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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

Projets en cours :
  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

27 juillet 2015

Chapitre 12

Il était près de 18h quand Elysia éteignit enfin son ordinateur et elle étira ses bras au-dessus de sa tête avant de se préparer à rentrer. Après l’épreuve qu'avait été la soirée de la veille, elle avait décidé de laisser le passé là où il était et d’inviter Kat à sortir dîner. 

Elle avait alors réservé une table dans l’un des restaurants les plus renommés de la ville, le Luma on Park, et qui offrait les meilleurs vins de la région. Mais ça, c’était si elle parvenait à rentrer dans les temps, car il ne lui restait très exactement plus qu’une heure pour regagner son domicile et se changer.

Je peux le faire.

Sans embouteillages, je peux le faire.

Résolue, elle se dirigea vers le porte-manteau d’un pas décidé et y récupéra sa veste et son sac à main avant d’éteindre toutes les lumières puis sortir dans le couloir. Une certaine agitation régnait encore dans les bureaux avoisinants et elle salua d’un léger signe de la main les quelques regards qu’elle croisait, un peu coupable de les laisser chômer pour sortir en amoureuses.

Arrivée aux cabines d’ascenseurs, elle vit Chloé émerger d’un couloir adjacent, rajustant ses cheveux qu’elle lissait avec la paume de ses mains, et elle haussa les sourcils.

— Qu’est-ce que tu fais encore là ? demanda-t-elle, étonnée. Il est dix-huit heures passé. On avait encore besoin de toi ?

Surprise, Chloé leva vivement la tête et s’arrêta net, les yeux écarquillés. Elle porta finalement une main à sa poitrine.

— Oh bon sang, tu m’as fait peur, rit-elle nerveusement tout en regardant autour d’elle. Je pensais que tu étais déjà partie. Josh m’a dit que tu avais une soirée... ?

— Oui, avec Kat, acquiesça Elysia avant de baisser les yeux vers sa montre. Je ferais bien de me dépêcher d’ailleurs, si je ne veux pas être en retard.

— Passe-lui le bonjour de ma part, dit Chloé tout en se balançant légèrement d’avant en arrière.

Elysia sourit.

— Je n’y manquerai pas. Bonne soirée, Chloé.

Cette dernière s’éloigna après un léger hochement de tête et Elysia appuya sur le bouton de l’ascenseur, tapant du pied lorsque ce dernier mit du temps à arriver. Finalement, les portes s’ouvrirent, et elle sourit quand elle vit Kim à l’intérieur, les bras chargés de plats préparés.

— Eh bien, c’est pique-nique ce soir ? demanda-t-elle tout en se faufilant à l’intérieur.

Kim sursauta, levant des yeux surpris vers Elysia.

— Oh, Lysia. Je ne savais pas que tu, euh, étais encore là.

Elle leva une main vers son visage et ce ne fut que lorsqu’elle commença à se recoiffer qu’Elysia remarqua combien ses cheveux roses étaient en bataille.

— Tu dis ça comme si c’était la première fois que je finissais tard, répondit Elysia en lui offrant un regard appuyé, retenant la porte quand celle-ci voulut se fermer. Et puis, qu’est-ce qui se passe ici ? Je viens de croiser Chloé et elle était dans le même état que toi. Vous avez fait une bataille d’oreillers ou quoi ?

Elle fut surprise de voir un air de panique traverser le visage de Kim tandis que cette dernière s’empourprait.

— Euh, non, ça doit être une coïncidence, balbutia Kim tout en quittant la cabine d’un pas pressé. Passe une bonne soirée !

Les portes se refermèrent et Elysia fronça les sourcils tout en vérifiant sa montre, grognant ouvertement lorsqu’elle vit qu’il était déjà 18h15.

Elle n’avait plus qu’à espérer qu’il n’y aurait pas d’embouteillages.

💕

Lorsque le dessert arriva, Elysia ne put s’empêcher de penser que la soirée s'était admirablement passée, ponctuée de regards complices et de sourires taquins. Le repas avait quant à lui été délicieux et à la lueur des bougies, on ne peut plus romantique.

Elle leva son verre de champagne afin de porter un toast.

— À nous, et à cette soirée inoubliable, sourit-elle.

— À nous, acquiesça Kat, faisant tinter leurs verres.

Le serveur choisit ce moment pour déposer une série de petites assiettes parfumées au milieu de la table, et Elysia se sentit aussitôt saliver.

— Oh la la, ils ont tous l'air aussi délicieux les uns que les autres, dit-elle en se mordant la lèvre.

Kat s’empara d’un mini financier aux cerises confite au kirsch.

— Tiens, dit-elle en le portant à la bouche d’Elysia.

Elle frissonna lorsque la langue de cette dernière effleura son doigt, puis déglutit péniblement quand Elysia gémit ouvertement.

— Oh bon sang, Kat, ronronna Elysia en fermant les yeux. C’est délicieux ! Tiens, essaye celui-là.

Elle s’empara du moelleux chocolat framboise et le porta à son tour aux lèvres de Kat, puis haussa un sourcil interrogateur.

— Délicieux, acquiesça Kat en hochant frénétiquement la tête. J’ai du mal à croire qu’ils soient réputés pour leurs vins quand ils proposent des desserts pareils, ajouta-t-elle en choisissant cette fois-ci un chou à la crème.

Elysia sourit quand Kat le lui présenta, et elles passèrent les minutes suivantes à se nourrir l’une l’autre, riant légèrement quand un morceau leur échappait où qu’un liquide sucré coulait sur leurs mentons, inspirant soudainement quand leurs langues effleuraient les doigts de l’autre par inadvertance.

Le repas terminé, le serveur leur apporta chacune leurs cafés et Kat s’essuya les lèvres avant de faire remarquer :

— Tu sais, jusqu’à présent, j’ai l’impression qu’on a parlé que de moi. Tu connais quasiment tout de ma vie, mes amis, ma famille... J’ai envie d’en apprendre plus sur toi.

Elysia hocha légèrement la tête, pensive. Kat n’avait pas tort, elle ne connaissait que le strict minimum sur Elysia, pour la simple raison que cette dernière n’avait pas voulu s’aventurer plus loin.

Quand elle était revenue sur Terre, Mysa lui avait assurée qu’elle était exactement celle qu’elle était avant de mourir. Et même si c’était comme si elle n’était jamais partie... Elysia savait, contrairement à Kat et au reste de l’humanité, qu’il ne s’agissait rien de plus qu’un amas de mensonges montés de toute pièce pour que les gens ne s’interrogent pas à son sujet.

Une Daï-Natha était redevenue humaine. Il fallait que les humains y croient, ou son plan échouerait.

Mais Elysia n’avait pas envie de bâtir sa relation avec Kat sur un amas de mensonges. Pas plus qu’elle ne le faisait déjà. Pourtant, si elle ne voulait pas Kat se pose trop de questions... elle allait forcément devoir mentir un peu plus, malgré la douleur que cela lui apportait.

— Tu as raison, acquiesça-t-elle finalement. J’en sais certainement plus sur toi que tu n’en sais sur moi. Hmm... tu sais que je travaille pour un magazine, que je suis rédactrice en chef. Tu sais où je vis. Qu’est-ce que tu ne sais pas...

— Tu as des frères et sœurs ? demanda Kat en prenant une gorgée de son café.

— Un frère aîné, acquiesça Elysia. Mysa. Tu as dû voir des photos de lui chez moi et à mon bureau...

Kat hocha la tête.

— Vous vous ressemblez. Et tes parents ? Vous êtes proches ?

Elysia haussa les épaules.

— Pas vraiment. Ils possèdent une ferme dans le Montana, c’est là-bas que j’ai grandi. Comme moi, ils sont plutôt pas mal occupés, alors... on se voit seulement pour les fêtes et les anniversaires en général.

Kat hocha la tête, compréhensive.

— C’est la même chose avec ma sœur, Mathilde. Son travail lui prend beaucoup de temps, mais on essaye de se voir au moins une fois dans l’année. O.K. Je sais que tu aimes dessiner, dit-elle en prenant la main d’Elysia dans la sienne. Tu as d’autres passions ?

— Hmm... la danse, répondit Elysia. Je dansais beaucoup, avant. Quand j’avais plus de temps libre.

Kat haussa les sourcils.

— Vraiment ? s’étonna-t-elle. Quel genre ?

— Rock, Salsa, Tango, Cha Cha...

Kat se laissa retomber contre le dossier de sa chaise, un sourire apparaissant sur ses lèvres.

— Va falloir que tu me montres ça, dit-elle, le regard brillant.

Elysia appuya ses coudes sur la table, entrelaça ses doigts comme pour prier et posa son menton sur ses mains. Elle regarda Kat avec convoitise.

— La plupart se dansent à deux, je vais avoir besoin d’un partenaire, dit-elle, malicieusement. Tu penses pouvoir tenir le rôle ?

Kat se pencha à son tour vers l’avant.

— Oh je pense même pouvoir faire mieux que ça, ronronna-t-elle dans un regard enjoué. J’ai toujours adoré mener la danse.

Pour toute réponse, Elysia se contenta de faire signe au serveur d'apporter l'addition.

💕

Elysia décida qu’elle avait un truc pour les après-soirées. Non pas qu’elle en ait vécues beaucoup, mais là, maintenant, tout de suite, son corps tout entier semblait d’accord avec elle.

Un rapide coup d’œil autour d’elle lui assura que le couloir était désert et elle se colla complètement contre Kat avant de plonger son visage dans ses longs cheveux châtains, s’imprégnant de son odeur légèrement fruitée.

— Tu sais que tu dégages quelque chose de totalement enivrant ? ronronna-t-elle avant de déposer de doux baisers contre la nuque de Kat.

Cette dernière rit doucement avant qu’un frisson ne la parcourt lorsqu’Elysia mordilla doucement la peau douce.

— Filons droit au lit, murmura Elysia quand la porte s’ouvrit enfin, tirant légèrement sur le bras de Kat quand cette dernière chercha à l’enlacer. Parce que, autant j'aime cette robe, autant j'ai attendu toute la soirée pour pouvoir enfin te la retirer.

Un grognement remonta le long de la gorge de Kat mais elle n’eut pas le temps de répondre que la bouche d’Elysia s’écrasa sur la sienne pour un baiser brulant, poussant aussitôt ses genoux à fléchir sous elle. Elle frissonna et se cramponna à l’arche qui séparait l’entrée du salon tout en répondant à ses lèvres avec autant de passion, avant de gémir lorsque les mains d’Elysia délaissèrent ses hanches pour remonter le long de la fermeture éclair de sa robe. Sa main chercha le bouton du haut et le défit, le bout de ses doigts frôlant sa peau tout en descendant la fermeture avec une lenteur désarmante. La respiration de Kat se fit de plus en plus saccadée, avant qu’elle ne gémisse ouvertement lorsque les lèvres d’Elysia quittèrent les siennes pour venir taquiner son point de pulsation qui battait à un rythme endiablé.

Electrisée, elle souleva soudainement Elysia du sol et cette dernière haleta, surprise, avant de sourire et de venir enrouler ses jambes autour de la taille de Kat, glissant ses doigts dans les long cheveux sombres. Elle sentit l’une des mains de Kat descendre jusqu’à ses fesses et gémit, sa lèvre inférieure coincée entre ses dents.

— Continue comme ça, et je te jure que je ne répondrai plus de rien, soupira-t-elle.

Kat l’allongea sur le canapé et quand sa main remonta le long de sa cuisse pour s’insinuer entre ses jambes, Elysia s’empara de sa robe afin de l’attirer à elle, avant de s’arrêter quand quelque chose attira son regard.

Elle sourit.

— C’est nouveau ça, dit-elle, écartant légèrement le tissu afin d’avoir une meilleure vue.

Kat lui avait fait l’agréable surprise de revêtir une robe pour la soirée, ce qui, outre le fait de l’avoir énormément surprise, lui avait tout simplement coupé le souffle. Épousant ses formes à la perfection et exhibant sa peau hâlée, elle dévoilait ses épaules et s’arrêtait à mi-cuisse, offrant une vue magnifique de ses jambes interminables et de ses talons hauts définitivement sexy.

Mais Elysia était loin d’imaginer qu’elle avait fait l’effort pour les sous-vêtements aussi, même si, après leur première nuit ensemble, elle reconnut qu’elle aurait dû. Kat avait porté son choix sur de la lingerie en dentelle noire ultra sexy qui poussa Elysia à observer sa poitrine comme si elle détenait le secret de la vie.

— Je me demande ce que ça donne avec le bas assortit, dit-elle pour elle-même avant de rougir furieusement lorsque le rire de Kat lui parvint, lui faisant réaliser qu’elle avait parlé à voix haute.

— Ça, répondit Kat tout en venant légèrement mordiller son lobe d’oreille. Il ne tient qu’à toi de le découvrir.

Un violent frisson parcourut Elysia et elle s’empara des lèvres de Kat dans un baiser fiévreux avant de se figer lorsqu’un bruit sourd résonna dans la pièce, et elle tourna la tête, surprise de voir Lyna debout dans l’entrée, le regard rivé sur elles.

Le peu de présence d’esprit qu’il lui restait poussa Elysia à recouvrir leurs corps du mieux possible à l’aide du plaid qui reposait contre le dossier et elle repoussa gentiment Kat de manière à ce qu’elles puissent toutes les deux s’assoir. Son regard croisa ensuite celui de Lyna qui n’avait toujours pas bougé, paralysée par la surprise.

Elle se racla légèrement la gorge.

— Lyna ? Qu’est-ce que...

Le son de sa voix sembla la faire réagir car Lyna détourna aussitôt le regard, la mâchoire serrée, avant de finalement prononcer :

— J’arrive pas à y croire...

Elle secoua la tête puis fit demi-tour afin de sortir d’un pas précipité et quand Elysia vit Kat se prendre la tête entre ses mains, elle replaça sa robe du mieux possible avant de partir à la suite de Lyna. Lorsqu’elle arriva dans le couloir, cette dernière était en train de pénétrer dans l’ascenseur et elle se précipita vers elle à toute allure.

— Lyna ! Lyna attend !

Son dos lui faisait face, et le temps qu’elle arrive à sa hauteur, les portes commençaient à se refermer, mais Elysia parvint in extrémis à insérer un bras et à les pousser à se rouvrir.

Elle reprit son souffle et hésita un instant avant d’appeler d’un ton suppliant :

— Lyna ? Lyna, s’il te plaît.

Lyna soupira avant de finalement lui faire face.

— Tu devrais retourner à l’intérieur, dit-elle d’une voix serrée. Elle a... elle a besoin de toi.

Vu ses yeux embués, Elysia savait qu’elle luttait contre les larmes.

