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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

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  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

22 août 2013

Epilogue : Six mois, dix heures et quarante-deux minutes.

Sarah marchait prestement le long du couloir, ses cheveux blonds volant légèrement derrière elle tandis qu’elle saluait d’un faible signe de tête et d’un léger sourire les quelques employés qu’elle croisait ici et là. Le jour J était enfin arrivé, et elle tenait à tout prix à trouver Maena.

Les doubles portes menant aux cuisines lui apparurent enfin et elle les ouvrit avec empressement, regardant aussitôt autour d’elle dans l’espoir d’y trouver celle qu’elle était venue y chercher.

La déception ne mit pas bien longtemps à arriver.

– Dehors, lui parvint soudainement une voix sur la gauche.

Sarah tourna la tête et sourit aussitôt lorsqu’elle vit Amy, avant d’hausser les sourcils.

– De-dehors ? balbutia-t-elle, déviant son regard vers l’horloge murale et notant qu’il était 10h42. Elle est dehors ?

Sarah eut du mal à masquer sa surprise. Maena était bien évidemment sortie à plusieurs reprises durant ces derniers mois, mais ces occasions restaient rares et se comptaient aisément sur les doigts de la main. Et surtout, elles avaient toujours eu lieu en présence de Sarah.

– Depuis quelques minutes déjà, acquiesça Amy en s’essuyant les mains à l’aide d’un torchon. Et si j’étais vous, je m’habillerai chaudement, ajouta-t-elle, les yeux légèrement brillants.

Sarah plissa les yeux avant de faire la moue, pensive. Après des mois d’insistance, Maena avait finalement accepté de réhabiliter plusieurs pièces de la demeure de ses fenêtres – l’aile Ouest surtout, celle qu’elle visitait le moins – mais Sarah n’avait pas encore eu l’occasion d’y passer afin de se faire une idée du temps qu’il faisait dehors aujourd’hui.

– Il neige ? demanda-t-elle, un sourcil haussé.

Amy hocha la tête et Sarah ressentit aussitôt une certaine excitation prendre place dans le creux de son ventre ; elle adorait la neige, ça lui rappelait toujours son enfance.

– Je comprends mieux pourquoi Maena n’a pas pu résister, sourit-elle avant de faire demi-tour. Merci Amy ! salua-t-elle en poussant les doubles portes.

Elle regagna sa chambre en vitesse afin de troquer son pantalon en flanelle et sa veste de jogging pour quelque chose de plus chaud, puis redescendit tout aussi rapidement afin de retrouver Maena. Elle fut aussitôt émerveillée par la quantité de neige qu’elle vit à travers les grandes baies vitrées lorsqu’elle pénétra dans la véranda ; à vue d’œil, elle arrivait facilement à mi-mollet et Sarah laissa son regard courir sur ce magnifique manteau blanc avant de repérer la silhouette qui y avait pris place en son milieu.

Un sourire étira aussitôt ses lèvres et elle tira légèrement la vitre afin de sortir à son tour. La neige craqua aussitôt sous ses pieds et elle se sentit sourire plus encore, avant de fermer les yeux lorsqu’elle reconnut ce parfum si mystérieux mais pourtant connu de tous. L’odeur de la neige.

Elle leva les yeux vers le ciel gris et cotonneux, avant de suivre du regard les quelques flocons timides et délicats qui tombaient encore, puis avança prudemment jusqu’au petit bassin recouvert de glace, là où Maena attendait.

– Heureusement qu’on les a déplacé dans la chambre, je ne pense pas qu’ils auraient apprécié de terminer en poissons surgelés sinon, dit-elle en baissant les yeux vers la petite étendue d’eau gelée.

Elle entendit Maena rire doucement à côté d’elle et elle leva les yeux afin de la regarder. Contrairement à d’habitude, son visage était complétement dégagé, et le cœur de Sarah manqua un battement lorsqu’elle vit que, comme à chaque fois qu’elle sortait à l’extérieur, Maena avait revêtue ses lunettes anti-UV afin d’éviter des dommages irréversibles. Et même si cette dernière ne voulait rien entendre, Sarah la trouvait carrément sexy comme ça. 

En plus, elles étaient transparentes, alors elle avait un accès total à ses magnifiques yeux bleus.

– Tu ne m’as pas attendue pour sortir cette fois-ci, j’en conclu que tu n’as plus besoin de moi ? déclara-t-elle, feignant d’être blessée.

Elle sentit aussitôt un bras venir entourer sa taille et la rapprocher contre un corps chaud et confortable.

– Jamais, lui assura Maena au creux de l’oreille. J’avais juste besoin de me retrouver un peu seule avec moi-même. Et réfléchir.

– Oh, répondit Sarah, désormais embarrassée. Je vais te laisser alors, je suis désolée si –

Elle fut coupée par un doigt sur ses lèvres.

– Tu ne me déranges pas, sourit légèrement Maena. Je suis d’ailleurs contente que tu m’aies rejoint. J’ai... reçu ça, ce matin, ajouta-t-elle en sortant un papier plié en quatre de la poche de son manteau.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda Sarah tout en le dépliant.

Elle le parcourut un instant avant de lever les yeux vers Maena.

– Ça vient de Granny.

Maena hocha doucement la tête.

– Ça fait six mois aujourd’hui. Le jour même où toute cette histoire est censée prendre fin, et où nous sommes enfin supposées ne plus rien avoir à faire l’une avec l’autre.

Sarah l’observa, confuse.

– Elle explique pourquoi elle a fait tout ça dans cette lettre ?

– Hmm, lis-la.

Sarah hésita un instant avant de l’observer à nouveau.

– Tu n’as pas l’air en colère, ou déçue, ou...

– Sarah, sourit légèrement Maena, indulgente. Lis la lettre.

Sarah hésita une dernière fois avant de s’emparer de la main de Maena et la lui rendre.

– Non, répondit-elle en secouant la tête. J’ai pas envie de savoir.

Maena haussa les sourcils de surprise :

– Sarah, ce n’est qu’une lettre, tempéra-t-elle. On dirait que tu viens de recevoir les résultats de mes examens trimestriels.

– Ouais et j’imagine toujours le pire dans ces cas-là, répondit aussitôt Sarah avant de détourner le regard d’embarras lorsqu’elle réalisa qu’elle avait parlé sans réfléchir.

La réponse, à peine murmurée, la surprit cependant :

– Je sais. Et je suis désolée pour ça.

Sarah leva aussitôt les yeux au ciel.

– C’est pas de faute Maena, répondit-elle sincèrement. C’est juste... je tiens à toi alors oui, je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter.

Maena baissa les yeux vers elle avant de sourire faiblement.

– Je sais, répéta-t-elle avant de désigner la lettre. Mais je te promets que cette fois-ci, tu n’as aucune inquiétude à avoir.

Sarah se mordit l’intérieur de la joue avant de soupirer :

– Lis la moi alors.

– Tu es sûre ? demanda Maena tout en lissant le papier.

Sarah hocha la tête et Maena se racla légèrement la gorge avant d’opter pour une toute autre tactique. Repliant la lettre, elle lui raconta simplement l’histoire.

 

Deux ans plus tôt.

– Tu devrais avoir honte de toi.

Granny détourna son regard de la baie vitrée – et du charmant jeune homme qui s’affairait à les faire briller – avant de cligner innocemment des paupières en direction d’Amy.

– Pourquoi donc ?

Amy lui offrit un regard appuyé avant de déposer son plateau sur la petite table puis prendre place dans le second fauteuil.

– Tu m’étonnes que ton cœur ait du mal à suivre, à convoiter de jeunes loups comme cela...

Granny lâcha aussitôt un rire :

– Je ne convoite rien du tout, ces choses-là ne sont plus de mon âge depuis bien longtemps, mais rien n’a jamais empêcher le plaisir des yeux.

– Ça expliquerait son absence de t-shirt, acquiesça Amy en hochant la tête d’un air entendu.

– Il veut simplement une augmentation.

Elles échangèrent un regard avant d’éclater de rire, puis Granny leva les yeux en direction du garçon :

– John ? Laissez-nous s’il vous plaît.

Le jeune homme hocha aussitôt la tête dans sa direction avant de récupérer ses ustensiles et son escabeau puis quitter la pièce. Granny s’empara ensuite de la pochette qui reposait entre elles, sur la petite table.

– J’aimerais que tu jettes un œil à ceci, dit-elle en tendant une feuille à Amy.

Amy l’observa, confuse.

– Qu’est-ce que c’est ? répondit-elle en s’emparant du bout de papier.

Elle le parcourut un moment avant de relever les yeux vers Granny :

– Tu n’es pas sérieuse ?

Granny sourit faiblement :

– Il va falloir que tu précises ta pensée. Sur quoi, le testament, où son contenu ?

– Je peux comprendre le testament, répondit Amy, même si comme à chaque fois que l’état de santé de Granny était mentionné, elle ne pouvait s’empêcher de sentir son cœur se serrer. Mais le reste... 

Granny dévia son regard vers les baies vitrées, admirant le manteau neigeux qui élisait domicile chaque année et dont elle ne se lassait jamais, avant de répondre :

– Alison vient de nous quitter, tes enfants sont partis depuis un moment maintenant, et quoi qu’on en dise, mes jours sont désormais comptés. Je ne veux pas que Maena se retrouve seule.

Amy lui offrit aussitôt un regard désapprobateur.

– Elle ne sera jamais seule.

– Je sais, sourit aussitôt Granny. Mais soyons honnête, à part toi... de qui d’autres Maena choisira-t-elle de s’entourer ? Ce ne sera pas simple, et la connaissant, elle ne fera même pas l’effort.

Elle observa la neige qui tombait avant d’ajouter :

– Elle n’est pas heureuse. Et je sais qu’elle se laissera abattre si je ne fais rien pour l’en empêcher. 

– Ça relève tout de même de l’extrême...

– Tu crois aux âmes-sœurs, Amy ?

Amy cligna plusieurs fois des paupières, surprise par la question inattendue.

– Je... peut-être, je ne sais pas.

– Moi, je pense que ça existe. Je pense qu’il y a des gens pour lesquels, quand ils se rencontrent, ils ressentent ce quelque chose de fort, de viscéral qui les fait se sentir enfin entier. J’ai peut-être tort, mais si jamais c’est le cas, je veux que Maena ait au moins cette chance. Celle de rencontrer sa moitié, son alter égo, et qu’elle se sente enfin complète.

– Et tu penses que cette femme, cette... Sarah, tu penses que c’est son âme-sœur ?

Granny prit une gorgée de son thé avant de répondre :

– Ça, Dieu seul le sait, sourit-elle malicieusement avant de reprendre son sérieux. Maena ne l’a croisée que deux fois dans sa vie, mais tu aurais vu sa réaction ces deux fois... elle était comme subjuguée. Le monde aurait pu disparaître autour d’elle, je suis sûre qu’elle n’aurait rien remarqué. Et puis cette énergie qui irradiait...

– Elle semble sous le charme.

Granny hocha la tête d’un air entendu :

– Je pense qu’elle l’est, mais qu’elle n’en a pas la moindre idée.

– Hmm. Mais rien ne dit que cette Sarah partagera le même sentiment...

Granny lui jeta un coup d’œil avant de s’emparer de la pochette qui reposait entre elles, sur la petite table. Elle en sortit une feuille qu’elle tendit aussitôt à Amy.

– C’est pour cela que j’ai écrit deux testaments. Je ne veux pas que Maena soit forcée dans quelque chose qu’elle ne veut pas, ni priver cette jeune demoiselle de sa liberté. Sans compter qu’il est hors de question que cette demeure sorte de la famille.

– Alors le premier testament n’est qu’un leurre ?

– En quelque sorte, sourit Granny avant de reprendre son sérieux. Et c’est justement là que tu entres en jeu, je veux que tu aies toutes les cartes en main, Amy. Je veux que tu sois les yeux et les oreilles de cette demeure, et que tu décides de quand et si il est bon de mettre fin à toute cette mascarade. Je veux qu’elle soit heureuse, pas à deux doigts de réduire en miettes tout ce qui l’entoure.

Amy rit doucement :

– C’est vrai qu’elle sait faire preuve de caractère quand elle le veut, admit-elle avant de retrouver son calme. Si ton plan ne marche pas, et même s’il marche d’ailleurs, Maena risque de beaucoup t’en vouloir. Tu en as conscience ?

– Si ça marche, elle m’en voudra peut-être, mais ça ne durera pas. Et si ça ne marche pas... je suis sûre qu’elle finira par comprendre mes motivations et me pardonner.

 Elle fit une pause avant d’ajouter :

– Je lui ai écrit une lettre, j’aimerais que tu la lui remettes une fois toute cette histoire terminée, quelle qu’en soit l’issue.

Amy l’observa un moment avant de se redresser et avancer jusqu’aux baies vitrées.

– Je suppose que ta décision est prise et que tu n’accepteras pas de refus ?

– C’est ce que tu veux, refuser ?

Amy soupira avant de lui faire à nouveau face :

– Toi et moi savons de quoi il en retourne, Maena pensera que tu la mets au pied du mur et que si elle ne t’obéît pas à la lettre, elle perdra la dernière chose qui la rattache à sa famille, à toi.

– Et en contrepartie, elle pourrait enfin être heureuse, répondit Granny avant d’ajouter lorsqu’elle vit Amy secouer la tête de désaccord : Je sais que tu arrêteras tout si tu sens que ça ne marche pas. 

– Il ne me reste plus qu’à dire oui alors, hein ?

Granny sourit faiblement avant d’abaisser le regard :

– A vrai dire, je crois bien que c’est ma dernière volonté.

Amy sentit aussitôt le début de larmes la piquer à nouveau :

– Calliope...

– J’ai passé ma vie à aider les autres, la coupa Granny en relevant les yeux vers elle, pourtant, j’ai l’impression de ne jamais avoir réussi à vraiment l’aider elle, alors qu’elle est celle qui compte le plus pour moi. Je veux qu’elle soit heureuse, et je n’hésiterai pas à te supplier si cela peut enfin lui apporter celle qui lui rendra la vie plus belle.

Amy sentit ses joues s’humidifier de plus en plus et elle les essuya d’une main irritée avant d’hocher la tête :

– D’accord, d’accord je vais le faire, renifla-t-elle. Mais arrête de dire des trucs déprimants, tu veux ?

Granny lâcha un rire avant d’hocher la tête :

– Promis.

 

– Amy était au courant ? s’exclama Sarah une fois que Maena eut terminé.

– C’est elle-même qui m’a donné la lettre, je crois qu’elle s’est sentit obligée de se justifier par la même occasion.

Sarah hocha doucement la tête, encore légèrement secouée par ce qu’elle venait d’apprendre.

– La lettre dit quoi alors au final ?

Maena haussa un sourcil :

– Tu n’as plus peur de savoir maintenant ?

Sarah détourna le regard, légèrement embarrassée.

– Non, marmonna-t-elle.

Maena rit doucement avant de lui répondre :

– Ma grand-mère me dit qu’elle m’aime, qu’elle est désolée, qu’elle espère que je comprends, et surtout, que je suis heureuse. Tout ça, sur six pages et demi.

– Et ? demanda aussitôt Sarah, inquisitrice.

Maena fit mine de réfléchir :

– Eh bien... je l’aime aussi, je ne lui en veux pas, je comprends et..., elle sourit avant d’ajouter : je pense pouvoir dire avec certitude que je suis heureuse.

Sarah afficha aussitôt un sourire ravi :

– Elle n’a pas eu une si mauvaise idée que ça alors, hein ?

– Non, rit aussitôt Maena avant de soupirer. Même si j’aurais aimé qu’elle soit toujours là pour le voir.

Sarah prit l’une de ses mains dans la sienne :

– Je suis sûre qu’elle est bien là où elle est, répondit-elle avant de lever les yeux vers le ciel. Et qu’elle voit tout ce qui se passe ici.

– Tu penses ? demanda Maena avant de suivre son regard.

Sarah haussa les épaules :

– Elle a passé les trente-trois dernières années à être ton ange gardien, tu penses vraiment qu’elle se serait arrêtée en si bon chemin ?

– Je ne sais pas... mais l’idée me plaît assez bien, répondit Maena en l’observant à nouveau.

Sarah sourit avant de froncer les sourcils lorsqu’une image lui revint soudainement en mémoire, d’épais rideaux bleus marine recouvrant les murs, une table ronde située au centre de la pièce, et une voyante, brune aux yeux perçants. Elle vous dit de ne pas résister, et d’écouter votre cœur. Il n’y a que comme ça que tout se passera bien.

– Elle m’a dit d’écouter mon cœur...

– Quoi ?

La voix de Maena lui parvint et Sarah cligna des yeux, reprenant pied avec la réalité :

– La voyante. Je suis allée voir une voyante juste avant d’arriver ici, et c’est ce qu’elle m’a dit, d’écouter mon cœur. Enfin, quelqu’un lui aurait dit de me dire ça.

Maena haussa un sourcil :

– Et tu y as cru ?

Sarah sortit son portable de la poche arrière de son jean avant de répondre :

– Non, ou peut-être que si, inconsciemment, dit-elle en cliquant sur « répertoire » avant de faire défiler les numéros.

– Hmm, et elle t’a dit qui c’était ?

 Sarah secoua négativement la tête :

– Non, mais on ne devrait pas tarder à le savoir, répondit-elle en désignant le téléphone avant de le porter à son oreille. Je savais bien que j’avais bien fait d’enregistrer son numéro.

Elle attendit une sonnerie, puis deux, puis trois avant qu’on ne décroche :

– Madame Leick ? C’est –

– Sarah. Je ne m’attendais pas à avoir de vos nouvelles. Enfin, jusqu’à il y a cinq minutes du moins.

