncés. Pourquoi ta mère n’a-t-elle pas poursuivi ce qu’elle et ton père avaient commencé ? Car, ne me méprends pas, mais tu n’as pas remis les pieds dans ce milieu depuis six longues années ; je ne vois pas comment tu aurais pu reprendre les rênes dans ces conditions...

- Insinuerais-tu que je manque cruellement d’expérience ?  taquina aussitôt Kate, un sourcil haussé. Mon père a toujours été le cerveau du Groupe, le grand dirigeant. Que cela ne m’en déplaise, il faisait partie des meilleurs dans son domaine, et le succès du Groupe le prouve bien. Ma mère aurait été incapable de prendre relève sans lui, ou alors, elle aurait eu besoin de Jessie... et ça, elle ne s’y serait jamais abaissée.

Liz lui offrit un regard confus.

- Ils préféraient alors tout remettre entre tes mains... quitte à tout perdre ?

Kate feignit aussitôt un air blessé.

- Ouch ! s’exclama-t-elle en portant une main sur son cœur, provoquant aussitôt le rire de Liz.

- Excuse-moi, reprit cette dernière. Je ne voulais pas être blessante, mais –

- Ca va, l’interrompit Kate dans un petit sourire. J’aurais été incapable de reprendre les rênes, tu as raison. Mais ils ne sont pas si bêtes, je pense surtout qu’ils avaient pour espoir de faire de moi un pantin dirigé par Jessie ; elle se serait chargé de tout en coulisse, et j’aurais joué la comédie, prétendant être l’auteure de ses idées.

Sa phrase à peine terminée, elle sentit Emma soupirer contre son cou.

- Cela remet en cause l’honnêteté de ta mère, remarqua-t-elle simplement en jouant avec le col du t-shirt de Kate.

Kate réfléchit un instant avant de répondre.

- Je pense qu’elle était sincère, dit-elle enfin. Mais que les intérêts de Groupe – et plus encore, de la dynastie – passeront toujours en premier.

- Le lien est définitivement coupé, alors ? demanda doucement Liz.

Kate l’observa avant de hocher imperceptiblement la tête.

- Le lien est définitivement coupé, répéta-t-elle d’un ton démontrant clairement sa détermination.

- Quel lien ? demanda Eva alors qu’elle rentrait de nouveau dans la pièce, Zoé dans ses bras.

Les yeux de cette dernière étaient visiblement rougis alors qu’elle reposait silencieusement contre son épaule.

- Pas facile, le départ, hein ? remarqua Emma d’une voix douce alors qu’elle regardait Zoé d’un air compatissant.

- Hmm, on a eu droit à de grosses larmes de crocodile, répondit Eva en venant embrasser le front de Zoé tout en caressant sa joue. Mais elle va revenir vite, maman, hein ? souffla-t-elle en glissant une mèche blonde derrière son oreille.

Zoé se redressa et frotta ses yeux de ses poings avant de regarder un instant autour d’elle, puis hocher doucement la tête lorsqu’elle regarda de nouveau Eva.

- Tu veux regarder un film ? Némo ?

Zoé ouvrit aussitôt grand les yeux et hocha frénétiquement la tête. Eva soupira de soulagement, elle n’avait certes pas encore réussit à lui arracher un sourire, mais elle avait au moins réussi à la distraire ; c’était le plus important. Elle s’installa sur le canapé et positionna Zoé de manière à ce qu’elle puisse voir l’écran tandis que Liz insérait le DVD dans le lecteur. La première image fut à peine apparue que toute l’attention de Zoé fut retenue par le téléviseur.

- Et moi qui croyais que c’était le film préféré de Liz, dit Kate en s’installant confortablement contre l’accoudoir, attirant Emma contre elle. Il semblerait qu’elle ait été détrônée de sa place de plus grande fan.

Zoé tourna la tête dans sa direction et lâcha un « chut ! » enthousiaste tout en portant un doigt contre ses lèvres avant de reporter son attention sur l’écran. Kate haussa les sourcils alors qu’Emma, Eva et Liz étouffaient tant bien que mal leurs rires. Zoé fronça les sourcils dans leur direction avant de regarder de nouveau le film.

- On ne t’a jamais dit que lorsqu’il y avait un enfant dans la pièce, c’était lui qui commandait ? taquina Emma depuis sa place contre son épaule.

Kate vint la chatouiller au niveau des côtes, poussant Emma à sursauter aussitôt tout en lâchant un rire hystérique. Le regard noir qu’elles reçurent de Zoé les arrêta cependant aussitôt.

- Tu vois ? murmura Emma, essoufflée, avant de retenir de nouveau un rire lorsque Kate marmonna quelque chose d’incompréhensible entre ses dents.

Elle laissa ses doigts courir le long du visage de Kate, souriant lorsque cette dernière ferma instantanément les yeux.

- Tu as changé, tu sais, murmura-t-elle simplement.

Kate laissa apparaitre un œil noisette, puis un second.

- Et... c’est un mal, ou un bien ?

- Tu crois que je serais là, si c’était un mal ? la taquina Emma en lui pinçant légèrement le bout du nez. Bon, ton côté volcanique était très... excitant, mais tu as prouvé hier soir que tu étais plus posée. J’ai redouté pendant un instant ta montée sur l’estrade lorsque ton nom a été appelé.

Kate sourit légèrement.

- Qui aurait pu croire qu’il allait falloir la médecine pour m’aider à canaliser mes réactions ? répondit-elle les yeux brillants.

Emma rit doucement avant de venir lui voler un baiser.

- Tu vas devenir chirurgienne, Kate, murmura-t-elle. Je t’ai déjà dit combien j’étais fière de toi dernièrement ?

Kate rougit légèrement.

- C’est plutôt toi qui m’impressionne. Je veux dire, prof ? Elle frissonna. C’est le genre de métier où il faut savoir s’accrocher.

- Non, c’est facile, sourit Emma, l’air malicieux. Il suffit d’avoir un charme irrésistible, et ils ne posent aucun problème.

Kate secoua la tête, amusée.

- Et dire que je ne peux même pas te contredire, souffla-t-elle contre ses lèvres avant de l’embrasser.

Leurs lèvres se rencontrèrent furtivement avant de se séparer pour mieux se retrouver, Kate sentant les douces mains d’Emma se poser sur ses joues afin de tenir son visage en place. Les siennes vinrent se resserrer autour d’une taille fine alors qu’elle se concentrait sur les lèvres sucrées qu’elle savourait avec délice. C'était tellement furtif, tellement léger, seul le bout de leurs lèvres et de leurs langues entrant en contact, s’effleurant à peine. Et pourtant, c’était si doux que chacune d’elle se sentait fondre comme neige au soleil.

Emma pouvait sentir les bras protecteur autour d’elle, qui la serraient contre le corps Kate. Une main vint s’enfouir dans ses cheveux tandis que l'autre tenait sa hanche et elle sourit intérieurement ; même après sept longues années, rien qu'en l'embrassant, Kate faisait naître des sensations indescriptibles en elle.

Kate passa ses mains dans le dos d’Emma et la rapprocha plus encore. Leurs corps se collèrent et elle put sentir la moindre de ses courbes à travers ses vêtements, souriant lorsqu’elle réalisa que le cœur d’Emma battait aussi vite que le sien. Sa respiration légèrement saccadée l’électrisait et sa langue partait à nouveau à la recherche de celle d’Emma lorsqu’elle ressentit une vive douleur dans son côté gauche. Elle recula vivement.

- Ouch ! s’exclama-t-elle tout en regardant Emma comme si elle avait perdu la tête.

Emma cligna des yeux, perplexe, avant de tourner la tête lorsqu’elle sentit une présence à ses côtés.

- Zoé ? appela-t-elle, confuse.

Cette dernière croisa les bras sur sa poitrine, les sourcils froncés.

- T’es partie chercher Némo dans sa bouche ?

Emma se mit aussitôt à rougir furieusement tandis que Kate couvrait son visage de ses mains avant de jeter un œil vers Eva. Vu comment cette dernière tentait d’étouffer son rire contre l’épaule de Liz, elle n’eut aucun mal à deviner où Zoé avait entendu la phrase qu’elle venait de prononcer.

- Espèce de –

 Elle fut coupée par une main sur ses lèvres.

- Pas de vilains mots devant les enfants, l’admonesta Emma avant de venir prendre Zoé dans ses bras. Aller, viens par ici petite princesse, qu’on regarde la fin de ton film.

- J’ai plus envie, vous arrêtez pas de m’embêter ! rouspéta Zoé en affichant un air boudeur.

- Oh..., promis on arrête, d’accord ? répondit Emma en la chatouillant légèrement.

Zoé remua légèrement mais resta silencieuse, un sourire apparaissant néanmoins sur ses lèvres.

- J’ai envie de savoir s’il va retrouver Némo, moi, en plus, continua Emma.

Zoé tourna aussitôt la tête vers Kate et regarda sa bouche d’un air méfiant, provoquant une nouvelle tournée de rires alors que Kate haussait les sourcils avant de couvrir ses yeux de sa main.

- Eva..., gronda-t-elle. Arrête de dire des bêtises, tu vas finir par l’effrayer cette pauvre petite.

Eva feignit un air innocent, clignant des paupières tout en se désignant du doigt.

- Moi ?

- Oui toi ! soupira Kate avant de reporter son attention sur Zoé. Promis princesse, je n’ai pas avalé Némo.

- Moi en tout cas, j’irais bien avaler quelque chose, dit Eva en se redressant. Zoé, ma puce, on va cuisiner ?

Zoé sauta aussitôt du canapé et partit en direction de la cuisine tout en hurlant un « à table ! » interminable.

- Eh, je suppose que ça veut dire qu’elle est partante, répondit Eva les sourcils haussés avant de se joindre aux rires des autres.

Elle s’apprêtait à se lever lorsqu’une pensée lui traversa soudainement l’esprit et elle observa Liz d’un air hésitant.

- Le frigo est plein, la rassura cette dernière. J’ai fait les courses hier.

- Oh.

Je ne l’ai même pas entendue partir, soupira intérieurement Eva. Bon sang, je crains. Il est vraiment temps d’arrêter ça.

- Merci, murmura-t-elle en venant l’embrasser. Je m’en chargerai la prochaine fois, ajouta-t-elle néanmoins, mal à l’aise.

- C’est rien, répondit Liz en l’embrassant à nouveau, juste parce qu’elle le pouvait. Hmm. Ça m’a définitivement manqué. File avant que Zoé ne touche à quelque chose et ne se blesse.

Des bruits de casseroles s’entrechoquant leur parvinrent et Eva écarquilla aussitôt les yeux.

- Je suis déjà partie ! s’exclama-t-elle en quittant la pièce à toute allure.

Elles se mirent à rire à nouveau, puis, une fois calmée, Kate se mordilla la lèvre inférieure.

- Ca veut dire que l’on va pouvoir de nouveau bénéficier de ses talents de cuisinière alors ? dit-elle d’un ton empli d’espoir.

- Tout dépend de qui choisit le menu, sourit Emma. Car si c’est Zoé...

Liz rit doucement.

- Peu importe, j’ai surtout envie qu’Eva avale quelque chose.

- Elle est sur la bonne voie, ne t’en fais pas, la rassura Kate. Elle va déjà beaucoup mieux depuis que vous avez discuté.

- Et que Zoé est arrivée, acquiesça Liz avant de sourire malicieusement. Si j’avais su qu’il suffirait de sa présence...

Emma leva les yeux au ciel, amusée.

- T’es bête, c’est surtout toi qui l’as aidée.

- Peut-être, répondit Liz en haussant les épaules. Je crois que pour l’instant, c’est le cadet de mes soucis, et que j’ai simplement envie d’en profiter. Je vais voir ce qu’elles font, vous restez ici ?

Emma glissa son visage dans le cou de Kate et vint embrasser la peau douce avant de la regarder à nouveau, les yeux brillants.

- File, sourit-elle en lui faisant signe de la main de partir. On trouvera bien de quoi s’occuper.

Liz secoua la tête tout en se redressant.

- Ca j’en doute pas, ricana-t-elle. Mais n’oubliez pas que Zoé est dans la pièce voisine ! ajouta-t-elle alors qu’elle s’éloignait.

Aucune réponse ne lui parvint et elle marmonna un « les chambres d’hôtel, ça existe » tout en s’approchant de la cuisine. Une douce odeur de cuisson lui parvint et elle glissa sa tête à l’intérieur de la pièce, souriant lorsqu’elle aperçut Eva et Zoé en pleine conversation, chacune occupée de son côté. Eva faisait tantôt face aux plaques de cuisson, tantôt face au plan de travail où elle et Zoé semblaient préparer une salade maison.

Liz s’approcha et glissa ses bras autour de la taille d’Eva, se collant contre son dos alors que cette dernière faisait revenir quelque chose à la poêle.   

- Alors, qu’est-ce que vous nous cuisinez ? demanda-t-elle en jetant un œil par-dessus son épaule.

- Des croque madame ! s’exclama Zoé alors qu’elle tentait tant bien que mal de casser un œuf.

- Et une salade composée, rappela Eva en lui jetant un regard en coin. Ainsi qu’une poêlée de légumes et de la viande rouge pour les plus grands.

Liz haussa les sourcils. Une poêlée de légumes et de la viande rouge pour les plus grands ?

- Ca veut dire que tu vas manger aussi alors ? demanda-t-elle avant qu’elle n’ait pu s’en empêcher.

Eva remua la poêle une nouvelle fois avant de se retourner et la prendre dans ses bras, soupirant d’aise lorsque Liz vint aussitôt entourer son cou.

- Peut-être, sourit-elle avant de venir embrasser sa tempe. Qu’as-tu fait des deux énergumènes ?

- Tcht, l’admonesta aussitôt Liz en la pinça légèrement au niveau des côtes. Elles sont dans le salon en train de se câliner. 

Eva sourit contre ses cheveux, s’assurant que Zoé restait dans son champ de vision.

- Elles ont bien raison.

- Hmm, répondit Liz avant de venir lui voler un baiser, souriant lorsqu’Eva arbora un air boudeur face à la brièveté du contact. Désolée mon amour, mais on a une enfant dans la pièce.

- Plus tard alors, répondit aussitôt Eva en venant mordiller son oreille.

Les yeux de Liz se fermèrent d’eux même face à la sensation avant qu’elle n’observe le visage d’Eva lorsque cette dernière ce recula. Oh s’il vous plaît dites-moi que je ne rêve pas.

- Tu m’as manqué, murmura-t-elle, ses doigts caressant légèrement la nuque à sa portée.

- Je sais, répondit Eva, un air coupable prenant place sur ses traits alors qu’elle déviait son regard vers Zoé. Je suis désolée.

Liz secoua doucement la tête.

- Non, ne le sois pas, souffla-t-elle. Ce n’était pas ta faute, Eva.

Elle hésita avant d’ajouter :

- Je suis juste contente de te retrouver, de retrouver ça, entre nous.

Eva lui sourit faiblement.

- Moi aussi, répondit-elle sincèrement. Je t’aime.

- Et je t’aime aussi, répondit Liz en venant embrasser sa joue.

Elle reporta son attention sur Zoé et elle grimaça légèrement. Cette dernière avait les deux mains plongée dans le bol dans lequel elle avait cassé quelques œufs et Liz pouvait voir d’ici qu’elle y avait aussi laissé de nombreux morceaux de coquille.

- Vous comptez faire une omelette aussi ? taquina-t-elle. Parce que là, vu les œufs...

- J’étais sensée l’aider, tu m’as distraite, accusa Eva dans un sourire en la poussant légèrement alors qu’elle retournait à la préparation de la salade.

Liz lui tira la langue par-dessus son épaule avant de s’emparer de Zoé et la guider vers l’évier.

- Mais, c’était pour les croque madame ! s’exclama aussitôt cette dernière lorsque Liz vida le contenu du bol à même le siphon.

- T’en fais pas ma puce, on en a plein des œufs, commença Liz en l’aidant à se laver les mains. C’est juste qu’un croque madame n’a pas besoin d’œufs battus.

Elle lui essuya les mains à l’aide d’un torchon puis se saisit d’une chaise qu’elle plaça près du plan de travail. Elle fit signe à Zoé d’y monter.

- Regarde, je vais te montrer.

Elle enfourna les croque dans le four afin de les faire dorer et faire fondre le fromage puis beurra une petite poêle qu’elle déposa sur la plaque de cuisson, l’allumant sur feu moyen. Une fois le beurre fondu, elle cassa délicatement un œuf dans la poêle sans crever le jaune.

- Ils doivent être au plat tes œufs, ma puce, expliqua-t-elle. Comme ça, d’accord ?

Zoé hocha la tête alors qu’elle observait, attentive.

- Tu veux essayer ? demanda Liz en lui tendant un œuf.

Zoé acquiesça aussitôt d’un frénétique hochement et Liz retint difficilement le grand sourire qui menaçait d’apparaître. Zoé avait cette dualité dans sa personnalité, étant incroyablement calme lorsqu’elle était concentrée, triste, ou fatiguée, et débordante d’énergie lorsqu’elle voulait jouer ou était enthousiasmée pour une quelconque raison. Deux côtés qui, en plus de son adorable visage, la rendaient craquante.   

Liz s’empara d’un bol propre contre lequel Zoé cassa l’œuf, puis elle l’aida à vider le contenu dans la poêle.

- Je crois bien que l’on a une future chef cuisinière, la félicita-t-elle avant de regarder Eva, le regard brillant de malice. Fais attention mon amour, elle pourrait bien te détrôner.

- Nah, elle sera mon associée, hein Zoé ? sourit Eva, fière d’elle.

Zoé lui jeta à peine un coup d’œil avant de hocher distraitement la tête, son attention fixée sur les œufs au plat. Liz ricana.

- Elle n’a pas l’air très enthousiaste à l’idée, se moqua-t-elle. Tiens, sale le blanc maintenant Zoé. Juste-là.

Zoé obtempéra puis observa Liz sortir les croque du four avant de venir étaler légèrement le blanc avec une spatule.

- Tu monopolises toute son attention juste parce que tu es jalouse, rétorqua aussitôt Eva, savourant le rire de Liz lorsqu’il éclata dans la pièce.

- Bien sûr, répondit cette dernière en levant les yeux au ciel. Tu veux les faire glisser sur les croque maintenant ? demanda-t-elle à Zoé alors que cette dernière poivrait.

Zoé acquiesça aussitôt et elle s’empara de la poêle avec l’aide de Liz avant de venir faire glisser les œufs à l'aide d’une spatule.

- Et voilà, sourit Liz alors qu’elle reposait la poêle. On forme une belle équipe hein ?

Elle échangea un high five avec Zoé avant de tourner la tête vers Eva qui n’avait cessé de les observer.

- Les légumes sont prêts ?

- Oui, acquiesça cette dernière. La viande et la salade aussi. A table.

- A table ! s’écria aussitôt Zoé en sautant de la chaise puis en se dirigeant vers le salon.

Elles lâchèrent aussitôt un rire avant de s’arrêter, surprise de voir Zoé revenir à peine cinq secondes plus tard. Elle s’arrêta au beau milieu de la cuisine avant de croiser ses bras sous sa poitrine, un air renfrogné sur le visage.

- Elles faisaient encore des bisous, dit-elle, les sourcils froncés.

Liz grimaça. Merde, j’avais oublié ça, pensa-t-elle alors que le rire qu’Eva tentait d’étouffer lui parvenait. Elle lui offrit un regard incrédule auquel Eva répondit en levant les yeux au ciel.

- Je suis sûre qu’elle a déjà vu ses parents s’embrasser, expliqua-t-elle d’un ton conciliant. Pas vrai, ma puce ?

Zoé l’observa un instant avant d’hocher la tête. 

Eva sourit. Cela la rassurait de voir la tendresse de ses parents lorsqu’elle était toute petite. Des gestes tendres, des petits bisous, une main tenue. Rien d’excessif en soit, mais qui la faisait se sentir bien au sein du cocon familial. Elle pensait qu'il était important dès le plus jeune âge de savoir qu'il n'y avait pas que l'amour parent-enfant dans la vie, que l'on pouvait embrasser son conjoint, ses enfants, sa famille, ses amis. C’était aussi une façon pour l'enfant de se construire, de se projeter dans des relations aux autres, selon elle.

- Tu sais qu’elles font ça parce qu’elles sont amoureuses, pas vrai ? poursuivit-elle.

Zoé lâcha un petit rire typique des jeunes de son âge lorsque ce genre de sujet était évoqué tout en acquiesçant à nouveau.

- Et ça ne te met pas mal à l’aise non plus, n’est-ce pas ? sourit-elle.

Elle connaissait déjà la réponse. Cassie leur avait raconté une fois que lorsque Zoé les surprenait à échanger un petit bisou son mari et elle, cette dernière s’amusait à s’exclamer un « oh, papa ! » qui les faisait rire et qui la rendait très fière d'avoir cassé le bisou d'amoureux. Ou alors, elle lâchait des « oh les amoureux ! » ou des « je vous ai vus ! » interminables avant de venir réclamer un câlin à son tour.

- Non, rit de nouveau Zoé en secouant la tête.

- Je m’en doutais, répondit Eva en venant la prendre dans ses bras avant de se tourner vers Liz. Tu vois, pas de quoi se faire de soucis.

Liz leva les yeux au ciel avant de s’approcher.

- Tant mieux, parce que les connaissant, elles ne sont pas prêtes de s’arrêter. Elle appuya son front contre celui de Zoé. Et tu sais pourquoi ? demanda-t-elle en  chatouillant légèrement son ventre.

Zoé secoua la tête et Liz vint lui chuchoter d’un air conspirateur :

- Parce que les vraies histoires d’amour ne finissent jamais.

1 juillet 2012

Chapitre 6 : Blackout.

Liz se laissa retomber contre la porte après l'avoir refermée derrière elle. Un profond soupir s’échappa de ses lèvres et elle se passa une main sur le visage dans l’espoir de faire fuir le sommeil qui la guettait déjà.

- Quelle heure il est là ? marmonna-t-elle pour elle-même en regardant sa montre, les sourcils froncés. Hmm, 19h17.

Elle grimaça.

- Ca fait peut-être un peu tôt pour se glisser sous la couette.

En vérité, elle venait de passer une semaine interminable, à jongler entre corrections des évaluations, les cahiers du jour, les leçons copiées... Sans oublier la surveillance de la cantine, du portail, des récrés ; les photocopies à faire, les rencontres avec les parents ou entre collègues pour un sujet ou un autre... Son temps libre avait fini par cruellement s’amenuiser et elle en était venue à devoir travailler pendant sa pause déjeuner, le soir à la maison ainsi que sur les journées où elle était censée être de repos.

- C’est ma première année d’enseignement, et j’en ai déjà marre, soupira-t-elle à nouveau.

Elle exagérait, bien sûr, mais même si elle pensait exercer un métier passionnant, elle ne pouvait s’empêcher d’espérer que les suivantes seraient plus calmes, ses élèves étant particulièrement turbulents cette année.

- Voilà l’euphémisme du siècle, pensa-t-elle en déposant son sac à main sur le petit meuble jouxtant l’entrée. Eva ? appela-t-elle finalement. Je suis rentrée !

Aucune réponse ne lui parvint et elle fronça un instant les sourcils, perplexe avant qu’un sourire ne vienne se dessiner sur ses lèvres lorsqu’elle huma le bouquet de magnolias qu’elle comptait lui offrir. Ses fleurs préférées, pensa-t-elle d’un air satisfait.

Un peu plus d’un mois auparavant, elles avaient appris qu’un nouveau membre allait bientôt agrandir leur petite famille, et Liz avait décidé de couvrir son épouse de petits présents tout au long de sa grossesse afin de la remercier de leur faire un aussi beau cadeau.

Cependant, elle devait bien admettre qu’elle n’avait pas toujours été positive à ce sujet. Car, bien qu’elles fussent déjà mariées, Liz n’avait pu s’empêcher de vouloir attendre encore un peu lorsqu’Eva avait amené le sujet sur la table, après tout, elle avait à peine vingt-quatre ans et se sentait encore plutôt jeune, sans compter qu’elle venait tout juste de commencer sa carrière professionnelle. Mais Eva, qui elle allait fêter ses trente bougies, avait senti son envie d’agrandir la famille la tirailler sérieusement, et, après une sérieuse conversation dûment réfléchie, elles avaient décidé de se lancer.

Liz sourit, elle était plutôt impatiente désormais, et ne cessait depuis de se demander à quoi ressemblerait leur petit ange. Et si c’était une petite fille ? Comment serait-elle ? Blonde aux yeux chocolat comme Eva ? Ou brune au regard d’azur comme elle ? Son cousin ayant accepté d’être le donneur, leur bébé possèderait une partie d’ADN commune avec elle, et elles en étaient tout particulièrement ravies.

Et si c’était un garçon ? Poursuivit-elle en se dirigeant vers la cuisine afin de mettre les fleurs dans un vase. Hériterait-il du caractère farceur de son épouse ou serait-il plutôt sérieux comme elle ? Liz sourit. Après tout, que ce soit un garçon ou une fille, qu’il ou elle ressemble plus à Eva ou plus à elle, elle savait que ce bébé n’en serait pas moins aimé et pas moins accepté dans leur famille, bien au contraire.

Les fleurs joliment positionnées dans leur vase, au centre même de la table de cuisine, Liz partit à la recherche de sa moitié étonnement silencieuse.

- Eva ? appela-t-elle à nouveau en se dirigeant vers la chambre, la soupçonnant d’être en train de faire une sieste.

Le premier trimestre n’avait pas pardonné à Eva, et entre les nausées matinales, ses seins de plus en plus douloureux, et la fatigue qui ne la quittait plus, elle était constamment extenuée.

Du bruit en provenance de la salle de bain lui parvint et Liz s’arrêta avant de passer la tête à l’intérieur de la petite pièce, se réjouissant déjà à l’idée de rejoindre sa douce dans un bain moussant.

- Ev...

Sa voix faiblit pour finalement s’éteindre et elle sentit aussitôt le sang quitter son visage face à la vision qui s’offrait à elle.

- Oh mon dieu, souffla-t-elle en se laissant tomber à genoux au côté d’Eva.

Recroquevillée à même le sol, les mains désespérément accrochée à son ventre, Eva se balançait d’avant en arrière tout en alternant entre respiration difficile et râles de souffrance.

- Eva ? appela Liz d’une voix inquiète, ses mains tremblantes se glissant dans son cou afin de pouvoir croiser son regard.

Eva releva la tête et Liz sentit aussitôt son cœur s’arrêter dans sa poitrine ; son visage, baigné de larmes, était d’une pâleur effrayante et sa respiration irrégulière. La panique s’empara d’elle mais elle fit de son mieux pour ne pas la laisser paraître.

- Eva, amour, parle-moi, dit-elle en caressant frénétiquement son front et ses joues. Oh mon dieu, pensa-t-elle avec horreur. Elle est gelée.

Le visage d’Eva se contracta à nouveau avant qu’elle ne lâche dans un souffle :

- Mal. Hôpital.

Liz se gifla intérieurement pour ne pas y avoir pensé plus tôt et elle l’embrassa rapidement sur le front avant de sortir de la pièce en courant à la recherche de son téléphone portable. Elle fut de nouveau à ses côtés à peine quelques minutes plus tard :

- Ca va aller, mon amour, ça va aller..., chuchota-t-elle frénétiquement contre les cheveux d’Eva alors qu’elle luttait elle-même contre la peur et les larmes.

Une nouvelle contraction força Eva à gémir de douleur et elle resserra un peu plus son étreinte, priant pour que l’ambulance qu’elle venait d’appeler se dépêche d’arriver.

- Non..., renifla Eva tout en relâchant un soupir tremblant, de nouvelles larmes inondant ses joues. Il y a trop de sang Liz, trop de sang...

Liz regarda autour d’elle et elle remarqua pour la première fois la mare de sang qui s’était formée entre les jambes d’Eva, et dans laquelle elle était accroupie. Elle ferma les yeux alors que son estomac se nouait.

- Shh, amour, ça va aller..., répéta-t-elle à nouveau, incapable de savoir qui elle essayait réellement de rassurer.

Oh mon dieu, pensa-t-elle. Faites que tout aille bien, je vous en supplie.

💕

Reprenant connaissance, Eva se sentit tout d’abord désorientée, et elle dut cligner des paupières à plusieurs reprises à cause de la lumière aveuglante. Lorsqu’enfin elle y fut habituée, elle mit plusieurs secondes à réaliser qu’elle se trouvait dans une chambre d’hôpital, et que le visage d’un docteur était penché juste au-dessus d’elle.