— Elle a besoin de toi aussi.

Lyna lâcha un rire dénué d’humour tout en secouant la tête.

— Rentre. Je suis désolée d’avoir... de vous avoir interrompues.

— Ce n’est pas grave, répondit Elysia avant de réaliser qu’il se faisait plutôt tard pour une simple visite amicale. Il... il n’y a rien de grave, j’espère ?

Lyna croisa son regard pour la première fois depuis qu’elle les avait surprises et Elysia  fut étonnée de voir un léger sourire apparaître sur ses lèvres.

— Non, je voulais juste...

Ses sourcils se froncèrent et son visage s’assombrit à nouveau.

— Rien, oublie.

— D’accord, dit Elysia à contrecœur. Je vais te laisser rentrer alors.

Elle hésita avant d’ajouter :

— Mais, hum, tu sais que si tu as besoin, sa porte t’est toujours ouverte, n’importe quand, alors... n’hésite pas, d’accord ?

— Je sais.

Les portes de l’ascenseur se fermèrent à nouveau et Lyna lui offrit un léger signe de tête avant de disparaître.

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24 juillet 2015

Chapitre 11

L'alarme tira Kat d’un sommeil sans rêves et elle tendit une main dans la direction générale du bruit, frappant plusieurs boutons avant que le signal sonore ne soit enfin réduit au silence.

— Ugh, grogna-t-elle avant d’enfouir sa tête sous l’oreiller.

— C’était l'alarme, hein ? marmonna Elysia depuis quelque part sous les couvertures.

« Humpf », fut la seule réponse que Kat parvint à produire, le reste de son énergie étant concentrée dans son déplacement vers Elysia. Elle se retourna et ne put retenir un sourire lorsqu’elle aperçut ses yeux fermés et son visage presque entièrement enfoui dans l'oreiller.

— Il est 6h30, tu commences à 8h00, c’est ça ?

— Hmm, répondit Elysia de façon presque incohérente tout en attirant Kat contre elle.

Kat sentit ses yeux se fermer d’eux-mêmes face à son corps doux et chaud et elle entremêla leurs jambes, savourant l’instant. Elle n’avait aucune envie de se lever, car après tout, qui aurait envie de quitter une étreinte aussi douce ?

— On peut avoir dix minutes de plus ? gémit Elysia tout en serrant Kat un peu plus contre elle, comme si elle sentait que son geste allait la convaincre.

— On pourrait..., répondit Kat, ses doigts dessinant inconsciemment des arabesques sur l’épaule d’Elysia. Sauf que ça nous vaudrait très certainement des coups de pied aux fesses.

Kat conclut qu’Elysia était un peu plus réveillée lorsqu’elle eut un petit rire et elle déposa un baiser sur son épaule, souriant quand Elysia ouvrit de petits yeux fatigués.

— Bonjour, dit-elle tout en venant redessiner sa lèvre inférieure du doigt. Bien dormi ?

Elysia hocha la tête tout en s’étirant.

— Comme un bébé, et toi ?

— Pareil, acquiesça Kat tout en venant l’embrasser juste au coin des lèvres. Tu sais, avec tes cheveux en bataille, tu as l'air bien trop sexy pour quelqu'un qui se réveille.

Elysia recouvrit aussitôt son visage de ses mains.

— Oh Kat, arrête, je dois avoir l’air terrible, grogna-t-elle.

Kat haussa un sourcil.

— Duh, qu’est-ce que tu dois penser de moi alors, ironisa-t-elle, taquine.

Elysia roula des yeux. Elle adorait déjà les cheveux de Kat au naturel, alors au réveil... ils lui donnaient une allure irrésistible. Elle se redressa afin de venir mordiller le lobe de son oreille.

— Ils te donnent un air sauvage terriblement séduisant, ronronna-t-elle d’une voix chaude.

Sa main vint légèrement griffer l’intérieur de la cuisse de Kat et elle sourit quand cette dernière prit une inspiration soudaine, puis ferma les yeux quand l’un de ses bras glissa autour de son ventre afin de l'attirer plus près encore.

Elle tourna légèrement la tête afin d’embrasser Kat au niveau de la clavicule, et sa main se mit à explorer sa peau. Aussi légers qu’une brise, ses doigts dérivèrent entre ses seins puis le long de ses côtes avant de voyager partout ; dans son dos puis sur son épaule pour finir par redessiner les contours de son ventre.

— Je t’aime, murmura-t-elle contre la peau brûlante.

— Je t’aime aussi, répondit Kat, la chaleur du désir se précipitant à nouveau dans ses veines.

Elysia l'embrassa, et Kat frissonna lorsque cette dernière tira légèrement sur sa lèvre inférieure. Sur son ventre, les doigts d’Elysia se faisaient plus insistants, et elle remarqua qu’à chaque fois qu’elle avait complété un circuit, sa main glissait un peu plus bas et réitérait le processus. Bien vite, ses doigts effleurèrent son triangle intime et la profonde inspiration qu’elle prit poussa Elysia à lever les yeux vers son visage.

— Ooooh on dirait que tu aimes ça, dit-elle, une lueur taquine dans le regard.

Pour toute réponse, Kat l’attira soudainement à elle, souriant quand Elysia lâcha un cri de surprise, avant de l’embrasser passionnément.

— Oh bon sang, Kat, souffla Elysia quand Kat délaissa ses lèvres pour venir embrasser son cou, puis sa poitrine.

Elle embrassait sa peau avec un tel désir, l’aspirait, la mordillait avec tant de plaisir qu’Elysia ne put empêcher plusieurs gémissements de passer la barrière de ses lèvres. Puis l’attention que Kat lui portait baissa progressivement en intensité, ses lèvres effleurant à peine sa peau, comme si elles la chérissaient.

Saisie par l’amour qu’elle ressentait dans ce simple geste, Elysia retira sa main des cheveux de Kat pour venir épouser la forme de sa joue qu’elle caressa doucement de son pouce.

— Ça va ? souffla-t-elle du bout des lèvres.

Kat l’embrassa une dernière fois avant de se lover contre elle, sa joue contre son ventre. Elle admira ses seins, si bien dessinés et dans la proportion du reste de son corps, avant de lui offrir un regard serein.

— Oui. Je savoure simplement le fait d’être enfin complète.

Elysia sentit aussitôt une boule lui obstruer la gorge face à ses paroles et elle entremêla les doigts de leurs mains avant de les porter à ses lèvres.

— Hier soir, c'était vraiment incroyable, Kat. C’était...

— Enivrant ? Magique ? Merveilleux ? N'importe lequel de ces adjectifs marche pour moi.

Elysia rougit légèrement.

— Oui. Ils marchent pour moi aussi.

Kat prit ses deux mains dans les siennes.

— Tant mieux, parce que pour moi, c’était... nouveau, ce qui est... surprenant. C'était comme si je n'avais jamais fait ce genre de chose avant. C’était magique et magnifique et... définitivement sexy, taquina-t-elle.

Elysia lâcha un rire, la chaleur qui habitait déjà son visage gagnant en intensité. Elle reprit cependant rapidement son sérieux.

— Tout ça, chaque seconde, c’est incroyable pour moi Kat, tu sais.

Kat l’observa sereinement.

— Je sais, répondit-elle en venant embrasser ses doigts. Je crois même qu’une part de moi n’arrive pas encore à y croire vraiment.

— Ça l’est pourtant, répondit Elysia en venant caresser l’un des sourcils de Kat. C’est bel et bien réel.

Leurs regards s’accrochèrent et c’est tout naturellement que les lèvres de Kat vinrent cueillir celles d’Elysia pour de paresseux baisers matinaux, l’émerveillant une fois de plus de leur incroyable douceur.

Elle finit cependant par s’écarter au bout de quelques minutes.

— On ferait mieux d’y aller, murmura-t-elle à contrecœur. Tu ne peux pas te permettre d’être en retard, et j’ai une tonne de boulot qui m’attend.

Kat secoua la tête.

— Non.

— Non ? sourit Elysia, amusée.

Kat attira de nouveau ses lèvres entre les siennes et un soupir s’échappa d’Elysia quand Kat se mit à caresser sa langue, la poussant à quitter de force son étreinte au risque de les mettre réellement en retard. Si ça ne tenait qu’à elle, elles resteraient ici, mais son absence au magazine lui attirerait d’inutiles ennuis.

Elle s’écarta à l’aide de ses bras et passa par-dessus Kat afin de descendre du lit, puis l’embrassa sur le nez quand cette dernière afficha aussitôt un air boudeur.

— Debout mon amour, plus vite la journée commence, plus vite elle se termine.

Elle récupéra ses vêtements éparpillés près de la porte avant de regarder par-dessus son épaule afin de surprendre Kat qui l’observait.

— Et plus vite on se retrouvera, termina-t-elle dans un clin d’œil. 

Elle éclata de rire lorsque Kat sauta aussitôt du lit et vint lui voler un baiser avant de courir s’enfermer dans la salle de bains.

C’était presque trop facile.

💕

Il faisait presque nuit lorsqu’Elysia rentra chez elle et elle regretta presque de n’avoir pas proposé à Kat de la rejoindre à son domicile, plutôt que de devoir préparer un sac d’affaires de rechange et de la retrouver à son appartement.

La simple pensée de passer une nouvelle soirée — et une nouvelle nuit — ensemble lui fit cependant oublier la fatigue qui pesait sur ses épaules et elle déverrouilla sa porte d’entrée dans un sourire.

Avant de s’arrêter sur le pas de la porte, figée.

Debout dans son salon, visiblement interrompu en pleine conversation, se trouvait Mysa en compagnie d’une femme. Femme qui ressemblait étrangement à Elysia... si cette dernière avait eu les cheveux frisés, soulignait ses yeux d'un épais trait d'eyeliner et portait une tenue en cuir.

L’air malfaisant qui flottait dans l’air fit aussitôt comprendre à Elysia de qui il s’agissait.

La Targa qui s’était échappée.

Celle qui tourmentait Kat.

— Qu’est-ce qu’elle fiche ici ? s’exclama-t-elle, elle-même surprise par la haine qui transpirait dans sa voix. Et qu’est-ce que tu fabriques avec elle ? ajouta-t-elle quand Mysa ouvrit la bouche.

— Elle était déjà là quand je suis arrivé, répondit ce dernier, levant les mains en signe d’apaisement.

Elysia haussa les sourcils.

— Oh, vraiment ? répliqua-t-elle, posant son sac à main sur le petit meuble de l’entrée dans un geste brusque. Tu es sûr ? Parce que j’ai du mal à y croire, tu vois. D’abord, tu me pousses littéralement dans les bras de Kat, ensuite, je découvre qu’on m’a volontairement caché des choses, et enfin, je rentre chez moi pour te trouver avec elle, dit-elle en désignant la concernée du doigt. Tu admettras que ça fait beaucoup.

Mysa l’observa avec confusion.

— Caché des choses ?

— Kat a une photo d’une ex chez elle, une certaine Lucy, répondit Elysia avant d’écarter les bras. Je ne sais même pas qui c’est !

Un rire résonna aussitôt dans la pièce et elle tourna la tête pour voir la Targa nonchalamment assise dans son fauteuil.

— Elle ne sait pas qui est Lucy ? s’étonna-t-elle, ricanant de plus belle. C’est la meilleure.

Mysa la fusilla du regard avant de reporter son attention sur Elysia.

— C’est une première, répondit-il, pensif. Peut-être que les souvenirs te reviendront plus tard ?

— Et ça, c’est censé m’aider à te faire confiance ? répliqua aussitôt Elysia, les poings serrés. Je te jure, Mysa —

Mysa tourna la tête en direction de la Targa.

Arrête ça tout de suite, gronda-t-il.

La jeune femme haussa un sourcil, un sourire provocateur sur les lèvres et Elysia comprit lorsqu’elle sentit l’air changer dans la pièce et sa colère s’amenuiser. La Targa avait utilisé la méfiance qu’Elysia ressentait envers Mysa et l’avait démultipliée, la poussant malgré elle à vouloir sauter à la gorge de Mysa.

Ce dernier reprit, plus calmement.

— Il est possible qu’ils aient voulu t’aider dans ta mission. Tu n’es pas censée la connaître, après tout.

Elysia se passa une main sur le visage, un soupir s’échappant de ses lèvres.

— Peut-être, j’en sais rien, répondit-elle en secouant la tête. Bon, et elle, qu’est-ce qu’elle fiche ici ?

La Targa se redressa.

— Elle, c’est Elyana, dit la concernée, quittant son fauteuil avec souplesse afin de s’approcher d’Elysia. Quant à la raison de ma présence ici... voyons, Elysia, il était grand temps qu’on se rencontre enfin, tu ne crois pas ? demanda-t-elle, un sourcil haussé tandis qu’elle enroulait une mèche de cheveux d’Elysia autour de son doigt.

— On s’est déjà rencontrées. Deux fois, rétorqua Elysia en se dégageant.

— Pour autant que tu le saches, acquiesça mystérieusement Elyana, passant derrière elle afin d’arpenter la pièce. Mais c’est vrai, tu as raison. Seulement, je me suis dit qu’il était temps de rendre les choses officielles. Après tout, nous sommes quand même les deux premières Targa et Daï-Natha à se rencontrer en chair et en os... Je ne sais pas toi, mais moi, je trouve ça... inspirant, sourit-elle. Bien sûr, jusqu’à maintenant, je ne me suis occupée que de Kat...

Elle laissa son sourire s’agrandir quand Elysia s’avança dangereusement avant d’être retenue par Mysa, et s’installa sur le canapé, les bras étendus contre le dossier.

— Tu sais, pour quelqu’un dont la mission est de la protéger de moi, tu passes sacrément de temps avec elle. J’en serais presque jalouse.

Elle relâcha un soupir dramatique qui laissa rapidement place à un air malicieux.

— Bien sûr, connaissant Kat, j’aurais probablement autant envie de rester auprès d’elle. Je veux dire, tu as vu ce corps ? Hmm... je me demande ce que ça ferait de la sentir si chaude, si humide, si... étroite sous mes doigts...

Elle vit Elysia lutter de nouveau contre Mysa et elle rejeta la tête en arrière, éclatant de rire.

— C’est trop facile, dit-elle avant de se redresser. Mais passons aux choses sérieuses.

Elle s’approcha d’Elysia et un simple coup d’œil en direction de Mysa suffit pour que ce dernier lui obéisse et raffermisse sa prise autour d’Elysia, privant cette dernière de toute échappatoire.

Elyana promena alors un doigt le long de la joue d’Elysia, et sourit quand cette dernière chercha à se reculer.