Sarah ne put retenir un sourire d’avoir été si vite démasquée, avant de légèrement secouer la tête :

– Oui je sais, écoutez, ça va peut-être vous paraître étrange mais lorsque vous avez lu les lignes de ma main, vous m’avez dit –

– D’écouter votre cœur, l’interrompit à nouveau la voyante. Je me souviens. Que voulez-vous savoir ?

Sarah leva les yeux vers Maena avant de demander :

– La personne qui vous a dit ça... vous savez qui c’était ?

Il y eut un léger silence avant que la réponse n’arrive :

– Calliope. Calliope Beauregard.

Sarah sentit aussitôt son souffle se couper.

– Mer-merci madame Leick, balbutia-t-elle, stupéfaite. Bonne journée.

Maena, qui avait observé l’échange en silence, sentit aussitôt l’inquiétude monter en elle :

– Ça va ? demanda-t-elle en encadrant le visage de Sarah de ses mains.

Sarah hocha frénétiquement la tête avant de sourire :

– Tu t’es trouvée un sacré ange gardien en la personne de ta grand-mère, Maena.

– C’était elle ? s’étonna aussitôt Maena.

– C’était elle, assura aussitôt Sarah en venant légèrement l’embrasser. Enfin, si on peut croire une voyante, bien sûr.

Maena rit légèrement :

– Ça peut peut-être paraître absurde, mais je crois que c’est exactement ce que je vais faire.

– Moi aussi, sourit Sarah. Et maintenant que cette histoire est terminée, que voulez-vous faire, chère âme sœur ?

Ce fut au tour de Maena de sourire :

– Hmm... danser. Avant de passer le reste de la journée à te faire l’amour.

Sarah haussa aussitôt les sourcils avant de soudainement s’emparer du manteau de Maena à pleines mains.

– Oublie la danse, passons tout de suite à la deuxième étape ! répondit-elle tout en la poussant afin qu’elle s’allonge à même le manteau neigeux.

Les pieds de Maena glissèrent sous elle et elles s’étalèrent lamentablement sur le sol, leurs rires résonnant dans les airs tandis que la neige les cachait presque du monde extérieur.

– Je suis désolée, rit Sarah tout en relevant péniblement la tête. Ça va ?

Maena s’apprêtait à hocher la tête mais elle s’interrompit pour faire la moue à la place :

– Eh bien, maintenant que tu le demandes, c’est vrai que ça fait un petit peu mal, feignit-elle dans un air innocent. Je suis sûre qu’avec un bisou, ça irait mieux.

Sarah l’observa, totalement amusée.

– Oh, un bisou hein ? sourit-elle avant d’obtempérer et embrasser la joue de Maena. Mieux ?

– Mieux, sourit Maena. Mais un autre ne serait pas de refus, tu sais, au cas où... on est jamais trop prudent.

Sarah retint difficilement un rire et elle tendit une main vers les lunettes de Maena.

– Ferme les yeux, murmura-t-elle avant de les retirer.

Elle se pencha et posa ses lèvres sur les yeux fermés, puis descendit jusqu’à ses lèvres où elle l’embrassa tout en exerçant une pression légère, souriant lorsque Maena y répondit avec amour tout en la serrant contre elle.

Elle se recula légèrement afin de la regarder :

– Maena ? murmura-t-elle.

– Hmmm ?

– Je t’aime.

Maena afficha aussitôt l’un de ses rares sourires, ceux qui éclairent son visage et lui offraient une sorte de jeunesse éternelle, avant de murmurer à son tour :

– Je t’aime aussi.

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19 août 2013

Chapitre 21

Une douce caresse sur sa joue poussa Sarah à quitter le pays des songes et elle se frotta les yeux, un bâillement s’échappant de ses lèvres. Le visage de Maena lui apparut et elle ne put retenir un sourire, mais ce ne fut rien comparé à ce qu’elle ressentit lorsqu’elle vit la blouse blanche qu’elle portait.

– Hmm, c’est sexy ça, ronronna-t-elle en tirant légèrement sur le vêtement. J’ai toujours eu un faible pour les femmes en uniforme... encore plus lorsqu’elles portent des lunettes, ajouta-t-elle quand elle perçu le dit objet dans les cheveux de Maena.

Maena détourna les yeux, une légère coloration recouvrant ses joues.

– Je travaillais, expliqua-t-elle avant de l’observer à nouveau. Mais j’ai eu envie de faire une pause, alors j’en ai profité pour venir te voir.

Sarah afficha aussitôt un sourire ravi et se pencha légèrement afin de lui voler un baiser. Le visage de Maena était si rayonnant, si pur, qu’elle se retrouva là à simplement l’observer, elle et ses yeux qui paraissaient beaucoup plus clairs exposés ainsi à la lumière du jour.

A la lumière du jour.

Le soleil.

Sarah se redressa d’un bon.

– Maena ! Le soleil ! s’exclama-t-elle, la panique s’emparant d’elle.

Maena grimaça.

– Je sais, il tape en plus hein ? chuchota-t-elle tout en évitant de tourner la tête en direction des immenses baies vitrées de la véranda, visiblement apeurée. J’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie.

Sarah l’observa, incrédule.

– Mais... mais... mais bouge ! Pourquoi est-ce que tu restes plantée là ?!

Maena haussa les sourcils, surprise par son emportement soudain, avant de prendre la main de Sarah entre les siennes.

– J’ai du mal à croire que tu sois encore plus flippée que moi, sourit-elle, mi-amusée, mi-incrédule. Calme-toi, elles sont recouvertes de filtres anti-UV. Et j’ai demandé à Michael de les vérifier une et à une et au millimètre près avant de me lancer dans cette opération suicide, frissonna-t-elle.

– Hein ? s’exclama aussitôt Sarah. Parce que c’est pas sûr à 100% ces trucs ?

– Si, soupira Maena, un air contrit sur le visage. Je dramatisais juste la situation pour me sentir un peu mieux, tu sais, courageuse et tout...

Sarah sentit un sourire se dessiner sur son visage tandis que son cœur regagnait progressivement son rythme normal. Elle se pencha jusqu’à frôler les lèvres sous les siennes.

– Moi je pense justement que c’était effectivement très... très courageux de ta part.

Maena leva vers elle un regard timide.

– C’est vrai ?

– C’est vrai, assura aussitôt Sarah en venant frôler la joue de Maena du bout des doigts, ravie de provoquer un immense sourire en retour. Tu devrais sourire plus souvent, tu es magnifique comme ça, ajouta-t-elle en venant caresser les lèvres de Maena.

Maena rougit légèrement et Sarah devina aussitôt qu’elle était mal à l’aise lorsqu’elle détourna le regard.

Elle décida de la laisser tranquille et de changer de sujet :

– Tu ne veux pas regarder ? demanda-t-elle en désignant les immenses baies vitrées.

Maena secoua aussitôt la tête.

– Non, répondit-elle avant de lever les yeux vers Sarah et sourire. Mais je veux bien une petite place à côté de toi.

Sarah ne se fit pas prier et elle se décala aussitôt, observant Maena s’allonger de tout son long à côté d’elle. Cette dernière tourna la tête dans sa direction et elle prit appui sur un coude avant de l’embrasser furtivement sur les lèvres.

– Tu ne vas vraiment pas regarder, hein ?

– Pas encore, répondit Maena avant d’hésiter. Je... je ne suis pas encore prête, je crois.

Sarah hocha la tête d’un air compréhensif avant de venir s’allonger sur elle, ne pouvant retenir un sourire lorsque Maena haussa aussitôt les sourcils.

 – Quoi ? demanda-t-elle, un sourire taquin sur les lèvres. Tu ne veux pas profiter du soleil, alors moi j’ai décidé de profiter du corps allongé sous moi.

Maena afficha aussitôt un immense sourire et elle entoura la taille de Sarah de ses bras :

– Même si je ne suis pas un vampire, finalement ?

Sarah grogna aussitôt et enfoui son visage dans le cou à proximité, une douce chaleur recouvrant progressivement ses traits.

– Vilaine, marmonna-t-elle lorsqu’elle sentit le corps sous elle se mettre à vibrer avant qu’un rire ne résonne dans la pièce.

– Excuse-moi, répondit Maena en l’embrassant sur la tempe. Mais plus sérieusement, Sarah... tu veux vraiment faire ça ici ? Parce qu’on a quatre-vingt-dix pour cent de chances d’être interrompues par la quasi-totalité de mes employés.

Sarah releva aussitôt la tête et tâtonna un instant jusqu’à ce qu’elle ait trouvé le poignet de Maena qui reposait contre sa hanche. Elle le tira jusqu’à son visage puis le porta à ses lèvres après avoir appuyé sur le premier bouton de la montre qui l’entourait :

– « Michael ? »

Il y eut quelques grésillements avant que la voix masculine ne lui parvienne :

– « Mademoiselle ? »

– « Vous voudrez bien faire en sorte que personne ne vienne déranger Madame Maena et moi-même s’il vous plaît ? Et si cela venait à arriver... vous seriez immédiatement renvoyé. »

Elle vit Maena s’apprêter à protester mais elle plaqua aussitôt sa main libre sur ses lèvres.

– « Michael ? »

– « Ou-oui Mademoiselle, personne ne viendra vous déranger. »

Sarah afficha aussitôt un sourire vainqueur.

– « Merci ! » s’exclama-t-elle avant de raccrocher. Bon, on en était où nous ? ajouta-t-elle avant de venir cueillir les lèvres de Maena dans un baiser furtif.

Elle sourit lorsque leurs nez se frôlèrent doucement et elle redessina le contour de la mâchoire de Maena du bout des doigts, avant de remonter vers sa joue puis finalement s’insinuer dans ses longs cheveux couleur ébène. Un lent sourire étira finalement leurs lèvres, et Sarah laissa sa main descendre un peu plus bas, sur le torse de Maena pour venir jouer avec les boutons de son chemisier sans pour autant les défaire.

Des yeux d’un bleu intense vinrent se plonger dans les siens et elle sentit une main se poser sur la sienne, l’appuyant légèrement contre la poitrine de Maena afin de lui faire sentir les battements de son cœur. Le rythme était précipité, mais fort et puissant et Sarah ferma aussitôt les yeux pour s’emparer des lèvres de Maena dans un baiser d’une tendresse infinie.

La main de Maena, toujours posée au creux de ses reins, redessina délicieusement ses courbes du bas de son dos jusqu’à ses omoplates et Sarah frissonna face à la chair de poule qui s’empara soudainement d’elle. Mais ce ne fut rien comparé à ce qu’elle ressentit lorsque leurs jambes s’entremêlèrent, exerçant une délicieuse pression exactement là où elle en avait le plus besoin.

Elle commençait tout juste à frémir contre Maena lorsque des bruits sourds se firent soudainement entendre juste derrière les doubles portes menant à la véranda et elle releva aussitôt la tête, hors d’elle.

– Je me fiche de ce que tu penses, il est définitivement viré, gronda-t-elle en sautant sur ses pieds.

Maena la retint aussitôt par le bras :

– Sarah –

– Il a même pas tenu cinq minutes ! s’exclama Sarah avant de sursauter lorsque la porte s’ouvrit soudainement.

Elle sentit Maena l’attirer fermement contre elle mais elle n’y prêta pas attention, ébahie par la scène qui s’offrait à elle. Les deux gardes du corps étaient pliés en deux dans le couloir, l’un se tenant le pied, l’autre l’entre-jambe et lorsque Sarah dévia son regard vers la jeune femme située devant elle, elle sentit sa mâchoire s’affaisser.

– Eva ? Mais... que... comment...

– Liz m’a prêté ses talons, sourit fièrement Eva en désignant les chaussures en question. Ça fait un carton sur les gros orteils. Bon le coup de genou dans les roubignoles, je t’apprends rien, c’est un classique.

Sarah cligna plusieurs fois des paupières, peu sûre de vraiment comprendre ce qu’il se passait.

– Eva... qu’est-ce que tu fais ici ?

Le visage d’Eva se ferma soudainement et elle croisa ses bras sous sa poitrine.

– Je suis venue te demander ce que tu fabriques. C’est quoi cette histoire Sarah ? Mariée ? Alors que tu ne nous as jamais parlé de Dame Carmilla la Comtesse ?

Sarah sentit aussitôt Maena se figer derrière elle et elle lança un regard désapprobateur en direction d’Eva.

– Elle s’appelle Maena, Eva.

Eva leva aussitôt les mains au ciel :

– Je m’en fous ! s’exclama-t-elle avant de s’approcher jusqu’à n’être plus qu’à un mètre de Sarah. Tu nous l’as appris par Facebook, Sarah. Par Facebook ! Avant de complètement disparaître de la circulation ! C’est comme ça que tu traites tes amis désormais ?

Sarah baissa la tête, honteuse et Eva en profita pour relever les yeux vers Maena.

– Qu’est-ce qu’elle t’a fait ? cracha-t-elle, la voix pleine de haine.

– Eva –

– Je l’ai faite kidnapper, avant de la forcer à m’épouser. 

Sarah grimaça aussitôt face au ton dénué d’émotion et aux paroles de Maena, avant qu’un sentiment de froid et d’abandon ne s’empare d’elle lorsque ses mains la relâchèrent. Elle vit Eva hausser les sourcils de surprise, puis plisser des yeux, comme si elle tentait de juger si Maena disait vrai ou non, avant de serrer des dents à nouveau.

La gifle partie si vite que Sarah réalisa qu’elle avait réellement eu lieu uniquement lorsqu’elle vit le visage légèrement tourné de Maena, ainsi que la légère marque rouge qui ornait désormais sa joue. Elle tourna aussitôt la tête vers Eva, surprise de voir ses yeux emplis de colère toujours fixés sur Maena et sa respiration légèrement saccadée, et elle s’empara brusquement de son menton afin qu’elle la regarde elle.

– Mais t’es complètement folle ! s’exclama-t-elle en la faisant légèrement reculer. Eva, je t’adore, vraiment, mais si tu lèves encore une fois la main sur Maena, je risque de t’aimer beaucoup moins !

– Elle t’a faite kidnapper ! gronda Eva en retour. Avant de te forcer à l’épouser !

– Et tu m’as entendue m’en plaindre ? rétorqua aussitôt Sarah.

Eva hésita avant de secouer négativement la tête et Sarah sentit aussitôt son expression s’adoucir.

– Ecoute, reprit-elle plus calmement. Je sais que ça paraît dingue, et je t’assure que j’étais tout aussi hors de moi que tu peux l’être maintenant. Mais je te promets que Maena n’est pas celle que tu crois, c’est juste... une longue histoire.

Eva pencha légèrement la tête sur le côté, pensive avant de soudainement se diriger vers les canapés.

– Très bien, dit-elle en prenant place. Je suis toute ouïe.

Sarah haussa les sourcils de surprise puis se mordit la lèvre inférieure, ses yeux déviant vers Maena qui n’avait pas bougé de place pendant tout ce temps pour la supplier du regard. Maena se contenta de lui offrir un faible sourire avant de porter son poignet à ses lèvres.

– « Amy ?... On aurait besoin de quelques boissons chaudes dans la véranda. ... Hmm oui, ajoutez quelques biscuits à grignoter aussi. Merci Amy. »

– Tu aurais peut-être dû demander un peu de glace pour ta joue, aussi, grimaça Sarah en venant frôler l’endroit du bout des doigts avant de s’emparer de la main de Maena et les guider vers Eva.

Maena se pencha afin de murmurer à son oreille :

– Nan, ça casserait toute ma réputation.

Sarah lâcha un rire avant de prendre place aux côtés d’Eva, et lui raconter tout ce qu’elle voulait savoir.

💕

– Attendez, attendez, laissez-moi résumer. Maena t’a fait kidnapper parce que Granny lui a laissé un testament dans lequel elle exigeait que vous vous mariiez et viviez six mois ensembles sans quoi son héritage vous passerait sous le nez ? énuméra-t-elle avant de tourner la tête vers Maena. Et vous avez la maladie des enfants de la lune, remarqua-t-elle tristement avant de soudainement écarquiller les yeux et porter une main à ses lèvres. Oh non, je suis désolée pour ma remarque sur Carmilla, grimaça-t-elle.

Sarah lui donna un léger coup de coude suivit d’un regard appuyé et Eva l’observa, confuse avant que la compréhension ne se fraye un chemin dans son esprit. Elle croisa les bras sous sa poitrine.

– Ah non, je m’excuserai pas pour la gifle.

– Eva...

– Elle l’a mérité !

Sarah leva aussitôt les yeux au ciel :

– Et alors ? Fais un effort !

– Non, marmonna Eva en prenant appui contre le dossier. J’ai pas envie, elle t’a faite kidnapper, je vais pas lui pardonner ça. C’était vraiment indispensable d’ailleurs ?

Comprenant que c’était à elle que la question s’adressait, Maena leva aussitôt les yeux vers Eva :

– Honnêtement ? Non. Mais sa réponse m’importait peu, je savais qu’elle refuserait. J’avais simplement besoin qu’elle soit ici, et qu’elle y reste.

– Et quoi de mieux qu’un kidnapping pour ça, termina Eva d’un ton ironique avant de serrer des dents. Tu as raison Sarah, je n’aurais pas dû la gifler ; j’aurais dû faire pire que ça.