- Mlle Andreone ? demanda-t-il en étudiant ses traits. Vous pouvez m’entendre ?

Eva regarda dans toutes les directions, attendant de croiser le regard de Liz et de sentir sa main dans la sienne avant de répondre :

- Oui, murmura-t-elle d’une voix rendue rauque par son état d’inconscience. Je… Que se passe-t-il ? Ajouta-t-elle en posant son regard sur Liz.

Liz laissa son regard retomber sur leurs mains liées l’une à l’autre et Eva dut lutter contre le vertige qui l’envahit soudainement, fermant les yeux pour ne plus voir la pièce tourner. Elle réfléchit un instant dans l’espoir de pouvoir se souvenir de ce qui avait bien pu se produire pour qu’elle atterrisse ici, mais elle fut incapable de se rappeler de quoi que ce soit. Son regard se porta de nouveau sur Liz et lorsqu’elle perçut l’unique larme coulant lentement le long de sa joue, elle sentit son ventre se nouer.

- Il est... je l’ai perdu, c’est ça ? murmura-t-elle finalement, la gorge serrée.

Les yeux de Liz se remplirent aussitôt de larmes et elle hocha légèrement la tête, incapable de la regarder. Eva sentit aussitôt un gémissement remonter le long de sa gorge et elle porta ses deux mains à son ventre alors que des larmes brûlantes coulaient le long de ses joues.

- Non... non, renifla-t-elle en secouant frénétiquement la tête avant de porter son attention sur le docteur. Dites-moi que ce n’est pas vrai. Dites-moi que...

Ses mots s’éteignirent au fond de sa gorge pour laisser place à des sanglots incontrôlables, et elle porta une main à ses lèvres, misérable. La douleur qu’elle ressentait ravivait une souffrance lointaine mais jamais totalement oubliée, et lorsqu’elle sentit Liz la prendre doucement dans ses bras, elle s’accrocha aussitôt désespérément à elle.

- Liz...

- Je suis là, amour, murmura Liz d’une voix faible alors qu’elle luttait elle aussi contre les sanglots. Je te tiens.

Eva avait ensuite dû subir un curetage sous anesthésie générale afin d’assurer l'élimination complète du placenta, arrêter les saignements et éloigner tout danger d'infection. Puis, après avoir été gardée quelques heures sous observation, elles avaient pu rentrer chez elles.

Pendant l’opération, Liz en avait profité pour discuter avec le docteur qui les avait suivies depuis leur arrivée la veille au soir. L’air compatissant, il lui avait expliqué qu’une grossesse sur cinq s’interrompait spontanément avant la fin du premier trimestre, et que bien que traumatisante, elle ne présageait en rien de mauvaises répercutions sur l’avenir en matière de conception, au contraire ; une nouvelle grossesse avait les meilleures chances de se dérouler normalement.

Il lui avait cependant conseillé d’attendre deux ou trois cycles avant d’envisager une nouvelle insémination, le temps pour elles de faire leur deuil, mais rien sur le plan physique ne s’opposait à une fécondation durant le premier cycle.

L'analyse de l'embryon leur avait par la suite révélé quelle avait été la cause de cette grossesse interrompue. Elles avaient découvert avec une grande tristesse qu’il s’agissait d’une anomalie, et qu’un processus naturel c’était alors mis en place pour évacuer l’embryon non viable.

Le médecin leur avait alors conseillé de percevoir cette fausse couche comme un accident salutaire évitant la poursuite d’une grossesse anormale. Mais, même si cela les avait aidés à comprendre, Liz devait bien reconnaître que la douleur d’avoir perdu leur bébé n’en avait cependant pas été atténuée. Et un mois plus tard, elle se demandait sérieusement si elle finirait par l’être un jour.

- Liz ?       

La voix d’Eva la ramena soudainement à la réalité et Liz cligna un instant des yeux afin de reprendre pied avec le présent. Elle croisa aussitôt le regard inquiet d’Eva et elle se força à produire un sourire qu’elle se voulut rassurant.

- Pardon, j’étais partie ailleurs.

Eva l’observa, à la fois intriguée et inquiète, mais la sonnerie d’un portable résonnant dans la pièce l’arrêta lorsqu’elle voulut prendre la parole. Elle vit Kate passer une main derrière son dos et attraper son portable dans la poche arrière de son jean avant de le jeter sur la table basse une fois qu’elle eut aperçu l’identifiant. Liz et Eva haussèrent les sourcils avant de reconnaître à leur tour le nom qui apparaissait sur l’écran. Eva se racla légèrement la gorge.

- Peut-être devrais-tu...

- Non.

Tombée tel un couperet, la réponse n’appelait à aucune discussion et Eva détourna ses yeux du téléphone pour les poser sur Kate.

- Kate, je pense vraiment que tu devrais...

- Non.

- Kate...

Kate s’empara du portable et l’envoya valser à travers la pièce, le faisant s’écraser contre le mur où il rebondit avant d’atterrir sur le sol en plusieurs morceaux.

- J’ai dit non, reprit Kate en se réinstallant contre le dossier. C’est pas clair ?

Eva s’apprêtait à répondre lorsque la sonnerie du téléphone fixe résonna à son tour dans la pièce.

- Eva..., la prévint aussitôt Kate.

Eva l’ignora et commença à se diriger vers le téléphone lorsque Kate la pris de court et arracha la prise murale.

- Bon sang Kate ! s’exclama aussitôt Eva en venant la clouer du regard, sa patience ayant atteint ses limites. A quoi tu joues là ?! Tu comptes t’installer dans la chambre d’amis et y rester cloîtrer jusqu’à ce qu’Emma en oublie ton existence ? C’est ça ? Eh bien j’ai une mauvaise nouvelle pour toi, de un, il est hors de question que j’héberge quelqu’un d’aussi lâche, et de deux, elle ne t’oubliera certainement pas.

Sa tirade terminée, elle regagna sa place sur le fauteuil et fixa Kate de son regard chocolat, attendant une réponse. Kate s’installa de nouveau sur le canapé et croisa ses bras sous sa poitrine, la position défiante.

- Je ne lui parlerai pas, lâcha-t-elle dans un air renfrogné.

Eva soupira tout en se passant une main sur le visage.

- Kate, murmura-t-elle. Tu m’emmerdes.

- Eva..., prononça aussitôt Liz en reposant sa tasse de thé. Vous énerver comme ça, l’une contre l’autre ne mènera nulle part.

Eva soupira avant de venir s’installer aux côtés de Kate.

- Bon, tu penses l’avoir trompée, c’est bien ça ?

Kate se contenta de hocher imperceptiblement la tête avant de hausser les sourcils lorsqu’Eva s’empara de ses mains et les renifla tour à tour.

- Ca ne sent pas le sexe pour moi, reprit-elle finalement avant de se mordre la lèvre. Ah merde, tu as pris une douche aussi.

- Elle ne les a peut-être pas utilisées, en plus, répondit Liz d’une voix taquine. Tu devrais peut-être vérifier le reste de son corps.

Les sourcils de Kate grimpèrent encore plus sur son front alors qu’elle les observait tour à tour. Je suis dans la quatrième dimension, ou quoi ? Elle récupéra ses mains et serra ses bras autour d’elle.

- Je ne suis pas une pièce d’exposition que l’on peut exploiter à sa guise hein ! s’exclama-t-elle finalement et leur montrant clairement son désaccord.

Liz haussa les épaules.

- Tu veux qu’on t’aide, non ?

- Ca n’aurait servi à rien de toute façon, coupa Eva. La seule chose que j’arrivais à sentir d’ici, c’était de l’alcool, grimaça-t-elle. Désolée Kate, ajouta-t-elle en lui tapotant affectionnément le genou. Bien sûr, une recherche... approfondie, nous permettrait de savoir si tu n’aurais pas de suçons ou autres griffures ici... ou là..., ajouta-t-elle, le regard brillant.

Kate l’observa comme si elle avait perdu la tête avant de se lever d’un bon.

- Bon sang, mais arrêtez ! s’exclama-t-elle avant de prendre un ton malheureux. On parle de mon couple là, c’est un sujet sérieux.

- Justement, répondit Eva en croisant ses bras puis ses jambes. Six ans de relation, et au premier problème, tu prends tes jambes à ton cou. Elle haussa un sourcil. Tu ne crois pas qu’elle mérite un peu plus de considération ?

Kate détourna aussitôt le regard, la mâchoire serrée.

- Elle ne me pardonnera pas ça, lâcha-t-elle difficilement.

- Qu’est-ce que tu en sais ? rétorqua aussitôt Eva.

- Je l’ai trompée, Eva, répondit Kate en resserrant ses bras autour d’elle, comme pour se protéger de la douleur. J’ai brisé la confiance qu’elle avait en moi. Elle avala difficilement. Comment pourrait-elle me pardonner ça ? finit-elle d’une voix tremblante.

Eva l’observa d’un air compatissant tout en se levant du canapé, puis elle encadra son visage de ses mains avant de l’embrasser sur le front.

- Tu crois l’avoir trompée, c’est différent.

- Oh je t’en prie, je me suis réveillée, complètement nue, dans le lit d’une femme qui était elle aussi, complètement nue, répondit Kate en levant les mains avant de laisser retomber à ses côtés. Ça m’étonnerait grandement que l’on ait fait une partie de mots croisés.

Eva grimaça.

- Bon, mettons cette histoire de côté un moment, commença-t-elle d’un ton conciliant. Tu ne peux pas savoir comment elle réagira, et la fuite ne mènera nulle part, excepté aggraver les choses.

Kate se mordit la lèvre alors qu’elle sentait sa vue se brouiller. Elle secoua légèrement la tête.

- Je ne peux pas, Eva, renifla-t-elle. Je ne peux pas, s’il te plaît... Je ne peux pas la perdre.

Eva vint aussitôt la prendre dans ses bras.

- Je sais, Kate, murmura-t-elle en l’embrassant sur la tempe. Je sais.

💕

 - Bon, comment se poursuit la suite de l’histoire alors ? demanda Liz une fois que Kate fut calmée et qu’elle et Eva aient regagné leur place sur le canapé. Car pour l’instant... je ne vois pas comment tu as pu en venir à finir dans le lit d’une autre.

Kate soupira tout en se frottant le visage de ses mains.

- La suite est plutôt floue, admit-elle. Après l’annonce de ma tante en tant que nouveau visage du Groupe, le champagne a coulé à flot, poursuivit-elle avant d’afficher un air penaud. Et disons que je n’y suis pas allée en retenue.

- Je croyais que tu détestais ça, dit Eva, surprise.

- Je déteste ça, acquiesça Kate. Mais après tout ça, je ne sais pas... j’avais besoin de relâcher la pression.

Elle baissa les yeux tout en venant tripoter la couture de son jean.

- Pas très malin, je sais.

- Oh je t’en prie Kate, répondit Eva d’une voix conciliante. Qui n’a jamais pris de cuite de sa vie ? Ne te torture pas pour ça.

- Même quand la cuite en question conduit à la fin de ton couple ?

Le ton empli de douleur ne lui échappa pas et Eva se gifla intérieurement pour son manque de précaution. Elle s’empara de ses mains.

- Raconte-nous la suite, la pressa-t-elle doucement. Je suis sûre que ce n’est pas aussi terrible que tu ne penses.

Kate lui offrit un regard sceptique avant de venir s’essuyer les yeux d’un revers de manche.

- Je me souviens avoir fêté l’évènement jusque tard dans la nuit, commença-t-elle, les sourcils froncés de concentration. J’ai trainé Emma sur la piste à plusieurs reprises avant de rester à table à enchaîner les verres pendant que ma tante nous racontait des anecdotes croustillantes sur le Groupe.

Elle rit légèrement.

- Demande lui qu’elle te raconte la prochaine fois que tu la verras, tu ne le regretteras pas, dit-elle avant de reprendre son sérieux. Emma a fini par m’enlever mon verre et éloigner la bouteille, et la seconde suivante, je me retrouvais à l’arrière d’une limousine, allongée sur la banquette avec la tête sur ses genoux. Elle grimaça. Je ne m’étais jamais sentie aussi mal de toute ma vie.

Eva lui offrit un air compatissant avant de plisser les yeux.

- Tu ne lui as pas vomi dessus au moins, hein ?

- Non ! s’exclama aussitôt Kate, horrifiée, avant de se mordre la lèvre. Enfin, je ne crois pas. Mais, le problème, c’est que lorsque je suis sortie de la voiture, Emma n’était nulle part, finit-elle dans un regard perdu.

Eva l’observa, confuse.

- Je ne comprends pas, tu viens de me dire qu’elle était avec toi dans la limousine ?

- C’est ce que je croyais, renifla Kate. Mais lorsque je suis descendue, la seule qui était là, et qui m’a soutenue jusqu’à l’appartement... c’était Cassie.

Eva sentit aussitôt son visage blêmir.

- Et ensuite ? pressa-t-elle prudemment.

Kate leva son regard vers elle et l’observa, incertaine.

- Je ne sais pas, c’est le trou noir après ça, murmura-t-elle, la lèvre tremblante. Je me suis réveillée ce matin, et elle était là... à m’appeler « mon cœur » et sous-entendre tout un tas d’autre chose sur notre nuit ensemble, et...

- Attends, attends, l’interrompit aussitôt Eva en levant les mains. Par « elle était là », tu sous-entends...

Kate hocha la tête tout en laissant son regard retomber sur ses mains et Eva se leva aussitôt tout en portant ses mains à ses tempes.

- Oh merde. Oh merde, merde, merde, lâcha-t-elle en faisant les cents pas. Bon sang Kate, c’est pas possible ! Cassie ? Vraiment ?! Je dois être en train de rêver... Je croyais que vous étiez passées au-dessus de vos sentiments l’une pour l’autre depuis des années déjà ! 

Kate cligna des yeux, surprise par l’énervement soudain d’Eva, et lorsque ses paroles lui parvinrent, elle l’observa comme si elle avait perdu la tête.

- Bien sûr que l’on est passé au-dessus ! s’exclama-t-elle à son tour. Bon sang Eva, on est toutes les deux mariées, tu te souviens ?

- Tu viens pourtant de m’avouer que tu avais couché avec elle ! rétorqua Eva en levant les mains au ciel.

- Mais je ne me souviens de rien ! se défendit Kate en se levant à son tour. J’étais complètement bourrée. Je... j’ai... je ne sais même pas comment c’est arrivé.

Eva soupira tout en se grattant le front avant de relever soudainement les yeux vers Kate lorsque la sonnerie de l’appartement retentit.

- Oh non, non, non, se précipita Kate en s’approchant d’elle et en levant les deux mains. Je ne suis pas là, d’accord ? S’il te plaît, Eva...

Eva se mordit l’intérieur de la joue, hésitante, avant de prendre un air compatissant.

- Tu sais bien que je ne peux pas faire ça, Kate, répondit-elle, un sourire désolé sur les lèvres. Tu vas devoir l’affronter un jour ou l’autre, peu importe ce qu’il s’est passé ou non, tu lui dois au moins ça.

Kate se passa une main dans les cheveux avant de dévier son regard vers la porte.

- J’ai peur, souffla-t-elle finalement d’un ton douloureux. J’ai peur de  tout perdre.

Eva vint l’embrasser sur la joue.

- On ne sera pas loin, murmura-t-elle en caressant ses bras. Je te le promets.

Kate hocha faiblement la tête tout en avalant difficilement sa salive.

- Merci, répondit-elle sincèrement avant de l’observer se diriger vers la porte.

1 juillet 2012

Chapitre 5 : S’il vous plaît, dites-moi que je suis en train de rêver.

- « Pannequets de courgettes au chèvre, coulis de poivrons grillés, espuma de tomates », je n’ai même pas la moindre idée de ce à quoi ça peut ressembler. Je veux dire, « filet de sole aux deux sauces » tu sais à quoi t’attendre, mais « pannequets de courgettes au chèvre » ? Aucune idée. Oh et « délicatesses de canard au romarin et mousseline de patates douces au curcuma », ils cherchent à faire de la poésie dans leurs menus ou quoi ? « Purée » c’est bien plus simple et explicite, hein. C’est quoi le curcuma, en plus ?

- Une racine provenant d’Asie, répondit Kate en s’essuyant les yeux.

Son regard croisa celui de Cassie et elle ne put se retenir de rire à nouveau. A peine avait-elle ouvert son menu qu’Emma s’était lancée dans une série de remarques toutes aussi amusantes les unes que les autres, et les deux jeunes femmes avaient du mal à retrouver leurs souffles tant elles étaient écroulées de rire.

- Bon, souffla Cassie en se reprenant tant bien que mal. Ferme-moi ça et suis-moi, dit-elle en s’emparant du menu d’Emma. Les pannequets de courgettes au chèvre sont justement délicieux, tu verras.

- Humpf, d’accord, marmonna Emma avant de boire une gorgée de champagne. Je commençais à avoir une migraine à essayer de déchiffrer chaque phrase, de toute façon.

Kate rit doucement avant de s’emparer de sa main et l’embrasser doucement.

- Ne t’en fais pas, tu n’auras pas à t’y habituer.

- Dieu merci pour ça, lui sourit aussitôt Emma, les yeux brillants. 

Kate leva les yeux au ciel, néanmoins amusée avant de suivre le regard de Cassie lorsque cette dernière attira son attention d’un geste de la main. Elle aperçut sa tante qui venait de se lever afin de discuter avec un jeune homme qui lui était inconnu, et au vu de leur langage corporel, la conversation semblait animée.

- A quoi tu penses ? demanda Cassie, les sourcils légèrement froncés alors qu’elle ne les quittait pas du regard.

- Je ne sais pas, répondit Kate, pensive. Mais peu importe ce que c’est, ça ne lui plaît pas.

- Je veux bien le croire, acquiesça Emma. Tu agis de la même façon lorsque tu es en colère.

Kate haussa aussitôt les sourcils alors qu’elle détournait les yeux pour les poser sur Emma.

- Je t’en prie, on dirait qu’elle veut lui arracher la tête.

- Oh si, elle a raison, sourit Cassie en reportant son attention sur leur table. Tu es exactement pareille, tes bras partent dans tous les sens tandis que tes traits se durcissent considérablement.  

Kate plissa des yeux.

- Je savais que cette histoire d’amitié entre vous deux était une mauvaise idée, marmonna-t-elle, provoquant aussitôt leurs rires.

Elle plaisantait, bien sûr. Après leur départ de La Lumeda, Emma et elle étaient parties s’installer à Caden, une petite ville universitaire située à une centaine de kilomètres de chez Emma, tandis que Cassie, tout comme Eva et Liz, avait de nouveau élu domicile à Arcadie, la capitale de Lynève. Bien que la soirée organisée par Eva pour fêter leur examens ait légèrement permis à Emma et Cassie de mettre leurs vieux démons au placard et repartir sur de nouvelles bases, les choses ne s’étaient pas faites aussi facilement pour autant. La distance et leurs études respectives avaient fait qu’elles ne s’étaient pas beaucoup vues la première année, et lors des rares fois où elles s’étaient réunies – généralement chez Eva et Liz – les tensions étaient encore un peu présentes ; Emma ne pouvait s’empêcher de rester sur ses gardes, tandis que Cassie restait dans son coin tout en l’observant du coin de l’œil.

Kate sourit. Ce qui avait tout débloqué, c’était lorsque Cassie était venue accompagnée de son Jule – qui était désormais son époux – lors du second Noël qu’elles avaient passé toutes ensemble. Son affection pour lui était telle qu’elle ne pouvait être feinte, et petit à petit, Emma s’était détendue pour finalement passer la soirée à rire avec celle dont elle ne cessait d’être méfiante. Elles ne s’étaient plus arrêtées depuis. Qui aurait cru que mon épouse était du genre jaloux et possessif ? pensa-t-elle, amusée.   

- Oh regarde, elle se dirige vers l’estrade maintenant, reprit Emma en désignant l’endroit de sa coupe de champagne.

Kate reprit soudainement pied avec la réalité.

- Quoi ? s’étonna-t-elle, confuse. Mais, mon père est censé faire le discours. Elle s’arrêta subitement. Enfin, c’est vrai qu’il est en train de mourir, aussi.

Emma et Cassie, ainsi que quelques un des invités qui avaient entendus ses paroles, se figèrent soudainement tout en l’observant.

- Quoi ? demanda finalement Emma, sortant de sa torpeur.

- Je plaisantais, sourit Kate, avant de reprendre dans un murmure une fois que les indiscrets aient tourné la tête. Ma mère m’a appris qu’il avait fait un infarctus il y a deux jours, le dernier d’une longue série. Les médecins ne sont pas très confiants.

- Ca expliquerait la soirée de ce soir, répondit Cassie en hochant la tête d’un air compréhensif. Tu penses qu’elle disait vrai ?

Kate joua un instant avec sa serviette de table avant de croiser le regard de Cassie.

- Je ne sais pas, répondit-elle enfin. Mais je ne vois pas quelle autre raison pourrait pousser mon père à céder sa place. Le Groupe, c’est toute sa vie. Et puis...

- Oui ? la poussa doucement Emma.

Kate inspira profondément avant d’expirer doucement.

- Ma mère, quelque chose cloche, dit-elle, les sourcils froncés. C’est comme si elle était... en deuil.

Le mot s’échappa de ses lèvres et elle cligna un instant des paupières, aussi surprise qu’Emma et Cassie par ce qu’elle venait de dire. 

- Merde, souffla finalement Cassie. Le Grand Dictateur doit vraiment être en train de claquer alors.

- Cassie ! s’exclama aussitôt Emma tout en resserrant son étreinte sur la main de Kate.

- Je t’en prie Emma, reprit Cassie en repositionnant sa serviette sur ses genoux. Cet homme était une vraie ordure.

Emma secoua la tête, mais s’abstint de répondre. Charles de Lonay était peut-être très loin d’être un saint, elle n’aimait pas pour autant s’abaisser à ce genre de démonstrations hostiles.

Elle reporta son attention sur Kate :

- Ça va ? demanda-t-elle sincèrement.

Kate embrassa la main d’Emma.

- Ça va, assura-t-elle. Je te le promets.

- Bien, sourit Emma. Je n’arrive pas à croire qu’ils aient réussi à cacher cela à tout le monde néanmoins ; Jessie n’était même pas au courant elle non plus ?

Kate secoua négativement la tête.

- Elle me l’aurait dit, elle ne sait même pas qui a été choisi pour prendre la relève.

- Bizarre, lâcha Cassie en prenant une gorgée de champagne. En tout cas, ta tante est vraiment sexy, poursuivit-elle en ne quittant pas Jessie des yeux. Et il n’y a qu’elle pour venir en tailleur à une soirée mondaine.

Kate sourit, sa tante n’avait peur de rien, une forte tête qui n’avait pas mis bien longtemps avant de s’affirmer. Et elle devait bien avouer qu’avec son tailleur blanc, ses longs cheveux brun retombant nonchalamment sur ses épaules, et son sourire lumineux, elle était magnifique.

- Je me suis toujours demandé si ce n’était pas elle, ta mère, poursuivit Emma d’un ton taquin tout en dégustant un amuse-bouche. Le même esprit et la même allure.

Kate lui tira la langue, même si au fond, elle aurait aimé que ce soit le cas, et elles reportèrent leur attention sur l’estrade où Jessie étaient en train de s’assurer que le micro était en marche. Satisfaite, elle parcourut la foule du regard, un sourire lumineux sur les lèvres.

- Bonsoir à tous. Je suis très honorée d’être en votre présence en ce jour très particulier, puisque, comme vous le savez, mon frère s’est enfin décidé à délaisser son fauteuil et descendre de sa tour d’ivoire.

Les rires fusèrent dans la salle mais Kate ne fut pas dupe, bien que le ton sarcastique soit absent. Jessie ressentait une haine aussi profonde que la sienne pour son père ; la plaisanterie n’en était donc évidemment pas une. Elle fronça néanmoins les sourcils.

- Quelque chose cloche, murmura-t-elle d’un air absent tout en ne lâchant pas sa tante des yeux, l’observant réarranger les papiers se trouvant devant elle une fois de plus.

- Comment ça ? demanda aussitôt Emma, inquiète.

- Je ne sais pas, quelque chose dans son attitude, expliqua vaguement Kate, frustrée de ne pas arriver à mettre le doigt dessus. Elle devrait être contente que mon père soit enfin mis à l’écart du groupe, et pourtant...

- Elle est stressée, termina Cassie.

Kate tourna la tête vers elle et leurs regards s’accrochèrent aussitôt ; Cassie était la seule à connaître sa tante aussi bien qu’elle, et si elle aussi l’avait remarqué, alors...

- Elle fait un discours devant des centaines de personne, n’importe qui serait stressé à sa place, non ? répondit Emma d’un air à la fois raisonnable et confus.

- Non, répondirent en cœur Kate et Cassie.

L’air surpris d’Emma ne lui échappa pas et Kate s’expliqua :

- Elle fait ce genre de chose depuis qu’elle est adolescente, lui dit-elle. Comme nous, elle a été formée pour cela aussi, elle y est habituée, ça fait d’ailleurs parti de son poste. Mais là, elle est... agacée, et mal à l’aise.

- Et qu’est-ce que ça signifie ? demanda Emma, peu rassurée.

- Que ce qu’elle a à annoncer ne lui plaît pas, et ne va probablement plaire à certains, répondit Cassie en reportant son attention sur l’estrade où la tante de Kate poursuivait son discours.

Emma glissa sa main dans celle de Kate alors qu’elles écoutaient à leur tour.

- Descendant de la quatrième génération du fondateur de la branche Arcadienne François De Lonay, Charles De Lonay dirige les affaires depuis le décès de notre mère, Lucie, en 1998. Et quelles affaires ! Banque et finance à Lynève, en Suisse et en France, mais aussi domaines hôteliers, vignobles sur trois continents et bien sûr, un réseau mondial de fondations venant en aide aux déshérités auxquelles le groupe consacre vingt millions d'euros par an.

Un tour d’applaudissement fit le tour de la salle et Jessie attendit patiemment que le silence revienne avant de poursuivre :

- Depuis qu'il est aux commandes, Charles a multiplié par dix la taille du groupe De Lonay, qui gère aujourd’hui environ 130 milliards d'euros d'actifs et emploie près de 3 000 collaborateurs ; un ensemble évalué entre six et sept milliards d'euros.

Des acclamations retentirent à nouveau et Jessie s’autorisa un sourire amusé avant de prendre une profonde inspiration et observer la salle de nouveau silencieuse :

- François avait des valeurs, dont la plus importante était de créer une dynastie familiale qui perpétuerait le patrimoine de génération en génération. Et ce soir, nous quittons une tradition qui veut que seul un garçon assure la continuité d’une dynastie.

Elle se recula et tendit une main vers le fond de la salle tout en prononçant d’une voix forte et enthousiaste :

- J’ai l’honneur de vous présenter le nouveau visage de la dynastie de Lonay : Katherine Alexandra de Lonay, fille de Charles de Lonay, et unique héritière du Groupe !

Les applaudissements fusèrent tandis qu’un spot venait éclairer la personne désignée. Kate cligna un instant des paupières face à la lumière aveuglante, avant de se rendre compte que tous les regards étaient tournés vers elle. Son attention dévia vers sa tante qui l’attendait sur l’estrade et son visage pâlit soudainement, la réalisation la frappant en plein visage.

Elle écarquilla légèrement les yeux.

- Oh merde.

💕

Paralysée sur sa chaise, Kate se demandait alors qu’elle ne quittait pas sa tante des yeux, si c’était ça, le sentiment de trahison. Il ne lui était pourtant pas inconnu ; comme un vieil ami, il l’avait justement visité plusieurs heures plus tôt, ainsi que quelques années auparavant, lorsque ses parents lui avaient tourné le dos.

Pourtant, même si la douleur était de la même intensité, elle était tout de même... différente.

Elle se sentait vide.

Son esprit était embrouillé, cherchant désespérément à démêler le vrai du faux, le doute de la réalité, l’appréhension à l’impossible vérité. Elle ne peut pas m’avoir trompée. Pas elle. « Je ne les laisserais pas te blesser une seconde fois. » C’était bien ça, ce qu’elle avait dit, non ?

Son cœur commençait à sombrer dans sa poitrine lorsque la voix de Cassie la ramena soudainement au présent :

- Je suppose que cela explique pourquoi ta mère s’est abstenue de faire le discours, dit-elle d’un ton sarcastique. Alors, qu’est-ce que ça fait d’être l’une des femmes les plus puissantes de la place financière Lynèvoise ?