— Tu perds ton temps, Elysia, indiqua-t-elle. Tu n’es pas la seule à qui Kat appartient. Et j’ai de grands projets pour elle. Investir toute ton énergie à la rendre heureuse n’y changera... absolument... rien.

Elle leva le menton d’Elysia afin de la forcer à la regarder puis sourit avec amusement.

— Elle finira par être mienne, jusqu’à ce que je m’en lasse.

— Tu ne peux pas vivre sans elle, répliqua aussitôt Elysia, une peur soudaine lui nouant l’estomac. Si elle meurt, nous aussi.

Elysia porta une main à sa poitrine, feignant un air touché.

— Oh, Elysia... Mais c’est justement ce qui fait que nous sommes différentes. Je n’ai pas peur de mourir. Et j’ai hâte de sentir le moment où la vie de Kat s'écoulera entre mes doigts...

Elysia se débattit de nouveau mais Elyana l’ignora, étudiant ses ongles tandis qu’elle poursuivait.

— D’ailleurs, si j’étais toi, je lui rendrais une petite visite. Tu sais, juste pour être sûre, ajouta-t-elle dans un regard amusé.

Elysia sentit le sang quitter son visage et elle observa bêtement Elyana quitter la pièce, avant de se précipiter vers la porte quand Mysa relâcha enfin prise sur elle.

💕

Arrivée à destination, Elysia frappa frénétiquement contre la porte de l’appartement de Kat, soulagée lorsque cette dernière ouvrit après seulement quelques secondes.

L’air surprit de Kat laissa place à la confusion.

— Tu as couru ? demanda-t-elle.

Elysia la poussa légèrement afin de pouvoir entrer à l’intérieur et elle parcourut rapidement l’appartement du regard avant de reporter son attention sur Kat.

— Oui, non, enfin si mais..., ça va ? demanda-t-elle finalement, notant pour la première fois ses traits tirés. Bon sang, Elyana, que lui as-tu fait cette fois-ci ? bouillonna-t-elle intérieurement.

Kat porta la bouteille de bière qu’elle tenait à ses lèvres tout en haussant les épaules.

— Ça pourrait aller mieux, admit-elle en regagnant le salon.

Elysia la suivit aussitôt.

— Kat, comment ça, il s’est passé quelque chose ?

Kat s’installa sur le canapé avant de désigner la table basse du menton et Elysia remarqua qu’une photo en noir et blanc s’y trouvait. Floue, elle montrait deux femmes qui s’embrassaient dans une infirmerie et Elysia ferma les yeux, comprenant aussitôt pourquoi Kat était dans cet état.

— Tu l’as trouvée où ? demanda-t-elle calmement.

— Parmi mon courrier. D’abord, la coupure de journal, et maintenant ça..., dit Kat en se passant une main dans les cheveux. Ils ne mentent pas quand ils disent que ton passé finit toujours par te hanter, hein ? ajouta-t-elle dans un rire dénué d’humour.

Elysia s’assit à côté d’elle.

— Kat, c’est juste une mauvaise blague d’un... dégénéré qui n’a rien de mieux à faire de sa vie, répondit-elle en prenant l’une des mains de Kat dans les siennes. Le laisse pas t’atteindre comme ça.

Kat secoua la tête.

— Non, c’est différent. La coupure de journal, d’accord. Mais ça ? Les personnes qui sont au courant de ça se comptent sur les doigts de la main, quant au cliché, s’il en restait un exemplaire... il n’aurait jamais pu se retrouver dans la nature comme ça. La personne qui fait ça se donne beaucoup trop de mal pour être un simple dégénéré qui n’a rien de mieux à faire de sa vie.

— C’est beaucoup plus simple avec les ressources dont on dispose aujourd’hui, lui répondit Elysia, l’air compatissant.

— Je sais, mais...

Kat s’interrompit, avant de soupirer.

— Ouais, t’as peut-être raison. J’aimerais juste savoir qui est derrière tout ça, et qu’il arrête. La sécurité du magazine n’a rien trouvé ?

Elysia secoua la tête.

— Ils ne sont pas parvenu à retracer l’adresse IP utilisée.

— Ouais, et je doute que la police se montre utile, répondit Kat en secouant la tête.

— Kat, écoute-moi, dit Elysia en se tournant vers elle. La meilleure chose à faire dans ces cas-là, c’est d’ignorer. Je sais que c’est facile à dire, mais tu l’as dit toi-même, c’est le passé tout ça. Il n’est peut-être pas tout rose, mais il est derrière toi désormais. Ne laisse pas cette personne arriver à ses fins. Tu es heureuse aujourd’hui, c’est ce qui importe, non ?

Kat l’observa un instant avant de hocher la tête. Elysia avait raison. Elle était heureuse. Et la raison de son bonheur se trouvait juste à côté d’elle. Alors pourquoi ressasser le passé ?

Elle posa brièvement ses lèvres sur celles d’Elysia.

— Tu as raison. Je suis désolée.

— Non, dit Elysia en secouant la tête, posant sa tête contre l’épaule de Kat. Je réagirai sûrement de la même façon si mes vieux démons réapparaissaient sans prévenir.

Kat émit un « hmm » tout en s’emparant du cliché. Elle le détailla longuement du regard avant de lever les yeux vers Elysia.

— Tu ne dois pas y comprendre grand-chose, hein ? Pour toi, ce sont juste deux femmes qui s’embrassent.

— Dans un cadre militaire, si j’en crois leurs tenues, fit remarquer Elysia. Je pense pouvoir additionner deux et deux et me faire une petite idée de ce qui a pu se produire.

— Peu importe ce que tu t’imagines, crois-moi, c’est certainement pire que ça, ironisa Kat, les yeux rivés sur la photo. Tu penses qu’on s’est fait surprendre, et que je me suis fait renvoyer ? devina-t-elle.

Elysia haussa les épaules.

— Quelque chose comme ça, acquiesça-t-elle, même si, au fond, elle connaissait déjà la vérité.

Les paroles de Mysa lui revinrent alors en mémoire — Il est possible qu’ils aient voulu t’aider dans ta mission. Tu n’es pas censée la connaître, après tout — et elle dut reconnaître qu’une part d’elle aurait aimé ne pas être déjà au courant. Elle n’aurait pas eu à mentir à Kat comme ça. Mais cela aurait aussi voulu dire découvrir pour la première fois ce que Kat avait dû subir à cette époque, et elle n’était pas sûre qu’elle aurait pu le supporter. Même en le sachant déjà, une boule d'appréhension lui nouait l'estomac.

— Tu t’es enrôlée dans l’armée juste après le lycée, c’est ça ? demanda-t-elle, ses pouces allant et venant sur la main de Kat. Tu parais assez jeune sur les photos...

— C’est ça, acquiesça Kat. Je n’ai jamais vraiment su ce que je voulais faire de ma vie et l’armée m’a toujours plus ou moins attirée, alors je me suis présentée. Lors du recrutement, l’un des agents m’a promis que les frais engendrés par mes études postsecondaires seraient couverts et que j’aurais l’occasion de voyager partout dans le monde. Moi qui n’avais jamais quitté ma ville natale, j’étais plus qu’intéressée. Alors j’ai passé les examens physiques et médicaux, ainsi que les tests d’aptitude. Un mois plus tard, j’ai rencontré le conseiller en orientation des services du programme d’entrée dans l’armée, et lui ai clairement fait comprendre que je ne voulais pas prendre part aux combats. Il m’a donc proposé un contrat de cinq ans en tant que mécanicienne, et je me suis enrôlée.

— Ton père a dû être fier, sourit doucement Elysia.

Kat hocha la tête, un sourire nostalgique sur les lèvres.

— Il était euphorique, répondit-elle. Même si je pense que c’était surtout le fait que je n’aille pas sur le terrain qui l’ait rassuré. Quoi qu’il en soit, mon contrat stipulait que je ne pouvais pas le rompre, que seule l’armée le pouvait et que je devais renoncer au statut « d’objecteur de conscience ». Je ne savais pas ce que cela signifiait, et lorsque j’ai posé la question, on m’a tout bonnement répondu que c’était pas important et que je devais simplement remplir les formulaires. À partir de là, tout s’est plus ou moins bien déroulé.

« Puis, en Octobre 2003, j’ai été envoyée à Fort Campbell, au Kentucky, où j’étais la seule mécanicienne du service d’entretien mécanique. À moins d’un an de la fin de mon contrat, les choses ont commencé à dégénérer. Retourner les propositions des hommes n’aide pas dans ce milieu, et en quatre ans, je n’en avais fréquenté aucun, ce qui n’a pas tourné en ma faveur. Ta réputation peut vite prendre des proportions énormes si tu ne fais pas attention.

Son regard prit un air lointain et Elysia accentua la pression sur sa main, appréhendant la suite même si elle la connaissait déjà.

Kat prit une profonde inspiration avant de continuer.

— Bien vite, les autres soldats ont commencé à me harceler, à m’insulter, à essayer de m’intimider. Je n’y prêtais pas attention, non pas parce que ça ne me touchait pas, mais parce qu’une part de moi n’arrivait pas à s’imaginer qu’ils puissent réellement passer à l’acte.

— Mais ils l’ont fait, murmura faiblement Elysia, le ventre noué.

Kat soupira avant de hocher la tête.

— La situation a basculé quand on m’a surprise en compagnie de l’infirmière en chef dans une position qui ne laissait aucun doute quant à la nature de notre relation. La nouvelle a rapidement fait le tour, mes supérieurs m’ont convoquée, m’informant que j’étais soumise à une investigation. J’ai voulu nier mais…

Elle désigna le cliché, un sourire dénué d’humour sur les lèvres.

— Ils avaient des photos, tout un tas de clichés retraçant nos rendez-vous secrets. Alors, ils ont lancé la procédure, et l’homosexualité étant interdite, je savais très bien quelle en serait l’issue. L’armée a réuni une cour martiale et en attendant leur décision finale, mes supérieurs ont commencé à me traiter durement et à me confier toute sorte de tâches. J’ai reçu des menaces d’agressions, de mort… et...

Sa poitrine se souleva soudainement et elle lâcha dans un souffle :

— Disons que j’ai été pas mal amochée. Puis j’ai été renvoyée.

Le silence retomba et Elysia posa leurs mains liées sur ses cuisses, serrant affectueusement les doigts entre les siens. Renvoyée. Pour avoir eu une relation avec une femme. Relation pour laquelle l’armée tout entière s’était retournée contre elle. Et Kat n’avait rien pu faire, tout ça parce qu’à son entrée dans l’armée, elle avait renoncé au statut « d’objecteur de conscience ». En signant un bout de papier, Kat avait, sans le savoir, accepté de ne pas accomplir certains actes allant à l'encontre d'impératifs établis par l’armée. Fréquenter une femme faisait partie de l’un d’entre eux. Elle avait donc désobéi aux lois, et pouvait de ce fait être légalement renvoyée.

Elysia ne sut dire ce qui, dans tout ça, la mettait le plus hors d’elle.

Elle porta la main de Kat à ses lèvres avant de murmurer.

— Je suis désolée que tu aies dû traverser tout ça.

— Moi aussi.

— Tawny et Lyna, ils savent...

Elle sentit Kat hocher la tête.

— Mathilde aussi, mon père est le seul à n’avoir rien su.

Elysia fronça les sourcils.

— Pourquoi ça ?

— Parce que..., commença Kat en se passant une main sur le visage, avant de soupirer. Mon père ne savait pas que je préférais les femmes. Je n’ai jamais pu lui dire. Ma mère est morte quand j'étais petite, je me souviens à peine d'elle, mais je savais qu’il espérait que je trouve quelqu'un comme ils se sont trouvés l’un l’autre. Il en parlait tout le temps ; à quel point il l'aimait, et combien il ne changerait rien, même s’il avait une seconde chance, et ce malgré le chagrin quotidien de l’avoir perdue. Il m'a toujours dit combien il espérait me voir vivre ça, rencontrer l’homme qui me compléterait, comme elle l’avait fait pour lui.

Kat s’interrompit avant de tourner la tête vers Elysia et lui offrir un regard empli de détresse.

— Je ne pouvais pas lui dire que sa propre fille, celle en qui il avait tant d’espoir, avait été renvoyée de l’armée pour comportement homosexuel, violée... et enceinte.

💕

Le dernier mot fut murmuré dans un souffle douloureux et Elysia se redressa aussitôt afin de la prendre dans ses bras, la serrant fort contre elle.

— Oh Kat, je suis désolée, dit-elle sa joue contre la tempe de Kat. Je suis tellement désolée.

Kat se détacha afin de la regarder dans les yeux. Elle secoua la tête.

— C’est pas de ta faute. Et puis, comme tu l’as dit, ça appartient au passé. Mieux vaut le laisser là où il est.

Elle eut à peine terminé sa phrase que les yeux d’Elysia s’embuèrent et elle sentit son cœur se serrer.

— Ely, non... ça sert à rien de pleurer pour ça, dit-elle en chassant les larmes qui s’échappaient de ses doigts. 

Elysia secoua la tête avant de finalement lever vers elle un regard humide.

— C’est pas ça, je suis juste... énervée.

- Enervée ? s’étonna Kat.

Elysia s’essuya les yeux d’un revers de manche avant de l’observer.

— Oui. Juste... Ça n’aurait jamais dû arriver Kat, lui expliqua-t-elle d’un ton infiniment triste. Et je suis juste... tellement en colère que ce soit arrivé. Mais surtout, surtout...

Elle s’empara de la main de Kat pour la poser sur son cœur et cette dernière vit ses yeux s’embuer à nouveau.

— J’ai mal à l’intérieur parce que je n’ai pas pu l’empêcher.

Ses paroles bousculèrent Kat plus qu’elle ne l’aurait cru possible et elle se retrouva à son tour à lutter contre les larmes.

— Elysia, tu ne l’aurais pas pu même si tu l’avais voulu, répondit-elle en encadrant son visage de ses mains, essuyant ses joues. Mais ça importe peu, parce que ce qui compte, c’est qu’aujourd’hui, je vais bien. Que je suis bien. Grâce à toi.

Elysia hocha la tête avant de venir l’embrasser chastement, et lorsque Kat referma ses bras autour d’elle, et que ses yeux se fermaient d’eux-mêmes, elle se fit une promesse.

Qu’elle ne laisserait jamais plus personne lui faire de mal.

22 juillet 2015

Chapitre 10

De légers coups contre la porte de son bureau lui firent perdre sa concentration sur son écran d’ordinateur et Elysia leva les yeux pour voir Josh passer la tête dans son bureau.

— Ton rendez-vous de 17h est là, l’informa-t-il avant de s’écarter et d’inviter Chloé à entrer.