Sarah leva aussitôt les mains dans l’espoir de calmer le jeu, fusillant Maena du regard lorsque cette dernière s’apprêta à répondre. Oh non, hors de question que tu ailles dans son sens ! :

– O.K., O.K. on se détend là, d’accord ? Eva, commença-t-elle calmement. J’apprécie ton envie de me protéger, vraiment, mais tout ça fait partie du passé maintenant. Maena a juste eu peur de perdre un héritage qui représentait tout pour elle, disons... disons qu’elle a simplement cédé à la panique. Mais sache qu’elle m’a rendue ma liberté trois jours plus tard, ça veut bien dire quelque chose ça, non ?

Eva observa Maena, sceptique :

– C’est vrai ?

– C’est vrai, assura fermement Sarah avant que Maena n’ait pu répondre, de peur qu’elle n’en profite pour porter le blâme à nouveau.

Elle laissa son visage s’adoucir avant d’ajouter :

– Elle n’est pas telle que ces gens la perçoivent là-dehors. Elle est tout le contraire. Ne la juge pas aussi durement uniquement parce qu’elle a commis une erreur. Une erreur qui nous a été aussi bénéfique, en plus, sourit-elle malicieusement avant de reprendre plus sérieusement : et si tu ne veux pas le faire pour elle, fais-le au moins pour moi... ai au moins confiance en ce que je te dis, moi. S’il te plaît ?

Eva observa Maena un long moment, comme si elle essayait de juger si Sarah disait vrai ou non à son sujet, avant de reporter son attention sur cette dernière et soupirer :

– Tu me prends par les sentiments, c’est pas fair-play, bouda-t-elle. Mais j’imagine que je peux faire un petit effort... et surtout te faire confiance, ajouta-t-elle dans un clin d’œil. Donc cette histoire de mariage, c’est bidon ou pas au final ?

– Le mariage est toujours bidon, mais..., Sarah exerça une légère pression sur la main de Maena qu’elle tenait toujours dans la sienne, ... Maena et moi sommes bel et bien ensemble. 

Les épaules d’Eva s’affaissèrent :

– Oh super..., marmonna-t-elle avant de sourire lorsque Sarah plissa des yeux. Super ! Woohoo ! Trop génial !

Sarah se couvrit les yeux d’une main tout en ricanant légèrement :

– T’es pas obligée d’en faire trop non plus, répliqua-t-elle avant de demander une fois qu’elle eut retrouvé son calme : Ça t’ennuie réellement ? Qu’on soit ensemble.

Eva les observa tour à tour, s’attardant légèrement sur Maena qui ne détachait pas leurs mains liées du regard, avant de secouer négativement la tête :

– Non, non c’est pas le problème. C’est juste que j’étais tellement en colère d’apprendre tout ça par Facebook, Sarah. Tu fais partie de mes amis les plus chers, et c’est sur un réseau social que j’apprends que tu as célébré ce qui est censé être l’un des évènements les plus importants d’une vie, et auquel je n’ai même pas été conviée...

– Mais –

Eva leva aussitôt une main pour l’interrompre :

– Je sais, tout est faux, sourit-elle faiblement. Je le sais maintenant, mais ce n’était pas le cas avant.

Sarah hocha la tête avant de lever timidement les yeux vers elle :

– Ça veut dire que je suis pardonnée ?

Eva fit mine de réfléchir :

– Ça dépend, je dois la pardonner aussi ? taquina-t-elle en désignant Maena.

– Eva...

Eva leva les yeux au ciel :

– Je plaisantais, beta, soupira-t-elle, feignant un air blasé tout en venant la prendre dans ses bras. Tu es toute pardonnée, c’est promis. Et Maena aussi, ajouta-t-elle rapidement avant que Sarah n’ait pu répondre.

Elle dévia son regard vers la personne concernée et tendit une main avec circonspection :

– Je suis désolée pour la gifle, mais il me faudra certainement un petit moment pour pardonner tout le reste.

– Ev – hmmpff !!!

– Je n’en attendais pas moins, coupa Maena d’un ton neutre, ignorant Sarah qui gesticulait frénétiquement à ses côtés dans l’espoir de retirer la main qui avait soudainement été plaquée contre sa bouche. J’aurais dû faire passer son bien-être en priorité... je suis soulagée de voir que c’est primordial pour les gens qui l’entourent.

Eva haussa un sourcil, surprise par la réponse inattendue. Elle l’observa un moment avant de demander, compatissante :

– Vous le regrettez vraiment, pas vrai ?

Maena détourna les yeux avant d’hocher faiblement la tête et Eva sentit aussitôt une partie de la colère qui l’avait habitée jusqu’à présent s’évaporer dans les airs. Sa réponse semblait sincère et même si Eva en avait douté, Sarah méritait au moins qu’elle fasse réellement un effort pour la pardonner.

Elle afficha un sourire espiègle :

– Je n’avais encore jamais utilisé cette méthode, mais je dois bien avouer que c’est sacrément efficace, taquina-t-elle en désignant Sarah. Sarah, ma belle, depuis le temps que je te dis que tu parles trop..., poursuivit-elle avant d’ajouter dans un clin d’œil en direction de Maena : je crois que je vous aime bien, en fait.

Même s’il fut discret, Sarah nota aisément le sourire amusé qui étira les lèvres de Maena et elle se libéra aussitôt de l’emprise de cette dernière, incrédule :

– Alors ça va se passer comme ça ? C’était une coalition contre moi qu’il fallait pour vous réconcilier ?

– Ben, c’est ce que tu voulais non ? taquina Eva tandis que Maena attirait Sarah contre elle et l’embrassait sur le dessus de la tête.

– Elle avait des remontrances légitimes, acquiesça Maena. A moi de lui prouver que c’était bel et bien une erreur, et rien de plus.

Sarah voulu répondre mais sa protestation mourut sur ses lèvres lorsque le souffle chaud de Maena lui chatouilla l’oreille :

– Sshhh, tu sais que j’ai raison. Le temps fera le reste.

Sarah serra doucement la main qu’elle tenait toujours dans la sienne avant de les observer tour à tour :

– O.K., mais interdiction de vous lier contre moi pour régler vos différents, déclara-t-elle avant de se lever et se diriger vers la sortie. Maintenant on y va, j’ai faim !

Maena et Eva la regardèrent, surprises, avant de s’observer l’une l’autre :

– C’est moi où l’idée et quand même vachement tentante ? murmura Eva, l’air conspirateur.

– J’ai entendu ça, coupa Sarah avant de les attendre à hauteur de la porte. Essaye et tu ne seras pas invitée le jour où j’aurais réellement décidée de me marier. Quant à toi Maena, ce qu’il s’est passé cette nuit pourrait bien ne jamais se reproduire !

Eva haussa un sourcil, son intérêt soudainement piqué, encore plus lorsqu’elle vit Maena rougir légèrement et Sarah afficher un air satisfait :

– Oooh il s’est passé quoi, cette nuit ? demanda-t-elle en les suivants hors de la pièce. Un petit scrabble histoire de faire passer le temps ?

Les mots eurent à peine échappé ses lèvres que ce ne fut pas une, mais deux jeunes femmes au visage cramoisi qui prirent place à table avec elle et Eva prit un malin plaisir à passer les minutes suivantes à les cuisiner à sa façon.

Encore plus lorsque celle qu’elle avait malencontreusement associée à Carmilla la Comtesse passa la quasi-totalité du repas à rougir ou détourner les yeux d’embarras.

15 août 2013

Chapitre 20

Allongée sur son lit, Sarah jouait avec sa nourriture d’un air absent, le regard fixé sur l’écran de télévision. Depuis qu’elle l’avait vu dans Candy, Sarah est devenue une grande fan d’Abbie Cornish à laquelle elle associait talent fou et charme irrésistible. Pourtant, à la voir là dans Bright Star, éteindre le téléviseur la démangeait. Ce n’était pas la faute de l’actrice cependant, elle jouait son rôle à la perfection, mais Fanny Brawne avait quelque chose de particulièrement superficiel et agaçant.

Heureusement que John Keats est là, pensa Sarah, souriant légèrement lorsque l’acteur apparut à l’écran. Ben Whishaw avait selon elle été parfaitement bien choisi, campant le rôle avec un naturel déconcertant. Une amie lui avait dit un jour qu’elle lui trouvait une apparence de poète, et Sarah devait bien s’avouer qu’elle était parfaitement d’accord.

Son regard s’arrêta sur l’horloge murale et elle ne put cependant retenir un soupir. Contrairement à ce qui avait été prévu, Maena avait été retenue pour la soirée et elles n’avaient donc pas pu diner ensembles. Sarah en avait été déçue, elle avait apprécié ce rapprochement qui s’était opéré entre elles plus tôt dans la journée, un échange profond enfin dépourvu de secrets, et elle aurait vraiment aimé que cela continue.

 Alors en contrepartie, elle se retrouvait là, seule dans sa chambre, à regarder un film qu’elle avait déjà vu.

Ses pensées furent interrompues par le caractéristique bruit de griffes résonnant sur le parquet et elle se redressa péniblement sur un coude, apercevant aussitôt Dixie. La chienne s’arrêta devant elle et l’observa calmement, sa queue faisant des va-et-vient incessants sur la surface lustrée.

– Tiens, une revenante, taquina Sarah en prenant appui sur ses coudes. Tu sais, pour une chienne qui est censée m’appartenir, tu passes beaucoup de temps avec Maena. Fais attention, je pourrais t’accuser d’infidélité.

Dixie lui offrit un regard interrogateur.

– Mouais, c’est ça, fait l’innocente, poursuivit Sarah en lui lançant un morceau de son tournedos de thon mariné. Mais je t’ai à l’œil.

Dixie dressa aussitôt les oreilles avant de pencher la tête sur le côté et Sarah retint difficilement un rire.

– Et dire qu’en général, je préfère les chats, mais je dois bien avouer que tu sais te montrer terriblement craquante.

Un léger aboiement lui répondit et Sarah tendit une main afin de lui gratter le dessus de la tête, souriant lorsqu’elle vit Dixie s’approcher légèrement pour en profiter un peu plus. Autour d’elle, les lumières se mirent à grésiller légèrement, et Sarah fronça les sourcils, perplexe, avant de se figer lorsqu’elle entendit le bruit distinctif du tonnerre résonner à l’extérieur.

– O.K...., murmura-t-elle d’une voix trainante. Dixie, quoi qu’il arrive, t’as pas intérêt à me laisser toute seule.

Sa phrase fut à peine terminée que la pièce fut aussitôt plongée dans le noir, rapidement suivit par le caractéristique bruit de griffes s’éloignant dans le couloir.

Sarah sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser :

– Dixie !

💕

Le chien est le compagnon le plus fidèle de l'homme, tu parles. Dixie, je te jure que dès que je mets la main sur toi... 

La respiration tremblante, Sarah s’engagea dans le couloir tout en gardant les mains contre le mur. Apparemment, la demeure toute entière était plongée dans le noir le plus complet et même si Sarah n’avait habituellement aucun problème avec l’obscurité, l’orage qu’elle pouvait entendre gronder au-dessus d’elle lui faisait ressentir une sensation d’insécurité qui la pétrifiait.

– Maena... Maena..., répéta-t-elle d’une voix peu assurée tout en s’approchant des doubles portes.

L’absence des gardes fut loin de la rassurer et elle pénétra dans le petit hall d’un pas hésitant, avant d’accélérer le pas lorsqu’elle perçut le reflet des bougies qui brûlaient dans la chambre de Maena.

– Maena ? appela-t-elle un peu plus fort une fois qu’elle fut arrivée à hauteur de la porte.

Des mains se posèrent sur sa taille et elle lâcha aussitôt un cri de stupeur avant de soupirer de soulagement lorsqu’elle reconnut Maena.

– Avance, lui murmura cette dernière en la poussant légèrement vers le lit.

Sarah hésita.

– Euh, Maena...

– Je me cachais toujours sous ma couette quand j’étais petite et que j’avais peur, répondit simplement Maena en s’asseyant au bord du lit. Elle haussa un sourcil : je suis sûre que c’est ce que tu meurs d’envie de faire, pas vrai ?

Sarah rougit légèrement avant de se précipiter sous les couvertures lorsque le tonnerre gronda soudainement.

– Je déteste quand ça fait ça, se plaignit-elle une fois recroquevillée contre l’oreiller. Où sont les gardes, au fait ?

– Ils étaient avec moi, expliqua Maena en prenant appui contre la tête de lit. Dixie est venue me chercher juste après que les lumières se soient éteintes, figure toi qu’elle m’a trainé jusqu’à ta chambre, mais tu étais déjà partie. Pourquoi ne pas avoir utilisé ta montre ?

Sarah lui offrit un air embarrassé :

– Je n’y ai pas pensé, admit-elle. Dixie a vraiment fait ça ?

Maena hocha la tête et Sarah l’observa, visiblement surprise et secrètement reconnaissante, avant de regarder autour d’elle.

– Ça ne t’embête pas si je, hum, reste un peu ici ?

– Non, mais je ne garantis rien de ta survie si tu t’endors et te mets à ronfler, taquina aussitôt Maena avant de disparaître dans la salle de bain avoisinante.

Sarah afficha aussitôt un air outré.

– Je ne ronfle pas !

– Comment le saurais-tu ? Tu es supposée dormir lorsque ça arrive.

Sarah plissa des yeux avant de littéralement sentir sa bouche s’assécher lorsque Maena réapparu dans la pièce simplement vêtue d’une nuisette noire nouée autour du cou, et dévorée de fleurs en dentelle délicatement travaillées. La légère fente sur le côté et le petit décolleté rendaient le tout absolument sexy.

 – Tu... tu comptes dormir comme ça ? lâcha-t-elle, la voix soudainement anormalement rauque.

– Oui, pourquoi ? demanda Maena en dégageant les couvertures de son côté du lit.

– Parce que... parce que... parce que je risque la combustion instantanée là !

Maena lui offrit un air interrogateur.

– Pour rien, soupira finalement Sarah.

– Bien, répondit Maena avant de ramener ses pieds vers elle et enfiler les socquettes qu’elle avait ramenées avec elle.

Sarah ne put retenir le rire qui monta aussitôt en elle :

– Maena... t’es au courant que ça, c’est le tue l’amour par excellence ?

Maena afficha l’un de ses rares sourires.

– Je sais, admit-elle en se glissant sous les couvertures. Mais ma mauvaise circulation du sang ne se limite pas qu’aux mains. Crois-moi, si jamais tu viens à entrer en contact avec mes pieds pendant ton sommeil, tu me remercieras.

Sarah secoua la tête, totalement amusée.

– Et puis, au moins j’ai réussi à te faire penser à autre chose, poursuivit Maena en se tournant de manière à lui faire face.

– Ouaip, sourit Sarah en prenant appui sur un coude. Et puis, qui aurait cru que je serais venue me réfugier dans les bras de ma kidnappeuse vampire ?

Maena tiqua aussitôt sous ses propos et Sarah la pinça au niveau du bras.

– Ouch !

– Ça t’apprendra à ne pas reconnaître une blague quand j’en dis une, taquina aussitôt Sarah avant de grimacer lorsque le tonnerre gronda à nouveau à en faire trembler les murs. Ta distraction n’aura duré qu’un temps.

Maena s’installa confortablement contre son oreiller avant d’écarter les bras en signe d’invitation :

– Viens là.

Sarah hésita :

– Hum... tu es sûre ?

– Certaine, assura aussitôt Maena, avant d’ajouter une fois que Sarah fut allongée contre elle : qu’est-ce que tu fais d’habitude pour ne plus avoir peur ?

– J’appelle Vincent, marmonna Sarah contre son épaule.

Maena fronça les sourcils de confusion avant de se sentir profondément rougir lorsque la personne mentionnée lui revint en mémoire, et surtout le genre de relation qu’il entretenait avec Sarah.

– Ah... euh... hum...

Sarah releva la tête, amusée par l’air totalement embarrassé de Maena.

– Hé, calme-toi, dit-elle en posant un doigt sur les lèvres au-dessus d’elle. Ça ne se passait pas comme tu as l’air de te l’imaginer, et si ça avait été le cas, je serais simplement restée m’amuser toute seule dans ma chambre.

Elle ne put s’empêcher d’éclater de rire lorsqu’elle vit Maena rougir encore plus.

– Et dire que la ville toute entière nous croit mariées, regarde les réactions que tu as dès que je prononce des paroles un peu osées, poursuivit-elle en secouant la tête. En fait, il me racontait simplement des blagues débiles, et elles étaient tellement nulles, que je passais la moitié de la nuit pliée en deux de rire.

– Des blagues débiles ? répéta Maena.

Sarah hocha doucement la tête.

– Il paraît que j’ai le rire facile.

Maena prit un air pensif.

– Hmm... qu’est-ce qu’un slow pour un physicien ?

– Euh... j’en sais rien, répondit Sarah, confuse.

– Un mouvement de rotation uniforme... si on néglige les frottements.

Sarah l’observa comme si elle avait perdu l’esprit avant de se couvrir les yeux d’une main, un rire incrédule s’échappant de ses lèvres.

– Maena, c’était... la blague la plus pourrie que j’ai jamais entendu.

– C’est vrai ? s’étonna aussitôt Maena, avant de demander, pleine d’espoir : tu as aimé alors ?

Sarah ricana de plus belle.

– Maena, répondit-elle une fois plus ou moins calmée. J’ai surtout... absolument... rien compris.

Maena haussa les sourcils.

– C’est limpide pourtant ! s’exclama-t-elle.

– Nan, marmonna aussitôt Sarah en reposant sa tête contre son épaule. T’as pas une histoire plutôt ? Hmm... tiens, dis-moi lequel est ton préféré parmi tous les tableaux que tu possèdes.

Maena pointa aussitôt du doigt droit devant elle et Sarah se redressa légèrement afin d’apercevoir l’œuvre qu’elle désignait :

Astarte Syriaca de Dante Gabriel Rossetti, murmura-t-elle d’un air ébahi. L’épitome de la déesse de l’amour Préraphaélite, véritable idéal féminin.