Kate s’empara de sa coupe de champagne qu’elle avala d’un cul sec avant de se lever.

- Kate ? s’inquiéta aussitôt Emma en se levant à son tour.

Elle fut surprise de se retrouver soudainement dans ses bras.

- Fais comme si tu me félicitais, murmura Kate à son oreille. Si tu croises ma mère, dis-lui de partir le plus loin possible, car si je la croise, je l’étrangle de mes propres mains.

Emma se contenta d’hocher la tête tout en frottant le dos de Kate en des cercles apaisants.

- Qu’est-ce que tu comptes faire ? souffla-t-elle, inquiète.

- Ce pourquoi j’ai été formée pendant toutes ces années, lâcha Kate d’un ton résigné avant de rapidement enlacer Cassie, puis se diriger vers l’estrade.

Emma se tourna aussitôt vers Cassie lorsqu’elle vit cette dernière prendre place à ses côtés.

- Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda-t-elle, paniquée.

- Assis-toi, lui intima Cassie en tirant sur sa main. Et souris ; tu es censée être heureuse pour elle, d’accord ?

Emma obtempéra mais ne lâcha pas Kate du regard.

- Cassie, je t’en prie, s’exclama-t-elle d’un ton montrant clairement son désaccord. C’est n’importe quoi cette histoire !

Cassie accentua sa pression sur sa main tout en lui offrant un air compatissant.

- Je sais, la rassura-t-elle. Laisse-là s’en occuper, d’accord ? Je suis sûre que ça va aller.

Emma lui offrit un air perplexe mais hocha néanmoins la tête avant de regarder de nouveau vers l’estrade. Kate échangeait des paroles murmurées avec sa tante tout en lui serrant la main, ce qui passait aisément pour des félicitations aux regards des autres, mais dont Emma savait qu’il s’agissait de tout autre chose. Kate se tourna finalement vers l’estrade et offrit un sourire splendide à la foule avant de s’approcher du micro, sa performance si réaliste qu’Emma y crut presque.

- Bonsoir à tous.

Sa voix résonna dans la pièce et elle s’accorda un instant de réflexion, le regard porté sur ses mains et les sourcils légèrement froncés. Après une légère hésitation, elle releva finalement la tête.

- Vous savez, j’ai toujours su que ce jour arriverait un jour, commença-t-elle en observant tour à tour les nombreux invités. J’y ai été préparée, et pourtant, je n’ai pas la moindre idée de ce que je vais bien pouvoir vous dire.

Des rires retentirent et Emma observa de nouveau Cassie d’un air perplexe.

- Fais-lui confiance, murmura cette dernière avant de tourner de nouveau la tête vers l’estrade.

- Je lui fais confiance, mais la Kate que j’ai épousée aurait déjà tout cassé sur son passage ! siffla Emma en retour. Bon sang, j’ai envie de tout casser sur mon passage.

Cassie prit un air faussement outré.

- Mon dieu, son côté volcanique serait-il passé chez l’autre partie du couple ?

Emma plissa des yeux avant d’afficher un air suppliant.

- Cassie...

- Fais lui confiance, répéta cette dernière en serrant sa main dans la sienne. Je suis sûre qu’elle va s’en tirer comme une chef.

Emma soupira avant de regarder de nouveau Kate.

- Je crois que l’on s’attendrait à me voir faire un éloge, poursuivit la nouvelle héritière. Alors, si vous le voulez bien, je vais vous parler d’une personne qui compte beaucoup pour moi, et sans qui je ne serais pas où j’en suis aujourd’hui.

Elle se recula légèrement et s’empara de la main de sa tante avant de s’avancer à nouveau. Elle se pencha vers le micro :

- Vous vous attendiez à ce que je parle de mes géniteurs, pas vrai ?

De nouveaux rires se firent entendre et Kate leur offrit petit un « désolée » dans un sourire espiègle qui anima de nouveau la foule.

- Mais à quoi elle joue ? demanda Emma, à la fois perplexe et amusée.

- Je ne sais pas, mais j’adore, répondit Cassie qui pour sa part se régalait. Ses parents doivent être fous, c’est encore plus judicieux qu’un coup d’état.

- Vous la connaissez tous, mais laissez-moi vous la présenter quand même, reprit Kate une fois le calme revenu. Après une longue carrière en tant qu’avocate brillante, Jessie De Lonay s’est finalement reconvertie pour devenir la banquière la plus puissante de Lynève, occupant le second poste le plus important du Groupe après mon père, Charles.

Kate se pencha légèrement vers l’avant de chuchota d’un air conspirateur :

- Vous saviez qu’elle parle couramment cinq langues ? Quand on sait que rien que ma langue maternelle me pose parfois des problèmes...

La salle se mit à rire à nouveau et Kate se redressa afin de poursuivre son discours :

- A l’origine, elle s’occupait des activités non bancaires du groupe : vignobles, hôtels, arts, les développant et démontrant par là son sens poussé de l’entreprise. Et puis, mon père a enfin fini par retrouver la raison, et en a fait la seconde principale actionnaire. Là où il définissait la stratégie globale, Jessie s’assure de sa mise en œuvre, avec un regard d’ensemble nécessaire pour que toutes les entités du groupe se renforcent mutuellement.

« En tant qu’héritière, mes parents m’ont rapidement montré la voie, le sens des responsabilités. J’ai alors rapidement baigné dans les affaires, acceptant l’héritage, avec ses plus et ses moins. Je crois d’ailleurs que la première phrase que mes parents m’ont apprise, c’est « qu’être dans une dynastie, c’est avoir des devoirs ».

La salle se mit à rire à nouveau et Kate laissa un sourire apparaître sur ses lèvres :

- J’ai alors eu la chance de la voir en action. L’une de ses plus grandes qualités est qu’elle est rationnelle. Elle nage dans le concret, et s'assure que les choses avancent. Surdouée, intuitive et rapide, elle possède surtout une autorité naturelle, sa jeunesse, et ses compétences techniques. Mais ce que j’aime le plus chez elle, c’est qu’elle est à la pointe de la modernité avec des objectifs mêlant écologie, économie positive, et une meilleure valorisation des équipes du Groupe.

Kate sourit légèrement tout en s’approchant du micro :

- Et oui, car on l’oublie bien vite, mais il y a tout un paquet de monde qui fait tourner l’entreprise derrière le visage de mon paternel, dit-elle dans un clin d’œil.

Elle perçut le rire difficilement masqué de sa tante – tout comme celui affirmé des invités – et elle sourit encore plus avant de poursuivre :

- Il n’est un secret pour personne que le Groupe De Lonay a toujours réfléchi en termes dynastiques. Ce qui nous importe avant tout, c’est la pérennité et la gouvernance familiale de notre groupe. Faire survivre le patrimoine d’une famille, ce n’est un sujet ni léger, ni facile à traiter. Jessie De Lonay a prouvé plus d’une fois qu’elle possédait non seulement les compétences, mais aussi et surtout l’expérience. Cette femme détient le pouvoir de nous faire perdurer, et ce en mettant à notre disposition des outils nous permettant de continuer à nous affirmer, et ce, dans les meilleures conditions possible, pour tous.

Kate s’interrompit et laissa son regard s’évader sur la foule avant de prononcer ses prochaines et dernières paroles :

- Mesdames et Messieurs, j’ai par conséquent l’honneur de vous présenter le nouveau visage de la dynastie de Lonay : Jessie de Lonay, sœur de Charles de Lonay, et nouvelle héritière du Groupe !

La salle entière se mit à applaudir et Kate vint serrer la main de sa tante, la félicitant à son tour avant de s’écarter lorsque cette dernière sembla vouloir lui dire quelque chose. Kate sourit à la foule une dernière fois, puis quitta l’estrade.

- Ça va ? demanda aussitôt Emma une fois qu’elle fut arrivée à leur table.

Elle fut surprise de voir Kate s’emparer de la bouteille de champagne et la porter à sa bouche. Encore plus lorsque les gorgées qu’elle prit lui parurent interminables.

- Euh, Kate, on a des verres, chuchota-t-elle en jetant des coups d’œil rapides autour d’elle.

- Non, répondit Kate en s’essuyant la bouche. Le vrai luxe c’est ça, de boire à même le goulot.

Emma l’observa, un air concerné sur le visage. Elle voulut reprendre la parole, mais Cassie la devança :

- Bonne idée d’avoir choisi ta tante, tes parents ne pourront vraiment rien y redire, dit-elle en l’encerclant de ses bras. Elle est parfaite pour ce rôle, en plus d’être de la famille. Elle sourit tout en se reculant. Tu peux être fière de toi, sur ce coup.

- Je sais que c’était la meilleure solution, acquiesça Kate avant d’afficher un air assombri. Mais je n’ai pas le cœur à m’en réjouir.

- Je suis sûre que ce n’est pas ce que tu crois, lui répondit aussitôt Emma d’un ton conciliant. Tu connais ta tante, elle avait très certainement de bonnes raisons.

Kate lui offrit un air dubitatif, portant de nouveau la bouteille à ses lèvres lorsqu’une voix l’arrêta soudainement :

- Kate ?

Figée, Kate reposa finalement la bouteille dans une lenteur délibérée, mais ne se retourna pas, et Jessie hésita un instant avant de la contourner pour lui faire face.

- Kate, écoute, ce n’est pas ce que tu crois, commença-t-elle sincèrement.

La tête légèrement baissée, elle ne pouvait voir le visage de sa nièce, mais sa main qui se serrait et se desserrait alternativement autour du goulot la bouteille lui donna une indication plutôt claire des sensations qui traversaient Kate à l’instant même.

- Je ne l’ai su qu’avant de monter sur l’estrade, poursuivit-elle d’un ton doux. Tes parents ne m’ont pas mis dans la confidence, ta mère devait faire l’annonce mais... je ne sais pas ce qu’il s’est passé, soupira-t-elle ne se passant une main dans les cheveux. Elle m’a envoyé l’un de ses larbins pour m’informer que je devais faire l’annonce à sa place, qu’elle ne se sentait pas bien.

Kate eut un sourire amer.

- Et tu l’as fait, sachant que c’était moi.

- Que tu l’acceptes ou non, il était hors de question que je te laisse l’apprendre par n’importe qui d’autre.

Kate releva aussitôt la tête au ton légèrement dur de sa tante.

- Je vais me faire gronder maintenant, en plus ? demanda-t-elle, incrédule.

- Non, sourit légèrement Jessie. Après ce que tu viens de faire, j’ai plutôt envie de te serrer fort dans mes bras ; tu n’as pas idée à quelle point je suis fière de toi.

Notant la légère rougeur qui recouvrait progressivement les traits de sa nièce, Jessie poussa un peu :

- J’aimerais juste que tu passes à travers la douleur que tu ressens et te rappelle que je suis ta tante, et que je t’aime plus que tout au monde, lui dit-elle sincèrement. Ce qui veut dire que je ne te mettrais jamais au pied du mur comme cela si je pouvais faire autrement. Bon sang, ta mère m’a mise au pied du mur, et ce contre toi en plus ; elle va définitivement m’entendre.

- J’aurais dû le voir venir, répondit Kate d’un ton résigné en haussant les épaules. J’ai été formée pour, après tout.

Croisant le regard compatissant de sa tante, elle ajouta :

- Je suis désolée.

- C’est rien, répondit aussitôt Jessie en la prenant dans ses bras. Je t’aime Kate, comme ma fille. Ne va jamais en douter. D’accord ?

Kate resserra aussitôt son étreinte.

- Promis.

- Bien, sourit Jessie en se reculant légèrement. Maintenant, concernant ce petit discours à mon sujet..., si j’ai besoin d’une biographie, je t’appelle aussitôt ? taquina-t-elle, un sourcil haussé.

Kate lâcha un rire, rougissant de nouveau.

- Ravie que ça t’ait plu.

- Et comment ! s’exclama Jessie en prenant ses mains dans les siennes. J’ai encore du mal à croire que tu n’avais rien préparé avant.

- Tu es ma tante, je n’ai pas besoin de préparation pour parler de toi, je te connais, sourit fièrement Kate.

Jessie l’observa d’un air dubitatif et Kate sentit son visage se chauffer de nouveau.

- Bon d’accord, admit-elle. J’ai peut-être un peu préparé le terrain au cas où...

- Tu l’avais senti venir, hein ? lui demanda doucement Jessie.

Kate soupira.

- Ils restent mes parents, répondit-elle simplement, surprise de voir combien cette déclaration lui faisait toujours aussi mal. Ils ne changeront jamais.

Jessie vint aussitôt la prendre à nouveau dans ses bras, notant au passage qu’Emma et Cassie, qui avaient repris place dans leurs sièges respectifs, les observaient d’un air inquiet. Elle leur fit un clin d’œil qu’elle voulut rassurant.

- Envoie les se faire foutre Kate, murmura-t-elle sincèrement à l’oreille à proximité. Ils ne valent même pas la peine que tu souffres à cause d’eux, concentre toi sur ceux qui t’entourent, et qui t’aiment, peu importe qui tu es, où ce que tu fais.

Elle entendit Kate renifler et elle resserra son étreinte, se promettant d’aller rendre visite à sa belle-sœur dès ses devoirs effectués. Léonora, quand cesseras-tu de la faire souffrir ?

- Shh, ça va aller ma belle, la rassura-t-elle en caressant doucement son dos. Je te le promets.

- Je sais, répondit-elle finalement Kate une fois calmée. Je crois que ça m’a fait du bien en fait, poursuivit-elle en se reculant légèrement et s’essuyant les yeux. Bon sang, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi.

Jessie lui sourit légèrement.

- Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi moi non plus, répondit-elle sincèrement avant de venir l’embrasser sur la tempe. Crois-moi, je préfèrerais rester, mais j’en connais un qui aimerait me féliciter personnellement...

Kate suivit le regard de sa tante et ne put retenir un sourire lorsqu’elle croisa le regard pétillant de son oncle, Christian Garrison. Homme d’affaire renommé, PDG d'un Groupe de communication et président de l'Association des Entreprises Privées d’Arcadie, il faisait également partie du conseil de surveillance de la Compagnie de Lonay. C’était ainsi qu’ils s’étaient rencontrés Jessie et lui six ans plus tôt, et ils ne s’étaient plus quittés depuis

- File le rejoindre, il a l’air impatient de te féliciter.

Jessie hocha la tête, le regard brillant.

- Je vous retrouve dès que possible, d’accord ? répondit-elle néanmoins.

Kate acquiesça et ne put retenir un sourire amusé lorsque Jessie s’éloigna aussitôt d’un pas rapide. Son sourire s’accentua lorsqu’elle vit son oncle s’incliner dans une pseudo révérence, avant de prendre Jessie dans ses bras et l’embrasser légèrement. Pour le peu de temps qu’elle passait à la capitale, Kate ne l’avait pas vu souvent. Mais les rares fois où ils s’étaient retrouvés dans la même pièce, elle avait beaucoup apprécié cet homme qui maniait intelligence et humour avec facilité, et qui visiblement était très amoureux de sa tante. Kate était surtout contente que Jessie ait enfin trouvé sa personne.

Elle regagna finalement sa place à son tour, souriant plus encore lorsqu’Emma prit aussitôt sa main dans la sienne après l’avoir embrassée furtivement.

- Qu’est-il advenu de notre décision de rester discrètes ? demanda-t-elle, un sourcil haussé.

- Ton bien-être m’importe plus, répondit Emma en remuant une main dans les airs. Ça peut les déranger, je m’en fous.

Elle fut ravie d’entendre le rire de Kate et elle poursuivit d’un ton sérieux :

- On peut rentrer Kate si tu veux.

- Non, répondit aussitôt Kate en s’emparant de nouveau de la bouteille de champagne. Maintenant, je veux faire la fête.

Emma et Cassie échangèrent aussitôt un regard à la fois inquiet et appréhensif.

Oh oh.

1 juillet 2012

Chapitre 4 : Bonjour maman !

La vision qui s’offrait à elle à travers la fenêtre lui donna aussitôt une impression de déjà-vu. Des berlines sombres déversant au compte-gouttes des passagers en tenue d'apparat au pied d’un immense escalier de marbre. Combien de fois avait-elle assistée à cette scène ? Cent fois, mille peut-être. Elle ne savait plus. Il arrivait des fois où c’était une fois par semaine ; elle enfilait le même déguisement, jouait la même comédie et recommençait le weekend suivant.

Comment ai-je pu supporter ça aussi longtemps ?

Un léger raclement de gorge lui fit dévier son regard pour le poser sur la femme qui lui avait donné la vie vingt-quatre années plus tôt. Elle a vieillie. C’est la première chose que Kate pensa lorsqu’elle posa ses yeux sur elle. La vie ne l’a pas pardonnée. Sa mère avait toujours pris extrêmement soin de son apparence – qui ne le faisait pas dans ce milieu ? – et à première vue, elle paraissait toujours époustouflante pour une femme d’une cinquantaine d’années. Mais si on y regardait de plus près, on ne pouvait passer à côté des rides sévères qui marquaient son visage, des cernes qui creusaient ses yeux, mais surtout de sa taille désormais d’une finesse telle que l’on ne pouvait s’empêcher de s’en inquiéter. Je mettrais ma main à couper que les compléments alimentaires sont la seule chose qu’elle avale, désormais

- Alors ? demanda-t-elle finalement en faisant dos à la fenêtre contre laquelle elle était appuyée. Tu voulais me voir ; je suis là.

Léonora de Lonay se frotta maladroitement la nuque avant de se lever du fauteuil Louis XVI dans lequel elle s’était assise. Elle hésita un instant avant de prendre la parole.

- Tu es devenue une jeune femme magnifique, dit-elle finalement en s’approchant légèrement.

Kate haussa un sourcil avant de baisser les yeux vers sa robe, ses mains tirant légèrement sur le tissu bordeaux – presque noir dans la faible obscurité de la salle.

- Tu es sûre ? demanda-t-elle, légèrement caustique. Je ne suis pas trop grosse ? Et ma coiffure, elle te convient ? Mon maquillage ? Parce que tu étais assez pointilleuse, là-dessus.

- Je sais, admit la vieille femme d’un ton coupable qui surprit Kate. Mais je suis sérieuse, tu es sublime, Katherine. Tu fais toujours du sport ?

- De l’athlétisme, je n’ai jamais arrêté.

Léonora hocha la tête.

- Eh bien, ça te réussit plutôt bien.

Kate l’observa un long moment avant de porter une main à son visage et relâcher un soupir las.

- Bon, tu as voulu me voir pour me parler de mon physique ? Parce que si c’est ça, une simple investigation auprès de mon médecin traitant t’aurait évité le déplacement.

- Katherine ! s’insurgea aussitôt Léonora, outrée. Je ne ferais jamais une chose pareille !

- Non ? répondit Kate en haussant un sourcil. Tu n’as pourtant éprouvé aucun remord à venir chercher les informations au sein même de mon foyer en téléphonant à ma femme tous les trente-six du mois !

Surprise par les paroles et le ton coléreux, Léonora se recula instinctivement tout en clignant des yeux à plusieurs reprises.

- Je... je ne savais pas que tu étais au courant, balbutia-t-elle enfin.

- Tu avoues donc avoir délibérément demandé à Emma de me mentir, répondit aussitôt Kate, le visage dur. Je ne pensais pas pouvoir te haïr encore plus, mais visiblement, si, c’est possible.

- Kate... je voulais simplement de tes nouvelles.

- Pourquoi ? demanda aussitôt la jeune femme en la clouant du regard. Pour garder un œil sur moi ? Pour réduire de nouveau ma vie en miette à la première occasion ?

- Non ! Bien sûr que non ! s’exclama aussitôt Léonora avec ferveur. Tu es ma fille Kate, je me faisais simplement du souci pour toi et –

Le rire de Kate l’interrompit et elle l’observa, perplexe.

- Tu te faisais du souci pour moi ? demanda Kate une fois plus ou moins calmée. Tu m’envoies dans une pension, puis me coupe les vivres parce que je suis lesbienne, et tu prends soudainement des nouvelles parce que tu... t’inquiètes pour moi ? (Kate s’approcha jusqu’à n’être plus qu’à un mètre de distance.) Non mais qu’est-ce qui cloche chez toi ? La folie t’a finalement atteinte, c’est ça ?

Une main s’abattit sur sa joue avant qu’une voix emplie de colère ne lui parvienne :

- Ne me parle pas sur ce ton, Katherine Alexandra de Lonay ! murmura Léonora avec véhémence. Je reste ta mère que tu le veuilles ou non.

Kate se massa la joue tout en s’approchant jusqu’à être nez à nez avec elle :

- Le jour même où tu m’as envoyée dans cette pension, à l’instant même où tu m’as dit ne pas vouloir d’une lesbienne pour fille... à partir de ce moment-là, tu as cessé d’être ma mère, dit-elle d’une voix grondante. Jessie et la mère d’Emma ont plus une image maternelle pour moi que tu n’as jamais eue, tu trouves ça normal ?

Elle se recula légèrement afin de l’observer de toute sa hauteur :

- Et ne t’avise plus de lever la main sur moi, car la prochaine fois, j’y répondrai... crois-moi.

Léonora haussa aussitôt les sourcils, interdite, et Kate s’assura que son message était bien passé avant de tourner les talons et se diriger vers la porte.

- Katherine attend ! s’exclama finalement Léonora une fois sortie de sa torpeur. S’il te plaît, je... ton père est mourant.

Les paroles de sa mère – hésitantes – lui parvinrent et Kate se figea, une main sur la poignée.

- Il a fait un infarctus il y a deux jours, poursuivit Léonora lorsqu’elle vit Kate s’arrêter. Le dernier d’une longue lignée. Les médecins... il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre.

Sa prise sur la poignée se détendit et Kate vint appuyer son front contre la porte.

- Et tu me dis ça... parce que... ?

- Katherine, soupira Léonora. Je t’en prie, il s’agit de ton père !

- Qui tout comme toi n’en porte désormais plus que le titre, répondit Kate d’un air las tout en se retournant. La seule chose qu’il peut encore attendre de moi, c’est de venir en blanc à son enterrement, ajouta-t-elle dans un petit sourire en coin.

Léonora porta aussitôt sa main à ses lèvres et Kate crut un instant qu’elle allait s’évanouir. Son regard s’attarda cependant sur le fond de teint qui peinait à dissimuler les cernes de la femme qui avait un jour été sa mère, sur ses beaux vêtements masquant avec difficulté sa maigreur, et elle se demanda si elle n’avait pas pensé trop vite ; Léonora lui apparaissait soudainement comme une personne durement éprouvée dans sa chair. Hmm, je suppose que le paternel va vraiment mal, alors.

- Ne dis pas ce genre de chose, Katherine, gronda Léonora d’une voix tremblante alors que ses yeux s’humidifiaient. Ton père a peut-être de nombreux défauts, mais il a toujours fait ce qu’il croyait être bien. Il voulait le mieux, pour toi.

Kate serra la mâchoire avant de soupirer.

- Bien, répondit-elle en s’approchant à nouveau. J’en ai marre de tout ça. J’en ai marre, de toi, de lui, de votre implication dans ma vie. Je ne sais pas qu’elles étaient vos intentions. Bonnes, mauvaises ? Peu importe. Elles m’ont blessée. Elles m’ont détruite. Et il m’a fallu un temps considérable pour m’en remettre.

- Je suis désolée.

Le faible murmure lui parvint et Kate s’interrompit aussitôt, clignant des yeux.

- Quoi ?

- Je suis désolée, répéta Léonora d’un ton un peu plus fort. Tu n’étais qu’une adolescente, Katherine. Je pensais que tu étais peut-être perdue, que tu avais besoin d’être encadrée et...

- J’étais amoureuse, maman, répondit Kate les dents serrées alors qu’elle refoulait ses larmes.

Léonora afficha un triste sourire.

- Tu as cessé de m’appeler ainsi depuis que tu es entrée dans l’adolescence.

- Je suppose que ça aurait dû te mettre la puce à l’oreille quand à mon désaccord face à vos projets pour moi.

Sa voix était tremblante et Kate se détesta pour ça. Elle ne voulait pas craquer, certainement pas devant l’une des personnes qui avait brisé sa vie à un moment donné. Elle reprit sa respiration dans l'espoir de ne pas céder à ses émotions avant de poursuivre :

- J’aime ma vie comme elle est, aujourd’hui, reprit-elle d’un ton plus calme, presque serein. J’ai un métier que j’aime, une femme sans qui je ne serai rien, des amis sur lesquels je peux compter. Des projets futurs. Je n’ai pas envie que vous veniez briser tout ça une seconde fois.

- Ce n’est pas ce que je veux non plus.

Kate l’observa un long moment.

- Peut-être, répondit-elle finalement. Mais le fait est que j’ai perdu la confiance que j’avais en toi il y a un bon moment déjà.

Un air blessé passa sur le visage de Léonora mais elle hocha néanmoins la tête.

- Je comprends.

- Et mon paternel ?

Léonora évita soudainement son regard.

- Il n’est au courant de rien.

- De rien ? s’étonna Kate.

- J’appelais toujours lorsqu’il était absent.

Kate hocha la tête d’un air entendu.

- Il n’a pas changé d’opinion à mon sujet.

Ce n’était pas une question et Léonora l’observa d’un air compatissant.

- Il n’est pas bien différent des autres pères, tu sais, expliqua-t-elle. Il rêvait d’un grand mariage pour sa fille, de petits enfants... ce dont tous parents rêvent.

- Il aurait pu l’avoir, répondit Kate d’un ton amer. Les homosexuels ont les mêmes droits que les autres, il serait temps qu’il se mette à la page.

- Katherine, tu sais bien que c’est différent...

Kate secoua la tête, agacée.

- Les gens comme vous font que c’est différent, pointa-t-elle d’un ton dur. Il préfère être étroit d’esprit ? Ça m’est égal. Il a de toute façon été assez clair là-dessus lors de mon mariage.

Léonora cligna des yeux, surprise.

- Qu... quoi ?

Kate s’interrompit avant de laisser un petit sourire se dessiner sur ses lèvres.

- Eh bien, il semblerait qu’il te cache des choses, lui aussi, répondit-elle avant de se replonger quatre années en arrière.

💕

Emma sentit un sourire se dessiner sur ses lèvres alors qu’elle l’observait se balancer au rythme de l’orchestre. Ses pieds retombaient immanquablement en mesure, et sa robe, en soie ivoire brodée de perles nacrées et de voiles flottant autour d’elle, ne cessait de virevolter à chacun de ses pas.

Kate était tout simplement lumineuse. Son rire ne cessait ne s’élever dans les airs alors qu’elle tournoyait inlassablement avec son beau-père, et ses longs cheveux châtains, réunis au sommet de sa tête et retombant des deux côtés de son cou en boucles gracieuses, accentuaient son air sublime.

La danse faisait partie de ces quelques choses dont Kate avait hérité de son éducation au sein de la Haute Bourgeoisie, et elle s’en tirait comme une chef, qu’il s’agisse d’une valse, de salsa ou d’un rock. Emma sentit son sourire s’agrandir, elle avait adoré ne l’avoir rien que pour elle en tant que professeure particulière afin d’être prête pour le grand jour.

Un souffle chaud vint soudainement lui chatouiller l’oreille :

- Je vais finir par croire que tu veux me le piquer à le regarder comme ça, lui parvint une voix, amusée.

Le regard d’Emma dévia vers le partenaire de Kate et elle grimaça aussitôt.

- Bah maman, il a le double de mon âge !

- Heureusement, sourit Isabelle en se redressant, son regard ne quittant pas son conjoint qu’elle trouvait si parfait dans son costume sombre à reflets argentés. Sinon, ça voudrait dire que je fréquenterais quelqu’un de plus jeune que moi. Et ça, brrr, hors de question.

Emma sourit, pour une femme de trente-sept ans, sa mère en paraissait à peine trente. Et pourtant, elle se plaignait chaque année de prendre un an de plus. Emma espérait surtout hériter de ce trait familial.

- C’est le bon cette fois, pas vrai ? demanda-t-elle en prenant légèrement appui contre le buffet libre situé derrière elle.

Isabelle rougit légèrement alors qu’elle portait sa coupe de champagne à ses lèvres.

- Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demanda-t-elle à travers ses sourcils.

- Il est le premier que tu m’as présenté, sourit Emma face à l’air soudainement timide de sa mère. Et tu l’as invité à mon mariage.