Cette dernière le remercia d’un signe de la tête puis parcourut rapidement la pièce du regard avant de s’arrêter sur Elysia, debout de l’autre côté de son bureau et qui lui tendait une main.

Chloé s’en empara aussitôt.

— Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me recevoir, dit-elle. Je crois bien que je ne vous en remercierai jamais assez.

— C’est rien, répondit Elysia tout en lui faisant signe de s’assoir avant de s’installer à son tour.

Leur entretien étant professionnel, elle ne fut pas surprise de voir que Chloé avait revêtu un tailleur jupe. Mais la tenue lui conférait un air tellement plus sérieux, plus sûr d’elle, qu’Elysia dut s’y reprendre à deux fois afin de s’assurer qu’il s’agissait bien de la même personne qui était venue chez elle une semaine plus tôt. La jeune étudiante de vingt-cinq ans semblait avoir laissé place à la professionnelle, et Elysia en fut agréablement surprise.

— Je pense d’ailleurs avoir trouvé une solution qui pourrait toutes les deux nous satisfaire, poursuivit-elle.

— Ah ? répondit Chloé, le visage plein d’espoir.

Elysia hocha la tête tandis qu’elle réunissait quelques papiers devant elle. Elle croisa finalement les mains sur son bureau.

— Comme vous le savez certainement, tout journaliste qui reçoit sa première carte de Presse est considéré comme journaliste stagiaire pendant deux ans. Une fois cette période terminée, la carte de Presse de journaliste titulaire est attribuée, et donne droit à l'intégralité des avantages de la carte. Vous êtes étudiante à l’Université de Central Florida, votre période de stage est donc ramenée à un an. Ce que je vous propose, c’est de commencer cette période en suivant l’un de nos journalistes stagiaires. Vous participeriez ainsi à la rédaction d'articles, de reportages, aux enquêtes...

Elysia s’interrompit lorsqu’elle vit que Chloé l’observait avec des yeux ronds. Elle se racla légèrement la gorge.

— Il y a un problème ?

Chloé cligna des yeux.

— Euh, non, non. C’est... vous voulez faire de moi l’assistante d’un journaliste stagiaire ?

— Plutôt une stagiaire d’un journaliste stagiaire, corrigea Elysia. Vous en êtes à votre première année de Master. Travailler en tant que stagiaire chez nous en parallèle de vos études vous permettra d’acquérir de l’expérience mais surtout, d’avoir déjà un pied dans le métier une fois votre diplôme décroché...

Elle s’interrompit quand le jeune femme ne réagit pas.

— Chloé, il y a un problème ? réitéra-t-elle.

Cette dernière secoua lentement la tête.

— Non... je pensais juste, quand vous aviez parlé d’accepter de m’aider... je pensais que je finirais par faire des photocopies, ou, vous savez, un truc comme ça. Je ne m’attendais certainement pas un poste comme celui-là !

Elysia haussa les sourcils.

— Vous possédez une licence en journalisme, bientôt une maîtrise. Vous êtes bien trop qualifiée pour faire de simples photocopies. De plus, chacun d’entre nous possède des assistants pour ça, finit-elle dans un clin d’œil.

Chloé se lassa retomber contre le dossier du fauteuil, encore sous le choc.

Elysia pencha la tête sur le côté.

— Alors, qu’en dites-vous ?

Chloé se passa une main sur le visage, avant de lâcher un rire incrédule.

— J’en dis... eh bien, je signe où ? Et je commence quand ? Parce que je peux être là demain dès 8h, vous savez.

Son enthousiasme poussa Elysia à lâcher un rire.

— Pour les papiers, Josh va s’occuper de vous. Quant à savoir quand vous commencez, je vous laisserai voir ça avec nos journalistes stagiaires — vous travaillerez en alternance avec deux d’entre eux — ils s’adapteront en fonction de votre temps libre. Des questions ?

— Euh... non, mais vous pouvez être sûre qu’une fois redescendue sur terre, je devrais en avoir à la pelle.

 — Vous avez mes coordonnées, sourit Elysia, amusée par sa réaction. Josh vous transmettra celles de nos journalistes, ils vous contacteront afin d’établir un rendez-vous pour mettre tout ça en place.

Elysia se préparait à conclure leur entretien lorsque Kim passa la tête dans son bureau.

— Tu voulais me voir ? demanda la jeune femme avant de remarquer Chloé. Oh, tu es en rendez-vous ? Je repasserai.

— Non, non, c’est bon, la rassura Elysia d’un signe de la main. On vient justement de terminer. Kim, je te présente Chloé, elle va apprendre le métier auprès de nos journalistes stagiaires. Chloé, voici Kimberley, notre designer graphiste.

— Enchantée, dit Kim, entrant dans la pièce afin de lui tendre une main.

— De même, répondit Chloé tout en prenant sa main dans la sienne, et Elysia fut surprise de la voir rougir.

Et de les voir s’observer de la tête aux pieds comme cela.

Hmm bizarre.

Elysia reprit lorsque Kim reporta son attention sur elle.

— Tu veux bien aller chercher Josh le temps que je boucle les choses ici ?

Kim hocha la tête avant de quitter la pièce et Elysia reporta son attention sur Chloé.

— Comme je te le disais, Josh va s’occuper de toi pour les contrats. Tu as bien sûr le droit de les emporter chez toi et de les lire au calme avant d’envisager signer. Et si jamais tu avais des questions, n’hésite pas à nous contacter.

— Justement..., commença Chloé, se penchant légèrement vers l’avant. Après avoir vu, hum, Kimberley ? Je me demandais, ça consiste en quoi, vos exigences vestimentaires ? Je me sens un peu... trop habillée tout à coup, rougit-elle.

Elysia retint difficilement un rire. Le look gothique, les cheveux roses, et les piercings de Kim surprenaient toujours.

— On n’a pas vraiment de réglementation à ce sujet. On n’est pas au contact du public, ici, et on bouge beaucoup, alors j’admets qu’on a tendance à privilégier les tenues décontractées. Tu travailleras cependant souvent à l’extérieur, alors il est possible que des tenues professionnelles soient de rigueur.

— D’accord, acquiesça Chloé, visiblement soulagée. Merci beaucoup en tout cas, pour... tout ça. C’est vraiment plus que ce que j’espérais.

Elysia fronça légèrement la tête sur le côté, les sourcils froncés.

— Chloé, à quoi t’attendais-tu, au juste ? Si je peux me permettre le tutoiement, bien sûr, se pressa-t-elle d’ajouter.

— Pas de problème, répondit aussitôt Chloé, avant de se gratter la nuque. Pour être honnête, tu aurais été quelqu’un de différent, je me serais attendue à une offre de stage, un peu comme tu l’as fait. Mais, étant donné ta relation avec Kat, et le passé qu’elle et moi partageons...

— Ah.

Elysia hocha la tête, soudainement compréhensive. Elle se passa une main sur le front.

— Je vois, dit-elle, avant de prendre une profonde inspiration. Ça fait partie de mon travail de faire la part des choses entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle. Cela étant dit, ajouta-t-elle lorsque Chloé ouvrit la bouche, je peux comprendre tes craintes, on se laisse parfois submerger par ses émotions, dit-elle dans un sourire serré. Je te rassure, ça n’arrivera pas ici.

Chloé hocha la tête, légèrement embarrassée.

— Désolée, c’est juste que, quand tu nous as vues ensemble ce jour-là, puis quand on est venues chez toi, tu avais l’air...

— Je sais, soupira Elysia en se passant une main sur le visage. J’ai réagi de manière excessive, et je m’en excuse. Je sais désormais ce qu’il en est, Chloé. Et je ne t’en tiens pas rigueur. Au contraire, je devrais même te remercier. Tu n’as rien fait de plus qu’être là pour Kat. C’est important pour moi.

— Et maintenant, c’est toi qui es là pour elle, répondit Chloé, avant d’ajouter sincèrement. Et ça, c’est important pour moi.

Elysia afficha un sourire avant de tendre une main que Chloé serra aussitôt.

— Bienvenue parmi nous, Chloé. Je suis sûre que je ne le regretterais pas.

💕

— Kat, tu m’emmènes où là ? demanda Elysia lorsque Kat manqua la deuxième sortie qui aurait dû les conduire chez elle.

Elle tourna la tête lorsqu’aucune réponse ne vint et haussa un sourcil face au mystérieux sourire qui habitait les lèvres de Kat.

— D’accord... tu sais que je vais finir par croire que tu as un truc pour les enlèvements à force, hein ?

Kat lâcha un rire tandis qu’elle enclenchait son clignotant afin de quitter le périph et de regagner une partie plus éloignée de la ville. 

— C’est une surprise, répondit-elle. Promis, tu n’auras pas à appeler le 911.

Pour toute réponse, Elysia se contenta de s’emparer de l’une des mains de Kat et d’entrelacer leurs doigts. Elle dut cependant la relâcher lorsque le portable de Kat sonna quelques minutes plus tard, signalant qu’elle avait reçu un message.

Kat tendit le bras afin de récupérer le téléphone qui reposait sur le tableau de bord, et le positionna contre le volant, de manière à pouvoir continuer de regarder la route. Elle jeta un rapide coup d’œil au sms, et Elysia fut surprise de la voir rougir.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.

Kat lui jeta un rapide coup d’œil.

— Euh... rien.

— Rien ? s’étonna Elysia. Tu reçois un sms qui te fait rougir, et c’est rien ?

— C’est Chloé, répondit Kat, avant de rouler des yeux lorsqu’Elysia se figea. C’est pas ce que tu crois, assura-t-elle. Tiens, regarde.

Elysia s’empara du téléphone avec appréhension, puis jeta un œil au sms. Elle haussa aussitôt les sourcils.

— « Sache que ta petite femme mérite que tu lui fasses vraiment plaisir ce soir, elle va faire de moi une journaliste stagiaire avant l’heure !!!!! xx », lut-elle à voix haute, hésitant entre l’envie de rire et de se cacher. Eh bien, visiblement, elle est... très... contente. 

— Non, tu crois ? ironisa Kat, avant d’ajouter, plus sérieusement. Tu réalises un de ses rêves, tu sais ? Tu as vraiment assuré sur ce coup-là.

Elysia haussa les épaules, une légère coloration recouvrant ses joues.

— Chloé a fait le plus gros. C’est elle qui a les qualifications requises, répondit-elle avant de désigner le téléphone. J’aurais cela dit préférer qu’elle laisse ma vie sexuelle en dehors de ça.

— Ouais, Chloé n’est pas vraiment du genre à avoir sa langue dans sa poche, grimaça Kat. Toujours pas de regrets de l’avoir embauchée ?

Elysia secoua la tête, et Kat enclencha son clignotant afin de venir garer la voiture sur un parking désert.

— Et voilà, dit-elle en coupant le moteur.

Elysia observa le paysage qui s’offrait à elles à travers le pare-brise, la grille imposante, et les montagnes de carcasses de véhicules entassées. Elle fronça les sourcils.

— Euh, Kat... qu’est-ce qu’on fabrique dans une décharge ?

— Je te l’ai dit, c’est une surprise, répliqua Kat, défaisant sa ceinture avant de descendre du véhicule.

Elysia la suivit, confuse, et Kat ouvrit l’imposante grille qui gardait l’endroit avant de la mener au milieu de carcasses de voitures, de motos et autres camionnettes. Avec les heures sup’ qu’Elysia faisait, le soleil disparaissait déjà à l’horizon, et elles durent faire attention où elles mettaient les pieds.

— Et voilà.

La voix de Kat poussa Elysia à lever la tête et elle sourit aussitôt. Un espace assez important avait été créé au milieu des débris, et au centre, reposait une vieille camionnette Chevrolet Apache. Campée sur une dépanneuse, elle était positionnée de manière à ce que l’avant de la voiture pointe directement vers le ciel, et une petite échelle permettait de venir prendre place derrière le volant.

— Viens, reprit Kat en tirant légèrement sur sa main.

Une fois arrivée devant le véhicule, Kat l’aida à monter avant de prendre à son tour place derrière le volant.

— Confortable ? demanda Kat tandis qu’elle refermait la portière.

Elysia hocha la tête. Pour un véhicule condamné à passer sa vie dans une décharge, l’intérieur était plutôt en bon état. Une fine couche de poussière recouvrait le tableau de bord, et le cuir du fauteuil était légèrement déchiré par endroits, mais Elysia trouvait l’endroit étrangement confortable. Comme lorsque vous mettez les pieds dans une maison sentant le vécu. 

— Mon père a rapidement tissé des liens avec les décharges du coin quand il a lancé son garage, expliqua Kat, le regard perdu vers l’horizon. Une de ses passions était de retaper de vieilles voitures, et c’est ici qu’il trouvait ses perles rares. Les gens ne savent pas toujours ce qu’une vieille Chevrolet, une Jaguar ou même une Fiat peuvent valoir une fois retapées. Même s’il ne reste rien de plus que la carrosserie, un bon mécano peut faire des miracles.

Elle désigna l’habitacle de la voiture avant de continuer.

— Je venais ici avec ma sœur quand il faisait ses recherches ou examinait ce que le propriétaire de la décharge avait dégotté. On imaginait toujours que le moteur marchait, et qu’on allait s’envoler vers le ciel.

Elle rougit légèrement.

— J’avais une imagination débordante à l’époque, sourit-elle, embarrassée.

— Comme beaucoup d’enfants, répondit Elysia en l’embrassant sur la joue. C’est ce que tu fais aujourd’hui ? Restaurer de vieilles voitures ? Tu travaillais sur une Chevrolet l’autre jour dans ton garage, quand je suis tombée en panne.

Kat hocha la tête.

— C’est mon plan retraite, dit-elle, avant d’expliquer lorsqu’Elysia l’observa avec confusion. J’ai trente ans, et c’est mon premier boulot stable, avec un plan de retraite. Crois-moi, tu n’as pas envie d’entendre à quel âge je pourrais enfin bénéficier d’une retraite de base à taux plein. J’ai perdu du temps avec l’armée, puis, hum, avec la prison. Alors si je veux vraiment pouvoir bénéficier d’une retraite, et qu’elle soit un minimum confortable...

— Tu retapes d’anciennes voitures, et les vends au plus offrant, conclut Elysia. Compris. C’est plutôt malin, comme système.

— Si tu t’y connais en mécanique, et que ton père avait un bon réseau, acquiesça Kat, avant de prendre une inspiration. C’est comme ça que je compte aider Chloé.

Elysia haussa les sourcils.

— Woah. Attends, je ne comprends pas. Elle a de si gros problèmes d’argent ?

— Les études sont onéreuses, tu le sais, répondit Kat. Mais... oui. Disons qu’elle s’est malgré elle retrouvée avec de grosses dettes à rembourser. Un membre de sa famille aimait un peu trop jouer en ligne et miser de l’argent, expliqua-t-elle lorsqu’Elysia fronça les sourcils.