Elle tourna de nouveau la tête vers Maena :

– Tu connais l’histoire ?

– Astarte était une divinité du Proche-Orient, une version antérieure et beaucoup plus belliqueuse de Venus, la déesse de l’amour. La légende raconte qu’elle possédait une force à laquelle peu parvenaient à résister, à la fois menaçante et attirante. Elle aurait aussi idéalisé la féminité. 

Sarah observa de nouveau l’œuvre et dut bien admettre que Rossetti avait fait un travail remarquable. Astarte respirait la sensualité et la volupté, une femme à la fois forte et délicate qui assumait et revendiquait visiblement ce charme qu’elle dégageait.

– Elle me fait penser à Lilith, répondit-elle enfin en détaillant la pose élégante et le regard soutenu. Elle attire tout en suscitant de la crainte, de l’appréhension. On a même l’impression qu’elle va sortir du tableau et nous affronter en personne.

– Je pense qu’elle représente surtout les fantasmes sexuels et les craintes de Rossetti. Jane Morris était sa muse, son amour, son obsession. Mais elle était surtout...

– ... la femme de son ami William Morris, termina Sarah en l’observant à nouveau. La Venus, l’enchanteresse inaccessible.

Elle fit la moue :

– C’est comme Shakespeare en fait, c’est déprimant.

– Déprimant ? répéta aussitôt Maena, incrédule. C’est pas déprimant, c’est beau et romantique et –

Elle fut coupée par une main sur ses lèvres.

– Effie Gray par Millais, c’est romantique, répondit Sarah en lui offrant un regard appuyé. Ça ? C’est déprimant ! Le pauvre, tout ce qu’il pouvait faire, c’était peindre celle qui était tout pour lui, en sachant que dès qu’il aurait terminé, elle retrouverait son homme...

Le corps sous elle se mit à vibrer et elle s’interrompit avant de plisser des yeux :

– J’ai dit quelque chose de drôle ?

– Non, répondit Maena en s’essuyant les yeux. Mais Sarah, franchement... tu penses vraiment qu’il ne s’est rien passé du tout entre eux après autant d’années à être son modèle ?

– Non ? hésita Sarah avant de sentir sa mâchoire s’affaisser lorsque Maena lui fit comprendre que si. Oh la vache, c’était une salope en fait !

Maena plaqua aussitôt une main sur ses lèvres :

– Sarah !

– Ben quoi ? C’est vrai, marmonna Sarah en se dégageant. Je vais plaindre William Morris maintenant.

Maena rit à nouveau et elle la pinça au niveau des côtes.

– Ouch ! se plaignit Maena en s’emparant de ses mains avant de regarder autour d’elle. On dirait que l’orage s’est enfin calmé, tu penses pouvoir dormir maintenant ?

Sarah hocha la tête et reposa sa tête contre son épaule. Son regard s’arrêta une nouvelle fois sur le portrait d’Astarte et elle demanda :

– Dis Maena... comment tu as su que tu étais amoureuse d’Alison ?

Maena l’observa un instant avant de répondre :

– Eh bien... je pense... que j’ai réalisé un jour qu’elle avait fini par devenir le fil conducteur de ma vie, et que je ne pouvais pas vivre sans elle. En sa présence je me sentais vivante, entière, comme pleine de vie. Elle me rendait heureuse. Et à contrario, quand elle n’était pas là, elle me manquait terriblement. Et puis il y avait toutes ces petites choses qui me poussaient à avoir un sourire niais malgré moi, le cœur qui battait, les papillons dans le ventre. Un regard trop insistant me poussait à détourner les yeux, le moindre compliment me faisait perdre mes moyens, un simple contact avec ma peau me faisait respirer un peu plus vite...

Une main se posa sur sa joue avant de lentement dévier vers ses lèvres et elle déglutit péniblement avant de murmurer :

– Sarah ?

Sarah observa les lèvres de Maena dont elle s’émerveillait de leur douceur avant de relever les yeux vers elle. Maena avait tout juste commencé à parler qu’elle s’était retrouvée comme en transe, subjuguée autant par ses paroles que la façon dont elle les véhiculait. Elle s’en était retrouvée étrangement bousculée, parce que lorsqu’elle était avec Maena, elle ressentait la même chose.

Elle en prenait réellement conscience désormais, et cette révélation soudaine lui donna légèrement le vertige.

– J’ai envie de t’embrasser, souffla-t-elle avant de rougir furieusement lorsqu’elle réalisa ce qu’elle venait de dire. Ah... euh... je sais pas ce qu’il m’a pris de dire ça, grimaça-t-elle en se redressant légèrement. Je suis désolée, je –

– J’en ai envie aussi.

Sarah s’interrompit aussitôt avant de relever les yeux vers Maena. Elle sonda un instant son visage avant de demander :

– C’est vrai ?

Maena hocha silencieusement la tête et elle se mordit la lèvre inférieure :

– Ce que tu viens d’énumérer... tu le ressens avec moi aussi ? chuchota-t-elle, bien consciente qu’elle risquait la déception à tout moment.

– Tu es la fille qui m’a poussée à vouloir sortir en plein jour malgré moi à deux reprises et tu oses me demander ça ? sourit Maena avant de s’emparer de la main de Sarah et la porter à ses lèvres. Je ressens tout ça, et plus encore, ajouta-t-elle sincèrement. 

Sarah rougit avant de laisser un sourire ravi apparaître sur ses lèvres. Puis, sans quitter Maena des yeux, elle s’approcha lentement et lorsqu'elle sentit enfin la chaleur de sa bouche contre la sienne, elle frissonna avant de s'abandonner, oubliant tout sauf ce baiser qu'elle désirait de toute son âme.

Le contact fut enivrant, si bien qu’elle pouvait presque sentir les lèvres de Maena palpiter sous les siennes. Un sentiment de plénitude, d’appartenance la parcourut, et elle eut l’étrange impression de se sentir revivre. Comme si elle avait enfin trouvé ce qu’elle avait, sans le savoir, cherché pendant toutes ces années.

Il arrive parfois que deux âmes se rencontrent pour n'en former plus qu'une.

Ce n’était pas la première fois qu’elles s’embrassaient, ni la première fois qu’elle embrassait quelqu’un, mais la connexion qu’elle ressentait à présent avec Maena... elle ne l’avait jamais ressentie avant. Elle était aussi bien physique que mentale, lui chavirant le cœur, le corps et l’âme.

Une douce odeur de rose lui parvint, et, blottie contre son corps doux et chaud, Sarah sentit sa respiration changer de rythme face aux sensations magiques que faisaient naître en elle chacun de ces sentiments nouveaux.

Ses lèvres descendirent dans le cou de Maena et elle effleura sa peau, goûtant pour la première fois à ce grain si délicat et si doux, avant de murmurer, désireuse :

– Je veux sentir tes mains sur mon corps.

Maena effleura ses joues de ses doigts et remonta doucement son visage afin de l'embrasser à nouveau. Sarah l'enlaça aussitôt, répondant à son baiser avant de gémir de frustration lorsque Maena s'écarta légèrement pour l'interroger du regard.

Le même désir brûlait en elles, et elle lui caressa doucement les cheveux avant de demander :

– Tu es sûre que ce n'est pas trop tôt ?

– Je m’en fous, répondit Sarah, provoquant aussitôt un rire en retour.

Elle rougit légèrement avant de reprendre :

– Si tu ressens tout ça... ça veut dire que tu m’aimes, non ? demanda-t-elle en venant jouer avec la bretelle de la nuisette de Maena d’un air distrait. 

Maena sourit, charmée par les paroles et l’attitude mi-joueuse, mi-intimidé de Sarah, avant de se pencher vers elle et l'embrasser tendrement.

– Ca veut dire ça, oui.

– Alors ça me suffit, répondit Sarah en relevant les yeux vers elle. Parce que je t’aime aussi. Alors pourquoi est-ce qu’on attendrait ?

Leurs regards étaient comme soudés l’un à l’autre et lorsque Maena sentit le frôlement des doigts de Sarah sur sa peau, un frisson la parcourut de la racine des cheveux jusqu'à ses orteils. Elle s’approcha et effleura la bouche de Sarah de ses lèvres, avant de glisser délicatement sur sa gorge puis remonter à sa bouche à nouveau. Les paupières de Sarah étaient lourdes, ses lèvres picotaient de plaisir. Pourtant, elle s’écarta subitement pour rire ouvertement.

– Excuse-moi, répondit-elle lorsqu’elle vit l’air on ne peut plus perplexe de Maena. C’est juste... Maena, je ne peux pas faire ça en sachant que tu as tes chaussettes aux pieds.

Maena haussa les sourcils d’incrédulité avant de soupirer et se débarrasser du vêtement en question.

– Mieux ? demanda-t-elle une fois réinstallée.

Sarah hocha frénétiquement la tête mais haussa les sourcils de surprise lorsque Maena posa un doigt sur ses lèvres quand elle voulut l’embrasser à nouveau.

– Quoi ?

– Eh bien tu peux parler toi, avec ton débardeur et ton vieux caleçon, répondit Maena en tirant sur le vêtement en question.

Sarah plissa des yeux avant de faire la moue.

– T’as raison, acquiesça-t-elle avant de se contorsionner sous les couvertures.

Maena sentit sa mâchoire s’affaisser lorsqu’elle vit les vêtements en question apparaître juste sous son nez avant de voler à l’autre bout de la pièce.

– Mieux ? demanda Sarah en venant se coller à elle de tout son long.

Maena sentit sa bouche s’assécher et elle se contenta d’hocher frénétiquement la tête, fermant les yeux lorsque Sarah glissa une main à l’arrière de sa nuque et l'attira contre elle. Ses lèvres embrassèrent sa gorge avant de s'attarder sur la veine qui battait sous la peau soyeuse et elle leva une main afin d’effleurer la courbe de l’épaule de Sarah avant de murmurer :

– Je crois que tu as raison, je pense que le moment est parfaitement choisi.

Sarah ralentit ses baisers avant de se redresser afin de croiser son regard, et elle sourit :

– Tant mieux, parce que je t’aime Maena, et j’ai bien l’intention de te le montrer.

Le poids du corps qui la pressa contre le matelas la remplit d'extase et Sarah l'étreignit avant de sourire lorsque les paroles suivantes furent murmurées contre ses lèvres :

– Je t’aime aussi.

12 août 2013

Chapitre 19

– Ce serait pas plus simple si tu mettais une combinaison ? demanda Sarah tout en observant le jean moulant et le petit chemisier que Maena avait décidée de porter, avant de remonter jusqu’à sa casquette dont quelques mèches brunes s’échappaient. Elle est vraiment mignonne comme ça.

Maena haussa les épaules, le doigt en appui sur un interrupteur.

– Probablement, mais je déteste ça. J’ai la crème et je suis en train de descendre les filtres UV qui recouvriront les vitres du toit, expliqua-t-elle tout en désignant l’interrupteur. On restera juste moins longtemps. En ce moment, c’est l’été, alors ça nous donne deux heures avant que je ne doive remettre de la crème.

Sarah hocha la tête, compréhensive.

– Donc, tu ne mets jamais la combinaison ? Ça pourrait te permettre de profiter de l’air extérieur...

– De l’air extérieur ? s’exclama Maena avant de plisser des yeux. Sarah, tu as déjà vu à quoi ressemblent ces combinaisons ?

Embarrassée, Sarah secoua négativement la tête et Maena s’empara de son iPhone qu’elle avait glissé dans sa poche arrière. Elle tapota l’écran de son pouce un instant avant de le tendre en direction de Sarah.

– Tiens, regarde.

Sarah s’empara du téléphone puis observa l’image que Maena avait sélectionnée. Son cœur se serra aussitôt lorsqu’elle remarqua qu’il s’agissait visiblement d’enfants à peine âgés d’une dizaine d’année, mais elle se sentit encore plus mal lorsqu’elle prêta réellement attention aux tenues qu’ils portaient.

– On dirait des tenues de mises en quarantaine, remarqua-t-elle doucement alors qu’elle détaillait du regard l’espèce de foulard qui recouvrait leur tête, les visières semblables à celles qu’elle mettait lorsqu’elle allait au ski, l’imposant manteau blanc et les gants de la même couleur.

– On les appelle les tenues fantômes, ça donne envie hein ? déclara Maena, le ton sarcastique. Tu entends mal, les gens te comprennent difficilement, et ton champ de vision est tellement rétréci que tu as une chance sur deux de tomber à chaque pas que tu fais. Sans compter que ça devient très rapidement un véritable sauna au bout d’une dizaine de minutes.

Elle baissa des yeux avant d’ajouter :

– Et lorsque tu sors dans la rue, les gens ont soit peur de toi, soit ils appellent les flics.

Sarah sentit aussitôt sa vue se brouiller, devinant aisément que Maena avait eu à faire à ce genre de réaction. Elle se racla maladroitement la gorge avant de remettre l’iPhone de Maena à sa place.

– Eh bien heureusement que tu t’es abstenue pour aujourd’hui alors, murmura-t-elle dans l’oreille toute proche dans l’espoir de provoquer un sourire. Parce que j’ai une phobie totale des fantômes, et la casquette te va à ravir, c’est super sexy. J’aurais été verte de louper ça !

Maena redressa légèrement la tête, amusée avant de remarquer les yeux humides de Sarah.

– Sarah..., soupira-t-elle, contrariée.

– Désolée, s’excusa aussitôt Sarah en s’essuyant rapidement les yeux. Y a des coups de vent par ici, non ?

Maena lui offrit un regard appuyé avant de finalement décider de laisser passer.

– Bon, ça y est, dit-elle en posant une main sur la poignée. Tu es prête ?

– Impatiente, sourit aussitôt Sarah.

Maena s’apprêtait à baisser la poignée mais elle s’interrompit :

– Avant, il faut que tu saches que c’est assez petit, et il n’y a pas énormément d’espèces différentes, et –

– Maena..., soupira Sarah tout en la poussant légèrement. Ouvre la porte, allez. J’ai pas mis le nez dehors depuis deux jours et je meurs d’envie de communier avec la nature.

Elle s’interrompit avant d’ajouter dans un sourire taquin :

– Et je suis sûre que ta serre est mignonne comme tout.

Maena rougit légèrement et elle acquiesça d’un signe de tête avant d’abaisser la poignée, et finalement ouvrir la porte.

– Après toi, murmura-t-elle en s’écartant légèrement.

Sarah la remercia d’un petit sourire puis pénétra dans la serre, aussitôt surprise par l’air chaud et humide qui l’accueillit aussitôt. Mais ce ne fut rien par rapport à ce qu’elle ressentit lorsqu’elle leva les yeux et regarda autour d’elle.

Epoustouflant fut le premier mot qui lui vint à l’esprit. 

Des papillons, des petits oiseaux, des diamants de Gould, des carpes, tout un tas d’espèces évoluaient dans un véritable décor de jungle.

Elle sursauta lorsque deux mains se posèrent sur ses hanches.

– La seule chose que je te demanderai, chuchota Maena à son oreille, c’est de faire attention où tu mets les pieds. Regarde devant toi.

Sarah baissa les yeux et elle sourit aussitôt lorsqu’elle remarqua les petites cailles qui se baladaient juste devant elle.

– Oh Maena, c’est trop mignon ! s’exclama-t-elle en s’agenouillant. Ça vole pas ?

Maena ne put retenir un sourire face à la question ô combien innocente. Elle s’agenouilla à son tour.

– Si, mais elles se nourrissent principalement de graines au sol et d’insectes.

Sarah s’immobilisa aussitôt :

– Il y a des insectes ici ?

– C’est une serre, bien sûr qu’il y a des insectes. T’as pas vu les papillons ?

Sarah plissa des yeux.

– Si, mais les papillons c’est mignon, dit-elle en regardant autour d’elle. Les tiens sont d’ailleurs magnifiques, ils sont de toutes les couleurs.

– Merci, répondit Maena en se redressant, entraînant Sarah avec elle. Et en ce qui concerne les moins jolis insectes, je te protégerai, t’en fais pas, taquina-t-elle.

Sarah lui tira aussitôt la langue.

– Merci, Madame Maena, charria-t-elle néanmoins en retour avant de s’exclamer : oh mon Dieu, tes orchidées sont magnifiques ! Enfin, si ce sont des orchidées, je n’en ai jamais vu des comme ça, dit-elle en s’approchant. Blanche au cœur bleu glace... comme Maena, sourit-elle intérieurement.

– Il est possible que je les aie modifiées.

– Modifiées ? s’étonna Sarah en levant les yeux vers elle. Comment ça ?

Maena porta une fleur à son nez et inspira doucement :

– Eh bien, c’est de la génétique, tu sais.

Sarah hocha doucement la tête avant de regarder autour d’elle.

– C’est ça, ton travail ? La génétique des fleurs ?

Maena secoua doucement la tête.

– La génétique tout court.

– Hmm... et tu fais de la recherche sur quoi, en ce moment ?

Maena vit un papillon noir à l’extérieur, et vert à l’intérieur se poser sur l’épaule de Sarah et elle le récupéra sur le bout de son doigt avant de répondre :

– Sur ma maladie. Le seul espoir qui réside est celui de la thérapie génique, en remplaçant le gène lésé par le soleil par un autre sain. Mais cette technique est difficile à mettre au point car il faut pouvoir reproduire des cellules de peau, les modifier génétiquement et les greffer sur les malades sans qu'il n’y ait de rejet.

– Et tu penses que c’est possible ? demanda doucement Sarah.