Isabelle se mordit la lèvre alors qu’elle reportait son attention sur son compagnon visiblement en grande conversation avec Eva et Kate, désormais. Elle avait recommencé à fréquenter le sexe opposé lorsqu’elle avait jugé Emma assez grande pour pouvoir envisager l’ajout d’un membre à leur petite famille, et qu’elle s’était enfin elle-même remise de la fuite inexpliquée de son ex-conjoint. Mais elle s’était toujours interdit de ramener un homme dans le domicile familial à moins de n’être sûre à cent-pour-cent de ses sentiments envers ce dernier. Emma méritait une stabilité, des repères sur lesquelles elle pouvait s’appuyer, et ce malgré l’un de ses deux parents absent. Autrement dit, certainement pas de voir des hommes défiler sous ses yeux et ne jamais rester plus que quelques jours, semaines, ou mois. Elle voulait du définitif.

Elle avait cependant toujours soupçonné Emma de savoir lorsqu’elle fréquentait quelqu’un, mais elles n’en avaient jamais parlé. Jusqu’à que la roue tourne enfin et qu’elle rencontre Marc lors d’un banal accident de voiture. Elle avait traversé la rue un matin lors de son jogging journalier, les écouteurs vissé sur les oreilles et l’esprit ailleurs. Elle n’avait pas regardé et avait aussitôt sentit la douleur dans son genoux gauche. Par chance, il ne roulait pas vite, et elle n’avait rien eu de grave mis à part un gros hématome et une belle frayeur.  Mais il s’était sentit coupable, et, de fil en aiguille, ils étaient passé d’un simple verre dans un bar à une sortie chaque weekend. Depuis, ils ne se quittaient plus.

- Je crois bien que oui, répondit-elle finalement, un petit sourire sur les lèvres.

- Tant mieux, répondit sincèrement Emma avant d’afficher un air malicieux. Ça m’aurait embêté de devoir le trucider pour avoir renversé ma mère. J’aime bien son fils, en plus.

Isabelle leva les yeux au ciel.

- C’était de ma faute Emma, soupira-t-elle avant de l’observer, hésitante. C’est vrai ? Tu l’apprécies ?

En plus d’un beau-père, Emma avait aussi gagné un petit frère ; Isabelle avait eu peur que cela fasse beaucoup.

- Hmm, il est sympa, acquiesça Emma. Tu savais qu’il faisait du cross ? demanda-t-elle subitement d’une voix toute excitée. Il a promis de m’apprendre, j’ai hâte !

Isabelle plissa des yeux. D’accord, je souhaitais qu’ils s’apprécient, mais il y a des limites aussi.

- Emma ?

- Oui ?

- Pas tant que je serais vivante.

Emma haussa les sourcils alors qu’elle ouvrait et fermait la bouche à plusieurs reprises.

- Maman, lâcha-t-elle enfin. Tu réalises que j’ai quitté la maison, et que je suis mariée, pas vrai ?

- Peut-être, répondit Isabelle en passant un bras autour de son cou. Mais tu resteras toujours ma fille. Et moi, toujours ta mère, ajouta-t-elle en venant l’embrasser sur les cheveux.

Emma croisa les bras sous sa poitrine tout en marmonnant quelque chose d’incompréhensible, ce qui provoqua aussitôt le rire d’Isabelle.

- Boude pas mon cœur, murmura-t-elle à son oreille. Tu es trop belle pour ça aujourd’hui.

C’était vrai, Emma était vêtue d’une robe de mariée tout simplement somptueuse, taillée dans une soie vaporeuse mettant en valeur son teint de lait, qui laissait ses bras nus et dont la coupe soulignait la finesse de sa taille. Isabelle la trouvait magnifique.

Emma se tourna et se glissa dans son étreinte.

- Je t’aime, répondit-elle simplement.

Isabelle sentit aussitôt l’émotion la gagner.

- Moi aussi, sourit-elle, les yeux humides. Je suis très heureuse pour toi, tu sais. Kate est une jeune femme formidable et à sa façon de se comporter envers toi, je sais qu’elle t’aime énormément.

- Et c’est réciproque, sourit Emma.

- Je n’en doute pas, rit légèrement Isabelle en levant les yeux au ciel avant de reprendre son sérieux. Je n’aurais pas pu rêver mieux pour toi, ma chérie.

Emme resserra son étreinte alors que l’émotion la gagnait à son tour.

- Merci maman, souffla-t-elle, la gorge nouée. Tu n’imagines même pas ce que ça représente pour moi.

- Oh si, j’imagine très bien mon cœur, répondit Isabelle en l’embrassant sur la tempe.

Elle poursuivit d’un air taquin :

- Bon, par contre, je pensais que ce n’était que dans les films que l’on venait demander la main de la future mariée à la belle famille.

Emma couvrit son visage de sa main alors qu’un grognement s’échappait de ses lèvres. Isabelle rit aussitôt.

- Elle possède définitivement un côté vieux-jeu, taquina-t-elle. Quoique, je suis certaine qu’elle n’a pas attendu la cérémonie avant de consommer le mariage.

- Maman ! s’exclama aussitôt Emma alors qu’elle devenait cramoisie. Tu peux parler en plus, c’est Marc qui a décroché le téléphone lorsque j’ai appelé le weekend dernier. Et à moins que tu ne me l’aies caché, je n’ai assisté à aucun mariage.

Isabelle feignit un air innocent.

- Ca ne veut rien dire.

Emma releva la tête et lui offrit un regard appuyé.

- A sept-heure-trente du matin ? répondit-elle, un sourcil haussé, avant de sourire lorsque sa mère rougit. Bien sûr que ça veut tout dire.

- Chut, marmonna Isabelle en reposant la tête d’Emma contre son épaule, souriant néanmoins lorsque cette dernière se mit à rire. Tu es sûre que ça ne te dérange pas qu’il soit... enfin, que l’on soit...

- T’es mignonne quand tu es comme ça.

Isabelle cligna des yeux.

- Je ne suis pas ‘mignonne’, s’indigna-t-elle.

- Si, rit légèrement Emma. On dirait une vraie adolescente.

Isabelle ouvrit la bouche alors qu’elle regardait sa fille comme si elle avait perdu l’esprit.

- Emma !

- Oh assume, soupira Emma en levant les yeux au ciel. Je l’aime bien, encore plus parce que je sais qu’il te rend heureuse. Alors arrête de te faire du souci et profite.

- Tu es ma fille, murmura aussitôt Isabelle tout en posant sa joue contre la tête d’Emma. Je ne pourrais jamais cesser de m’inquiéter pour toi.

Emma resserra son étreinte.

- Ca va maman, je te le promets.

Isabelle ferma les yeux, soulagée.

- Merci, murmura-t-elle avant de l’embrasser à nouveau sur le dessus de la tête.

Un silence confortable les entoura un instant avant qu’Isabelle ne poursuive.

- Emma ? appela-t-elle doucement. Le père de Kate attend dans le hall.

- Quoi ? demanda aussitôt celle-ci en relevant la tête, confuse. Le père de Kate ? Il est ici ?

Isabelle hocha la tête.

- Je l’ai croisé en revenant des toilettes, il a demandé à la voir. Je lui ai dit que j’allais la chercher, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

Emma dévia son regard vers Kate avant d’observer de nouveau sa mère, ses yeux s’écarquillant.

- Mais, maman ! Ça doit bien faire  une demi-heure qu’il attend !

Isabelle afficha un sourire satisfait.

- Et alors ? Ce type est une ordure, répondit-elle avant de reprendre son sérieux. Je tenais à te prévenir avant, mais je pense sincèrement que je ferais mieux de lui dire de partir. Cette journée est la vôtre, il n’a pas à venir la gâcher.

Emma observa de nouveau Kate avant de secouer la tête d’un air navré.

- Non, s’il ne lui parle pas aujourd’hui, il reviendra un autre jour, répondit-elle avant de soupirer. Je vais m’en occuper.

- Emma..., commença sa mère, inquiète.

Emma vint l’embrasser sur la joue.

- Dis à Kate que... je ne sais pas, trouve une excuse si elle me cherche, d’accord ? Je vais faire aussi vite que possible.

Isabelle hocha la tête avant de la retenir par le bras.

- Je ne vais pas aimer te savoir seule avec lui.

Le visage d’Emma s’adoucit ostensiblement.

- Je serais juste en bas, maman, répondit-elle en faisant une pression rassurante sur sa main. Ça va aller, t’en fais pas.

Isabelle hésita encore un instant avant de la relâcher. Elle l’observa disparaître avant de dévier son regard vers Jessie qui dansait à présent avec Elisabeth.

Désolée mon cœur, pensa-t-elle. Mais ta mère sait être aussi têtue que toi lorsqu’elle le décide.

💕

Prenant une profonde inspiration, Emma posa une main sur la rambarde du grand escalier et descendit les marches avec une lenteur calculée. Elle ne voulait surtout pas faiblir et se laisser impressionner par le grand discours que le père de Kate avait certainement prévu de lui infliger si jamais il la croisait. Alors, une marche après l’autre, elle se prépara mentalement à la rencontre inévitable et fit le vide dans son esprit afin de rester le plus calme possible quoi qu’il advienne.

Arrivée en bas, elle remarqua aussitôt les yeux inquisiteurs du père de Kate sur elle et, levant légèrement le menton, elle soutint son regard sans faiblir.

- Monsieur De Lonay, le salua-t-elle une fois devant lui, à une distance néanmoins respectable. Que nous vaut l’honneur de votre visite ?

- Il me semblait avoir demandé à voir ma fille.

Le ton caustique et la pointe de mépris n’échappa pas à Emma, et elle se demanda l’espace d’un instant si l’inviter à prendre place dans un coin isolé était une bonne idée, ayant aisément deviné que l’entretien ne serait pas amical. Elle ne voulait pas attirer l’attention, surtout en ce jour particulier, mais le regard sévère de Charles De Lonay ne lui donnait pas non plus envie de se retrouver seule avec lui.

- Elle est occupée.

Ses paroles à peine prononcées, Emma pût jurer que son visage s’assombrît.

- Je n’arrive pas à croire qu’elle ait pu à ce point se laisser influencer par une campagnarde sans le sou, marmonna aussitôt le vieil homme.

- En réalité, c’est précisément Kate qui a demandé à m’épouser, répondit Emma alors qu’elle luttait contre la colère qui montait en elle. Mais je doute que vous ayez fait un si long voyage pour discuter de ça.

- Ce n’est pas à vous que je suis venu parler, l’interrompit aussitôt Charles de Lonay d’un ton cinglant.

Emma feignit l’étonnement.

- Vraiment ? Malheureusement, comme je vous l’ai dit, Kate est occupée.

Charles de Lonay la dévisagea avant de répondre :

- C’est fort regrettable.

- Effectivement, sourit Emma d’un air provocateur. Oh bon sang, voilà que j’agis comme Kate maintenant. Puis-je prendre un message ? proposa-t-elle, soudainement heureuse à l’idée de pouvoir mettre si rapidement un terme à leur entretien.

- Puisque j’ai la malchance de n’avoir que vous comme interlocutrice, vous lui transmettrez ce que je suis venu lui dire. Cela risque de prendre un moment. Il regarda autour de lui tout en écartant les bras avant d’ajouter : je ne pense pas qu’un hall de réception soit le meilleur lieu pour cela, n’avez-vous donc aucune manière ?

- Je n’attendais pas de visiteur à une heure aussi indécente, coupa aussitôt Emma en se dirigeant vers le grand salon. Encore moins un visiteur non désiré. Mais je suppose qu’il vaudrait effectivement mieux que nous allions dans un endroit plus discret.

Emma fut heureuse d’avoir pu lui reprocher son impolitesse concernant sa visite à une heure aussi tardive. Il lui aurait été parfaitement égal de le laisser debout dans le hall mais elle ne voulait pas que ses invités surprennent leur conversation. Surtout pas Kate. Il est hors de question que cette ordure gâche cette journée qui est la nôtre.

Charles de Lonay observait chaque détail d’un œil avide et Emma ne put s’empêcher de sourire. Ce n’était probablement pas ce qu’il aurait aimé pour sa fille, mais la tante de Kate s’étant chargé de la réservation du lieu, il ne pouvait rien y redire. Il s’agissait du décor même dans lequel Kate avait grandi, les gens snobinards en moins. Enfin, presque, pensa-t-elle en soutenant son regard avec assurance alors qu’ils prenaient place dans des fauteuils se faisant face. Je suis sûre qu’il prend cela pour de l’insolence. Bah, ce n’est pas entièrement faux.

- Alors, de quoi vouliez-vous me parler ? finit-elle par demander lorsqu’elle devint lasse de leur duel silencieux.

- Ce n’est pas avec vous que je désirais m’entretenir.

Au lieu de l’agacer, son rabâchage amusa Emma et elle eut du mal à retenir un sourire.

- Oh oui, j’oubliais. Que désiriez-vous de mon épouse dans ce cas ? Oh il déteste ça, nota-t-elle intérieurement en voyant son visage s’assombrir à nouveau. J’adore !

- L’entretenir de l’influence désastreuse que vous avez sur son existence, répondit Charles en affichant à son tour un sourire en coin. Je savais que vous causeriez sa perte. Des fiançailles, il a fallu que vous alliez jusqu’au bout, n’est-ce pas ?

- Que vous le vouliez ou non, Kate et moi nous aimons profondément et sommes très heureuses, déclara Emma en croisant ses mains devant-elle. Nous sommes bien loin du désastre que vous évoquez.

Charles de Lonay haussa un sourcil.

- Oh vraiment ? Je crois surtout que c’est ce que vous essayez de faire croire à tout le monde. Ma fille est une jeune femme raffinée, l’un des meilleurs partis de ce pays et promise à un grand avenir. Vous avez ruiné le fruit de nombreuses années de discipline et d’enseignements !

- Parce qu’elle a trouvé l’amour et qu’elle est heureuse ? Je n’y vois rien de répréhensible.

- Votre avis sur le sujet ne m’intéresse pas, gronda aussitôt Charles en se penchant vers l’avant, le visage rouge de colère. Votre éducation est indigne d’une épouse de son rang, alors ne venez pas vous mêler de celle de ma fille.

Emma prit une profonde inspiration avant de répondre d’une voix calme :

- Vous n’avez aucun avis à donner à ce sujet non plus, rétorqua-t-elle, choisissant d’ignorer l’insulte. Kate s’occupe très bien d’elle-même et ce depuis plusieurs années déjà. Ce qu’elle possède aujourd’hui est le fruit de son propre labeur. Elle peut en être fière, et vous devriez l’être aussi.

- Quand je vois l’influence néfaste que vous avez sur elle, marmonna Charles en se reculant.

- Mais quelle influence néfaste bon sang !?! s’exclama Emma, une pointe d’impatience dans la voix.

Charles de Lonay croisa ses bras sur sa poitrine :

- Croyez-vous que j’allais ignorer quel genre de soirée se déroule à l’instant même ? Le pays tout entier ne parle que de ça ! Et vous, ajouta-t-il en la pointant du doigt, vous avez œuvré pour que je n’y sois pas invité ! J’ai du mal à croire que ma propre fille puisse m’ignorer de la sorte.

- La crise cardiaque te pend au nez, Charles.

Emma, qui s’était apprêtée à répondre, tourna soudainement la tête en direction de la voix. Elle fut surprise et secrètement soulagée de voir la tante de Kate s’approcher d’un pas tranquille puis venir prendre place sur l’accoudoir de son fauteuil.

- Père ne nous a pas éduqué à hurler sur de pauvres filles sans défense, poursuivit Jessie en laissant courir ses doigts le long de sa robe d’un air absent.

Emma sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. Bien qu’incroyablement calme, le corps tout entier de Jessie dégageait une colère froide telle qu’elle pouvait sentir les poils de sa nuque se dresser. Pas étonnant qu’elle réussisse aussi bien à s’imposer dans un univers peuplé d’hommes.

- Cela ne te regarde en rien, Jessie. Cette petite...

- Emma, coupa aussitôt cette dernière. Elle s’appelle Emma.

Charles serra la mâchoire avant de poursuivre :

- Elle prétend que ma fille est trop occupée pour pouvoir voir son propre père.

Jessie haussa un sourcil en direction d’Emma avant de glisser une main dans le dos de cette dernière lorsqu’elle la vit éviter son regard. Elle n’allait certainement pas lui reprocher son mensonge alors qu’elle aurait fait de même.

- Katherine, de même qu’Emma, sont les organisatrices de cet évènement. Bien sûr qu’elle est occupée, tu sais mieux que personne que l’on ne délaisse pas ses invités.

- Invités, répéta Charles dans une grimace. Cette petite provinciale a empêché ma propre fille d’inviter ses parents le jour de son mariage !

Jessie le cloua aussitôt du regard.

- Tirer des conclusions hâtives sur des faits dont tu ignores tout ne te mènera nulle part, Charles, claqua-t-elle. Emma et Kate ont établi la liste des convives ensemble. A peine Emma avait-elle prononcé vos noms que Kate a catégoriquement refusé que vous soyez présents. Et honnêtement ? Je ne la blâme pas.

- N’essaye pas de me faire croire que cette manipulatrice voulait que j’assiste à cette mascarade !

Jessie se pencha soudainement vers l’avant et s’empara brutalement de sa cravate afin de rapprocher son visage du sien.

- Encore une insulte envers ta fille, ou ta belle-fille, et je t’arrache la langue. Compris ?

Charles respira rapidement par le nez avant de hocher la tête, toussant légèrement lorsqu’elle le relâcha.

- Bien, sourit-elle en lissant le col de la chemise avant de se reculer.

- Tu as perdu l’esprit, ma pauvre, lâcha Charles en lui lançant un regard noir.

- Dommage pour toi, tu vas devoir faire avec, sourit aussitôt Jessie. Mais pour en revenir à nos moutons ; cette mascarade ? C’est ainsi que tu qualifies l’événement dont toute la bonne société Lynèvienne ne cesse de parler depuis qu’elle en a eu vent ?

- N’essaye pas de m’impressionner, cracha Charles de Lonay en lançant un regard empli de mépris vers Emma. Il m’étonnerait fort qu’elle se soit montrée digne de ces lieux.

- Votre avis sur cette question m’indiffère, coupa Emma qui jusque-là était restée spectatrice. Cela dit, je m’étonne que Sa Majesté ait voulu assister à une telle « mascarade », poursuivit-elle dans une pointe d’ironie. Mais pour en revenir au sujet des invitations, je peux vous assurer que si Kate avait tenu à ce que vous soyez présents, il ne me serait jamais venu à l’esprit de la convaincre de ne pas vous inviter. Je déplore votre dispute bien plus que vous ne pouvez l’imaginer, ne serait-ce que parce qu’elle prive Kate de personnes devant être les plus importantes pour elle.

- C’est uniquement à cause de vous que notre famille a éclaté ! Sans vous, elle serait mariée à l’un de ces descendants qui ne parlent que d’elle et répondrait à ses devoirs envers le Groupe.

Emma eut un sourire en coin.

- Avec tout le respect que je vous dois, je pense connaître mon épouse mieux que vous. Laissez-moi vous assurer qu’elle n’aurait jamais épousé l’un de ces messieurs même s’il s’avérait être le dernier homme sur terre.

Le rire péniblement étouffé de Jessie lui parvint et elle leva légèrement la tête, satisfaite.

- Vous n’en savez rien ! s’exclama aussitôt Charles, ignorant sa sœur. Vous ignorez tout des responsabilités qui incombent à son rang.

- Elles n’impliquent pas refuser un mariage d’amour.

- D’amour ! répéta Charles avec dégoût. Ce que vous aimez, ma chère, c’est le nombre de zéros alignés après le premier chiffre sur le compte en banque de ma fille.

Jessie se pencha vers l’avant mais Emma fut la plus rapide, un « clac ! » sec résonnant dans la pièce lorsque sa main entra en contact avec la joue de Charles de Lonay.

- Je vous prierais de modérer vos propos, gronda-t-elle d’une voix basse alors qu’elle se levait, indignée.

- Seule la vérité blesse, sourit Charles en se frottant la joue.

- La calomnie aussi, coupa aussitôt Emma en s’arrêtant à sa hauteur. J’aime Kate, bien plus que vous ne pourrez jamais le comprendre. Et je ne m’abaisserai pas à essayer de vous en convaincre car cela ne regarde qu’elle et moi. Nous sommes mariées, que vous le vouliez ou non. Je vous conseille de vous faire à cette idée sans quoi les chances de vous réconcilier avec elle diminueront considérablement.

Charles de Lonay resta un instant silencieux avant de répondre :

- Vous ne m’ôterez pas l’idée que votre mariage a des conséquences désastreuses sur sa situation.

Une fille de votre condition ignore tout des implications et des responsabilités d’une telle dynastie. La haute société se détourne peu à peu d’elle. Sa décision de s’éloigner de la capitale a été très mal vue. Je suis convaincu que la situation ira de mal en pis. Et votre présence n’arrangera rien ; vous ne serez qu’un obstacle pour Katherine.

- L’annonce de notre mariage a été un succès sans précédent, pointa Emma, un sourcil haussé. Cela devrait faire taire les mauvaises langues, non ?

- Vous croyez qu’il suffit de quelques illuminations et d’un bon orchestre pour faire oublier que vous êtes une parvenue et que Katherine a failli à l’honneur de son rang en vous épousant ? Si au moins vous étiez capable de lui donner un héritier !

Emma haussa les sourcils, incrédule. Mais, refusant de mordre à l’hameçon, elle se contenta de l’observer, le sourire aux lèvres.

- Cela ne nous empêche pourtant pas d’essayer, vous savez. Il paraît que c’est très bon pour la santé, sans compter que c’est extrêmement... satisfaisant.

Le visage de Charles s’assombrit de nouveau et Emma ne sut dire si c’était par gêne ou par colère. Sûrement les deux, décida-t-elle alors qu’elle pouvait entendre Jessie tenter de couvrir son rire par une légère toux.

- Bien sûr, cela vous fait rire, marmonna finalement Charles de Lonay. J’avais raison depuis le début, vous n’êtes qu’une manipulatrice. Force m’est de constater que vous n’êtes que trop bien parvenue à vos fins. Pour l’instant.

- Une menace de plus et je te castre, Charles, prévint Jessie en prenant place dans le fauteuil libéré par Emma. Dieu sait que j’ai toujours rêvé d’avoir une sœur, sourit-elle en entrelaçant ses doigts sous son menton. Quand bien même Kate désirerait retrouver sa place auprès du Groupe, ce ne serait pas de ton ressort. Elle a des personnes de confiance qui seront là pour elle.

Elle fit en sorte de faire briller son alliance tout en le regardant droit dans les yeux. Tu sembles oublier que je suis aussi puissante que toi, cher frère. Et que je ne suis pas seule. Ta femme, aussi vile soit-elle, ne te suivrait pas là-dedans non plus. Plus maintenant. 

- Les gens de la haute société sont tout-puissants, je me ferais un plaisir de les instruire de son attitude, sourit légèrement Charles. Je m’arrangerais pour qu’ils n’ignorent rien de ses origines et elle sera mise au ban de cette société avant même d’avoir essayé d’y gagner sa place.

Emma n’en crut pas ses oreilles, que Charles De Lonay fût égoïste, orgueilleux, antipathique et bien d’autres choses encore n’était pas une nouveauté, mais elle se rendait désormais compte que cet homme était avant tout machiavélique.

Jessie se pencha légèrement vers l’avant, les yeux brillants d’une lueur dangereuse.

- Essaye, le défia-t-elle. Mais je ne pense pas que tu aies tant de pouvoir. Ou alors tu oublis le mien. De plus, je ne pense pas que tu irais courir le risque de causer du tort à ta propre fille.

Loin d’en être sûre à ce sujet, Jessie tenait surtout à lui faire comprendre que prendre de telles mesures signifierait se mettre de nombreuses personnes à dos.

- Elle m’a désobéit en l’épousant.

- Elle n’a jamais été sous tes ordres.

- Sous les ordres de qui ?

Emma croisa aussitôt le regard de Jessie avant de fermer les yeux. Elle aurait reconnu cette voix entre mille. Merde, pensa-t-elle avant de prendre une profonde inspiration, puis se retourner pour lui faire face.

- Kate...

- Je t’ai cherché partout, sourit aussitôt cette dernière lorsqu’elle croisait son regard. Qu’est-ce que tu...

Sa voix s’affaiblie pour finalement s’éteindre lorsque son regard dévia sur la droite et qu’elle perçut son père toujours assis dans son fauteuil. Son expression se ferma subitement et elle vint se placer devant Emma tout en pointant une main vers la sortie.

- Dehors.

Charles De Lonay replaça sa cravate tout en se redressant.

- Katherine, je...

- J’ai dit : dehors, le coupa-t-elle les dents serrées.

Jessie se leva à son tour lorsqu’elle le vit ouvrir la bouche à nouveau.

- Les invitées d’honneurs sont attendues, lui dit-elle. Tu sais où se trouve la sortie.

Furieux, Charles de Lonay lui jeta un regard noir avant de se diriger sans un mot vers la sortie. La porte claqua derrière lui, et Kate se retourna aussitôt vers Emma, encadrant son visage de ses mains alors qu’elle détaillait ses traits, inquiète.

- Ça va ?

Emma hocha la tête.

- Parfaitement bien, je te le promets, la rassura-t-elle en venant l’embrasser légèrement.

- Tu aurais dû la voir Kate, elle était géniale, sourit Jessie en se réinstallant dans le fauteuil. La façon dont elle a rembarré ton père lorsqu’il a parlé d’héritier... magnifique !

- Et toi avec le coup de la cravate, enchaîna Emma d’une voix tout aussi excitée. J’ai adoré ! Je ne suis pas prête d’effacer cette image de mon esprit.

Héritier ? Cravate ? Le regard de Kate passa alternativement de l’une à l’autre, confuse.

- L’une d’entre vous pourrait m’expliquer ?

Emma vint prendre place sur l’accoudoir du fauteuil dans lequel Jessie était assise et, à deux, elles lui racontèrent en détail l’entrevue qu’elles venaient d’avoir avec son père. Lorsqu’elles se turent enfin, Kate se posta près de la fenêtre et le silence qui régna dans la pièce parut assourdissant à Emma. Pourtant, elle l’avait vu agir de la sorte suffisamment souvent pour savoir reconnaître son besoin de reprendre le contrôle de ses émotions et remettre de l’ordre dans ses idées. Mais lorsqu’elle la vit serrer les poings, Emma sentit son propre cœur se serrer. Elle en voulut à Charles de Lonay de gâcher ainsi leurs épousailles. Elle aurait voulu attendre la fin de leur mariage avant de tout révéler à Kate mais elle savait cela aurait été impossible, elle aurait  eu besoin de tout lui raconter le plus vite possible, sans quoi la conversation l’aurait hantée au point d’occulter la joie qu’elle ressentait d’être enfin mariée à l’amour de sa vie.

Jugeant lui avoir laissé assez de temps pour se calmer, Emma se leva et vint doucement encercler la taille de Kate dans l’espoir de la réconforter.

- Amour ? appela-t-elle, presque dans un murmure.

Kate recouvrit aussitôt ses bras de ses mains et tourna légèrement la tête afin de l’embrasser sur la joue.

- Je suis désolée, répondit-elle. J’aurais dû être là, l’empêcher de te dire ces horreurs. Si je pouvais revenir en arrière...

- Ssh, la coupa Emma en caressant son ventre de ses pouces. Ça va. Comme tu as pu le constater, je suis parfaitement de taille à lui répondre, ajouta-t-elle d’un ton taquin. Et ta tante encore plus. Allez mon cœur, ne te tracasse pas pour ça.

Kate ne put s’abstenir de sourire à son tour alors que son regard passait de son épouse à sa tante.

- Vous n’auriez même pas dû vous abaisser à l’écouter, soupira-t-elle néanmoins alors qu’elle venait prendre place dans le fauteuil qu’avait occupé son père. Etant donné son attitude, tout ce qu’il méritait, c’était d’être jeté dehors.

- C’est ton père, répondit Emma en prenant place sur l’accoudoir. Aussi odieux soit-il, je ne veux pas agir comme lui.

- Hmm, je n’arrive pas à croire qu’il ait pu te reprocher de ne pas être capable de me donner un héritier.

Emma vint poser ses lèvres sur les siennes avant de sourire.

- Bah, ça m’a permis de m’amuser un peu, tu aurais vu sa tête lorsque je lui ai répondu... c’était génial. Et puis, rien de ce qu’il aurait pu dire n’aurait pu m’atteindre, parce que je t’aime et je sais que tu m’aimes.