Elysia hocha lentement la tête.

— Alors elle s’est tournée vers la prostitution de luxe, et les sommes astronomiques qu’elle pouvait toucher en peu de temps.

Elle se passa une main sur le visage.

— Bon sang, c’est terrible, murmura-t-elle avant de reporter son attention sur Kat. C’est pour ça que tu... as eu recours à ses services ? Pour l’aider ?

Kat remua légèrement, mal à l’aise.

— Pas au début. Pas vraiment sur la fin non plus, cela dit. Je voulais l’aider, et je le faisais en la contactant, mais elle m’aidait aussi. Elle... comment dire, elle chassait mes mauvais rêves ? J’étais plutôt mal à l’époque, et en ayant recours à ses services...

— J’ai compris, la coupa Elysia, secouant la tête pour chasser les images qui l’assaillaient.

Rien de mieux que tout un tas d’orgasmes pour se détendre et bénéficier d’un sommeil sans rêves.

Elle reprit, une fois calmée.

— Qu’est-ce qui faisait que tu dormais si mal ? Ta condamnation ?

Kat haussa les épaules.

— C’était un tout, je pense. L’armée, la prison... je pense aussi que je redoutais l’avenir. Chuter encore...

Elysia saisit l’une de ses mains quand Kat frissonna. Elle ne le savait pas, mais la seule raison pour laquelle ces dernières semaines lui avaient été si difficiles à vivre, c’était parce qu’une Targa s’était échappée. Kat avait alors subi, sans le savoir, son influence négative, malfaisante. Malsaine.

Elysia n’osa même pas imaginer quel genre de rêves Kat avait subis en conséquence.

Elle soupira intérieurement. Comment pouvait-elle en vouloir à Kat d’avoir cherché du réconfort dans les bras de Chloé ? Elle avait lutté comme elle avait pu.

Elle exerça une légère pression sur les doigts de Kat.

— Je trouve personnellement que tu t’en es plutôt bien sortie, sourit-elle doucement.

Kat porta la main d’Elysia à ses lèvres afin d’embrasser ses doigts, les yeux rivés sur son visage. Elle acquiesça imperceptiblement.

— Bon, assez parler de moi. Regarde devant toi, je me suis dit que le spectacle te plairait.

Elysia tourna la tête et remarqua que le soleil s’était enfin couché, dévoilant un ciel étoilé pur et sans nuages.

Elle sourit.

— C’est magnifique.

— Hmm, acquiesça Kat, se rapprochant de manière à passer un bras autour des épaules d’Elysia.

Cette dernière posa aussitôt sa tête contre sa poitrine.

— Tu sais, si je ne te connaissais pas, je penserais que tu cherches à me séduire, taquina-t-elle.

Les épaules de Kat s’affaissèrent.

— Merde, et moi qui pensais que c’était déjà fait.

Elysia lâcha un rire, tournant la tête afin de d’embrasser Kat juste au coin des lèvres. Dans l’obscurité de la nuit, ses yeux noisette paraissaient presque gris, et elle passa un temps à les observer.

Sentant son regard sur elle, Kat tourna la tête dans sa direction.

— Tu es en train de tout rater, la taquina-t-elle.

— Non, j’ai trouvé mieux à observer, répondit Elysia, levant une main afin de redessiner les sourcils de Kat. Tu sais que tes yeux paraissent gris métallique sous les rayons de la lune ? Je les trouve magnifiques.

Kat haussa un sourcil, et leva à son tour une main afin de caresser la joue d’Elysia avec lenteur, comme si elle craignait qu’un mouvement brusque ne mette fin à l'instant qu’elles partageaient. Les yeux d’Elysia se fermèrent d’eux-mêmes face au contact, et sa respiration s’accéléra lorsqu’elle sentit Kat s’approcher.

Ses lèvres planèrent au-dessus des siennes, puis les doigts de Kat vinrent toucher la surface douce située juste au-dessus de sa poitrine et Elysia fut certaine qu’elle pouvait sentir les battements rapides de son cœur. Kat remonta vers sa clavicule et traça une ligne jusqu’à la base de sa nuque, sa main s’immisçant dans ses cheveux.

Leurs respirations se mêlèrent et Kat posa enfin ses lèvres contre les siennes, poussant Elysia à soupirer d’aise. Sa main imita celle de Kat, venant reposer contre les cheveux de sa nuque, et leurs lèvres se séparèrent lentement, ne laissant place qu’à un contact presque imperceptible avant que leurs bouches ne s’ouvrent d’un commun accord. Lorsque la langue de Kat vint toucher sa lèvre inférieure, Elysia réagit aussitôt face au contact doux et chaud, enroulant ses bras autour du cou de Kat et l’attirant contre elle. Elle sourit quand Kat glissa sa main sous sa veste afin de la poser sur sa hanche. Leurs corps étaient désormais collés l’un contre l’autre, enveloppés dans une étreinte imperméable, comme si Kat ne voulait pas perdre un millimètre de contact. Elysia recula légèrement une main afin de tenir le visage de Kat fermement entre ses doigts et elle écarta ses lèvres plus encore afin d’approfondir le baiser, permettant à leurs langues de lutter pour la domination dans une passion croissante.

Le temps sembla s’être suspendu et leur baiser s’éternisa un long moment. Comme si aucune d’elles ne semblait vouloir se rassasier de cette union de leurs lèvres, ni de leurs corps si proches. Il se termina pourtant finalement aussi lentement qu’il avait commencé, leurs lèvres tout simplement pressées les unes contre les autres pendant une période prolongée.

Elysia enfouit finalement son visage dans le creux du cou de Kat et elle respira la douce odeur qu’elle connaissait à présent par cœur. En silence, elle glissa ses bras autour d’une taille finement musclée et sourit lorsque Kat fit la même chose.

— Ça va ?

Elysia sentit la vibration des mots contre sa tête et elle hocha doucement la tête.

Elle ne s’était jamais sentie aussi bien.

 Ce qui expliqua sûrement pourquoi elle prononça les paroles suivantes :

— Kat, conduis-nous chez toi, dit-elle d’une voix enfiévrée.

Kat se recula légèrement de manière à croiser son regard, et lorsqu’elle vit ses pupilles dilatées, ses lèvres gonflées, et ses cheveux légèrement en bataille, elle sentit sa respiration s’accélérer.

Puis hocha la tête.

💕

Une fois arrivée à l’appartement, Kat referma la porte de son pied avant de conduire Elysia le long du petit couloir qui menait vers sa chambre. Enveloppée dans son étreinte, Elysia sentit Kat replacer une mèche de cheveux derrière son oreille et lorsque ses lèvres redescendirent dans son cou, Elysia ne put empêcher ses yeux de se fermer d’eux-mêmes.

— Je dois avoir toute une série de bougies qui traînent quelque part... qu’est-ce que tu en dis ? proposa Kat.

Elysia sourit.

— Très romantique, acquiesça-t-elle avant de tourner la tête et de lui voler un furtif baiser.

Arrivée à destination, Kat tendit une main afin d’enclencher l’interrupteur, et Elysia réalisa qu’elle allait pénétrer dans son antre pour la toute première fois. Un sentiment d’excitation s’empara d’elle, et elle se détacha délicatement de l’étreinte de Kat afin d’arpenter la pièce.

Comme toute chambre, cette dernière n’était pas particulièrement meublée. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne choquait pas. Ça renforçait même le côté apaisant qui ressortait, accentué par les murs vert sombre et les tons marron et beige du mobilier présent.

Quelques photographies judicieusement placées dans sa bibliothèque attirèrent son regard et Elysia s’en approcha. Elle reconnut aussitôt Kat, tantôt avec un homme plus âgé — son père —, tantôt avec Lyna et Tawny, tantôt avec sa sœur. La ressemblance avec cette dernière était d’ailleurs très trompeuse, et Elysia savait qui était qui uniquement grâce à ses talents de Daï-Natha.

Un autre cliché, plus en retrait, comme si on avait volontairement voulu le masquer, attira son attention et elle fronça les sourcils. La jeune femme qui se trouvait en compagnie de Kat lui était totalement inconnue, ce qu’Elysia eut du mal à comprendre, étant donné qu’elle avait suivi Kat depuis son premier jour sur terre. À vu d’œil, la photo avait été prise il y avait entre cinq et dix ans, bien que Kat ne semblait pas avoir plus de vingt-cinq ans. Mais elle eut beau se concentrer, Elysia n’arriva pas à mettre un nom sur ce visage aux yeux aussi bleus que le ciel d’été et au visage encadré de boucles brunes.

Elle sursauta lorsque deux bras s’enroulèrent autour de sa taille.

— Excuse-moi, murmura Kat tout en l’embrassant dans le cou, lui provoquant des frissons très agréables. Je pensais que tu m’avais entendu approcher.

— Non, je regardais tes photos.

— Je vois ça, rien d’intéressant ?

Elysia se tourna légèrement de manière à pouvoir l’embrasser sur la joue.

— Justement si, je me demandais qui était la jeune femme sur ce cliché ? dit-elle en pointant celle qu’elle observait du doigt.

Le corps de Kat se tendit légèrement et lorsqu’Elysia tourna la tête pour étudier son visage, Kat se détacha d’elle et commença à installer les bougies. Sa réaction surprit Elysia, mais elle fut surtout appréhensive, au point de sérieusement se demander qui était cette femme et quelle était son histoire avec Kat pour que cette dernière agisse ainsi.

— Elle s’appelle Lucy, répondit finalement Kat tandis qu’elle allumait mèches après mèches.

Elysia attendit quelques instants avant de comprendre que Kat n’en dirait pas plus. Elle se mordit la lèvre, indécise. Kat ne semblait visiblement pas très encline à s’étendre sur le sujet, mais Elysia avait envie de connaître le fin mot de l’histoire, ne serait-ce que pour savoir pourquoi Kat réagissait ainsi.

Son regard se porta de nouveau sur la photo. La jeune femme — Lucy — était assise sur le capot de la première Ford Mustang de Kat, qui l’enlaçait par-derrière. Le menton de Kat reposait sur l’épaule de Lucy et à les voir comme ça, si complices, si pétillantes, Elysia se dit qu’elles étaient bien trop proches pour n’être que de simples amies.

— C’est une ex, c’est ça ? demanda-t-elle, une sensation désagréable au creux de l’estomac.

Kat déposa trois bougies sur la table de chevet et lui jeta un rapide coup d’œil avant de simplement hocher la tête. La gêne qu’Elysia ressentit au creux de son ventre sembla s’accentuer et elle fit de son mieux pour que le sentiment qui l’habite passe inaperçu.

— Elle est où, maintenant ?

Kat alluma les bougies avant de s’assoir sur le lit, si bien qu’Elysia ne voyait que son profil. Elle haussa les épaules, la tête baissée.

— Disparue.

Disparue ? Elysia ne fut pas sûre de bien comprendre ce qu’elle entendait par là, mais sentant que le sujet ne l’enchantait pas, elle décida d’en rester là pour le moment. Elle comptait surtout sur Mysa pour lui expliquer comment cela se faisait-il qu’elle ne se souvienne absolument pas de ce passage de la vie de Kat.

En attendant, en tout cas, un changement de sujet était de rigueur.

Elle s’empara d’un autre cliché, sur lequel Kat avait tout juste dix-neuf ans, et se tenait debout vêtue de l’universel treillis militaire.

— J’aime beaucoup celle-ci, en tout cas, sourit-elle doucement tout en caressant l’image. Je n’aurais jamais pensé que les cheveux courts t’iraient aussi bien.

— Je dois aller chercher la paire de ciseaux ? taquina Kat en s’approchant à nouveau d’elle.

Elysia écarquilla aussitôt les yeux.

— Tu es folle ! Jamais de la vie, j’adore tes cheveux.

Pour prouver ce qu’elle avançait, elle glissa ses doigts dans le désordre des mèches de Kat et l’attira à elle afin de lui voler un baiser qui les laissa à bout de souffle.

Kat avait de longs cheveux châtains striés de reflets et légèrement ondulés qu’elle laissait toujours relâchés, lui conférant un air... indomptable. Elysia était quasiment sûre que son surnom « sexy » venait de là.

— Ne les coupe jamais, insista-t-elle, légèrement essoufflée.

Kat hocha la tête, la respiration saccadée.

— O.K., acquiesça-t-elle, avant de fermer les yeux lorsqu’une main se glissa sous son t-shirt, et caressa la peau de son ventre.

— Tu as fini d’installer les bougies ? murmura Elysia, frottant les lèvres contre la clavicule de Kat.

Pour toute réponse, Kat la souleva du sol et afficha un sourire lorsqu’Elysia lâcha aussitôt un cri, puis la déposa gentiment sur le lit. Elle s’absenta une demi-seconde afin d’éteindre la lumière, puis revint s’allonger à ses côtés.

Les flammes dansantes des bougies projetaient des ombres sur la pièce, les inondant d’une lueur discrète, tout en cachant et dévoilant tour à tour des parties de leurs corps. Elysia dut bien s’admettre qu’elle était on ne peut plus charmée.

— Tu aimes ? demanda Kat, faisant délicatement glisser ses doigts contre la joue d’Elysia.

Cette dernière acquiesça aussitôt, puis ferma les yeux quand elle sentit Kat venir caresser sa lèvre inférieure. Une main se glissa sous son haut, à la recherche évidente de sa peau, la faisant frissonner et elle attira Kat contre elle, inclinant légèrement son visage afin de déposer ses lèvres contre les siennes.

Au premier contact avec sa langue, Elysia perdit le peu de notion de réalité qu’il lui restait. Les lèvres de Kat étaient si douces, si chaudes sur les siennes. Enivrantes.

Elle sentit Kat glisser une main sur sa hanche, puis contre ses reins afin de rapprocher un peu plus leurs corps, et elle ne put s'empêcher de haleter contre sa bouche, des milliards de petits picotements traversant sa colonne vertébrale tandis qu’elle se cambrait.

Leurs corps étaient si proches désormais, collés l’un contre l’autre et lorsque Kat glissa ses mains sous le haut d’Elysia afin de le retirer, cette dernière ne résista pas. Elle avait envie de sentir son corps sur elle, sa peau nue sous ses doigts, de cette langue qui parcourait désormais la moindre parcelle de ses courbes soudainement dévoilée... jusqu’à ce que le rire de Kat résonne dans la pièce.

Surprise, Elysia prit aussitôt un air indigné avant d’inspirer soudainement lorsque Kat suivit aussitôt le rebord de son soutien-gorge du bout du doigt.

— Des fraises.