Maena haussa les épaules avant de la regarder droit dans les yeux :

– Je continuerai à chercher jusqu’à ce que je trouve, répondit-elle avant de sourire. Allez viens, que je te montre mes fruits exotiques. 

Sarah acquiesça d’un léger signe de tête et la suivit à l’autre bout de la serre.

– C’est pour ça que tu n’as pas voulu me dire sur quoi tu travaillais en ce moment ? demanda-t-elle alors que des effluves de vanille venaient agréablement lui chatouiller les narines. Parce que j’aurais aussitôt su de quoi tu souffrais ?

Maena s’empara de sa main et la dirigea dans une allée adjacente avant de s’arrêter, et Sarah fut aussitôt surprise par la quantité de fruits tropicaux qui les entouraient ; papayes, mangues, caramboles, ananas, avocats... elle sentit aussitôt son ventre se mettre à gargouiller.

– C’est réellement ça, qui t’intrigue ? demanda Maena en sortant un couteau suisse de sa poche afin de cueillir une goyave.

Elle coupa le fruit en deux dans des gestes précis puis en découpa un morceau qu’elle tendit à Sarah :

– Tiens, goûte-moi ça, sourit-elle.

Sarah obtempéra et elle sentit aussitôt ses paupières se fermer face à la chair juteuse et un goût balançant entre la pêche et la fraise.

– Hmm c’est délicieux.

– Merci, sourit aussitôt Maena avant de hausser un sourcil. Tu ne préfères pas savoir pourquoi je t’ai fait kidnapper plutôt ?

Sarah détourna le regard, légèrement embarrassée.

– Disons que je pensais que c’était dans l’espoir de pouvoir me garder ici quoi qu’il arrive, quelle que soit ma réponse face au testament.

 Maena regarda au loin, pensive :

– C’est à peu près ça, mais ça reste quand même un peu plus complexe, admit-elle avant de prendre une profonde inspiration. A cause de ma maladie, je suis constamment suivie par mon médecin traitant, ainsi que par des médecins spécialistes, des psychologues, des généticiens... et même si la plupart peuvent se déplacer à la maison, je dois parfois me rendre à leurs cabinets. J’ai toujours peur de ces moments-là, mais je les chéris aussi, parce que je peux profiter du paysage extérieur pendant un instant, et ce même si c’est au travers des vitres de la limousine.

Elle sourit tristement avant de poursuivre :

– J’avais dû sortir ce jour-là, pour me rendre en centre-ville. Comme toujours, Granny discutait avec le conducteur pendant que moi j’observais le paysage défiler sous mes yeux, subjuguée et envieuse de tous ces gens qui n’avaient pas la moindre idée de combien ils étaient chanceux d’évoluer à même la lumière du jour. Et puis la limousine a fini par s’arrêter pour laisser passer un groupe de jeunes âgés d’une dizaine d’années, j’ai distraitement entendu Granny dire qu’il s’agissait de la sortie d’un collège, mais je leur ai à peine prêtés attention. Parce qu’à la place, je la regardais elle. Cette petite fille qui devait à peine avoir plus de dix ans tant elle semblait si jeune et si fragile, recroquevillée sur elle-même.

« Je me souviens encore de ses cheveux tressés et de l’adorable petite robe rouge qu’elle portait, puis la façon dont elle serrait son sac contre elle et baissait la tête m’a intriguée. Elle semblait apeurée, non plutôt... malheureuse. Un garçon l’a finalement bousculée et j’ai aussitôt ressentit comme un pincement au cœur lorsque j’ai vu qu’elle pleurait. Elle semblait si triste, si misérable que c’est seulement lorsque Granny m’a soudainement tirée en arrière que j’ai réalisé que j’avais ouvert la portière et m’apprêtais à aller vers elle.

– Qu-quoi ?

La voix de Sarah la ramena à la réalité et Maena baissa les yeux vers elle, aussitôt surprise de voir qu’elle pleurait.

– Je voulais te rejoindre, expliqua-t-elle en portant une main à son visage afin d’essuyer les larmes de ses pouces. Je ne pourrais l’expliquer, mais j’ai ressenti ce besoin au fond de moi. C’était comme si mon corps avait pris le dessus, et je devais simplement te rejoindre. Ça n’a pas de sens, pas vrai ?

Sarah s’essuya les yeux d’un revers de manche, et elle l’observa, la compréhension s’insinuant dans son esprit :

– C’est pour ça que Granny est venue me voir ce jour-là, c’était pour toi, pas vrai ?

Maena baissa la tête, un sourire embarrassé sur les lèvres :

– Je suis sûre qu’elle serait venue vers toi de toute façon si elle t’avait vue par elle-même.

– Mais tu as risqué ta vie pour moi, alors que tu ne me connaissais même pas ?

Maena fronça les sourcils de concentration :

– Je ne peux pas l’expliquer Sarah, j’en ai simplement ressenti le besoin, expliqua-t-elle en relevant un regard perdu vers elle. J’avais seize ans à l’époque, et je l’admets, étant en pleine crise d’adolescence, il m’est arrivé d’avoir des actes irréfléchis. Mais ce jour-là, je le voulais, je voulais vraiment effacer ces larmes de ton visage. Le reste m’était simplement égal.

Sarah prit appui contre la petite barrière qui longeait l’allée avant de porter ses mains à son visage, le flot d’information qu’elle venait de recevoir lui donnant légèrement le tournis.

– Donc... tu me connaissais déjà avant que cette histoire de testament n’ait lieu ? demanda-t-elle en l’observant à nouveau.

– Oui, mais je n’avais pas pensé à toi à nouveau avant de te recroiser il y a quelques mois.

Sarah lui offrit un regard confus et elle s’expliqua : 

– J’étais sortie avec Granny pour refaire le plein de crème solaire à la pharmacie, et alors qu’on s’apprêtait à repartir, je t’ai vu sortir à ton tour. Tu avais des lunettes de soleil, mais je t’ai aussitôt reconnue. Et je me suis dit que tu étais la plus belle femme que je n’avais jamais vue.

Sarah se sentit aussitôt rougir, et elle se frotta maladroitement la joue :

– Et Granny ? Elle m’a reconnu elle aussi ?

– Elle m’a dit, je cite : « ouvre-la portière et je jure te mettre la fessée devant tout le monde », sourit aussitôt Maena avant de se frotter le sourcil d’embarras. J’avais de nouveau la main sur la poignée, admit-elle honteusement.

– Vraiment ? s’exclama Sarah.

  Maena hocha la tête.

– Puis elle m’a conseillé de fermer la bouche et d’arrêter de baver, même si, comme il y a dix-sept ans en arrière, elle comprenait aisément pourquoi.

Sarah hésita aussitôt entre éclater de rire ou être de plus en plus embarrassée.

– J’imagine qu’elle m’avait en effet reconnue, dit-elle enfin avant de s’interrompre. Le testament... tu penses que c’était pour ça ?

– J’y ai pensé, admit Maena. Mais honnêtement ? Je ne sais pas.

– Hmm, répondit Sarah avant de lever les yeux vers elle : alors c’est pour ça que tu m’as kidnappée ? Ce n’était rien de plus que le fruit d’un caprice alors ? demanda-t-elle, perplexe.

Maena secoua aussitôt la tête.

– Non, ou peut-être que si, je ne sais pas, admit-elle, confuse. Lorsqu’Alison est partie, j’ai commencé à vraiment me sentir seule. Outre mon travail, je n’avais personne. J’étais fille unique, les enfants d’Amy avaient quitté la maison depuis longtemps et je n’avais pas d’amis. Enfin... j’avais les amis d’Alison, mais je te laisse deviner quel parti ils ont pris lorsque les choses ont commencées à dégénérer entre nous.

– C’est stupide.

Maena haussa les épaules.

– C’est comme ça, sourit-elle tristement. Les mois se sont écoulés, et j’ai vraiment commencé à désirer la présence de quelqu’un. Et puis j’ai eu vent du testament, et je me suis dit que c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. J’étais déjà tellement mal et seule à ce moment-là, que c’était soudainement pire. J’en voulais à la terre entière de m’avoir fait telle que je l’étais, j’en voulais à Granny de m’avoir m’abandonnée et d’empirer les choses. Si tu savais comme j’avais envie d’être comme tout un chacun Sarah, de pouvoir sortir dans la rue sans avoir à me soucier des risques que j’encours habituellement, du regard des autres, de pouvoir rencontrer n’importe qui...

Elle s’essuya les yeux d’une main irritée avant de poursuivre :

– Je sais bien ce qu’il se dit autour de moi, tu sais. Ce que le reste de la ville pense de moi, de cette femme étrange qui ne met jamais le nez dehors et que tout le monde craint. J’avais juste envie d’être normale, et d’avoir ce que tout le reste du monde a.

Elle leva un regard empli de désespoir vers Sarah et fut aussitôt surprise de sentir deux lèvres se poser sur les siennes tandis que des bras venaient s’enrouler autour de sa nuque. Elle écarquilla les yeux avant de gémir lorsqu’une langue vint caresser ses lèvres.

– Sarah, soupira-t-elle entre deux baisers. Qu’est-ce que...

Sarah sourit contre sa bouche et l’embrassa une dernière fois avant de se reculer :

– Quoi ? J’ai bien le droit d’embrasser ma femme, non ?

Maena se sentit aussitôt rougir.

– Hum... dis comme ça, je vais avoir du mal à te contredire, sourit-elle, légèrement embarrassée. Je peux savoir ce qui t’a donné envie de m’embrasser dans mon histoire déprimante là ?

– Ce que tu aurais dû faire depuis le début, répondit simplement Sarah en venant caresser les lèvres à proximité du bout du doigt. Etre simplement toi. Pas de mensonges montés de toute pièce, de prétention. Juste toi. La vraie toi.

Maena abaissa aussitôt les yeux.

– Personne n’a jamais voulu connaître la vraie moi.

Sarah lui redressa aussitôt le menton.

– Eh bien moi, si, murmura-t-elle sincèrement. J’ai envie de savoir ce qu’il y a là, murmura-t-elle en posant une main sur le cœur de Maena avant d’ajouter, taquine : maintenant que je sais exactement à quoi ressemble ton physique de rêve.

– Mon physique de rêve, hein ? sourit Maena avant de regarder autour d’elle. Il y a des bancs près du recoin à papillon, on peut rester encore un peu. Ça te dit ?

Sarah hocha la tête et s’empara de sa main avant de les diriger vers l’endroit désiré.

💕

– Tu m’as expliqué pourquoi tu ne sortais pas à la lumière du jour, même avec les tenues. Mais pourquoi ne pas avoir de fenêtres ? S’il existe des filtres anti ultraviolets...

Maena prit un air songeur avant de soudainement demander :

– Tu aimes le chocolat ?

– Le chocolat ? répéta bêtement Sarah, surprise par le changement de sujet soudain. Euh... oui, oui bien sûr.

– Très bien, commença Maena en se tournant légèrement vers elle. Alors imagine... le fondant au chocolat le plus délicieux que tu n’aies jamais vu, légèrement craquant sur le dessus, moelleux dessous et terriblement fondant à l’intérieur...

Elle s’interrompit lorsqu’elle entendit le ventre de Sarah gargouiller bruyamment.

– Tu as faim ? s’étonna-t-elle.

Sarah rougit d’embarras avant de secouer négativement la tête.

– Non, mais là, tu es très sérieusement en train de me donner envie !

Maena rit doucement.

– Excuse-moi, j’essaye juste de te faire comprendre quelque chose, répondit-elle avant de reprendre son sérieux. Maintenant, imagine que ce gâteau ait été mis sous verre, et que chaque jour que dieu fait, il soit constamment là, juste sous ton nez. Mais la cloche qui le recouvre n’est pas accrochée à son socle, ce qui veut dire que tu pourrais simplement la soulever... et céder à ton envie.

– Mais le gâteau est empoisonné, hein ? grimaça Sarah.

Maena hocha la tête, ravie de voir que Sarah avait compris là où elle voulait en venir.

– Exactement. Une simple bouchée entraînerait des dommages irréversibles, rapidement suivit d’une mort certaine. 

Sarah frissonna.

– C’est pour ça que tu n’as pas de fenêtre ? demanda-t-elle. Pour ne pas avoir à subir la tentation jour après jour...

– Oscar Wilde disait que le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est d'y céder, déclara Maena, le regard lointain. Mais honnêtement, je ne sais même pas si c’est par peur d’être tentée, ou par peur tout court.

Elle hésita avant d’ajouter :

– Le simple fait de savoir ce que le soleil pourrait me faire si je me décidais un jour à mettre le nez dehors...

Sarah ressentit aisément le frisson qui la parcourut.

– Il m’attire tout en me terrorisant, poursuivit Maena avant de lever vers elle un regard perdu. C’est insensé, hein ? 

– Non, répondit Sarah tout en prenant l’une de ses mains dans les siennes, désireuse de faire disparaître l’air soudainement si fragile qui habitait le visage de Maena. Au contraire Maena, ça a tout son sens.

Elle réfléchit un instant avant de demander :

– Et la véranda ? Pourquoi l’avoir laissée telle quelle est alors ?

Maena lui sourit tristement :

– Ce n’est pas parce que j’ai choisi de passer ma vie dans un véritable cercueil que je dois entraîner tout le monde avec moi, tu ne crois pas ? Ça n’aurait pas été juste pour ceux qui travaillent pour moi.

Elle hésita avant d’ajouter :

– Sarah, est-ce que... est-ce que c’est ce que le reste de la ville pense, que je suis un vampire ?

Sarah se sentit aussitôt rougir furieusement.

– Non, enfin, je ne pense pas, répondit-elle avant de grimacer. C’est juste mon imagination qui a très légèrement dépassé les bornes.

Elle fut soulagée de voir Maena sourire et serra la main qu’elle tenait toujours dans la sienne.

– Pourquoi est-ce que tu gardes ta maladie secrète, d’ailleurs ? Ca éviterait qu’ils s’imaginent toute sorte de chose...

Maena haussa les épaules.

– Je préfère surement éveiller de la crainte que de la pitié.

– Maena...

Maena la coupa de deux doigts sur les lèvres.

– Et la compassion est un beau sentiment, mais je préfère que l’on me considère pour qui je suis, pas pour ce dont je peux bien souffrir, répondit-elle avant de retrouver son sourire. A vrai dire, le moins c’est mentionné, le mieux je me porte.

– C’est ta façon de me dire d’arrêter de te questionner sur le sujet ? grimaça aussitôt Sarah.

Maena secoua doucement la tête.

– Non, si tu as des questions, j’y répondrais avec plaisir, la rassura-t-elle. Mais si ton attitude envers moi venait à changer...

– Tu es autorisée à me botter les fesses, promis aussitôt Sarah, ravie de provoquer un rire en retour.

Maena haussa un sourcil.

– Alors ? Qu’est-ce que tu veux savoir ?

Sarah se mordit la lèvre inférieure, les sourcils froncés de concentration, avant de relever soudainement la tête :

– Le jour où je t’ai annoncé que mes amies voulaient te rencontrer, tu as réagi bizarrement avant d’aller passer un coup de fil... ça avait à voir avec ta maladie ?

Maena hocha doucement la tête :

– On pense trop souvent, à tort d’ailleurs, que seule la lumière du soleil émet des ultra-violets. Mais ce n’est pas le cas. Les tubes néons, les lampes fluorescentes, les spots, le flash d’appareil photo... sont eux aussi concernés. Tu avais mentionné un club gay friendly ; je devais m’assurer que je ne risquais rien. Autre chose ?

Sarah se mordit la lèvre inférieure :

– Tu m’as dit l’autre jour que tu avais demandé à Alison de porter le bébé parce que tu ne le pouvais pas. C’est parce que tu avais peur de lui transmettre la maladie ?

– En partie, acquiesça Maena. Rien ne m’empêche de tomber enceinte, mais c’est déjà tellement difficile à vivre simplement comme ça... Même si je reste extrêmement prudente, le risque zéro n’existe pas. Ça pourrait affecter la grossesse. Mais pour en revenir à cette histoire de transmission, une personne souffrant du Xeroderma Pigmentosum n’aura un enfant affecté par la même maladie que si l’autre parent est porteur du gène muté, ou lui aussi souffrant. Tu me diras, on aurait pu choisir un donneur non porteur, mais...

– Il y aurait eu de grandes chances pour que l’enfant récupère quand même un exemplaire du gène muté, termina Sarah tout en hochant la tête de manière compréhensive. Laisse-moi deviner, Alison n’était pas porteuse, pas vrai ?

Maena secoua négativement la tête.

– Alors tu as préféré qu’elle, à l’aide d’un donneur non porteur du gène, porte le bébé, comme ça, tu étais sûre qu’il n’y aurait aucun risque pour que l’enfant soit porteur, et que l’un des futurs descendants ne soit malade à son tour. 

Maena hocha de nouveau silencieusement la tête et Sarah sentit sa gorge se serrer.

– Tu n’as pas de frères et sœurs ? Cousins, cousines ?

– Non.

– Alors ta lignée va s’arrêter là...

– Qu’aurais-tu fait à ma place, Sarah ? demanda Maena en relevant légèrement sa tête de manière à croiser son regard. Ce n’est pas une vie, encore moins pour un enfant. Je ne le souhaite à personne, et savoir que je pourrais en être responsable...

Elle frissonna.

– Non, et je suis même contente que mes parents n’aient pas reproduit la même erreur deux fois.

Sarah se dégagea aussitôt.

– C’est ce que tu penses ? demanda-t-elle, attristé. Que tu es une erreur ?

Maena soupira.

– Je pense que condamner un enfant dans le simple but d’assouvir des désirs personnels, c’est égoïste.