Kate vint entourer sa taille de ses bras et la fit descendre sur ses cuisses avant de venir embrasser la douceur d’une joue.

- Non seulement je t’aime, mais en plus je suis fière de toi, répondit-elle sincèrement en venant se perdre dans les yeux émeraude. Tu es bien plus digne du Groupe qu’il ne le sera jamais. Sa façon d’agir a été intolérable et crois-moi, il va m’entendre.

Emma secoua légèrement la tête, son expression montrant clairement son désaccord.

- Ca ne ferait qu’envenimer la situation, Kate...

- Tu es mon épouse, Emma, la coupa Kate avec ferveur. Je t’ai choisie ; il doit respecter ça et surtout te respecter toi. Si la cassure doit être définitive, elle le sera, tant pis. Je refuse qu’il t’attaque à nouveau.

Un léger raclement de gorge leur rappela soudainement la présence de Jessie et elles tournèrent la tête dans sa direction.

- Je veillerai à ce que mon frère se tienne tranquille, sourit-elle doucement tout en se redressant. Maintenant, s’il vous plaît, ne vous tourmentez pas à ce sujet, et allez profiter de ce jour qui est le vôtre.

- A vos ordres, sourit Kate alors qu’elle attendait qu’Emma se lève pour se redresser à son tour.

Ensemble, elles regagnèrent la salle où, à leur plus grand soulagement, leurs convives s’amusaient toujours malgré leur absence inexpliquée et Emma fut surprise de se voir aussitôt voler son épouse.

- Désolée Emma, sourit Eva. Mais elle m’a promis une danse, et j’attends toujours !

Emma secoua la tête, amusée.

- Allez-y, mais la suivante est pour moi ! intima-t-elle.

Eva leva aussitôt les yeux au ciel.

- Rho, tu vas l’avoir pour toi toute seule pendant les soixante, soixante-dix, quatre-vingt... prochaines années, partage un peu ! taquina-t-elle avant d’être entraînée par Kate.

Emma lâcha un rire avant de se tourner vers Jessie qui marchait lentement le long du buffet libre, un air concentré sur le visage alors qu’elle étudiait tour à tour la pièce montée et les différentes pâtisseries, le bout d’une cuillère entre ses lèvres. Emma se posta à côté d’elle mais la devança lorsqu’elle la vit ouvrir la bouche :

- Promets-moi que tu ne la laisseras pas approcher son père, lui dit-elle soudainement dans un ton d’urgence.

Le sourire de Jessie s’effaça et elle l’observa, surprise par son accès soudain.

- Tu as peur ? demanda-t-elle enfin, concernée.

Emma dévia son regard vers Kate avant de l’observer à nouveau.

- Je ne veux pas lui causer du tort, murmura-t-elle finalement d’un ton résigné. Il a raison sur ce point.

Jessie la regarda, stupéfaite.

- Ne me dis pas que tu as cru un mot de tout ce qu’il t’a dit ?

- Je suis totalement étrangère à ce monde, Jessie, soupira Emma en se passant une main sur le front. Je ne le connais pas et... et il est possible qu’elle décide un jour d’y retourner, parce que tu y es. Je risque de faire des faux pas sans même le savoir. Je... je ne voudrais pas qu’un jour, à cause de ça, elle regrette de m’avoir épousée.

La fin de sa phrase fut prononcée à peine plus haute qu’un murmure et Jessie l’arrêta aussitôt :

- Emma, dit-elle en reposant l’assiette et la cuillère qu’elle tenait. Kate ne pourra jamais regretter ce genre de chose.

- C’est pourtant ce qu’il va se passer s’il réussit à faire en sorte que toute la bonne société me tourne le dos, la coupa aussitôt Emma alors qu’elle sentait les larmes monter. Ça lui causera du tort, tôt ou tard, tu le sais aussi bien que moi.

Jessie secoua la tête tout en s’emparant de ses mains.

- Emma, écoute-moi, lui dit-elle en plongeant son regard dans le sien afin de retenir toute son attention. Katherine t’aime de tout son cœur, vous êtes en train de bâtir un mariage solide, basé sur l’amour, le respect et la confiance, exactement celui dont elle a toujours rêvé. Alors quand tu parles de regret… je ne peux pas te laisser penser de telles absurdités. Elle t’aime à la folie et toi seule es devenue essentielle à son bonheur ; elle ne pourrait jamais regretter de t’avoir épousée, Emma.

Emma s’essuya les yeux d’une main irritée tout en haussant les épaules.

- Je sais, renifla-t-elle. Ma tête le sait, seulement j’y ai déjà pensé, avant. Et l’entendre à haute voix…

- Tu en es venue à le croire, acquiesça doucement Jessie. Mais ces paroles ne sont plus du tout d’actualité, Emma. Je n’ai jamais eu peur que tu ne sois pas à la hauteur et je t’ai toujours fait confiance, ajouta-t-elle sincèrement.

Emma relâcha un soupir de soulagement avant de venir se blottir dans ses bras, ravie de se voir étreindre avec force en retour.

- Tu sais, commença Jessie d’un air absent en caressant le dessus de sa tête. Charles ne l’a jamais comprise. Sûrement parce que Kate ne s’ouvre pas facilement, mais je crois que c’est surtout parce que Kate a toujours senti que sa façon de voir les choses ne convenait pas à mon frère. Elle sourit légèrement : elle a toujours été bien plus proche de moi, sûrement parce que je pense différemment.

Elle se recula légèrement afin de croiser de nouveau le regard d’Emma :

- C’est ça, le plus important. N’as-tu pas encore compris que Kate n’accorde aucune importance à ce que pense la société qui l’entoure ?

- Si je l’ai compris, répondit faiblement Emma d’un ton coupable.

- Alors pourquoi t’es-tu mise de telles idées dans la tête entre-temps ?

Emma haussa les épaules.

- Kate m’a dit qu’il y avait des règles à suivre pour pouvoir y évoluer...

- Je sais que tout ce monde t’est encore en grande partie inconnu, répondit Jessie d’un ton compréhensif. Mais rassure-toi, quoi qu’il arrive, tu n’en seras pas responsable. Kate a toujours détesté ce monde, et si elle y retourne, ce sera avec ses propres règles, sois en certaine.

Elle sourit de nouveau avant de poursuivre :

- Elle n’est pas ma nièce pour rien, hein ? demanda-t-elle, ravie de voir Emma lui sourire en retour.

Votre mariage l’a rendue bien moins intéressante pour nombre de familles qui ont encore des garçons à marier, rester hors de la capitale explique aussi que sa compagnie soit moins recherchée ; mais tout ceci a été un choix délibéré pour Kate, tout comme le sera le fait de faire son grand retour. Seulement, ce que ne comprend pas mon frère, c’est que cela lui est totalement indifférent. Lynève pourrait tout aussi bien l’ignorer définitivement que Kate en serait tout aussi heureuse. Si l’opinion de ces gens comptait pour elle, elle aurait épousé une Cassie, finit-elle dans un clin d’œil.

Emma rit légèrement et Jessie poursuivit :

- Elle t’aime et serait prête à tout quitter pour toi, tu sais, lui dit-elle sérieusement. Tu aurais juste à lui demander, elle abandonnerait Lynève et toutes ses responsabilités sans hésiter le moins du monde, parce que ton bonheur compte plus que tout pour elle. Et si, un jour, elle change d’avis et décide de reprendre sa place au sein de la société familiale, que la Haute Bourgeoisie t’accepte ou non, peu importe, vous vous passerez d’elle ; parce que tu lui suffis.

- Je sais, répondit Emma dans un sourire timide. Mais ça fait du bien de se l’entendre dire, je crois que j’avais juste besoin de ça.

Jessie soutint son regard, et lorsqu’elle fut satisfaite de ce qu’elle lisait dans ses yeux, elle hocha la tête en souriant :

- Parfait alors, répondit-elle. Et n’hésite pas si tu as encore besoin à l’avenir, d’accord ?

Emma hocha frénétiquement la tête avant de l’étreindre à nouveau.

- Merci, souffla-t-elle à son oreille.

- Bon, et si tu la laissais un peu respirer Jess ? Tu n’es pas la seule à désirer l’attention de la jeune mariée.

Jessie se mit à rire doucement et relâcha Emma avant qu’elles ne tournent la tête vers Cassie.

- Et qui d’autre désire mon attention ? demanda Emma, un sourcil haussé.

Cassie lui répondit tout en abaissant son regard sur son ventre arrondi qu’elle caressait d’un air absent :

- Moi et mon petit amour, sourit-elle. Tu crois pouvoir nous accorder une danse ?

Emma suivit son regard et elle sentit aussitôt un sourire étirer ses lèvres. J’ai hâte de faire sa connaissance.

- Avec plaisir, répondit-elle en s’approchant.

💕

- Tu pourras lui dire que la prochaine fois qu’il s’approche d’Emma, ou de qui que ce soit d’autre qui m’est proche, je le tue.

Léonora secoua légèrement la tête, incrédule.

- Je ne savais pas... il ne m’a jamais dit que...

- Maman, soupira Kate. Ce n’est pas la première fois qu’il cache quelque chose, tu le sais mieux que n’importe qui. Tu pensais vraiment que tu en serais épargnée ?

Léonora resta silencieuse avant de relever les yeux vers elle, hésitante.

- J’aimerais refaire partie de ta vie, Katherine.

- Si j’en crois les coups de fil que tu as entretenu avec ma femme, je suis déjà au courant.

Léonora détourna le regard, embarrassée.

- Je voulais juste savoir comment tu allais, répondit-elle maladroitement. Ne lui en veux pas, s’il te plaît. Elle a refusé de me répondre pendant près de deux ans.

- Quoi ? demanda aussitôt Kate, confuse.

- Elle raccrochait aussitôt à chaque fois qu’elle découvrait que c’était moi, expliqua Léonora. Puis elle m’a dit que si je voulais te joindre, tu avais un téléphone portable. Ensuite, elle se contentait de me dire que tu allais bien, et que si je voulais en savoir plus, je devais te contacter toi, puis elle raccrochait. J’ai fini par n’appeler que pour tes anniversaires et noël, mais même là, elle ne me disait rien de plus. Elle ne voulait pas trahir ta confiance.

Kate observa sa main d’un air absent avant de se reculer vers la porte, son cœur tambourinant dans sa poitrine.

- Il faut que j’y aille.

- Quoi ? s’étonna Léonora. Mais – Katherine !

- J’y réfléchirai, d’accord ? se pressa de répondre Kate alors qu’elle s’emparait de la poignée. En attendant, n’appelle plus à la maison. Si je veux te recontacter, je le ferais.

Elle n’attendit pas de réponse et sortit en trombe dans le couloir.

💕

- Je n’arrive pas à croire qu’elle soit revenue comme ça, marmonna Eva entre ses dents alors qu’elle faisait les cents pas dans le salon. Et mentionner l’état de ton père ? Elle espère quoi, te prendre par les sentiments ?

Kate haussa les épaules alors qu’elle resserrait l’oreiller qu’elle tenait entre ses bras.

- Je ne sais pas, répondit-elle. Je pense qu’elle a simplement voulu utiliser toutes les cartes qu’elle avait en sa possession pour pouvoir me convaincre.

Eva émit un bruit démontrant clairement son désaccord et Liz laissa son regard passer de l’une à l’autre avant d’intervenir :

- Et si elle voulait simplement retrouver sa fille ? Où est le mal ?

Eva s’arrêta aussitôt et l’observa comme si elle avait perdu la tête.

- Elle l’a reniée parce qu’elle était amoureuse d’une femme, Liz ! s’exclama-t-elle en levant les mains au ciel.

- Et ? soupira Liz. De l’eau a coulé sous les ponts, c’était il y a six ans, pour l’amour du ciel. Elle est revenue sur sa décision, elle ne mérite pas un peu de considération ?

- Un peu de considération ? répondit Eva, incrédule. Tu as vu dans quel état était Kate lors de son arrivée à La Lumeda, combien il lui a fallu pour qu’elle se relève enfin. Bon sang, elle a été envoyée en pension pour avoir été amoureuse ! Tu penses vraiment que ce genre de personne mérite un peu de considération ?

Liz haussa un sourcil alors qu’elle croisait ses bras sur sa poitrine, la posture défiante.

- J’ai renié mon père parce qu’il s’envoyait en l’air avec le stéréotype même du surfeur, pointa-t-elle. Je ne vaux pas mieux qu’elle, et pourtant, tu m’as épousée.

Eva tiqua aussitôt sur ses propos avant de soupirer, sa voix extrêmement radoucie lorsqu’elle reprit la parole :

- C’est différent Liz, expliqua-t-elle. Tu lui reprochais de t’avoir abandonnée.

- Peu importe, répondit Liz en remuant une main dans les airs. J’étais la pire homophobe que l’on peut croiser dans sa vie. Je lui en ai fait baver. Et à toi aussi. Pourtant, l’un comme l’autre, vous m’avez pardonnée. Alors, où est la différence ? Elle, au moins, a fait le premier pas. Moi... il t’a fallu des mois pour m’ouvrir les yeux.

Eva glissa ses mains dans ses poches et détourna le regard, mal à l’aise. Comment pouvait-elle contrer cette logique ? Mais, c’était différent. Liz était différente. Elle n’était pas comme cette femme froide au cœur de pierre qui, en deux ans d’internat, n’avait jamais appelé sa fille. Et lorsqu’enfin Kate rentrait chez elle, c’était pour se voir couper les vivres si elle ne coopérait pas.

Elle releva la tête et plongea son regard dans celui bleu océan qu’elle affectionnait tant :

- Tu n’étais rien de plus qu’une adolescente brisée par le divorce de ses parents ; une petite fille en mal d’attention qui s’est protégée comme elle l’a pu. Comment peut-on en vouloir à une personne qui ne demandait qu’à être entourée des deux êtres comptant le plus pour elle ?

Elle vit Liz baisser la tête et lorsqu’elle l’entendit renifler, elle vint aussitôt s’agenouiller devant elle, avant d’entrelacer leurs doigts lorsqu’elle croisa un regard humide.

- Ses parents l’ont ignorée pendant deux ans, Liz. Deux ans. Et lorsqu’enfin elle rentre chez elle, c’est pour lui faire du chantage. Alors non, je n’accepte pas que tu te compares à ces personnes sans cœur. Et je ne peux pas non plus me faire à l’idée qu’elle s’est soudainement rappelé qu’elle était une mère et qu’elle avait un rôle à assumer.

Elle haussa les épaules et afficha un triste sourire avant de poursuivre :

- Je ne suis pas parfaite ; elle a brisé ma petite sœur, je ne lui fais absolument pas confiance. Mais mon avis importe peu, de toute façon.

Elle tourna la tête vers Kate :

- Parce que ce n’est pas à moi d’en décider.

Kate releva ses jambes et les entoura de ses bras.

- Je n’en sais rien pour l’instant.

- Tu as tout le temps pour ça, répondit Liz en s’essuyant les yeux.

Eva vint remplacer sa main par les siennes et Liz sourit faiblement, ne pouvant retenir de nouvelles larmes tant le soulagement et le bonheur qu’elle ressentait étaient si fort. A quand remontait la dernière fois où Eva avait été si douce, si attentionnée à son égard ? Elle ne le savait plus. Mais peu importait, elle voulait juste profiter.

- Merci, souffla-t-elle du bout des lèvres.  

- Rien de plus normal, lui murmura aussitôt Eva avant de venir prendre place sur l’accoudoir, attirant doucement la tête de Liz contre elle alors qu’elle s’adressait de nouveau à Kate : dis-moi que la suite de l’histoire s’améliore, pas vrai ? Si cette vielle pimbêche vient briser votre couple...

Liz lui mit une légère tape sur la cuisse.

- Eva...

- Désolée, grimaça aussitôt cette dernière. Rassure-nous Kate, d’accord ?

Kate prit une profonde inspiration, puis reprit le cours de son récit.

💕

- Elle t’a giflée ? s’exclama Cassie, les yeux écarquillés.

Emma lui offrit un air coupable tout en reprenant ses va-et-vient dans le couloir où elle attendait le retour de Kate.

- Je lui ai appris que j’étais en contact avec sa mère depuis qu’on a quitté la pension, expliqua-t-elle. Pas grand-chose, deux coups de fil par an pour vérifier que Kate allait bien. Mais je ne le lui ai jamais dit, jusqu’à aujourd’hui.

Cassie grimaça.

- Merde, ça craint ça.

- Cass’..., soupira Emma. J’ai besoin d’un peu de soutien là, tu vois ?

- Excuse-moi, répondit Cassie en venant l’encercler de ses bras. Mais ne t’en fais pas, je suis sûre que ça va aller.

Emma lui offrit un regard appuyé.

- Je lui ai menti.

- Peut-être, admit Cassie avant d’hausser un sourcil. Mais ce n’est pas comme si Kate ne l’avait jamais fait non plus avant, pas vrai ?

 

La Lumeda, Vendredi 12 Mars 2011. Six ans plus tôt.

 

 

– Entre Cassie et toi... il y a quoi exactement ?

 

Kate haussa les sourcils, surprise par la question inattendue :

 

– Comment ça ?

 

– Eh bien, je sais qu’elle est ton ex et tout ça mais la façon dont tu l’as prise dans tes bras tout à l’heure... et même si je peux le comprendre vu le contexte, ça avait quand même l’air particulièrement amical et... et elle m’a dit quelque chose quand on était dans les toilettes, un truc comme quoi tu ne me disais visiblement pas tout ?

 

Kate sentit le sang quitter son visage et elle détourna les yeux, embarrassée :

 

– On dirait que vous avez pas mal discuté visiblement, ironisa-t-elle d’une voix mal assurée.

 

– Elle avait besoin d’aide, Kate, tempéra Emma avant de marquer une pause. Il y a quelque chose que je devrais savoir ?

 

Kate relâcha un profond soupir avant de lui faire à nouveau face :

 

– Tu te souviens du soir où Cassie t’a rasé la tête ?

 

Emma hocha la tête et elle poursuivit :

 

– Tu t’es endormie peu de temps après que j’ai nettoyé tes plaies, alors j’en ai profité pour aller rendre une petite visite aux jumelles.

 

– Pendant que je dormais ? s’étonna Emma.

 

Kate acquiesça :

 

– Je tenais à m’assurer qu’elles te laissent tranquille. J’ai trouvé la tondeuse qu’elles avaient utilisée sur toi dans les affaires de Julia, elle n’avait même pas pris le temps de la nettoyer. Alors j’ai menacé de les dénoncer si elles s’amusaient à te harceler. C’est là que j’ai appris que Cassie avait trouvé un moyen de se procurer des corrigés d’examens afin d’obtenir d’elles tout ce qu’elle voulait. Et j’ai rapidement dressé la conclusion que celui qui avait laissé échapper des informations sur toi devait être la même personne qui fournissait ces sujets à Cassie, alors j’ai aussitôt prévenu Eva pour qu’elle enquête de son côté.

 

Emma hocha lentement la tête, prenant le temps d’assimiler tout ce que Kate venait de lui apprendre :

 

– C’est pour ça qu’elles ont laissé tomber Cassie peu de temps après, conclut-elle. Et que tu m’as dissuadé de porter plainte contre elles.

 

Kate rougit légèrement.

 

– Je les avais déjà sous la main, c’était inutile.

 

– Hmm et tu ne m’as rien dit parce que... ?

 

Kate sentit soudainement son cœur se mettre à battre dans sa poitrine et elle détourna le regard avant de hausser les épaules :

 

– Tu avais déjà beaucoup à gérer avec tout ce qu’elles te faisaient subir, et puis, ça restait ma faute après tout.

 

– Kate... on a déjà parlé de ça, répondit Emma en tendant une main afin de prendre celle de Kate dans la sienne. Arrête de te sentir coupable de ce qu’elles m’ont fait.

 

Kate afficha un sourire crispé avant de soupirer, se préparant au pire :

 

– Et puis il y a eu ma visite auprès de Cassie il y a deux semaines, poursuivit-elle, grimaçant intérieurement lorsqu’elle sentit Emma se figer. J’y suis allée pour les mêmes raisons, pour qu’elle te laisse tranquille et menacer de la dénoncer sinon, mais...

 

– Mais ? demanda Emma, craintive.

 

Kate se passa une main sur le visage avant d’expliquer :

 

– J’ai appris pourquoi elle avait eu recours à des couvertures il y a un an. Ses parents lui mettaient la pression et elle l’a fait uniquement par crainte de son père et de ses hommes de main. Et puis elle m’a dit que je lui manquais, et qu’elle aimerait qu’on redevienne amies.

 

Ses paroles furent à peine terminées qu’elle sentit aussitôt la main d’Emma quitter la sienne avant que sa voix ne lui parvienne :

 

– Et qu’est-ce que tu lui as répondu ? demanda l’adolescente d’une faible voix, le regard de nouveau tourné vers la vitre.

 

– Qu’elle a été mon premier amour, que je n’oublierais jamais ça. Et que l’amitié qu’on avait me manque, répondit sincèrement Kate avant d’ajouter rapidement lorsqu’elle crut voir le regard d’Emma s’humidifier à nouveau : mais qu’elle faisait partie de mon passé, que notre histoire faisait partie du passé. Qu’il y avait toi maintenant et que si on envisageait d’être amie à nouveau, on allait de toute façon avoir besoin de temps.

 

Emma hocha légèrement la tête avant de lever les yeux vers Kate, une larme s’échappant malgré elle :

 

– Merci d’avoir été honnête, sourit-elle faiblement. C’est tout ?

 

– Ça dépend, grimaça Kate. Il est possible que je l’ai embrassée aussi ?

 

Emma en perdit aussitôt son sourire et elle poursuivit rapidement :

 

– C’était pas un baiser amoureux, rien de tout ça. C’était, hmm, j’ai juste plaqué ma bouche sur la sienne assez violemment. Après, hmm, après l’avoir plaquée contre le mur. Je croyais que c’était ce qu’elle voulait alors… j’ai pas réfléchi, je voulais juste… j’avais tellement envie de lui faire payer pour tout ce qu’elle t’avait fait et...

 

Emma leva aussitôt une main :

 

– Ça fait un peu trop d’informations, répliqua-t-elle en se frottant la nuque, visiblement mal à l’aise.

 

– Je voulais juste lui faire peur, conclut Kate. Elle m’a mis une sacrée gifle si ça peut te rassurer.

 

Sa réplique provoqua un faible sourire sur les lèvres d’Emma malgré elle :

 

– Je comprends mieux la marque rouge que tu avais en tout cas, ironisa-t-elle. Je me suis longtemps demandé ce que ça pouvait être.

 

– Oh, aah, je suis désolée, répondit Kate, de nouveau embarrassée.

 

Emma haussa légèrement les épaules :

 

– Tu ne m’as rien dit pour elle non plus... c’était pour les mêmes raisons ?

 

Kate laissa son regard retomber sur le sol, ses mains tripotant nerveusement le bas de son t-shirt. Elle secoua négativement la tête :

 

– J’avais peur que tu ne veuilles plus me parler après ça, expliqua-t-elle avant de lâcher un rire dénué d’humour. Je veux dire, ta pire ennemie veut littéralement redevenir ma meilleure amie.

 

– Et tu en as envie aussi, remarqua Emma d’un ton triste avant de lever les yeux vers Kate. J’ai beaucoup d’insécurité, mais je ne compte pas laisser quoi que ce soit s’immiscer entre nous simplement à cause de ça. Pas tant que tu voudras de moi, ajouta-t-elle dans un faible sourire.

 

Elle hésita avant de poursuivre :

 

– Je te l’ai dit Kate, je tiens vraiment beaucoup à toi. Et... et je sais que tu ne me ferais jamais de mal délibérément.

 

– Jamais, promit aussitôt Kate. Et j’ai aucune envie d’être amie avec elle si c’est pour mettre ma relation avec toi en péril. Tu comptes beaucoup pour moi aussi, Emma.

 

Emma afficha un grand sourire, visiblement touchée :

 

– C’est exactement pour ça que tu n’as pas de soucis à te faire, tu peux être amie avec Cassie si c’est que tu veux... Je promets de ne pas t’en tenir rigueur.

 

– Hmm on verra, répondit Kate en s’agenouillant à ses côtés avant de venir jouer avec le bracelet d’Emma. Mais compte sur moi pour tout arrêter si ça te met beaucoup trop mal à l’aise.

 

– Kate...

 

– Tu passeras toujours en premier, va falloir te faire une raison.

 

Sa réplique prit Emma par surprise et elle s’interrompit, levant les yeux vers Kate et incapable de prononcer le moindre mot. Des picotements la parcoururent dans tout le corps, encore plus là où les doigts de Kate la chatouillaient au niveau du poignet, et elle sentit un doux sourire venir étirer ses lèvres malgré elle, la poussant à détourner le regard.

 

Kate n’avait certes pas sa langue dans sa poche, mais elle savait aussi dire les plus belles choses.

 

Tu passeras toujours en premier, va falloir te faire une raison.

 

Trop émue pour pouvoir continuer, Emma préféra changer de sujet :

– Eva a mentionné des visites nocturnes, c’était ça alors ?

 

– Oui, répondit Kate, son attention portée sur le bracelet d’Emma pour ne pas céder à l’envie qu’elle avait de venir essuyer la larme qui coulait toujours le long de sa joue. Ça nous permettait de passer du temps ensemble Cassie et moi l’an dernier sans qu’on risque de se faire prendre.

 

Emma se redressa et s’étira légèrement avant de prendre la direction de la cuisine :

 

– Hmm donc les jumelles... Cassie... et c’est tout ? demanda-t-elle une fois arrivée à hauteur du frigo. Ou il y en a eu d’autres ?

 

– Non, c’est tout, assura Kate en se redressant à son tour, avant de se mordre l’intérieur de la joue. Tu ne m’en veux pas, hein ?

 

Emma récupéra une petite bouteille d’eau avant de revenir à sa hauteur :

 

– Tu as fait tout ça pour me protéger, commença-t-elle en récupérant la main de Kate. Bien sûr que non je suis pas fâchée, je suis au contraire très touchée, ajouta-t-elle avant de venir l’embrasser sur la joue, juste au coin des lèvres.

 

Leurs regards se croisèrent et Emma exerça une dernière pression sur la main qu’elle tenait toujours dans la sienne avant d’ajouter :

 

– Merci d’être une aussi bonne amie avec moi Kate, tu n’imagines même pas combien ça me fait du bien, déclara-t-elle sincèrement avant de la relâcher et prendre la direction de la chambre.

 

Kate la regarda s’éloigner, persuadée que ses jambes allaient céder sous elle si elle ne s’asseyait pas d’ici peu.

 

Emma l’avait presque embrassée.

 

Wow.

 

💕

- C’est différent, répondit Emma en se passant une main sur le visage. Elle voulait me protéger.

- Hmm, de moi, la grande méchante de l’histoire, sourit Cassie. Seulement dans ce volet, il semblerait que j’ai cédé ma place à quelqu’un d’autre. Son visage se radoucit ostensiblement et elle prit les mains d’Emma dans les siennes avant de poursuivre : il n’y a aucune différence Emma, mis à part que cette fois-ci, c’est toi qui as voulu la protéger ; elle le réalisera bien assez vite.

Emma lui offrit un regard perplexe et elle ajouta :

- Ecoute, de quoi as-tu peur ? demanda-t-elle, un sourcil haussé. Kate aura beau te faire nombre de reproches, elle n’est pas innocente elle non plus.

- Cassie..., soupira Emma. Ça ne marche pas comme ça.

- C’est vrai, admit Cassie en hochant légèrement la tête. Mais c’est facile de pointer du doigt et reprocher à quelqu’un son comportement, seulement, il faut savoir regarder chez soi aussi. Car peu importe ce que Kate pourra te dire, il ne faudra pas qu’elle oublie qu’elle n’est pas une sainte elle non plus.

Emma lui offrit un air sceptique :

- Alors quoi ? Je lui lance un : « tu m’as menti aussi, alors on oublie » ?

Cassie leva les yeux au ciel.

- Bien sûr que non bêta, sourit-elle. Simplement, si elle a assez de jugeote, elle utilisera son erreur d’adolescence à bon escient et comprendra pourquoi toi, tu lui as menti aussi. Et ensuite, si vous êtes assez malines, sourit-elle à nouveau, vous en discuterez afin de comprendre pourquoi vous vous cachez mutuellement des choses comme ça.