Kat redessina l'une des formes colorées, juste sous la courbe d’un sein, avant d’ajouter :

— Tu as des petites fraises sur tes sous-vêtements, sourit-elle largement avant de presser ses lèvres contre la clavicule à proximité. J’adore.

Elysia laissa retomber sa tête contre l’oreiller, un grognement échappant ses lèvres.

— C’est pas possible de disparaître, là, maintenant, tout de suite ? gémit-elle.

— Oh non, non, non, non, non, j’adore moi, s’exclama Kat tout en secouant la tête, le bout de ses doigts frôlant le ventre à proximité avant de descendre un peu plus bas, vers l’attache du jean.

Elysia inspira soudainement face au contact, et sa main vint enserrer l’avant-bras à proximité. Le bouton céda, rapidement suivi par la fermeture éclair, et elle frissonna.

— Kat... qu’est-ce que tu fais ?

— Je suis en train de vérifier..., répondit Kat entre deux baisers le long du sternum d’Elysia, ...si le bas est assorti.

Elysia porta une main à son visage, riant malgré elle quand le souffle de Kat lui chatouilla le ventre. Elle l’interrompit cependant lorsque cette dernière chercha à lui retirer son jean.

— L’une de nous deux est beaucoup trop habillée, dit-elle lorsque Kat voulut protester. Maintenant que tu t’es bien amusée avec mon soutien-gorge, je veux voir ce que tu caches.

Kat l’embrassa furtivement.

— J’adore tes petites fraises, assura-t-elle contre ses lèvres avant de se reculer et de retirer ses vêtements en un éclair.

Elysia cligna des yeux, puis sentit sa mâchoire s’affaisser devant les sous-vêtements que Kat portait.

— Je te pensais plus du genre à porter quelque chose de plus... sportif ? dit-elle, tendant une main afin de laisser courir ses doigts sur la dentelle du soutien-gorge.

Le tissu bordeaux soulignait la poitrine haute et ferme de Kat et ses épaules dorées, quant au décolleté, il était suffisamment prononcé pour attiser la curiosité.

Comme hypnotisée, Elysia l’observa, sa lèvre inférieure coincée entre ses lèvres.

— Bon sang, tu es... parfaite. Superbe. Et définitivement sexy, sourit-elle, les yeux brillant de malice, tandis que ses doigts partaient du cou de Kat, suivaient son sternum, redessinaient la courbes de ses seins avant de remonter vers son visage.

Elle l’embrassa chastement.

— Tu es magnifique, Kat.

Kat frissonna et, le sourire aux lèvres, poussa légèrement Elysia afin de se rallonger sur elle. Du bout des doigts, elle redessina à son tour les traits du visage d’Elysia avant de descendre le long de son cou. Elle parcourut légèrement son épaule avant de revenir vers son sternum, s’évadant le long de la vallée creusée par ses seins. Elle s’arrêta un instant sur son ventre, redessina le contour de son nombril avant de poursuivre sa route plus bas encore. Libérant Elysia de son jean, elle effleura l’aine puis longea sa cuisse jusqu’à son genou, avant de terminer par son pied. Le regard plongé dans celui d’Elysia, elle refit le trajet en sens inverse avant de murmurer à quelques millimètres de ses lèvres.

- Tu es magnifique. Parfaite. Superbe. Et définitivement sexy.

Troublée, Elysia détacha difficilement son regard de ses lèvres. Elle haussa un sourcil tout en souriant.

— C’est du plagiat ça, non ?

— Peut-être, sourit Kat, repoussant quelques mèches blondes du visage d’Elysia, avant de redessiner la longueur de son nez jusqu’à ses lèvres du bout du doigt. Mais si c’est vrai... où est le mal ?

Elysia s’empara de sa main et y déposa un léger baiser au creux de la paume avant de croiser à nouveau son regard.

— Kat... tu crois qu’on va trop vite ?

Kat plongea son regard dans le sien. Elle haussa les épaules.

— Peut-être, mais si on en a toutes les deux envie, pourquoi s’arrêter ?

Elysia afficha un large sourire.

— J’aime que tu dises ça, répondit-elle, glissant ses mains dans le creux du dos de Kat afin de la rapprocher plus encore. Parce que c'est exactement ce que je veux, c'est exactement ce dont j'ai besoin. Et sachant que tu ressens la même chose...

Elle se pencha afin de saisir les lèvres de Kat et poursuivit à travers le baiser :

— Ça me donne encore plus envie de continuer.

Elle attira la lèvre inférieure de Kat entre ses dents et lui permit, petit à petit, de façon exaspérante, de glisser librement.

— Et de ne jamais arrêter, ajouta-t-elle.

Kat gémit. Elle va me rendre folle. Elle appuya son front contre celui d’Elysia avant de se laisser complètement aller contre son corps.

Mais lorsqu’elle voulut répondre, Elysia porta une main à ses lèvres.

— Mais je pense que je dois te dire quelque chose avant.

— Hmm ? demanda aussitôt Kat, intriguée.

Elysia hocha silencieusement la tête avant de plonger son regard dans le sien, un léger sourire étirant ses lèvres.

— Je t’aime, souffla-t-elle simplement.

💕

Kat l’observa, interdite, avant de cligner des paupières lorsque sa vue devint floue. Le geste libéra les larmes qui s’y étaient accumulées et elle réalisa avec horreur qu’elle pleurait.

— Je... aah je suis désolée, s’excusa-t-elle tout en s’essuyant le visage d’une main irritée.

— Tant que tu l’es pour les larmes, et pas pour le fait de ne pas m’aimer en retour, crois-moi, je peux largement faire avec, taquina faiblement Elysia, écartant les mains de Kat afin d’essuyer elle-même ses joues de ses pouces.

Même si Elysia avait voulu le masquer, Kat n’avait eu aucun mal à discerner l’appréhension sous-jacente et elle s’empara de l’une des mains qui recouvrait sa joue pour la porter à ses lèvres. Elle embrassa ses doigts les uns après les autres, son regard rivé dans celui d’Elysia, puis se pencha afin de poser ses lèvres contre les siennes.

— Et je t’aime, répondit-elle, une délicieuse chaleur irradiant en elle.

Elysia ferma les yeux, savourant les douces paroles, avant de sourire.

— Hmm... c’est encore mieux qu’un matin de Noël, taquina-t-elle en rouvrant les paupières.

Kat sourit avant de l’embrasser sur le front, de façon presque révérencieuse. Elle répéta le geste sur chacune de ses paupières, puis sur le bout de son nez, avant de terminer par ses lèvres. Leurs regards se croisèrent, intenses, puis leurs lèvres se rencontrèrent à nouveau, avec douceur, comme si elles se découvraient pour la première fois. Puis l’envie laissa place à un tout autre désir, et les baisers chastes passèrent de tendres à passionnés, le contact de leurs corps presque nus l’un contre l’autre faisant renaître cette douce chaleur qui semblait faire revivre leurs êtres.

La bouche de Kat descendit dans son cou et Elysia sentit sa tête partir en arrière lorsque des lèvres affamées de désir descendirent vers sa poitrine, embrassant puis taquinant la peau sensible. Un sous-vêtement céda, puis un autre, puis encore un autre... jusqu’à ce qu’il ne reste que deux corps enlacés, brûlant d’envie, de désir et d’amour. 

20 juillet 2015

Chapitre 9

Un sourire se dessina sur les lèvres d’Elysia lorsque des mains douces et chaudes vinrent se glisser le long de ses épaules, puis dévièrent sur sa poitrine dans une lenteur à lui en faire perdre la tête.

Chaque parcelle de son corps pouvait la sentir. Celle qui venait s’approprier ce moment des plus intimes. Elle était plus présente ces derniers temps, plus intense. Presque sauvage.

Une langue tourmenta ses lèvres de manière exquise et Elysia glissa ses doigts dans des cheveux couleur ébène, les enserrant à chaque fois que le plaisir devenait insupportable. Son corps en sueur se tordait sous les couvertures, des gémissements l’échappant face à l'intensité des sensations qui la parcourait.

Une légère morsure au niveau du cou et elle entama l'ascension finale. Son corps et son esprit semblèrent s’envoler. Entre ses lèvres, son souffle se fit plus court. Dans sa poitrine, son cœur battait à tout rompre. Son corps enfiévré vibrait tout entier, s'abîmant dans ce plaisir si sacrilège, mais pourtant si délicieux. Le plaisir monta, étouffant, inexorable. Et enfin, elle se libéra dans des ondes de plaisir qui la submergèrent.

Epuisée, Elysia s'effondra contre son oreiller et essaya tant bien que mal de reprendre sa respiration. Son amante s’était évaporée, et elle se demanda une fois encore si elle avait été réelle, ou le simple fruit de son imagination.

Un léger raclement de gorge attira son regard vers la porte et elle écarquilla les yeux.

— Mysa ?! s’exclama-t-elle tout en remontant la couette jusqu’à son menton. Qu’est-ce que tu fabriques ici ?!

Mysa afficha un léger sourire en coin.

— J’ai bien fait d’insonoriser la chambre, répondit-il en venant prendre place au pied du lit. Ou je crois bien que tu aurais alerté tout le quartier.

Elysia cacha son visage entre ses mains, le visage cramoisi.

— C’est pas parce que tu es mon Daï-Natha que tu dois constamment me surveiller, gronda-t-elle, embarrassée.

— Désolé, répondit Mysa, imperturbable. Morphée t’a laissé pour compte ce soir ?

— Il semblerait, marmonna Elysia tout en se frottant le visage. Tu pourrais peut-être lui rendre une petite visite histoire de lui faire savoir qu’il m’a oubliée ?

Mysa rit légèrement, avant de prendre un air concerné.

— Qu’est-ce qui t’empêche de dormir ?

Elysia lui offrit un regard appuyé en réponse.

— Je croyais qu’on venait d’établir que Morphée m’avait oubliée.

— Aux dernières nouvelles, Morphée est loin d’être une grande brune aux yeux noisette, rétorqua aussitôt Mysa. Alors ?

Terriblement embarrassée, Elysia rougit de nouveau. Elle lutta néanmoins pour garder son sang-froid.

— Pourquoi poser la question si tu connais déjà la réponse ? répliqua-t-elle, un sourcil haussé.

— Parce qu’avoir un rêve érotique, et reconnaître ce que ça signifie réellement, c’est totalement différent.

Elysia baissa les yeux, mais elle ne répondit pas. Pourquoi parleraient-ils de l’éléphant dans la pièce quand tous deux savaient très bien de quoi il s’agissait ?

Quelque chose dans ce qu’il venait de dire attira cependant son attention, et elle fronça les sourcils. Un rêve érotique... C’était bien ça, le problème. Ce n’était pas un rêve. Jamais. Elle était toujours parfaitement réveillée quand ça arrivait. Ça paraissait même tellement réel que...

Elle releva la tête, le regard assassin.

— C’était toi ! accusa-t-elle, les poings serrés dans la couverture. Je savais bien que ce rêve ou peu importe ce que c’était était bien trop étrange pour être... être... le simple fruit de mon imagination. Je peux savoir pourquoi tu as fait ça au juste ? 

— Je pense que tu le sais déjà, répondit Mysa, levant une main dans sa direction afin de poser ses doigts contre sa tempe.

Aussitôt, Elysia ferma les yeux, une série d’images déferlant dans sa tête.

 

Ce ne fut que lorsque le générique de fin défila à l’écran qu’Elysia prit réellement conscience de leur position. Ou plutôt de sa position. Kat, elle, n’avait pas bougé, mais les jambes d’Elysia reposaient désormais sur ses cuisses, cette dernière s’étant à un moment donné allongée de tout son long sur le canapé.

Elle leva les bras au-dessus d’elle afin de s’étirer, et gémit presque lorsque Kat en profita pour masser ses mollets.

— Je suis d’accord avec toi, fit remarquer Kat. Le deux est beaucoup moins bien que le un.

Elysia se laissa retomber sur le canapé, l’air confus.

— J’ai jamais dit...

Kat afficha un sourire amusé.

— Pas besoin. J’ai vite compris quand tu t’es mise à somnoler par intermittence. Si seulement tu pouvais ronfler un peu moins fort...

Elysia écarquilla aussitôt les yeux.

— Je ronfle pas ! s’exclama-t-elle, s’emparant de l’un des coussins du canapé afin de le lancer à Kat.

Cette dernière éclata de rire.

— D’accord, d’accord, reconnut-elle, levant les mains en signe d’apaisement. Cela dit, tu émets quand même un petit bruit. C’est très mignon.

Elysia se sentit aussitôt rougir et elle balança ses jambes hors du canapé afin de s’assoir.

— Merci, j’imagine, marmonna-t-elle avant de se passer une main dans le cou. Je crois surtout que le manque de sommeil de ces derniers jours m’a rattrapé, admit-elle juste avant d’étouffer un bâillement.

Kat posa une main sur sa cuisse et la serra doucement, l’air compatissante.

— Hmm... le sommeil m’appelle aussi. Je vais te laisser. Tu aurais le numéro d’une compagnie de taxi que je pourrais appeler ?

Elysia ricana aussitôt.

— Comme si j’allais te laisser rentrer en taxi, répondit-elle en secouant la tête. Cela dit, on est fatiguée, il se fait tard... tu pourrais simplement rester dormir.

Kat leva aussitôt les sourcils mais lorsqu’Elysia la sentit prête à refuser, elle ajouta :

— La première chambre d’amis n’a pas de lit, et la seconde me sert d’atelier peinture, grimaça-t-elle avant de désigner le canapé sur lequel elles étaient assises. Mais celui-ci est très confortable.

Kat tira sur le lobe de son oreille.

— Je ne sais pas si...

— Je vais te chercher ce qu’il faut, la coupa Elysia avant de l’observer d’un œil critique. On doit faire la même taille, je t’apporte aussi de quoi dormir.

Kat eut à peine le temps d’ouvrir la bouche qu’Elysia avait déjà disparue et cette dernière n’en fut pas peu fière. Elle ne savait pourquoi, mais une part d’elle se sentait si bien en présence de Kat, qu’elle n’avait aucune envie qu’elle rentre chez elle. Pas si tôt, du moins. À peine cinq minutes plus tard, elle fut de retour avec un oreiller, une couverture, et un pyjama et pour son plus grand plaisir, Kat n’avait pas bougé. Elle afficha néanmoins un air inquiet lorsqu’elle remarqua que Kat tenait sa tête entre ses mains.

— Ça va ? demanda-t-elle d’un ton concerné une fois arrivée à sa hauteur.

Kat releva aussitôt la tête et observa ce qu’Elysia avait apporté avant de répondre.

— Tu es sûre que tu ne préfères pas que je prenne un taxi ?