Sarah relâcha aussitôt un rire incrédule.

– Maena, je t’en prie, comment peux-tu dire que donner la vie, c’est être égoïste ? C’est supposé être tout le contraire. Tu regrettes vraiment que tes parents t’aient eu, toi ?

– C’est arrivé, répondit simplement Maena, et Sarah n’eut aucun mal à deviner la douleur qui se cachait derrière les mots. Ça arrive encore parfois.

Sa gorge se serra et Sarah s’essuya les yeux d’une main irritée.

– Bon sang, Maena...

– Tu souhaiterais ça pour tes enfants, toi ? Une vie plus courte que celle des autres, enfermée entre quatre murs, à envier ce que le reste du monde a ?

Elle fut coupée par une main sur ses lèvres.

– Tu n’es pas une erreur, déclara fermement Sarah avant de laisser son expression s’adoucir. Et je comprends ce que tu veux dire, vraiment. Mais... la vie, ce n’est pas noir ou blanc Maena. Il te reste tellement de belles choses qui restent à ta portée malgré tout. Je veux dire, regarde autour de toi, tu t’es créé un véritable petit paradis comme refuge. Pourquoi t’arrêter là ?

Elle se mordit la lèvre avant d’ajouter :

– Moi ce que je trouve triste, c’est que tu décides de ne voir que ce dont tu as été privée, et ne remarque même pas ce qui est là, juste sous ton nez, remarqua-t-elle tristement tout en venant caresser la joue de Maena. Je sais que c’est pas juste, que ça ne devrait pas être comme ça, mais tu peux quand même avoir une belle vie Maena. 

Maena baissa les yeux, visiblement émue, avant de l’observer à nouveau.

– Et si tu étais moi, qu’est-ce que tu ferais ?

– Je passerais un peu moins de temps dans mon labo et mettrais sur papier tout ce que j’ai envie de faire, et je le ferais, sourit aussitôt Sarah. Dans la mesure du possible bien sûr.

Maena haussa un sourcil.

– Tu penses que je travaille trop ?

Sarah lui offrit aussitôt un regard appuyé.

– Maena, il t’arrive de disparaître pendant des jours entiers et je suis sûre que la seule chose qui te pousse à t’arrêter, c’est ton corps qui réclame le sommeil dont tu l’as privé.

Maena détourna aussitôt le regard.

– Mes recherches sont importantes pour moi, Sarah. 

– Je sais, murmura aussitôt Sarah. Mais que penses-tu qu’il arrivera si vous parvenez à trouver un remède à temps ? Tu réaliseras que tu y auras sacrifié ta vie entière, Maena. Toutes ces belles années passées dans un laboratoire coupé du monde... Tu ne crois pas qu’il vaudrait mieux commencer à vivre dès maintenant ? Combine simplement les deux Maena...

Maena sourit faiblement

– J’y penserai, répondit-elle avant de porter une main à son oreille et froncer les sourcils. « Oui ? ... Quand ? » Elle jura silencieusement. « Donnez-moi cinq minutes, j’arrive. ... Oui... oui, merci Gretchen. »

– Ça va ? demanda Sarah une fois que la conversation fut terminée.

Maena releva un regard désolé vers elle :

– J’ai complétement oublié que j’avais un coup de fil important avec la première ministre du pays, il faut que j’y aille, s’excusa-t-elle. On se retrouve ce soir pour le diner ?

Sarah secoua légèrement la tête :

– La première ministre du pays, hein ? sourit-elle, amusée. Une chose est sûre, tu sais définitivement bien t’entourer. File, répondit-elle avant d’ajouter plus sérieusement : et merci pour tout ça.

– Non, contra aussitôt Maena avant de l’embrasser sur la joue. Merci à toi de m’avoir écoutée.

Sarah l’observa s’éloigner et elle ne put retenir un sourire tout en portant une main à son visage.

Elle allait devoir remercier Cassie pour ses précieux conseils.

8 août 2013

Chapitre 18

Sarah eut à peine mis un pied dans la véranda qu’elle s’arrêta aussitôt, les paroles qu’elle fredonnait mourant sur ses lèvres. Son regard s’évada autour d’elle et elle se mordit l’intérieur de la joue avant de reporter son attention en face d’elle, un rire empli d’incrédulité s’échappant de ses lèvres malgré elle. 

Les mets en tout genre, les desserts aussi délicieux les uns que les autres, O.K., ça, elle l’avait demandé. Mais pourquoi diable Amy s’était-elle permis de recouvrir la nappe de pétales de roses, de petites bougies, et d’entourer chaque assiette de fleurs d’hortensia ?

Ça hurle le romantisme, grimaça Sarah. En même temps, elle vous croit mariées, à quoi est-ce que tu t’attendais ?

Certes, mais avec tout ça, Maena va forcément croire que je la caresse dans le sens du poil afin de lui soutirer des informations.

Sarah se passa une main sur le visage tout en soupirant.

Pas sûr que ça marche en ma faveur tout ça.

Elle tendit une main afin de repositionner l’une des assiettes lorsqu’une voix résonna soudainement dans son oreille, la faisant sursauter.

– Sarah ? Je viens d’arriver dans la salle à manger, et elle est totalement déserte. Tu m’expliques ?

Sarah prit aussitôt un air innocent.

– Quoi ? Tu veux dire qu’on ne t’a pas prévenue ? demanda-t-elle avant de sourire. Il y a eu un léger changement de programme, on déjeune dans la véranda aujourd’hui et ça fait déjà cinq bonnes minutes que je t’attends.

Elle attendit patiemment la protestation qu’elle sentait venir.

– Sarah –

– A tout de suite ! coupa-t-elle aussitôt avant de raccrocher.

Elle parcouru une dernière fois la table basse du regard avant d’hocher la tête d’un air satisfait puis vint prendre place sur l’un des canapés afin d’attendre l’arrivée de Maena. Il ne fallut pas longtemps avant que cette dernière passe la tête dans l’entrebâillement de la porte.

Maena grimaça face à la luminosité avant de porter son attention sur Sarah.

– Je peux savoir à quoi tu joues ?

Sarah haussa les sourcils avant de désigner la table basse.

– Ben, ça se voit non ? Je t’attends pour déjeuner.

Maena relâcha un profond soupir avant de pénétrer dans la pièce à son tour, mais elle resta à hauteur de la porte, dans l’obscurité.

– Et on a justement une salle à manger pour ça, gronda-t-elle tout en jetant de temps à autre des regards apeurés en direction des baies vitrées. Je ne peux pas manger ici, ajouta-t-elle plus faiblement.

– C’est dommage, répondit Sarah, feignant un air déçu. Parce que tu admettras que le décor vaut le détour, je trouvais ça plus agréable que les quatre murs de la salle à manger.

Maena l’observa un instant avant d’hocher la tête.

– Tu as raison, admit-elle d’un ton résigné. Laisse-moi au moins demander à Amy si elle accepterait de te tenir compagnie, ce serait dommage d’en profiter seule.

Sarah hésita aussitôt entre la culpabilité, la peine et la colère. La culpabilité lorsqu’elle repéra aisément l’air attristé qui habitait le visage de Maena, la peine lorsqu’elle la vit prendre la fuite à nouveau, et la colère lorsqu’elle la vit justement favoriser la fuite au lieu de lui donner des réponses.

Elle se laissa retomber contre le dossier de son fauteuil et croisa les bras sur sa poitrine :

– Laisse tomber, c’est pas avec Amy que j’ai envie de déjeuner. 

– Et moi je ne peux pas déjeuner ici, Sarah, répondit aussitôt Maena, légèrement agacée.

– Et pourquoi pas ?

Maena soupira.

– Je te l’ai déjà dit, je ne supporte pas le soleil.

Sarah se mordit l’intérieur de la joue, hésitante, avant de se redresser. Elle s’avança jusqu’à n’être plus qu’à un mètre de Maena, mais toujours dans la lumière.

– Et si je m’emparais de ton bras et t’attirait soudainement à moi, là maintenant, qu’est-ce qui se passerait ?

Un air craintif prit aussitôt place sur le visage de Maena et Sarah en regretta aussitôt ses paroles, mais en vérité, elle en avait marre de ne pas savoir. Maena l’avait kidnappé, elle avait fait d’elle sa femme sans même lui demander son avis, et lorsqu’elle demandait un tout petit quelque chose en retour, c’était non ?

Eh bien, aujourd’hui, elle avait décidé que ce serait différent.

– Je ne le ferais pas, rassura-t-elle finalement. Mais j’ai envie... non, j’ai besoin de savoir Maena. S’il te plaît ? J’ai besoin de savoir qui est la femme que j’ai épousée.

Ses dernières paroles provoquèrent un léger sourire chez Maena et cette dernière hocha finalement la tête :

– A vrai dire, je pensais que tu l’avais déjà deviné, depuis tout ce temps.

– Oh ? lâcha Sarah avant de se tordre les doigts. Eh bien... hum... j’ai pensé à un truc mais...

Maena haussa un sourcil, la tête légèrement penchée sur le côté :

– Et ?

– Eh bien...

Sarah prit une profonde inspiration avant de lâcher :

– Tu es un vampire ?

– Un vampire ? répéta aussitôt Maena, surprise, avant d’éclater de rire lorsqu’elle réalisa que Sarah était sérieuse. Un vampire ? C’est réellement ce à quoi tu pensais ?

Sarah se renfrogna aussitôt, même si elle était secrètement ravie d’avoir enfin l’occasion d’entendre le rire de Maena. Un rire franc, profond, mais surtout communicatif.

– Tu ne supportes pas le soleil, tu deviens toute bizarre quand tu vois du sang, t’es aussi froide qu’un iceberg, à quoi d’autre est-ce que j’étais supposée penser ?!

– A la maladie des enfants de la lune ? proposa doucement Maena, un sourcil haussé. Même si je ne supporte vraiment pas la vue du sang, et que j’ai réellement une mauvaise circulation du sang dans les mains.

Sarah sentit aussitôt toute émotion la quitter.

– Oh. Mais... hum, je croyais que c’était une maladie qui ne concernait que les enfants ?

Maena sourit légèrement, indulgente :

– La raison pour laquelle je ne mets jamais le nez dehors lorsqu’il fait jour, c’est parce que je souffre d'une hypersensibilité de l'épiderme aux rayons ultra-violets. Une exposition au soleil entrainerait de graves brûlures, des lésions qui deviendraient très rapidement cancéreuses, ainsi que de gros problèmes oculaires. Le risque de cancer de la peau ou des yeux est à tel point décuplé que l'espérance de vie des malades dans mon genre oscille entre quinze et vingt ans.

Elle s’interrompit avant d’ajouter :

– Rares sont ceux d’entre nous qui parviennent à vivre aussi longtemps.

Les paroles lui parvinrent et Sarah fut surprise de sentir sa gorge se serrer aussitôt.

– Et... un traitement ? proposa-t-elle soudainement. Il doit bien avoir un traitement, non ? On doit bien pouvoir faire quelque chose ?

Maena haussa les sourcils, surprise :

– On ? répéta-t-elle avant de légèrement plisser les yeux. Sarah... serais-tu inquiète pour ta kidnappeuse ?

Sarah détourna le regard.

– Maena..., soupira-t-elle. Réponds-moi juste, d’accord ?

Il y eut un léger silence avant que la voix légèrement rauque de Maena lui parvienne à nouveau :

– Il n'existe aucun traitement capable de guérir de cette maladie. Tout ce que l’on possède, ce sont des lignes de conduite strictes, auquel cas la moindre entorse peut être fatale ; protection totale contre la lumière du jour, crème solaire à l'indice le plus élevé, filtres UV aux vitres de la voiture, combinaison de sécurité...

– Quoi ? l’interrompit Sarah en l’observant à nouveau. Tu peux sortir à l’extérieur alors ? Tu pourrais même avoir des fenêtres !

Maena porta ses mains à ses tempes avant de soupirer.

– Ce serait jouer avec le feu, répondit-elle enfin avant d’afficher un petit sourire : sans vouloir faire de mauvais jeu de mot.

Sarah sourit faiblement avant de prendre un air attristé :

– Tu ne sors vraiment jamais alors ? Le jour, je veux dire.

– Si, lorsque c’est vraiment nécessaire. Mais je fais toujours en sorte que ça ne dure jamais trop longtemps. 

Maena hésita avant d’ajouter :

– J’ai... j’ai une serre où j’aime souvent me réfugier.

– Une serre ? répéta Sarah, surprise. Genre, avec des plantes et tout ?

– Des fruits et des légumes aussi, sourit Maena avant d’ajouter, un peu timidement : la rose que je t’ai offert, elle venait de là.

Sarah rougit légèrement avant de regarder autour d’elle.

– On peut y aller ?

– Donne-moi juste le temps de me préparer, répondit aussitôt Maena avant d’hésiter. Par contre, est-ce que... hum, tu voudrais bien m’aider pour la crème ? En général c’est Amy qui s’en occupe mais...

Elle s’interrompit avant de chuchoter :

– Elle est aussi âgée que devrait l’être ma mère et je trouve ça vraiment dérangeant !

Sarah haussa les sourcils avant d’éclater de rire :

– Très bien, ouvre la voie, je te suis.

Maena la remercia d’un imperceptible mouvement de tête avant de les diriger vers ses quartiers. Elle nota du coin de l’œil que les gardes de Sarah les suivaient, comme à leur habitude, et elle leur fit signe d’attendre près des doubles portes une fois arrivée à sa chambre.

– Après toi, dit-elle à Sarah avant de refermer derrière elle.

Elles parcoururent le petit vestibule d’entrée, puis le salon, avant d’enfin atterrir dans la pièce maîtresse.

– Bon, en quoi as-tu besoin de mon aide, exactement ? demanda Sarah tout en observant le décor qui l’entourait. Parce qu’à part ton dos, je ne vois pas quelle partie du corps tu ne peux pas attendre toi-même...

Son regard se posa de nouveau sur Maena et elle écarquilla aussitôt les yeux :

– Oh mon Dieu ! s’exclama-t-elle tout en portant une main à ses yeux.

Surprise, Maena arrêta aussitôt tout mouvement :

– Quoi ?

– Quoi ?! répéta Sarah avant de la désigner d’une main. Mais t’es toute nue !

Maena lui offrit un regard appuyé.

– Je dois mettre de la crème, dit-elle en finissant de retirer son jean, ne gardant que son sous-vêtement. Tu veux que je le fasse toute habillée ?

– Quoi ? Non ! s’exclama Sarah tout en efforçant ses yeux à ne pas quitter le visage de Maena. Mais t’es... t’es... t’es obligée d’en mettre partout ? Tu ne comptes pas me faire visiter ta serre en tenue d’Eve quand même ? Parce que ça, c’est pas un string, c’est une ficelle !

– Je ne prends aucun risque, répondit Maena en se dirigeant vers la salle de bain.

Sarah abaissa malgré elle le regard vers le postérieur qui lui faisait désormais face.

– Et moi, avec une vue pareille, je prendrais au contraire tous les risques, marmonna-t-elle pour elle-même.

– Qu’est-ce que tu as dit ? demanda Maena en entrant de nouveau dans la pièce, un tube de crème dans les mains.

– Rien, répondit aussitôt Sarah avant de détourner le regard lorsqu’elle vit que Maena était toujours aussi dévêtue. Oh si : habille toi bon sang !

Maena s’approcha jusqu’à s’arrêter devant elle.

– Je t’ai déjà dit que –

– Je sais, je sais ! s’exclama Sarah avant de la retourner et la pousser vers la salle de bain. Mais t’es pas obligée de te trémousser sous mon nez !

Maena l’observa par-dessus son épaule, un sourcil haussé :

– Pourquoi ? Ça te dérange ?

– Oui, non enfin si mais – arg ! Maena, les gens normaux –

– N’existent pas. Et si j’en crois ce que tu as dit tout à l’heure, la vue de mon « postérieur » était très loin de te poser problème.

Sarah nota le petit rictus amusé et elle se sentit profondément rougir.

– C’était... euh..., elle s’interrompit avant de lever une main : tu disais avoir besoin d’aide ?

Maena sourit avant de lui donner le tube de crème solaire.

– Tu fais l’arrière, je m’occupe de l’avant. 

Sarah hocha la tête avant d’écarquiller les yeux :

– L’arr- l’arrière ? Genre, tout l’arrière ?

– C’est ça, répondit Maena tout en prenant place devant le grand miroir et réunissant ses longs cheveux bruns en un chignon serré. Et applique-toi, s’il te plaît.

Les derniers mots avaient été à peine murmurés et les protestions de Sarah moururent aussitôt sur ses lèvres. Elle hocha la tête, comprenant aisément ce que Maena ne disait pas, et se mit aussitôt au travail.

Au bout de quelques minutes, Maena fronça les sourcils.

– Sarah ?

– Oui ? parvint aussitôt la voix, légèrement tremblante.

– Pourquoi est-ce que tu viens de passer du bas de mon dos, à mes cuisses ? T’as pas oublié une zone super importante là ?

Tu m’étonnes qu’elle est super importante, même Pippa Middleton a de quoi être jalouse avec des fesses pareilles !

Maena haussa un sourcil avant d’afficher un air satisfait.

– Merci.

Sarah redressa aussitôt la tête.

– Hein ? Oh non, non, non, elle n’a pas entendu ça ! Quoi, ta maladie te permet de lire dans les pensées aussi ?

Maena rit doucement.

– Non, mais tu es comme ma secrétaire ; tu ne penses pas, tu marmonnes entre tes dents. 

Merde.

– Bon, mes fesses, tu me les fais ?