Emma secoua la tête, amusée.

- Tu aurais dû être conseillère matrimoniale, répondit-elle d’un ton taquin.

Cassie voulu répondre mais une porte claquant derrière elle l’empêcha de poursuivre. Elles tournèrent simultanément la tête vers le bruit et virent aussitôt Kate marcher d’un pas décidé le long du couloir avant de ralentir un instant lorsqu’elle les aperçut, puis accélérer à nouveau.

- Je crois que le moment est arrivé, reprit Cassie exerçant une pression sur la main d’Emma avant de commencer à s’éloigner. T’en fais pas, vous êtes faites l’une pour l’autre, ajouta-t-elle en lui faisant un clin d’œil. J’ai été la première à l’avoir compris !

Emma ne put s’empêcher de lui sourire malgré l’angoisse qui lui nouait l’estomac et elle l’observa s’éloigner avant de reporter son attention sur Kate. Entre son corps trahissant la tension qui l’habitait, son visage impassible et son regard véhiculant un trouble évident, Emma ne sut dire ce qui l’inquiétait le plus.

Kate arriva finalement à sa hauteur et elles s’observèrent, indécises, avant que Kate ne souffle :

- Je suis désolée.

Elle eut à peine terminée sa phrase qu’Emma soupira de soulagement et se jeta dans ses bras, enserrant son cou de toutes ses forces avant de venir caresser ses longs cheveux bruns.

- C’est rien, murmura-t-elle dans l’oreille toute proche. C’est rien.

Kate secoua la tête tout en la repoussant doucement. Elle caressa sa joue, les yeux humides.

- Non, contra-t-elle à travers sa gorge serrée. Je suis désolée, je suis vraiment désolée. Je n’ai jamais voulu ça.

- Je sais, répondit aussitôt Emma en venant embrasser sa paume. Ça va Kate, ce n’était qu’une gifle.

Kate sentit son estomac se nouer et elle se pencha légèrement.

- J’ai levé la main sur la personne qui compte le plus pour moi, ce n’est pas rien, contra-t-elle à nouveau. Sans compter qu’elle est ma femme.

Emma ne put retenir un faible sourire.

- Ravie de savoir que je le suis toujours.

- Les divorces ne vont pas aussi vite, même à Lynève.

Kate aperçu l’air blessé qui traversa aussitôt le visage d’Emma et elle se gifla intérieurement.

- Bon sang, reprit-elle. Je ne suis même plus bonne pour les plaisanteries, achève-moi ?

Emma soupira de nouveau de soulagement avant de venir l’embrasser sur la tempe.

- Jamais, souffla-t-elle au creux de son oreille. Viens, allons-nous asseoir ou j’ai l’impression que tu vas t’évanouir d’une minute à l’autre.

Elles prirent place sur une banquette de velours capitonné situé non loin des doubles portes vitrées et Emma entrelaça aussitôt leurs doigts.

- Je n’ai jamais voulu te mentir Kate, je te le promets, commença-t-elle aussitôt, poursuivant maladroitement lorsque Kate resta silencieuse. J’aimerais dire que j’ai une bonne excuse, mais... honnêtement ? Je n’en ai aucune. C’est...

- Ma mère m’a expliqué comment ça s’est passé, la coupa Kate d’un ton calme. Ton refus de lui parler et ton insistance pour qu’elle me contacte, puis les réponses brèves que tu lui offrais.

- Je n’aurais jamais trahi ta confiance, enchaîna aussitôt Emma, la sincérité transparaissant dans son regard. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de me mettre à sa place aussi ; une mère qui voulait simplement s’assurer que son enfant allait bien.

Kate eut un rire dénué d’humour.

- Elle me coupe les vivres, pour ensuite essayer par tous les moyens possibles de s’assurer que je vais bien. Je suis la seule à trouver ça dingue ?

Emma resserra son étreinte sur sa main.

- Non, et peut-être que ses motivations sont toutes autres, répondit-elle. Mais personnellement, je pense qu’elle a pris conscience de ce qu’elle a fait et, sachant que tu ne voudrais plus jamais lui parler après ça...

- ...elle a eu recours à toi, soupira Kate. Une part de moi arrive à le comprendre, mais une autre, plus grande, ne peut s’empêcher de se dire qu’elle m’a laissée tomber à partir du moment où je n’entrais plus dans ses critères. Sans compter que je trouve ça extrêmement culotté de revenir dans ma vie, et surtout comme ça.

Emma afficha un air coupable.

- Je suis désolée, j’aurais dû t’en parler depuis le début et ne pas décider toute seule de mon côté.

Kate l’observa un moment avant de venir glisser une mèche blonde derrière l’oreille d’Emma :

- Pourquoi l’avoir fait, d’ailleurs ? demanda-t-elle, intriguée. Me garder dans l’ombre, comme ça ?

Emma ferma un instant les yeux face à la main qui caressait sa joue avant de soupirer :

- Je savais que tu ne voulais plus entendre parler d’eux. Et qu’apprendre ça allait te mettre hors de toi. Alors... j’ai essayé de la pousser à te contacter elle-même, mais... Je ne voulais simplement pas que tu souffres plus que tu ne souffrais déjà, lâcha-t-elle avant d’observer Kate. Tu as beau ne pas en parler, je sais que ce qu’ils t’ont fait t’a vraiment affectée, Kate. Personne ne devrait grandir sans ses parents.

Kate lui offrit un sourire triste mais sincère :

- Ta mère et ma tante sont les parents que je n’ai jamais eus, ne te fais pas de soucis de ce côté-là.

 Malgré ses yeux qui s’humidifiaient, Emma choisit de détendre l’atmosphère :

- Mince, on se retrouve avec la même maman maintenant, répondit-elle. Là, c’est sûr, on va nous prendre pour des perverses.

Elle fut ravie d’entendre le rire de Kate en retour et elle profita du couloir désert pour grimper sur ses genoux et glisser son visage dans son cou. Elle y frotta son nez, inspirant cette odeur qu’elle aimait tant, avant de venir déposer tout un tas de petits baisers.  

- Je t’ai manqué à ce point ? taquina Kate alors que des frissons familiers la parcouraient.

Emma se redressa et vint l’embrasser sur le bout du nez.

- Eh bien, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir peur pendant une minute, ou deux, ou... bref, la plus longue minute de toute ma vie. Alors maintenant que tout va bien... tout va bien, pas vrai ?

Kate hocha la tête et elle sourit.

- Eh bien, j’ai envie d’en profiter, finit-elle. Sûrement une conséquence de toutes ces émotions qui m’ont traversée.

Kate sourit tout en la serrant contre elle.

- Merci d’avoir voulu me protéger, murmura-t-elle avant de venir embrasser sa joue, sa main faisant de doux va et vient dans son dos.

- Je l’avais compris à l’époque, répondit Emma. Mais ça m’a fait encore plus prendre conscience de pourquoi tu m’avais menti à propos de Cassie lorsque nous étions à La Lumeda.

Kate grogna.

- Merci de me rappeler une chose dont je ne suis pas fière.

Emma rit doucement.

- Tu devrais, répondit-elle en relevant la tête. Tu voulais me protéger, tu l’as fait par amour pour moi.

- Tout comme toi, souffla Kate avant de venir l’embrasser.

Elle se recula néanmoins soudainement.

- Mais on ne se ment plus, hein ?

Emma rit doucement avant d’hocher la tête.

- Promis, souffla-t-elle à quelques centimètres de ses lèvres avant de l’embrasser à nouveau dans un baiser empli de soulagement et d’amour.

Publicité
Publicité
1 juillet 2012

Chapitre 3 : Révélations... surprenantes.

- On dirait que l’on a raté la soirée du siècle, marmonna Liz en feuilletant le programme télé. Oh hé, l’émission de ce soir sur la Une, c’est « sept ans : couples en crise ». Elle leva les yeux et poursuivit : on sait au moins ce que l’on n’aura pas besoin de regarder.

Eva tiqua aussitôt sur ses propos, mais resta silencieuse. La dernière chose dont elle avait besoin en ce moment, c’était une dispute à coup de paroles blessantes. Elle savait qu’elle avait sa part de responsabilité dans les tensions qui habitaient son couple dernièrement. Elle pensait d’ailleurs en être en grande partie responsable, mais concernant les conflits, elle avait donné sa part. Sans compter que cela faisait partie des rares choses qu’elle avait vraiment en horreur, autant pour la peine que cela lui infligeait, que pour celle qu’elle savait susciter chez l’autre parti. 

Kate, pour sa part, lui offrit un regard appuyé.

- Dis-le si je t’ennuie, provoqua-t-elle d’un ton sarcastique.

Liz soupira tout en refermant le programme.

- Non, mais, je ne sais pas, toute personne normale irait droit au but. A ce rythme-là, on n’est pas près d’arriver au bout, et lorsque tu en auras enfin terminé, Emma sera déjà casée avec une autre.

- Liz, gronda aussitôt Eva en se redressant depuis sa place aux côtés de Kate. On est supposée l’aider, tu te souviens ?

Liz se leva et balança le programme sur la table basse avant de prendre la direction de la cuisine.

- Je sais, jeta-t-elle par-dessus son épaule avant d’ajouter d’un ton caustique : ce n’est pas comme si on n’avait pas déjà beaucoup à régler nous aussi.

Eva la regarda disparaître à travers la porte avant d’appuyer ses mains sur ses tempes tout en soupirant.

- Et merde.

- Je ferais peut-être mieux de partir, proposa Kate dont le regard ne cessait de faire des va-et-vient entre Eva et la cuisine.

Eva releva aussitôt la tête et appuya une main sur le torse de la jeune femme pour la repousser fermement contre les oreillers.

- Oh non Kate, tu restes ici, et tu ne bouges pas, commanda-t-elle sérieusement en pointant un index vers son visage. Tu ne quitteras cet appartement que lorsque cette histoire sera réglée et que toi et Emma retournerez chez vous main dans la main. Compris ?

Kate hésita et Eva soupira à nouveau tout en se passant une main sur le visage.

- Ma vie est merdique, Kate, commença-t-elle d’une voix fatiguée. En ce moment, ma vie est... merdique. Je passe mes journées allongée sur mon lit à me demander comment elle serait si...

Kate s’empara aussitôt de sa main et la serra entre les siennes.

- Ca va, je reste. Promis.

- Si j’avais su, je t’aurais prise par les sentiments un peu plus tôt, sourit tristement Eva avant de reprendre son sérieux. J’ai besoin de régler ça, Kate, s’il te plaît. J’ai besoin de réussir au moins une chose.

Kate hocha frénétiquement la tête avant de jeter un œil en direction de la cuisine.

- Tout va bien ? Entre vous deux ?

Eva détourna son regard de Kate pour le porter vers la cuisine.

- Elle est forte, pour nous deux. Moi... disons qu’il est grand temps que je me reprenne en main. Je n’ai pas été très facile à vivre ces dernier temps, ajouta-t-elle dans un sourire triste. Tu sais, je suis contente que l’on ait rien acheté, ni aménagé la chambre, ou même choisi un prénom... (Elle secoua la tête.) Je n’aurais pas pu supporter ça.

- Eva...

Eva leva les deux mains pour l’interrompre.

- Non, Kate. J’en ai marre de ce tabou qu’il y a autour de tout ça. J’ai fait une fausse couche. C’est dur. Je ne peux plus garder tout ça au fond de moi, il faut que ça sorte.

Sa gorge se contracta et elle fit une pause avant de poursuivre :

- J’en ai marre de ces gens qui portent sans arrêt un regard empli de compassion sur moi, ou qui détournent la tête à chaque fois que ce qui m’est arrivé, ce qui nous est arrivé, ajouta-t-elle en reportant son regard sur la cuisine, est mentionné.

Elle fit une pause avant de plonger son regard dans celui de Kate et ajouter :

- J’ai besoin d’avancer, ou sinon, non seulement ma santé en payera le prix, mais mon couple aussi. Je ne laisserai certainement pas ça arriver.

Kate se redressa et passa un bras autour des épaules de sa grande sœur avant de l’embrasser sur la tempe. Elle avait eu beaucoup de mal à retenir ses larmes lorsque que Liz lui avait annoncé qu’Eva avait perdu l’enfant qu’elles attendaient, mais elle avait fait tout son possible pour les retenir ; elles allaient avoir besoin de son soutien, pas de sa peine. Alors, après une profonde inspiration, elle était finalement entrée dans la chambre d’hôpital, et l’état d’Eva l’avait aussitôt inquiétée : elle était si pâle que sa peau se confondait presque avec le drap qui la recouvrait, et sa poitrine se soulevait à peine, même si régulièrement. Le médecin lui avait assuré que physiquement, Eva allait se remettre très rapidement, et pourrait avoir d’autres enfants, mais Kate n’avait pu s’empêcher de se demander combien de temps allait être nécessaire à sa sœur pour qu’elle se remette d’une telle perte. 

Elle eut un triste sourire. Peu après sa sortie de l’hôpital, Eva s’était enfermée dans un mutisme complet, et ce pendant plusieurs semaines. Elle refusait continuellement de s’alimenter et maigrissait de jour en jour ; son état physique commençant même à alarmer les médecins. Et lorsqu’enfin elle avait accepté de goûter à un plat que Liz lui avait préparé, son favori, elle s’était laissé faire docilement comme une enfant, mais avec son esprit à des lieues de la pièce dans laquelle elle se trouvait. Kate avait appris plus tard que Liz l’avait aidé à manger puis, ne parvenant plus à supporter ce manque de réaction, elle avait fini par se lever et quitter la chambre, qu’Eva ne quittait plus, pour se réfugier dans la cuisine afin de pleurer sans être entendue.

Ne sachant dire laquelle des deux était la plus malheureuse, Kate en avait décidé que c’en était trop, et après une longue conversation avec Emma, elle avait pris la décision d’intervenir. Elle s’était alors rendue à leur appartement puis était entrée sans frapper une fois Liz partie pour le travail.

Comme toujours, Eva se trouvait dans sa chambre, allongée sur le lit à observer le plafond sans le voir. Kate avait d’abord commencé par la forcer à se lever, sourde à ses protestations, avant de la pousser en direction de la salle de bain et lui intimer de prendre une douche. Eva en était ressortie plusieurs minutes plus tard, et Kate lui avait aussitôt fait signe de venir s’assoir sur la chaise faisant face à la coiffeuse.

Elle avait alors pris la parole sans se départir de sa patience :

 

- Ecoute Eva, ça ne peut plus continuer comme ça, commença-t-elle doucement en croisant le regard noisette dans le miroir, alors qu’elle séchait les cheveux blonds à l’aide d’une serviette de bain. Je sais que les jours qui viennent de s’écouler ont été... très éprouvants à vivre, mais tu dois cesser de te renfermer sur toi-même, et infliger ça à ton entourage.

Elle se tut quelques instants, redoutant d’avoir été trop franche, mais après avoir vu Liz multiplier les tentatives pour venir en aide à sa femme, elle était arrivée à la conclusion que seule une prise de conscience brutale pouvait faire sortir Eva de son mutisme et de son découragement. Elle guetta une réaction chez la femme qu’elle considérait comme sa sœur et nota avec soulagement qu’Eva avait entendu ses propos et semblait les méditer. Elle sentit une petite vague de soulagement s’emparer d’elle, c’était un progrès considérable par rapport à l’absence de réaction à laquelle elle avait habitué tout le monde depuis sa fausse couche.

- Eva, poursuivit-elle en glissant doucement ses doigts dans les mèches blondes afin de les démêler. Te renfermer dans la douleur ne t’aidera pas, ça te paraît peut-être plus simple mais –

Elle fut surprise d’être interrompue par un rire dénué d’humour.

-  Ce n’est pas parce que c’est plus simple, lâcha Eva en secouant légèrement la tête.

Kate s’immobilisa un instant, prise de court par la réponse de sa sœur. Elle s’était préparée à devoir faire un long discours pour la convaincre avant de venir, certainement pas à ce qu’elle réagisse aussi rapidement. Incertaine, elle hésita un instant avant de s’emparer de la brosse à cheveux, et décider de garder le silence pour qu’Eva puisse poursuivre le fond de sa pensée.

- Ce n’est pas parce que c’est plus simple, Kate, reprit Eva en l’observant d’un regard humide. Je n’ai simplement pas le choix.

- Si, tu l’as, coupa aussitôt Kate en relevant les yeux de sa tâche et la regardant à son tour. Tu peux choisir d’en parler, de laisser les autres t’aider.

Eva secoua la tête.

- Personne ne peut m’aider, murmura-t-elle finalement.

Kate reposa la brosse sur la table basse et vint s’agenouiller à ses côtés avant de prendre ses mains dans les siennes.

- Tu as tort, Eva, répondit-elle sérieusement. Je sais que tu souffres mais tu ne peux pas t’en sortir seule. Laisse-nous t’aider... s’il te plaît...

Eva ferma les yeux, les larmes qui avaient brouillé sa vue coulant librement le long de ses joues avant qu’elle ne les rouvre. L’émotion lui était si forte que sa gorge se contractait douloureusement, et elle dut avaler à plusieurs reprises avant de pouvoir répondre.

- C’est tellement dur Kate, renifla-t-elle finalement avant d’ajouter d’une voix tremblante : la  douleur est si forte.

Kate accentua la pression sur les mains qu’elle tenait entre les siennes, intérieurement soulagée qu’Eva ait cessé de regarder dans le vide. Mais la douleur qui transparaissait dans le regard chocolat poussa sa gorge à se nouer et elle dut lutter contre les larmes aussi fort qu’elle le put lorsque cette dernière poursuivit :

- J’ai perdu un enfant, Kate, murmura Eva avant de lever la tête vers le ciel, essayant tant bien que mal de reprendre un ascendant sur ses émotions. Ça a été horrible. J’ai cru perdre une partie de moi-même. Elle abaissa la tête et regarda de nouveau Kate, son visage trahissant l’agonie qui l’habitait : j’ai perdu une partie de moi-même ; c’est dur, Kate ; c’est tellement dur... D’abord Gaëlle, et maintenant...

Kate se redressa et la prit aussitôt dans ses bras, embrassant sa tête alors que sa main caressait son dos en un rythme réconfortant. Voir sa sœur ainsi lui déchirait littéralement le cœur, et elle ne put s’empêcher de penser qu’elle donnerait n’importe quoi pour supporter la douleur à sa place.

- Je suis là, je te tiens, murmura-t-elle fervemment. Je ne te dirai pas que je sais ce que tu ressens, puisque l’on sait toutes les deux que ce serait un mensonge ; je ne peux que l’imaginer. Mais... il faut que tu trouves la force de continuer à vivre, Eva. Tu ne peux pas lâcher prise, te renfermer sur toi-même et repousser tous ceux qui tentent de te venir en aide.

Elle se recula et encadra le visage d’Eva de ses mains avant d’ajouter :

- Liz a besoin de toi. Elle s’interrompit, puis reprit : j’ai besoin de toi.

Les sanglots s’emparèrent d’Eva et elle cessa de lutter, se laissant simplement aller dans les bras de Kate, le ton suppliant de cette dernière ayant brisé ses dernières défenses. Après de longues minutes, elle murmura :

- Comment je fais ?

- Un jour de douleur à la fois.

A ces mots, Eva ne put retenir de nouvelles larmes.

- Je ne sais pas… je ne sais pas si j’y arriverai.

- Tu es plus forte que tu ne le penses, Eva. Et tu n’es pas seule. Mais ne te détournes pas de Liz. Elle souffre aussi, tu sais. Différemment peut-être, mais te voir ainsi... rend les choses encore plus difficiles pour elle.

- C’est plus fort que moi, je n’arrive pas à…

- Je sais, l’interrompit doucement Kate. Mais elle a besoin de toi tout comme tu as besoin d’elle. Je sais que tu l’aimes profondément et je sais aussi à quel point elle tient à toi. Vous ne surmonterez cette épreuve qu’ensemble, ne t’isole pas au moment où vous avez plus que jamais besoin l’une de l’autre.

Eva s’écarta légèrement afin de s’emparer d’un mouchoir en papier et s’essuyer les joues.

- J’ai tellement peur qu’elle m’en veuille… C’était mon rôle de protéger notre enfant.

- C’était un accident, Eva, lui répondit Kate en posant ses mains sur ses genoux et les caressant de ses pouces. Et Liz le sait. Vous pourrez en avoir d’autres et je suis sûre que vous serez merveilleuses avec eux. N’aie aucun doute là-dessus.

- Mais… et si je fais à nouveau une fausse couche ?

Le ton empli de désespoir et de souffrance lui parvint aisément et Kate détourna un instant le regard avant de l’observer à nouveau.

- C’est une possibilité, admit-elle doucement, ne voulant pas mentir. Mais ne perds pas de vue que tu as toutes les chances de ton côté pour que ta prochaine grossesse se déroule à merveille. Tu es jeune et en bonne santé. Mais pour l’instant, tu dois faire le deuil de l’enfant que vous venez de perdre et accepter l’idée que tu n’es pas responsable de ce qui est arrivé. Je ne dis pas que ce sera simple, ça prendra du temps. Mais tu verras, au fil des jours, tu apprendras à vivre avec. Et tu pourras aller de l’avant à nouveau. Il faut juste que tu ne baisses pas les bras, Eva. Et accepte notre aide.

Eva ne répondit pas, les sourcils légèrement froncés alors que les paroles de Kate se frayaient un chemin dans son esprit, mais elle prenait surtout conscience du comportement qu’elle avait eu ces derniers jours. Elle avait refusé le soutien de ses parents, ignoré Kate, Emma et tant d’autres. Et puis Liz... ses mots de réconfort et ses caresses lui revinrent en mémoire et elle sentit soudainement nauséeuse face au regard empli de tristesse, de désarroi de son épouse chaque fois que cette dernière réalisait combien elle s’éloignait chaque jour davantage.

- Il faut que je voie…

- Elle ne devrait plus tarder, la coupa aussitôt Kate qui avait deviné ce à quoi elle avait pensé.

- J’ai été horrible avec elle, hein ? demanda Eva en croisant son regard. Ne m’épargne pas, Kate, s’il-te-plaît, ajouta-t-elle lorsqu’elle vit la jeune femme détourner les yeux.

Kate eut un petit sourire coupable avant de venir l’embrasser sur la joue.

- Tu n’es pas horrible ; tu traverses une épreuve horrible, c’est complètement différent, précisa-t-elle en prenant sa main dans la sienne. Personne ne t’en veut. Et Liz t’accueillera à bras ouverts, je le sais.

Eva resserra son étreinte sur les doigts de Kate avant de la prendre dans ses bras.

- Merci, souffla-t-elle contre son oreille. Je ne sais pas si sans toi, j’aurais réussi à comprendre tout ça.

- Tu n’as pas à me remercier, murmura Kate en caressant son dos. Je déteste te savoir malheureuse.

Eva lui sourit faiblement, pour la première fois depuis qu’elle avait perdu son bébé.

💕

- Je suis contente de t’entendre avoir ses paroles, répondit Kate en prenant la main d’Eva dans la sienne avant de se reculer légèrement. Ma conversation a porté ses fruits alors, hein ?

Eva resserra son étreinte sur les doigts de Kate tout en souriant faiblement.

- Elle m’a été bien utile, en effet, admit-elle. Même si j’ai encore du boulot...

- Je suis sûre que ça va aller, répondit Kate en accentuant sa pression sur sa main. On va toutes t’aider pour ça, c’est promis, ajouta-t-elle.

Eva acquiesça avant de lever la tête lorsque Liz refit son apparition avec un plateau entre les mains, elle l’observa le déposer sur la table basse puis tendre une tasse de thé fumante à chacune.

- C’est du thé rouge, ça devrait nous détendre.

Liz sentit le regard d’Eva et Kate sur elle et elle soupira.

- D’accord, d’accord, ça devrait me détendre, dit-elle avant d’afficher un air désolé. Je suis un peu à cran, en ce moment, ajouta-t-elle, reprenant consciemment les mots que Kate avait prononcés un peu plus tôt.

Malgré la culpabilité qui l’envahit, Eva lui souffla néanmoins un « merci » du bout des lèvres auquel Liz répondit d’un faible sourire qui lui réchauffa tout de même le cœur.

- Alors, reprit Eva en reportant son attention sur sa sœur. La suite de la soirée ?

Kate hocha la tête avant de se replonger moins de vingt-quatre heures en arrière.

💕

- J’ai l’impression que tout le monde me regarde, grimaça Kate en prenant appui contre le mur.

Comme promis, sa tante les avait rejointes une demi-heure plus tôt et leur avait fait faire le tour des invités afin d’être présentées à plusieurs personnalité importante du Groupe, voir du pays et de certains états avoisinant. Kate avait aisément joué le jeu, comme à l’époque, mais maintenant qu’elle et Emma avaient regagné leur place près de deux doubles portes, elle pouvait sentir les regards sur elle.

- Tu as déserté la Haute Bourgeoisie pendant plus de six années si on compte ton temps passé à La Lumeda, commença Emma en dégustant un petit four qu’elle avait attrapé au passage, entre deux présentations. Bien sûr que ça les intrigue de te voir réapparaître subitement.

Kate se mordit la lèvre.

- Je crois surtout que la plupart n’apprécient pas de me voir de nouveau ici après mon départ remarqué.

Emma releva les yeux vers elle et elle sentit son visage se fermer subitement lorsque la réalisation la frappa.

- Tous ces gens t’ont vu en sous-vêtement ? demanda-t-elle observant les invités.

- Pas tous, mais... Le regard de Kate tomba sur Emma et elle sentit un petit sourire étirer ses lèvres :  tu es jalouse ?

- Quoi ? s’exclama Emma en tournant de nouveau la tête vers elle. Non, bien sûr que non, sourit-elle nerveusement. C’est... ce serait... ridicule...

Kate rit légèrement tout en s’emparant de sa main afin de l’attirer légèrement à elle.

- Tu n’as pas à l’être, murmura-t-elle en venant l’embrasser sur la joue. Ça remonte à des années, je ne suis même pas sûre qu’ils s’en souviennent. Enfin, pas en détail, je veux dire.

Emma grogna et elle ne put s’empêcher de rire encore plus avant de s’arrêter subitement lorsqu’une figure au combien familière apparut dans son champ de vision. Les cheveux réunis à l’arrière de la tête, une robe noire épousant ses formes, les mettant en valeur tout en accentuant la longueur de ses jambes par une fine ouverture remontant jusqu’à mi-cuisse, c’était dans une élégance époustouflante que Léonora de Lonay avait choisi de se présenter à l’une des soirées les plus importantes du Groupe dont elle était la vice-présidente. Sa beauté n’était plus un secret pour personne, et à tout juste cinquante ans, Kate devait bien admettre qu’elle était toujours aussi sublime. Dommage pour elle que Jessie occupe la première place, pensa-t-elle dans un sourire satisfait.

- Tu sembles heureuse de la voir, remarqua Emma, confuse.

- Hmm ? demanda Kate alors qu’elle reprenait pied avec la réalité. Oh. Non, je me disais juste que peu importe les efforts qu’elle pouvait faire, ma tante sera toujours la plus belle femme du Groupe.

Emma leva aussitôt les yeux au ciel, un air mi-incrédule, mi-amusé se peignant sur ses traits. Kate et Jessie savaient vraiment être impossibles, parfois.

- Enlève-moi cet air satisfait de ton visage, l’admonesta-t-elle dans un sourire. Je jure que ta tante fait ressortir ton côté sale gosse.

- Ouch, merci Emma, feignit Jessie d’un air blessé alors qu’elles les rejoignaient.

Emma se sentit aussitôt rougir furieusement de n’avoir pas fait attention à son entourage avant de parler et elle se gratta maladroitement le sourcil.

- Hum, je suis désolée, ce n’était pas...

- Je sais, la rassura Jessie en posant une main sur son épaule. Il n’y a pas de mal, ne t’en fais pas. En fait..., je prendrais plutôt cela comme un compliment, ajouta-t-elle dans un sourire espiègle.

Emma afficha un air désespéré qui provoqua à nouveau le rire de son épouse. Kate s’interrompit cependant rapidement lorsqu’elle perçut l’air contrarié de sa tante.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- Eh bien, commença Jessie, visiblement désolée. Ta mère aimerait s’entretenir avec toi, seule à seule.

Kate haussa les sourcils, surprise, avant d’afficher un air désapprobateur.

- Soit elle nous voit ensemble, dit-elle en s’emparant de la main d’Emma. Soit elle ne me voit pas du tout ; c’est non négociable.