— Sois pas bête, répondit Elysia tout en lui jetant son fardeau dans les bras. Il est tard, je te ramènerai demain. Promis.

Lorsqu’elle vit Kat hésiter, Elysia se mordit l’intérieur de la joue, pensive, avant de s’assoir en face d’elle, sur la table basse.

— Kat, si c’est le fait de dormir ici qui t’embête, je te ramène, ce n’est pas grave, dit-elle sérieusement. Je pensais juste que c’était plus simple comme ça.

— Ça l’est, lui répondit aussitôt Kat.

— Bon, alors c’est quoi le problème ? demanda Elysia avant de sourire. T’as un doudou sans lequel tu ne peux pas dormir ?

Kat lui jeta aussitôt l’un des coussins du canapé, un petit sourire apparaissant sur son visage avant qu’elle ne vienne jouer avec l’un des coins de la couverture que lui avait apportée Elysia.

— Non. Je ne veux pas déranger, c’est tout.

Elysia se redressa afin de venir l’embrasser sur la tempe.

— Tu ne me déranges jamais, murmura-t-elle à son oreille avant de sourire. Mais je suis ravie de voir que, comme toujours, tes bonnes manières prédominent.

Kat la surprit en posant une main sur sa joue, qu’elle remonta jusqu’à sa nuque, et lorsque son souffle chaud vint chatouiller sa peau, la respiration d’Elysia se coupa.

— Pour toi ? Toujours, taquina Kat avant de l’embrasser sur la joue. Bonne nuit, Ely.

Ses yeux se fermèrent malgré elle et lorsqu’elle les rouvrit, elle réalisa que Kat s’était reculée depuis un petit moment et qu’elle l’observait d’un air amusé.

Merde.

Elle se racla légèrement la gorge.

— Bonne nuit Kat, sourit-elle, serrant sa main avant de regagner l’escalier.

 

— Tu lui as demandé de rester dormir.

— Je sais.

Mysa attendit un peu avant de demander :

— Parce que... ?

Elysia baissa les yeux vers le lit. Même si elle voulait le nier, elle ne le pourrait pas. La façon dont Kat l’avait embrassée tout à l’heure ne l’avait pas laissée insensible. Elle avait envie d’être auprès d’elle. De sa présence à ses côtés. Ce n’était pas la première fois que ce sentiment la traversait, seulement cette fois, il semblait plus fort. Si fort qu’elle le savait, c’était perdu d’avance, lutter ne servirait à rien. Alors, elle avait cédé à son envie, et avait demandé à Kat de rester.

Elle soupira.

— Parce qu’elle me plaît, admit-elle enfin. C’est bien ce que tu voulais que je m’admette en m’offrant un amant imaginaire, pas vrai ? Et maintenant que c’est fait, je dois m’attendre à une leçon de morale ?

— Non.

La rapidité avec laquelle Mysa lui avait répondu la surprit, puis la rendit suspicieuse. Sa mission n’incluait en aucun cas ce genre de sentiments venant de sa part, ni le rapprochement qu’elle soupçonnait d’arriver d’ici peu si Kat ressentait la même chose qu’elle. Mysa devrait la mettre en garde, voire même lui interdire de poursuivre ce qu’elle avait consciemment commencé en invitant Kat à passer la nuit chez elle. 

— Pourquoi ? demanda-t-elle enfin. Je doute que cela leur fasse plaisir, là-haut. Je me trompe ?

Il ne dit rien, mais son silence parla pour lui. Ce qu’Elysia ne comprit pas, par contre, c’était pourquoi il ne l’arrêtait pas.

- Mysa... tu me caches quelque chose ?

Son regard croisa le sien et Elysia comprit aussitôt qu’elle avait mis le doigt sur quelque chose. Son visage, bien qu’impassible, lui faisait clairement comprendre que pousser plus loin ne servirait à rien.

Elle soupira, irritée.

— Je croyais que j’étais celle qui était en mission, pourquoi est-ce que j’ai soudainement l’impression d’être celle de quelqu’un d’autre ?!

— Elysia...

— Je dois m’inquiéter ?

— Non.

— Non ?

Mysa acquiesça mais Elysia resta sceptique. Pourquoi la poussait-il à aller à l’encontre de ce que leurs supérieurs attendaient d’elle ? Et pire encore, que lui cachait-il de si important au point de ne pas pouvoir le lui dire ?

— Je suis tombée amoureuse d’elle, Mysa.

— Je sais.

— Et tu ne vas pas m’arrêter ?

Il secoua doucement la tête et Elysia soupira.

— Pourquoi ?

Il se contenta de hausser les épaules.

— Ça vient d’eux ? dit-elle en levant un doigt vers le ciel.

De nouveau, il resta silencieux et Elysia relâcha un grognement de frustration.

— Bon, je n’ai pas de soucis à me faire, très bien. Et Kat ?

— Tu sais très bien qu’on ne s’en prendrait jamais à l’un de nos protégés.

— On ? Comment ça « on » ? Ça vient bien d’eux, alors ?

Mysa soutint son regard et Elysia comprit qu’elle n’obtiendrait aucune réponse.

— Et si je descends l’embrasser ? Tu ne m’arrêteras vraiment pas ?

Il sourit légèrement.

— Tu n’as pas l’intention de faire ça.

Elysia grogna à nouveau et Mysa se pencha légèrement vers l’avant afin de pouvoir prendre ses mains dans les siennes.

— Elysia, tu peux me faire confiance, murmura-t-il sincèrement. Je suis ton ami, pas vrai ?

— Un ami me dirait ce qu’il me cache.

— Pas si c’est pour te protéger.

Elysia l’observa, attentive.

— Tu me protèges ?

Il haussa de nouveau les épaules et elle leva les yeux au ciel.

— D’accord ! s’exclama-t-elle, exaspérée. J’arrête de te demander quoi que ce soit, voilà !

— On sait tous les deux que c’est faux, t’es trop curieuse pour ça, la taquina-t-il avant de la regarder droit dans les yeux, le regard bienveillant.

— Tu te souviens de ce que je t’ai dit l’autre jour ?

Elysia réfléchit.

— Que les apparences sont parfois trompeuses ?

— C’est ça, acquiesça-t-il. Fais-moi confiance, et écoute ton cœur. D’accord ?

Elysia hésita.

— Tu ne me trahirais pas, hein ? demanda-t-elle, appréhensive.

Le visage de Mysa s’adoucit et il lui répondit sincèrement :

— Jamais.

💕

Elysia grimaça lorsque les marches grincèrent sous ses pas quand elle descendit l’escalier le lendemain matin. Bien qu’il soit encore tôt, la nuit avait été étonnamment reposante. Le manque de sommeil des jours passés avait dû la rattraper, l’empêchant ainsi de ressasser encore et encore les paroles qu’elle et Mysa avaient eues cette nuit. Ou peut-être que le fait que les choses soient rentrées dans l’ordre avec Kat lui avait permis de dormir comme un loir.

Penser à Kat fit aussitôt apparaître un sourire sur ses lèvres et elle descendit les dernières marches d’un pas sautillant. Un rapide coup d’œil vers le canapé la fit cependant s’arrêter sur-le-champ.

Comme elle l’avait soupçonné, Kat était profondément endormie, allongée sur le ventre et les bras emmitouflés sous son oreiller, mais la couverture avait glissé pendant la nuit et lui offrait une vue imprenable sur une bonne partie de son dos et de ses jambes qui n’en finissaient pas. Elle dort nue, se souvint soudainement Elysia, une légère coloration recouvrant ses joues.

Comme hypnotisé, son regard s’attarda sur son corps et la seule chose qui la poussa à détourner les yeux, ce fut la peur que Kat se réveille et la surprenne à l’observer ainsi. Prenant une profonde inspiration, elle se dirigea vers la cuisine avant de jurer entre ses dents lorsque son orteil buta contre le coin d’un meuble.

Kat redressa aussitôt la tête, un instant perdue avant de porter son attention sur Elysia.

— Hé... qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle d’une voix rendue rauque par le sommeil.

Elysia se baissa afin de masser son orteil endolori.

— J’essayais de rejoindre la cuisine sans faire de bruit, mais j’ai oublié que ce meuble était là, grimaça-t-elle. Désolée, je ne voulais pas te réveiller.

Kat secoua la tête tout en appuyant une main sur ses lèvres afin d’étouffer un bâillement.

— Pas grave. Il est quelle heure ?

— Un peu moins de sept heures, répondit Elysia, sautant sur un pied afin de venir s’assoir dans le fauteuil jouxtant le canapé.

Kat écarquilla aussitôt les yeux.

— Qu’est-ce que tu fais debout si tôt ?

— J’embauche à huit heures, répondit Elysia, l’observant comme si elle avait perdu la tête.

— Oh. Oh, lâcha Kat avant de grimacer. J’avais oublié qu’on était lundi...

Elysia afficha un petit sourire.

— Lundi 25 mai, précisa-t-elle. Alors tu peux encore dormir autant que tu veux. C’est férié, ajouta-t-elle lorsque Kat l’observa avec confusion.

— Oh, le Jour du Souvenir, acquiesça Kat avant de plisser des yeux. Qu’est-ce que tu fais debout à cette heure alors ?

Elysia laissa retomber son pied sur le sol avant de poser ses mains sur ses cuisses.

— Parce que je suis rédactrice en chef de l’un des plus grands magazines de la ville et qu’on a des délais à respecter, Madame, taquina-t-elle.

Mademoiselle, corrigea Kat en lui envoyant son oreiller.

Elysia le lui renvoya aussitôt tout en lâchant un rire.

— Rendors-toi, mademoiselle. Je laisserai un double des clés pour quand tu seras prête, dit-elle en se redressant.

Kat la saisit par le bras lorsqu’elle passa devant elle pour rejoindre la cuisine.

— T’es vraiment obligée d’aller travailler à huit heures ? Ton équipe peut bien s’en sortir sans toi pendant une petite heure ou deux, non ?

Elysia haussa un sourcil.

— Et pourquoi je ferais ça ?

Elle eut un léger sursaut lorsque Kat tendit une main vers son visage, puis sentit ses yeux se fermer d’eux-mêmes lorsque des doigts caressèrent le haut de sa joue.

— Tes cernes sont encore marqués, murmura Kat. Un peu de sommeil en plus ne te ferait pas de mal. 

Elysia rouvrit les yeux, la respiration légèrement saccadée.

— J’imagine que je peux...

Elle désigna par-dessus son épaule avant d’être soudainement tirée vers l’avant, et elle cligna des yeux lorsqu’elle se retrouva allongée juste à côté de Kat.

Cette dernière afficha un sourire en coin.

— Y a suffisamment de place pour deux ici, fit-elle remarquer.

Elysia ne sut si c’était dû à l’intimité que leur offrait le levé du jour, ou la façon dont les yeux de Kat semblaient la transpercer, mais elle se retrouva soudainement incapable de prononcer le moindre mot.

Jusqu’au moment où Kat souleva la couverture afin de les recouvrir toutes les deux.

Elle recouvrit automatiquement ses yeux d’une main.

— Kat ! s’exclama-t-elle. T’es toute nue !

Kat haussa aussitôt les sourcils.

— Non, j’ai un shorty. Et je me suis enroulée dans le drap. Mais si ça te gêne vraiment, je peux —

— Non, non, ça va, l’interrompit Elysia, peu sûre de survivre si Kat se mettait à arpenter sa maison seulement vêtue d’un drap pour masquer sa nudité.

Elle s’allongea sur le dos et remonta la couverture que Kat lui tendait jusqu’à son menton, tournant la tête lorsqu’elle entendit Kat éclater de rire.

— Quoi ? dit-elle, défensive.

— Rien, renifla Kat. Juste, tu ne vas jamais pouvoir dormir si tu es aussi tendue.

Elle tendit une main mais s’arrêta lorsqu’elle vit Elysia fléchir. Appuyée sur un coude, elle l’observa, amusée.

— C’est juste une main, Ely. La même que lorsque je suis un peu plus habillée.

Parfaitement consciente que Kat se jouait d’elle, Elysia décida de jouer aussi. Et puis, si Kat ne ressentait pas la même chose qu’elle... elle pourrait toujours prétendre qu’il ne s’agissait de rien de plus qu’un jeu.

Elle prit à son tour appui sur un coude.

— Je sais. Mais tu vois, ton odeur est partout ici. Je t’ai dit combien je l’adorais ? Ça ne va pas m’aider à dormir, ça. Alors si en plus tu te mets à me toucher...

Elle fit mine de relâcher un soupir désespéré.

— Ça ne va pas m’aider non plus.

Kat haussa un sourcil, et même si son sourire était toujours présent, Elysia crut voir quelque chose changer dans son regard. Comme s’il avait... gagné en intensité.

— Oh ? Donc si je fais ça...

Kat réunit leurs mains et les porta à sa bouche afin d’embrasser les doigts d’Elysia.

Elysia se laissa retomber sur le dos.

— Et maintenant, tu m’embrasses. Tu as gagné, le sommeil m’a définitivement quittée.

Kat lâcha un rire avant de secouer légèrement la tête.

— Non, ça, c’était un bisou... sur ta main. Embrasser, c’est... différent, et ça se passe... ailleurs.

Elysia sentit de nouveau la chaleur venir recouvrir ses joues, mais ne bougea pas quand Kat approcha son visage du sien. Ses yeux se fermèrent d’eux-mêmes quand son souffle effleura ses lèvres pour se rouvrir lorsqu’elle sentit la main de Kat contre sa joue. Cette dernière l’interrogea du regard et Elysia s’humidifia les lèvres avant de hocher imperceptiblement la tête.

Une bouffée de chaleur l’envahit lorsqu’elle vit Kat se pencher vers elle avant qu’elle ne l’embrasse. Un baiser chaste, un simple contact empli d’une douceur infinie qui pourtant lui donna déjà le tournis.

Kat se recula mais Elysia glissa une main à l’arrière de son cou afin de recommencer. Elle n’en avait pas eu assez. Les lèvres de Kat étaient tellement douces et sa façon de serrer et desserrer son étreinte autour de ses doigts la rendait folle. Elle ressentait la même chose qu’elle.

Leurs baisers n’allèrent pas plus loin que le simple contact de leurs lèvres, mais cela fut suffisant. Ils cessèrent enfin et Kat vint l’embrasser sur le front avant de plonger son regard dans le sien. Elle sourit légèrement.

— Tu penses pouvoir dormir maintenant ? chuchota-t-elle.

— Avec un dénouement comme celui-là, je serais damnée si ce n’est pas le cas.

Kat rit puis s’allongea sur le dos, entraînant Elysia avec elle. Cette dernière enfouit son visage dans le creux de son cou et lorsque les bras de Kat vinrent l’entourer, elle écarquilla les yeux.