Sarah se décala de manière à pouvoir voir le visage de Maena dans le miroir, mais sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser lorsqu’elle vit cette dernière étaler la crème sur ses seins dans des gestes que n’importe quelle personne avec un semblant de libido trouverait sensuels.

C’est définitif, elle veut ma mort.

– Alors ? demanda Maena, un sourcil haussé.

Sarah se racla maladroitement la gorge :

– Euh, hum, j’ai pas pour habitude de toucher les fesses de n’importe qui comme ça, hein. Tu ne peux pas le faire toi ?

Maena se tourna de manière à lui faire face avant de croiser les bras sous sa poitrine.

– Tu sais, je ne te pensais pas aussi pudique.

– Pudique ? Je ne suis pas pudique, je suis... je suis... respectueuse !

– Respectueuse ? s’exclama Maena avant de lever les mains vers le ciel. Sarah, je te demande de le faire ! Alors s’il te plaît, oublie tes principes pendant deux minutes et aide moi à faire en sorte que je ne risque pas de dommages irréversibles une fois que j’aurais mis le nez dehors.

Sarah serra des dents avant de verser une noisette de crème dans le creux de sa main.

– Très bien ! Tourne-toi.

Maena obtempéra, un sourire satisfait sur les lèvres.

– Merci.

Sarah leva les yeux au ciel avant de passer les minutes suivantes à réciter l’alphabet grec dans sa tête dans l’espoir de ne pas penser à où ses mains se trouvaient.

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5 août 2013

Chapitre 17

De doux effluves vinrent chatouiller les narines de Sarah et elle ferma les yeux, inspirant profondément avant de sourire de contentement :

– Parfait.

Elle éteignit le four avant d’en sortir le plat qu’elle avait elle-même cuisiné une demi-heure plus tôt, une douce odeur se répandant aussitôt dans toute la cuisine.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda Amy tout en enfilant son tablier.

Elle avait été surprise de voir la cuisine déjà occupée lorsqu’elle était venue prendre son service. En trente ans de carrière, cela n’était jamais arrivé avant. Qu’elle soit attendue dans l’espoir de soulager un petit creux, oui, mais que l’on prenne sa place en tant que cuisinière ?

Jamais.

– Un crumble poire chocolat, répondit Sarah en déposant le plat sur le plan de travail central. Mon dessert préféré et la seule chose que je sais cuisiner sans me bruler moi ou tout ce qui m’entoure. Je me suis dit que c’était une bonne idée pour me faire pardonner auprès de Marko, ajouta-t-elle dans une grimace.

– Oh oui, j’ai entendu parler des tensions qu’il y a eu entre lui et Maena. Vous n’avez vraiment pas peur, la rendre jalouse comme cela... pauvre Marko. A sa place, j’aurais moi aussi trouvé refuge aussi loin que possible.

Jalouse ? La surprise fut telle que Sarah en fit presque tomber l’assiette qu’elle tenait, avant de se rappeler qu’elles étaient mariées aux yeux du reste du monde.

 – Euh... hum, oui enfin, c’était pas forcément prémédité non plus..., marmonna-t-elle en s’emparant d’un couteau.

Amy sourit légèrement :

– Eh bien la prochaine fois que vous avez envie de refaire le plein de lingeries et de sous-vêtements sexy, invitez Maena, répondit-elle, le regard taquin.

Sarah se sentit aussitôt rougir. De toute l’histoire, c’était tout ce qu’Amy en savait. Marko l’avait simplement accompagnée faire du shopping, Maena l’avait par la suite découvert, et disons que moins elle et Marko se croisaient, mieux c’était pour tout le monde.

Sarah pour sa part s’en voulait énormément d’être responsable des tensions qu’il y avait entre eux.

– Elle ne peut pas sortir dehors, répondit-elle finalement d’un ton plus dur qu’elle ne l’aurait voulu, déposant la part qu’elle comptait offrir à Marko dans une petite assiette.

Amy l’observa calmement :

– Vous ne lui en voulez pas, j’espère ? Elle donnerait le ciel pour pouvoir sortir dehors avec vous.

Sarah, qui s’était apprêté à répondre que si, que justement si, elle lui en voulait de la garder dans l’ombre quand le reste du monde semblait lui être au courant de tout, sentit la colère qui avait soudainement monté en elle s’évaporer. Elle donnerait le ciel pour pouvoir sortir dehors avec vous.

– Elle vous l’a dit ?

– Elle n’en a pas eu besoin, répondit Amy en posant une main réconfortante sur son bras.

Sarah hocha doucement la tête avant de lever les yeux vers elle :

– Merci, répondit-elle sincèrement avant de désigner le gâteau. Vous en voulez ?

– Avez plaisir, sourit aussitôt Amy. Ça sent délicieusement bon.

Sarah se sentit de nouveau légèrement rougir et elle s’afféra à couper une nouvelle part qu’elle tendit à Amy après l’avoir déposé dans une petite assiette. Elle recouvrit ensuite le plat à l’aide d’une cloche et alla le déposer sur le comptoir qui longeait le mur, à côté du micro-ondes.

– Vous voulez bien le surveiller pour moi le temps que j’apporte sa part à Marko ? Ceux qui en veulent peuvent se servir, mais qu’il en reste au moins pour Maena. Je m’occuperai d’elle à mon retour.

– Ne vous embêtez pas, je lui dis de descendre dans disons... vingt minutes ?

Sarah se mordit l’intérieur de la joue, pensive, avant d’hocher la tête. Elle pourrait faire d’une pierre deux coups en la réconciliant elle et son frère, et en mettant Maena au pied du mur pour qu’elle obtienne enfin les réponses qu’elle attendait tant.

– C’est parfait. Merci Amy ! s’exclama-t-elle avant de sortir dans le couloir, les doubles portes se refermant derrière elle dans un bruit sourd.

💕

Une fois arrivée à l’extrémité sud de la propriété, Sarah porta une main à son front afin de se protéger du soleil.

– Il est plutôt haut, non ? demanda-t-elle, grimaçante avant de se reculer réflexivement d’un pas lorsque la bête hennit.

Marko lâcha aussitôt un rire :

– C’est un cheval, à quoi est-ce que tu t’attendais ? répondit-il en calant son pied gauche dans l’étrier afin de descendre. Mais si tu veux mon avis, c’est plutôt toi qui es trop peti –

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Sarah lui donna aussitôt un coup sur l’épaule.

– Ouch !

– Ça t’apprendra, marmonna-t-elle en plissant des yeux. Pour la peine, je ne sais pas si je vais te donner la part de ce merveilleux gâteau que j’ai cuisiné rien que pour toi..., poursuivit-elle en faisant passer l’assiette juste sous son nez.

Elle lâcha aussitôt un rire lorsque Marko lui offrit un véritable air de chien battu :

– Tiens, capitula-t-elle en lui tendant l’assiette et la petite cuillère.

Il sourit aussitôt, les yeux brillants de gourmandise.

– Merci, répondit-il avant de littéralement gémir une fois la première bouchée prise. Hmm... merci Sarah, c’est délicieux.

Sarah lâcha un rire, amusée :

– Contente que ça te plaise. Mais pour revenir à un sujet plus sérieux, je venais en fait te demander pourquoi tu passais autant de temps à l’extérieur ces derniers temps ? Pour un type qui d’habitude vit H24 avec ses ordinateurs...

– Comme si tu ne le savais pas, ironisa aussitôt en Marko en calant les rênes du cheval sous son bras afin de le faire avancer en même temps qu’eux.

Sarah haussa les sourcils :

– Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire, ça ?

Marko lui offrit aussitôt un regard appuyé avant d’hausser un sourcil :

– Tu ne lui as rien dit concernant notre baiser, pas vrai ? demanda-t-il en prenant une nouvelle bouchée du gâteau. Avant qu’elle ne le découvre.

– Non, mais –

– Pourquoi ?

Sarah cligna des paupières à plusieurs reprises :

– Eh bien... je... euh...

– Y en a vraiment pas une pour rattraper l’autre, répondit Marko en secouant la tête. Accordes-y un moment de réflexion, tu comprendras peut-être.

Sarah plissa à nouveau des yeux :

– Et qu’est-ce que c’est censé vouloir dire, ça ?

– Rien, répondit Marko avant de désigner le cheval. Tu veux le monter ?

Sarah secoua aussitôt la tête de gauche à droite :

– Euh non, ça va aller. Les animaux et moi, tu sais... on se porte beaucoup mieux quand on est très, très loin les uns des autres.

– Dixit la nana qui voulait un chien, répondit Marko en la poussant légèrement vers le cheval.

Il désigna l’étrier tout en terminant son dessert :

– Met ton pied là-dedans.

– Marko...

Marko l’ignora et posa l’une des mains de Sarah sur le pommeau la selle, puis glissa son pied gauche dans l’étrier.

– T’inquiète pas, je reste juste à côté, et Taho n’est absolument pas méchant, la rassura-t-il avant d’aller déposer son assiette et sa cuillère au pied d’un arbre puis revenir vers elle.

Il posa ses mains sur ses hanches et l’aida à enjamber le cheval.

– Ça va ? demanda-t-il une fois qu’elle fut confortablement assise.

Sarah hocha faiblement la tête avant de s’emparer des rênes qu’il lui tendit d’une main légèrement tremblante.

 – T’as pas le vertige au moins ? demanda Marko en réglant rapidement l’étrier avant de passer à l’autre.

– Hum... peut-être un peu ? grimaça Sarah, ses doigts devenant presque blanc contre le pommeau de la selle.

Marko, se mordit l’intérieur de la joue, pensif :

– On essaye d’aller au pas, et si tu ne le sens pas, on arrête. O.K. ?

Sarah prit une profonde inspiration avant de simplement hocher la tête, et Marko fit aussitôt un bruit avec sa bouche afin de faire avancer le cheval. D’abord crispée, Sarah finit cependant par se détendre, se surprenant finalement à apprécier cette petite balade à l’ombre des arbres. Un léger vent frais vint caresser son visage et elle laissa même un sourire venir étirer ses lèvres.

– T’as raison, c’est pas si terrible que ça, en fait.

Marko lâcha un léger rire.

– Tu veux essayer d’aller un peu plus vite ?

Sarah se mordit aussitôt la lèvre avant de demander, hésitante :

– Plus vite comment ?

– Si tu donnes un coup de talon, il ira au trot. Ensuite, si tu te sens prête à ce qu’il accélère encore un peu plus, t’as juste à lui en donner encore un autre, et ainsi de suite.

Sarah hocha la tête :

– Je pense que je peux faire ça. Juste un coup de talon alors ?

– C’est ça, acquiesça Marko en se reculant légèrement. Et pour l’arrêter, tire simplement sur les rênes. Mais pas trop fort non plus.

– Oh l’arrêter oui... merci de me prévenir, grimaça Sarah avant de se réinstaller confortablement. Bon, un léger coup de talon...

Elle s’exécuta et le cheval accéléra aussitôt dans un léger trot. Légèrement surprise, Sarah resserra sa prise sur les rênes, mais c’était plus d’excitation que de peur. Tirant légèrement sur la bride, elle parvint à le diriger sur la droite, et elle s’amusa à lui faire faire des cercles pendant un certain temps, gagnant la confiance qui lui avait fait défaut au début.

Marko, qui les suivait de loin, porta ses mains à sa bouche et hurla :

– Galop ? 

Sarah releva aussitôt la tête dans sa direction et hésita un instant avant de coopérer. Ses talons rencontrèrent une nouvelle fois les flancs du cheval et elle le sentit aussitôt aller plus vite, ses muscles bougeant sous ses cuisses et le vent frais qui fouettait un peu plus son visage. La vitesse lui procura un sentiment de liberté qu’elle n’avait encore jamais éprouvée, et Sarah ne put s’empêcher de sourire, des frissons de plaisir parcourant sa peau.

Taho dut le ressentir car il accéléra soudainement tout en cabriolant. Exaltée, Sarah releva les yeux vers Marko et elle ne put s’empêcher de rire lorsqu’elle le vit lever les pouces dans sa direction. Elle tendit l’oreille lorsqu’elle le vit s’apprêter à lui dire quelque chose, avant de suivre son regard lorsqu’il tourna soudainement la  tête.

Une forme noire surgit soudainement d’un fourré et Sarah ferma les yeux, attendant simplement la chute qu’elle savait inévitable. Il y eut tout d’abord une série d’aboiements aigus et courts, puis elle sentit Taho faire un écart et se dresser brusquement sur ses antérieurs. Ses mains agrippèrent le pommeau de la selle mais le geste fut si brusque que Sarah se sentit quand même partir en arrière. Sa tête heurta violemment le sol herbeux, et la seule chose qu’elle entendit fut son nom hurlé par une voix qu’elle aurait reconnue entre mille, avant que les ténèbres ne l’enveloppent.

💕

La première chose que Sarah entendit lorsqu’elle revint à elle, ce fut des chuchotements frénétiques accompagnés d’un « bip » incessant qu’elle jugea très vite désagréable. Elle avait froid, et sa tête lui semblait comme... engourdie, et lourde. Après un inventaire rapide de son corps, elle dut bien s’avouer qu’à la réflexion, chacun de ses membres lui semblait engourdi et lourd.

– C’était irréfléchi, Marko, tu le sais aussi bien que moi.

Sarah fronça légèrement les sourcils avant de tourner la tête en direction du bruit.

– Oh je t’en prie, elle a simplement fait du cheval. Le reste n’était rien de plus qu’un malheureux concours de circonstances.

– Un malheureux concours de circonstance ? répéta Maena, visiblement en colère. Va lui dire ça maintenant qu’elle se retrouve allongée sur un lit d’hôpital, inconsciente, et probablement aveugle !

Sarah sentit comme une douche froide s’abattre sur elle à l’entente de ces simples mots et elle porta aussitôt ses mains à son visage.

– Ça expliquerait en effet pourquoi j’arrive à peine à discerner vos silhouettes..., murmura-t-elle avant de grimacer. Aaah O.K. je crois que je vais garder les yeux fermés parce que ça me donne la nausée. 

Elle entendit quelqu’un approcher avant que l’on ne dépose quelque chose entre ses mains, et elle sursauta légèrement lorsqu’elle sentit des lèvres se poser contre son front.

– Tiens, mets ça. C’est un masque de nuit, ça devrait te soulager. Comment te sens-tu ?

Sarah obtempéra avant de répondre la première chose qui lui passa par la tête, la seule chose qu’elle avait eu le temps de remarquer depuis son réveil :

– Engourdie et lourde. Et aveugle.

Un faible rire lui parvint et elle ne fut pas déçue de l’avoir causé ; Maena riait beaucoup trop rarement à son goût.

– Tu as fait une sacrée chute. Tu es sous sédatif. Quant à la cécité, le médecin nous a assuré qu’elle ne serait que passagère, elle est due à ta commotion cérébrale. Il est possible que tes autres sens soient affectés aussi. 

Sarah fronça légèrement les sourcils :

– Hmm j’ai en effet l’impression de moins bien entendre que d’habitude, admit-elle. Comme si j’étais en train de passer sous un tunnel. J’ai l’impression de devoir forcer pour articuler aussi... Et puis, il y a une forte odeur de rose là, non ? 

Ses paroles furent à peine prononcées qu’elle rougit aussitôt, réalisant qu’il s’agissait très probablement du parfum de Maena. Le rire de Marko confirma aussitôt ses soupçons.

– Désolée, marmonna-t-elle, embarrassée. Mais ça sent très bon, enfin, j’aime bien, c’est... bref.

Réalisant qu’elle s’enfonçait plus qu’autre chose, elle décida simplement de se taire mais elle ne put retenir un frisson lorsqu’elle sentit Maena se pencher vers son oreille :

– Merci, murmura-t-elle avant d’embrasser sa joue.

Sarah sentit sa rougeur s’accentuer mais elle n’y prêta pas attention, réalisant à la place pour la première fois que les mains qui entouraient la sienne étaient recouvertes de quelque chose, d’une matière douce et chaude qu’elle comprit aussitôt être des gants. Et lorsqu’elle libéra sa main afin de la porter au visage de Maena, elle réalisa qu’une espèce de foulard en recouvrait une bonne partie. C’est pour ça que je n’ai pas sentie ses lèvres lorsqu’elle m’a embrassée, pensa-t-elle avant de remonter vers des lunettes de soleil puis une capuche.

– Tu ne peux vraiment pas sortir dehors, murmura-t-elle finalement, ébahie.

Elle le savait déjà, bien sûr, mais maintenant qu’elle se retrouvait face à une réalité qu’elle n’avait jusqu’à présent que soupçonné, elle s’en retrouva stupéfaite. 

Le silence régnait autour d’elle et elle se demanda un instant si c’était par respect pour elle, le temps qu’elle assimile la nouvelle, ou si c’était par simple malaise, par gêne, ou n’importe quelle autre raison qui faisait que Maena lui cachait la vérité.

Le bruit de la porte lui parvint et Sarah tourna aussitôt la tête en direction du bruit, jurant intérieurement lorsqu’elle entendit la voix du médecin – il n’aurait pas pu choisir de meilleur moment pour entrer celui-là, non ? 

– Ah, mademoiselle Delgado, ravie de voir que vous êtes de nouveau parmi nous. Comment vous sentez vous ?

Sarah marmonna de nouveau les paroles qu’elle avait eues plus tôt :

– Engourdie, lourde et aveugle.

Elle fut surprise de l’entendre rire légèrement :

– Vous avez fait une sacrée chute, mais par chance, vous n’avez rien de cassé, juste une commotion. Vous pouvez me dire votre prénom ainsi que la date d’aujourd’hui ?

Sarah fronça légèrement les sourcils :

– Sarah, et nous sommes le... mardi 26 août 2012.