- Elle m’a dit qu’Emma avait déjà donné son accord, répondit Jessie, confuse avant de se tourner légèrement lorsqu’un homme en costume la tapota sur l’épaule.

Après quelques paroles échangées, Jessie leur fit de nouveau face.

- Le devoir m’appelle, s’excusa-t-elle. Je vous vois plus tard. Oh, et Kate, ne te force pas si tu t’en as pas envie, d’accord ?

Kate hocha aussitôt la tête avant de l’observer s’éloigner.

- Je vois que les choses n’ont pas changé ici, commenta-t-elle d’un ton amer. Les mensonges sont toujours monnaie courante lorsqu’ils veulent obtenir quelque chose.

Elle sentit Emma retirer sa main de la sienne et elle tourna les yeux vers elle, aussitôt surprise de voir combien son visage était soudainement pâle.

- Emma ? appela-t-elle, inquiète, cherchant aussitôt une chaise du regard au cas où elle allait s’évanouir.

Une main sur l’épaule l’interrompit cependant et elle vit Emma se racler légèrement la gorge avant d’affronter son regard.

- Je n’ai jamais donné mon accord.

Kate fronça les sourcils, confuse.

- Bien sûr que tu n’as jamais donné ton accord, répondit-elle automatiquement.

Pourquoi Emma prenait-elle la peine de se justifier ? Elle réalisa alors que son épouse était toujours aussi mal-à-l’aise et la compréhension se fraya petit à petit un chemin dans son esprit. Son estomac se noua.

- Mais ? demanda-t-elle malgré elle.  

Emma baissa les yeux sur ses mains liées devant elle.

- Mais... elle me l’a demandé.

Kate fronça les sourcils, confuse.

- Je ne comprends pas. Quand ?

Emma se tortilla nerveusement les doigts avant de l’observer à nouveau.

- Le coup de fil de ce soir...

- Attends, attends, l’arrêta Kate en levant les mains. Oh mon dieu, je sens que je vais être malade. Je croyais que c’était une de tes élèves ?

Elle sentit son cœur sombrer lorsqu’Emma ne répondit pas.

- C’était la première fois ? demanda-t-elle d’un ton mal maîtrisé.

- Non, répondit Emma, à contrecœur. Elle appelait de temps à autres.

Elle sentit Kate se tendre et elle se pressa d’expliquer :

- Je lui ai dit de te contacter ; à chaque fois qu’elle appelait, je lui disais qu’elle ferait mieux de te parler à toi. Mais... elle refusait toujours. Elle était persuadée que tu n’accepterais jamais.

Kate secoua la tête, incrédule. Je dois être en train de rêver.

- Et ça dure depuis combien de temps ?

Emma baissa la tête et refusa totalement de croiser son regard. Lorsqu’elle répondit enfin, sa voix était tremblante et à peine plus haute qu’un murmure :

- Six ans.

Kate porta aussitôt une main à ses lèvres tout en la dévisageant. Son cœur se serra dans sa poitrine, et elle réalisa soudainement la terrible ampleur de la situation actuelle. Elle avait la douloureuse impression de revenir à la case départ. Comme si quelqu’un, là-haut, se jouait d’elle, et qu’elle avait de nouveau perdu la partie.

Trahie par une ex, trahie de nouveau. A la douleur d’avoir été délibérément gardée dans l’ombre à répétition se mêla aussi l’humiliation de n’avoir rien vu. Et, bouleversée, elle ne parvint à reprendre pied que lorsque la faible voix d’Emma s’éleva de nouveau dans les airs.

- Le premier coup de fil remonte à peu de temps après notre emménagement ensemble, poursuivit péniblement la jeune femme dans un regard fuyant. Elle appelait à chacun de tes anniversaires, pour noël, ou lors d’évènements importants, comme un diplôme ou... notre mariage.

- Six ans..., murmura Kate, incrédule.

Emma fit un pas vers l’avant pour la toucher mais Kate se recula aussitôt.

- Tu ne m’as jamais rien dit, accusa-t-elle, le ton dur. Pour une personne qui déteste les mensonges, tu sembles pourtant en mériter la palme, cracha-t-elle de colère, ignorant les larmes qu’elle provoquait sur le visage d’Emma. Six ans... tu réalises ce que ça représente ? Tu m’as menti pendant toute la durée de notre relation. Elle écarta les bras avant d’ajouter : alors voilà. Notre histoire, c’est ça : du mensonge pur et simple.

- Kate..., renifla Emma en essayant de s’approcher à nouveau.

Kate leva les mains.

- Non, vraiment. Pour l’instant, j’ai juste envie que tu disparaisses.

Elle vit Emma porter aussitôt sa main à ses lèvres afin d’étouffer un sanglot, et elle se retourna afin de quitter l’endroit le plus rapidement possible. Sa colère était si forte qu’elle pouvait sentir ses membres trembler et la chauffer. Mais elle ne chercha pas à se détendre, au contraire. Pas avant d’avoir quitté l’endroit. Car elle savait qu’une fois que cette énergie aurait quitté son corps, elle s’effondrerait.

Venir ici était vraiment une mauvaise idée. Voilà qu’elle laissait à peine ses parents entrer de nouveau dans son existence que son couple volait en éclat avant même qu’elle n’ait eu le temps de poser ses yeux sur eux.

Elle pressa le pas et poussa les doubles portes en verre donnant sur le hall d’un geste brusque. Son énergie était telle qu’elle pouvait sentir son cœur battre dans ses oreilles et son sang pulser dans ses veines. Elle était énervée, et en colère, si bien que lorsque que quelqu’un attrapa son bras pour la retourner, sa main partit toute seule.

La respiration saccadée, Kate resta un instant interdite à observer sa paume déjà rougie avant de dévier son regard sur la seule et unique personne dont elle aurait préférée être battue à mort plutôt que de lever la main sur elle.

Emma tourna doucement la tête dans sa direction tout en portant une main à sa joue et Kate sentit la nausée s’emparer d’elle face au geste qu’elle venait de commettre.

- Je...

- Katherine ?

Son regard accrocha celui d’Emma et Kate se retrouva figée sur place. Elle n’avait pas entendue cette voix depuis six longues années. Elle l’avait même fuie. Et voilà que maintenant, elle se trouvait à quelques mètres d’elle et demandait son attention.

- Kate...

La voix d’Emma la sortit soudainement de sa paralysie et elle ferma les paupières, prenant une profonde inspiration qu’elle expira doucement avant de rouvrir les yeux.

- Ma mère m’appelle, lâcha-t-elle d’un ton dénué d’émotion, avant de s’éloigner.

Emma se contenta de l’observer, les bras ballants de chaque côté de son corps, sa lèvre inférieure fermement coincée entre ses dents pour ne pas craquer à nouveau.

1 juillet 2012

Chapitre 2 : Oh jours heureux, où êtes-vous donc passés ?

Tout va bien.Tout va bien.Tout va bien.Tout va bien.Tout va bien.

Kate se répéta les trois mots de manière incessante, détâchant son regard de la porte et priant son corps de bien vouloir faire demi-tour et avancer le long du couloir.

Ou plutôt de ne pas céder. Ne pas céder à l’envie de simplement s’effondrer sur le sol et laisser la douleur et l’obscurité s’emparer d’elle tant la douleur lui était insupportable. Comment les choses avaient-elles pu se détériorer autant en à peine vingt-quatre heures ? Comment pouvait-on passer aussi rapidement de tout... à rien ?

Son dernier espoir venait de la délaisser lui aussi.

Sa vue se brouilla de nouveau et un sanglot étouffé remonta le long de sa gorge, la poussant à resserrer ses bras autour de sa taille alors qu’elle s’approchait de l’escalier en colimaçon. Elle s’essuya les yeux d’une main irritée et prit une profonde inspiration afin de se calmer, du moins le temps de trouver un endroit calme dans lequel elle pourrait se rouler en boule et prier la douleur de disparaître.

A espérer revenir en arrière.

Son ventre se contracta à nouveau et un gémissement agonisant s’échappa de ses lèvres alors qu’elle s’apprêtait à descendre la première marche. Elle fut cependant surprise de sentir une main agripper son bras, avant de doucement la forcer à se retourner. Un visage ô combien familier lui apparut, et elle se laissa retomber contre le mur derrière elle, des larmes de soulagement dévalant cette fois-ci également le long de ses joues.

Une main se posa sur sa joue avant de la caresser délicatement et essuyer les traces de l’incommensurable chagrin qui l’habitait.

- Viens, murmura Eva en la tirant vers elle avant de la prendre dans ses bras, se mordant l’intérieur de la joue pour s’empêcher de fondre en larmes à son tour face à la tristesse qu’elle avait aisément lue dans le regard de Kate. Ça va aller, poursuivit-elle d’une voix douce. Ça va aller...

Le corps secoué de sanglots qu’elle avait de plus en plus de mal à contrôler, Kate accueillit aussitôt l’étreinte et s’agrippa au corps d’Eva dans un désespoir évident.

- J’ai tout gâché... j’ai tout gâché, Eva..., répéta-t-elle encore et encore dans une voix agonisante. Oh mon Dieu, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ?

Eva ferma les yeux, avalant difficilement, avant de murmurer des paroles réconfortantes au creux de l’oreille de Kate tout en les guidant vers l’appartement.

💕

Qui aurait pu s’imaginer qu’une tasse de thé pouvait être aussi intéressante ? pensa Liz alors qu’elle observait la petite formation de bulles microscopiques flottant à la surface, due au lait qu’elle y avait ajouté, et qui donnait parfois des formes surprenantes. Installée dans le fauteuil, à côté du canapé sur lequel était assise Eva, elle pouvait voir du coin de l’œil son épouse dont le regard était fixé sur la télévision. Le volume était baissé au minimum, et Liz savait qu’Eva était trop préoccupée par ses pensées pour prêter attention à ce qu’il se passait à l’écran.

Elle soupira. Un mois auparavant, elle serait simplement venue s’installer à ses côtés et l’aurait prise dans ses bras, lui apportant soutien et réconfort avant qu’elles ne cherchent ensemble une solution à ce qui pouvait bien la tracasser. Aujourd’hui, elle ne savait même plus si sa présence était simplement bienvenue ou non.

Un mouvement sur sa droite lui fit relever la tête et elle aperçut  Kate entrer de nouveau dans la pièce, vêtue d’un jean et d’un t-shirt à manche courte qu’Eva lui avait prêtés, ses longs cheveux humides retombant nonchalamment sur ses épaules. Ses yeux étaient toujours rouges et gonflés, mais au moins, elle ne pleurait plus.

Liz la vit prendre place sur le canapé et s’emparer aussitôt des deux cachets qu’Eva lui tendit, les avalant à l’aide d’un verre d’eau avant de se glisser dans les bras de la femme qu’elle considérait comme sa grande sœur, lorsque cette dernière l’y invita. Liz ne put s’empêcher de ressentir un pincement de jalousie face à cette proximité qu’elles partageaient, et dont elle ne se souvenait même plus à quand remontait la dernière fois qu’elle l’avait elle-même partagée avec Eva.

Elle soupira à nouveau.

- La douche t’a fait du bien ? demanda Eva en embrassant le dessus de la tête de Kate.

- Le fait d’avoir pu me laver les dents surtout, grimaça Kate avant de se laisser retomber contre le dossier et fermer les yeux.

Liz l’observa avant qu’un léger raclement de gorge ne lui fasse légèrement tourner la tête et elle croisa le regard d’Eva alors que cette dernière caressait les cheveux de Kate d’un air absent. Elle haussa un sourcil interrogateur auquel Eva répondit en désignant Kate d’un signe de tête.

Le second sourcil de Liz vint rejoindre son frère et elle secoua frénétiquement la tête. Oh non, non, non, non, non, non, pensa-t-elle fervemment, faisant comprendre à Eva qu’il était hors de question qu’elle entame la conversation. Eva leva les yeux au ciel avant de lui offrir un regard insistant à nouveau. Liz soupira.

- Hum, commença-t-elle en se raclant légèrement la gorge tout en reportant son attention sur Kate. Alors comme ça, tu l’as trompée.

Eva porta une main à son visage, incrédule, avant d’articuler silencieusement : « Liz ! ». La jeune femme lui répondit par un regard signifiant clairement : Tu as voulu que je commence, assume ! poussant Eva à simplement secouer la tête.

Kate se frotta le visage avant de rouvrir les yeux.

- C’est ce que j’ai dit, oui, répondit-elle simplement.

- Et... ? demanda Liz, un sourcil haussé.

Kate croisa ses bras sous sa poitrine.

- Et quoi ? soupira-t-elle. ‘Tromper’ n’est pas assez clair pour toi ? Il faut que je te fasse un dessin ?

- Kate, coupa Eva en prenant sa main dans la sienne. On veut simplement t’aider.

Kate se pinça l’arrête du nez avant de soupirer à nouveau.

- Je sais, pardon, ajouta-t-elle en direction de Liz. Je suis plutôt à cran en ce moment.

Liz hocha la tête d’un air entendu, ne comprenant que trop bien le sentiment, avant de prendre une gorgée de son thé.

- Alors..., reprit-elle. Que s’est-il passé, exactement ?

Kate baissa les yeux vers sa main qui tripotait la couture de son jean d’un air absent.

- Le Groupe De Lonay s’est réuni hier soir, commença-t-elle avant de relever les yeux pour les regarder tour à tour. Et, une fois n’est pas coutume, j’ai décidé de m’y rendre.

Arcadie, la capitale. La veille au soir. 

Kate dépassa les doubles portes et pénétra dans la salle de séjour où la réception allait avoir lieu. Son regard s’attarda un instant sur les convives, et elle reconnut aussitôt plusieurs visages parmi les hommes en costume foncés, et les femmes en tenue de soirée ; des jeunes de son âge ayant fait partie du même groupe qu’elle avant même qu’elle ne soit adolescente, des associés de ses parents, des collaborateurs, des conseillers, des amis, etc. La plupart discutaient en petits groupes ici et là, s’interrompant de temps à autre pour saluer une connaissance, ou attraper une coupe de champagne ou un petit four sur le plateau des serveurs évoluant dans la salle. Certains dansaient déjà au rythme de l’orchestre tandis que d’autres, au vu de l’air concentré qui habitait leurs visages, parlaient très certainement affaire.

- Il semblerait que rien n’ait changé en six ans, murmura-t-elle alors qu’elle levait les yeux vers le décor qui l’entourait.

Des dorures et tableaux de maître étaient éparpillés ici et là, tandis que d’impressionnants chandeliers en cristal ornaient le plafond à divers endroits, mettant en valeur le mobilier ancien, la piste de danse, et les nombreuses tables rondes éparpillées ici et là sur sa gauche. Elle nota également la présence d’une estrade, juste à côté de l’orchestre, pour les futurs discours.

- Non, rien n’a changé, répéta-t-elle à nouveau.

- Tu sais comment c’est, répondit Jessie en entourant ses épaules de son bras. Les valeurs bourgeoises et patati et patata..., dit-elle en remuant une main dans les airs.

Elle fut ravie d’entendre le rire qui s’échappa des lèvres de sa nièce. Allez Kate, ne les laisse pas t’atteindre et te miner le moral ; tu vaux beaucoup mieux que ça.

- Ecoute, reprit-elle sérieusement en lui faisant face. Je dois m’absenter un instant, crois-le ou non, mais nous avons encore quelques petits détails à régler pour que tout soit en ordre. C’est...

- ... l’un des plus grands évènements du Groupe De Lonay, soupira Kate en levant les yeux au ciel. La presse ne parle que de ça depuis des mois, s’il te plaît, si tu t’y mets aussi, je n’y survivrais pas, gémit-elle.

- D’accord, d’accord, répondit Jessie, un sourire amusé accroché aux lèvres alors qu’elle levait les mains en signe d’apaisement, Je vais faire aussi vite que possible, ensuite, je te présenterai à tout ce beau monde, d’accord ? demanda-t-elle avant d’ajouter d’un air conspirateur : enfin, seulement ceux qui en valent vraiment la peine.

Kate lâcha de nouveau un rire tout en acquiesçant.

- D’accord, dit-elle avant de l’observer un instant, hésitante. Est-ce que tu sais...

- Tes parents ne m’ont rien dit, la coupa doucement Jessie en prenant la main de sa nièce dans la sienne et exerçant une légère pression. Je t’aurais mis dans la confidence sinon.

- Je sais, répondit simplement Kate. Tu ne trouves pas ça étrange qu’ils t’aient toi aussi gardée dans l’ombre ?

Le visage de Jessie s’assombrit aussitôt.

- Ton père n’a malheureusement jamais su faire la distinction entre vie professionnelle et personnelle, dit-elle, le ton dur. S’il veut se comporter comme un enfant dans une cour d’école, qu’il en fasse ainsi, mais je ne m’abaisserai certainement pas à son niveau.

- Tu penses qu’ils préparent un mauvais coup ?

- Kate, commença Jessie, son expression s’adoucissant ostensiblement. Laisse-moi me soucier de ça, d’accord ? Toi, tu t’installes, et tu profites, finit-elle dans un clin d’œil.

- D’accord, répondit Kate, à contrecœur. Je vais faire de mon mieux.

Jessie vint l’embrasser sur la joue.

- Bien, sourit-elle avant de s’éloigner. A tout à l’heure.  

Kate l’observa se faufiler parmi les invités puis finalement disparaître à travers l’une des nombreuses sorties qui entouraient la pièce. Elle s’apprêtait à rechercher la table où elle avait été placée lorsqu’un bras vint soudainement entourer sa taille avant qu’un souffle chaud ne chatouille son oreille :

- Hé, gorgeous, la salua la voix qu’elle connaissait par cœur avant que des lèvres ne viennent embrasser sa joue. Comment va notre chirurgienne ?

Kate leva les yeux au ciel avant de sourire lorsque la jeune femme apparut dans son champ de vision. Vêtue d’une robe bleue nuit faisant ressortir ses yeux, Cassandra Elsa Spigarelli avait réuni sa longue chevelure blonde en une queue de cheval lâche qui venait nonchalamment reposer sur son épaule droite. Ses talons hauts accentuaient quant à eux son allure féminine et son lumineux sourire la rendait tout simplement à couper le souffle.

Cassie était la femme qui avait surpris tout le monde par sa métamorphose impressionnante. Dotée d’une une réelle capacité d’adaptation et d’une assurance sans faille, elle était devenue une dominante, et ce par tous les aspects inimaginables : partant de la classe, à la démarche, en passant par son sourire ou encore son regard bleu azur, avec ce qu’il fallait de dureté dans le visage pour faire front à ses responsabilités.

Mais ce qui faisait vraiment sa force, selon Kate, c’était sa grande simplicité, non affective, juste vraie et touchante, et sa sincérité sans excès. Cassie avait offert une nouvelle image de la Bourgeoisie, et n’en déplaise à certain, elle avait rapidement trouvé sa place et s’était attiré nombre de partisans.

La plupart lui mange même dans la main, pensa Kate, amusée, alors qu’elle venait l’embrasser à son tour.

- Tu es magnifique, répondit-elle en la gratifiant d’un regard appréciateur. Certains doivent damner le ciel que tu sois déjà prise.

Cassie rougit légèrement.

- Merci, répondit-elle avant de désigner la tenue de Kate. Tu n’es pas mal non plus, une robe en soie rouge bordeaux qui vient caresser le sol et dévoile tes épaules. Hmm, je suis sûre que ta douce a choisi ; ma meilleure amie m’écoute, finalement, taquina-t-elle.

Kate feignit un air blessé.

- Ta meilleure amie ? Et moi qui pensais que c’était moi.

- Tcht, feignit de l’admonester Cassie en lui donnant une légère tape. Tu es mon ex petite amie, le rôle de meilleure amie t’es déjà passé sous le nez.

Kate leva les yeux au ciel.

- C’était il y a sept ans, tu pourrais faire un petit effort et m’accorder une exception.

Cassie l’observa du coin de l’œil tout en faisant mine de réfléchir.

- Nan, la place est déjà prise, et il n’y en a qu’une. (Elle lui tapota affectueusement l’épaule.) Désolée, tu resteras mon ex.

- Vilaine, répondit Kate avant de soupirer. Sept ans déjà, le temps file à toute allure, hein ?

- Hmm, acquiesça Cassie. Vingt-quatre ans et..., elle s’empara de la main de Kate qu’elle leva au niveau de leurs visages, ...toutes les deux casées, mais pas ensemble, sourit-elle en désignant leurs alliances respectives. On m’aurait dit ça à l’époque, je n’y aurais jamais cru : ni à l’un, ni à l’autre.

Kate observa la bague qui ornait son annulaire :

- Mais la vie nous a plutôt bien réussie, non ?

Cassie glissa un bras autour de sa taille et colla sa joue contre la sienne afin de suivre son regard.

- Elle nous a souri, Kate ; on peut définitivement s’estimer chanceuses. (Elle se recula et regarda autour d’elle.) En parlant de ça, où as-tu cachée ta demoiselle ?

- Elle ne devrait plus tarder, répondit Kate. Elle a reçu un coup de fil important du travail au moment où on devait partir ; elle m’a littéralement mise à la porte afin que l’une de nous deux, au moins, soit à l’heure, finit-elle d’un air qui montrait clairement son désaccord.

Cassie haussa les sourcils.

- Un coup de fil du travail ? A 20h un samedi soir ?

- Une de ses élèves a des problèmes personnels, expliqua Kate en replaçant son châle sur ses épaules. Des parents en pleins divorces, la pauvre se retrouve coincée au milieu de tout ça et ça se ressent sur ses notes. Elle a du mal à se concentrer en cours, elle a même fondu en larme hier. Bref, tu sais comment est Emma...

- Elle ne peut pas s’empêcher d’apporter son aide, continua Cassie en hochant la tête. Elle me rappelle Eva, ajouta-t-elle d’un air nostalgique avant de s’interrompre. Comment va-t-elle ?

Kate prit une profonde inspiration qu’elle relâcha doucement :

- Elle a connu mieux, admit-elle.

- Je m’en doutais. J’ai essayé de l’appeler à plusieurs reprises la semaine dernière, mais elle n’a pas décroché. Puis elle m’a envoyé un message me disant qu’elle était débordée et m’appellerait dès qu’elle le pourrait. J’attends toujours...

Kate fronça les sourcils.

- Débordée ? Elle vient de décrocher son diplôme d’ingénieure architecte, elle n’a même pas encore commencé à travailler, répondit-elle d’un ton pensif. Je pense surtout qu’elle évite tout contact social, tu ferais peut-être mieux de lui rendre visite en personne...

- Je sais, acquiesça Cassie d’un air coupable. J’ai été pas mal prise, ces derniers temps.

Kate leva les yeux au ciel.

- Une lune de miel qui s’éternise, tu veux dire.

Là où elle s’était attendue à voir Cassie lui tirer la langue, la jeune femme lui offrit un regard empli de sous-entendus :

- Jalouse ? provoqua-t-elle.

- Non, marmonna Kate, vexée de s’être fait prendre à son propre jeu. Ça va très bien de ce côté-là.

Cassie rit mais choisit de la laisser tranquille.

- J’aurais aimé, mais non, répondit-elle d’un ton sérieux. Depuis le décès de mon père, je suis littéralement débordée. Je n’imaginais pas que reprendre la tête d’un Groupe demandait autant, même si je ne suis pas seule.

- Ta mère doit être ravie, un bon parti, la reprise de la société familiale...

Cassie grimaça.

- Une part de moi a encore envie de tout envoyer en l’air juste histoire de me rebeller, tu sais. J’ai voulu tout ce que j’ai aujourd’hui, et je suis heureuse avec ma vie comme elle est. Mais le simple fait de penser qu’ils ont tout fait pour que je suive leurs attentes... ça me rend malade. (Elle secoua la tête.) Sans Jérôme et Michael, je ne serais pas allée au bout. Mais mon père n’est plus là pour me mettre la pression, maintenant. J’ai enfin la vie que je désirais.

Kate s’empara de sa main.

- Je suis vraiment contente pour toi. Et en parlant du loup, il n’est pas là ?

- Non, sourit Cassie, comme à chaque fois que son époux était mentionné. Voyage d’affaire, il est parti ce matin et je le rejoins demain.

Un serveur passa près d’elles et elles s’emparèrent chacune d’une coupe de champagne avant que Cassie ne reprenne :

- Je ne pensais pas t’y voir, par contre, dit-elle après avoir bu une gorgée de sa boisson. Tu n’as pas remis les pieds dans ce genre de soirée depuis que toi et Emma êtes ensemble.

- C’est vrai, répondit Kate, le regard fixé sur sa coupe. J’ai reçu un carton d’invitation, comme toujours. Emma a suggéré que l’on vienne, soulignant le fait que l’on ne t’avait pas vue depuis longtemps.

Cassie sourit mais n’eut pas le temps de répondre qu’une tornade blonde se précipita dans ses bras, la faisant presque tomber à la renverse.

- Woah doucement ! rit Cassie en retournant l’étreinte. Tu vois Kate, ça, c’est une meilleure amie. Un câlin en signe de bonjour, tu sais ? Toi, tu m’as donné quoi ? Oh oui, un sourire accompagné d’un bisou.

- Excuse là, ses bonnes manières s’envolent depuis qu’elle a déserté la Haute Bourgeoisie, taquina Emma en jetant néanmoins un clin d’œil à Kate.

Elle se recula et s’empara de la main de Cassie tout en la détaillant de la tête aux pieds.

- Tu es... superbe, souffla-t-elle d’un air appréciateur. Dommage que Michael ne soit pas là, il rate quelque chose.

Cassie remua une main dans les airs.

- Oh non, vu la tenue dans laquelle il m’aura demain, il sera très loin de rater quoi que ce soit, taquina-t-elle, les yeux brillants.

Emma haussa les sourcils, priant que la rougeur qu’elle sentait s’étendre sur son visage ne soit pas aussi visible qu’elle le redoutait, avant de se tourner vers Kate :

- Elle est en forme, répondit-elle avec ironie avant de venir se glisser dans les bras de son épouse et l’embrasser dans le cou.

- Je confirme, acquiesça Kate en serrant Emma contre elle avant de l’observer attentivement. Ça va ?

Emma lui offrit un regard confus.

- Oui, pourquoi ? demanda-t-elle.

- Le coup de téléphone, expliqua Kate. C’est allé ?

- Oh, répondit Emma, clignant des paupières avant de sourire. Oh oui, oui, c’est allé, t’en fais pas, poursuivit-elle en remuant une main dans les airs.  

Kate fronça les sourcils face à la réaction de son épouse avant de laisser tomber lorsqu’Emma lui vola un baiser.

- Hmm, ça m’avait manqué ça, ronronna-t-elle dans l’oreille toute proche.

Emma lâcha un rire avant de se retourner vers Cassie.

- La prochaine fois, n’attendons pas aussi longtemps avant de nous revoir ; Noël remonte déjà à trois mois...

- C’est ça d’avoir fui la capitale, reprocha aussitôt Cassie dans un sourire. Mais je suis d’accord, sans compter qu’une soirée mondaine n’est pas ce qu’il y a de mieux pour des retrouvailles.

- Hmm, acquiesça Kate. Surtout lorsque la dernière à laquelle j’ai assisté s’est terminée en fiasco.

Cassie fronça les sourcils avant d’afficher un petit sourire.

- Oh oui, cette sombre histoire de sous-vêtements assortis pour seule et unique tenue... (Lorsque Kate ne réagit pas, elle ajouta plus sérieusement : ) Hé, mieux vaut en rire qu’en pleurer, non ? Rappelle-toi, la vie t’a souri.

La bonne humeur de Kate refit aussitôt son apparition.

- Elle m’a même plutôt gâtée, répondit-elle en regardant Emma. 

Emma rougit légèrement et vint lui souffler un « je t’aime » à l’oreille avant de l’embrasser au coin des lèvres. Elle grimaça un instant, elle et Kate s’étant mises d’accord sur le fait de ne pas être trop démonstratives dans l’unique but de ne pas créer de scandale, avant d’hausser intérieurement les épaules. Bah, ils n’auront qu’à faire avec.

Elle sut que Kate pensait la même chose lorsque cette dernière lui vola un baiser sur les lèvres. Elle sourit, amusée.

- Bon, je vais vous laisser avant que vous n’oubliez réellement ma présence, et celle des invités ici présents, feignit de soupirer Cassie en levant les yeux au ciel. J’ai encore des gens à saluer, de toute façon. Maria vous a aidé pour les valises ?

- Oui, ta servante a été parfaite, soupira Kate.

Cassie posa ses mains sur ses hanches.

- Tu sais très bien qu’elle est plus qu’une simple servante pour nous, répondit-elle avant de hausser un sourcil. Et puis, tu ne t’en plaignais pas lorsqu’elle s’occupait de toi étant petite.

Kate afficha un petit sourire.

- Tu sais très bien qu’elle était plus qu’une simple servante pour moi, répondit-elle à son tour.

Cassie secoua la tête, un rire s’échappant néanmoins de ses lèvres.

- Kate, tu n’es pas possible, dit-elle tout en commençant à s’éloigner. Bon, je vous vois plus tard. Amusez-vous bien !

Emma et Kate lui firent un petit signe de la main puis Emma reporta son attention sur Kate une fois qu’elle eut disparut de leur champ de vision.

- Honnêtement Kate, ça va ? demanda-t-elle en frôlant sa joue du bout de ses doigts.

Kate hocha la tête, une fois de plus surprise de voir combien Emma arrivait à lire si facilement en elle.

- Oui, la rassura-t-elle. Je crois... que le fait d’être ici me rappelle simplement ce à quoi je n’ai plus voulu penser pendant ces dernières années.

Le visage d’Emma s’assombrit aussitôt par la culpabilité et elle se racla maladroitement la gorge.

- Ecoute, on n’est pas obligée de rester si tu n’en as pas envie...

Kate sourit légèrement avant de venir l’embrasser sur la tempe. C’était impressionnant ce que l’on changeait en six ans, et pourtant, au fond, on restait la même personne. C’était du moins ce qu’elle pensait alors qu’elle laissait son regard courir sur les traits qu’elle affectionnait tant. La même finesse, la même douceur. Mais en plus accentué. La jolie adolescente était devenue une jeune femme magnifique, au sourire calme et à la pose toujours assurée, modeste, et un brin candide parfois.

- Il est un peu tard pour ça, non ? dit-elle en venant enrouler son doigt autour d’une mèche blonde. Faire demi-tour alors que l’on est à deux pas de la réception, après avoir parcouru tout ce chemin...

- Et enfiler nos déguisements, surenchérit la voix d’Emma, taquine.

Kate se mit à rire tout en venant embrasser la douceur d’une joue.

- Ca, mon amour, c’est l’unique raison qui valait la peine de notre présence ici. Tu es magnifique en robe, surtout lorsque sa couleur épouse celle de tes yeux.

Emma rougit légèrement tout en frôlant inconsciemment le tissu de ses doigts. Elle s’approcha à son tour de l’oreille de Kate :

- Je veux bien te croire, tu me l’as prouvé à l’hôtel, puis dans l’ascenseur et... oh dans le hall d’entrée lorsque nous étions en route jusqu’ici, aussi.

Kate sentit sa bouche s’assécher et elle ne sut dire si c’était dû au souffle d’Emma qui la chatouillait agréablement ou aux paroles qu’elle venait d’avoir. Ou les deux.

- Je vote pour que l’on rentre maintenant.

Le rire d’Emma lui parvint aussitôt.

- D’accord.

- D’accord ? s’étonna Kate, faisant aussitôt face à la sortie avant qu’Emma ne change d’avis.

- Je vois bien que tu n’es pas à l’aise, soupira Emma en reprenant son sérieux. Alors oui, si tu veux rentrer, je te suis.

Kate se mordilla la lèvre inférieure alors qu’elle s’accordait un moment de réflexion.

- Une part de moi en a envie, admit-elle finalement. Mais, aussi fou que cela puisse paraître, il y a des visages que j’ai envie de retrouver. Et je dois avouer que je suis vraiment curieuse de savoir qui ils ont choisis pour reprendre ma place.

- Alors allons-y, sourit Emma en la tirant légèrement par la main. Et puis, une sœur, cousin, cousine, neveu, nièce… le choix ne manque pas, pas vrai ?

Kate hocha la tête. Un mois plus tôt, alors qu’elle revenait d’une longue journée de stage à l’hôpital de la ville où elles habitaient, Emma lui avait tendu un courrier officiel portant son nom. Quelle n’avait pas été sa surprise d’y découvrir un carton d’invitation à la succession du siège du Groupe De Lonay. Celui-là même pour lequel elle avait été conditionnée depuis sa plus tendre enfance.  

Les questions s’étaient alors bousculées dans sa tête malgré elle. Qu’était-il advenu de son père ? Et sa mère, ne comptait-elle pas reprendre les rênes s’il advenait quelque chose à ce dernier ? Et, plus important encore, elle ? Cela signifiait-il qu’ils comptaient enfin la laisser en paix ? Pour de bon ?

Elle se demandait surtout en quoi sa présence était-elle requise. Non pas qu’elle avait cessée de recevoir des cartons d’invitations, mais pour celui-ci, elle avait l’impression d’être victime d’un comportement puérile, comme si on cherchait à lui dire : « regarde ce qui va te passer sous le nez ! »

Elle soupira.

- En effet, répondit-elle. Mais, et toi ? Qu’est-ce que tu veux faire ?

Emma s’approcha jusqu’à coller son front contre le sien, ses bras venant automatiquement encercler la fine taille de Kate.

- Etre avec toi, répondit-elle tout simplement. Ici, ou ailleurs, peu importe. J’ai choisi le weekend dernier, c’est ton tour, ajouta-t-elle d’un air malicieux.

Kate éclata de rire.

- Emma... c’était aventure parc.

- Et alors ? sourit Emma en haussant les épaules. Une soirée mondaine, c’est une aventure aussi, taquina-t-elle avant de reprendre son sérieux. On peut rentrer dès que tu en ressens le besoin. Mais ne t’en fais pas, je te protégerai, ajouta-t-elle dans un clin d’œil.

Kate sourit, charmée.

- Je t’aime, souffla-t-elle en venant lui voler un baiser.

- Moi aussi, murmura Emma avant de glisser un bras autour du sien. On y va alors ?

- Hmm. Je ne voudrais surtout pas me mettre ta meilleure amie à dos, qui sait ce qu’elle pourrait me faire ?

Emma ricana.

- C’est vrai que Cassie s’est montrée assez convaincante par le passé.

Kate sourit ; il s’en était passé des choses depuis La Lumeda.

1 juillet 2012

Chapitre 1 : Trois... deux... un...

- Mademoiselle ? Mademoiselle ?

Une main se posa sur son épaule et Elizabeth Graham Bathory sursauta avant d’afficher un faible sourire d’excuse :

- Excusez-moi, répondit-elle, sa voix rendue rauque par les pleurs.

Elle porta de nouveau à ses yeux le mouchoir usagé qu’elle tenait roulé en boule dans sa main puis se frotta maladroitement le sourcil.

- Hum, est-ce que... est-ce que l’on pourrait discuter de cela plus tard ? demanda-t-elle finalement. J’aimerais vraiment retourner à son chevet avant que l’opération n’ait lieu.

Le médecin hocha la tête, un air compatissant sur le visage.

- Bien sûr. Si vous avez besoin, n’hésitez pas ; les infirmières me préviendront aussitôt.

Elizabeth le remercia d’un hochement de tête puis l’observa disparaître le long de l’interminable couloir blanc, remerciant intérieurement sa mère et sa position de première ministre du pays pour pouvoir bénéficier de ces traitements de faveur. Son attention se porta sur la porte située à côté d’elle et elle posa la main sur la poignée, hésitant quelques secondes avant de la tourner avec force. Elle savait à quoi s'attendre, cependant, elle ne put réprimer un hoquet de surprise lorsque son regard s’arrêta sur le lit.

Eva Stéphanie Andreone, son épouse, lui parut encore terriblement plus fragile. Son teint n’avait retrouvé aucune couleur depuis la nuit précédente où elle avait été hospitalisée, et Elizabeth avait l’impression qu’elle avait maigri. S’approchant jusqu’à prendre place sur le rebord du lit, elle glissa une main légèrement tremblante dans l’une de celles de sa moitié, avant de détailler du regard chacun des traits qu’elle aimait tant.

Oh Eva..., il faut que tu te remettes, mon cœur, pensa-t-elle alors qu’elle luttait de nouveau contre les sanglots qui montaient. Je n’y arriverai pas sans toi. Je ne suis rien sans toi, Eva.

Les minutes s’écoulèrent, lentes et douloureuses, et lorsqu’elle dégagea doucement une mèche blonde d’un front aussi pâle que le chemisier qui recouvrait son propre corps, Eva frémit sous la caresse, et un soulagement immense s’empara de Liz lorsqu’elle la vit ouvrir difficilement les yeux.

Eva cligna des paupières à plusieurs reprises avant de porter son attention sur elle, et Liz eut l’impression qu’il lui fallut plusieurs secondes avant qu’elle ne se remémore où elle se trouvait. Puis, lorsque leurs regards se croisèrent, elle dut se mordre l’intérieure de la joue pour ne pas pleurer elle aussi lorsqu’elle vit les yeux noisettes se remplirent de larmes.

- Liz…, murmura Eva d’une voix rendue rauque par les nombreuses heures durant lesquelles elle était restée inconsciente.

- Je suis là, mon amour, répondit aussitôt Liz en venant l’embrasser sur le front à plusieurs reprises. Tout va bien, tu n’as rien à craindre, murmura-t-elle avec ferveur.

Eva secoua légèrement la tête :

-  Tu dois me détester, lâcha-t-elle finalement en se mordant la lèvre, de nouvelles larmes coulant le long de ses joues.

Le cœur de Liz se serra aussitôt et elle encercla le visage d’Eva de ses mains afin de doucement la forcer à croiser son regard.

- Non, non…, renifla-t-elle avant de la prendre dans ses bras et la serrer contre elle. Ne dis pas ça, mon amour. Je t’aime.

Les premiers sanglots lui parvinrent et Liz la berça pendant de longues minutes, lui murmurant des mots rassurants au creux de son oreille. Lorsqu’enfin Eva se calma sous l’effet de ses paroles, elle se recula légèrement et vint chasser de ses pouces les larmes qui lui striaient les joues.

- Eva, écoute-moi, reprit-elle en plongeant son regard dans le sien. Je t’en supplie, tu dois cesser de croire que ce qui est arrivé est de ta faute.

Eva s’accrocha aussitôt désespérément à elle.

- Non, Eva, la coupa Liz en secouant frénétiquement la tête alors qu’elle n’arrivait plus à retenir ses larmes elle non plus. C’était un accident. Regarde-moi. Un accident. Ça aurait pu arriver à n’importe qui ; tu n’y es pour rien, mon cœur.

Eva vint enfouir de nouveau son visage dans le creux de son cou, et Liz la serra aussitôt encore plus contre elle, désemparée de la voir ainsi alors qu’elle aussi était fortement éprouvée.

- Je ne me souviens même pas de ce qu’il s’est passé…, lui parvint finalement le faible murmure d’Eva.

- C’est normal, murmura Liz dans l’espoir de la rassurer. Le docteur a dit que cela arrivait souvent, tu es encore en état de choc.

- Je ne comprends pas… J’ai beau y penser sans cesse, ça ne me revient pas.

Liz l’embrassa tendrement sur le dessus de la tête.

- Plus tu essayeras de te rappeler, moins tu y parviendras, mon amour. L’essentiel pour l’instant, c’est que tu te reposes ; tu en as besoin pour reprendre des forces.

- Je ne sais pas si j’y arriverai, renifla Eva en accentuant sa prise sur le chemisier de Liz.

Liz caressa son dos en des cercles réconfortants.

- Ferme les yeux, lui souffla-t-elle d’une voix douce tout en la berçant doucement. Je suis là. Il ne t’arrivera rien, je te le promets.

💕

Appuyée contre le chambranle de la porte, une tasse de thé entre les mains, Liz secoua légèrement la tête afin de reprendre pied avec la réalité. Elle l’avait observée pendant de longues minutes, ce jour-là, tout comme elle l’observait de nouveau aujourd’hui depuis sa position à l’entrée de la chambre. Allongée sur le lit, les cheveux encore humide de la douche qu’elle venait de prendre, Eva regardait le plafond sans le voir, ses mains réunies sur son ventre. Liz nota qu’elle portait de nouveau son vieux caleçon et son débardeur, et elle soupira, devinant aisément qu’Eva comptait encore passer la journée à l’intérieur.

Les jours qui avaient suivi l’hospitalisation d’Eva avaient fait partie des plus douloureux de leurs existences. Bien que fatiguée, le docteur lui avait assuré que sa moitié allait bien et qu’elle pourrait se lever dès le lendemain de son internement à l’hôpital. La connaissant à la perfection, Liz avait été persuadée qu’Eva se réjouirait lorsqu’elle lui ferait part de la nouvelle, car elle savait qu’habituellement, Eva ne supportait pas d’être inactive et confinée. Elle avait été la première surprise lorsqu’Eva n’avait manifesté aucune envie de se lever, et encore moins de quitter la chambre.

Et ça dure depuis trois semaines, pensa-t-elle, dépitée. Jamais Eva ne lui avait semblé si fragile, si perdue, et elle détestait l’impuissance qui l’habitait depuis maintenant presque un mois.

- Amour ? appela-t-elle doucement en s’approchant.

Elle prit place sur le rebord du lit et passa ses doigts dans les cheveux humides à sa portée.

- Le déjeuner est prêt, tu viens ? poursuivit-elle.

Eva resta un instant silencieuse, les yeux toujours rivés sur le plafond, avant de finalement murmurer :

- Je n’ai pas faim.

- Tu as déjà sauté le diner hier soir, soupira Liz. Tu manges à peine ces dernier temps. Quel l’euphémisme, elle déplace plus la nourriture dans son assiette qu’autre chose. Il faut que tu reprennes des forces.

Eva ferma les yeux.

- Liz, je n’ai pas faim, répéta-t-elle dans un soupir légèrement agacé ; elle tourna la tête dans la direction opposée avant d’ajouter : N’insiste pas, s’il te plaît.

Je crois que le message est clair, pensa Liz alors qu’elle retirait sa main des cheveux humides. Ma présence n’a pas l’air d’être désirée aujourd’hui.

- D’accord, répondit-elle, priant pour que sa voix ne trahisse pas la douleur qu’elle ressentait à être rejetée ainsi. Je laisserai tout de sorti, si jamais... enfin, bref.

Elle attendit un instant au cas où Eva se déciderait à répondre, puis abandonna lorsque cette dernière resta silencieuse. Découragée, elle se leva du lit avant de sursauter lorsqu’une main s’enroula soudainement autour de son poignet. Elle pria les battements de son cœur de se calmer avant de croiser le regard distant d’Eva. Je n’arrive même plus à lire ce qu’il se passe derrière ces yeux noisette, pensa-t-elle tristement.

- Ce midi, d’accord ? Je mangerai ce midi, promis. Je... je ne me sens pas capable d’avaler quoi que ce soit pour l’instant.

Liz déposa sa tasse sur la table de nuit puis s’allongea aux côtés d’Eva avant de l’embrasser sur le front.

- Merci, murmura-t-elle simplement en réponse avant de poser sa tête sur son épaule et poser son avant-bras sur son ventre.

Sa main glissa machinalement sous le débardeur d’Eva et elle commença à caresser la peau douce juste sous son nombril, son pouce commençant un va et vient apaisant. Elle sentit le corps sous elle se tendre et alors qu’elle s’apprêtait à demander ce qui n’allait pas, la main d’Eva vint agripper la sienne assez fermement.

- Arrête, lâcha la voix rauque juste au-dessus de sa tête. S’il te plaît... arrête.

Liz se figea, surprise, avant de sentir le début des larmes lui piquer les yeux face à la douleur transparaissant dans les paroles d’Eva et au fait de se voir de nouveau repoussée. Bien qu’au fond, elle fût incapable de dire lequel des deux la blessât le plus.

Elle retira prestement sa main, comme si elle venait d’être brulée.

- Désolée, souffla-t-elle en s’écartant et s’allongeant sur le dos, prenant soin de ne pas être en contact avec Eva. Je suis désolée. Je n’ai pas réfléchi. Je ferais mieux de... je vais te laisser te reposer, lâcha-t-elle rapidement afin de quitter la pièce le plus vite possible, et se réfugier dans la cuisine pour pouvoir y assouvir l’irrésistible envie de craquer qu’elle avait. Une habitude que je semble avoir prise, ces derniers temps, pensa-t-elle amèrement.

Elle fut cependant interrompue dans ses gestes par le son de la voix d’Eva :

- Liz, attends...

Liz s’arrêta au pied du lit, incertaine, avant de se retourner légèrement, si bien qu’Eva ne pouvait voir que le profil de son visage. Je ne peux même plus la regarder en face. Mon dieu, mais que nous est-il arrivé ?

- Oui ?

Eva s’apprêtait à répondre lorsque la sonnerie de l’appartement retentit. Son regard se dirigea aussitôt vers la porte et elle lâcha un « merde » entre ses dents tout en se redressant à son tour.

- Je m’en occupe, murmura-t-elle en exerçant une pression sur l’épaule de Liz lorsqu’elle passa devant elle.

Un geste anodin mais qui soulagea Liz comme jamais elle ne l’avait été auparavant ; Eva n’était pas en colère contre elle.

- Attends ! s’exclama-t-elle soudainement alors qu’Eva atteignait la porte.

Eva se retourna et se contenta d’hausser un sourcil interrogateur.

- Ton débardeur, répondit Liz en désignant le vêtement en question. Il est... il est transparent.

Eva baissa les yeux sur son haut et soupira tout en se passant une main dans les cheveux. Elle se rapprocha de Liz et s’empara de son peignoir qui reposait sur le lit, à côté d’elle, puis vint l’embrasser sur la tempe.

- Merci, répondit-elle simplement avant de se diriger vers la porte d’entrée.

Même s’il fut faible, Liz sentit le premier sourire lui étirer les lèvres depuis des semaines, avant de soupirer à nouveau et prendre la direction de la cuisine.

Du café... j’ai besoin d’un café. Fort.   

💕

Après un rapide coup d’œil dans le miroir de l’entrée où elle arrangea son apparence du mieux possible, Eva ouvrit la porte et fronça aussitôt les sourcils. La jeune femme qui lui apparut ne semblait pas avoir plus de 16 ans avec son bonnet enfoncé sur sa tête, ses mains profondément plongées dans les poches de sa veste de jogging et son jean déchiré.

Oh bon sang, si c’est une ado qui a fugué, je n’ai vraiment pas le temps pour ça, soupira-t-elle intérieurement. Elle s’apprêtait à prendre la parole lorsqu’un flash lui revint soudainement en mémoire ; une adolescente recroquevillée au beau milieu d’un couloir sombre, des pleurs étranglés s’échappant de sa gorge alors qu’elle se balançait incessamment d’avant en arrière. Non, ce n’est pas possible...

- K... Kate ? demanda-t-elle aussitôt, hésitante.

A l’annonce de son prénom, la jeune femme encercla sa propre taille de ses bras qu’elle serra de toutes ses forces avant de finalement relever la tête. Eva dut retenir une exclamation de surprise ; le visage de Kate était méconnaissable tant ses yeux étaient rouges et bouffis, alors que sa bouche, d’habitude souriante, semblait se déformer en une grimace étrange pour retenir les sanglots qui montaient. Mais ce qui bouscula encore plus Eva, ce fut le regard empli de désespoir que Kate porta sur elle avant de renifler et s’essuyer les joues d’une main légèrement tremblante.

- Kate, reprit-elle d’un ton plus doux tout en tendant une main qu’elle porta à l’épaule de la jeune femme. Dis-moi, que s’est-il passé ? pressa-t-elle doucement.

- Je... j’ai...

La fin de sa phrase fut prononcée à peine plus haute qu’un murmure et Eva dut tendre l’oreille pour l’entendre. Les mots lui parvinrent finalement et elle se retrouva interdite, avant de parvenir à articuler, la voix dangereusement basse :

- Répète-moi ça, Kate ?

Une nouvelle vague de larmes la submergea et Kate se mordit fortement la lèvre inférieure avant de lâcher de nouveau d’une voix tremblante :

- Je l’ai trompée, Eva.

Eva détourna le regard, la mâchoire serrée tandis qu’elle secouait légèrement la tête. D’incrédulité, de colère, de déception. Ses yeux se posèrent finalement de nouveau sur Kate, et même si son expression lui était impossible à déchiffrer, Kate sentit aisément son cœur sombrer dans sa poitrine lorsqu’elle vit la femme qu’elle considérait comme sa propre sœur depuis plusieurs années maintenant se reculer légèrement avant de lui fermer la porte au nez.

1 juillet 2012

Disclaimers

Eaux Troubles

  Copyright © 2012

Eaux Troubles

Genre : Amitiés, Romance, Machinations

 

Cette fiction traite d'une histoire d'amour mettant en scène deux femmes. Ce qui veut dire que si l'idée de deux femmes ensembles vous répulse, vous êtes grandement invité à passer votre chemin  :D  

Pour les autres, je vous souhaite un très bon moment de lecture et j'espère que cette histoire vous plaira. Un gros merci d'avance de prendre le temps de me lire.

Bêta(s) : Un énorme merci à Reve17 et Fred sans qui ce récit ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.

Longueur: Sept chapitres + Un épilogue. 50 000 mots environ. 

Résumé : Kate, Emma, Liz, Eva et Cassie ont bien grandi en six ans, mais la vie ne leur a pas forcément souri à toutes pour autant... (Attention : il s'agit de la suite de La Lumeda, je vous conseille donc de lire ce dernier avant !)

 

PS : Un ENORME merci à Chlo Plume pour sa critique littéraire : La Lumeda, perle du net.

 

Note de l'auteure : Il est important de rappeler que l'appropriation d'écrits appartenant à autrui est illégal. Ces écrits sont les miens et sont "protégés du fait même de leur existence." Pour plus d'information, c'est par ici : Code de la propriété intellectuelle

En conséquence, si jamais l'envie vous prenait, sachez qu'il vous est interdit de vous emparer de mes écrits pour les reposter ailleurs, qu'ils soient accompagnés ou non d'un lien vers ce site. La seule chose que je vous autorise, c'est justement un lien vers ce site, rien de plus  ;)  Un peu de publicité n'a jamais fait de mal à personne !  :D 

En vous remerciant de votre compréhension.

 

 

Prologue : Six ans.

Le vent qui soufflait légèrement fit voler quelques-unes des mèches sombres qui entouraient son visage alors qu’elle attendait, debout sur le trottoir humide. La nuit commençait à tomber et le ciel couvert promettait de nouvelles averses. Mars et sa saison des pluies..., pensa-t-elle alors que l’arôme familier de la terre humide enchantait ses narines.

Le châle rouge qui recouvrait ses épaules dénudées flottait légèrement autour d’elle et elle le bloqua de ses bras tout en reportant son attention sur le grand bâtiment qui s’étendait devant elle. Respirant l’harmonie et le raffinement, il reflétait surtout le style antique avec ses colonnes corinthiennes, ses guirlandes et bas-reliefs délicatement sculptés, ses galeries aux fines arcades, ses frontons et ses dômes.

Le symbole parfait du goût pour le luxe et les belles choses.

Un soupir s’échappa de ses lèvres alors qu’elle arrangeait de nouveau ses cheveux, laissés libre pour l’occasion, d’une main parfaitement manucurée. Elle réalisa soudainement le geste qu’elle venait d’avoir et un sourire amer vint prendre place sur ses lèvres. Le masque n’avait pas mis bien longtemps avant de refaire son apparition. Les vieilles habitudes étaient à nouveau de retour ; se tenir droite, sourire, être polie, élégante. Parfaite.

Je suppose qu’avoir passé les trois quart d’une vie confinée dans ce milieu laisse des traces.

Elle sentit une silhouette s’arrêter à ses côtés et l’observer un instant avant de regarder à son tour le grand bâtiment. La voix lui parvint quelques secondes plus tard :

- Figure-toi que le portier est venu me voir pour me dire qu’une jeune femme attendait sur le trottoir depuis près d’une demi-heure. Il a hésité avant d’ajouter qu’il pensait qu’il s’agissait de l’héritière même du plus grand Groupe du pays. Je n’y aurais jamais cru si je n’étais pas venue le vérifier par moi-même.

La réponse fut accompagnée d’un soupir :

- Le rôle d’héritière m’est passé sous le nez il y a quelques années déjà.

- Je suis contente de te voir malgré tout. 

Katherine de Lonay sourit légèrement avant de tourner la tête.

- Moi aussi, répondit-elle sincèrement, avant d’ajouter : je n’aurais pas été surprise si tu m’avais dit qu’il s’était fait dessus en te voyant, et plus encore, en t’adressant la parole. (Elle la détailla de la tête aux pieds.) Un vrai requin habillé en tailleur... pantalon ? finit-elle, un sourcil haussé.

D’un blanc immaculé, rehaussé par de jolies chaussures vernies à talons, et le tout surmonté d’une coiffure sauvage néanmoins très smart, c’était avec un look très glamour que sa tante avait choisi de se pavaner lors de l’une des plus grandes soirées familiale.

Tout comme elle, Jessie de Lonay n'était pas du genre discret, mais pas uniquement dans le mauvais sens du terme puisque sa beauté et sa grâce naturelle étaient évidentes. Ses traits affirmés, ses longs cheveux châtain, son sourire craquant... la sensualité qu’elle dégageait sautait aux yeux, et ses courbes de rêve faisaient pâlir d'envie la Bourgeoisie au grand complet.

Kate poursuivit, feignant un air outré :

- Les femmes ne sont-elles pas censée revêtir de longues robes de soirées ?

Jessie eut un petit sourire en coin tout en portant un doigt à ses lèvres.

- Shhh, ce sera notre petit secret, répondit-elle dans un clin d’œil. Je n’ai jamais aimé suivre les règles, ajouta-t-elle avant d’observer Kate, feignant à son tour un air scandalisé. Ma nièce serait-elle finalement rentrée dans les rangs elle, par contre ?

Kate ne put retenir un rire. Leur ressemblance ne se limitait pas uniquement à leurs apparences physiques, la presse les surnommant d’ailleurs « les brunes incendiaires du Groupe de Lonay » tant chacune s’était fait remarquer à un moment ou un autre de sa vie pour son attitude provocante ou ses déclarations fracassantes.

- Il faut croire que je me suis posée, répondit-elle tout en jouant avec les franges de son châle.

- Ah, je vois, dit Jessie en venant se taper le front. Les poules ont déjà des dents, et personne ne m’a prévenue ; des têtes vont tomber pour ça.

Kate leva les yeux au ciel avant de reporter son attention sur le grand bâtiment. En réalité, si elle s’était beaucoup amusée au cours des premières années, se délectant des privilèges que lui conférait son statut de future héritière, elle s’était rapidement lassée des mondanités et de leurs faux-semblants une fois assez grande pour pouvoir raisonner par elle-même sur le monde qui l’entourait. La réaction de ses parents face à son amour d’adolescence avait été la goutte d’eau faisant déborder le vase, et elle avait fini par mépriser l’arrogance et l’hypocrisie de ces mêmes personnes qu’elle rencontrait chaque année. Mais l’adolescente à l’attitude rebelle n’était plus, elle avait laissé place à une jeune femme qui ce soir était surtout appréhensive.

- Je suppose que tout le monde est là, dit-elle en lissant sa robe d’un air absent.

Jessie acquiesça d’un léger hochement de tête.

- Tu n’es pas obligée d’y assister si cela te rend mal à l’aise.

- Ça ne me rend pas mal à l’aise, répondit aussitôt Kate. Ça me met... hors de moi. A croire que je n’arriverai jamais à passer au-dessus.

Jessie sentit son cœur se serrer. Je ne pense pas qu’une personne ayant été abandonnée par ses parents ne puisse jamais passer au-dessus, Kate. Elle glissa une main dans celle de sa nièce et entrelaça leurs doigts.

- Je ne les laisserai pas te blesser une seconde fois.

- Je sais, répondit simplement Kate.

Jessie lui sourit doucement tout en tirant légèrement sur sa main.

- Allez, viens, lui dit-elle en penchant la tête sur le côté pour pouvoir croiser son regard. Que je montre à tout le monde la magnifique jeune femme qu’est devenue ma nièce.

Kate rougit légèrement puis prit une profonde inspiration avant de la suivre, se préparant mentalement à retrouver un monde dans lequel elle n’avait pas mis les pieds depuis maintenant six longues années.

Les premières gouttes s’écrasèrent sur le sol alors  qu’elles s’approchaient de l’entrée d’un pas tranquille.

Publicité
Publicité
Publicité