– Exact. Vous étiez partiellement consciente lorsque vous êtes arrivée, vous vous êtes évanouie par la suite. Je peux ? demanda-t-il en tirant légèrement sur le masque de nuit.

Sarah hocha faiblement la tête et elle plissa aussitôt des yeux lorsque la lumière de la pièce vient agresser ses yeux.

– Hmm vos pupilles sont encore dilatées, j’ai bien peur que cela dure pendant plusieurs jours. Vous vous plaigniez de vertiges, vous pouvez me dire si ça va mieux de ce côté-là ?

– Ça va, mais le fait de ne pas voir clairement me rend vraiment nauséeuse.

Elle fut soulagée lorsque le médecin replaça aussitôt le masque de nuit sur ses yeux.

– Rien de surprenant, acquiesça-t-il. Je vous ai mise sous sédatif pour les douleurs corporelles et les maux de tête, mais je préfère quand même vous garder en observation pour la nuit au cas où les vertiges reviendraient, ou si n’importe quel autre symptôme se décidait à survenir. N’hésitez pas à appeler l’infirmière si vous notez quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire, d’accord ?

Sarah hocha aussitôt la tête :

– Je pourrais sortir demain alors ?

– Si tout se passe bien cette nuit, je n’y vois pas d’inconvénient. Je repasserai vous voir un peu plus tard.

– Merci.

Elle entendit la porte se refermer derrière lui mais elle n’eut pas le temps de reprendre la parole que Marko la devança :

– Tu devrais y aller aussi, Maena.

Sarah sentit aussitôt Maena se figer à ses côtés :

– C’est inutile, Marko. Je ne suis pas sortie sans protection.

– Maena...

Sarah entendit la protestation de Marko mourir sur ses lèvres et elle devina aisément que Maena venait de le faire taire d’un simple regard.

– De quoi est-ce qu’il parle ? demanda-t-elle en tournant la tête vers Maena. Tu es couverte de vêtements de la tête aux pieds...

– Elle avait seulement sa veste de tailleur rabattue sur sa tête lorsqu’elle t’a rejoint dans la cour tout à l’heure, après ta chute, précisa Marko, visiblement mécontent. Elle doit se faire ausculter elle aussi.

Sarah sentit de nouveau le corps à côté d’elle se figer avant que la voix grondante de Maena ne résonne dans la pièce.

– Marko...

– Le cri, c’était toi ? coupa Sarah, surprise. J’ai entendu quelqu’un hurler mon nom...

Elle ne put voir l’air contrit de Maena :

– Je me dirigeais vers les cuisines quand j’ai entendu Dixie se mettre à aboyer puis le cheval à hennir. Ensuite... je crois que mon corps à simplement prit le dessus. J’étais tout juste arrivée dans la véranda quand je t’ai vu tomber. Tu m’as donné la peur de ma vie.

– Tu as risqué ta vie pour moi ? chuchota Sarah, surprise et secrètement touchée.

Il y eut un nouveau silence avant que la réponse ne lui parvienne, et Sarah maudit sa cécité soudaine de ne pas pouvoir lire le visage de Maena :

– « Risquer ma vie » est peut-être un peu fort, je te l’ai dit, je n’ai pas réfléchi. Mais j’ai bien peur que le cheval ce soit fini pour toi, maintenant.

Sarah repéra aisément la note taquine qui s’était insinuée dans ses dernières paroles et elle accepta, même si à contrecœur, de passer à des sujets plus légers. Elle comptait bien avoir le dernier mot plus tard, cependant. Elle en avait trop découvert pour s’arrêter là.

– Je te rassure, je ne compte pas remonter de sitôt, grimaça-t-elle, un sourire néanmoins accroché sur les lèvres. Comment va Dixie, au fait ? Et Taho ?

– Ils vont parfaitement bien, ne t’inquiète pas. Dixie avait simplement envie de jouer, mais choisir un cheval pour cela...

Sarah nota la note amusée et elle rit légèrement :

– C’était pas le choix le plus judicieux qu’elle ait fait, acquiesça-t-elle. Je refermerai la fenêtre de la véranda derrière moi la prochaine fois, j’aurais dû me douter qu’elle aurait fini par sortir à son tour.

– Mais tu n’aurais jamais pu deviner que tu allais faire du cheval à ce moment-là, tempéra aussitôt Maena d’un ton doux. Tu vas bien, c’est tout ce qui importe.

Sarah haussa un sourcil :

– Tu peux pardonner ton frère alors ? Parce qu’il n’y est absolument pour rien dans l’histoire, en plus...

Le rire de Maena lui parvint aussitôt :

– Je pense que je peux faire ça, acquiesça-t-elle. Je m’excuse Marko.

– Et pour la séance shopping aussi, lui souffla aussitôt Sarah.

– Et pour la séance shopping aussi, répéta consciencieusement Maena.

Vu le ton qu’elle avait employé, Sarah n’eut aucun mal à deviner qu’elle avait en même temps levé les yeux au ciel.

– Et pour le bais –

Elle fut aussitôt coupée par une main sur ses lèvres :

– Ne pousse pas ta chance, Sarah, la prévint Maena. Et c’est compris dans la séance shopping, ça.

– O.K., marmonna Sarah en se dégageant. Satisfait, Marko ?

Un faible rire lui parvint du bout de la pièce :

– Satisfait, répondit-il avant de prendre un ton plus ferme et plus sérieux. Maena, tu dois vraiment y aller maintenant.

– Marko...

– Amy t’attend dans le couloir et tu sais tout comme moi qu’il n’y a aucune chance pour que tu en réchappes, la coupa-t-il avant d’ajouter, le ton plus doux : c’est pour ton bien, tu le sais.

Sarah tendit l’oreille, curieuse de savoir ce que Maena allait répondre, avant de légèrement sursauter lorsque des lèvres se posèrent sur son front :

– Je te vois plus tard.

– Non, demain matin, répondit aussitôt Sarah en levant la tête vers l’endroit où elle supposait se trouver le visage de Maena. J’apprécie énormément les risques que tu as pris... mais j’ai besoin que tu prennes soin de toi aussi, finit-elle dans un timide sourire.

Elle leva une main pour arrêter la protestation qu’elle sentait venir :

– Ne m’oblige pas à soudoyer ton chauffeur pour qu’il ne t’emmène pas ici.

– Je pourrais prendre un taxi.

Sarah plissa aussitôt des lèvres :

– Maena...

– D’accord, d’accord, soupira cette dernière. Je n’en ferais rien.

Elle embrassa une nouvelle fois Sarah sur le front avant d’ajouter :

– J’ai le numéro de ta chambre, tu m’autorises le téléphone au moins ?

Sarah sourit aussitôt, touchée et irrémédiablement charmée :

– Et comment, répondit-elle. Tu... hum, tu me tiens au courant pour le médecin ?

Un silence gêné lui répondit et elle précisa, retenant difficilement un soupir :

– Je veux juste m’assurer que tu vas bien, Maena.

– Je sais, murmura aussitôt Maena en exerçant une pression sur sa main. A ce soir.

Sarah se contenta d’hocher la tête, et même si la déception s’empara d’elle une fois de plus, elle se refusa de lui laisser avoir le dessus cette fois-ci. Il s’était passé beaucoup trop cet après-midi pour qu’elle décide de s’arrêter en si bon chemin, alors lorsqu’elle entendit la porte se refermer dans un léger clic, elle se réinstalla confortablement contre ses oreillers et s’afféra à mettre en place son plan.

Et peu importe ce qu’il faudrait, elle ne laisserait pas Maena en réchapper cette fois-ci.

1 août 2013

Chapitre 16

– Maena n’a jamais été aussi grincheuse que ce matin. Elle ne vous a pas dit qu’elle ne supportait pas l’alcool ?

Surprise, Sarah sursauta légèrement avant de tendre rapidement les mains afin d’immobiliser le sac de boxe. S’essuyant ensuite le front d’un revers de bras, elle fit face à Amy et la salua d’un sourire avant de s’emparer de la tasse de thé qu’elle lui tendait.

– Merci, répondit-elle, légèrement essoufflée. Et si, mais il était déjà trop tard pour ça, sourit-elle malicieusement.

– Tsk tsk, regardez ce que vous faites de notre maîtresse de maison, feignit de l’admonester Amy. Heureusement qu’elle tient beaucoup à vous. Marko a essayé une fois, il s’en est mordu les doigts durant le restant de la semaine.

– Pardon ? l’interrompit Sarah, peu sûre d’avoir bien entendu. Qu’est-ce que vous avez dit ?

Amy l’observa, confuse.

– Que Marko...

– Non, non, avant ça, répondit Sarah en remuant une main dans les airs. Sur Maena.

Amy sourit :

– Oh... le passage où je disais qu’elle tenait beaucoup à vous..., taquina-t-elle avant d’hausser un sourcil. C’est votre femme, vous n’en doutiez pas quand même ?

Sarah rougit légèrement avant de faiblement secouer la tête. De toutes les personnes auxquelles elle devait mentir, Amy était celle qui la faisait se sentir le plus mal. Parce qu’elle la respectait tellement que c’était comme quand elle allait à l’Eglise et qu’elle oubliait de faire le signe de croix avant de sortir. Elle se sentait mal à l’aise et éprouvait toujours des difficultés à s’observer dans le miroir après ça. 

– Ça me rassure, sourit Amy en récupérant son plateau. Parce qu’il n’y a rien de plus flagrant que ce qui était destiné à arriver. Non mariées, je vous aurais littéralement poussé dans les bras l’une de l’autre !

– Pardon ? s’exclama aussitôt Sarah, incrédule, tandis qu’elle prenait place sur le banc situé juste derrière elle. Mais quelle mouche l’a piquée ce matin ?

Amy leva les yeux au ciel :

– Sarah, je vous en prie. Vous vous disputez comme un vieux couple, vous parlez comme deux meilleures amies, vous flirtez l’une avec l’autre comme seuls les jeunes amoureux ont l’habitude de le faire et vous êtes aussi protectrice l’une envers l’autre que deux frère et sœur peuvent l’être.

Elle s’interrompit avant de lui faire un léger clin d’œil :

– C’était destiné à arriver, sourit-elle avant de faire demi-tour, et quitter la salle de gym.

Sarah se contenta de l’observer s’éloigner, sidérée par ce qu’elle venait d’entendre. Une petite voix à l’intérieur de sa tête tenta de lui rappeler les paroles étranges que Maena avait prononcées la nuit dernière, juste après l’avoir embrassée, mais elle se refusa de l’écouter. S’y attarder impliquait beaucoup trop de choses sur lesquelles elle n’était pas sûre d’être prête à méditer.

– Ben alors, on gobe les mouches ?

Sarah sursauta avant de lever les yeux pour voir Cassie s’approcher d’elle, ses talons résonnant légèrement sur le sol de la salle de gym. Elle avait été tellement surprise par les paroles d’Amy qu’elle ne l’avait même pas vue entrer à son tour.

Elle remarqua que Cassie revêtait cette fois-ci un magnifique tailleur pantalon de couleur noir, dont la veste cintrée aux manches trois quarts épousait parfaitement son corps et mettait ses formes en valeur. Elle apprécia secrètement ses longs cheveux blonds qui reposaient librement sur ses épaules.

– Qu’est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle en retirant les straps qu’elle entourait toujours autour de ses mains lorsqu’elle boxait. 

Cassie haussa un sourcil :

– Duh, bonjour à toi aussi Sarah, répondit-elle, un brin sarcastique avant de regarder autour d’elle et grimacer. C’est moi où certains sentent vraiment le chacal ici ?

Elle frissonna.

– Beurk.

Sarah rit légèrement.

– C’est une salle de gym, à quoi est-ce que tu t’attendais ?

– Hmm, c’est ça, fais la maline, renchéri aussitôt Cassie tout en prenant place sur le banc situé à proximité. Tu riras moins lorsqu’Eva t’aura enfin mis la main dessus, sourit-elle malicieusement. Kate s’est peut-être adoucie avec le temps, Eva est en train de limer ses griffes à l’heure actuelle. Elle m’a appelé ce matin, elle est vraiment hors d’elle, Sarah. Liz a beau avoir essayé de plaider ton cas, ça n’a pas l’air d’y avoir fait grand-chose. Je ne sais pas ce que tu attends, mais si tu continues à faire la sourde oreille, elle va finir par débarquer ici et ce ne sera pas pour te sauter au cou.

Elle s’interrompit, remuant une main dans les airs :

– Enfin si, justement. Mais ce ne sera pas une partie de plaisir pour toi !

Sarah s’essuya le visage avec sa serviette avant de prendre de longues gorgées de sa petite bouteille d’eau.

– Je l’appellerai, promit-elle.

– Bonne petite, sourit aussitôt Cassie. Bon, et sinon, qu’est-ce qui t’a perturbée comme ça ?

Sarah détourna les yeux :

– Rien, enfin non, si, répondit-elle avant de soupirer. Cassie, qu’est-ce que tu penses de Maena, exactement ? Je veux dire, est-ce que... est-ce que tu lui confierais ta fille, par exemple ?

Même si Sarah ne l’avait vu que quelques fois, elle savait que Cassie considérait sa fille Zoé comme la prunelle de ses yeux.

– Il faudrait que Maena travaille beaucoup moins pour ça, répondit Cassie en faisant la moue. Mais sinon... oui, pourquoi pas ?

Sarah hocha doucement la tête.

– Et... elle ne t’a jamais inquiétée ou... enfin, elle n’a jamais rien fait qui t’ait poussé à t’interroger sur elle ?

Cassie l’observa un moment avant demander :

– Sarah, tu ne crois pas que ce serait plus simple si tu me disais de quoi il en retourne exactement plutôt que de tourner autour du pot ? demanda-t-elle.

Elle sentit l’inquiétude monter en elle lorsque Sarah détourna simplement les yeux.

– Sarah... Maena a fait quelque chose ?

Elle réfléchit un instant avant de sentir le sang quitter son visage.

– Elle ne t’a pas trompée, quand même ? Parce que bon, certes je suis très loin d’être la mieux placée dans ce cas là, mais j’ai du mal à imaginer Maena...

Sarah secoua frénétiquement la tête.

– Non, c’est rien de tout ça, assura-t-elle. C’est juste... que je n’arrive pas à comprendre comment une femme que tout le monde semble visiblement beaucoup apprécier puisse en venir à me kidnapper et continuer à faire la sourde oreille lorsque je veux simplement en apprendre plus sur elle. C’est rien, je dois être fatiguée, c’est tout, sourit-elle finalement.

– Oh, répondit Cassie, peu convainque. En tout cas, ce que je peux te dire, c’est que Maena n’a pas toujours eu une vie facile, tu sais. Il y a ce qu’elle doit supporter jour après jour, bien sûr, mais la fin de sa relation avec Alison a été très dur pour elle aussi.

Sarah hocha doucement la tête :

– Elle m’en a un peu parlé.

– Tant mieux, répondit aussitôt Cassie avant de secouer la tête, visiblement mécontente. Elle garde beaucoup trop de choses pour elle. Elles s’aimaient d’un amour profond, tu sais, et ont fini par devenir les pires ennemies du monde. Maena a même avoué se sentir soulagée lorsqu’Alison est finalement partie. Je crois qu’une part d’elle a encore beaucoup de mal à vivre avec ces sentiments négatifs qui l’habitaient et l’habitent peut–être toujours.

– Et toi, qu’est-ce que tu penses de tout ça ?

Cassie se mordit l’intérieur de la joue :

– Je pense... que Maena est très loin d’être le monstre qu’elle se pense être. Et ce n’est pas pour jeter la pierre, elles avaient toutes les deux des torts, mais Alison s’est vraiment montrée particulièrement désagréable sur la fin. Et puis ce qu’elle a fait avec ses recherches... j’aurais probablement été soulagée moi aussi.

Sarah secoua la tête d’incrédulité.

– J’ai du mal à imaginer qu’elle ait pu faire ça à une personne qui comptait énormément pour elle il y a encore peu de temps.

– Pas moi, répondit Cassie avant de s’expliquer lorsqu’elle vit l’air surpris de Sarah : on est tous capable du pire en désespoir de cause, Sarah. Elles se sont blessées l’une l’autre, Alison savait que sa fin était proche, elle avait peur et elle était en colère contre le monde entier. Elle s’est simplement laissée entraînée par tout ça.

Cassie soupira avant d’ajouter :

– Regarde-moi, j’ai bien trompée Kate avec une ribambelle de mec différents juste pour que mes parents ne sachent pas que c’était elle qui faisait battre mon cœur et laissent leurs hommes de mains là où ils étaient. J’ai même rasé la tête de sa copine par simple jalousie, alors tu vois...

Sarah écarquilla les yeux.

– T’as rasé la tête d’Emma ?! s’exclama-t-elle, poussant aussitôt les quelques gardes présent à tourner la tête vers elles.

– Shhh ! s’exclama aussitôt Cassie en plaquant une main sur sa bouche. Je te l’ai dit, on fait des trucs de malades quand on est désemparé, sourit-elle avant de reprendre son sérieux. Mais là où je voulais en venir, c’est que Maena traîne pas mal de bagages derrière elle. Je ne sais pas pourquoi tu doutes en ce moment, mais ne sois pas trop dure, d’accord ?

Elle attendit que Sarah hoche la tête avant d’ajouter :

– Et puis, il n’y a pas de secret dans la vie, pour qu’une relation marche, faut communiquer, poursuivit-elle dans un sourire. Alors si tu veux savoir quelque chose... demande lui.

Elle ponctua sa phrase d’un clin d’œil et Sarah se mordit la lèvre inférieure. Demander... mais pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ?

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