— Bon sang Kat, je peux sentir... ta peau... et...

Le rire de Kat lui parvint aussitôt tandis qu’elle venait embrasser le haut de sa tête.

— Si ça te dérange, je peux...

Elysia secoua frénétiquement la tête.

- Non, non. Ça va. C’est... bien. Même mieux que bien. Je serais folle de m’en plaindre. Mais si toi, ça te dérange, je comprendrais. Je veux dire —

Elle fut interrompue par un doigt sur ses lèvres.

— Tu bafouilles.

Son ton amusé fit rougir Elysia.

— Hum, oui, pardon.

— Non, j’aime beaucoup. C’est mignon.

Elysia sourit avant de s’emparer de la main qui caressait sa joue et vint en embrasser la paume.

— Merci, Sexy.

Le rire de Kat lui parvint à nouveau, une douce mélodie qui lui fit une fois encore oublier le monde qui les entourait.

— Une chose est sûre, tu es vraiment bonne pour mon ego, taquina Kat.

— Toi aussi, répondit aussitôt Elysia alors que sa main venait caresser les lèvres de Kat. Merci pour ça, Kat. Je suis contente qu’on l’ait fait.

Kat s’empara de son index avant de l’embrasser.

— Moi aussi, sourit-elle. Tu devrais essayer de dormir maintenant, je sais que tu es en train de lutter.

Ce n’était pas faux, contrairement à ce qu’Elysia déclarait plus tôt, le corps chaud contre le sien poussait ses yeux à se fermer d’eux-mêmes.

— Bonne nuit, dit-elle en embrassant la peau offerte du cou de Kat.

— Bonne nuit, Ely.

La dernière chose dont elle se souvint fut les lèvres de Kat contre son front et sa main dessinant des arabesques sur son épaule.

17 juillet 2015

Chapitre 8

Domiciliée en périphérie de la ville, Elysia habitait dans une jolie maison à étage de style victorien, suffisamment éloignée de la rue pour pouvoir bénéficier à la fois d’une cour à l’avant et à l’arrière.

Kat gara sa mustang dans l’allée dallée puis suivit Chloé jusqu’au porche, s’essuyant longuement les pieds sur le tapis de seuil dans l’espoir de gagner du temps. Elle savait qu’elle devait trouver le courage, pour Chloé, mais elle ne put s’empêcher de redouter comment Elysia allait l’accueillir. Chloé parlait de jalousie, mais Kat n’en était pas si sûre. De quoi Elysia serait-elle jalouse ? C’était ridicule. Pour sa part, elle pensait plus tôt qu’Elysia en avait conclu qu’elle et Chloé étaient ensemble — ce qui n’était pas exactement faux, mais pas vrai non plus — et qu’elle n’avait pas apprécié.

D’ailleurs, Elysia ne serait pas la première à trouver ce genre de relation répugnant.

La main de Kat se leva à nouveau, mais elle eut à peine le temps d’hésiter que Chloé la devança et appuya sur la sonnette.

— Chloé ! s’exclama-t-elle aussitôt, incrédule.

Chloé roula des yeux.

— Oh je t’en prie Kat, soupira-t-elle en prenant appui contre le mur. À ce rythme-là, demain, on y était encore.

Kat s’apprêtait à répondre lorsque la porte s’ouvrit soudainement, laissant apparaître celle qu’elle redoutait. Vêtue d’une salopette noire et d’un t-shirt, Elysia avait l’air exténuée, mais lorsque son regard s’arrêta sur Kat, il fut aussitôt alerte. La mâchoire pendante, elle l’observa un instant, interdite, avant de cligner des paupières et de sortir de sa léthargie.

— Kat ? s’étonna-t-elle. Qu-qu’est-ce que tu fais là ?

Kat enfonça les mains dans les poches de son jean, hésitante.

 — Hum, je ne te dérange pas ? demanda-t-elle, désignant le crayon de papier qui dépassait de l’oreille d’Elysia.

Cette dernière leva une main vers l’objet, comme si elle avait oublié sa présence.

— Non. Non, dit-elle en secouant la tête. J’étais juste en train de travailler sur quelques planches. Je... tu... tu veux entrer ? demanda-t-elle finalement, un sourcil haussé.

Chloé ayant pris appui contre le mur, Elysia ne l’avait pas encore vue et Kat tendit une main vers elle afin de la faire entrer dans son champ de vision avant d’ajouter, penaude.

— Je ne suis pas venue seule.

— Hé, intervient aussitôt Chloé en remuant une main.

Elysia se figea et lorsqu’elle regarda de nouveau Kat, son visage était impassible.

C’est moi ou la température vient de chuter d’un coup ? pensa Kat avant de se racler maladroitement la gorge.

— L’invitation à entrer tient toujours ?

Elysia sembla hésiter, puis leur offrit un sourire forcé avant de s’écarter légèrement.

— Bien sûr. Le salon est juste là, indiqua-t-elle avant de refermer la porte et de s’essuyer les mains sur sa salopette. Vous avez soif ? demanda-t-elle soudainement, comme si elle venait de se souvenir que c’était probablement la chose à demander quand on recevait quelqu’un.

— Non merci, répondit aussitôt Kat tandis que Chloé acquiesçait.

Kat lui offrit un regard appuyé face auquel Chloé haussa les sourcils, l’air de dire « bah quoi ? ». Kat soupira.

— J’ai du thé glacé, ça ira ? demanda Elysia par-dessus son épaule tandis qu’elle prenait la direction de la cuisine.

— Parfait, sourit Chloé, avant de rejoindre Kat sur le canapé.

Quelques minutes plus tard, Elysia apparut avec un plateau entre les mains et dispersa trois verres et deux pichets sur la table basse avant de servir. Une fois terminé, elle prit place sur le fauteuil jouxtant le canapé et posa ses mains sur ses cuisses.

Un silence embarrassant sembla s’installer avant qu’elle ne demande.

— Alors, qu’est-ce qui vous amène ?

Kat échangea un regard avec Chloé qui se mordit la lèvre inférieure, puis reporta son attention sur Elysia. Elle se racla la gorge.

— Alors voilà, commença-t-elle tout en essuyant ses mains sur son jean. Si nous sommes venues te voir, c’est parce que... enfin, c’était pour savoir si…

— Je cherche un nouveau travail, la coupa Chloé.

Kat la fusilla aussitôt du regard.

— Tu devais me laisser faire, siffla-t-elle entre ses dents.

— Oui, mais à la vitesse où tu allais, demain on était encore là ! rétorqua aussitôt Chloé en roulant des yeux.

— C’est pas une raison ! s’exclama Kat à son tour. Tu pourrais —

Un raclement de gorge l’interrompit et elle tourna aussitôt la tête en direction d’Elysia qui les observait, les bras croisés sur sa poitrine, dans l’attente.

— Pardon, s’excusa Kat, jurant intérieurement lorsqu’elle se sentit rougir. Ce que Chloé veut dire, c’est qu’elle…

— … cherche un travail, j’ai compris, répondit calmement Elysia. Mais je ne suis pas une agence d’intérim, alors si vous venez me voir, c’est pour savoir si je peux la prendre dans mon magazine, je me trompe ?

Kat et Chloé se contentèrent d’acquiescer. Elysia porta son attention sur Chloé.

— Nouveau, disais-tu ? Que s’est-il passé avec le précédent ? Il ne te convient plus ?

Chloé jeta un furtif coup d’œil à Kat tout en grimaçant.

— Je vais démissionner, répondit-elle en s’emparant de son verre. Ou être renvoyée, je sais pas, ajouta-t-elle avant de boire une longue gorgée de thé.

Elysia lui offrit un regard confus.

— Je ne suis pas sûre de comprendre... Enfin, vouloir démissionner, si. Mais pourquoi serais-tu renvoyée ?

Chloé soupira tout en se passant une main sur le visage.

— L’un de mes clients a fait quelque chose qu’il n’aurait pas dû. Alors, je suis partie de mon... lieu de travail sans terminer mon... service.

Elle ajouta finalement lorsqu’Elysia l’observa, toujours aussi confuse.

— Je suis escorte de luxe.

Kat avala aussitôt de travers et Chloé tourna un regard surpris vers elle avant de lui tapoter le dos. 

— Ça va ?

Kat acquiesça, toussant légèrement. Elle leva la tête vers Elysia une fois calmée.

— Tu veux bien nous excuser un instant ?

Surprise, Elysia acquiesça finalement et Kat traîna aussitôt Chloé dans la cuisine, tournant le dos au salon de manière à être la plus discrète possible.

— T’es malade ? s’exclama-t-elle dans un murmure. C’était vraiment indispensable de lui faire part de ce petit détail ?

Chloé haussa les sourcils avant de croiser les bras sur sa poitrine.

— Si tu voulais que je lui mente, fallait me le dire avant, gronda-t-elle, les dents serrées, puis son expression s’adoucit ostensiblement. Elle nous pensait déjà ensemble Kat, lorsqu’elle nous a surprises ce jour-là.

— C’est différent, là...

— Là quoi ? lui demanda Chloé tout en scrutant son visage avant que la prise de conscience ne la frappe. Oh je vois, c’est différent parce que tu te tapes une pute.

Son ton blessé n’échappa pas à Kat et elle la retint par le bras lorsque Chloé essaya de partir.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, Chloé, lui dit-elle en la regardant droit dans les yeux. C’est juste...

Elle soupira de frustration lorsqu’elle ne trouva pas les mots, avant de finalement se résigner à aller droit au but.

— Ma vie a souvent été merdique, Chloé, reprit-elle doucement. Je n’ai pas envie que ça recommence, et encore moins qu’elle le voie. C’est... c’est assez pathétique comme ça. La dernière chose que je désire d’elle, c’est de la pitié, et là... vu comment c’est parti... avec tout ce qu’elle a déjà découvert...

La colère qui avait habité le visage de Chloé s’estompa et elle vint encadrer le visage de Kat de ses mains.

— Ce que tu peux être bête, parfois, soupira-t-elle, mi-compatissante mi-lassée. Tu te souviens cette conversation qu’on a eue, où tu me disais que les histoires d’amour, c’était pas pour toi ? 

Kat lui adressa un regard confus.

— Euh, oui. Et ?

— Et ? L’amour existe, ma belle. Et il brille tellement fort ici que j’aurais bien aimé avoir apporté mes lunettes de soleil !

Kat lâcha un rire avant d’observer Chloé comme si elle avait perdu la tête lorsqu’elle réalisa qu’elle était sérieuse. Cette dernière lui offrit un regard appuyé.

— Kat... ce malaise qui flotte dans l’air là ? Même un aveugle serait capable de voir ce qui se passe entre vous deux. Elle est jalouse, et toi, t’es qu’une trouillarde.

Kat protesta aussitôt.

— Je suis pas une trouillarde ! s’exclama-t-elle avant de plisser les yeux. Toi par contre, je peux te dire que tu as un peu trop profité du soleil. Il a dû sacrément te taper sur le crâne, celui-là.

— Oh non, ne fais pas ça, la coupa aussitôt Chloé en levant une main. Sinon, c’est mentir. Et ça, ça c’est mal, l’admonesta-t-elle avant d’afficher un petit sourire en coin. Bon, laisse-moi essayer une tactique différente. Hmm, tu la trouves mignonne ?

Kat leva les mains, prête à protester de nouveau, avant de soupirer lorsque Chloé lui lança un regard d’avertissement.

— Bien sûr qu’elle est mignonne.

Le sourire de Chloé s’agrandit aussitôt.

— Arrête, ça ne veut rien dire. Il suffit de la regarder, n’importe qui dirait la même chose !

Chloé l’ignora.

— Et sexy ? Tu la trouves sexy ? enchaîna-t-elle.

Kat sentit son visage se réchauffer et Chloé ricana aussitôt. Merde.

— C’est bien ce que je pensais.

— Tout le monde penserait ça aussi, marmonna Kat.

— Bien sûr, rétorqua Chloé en roulant des yeux. T’es tellement butée parfois. Tu as vu les regards qu’elle me jette ? Si elle pouvait m’arracher les yeux avec une petite cuillère, elle le ferait !

— Chloé...

— On en reparlera plus tard. Kat, ce que je voulais dire, c’est que cette femme, ce n’est pas de la pitié que tu lui inspires, mais plutôt de l’affection et de l’inquiétude. Parce que, que tu le veuilles ou non, elle tient à toi, et elle n’a pas envie de te juger, juste d’apprécier celle que tu es vraiment.

Elle s’interrompit avant d’afficher un petit sourire :

— Même si pour l’instant, ses hormones lui donnent sûrement simplement envie de t’étriper. Mais ça, t’y peux rien, c’est biologique. 

Sa réplique parvint à arracher un sourire à Kat et elle secoua la tête avant de se passer une main sur le visage tout en prenant une profonde inspiration.

— Ça va aller, dit-elle comme pour se rassurer.

— Tu es sûre ? demanda Chloé, tout soupçon de plaisanterie ayant désormais disparu.

Kat hocha la tête.

— Oui, viens.

Chloé acquiesça et elles retournèrent dans le salon afin de regagner leurs places. Elysia, dont le regard était perdu dans le verre de thé glacé qu’elle tenait entre ses mains, releva aussitôt les yeux vers elles et Kat sentit son ventre se nouer. Son visage était à nouveau fermé, impossible à déchiffrer.

Un silence pesant les entoura et elle fut soulagée d’entendre Chloé prendre la parole.

— Kat a longtemps essayé de me sortir de ce milieu, seulement, je n’avais pas beaucoup de choix pour financer mes études et... tout le reste, commença-t-elle, le regard rivé sur ses mains qu’elle avait liées devant elle. Elle a proposé de m’aider à trouver autre chose, et étant étudiante en journalisme, elle a pensé que peut-être...

Elysia hocha la tête, une  vague de compréhension se frayant un chemin dans son esprit.

— Je vois. Cependant, ce n’est pas parce que je suis rédactrice en chef que je me charge des embauches. Mais je vais voir ce que je peux faire. Cela dit, ne t’attends pas à des revenus astronomiques, tu ne gagneras même pas la moitié de ce que tu peux te faire en tant qu’escorte.

— On s’est déjà mises d’accord sur ce point, intervint aussitôt Kat en levant les yeux vers elle. Je lui ai promis de me charger du reste.

Le regard d’Elysia se posa sur elle avant qu’elle ne réponde.

— C’est très généreux de ta part.

Chloé se leva aussitôt.

— Elle sait que je la rembourserai jusqu’au dernier centime, dit-elle, levant une main lorsque Kat sembla vouloir l’interrompre, avant de reporter son attention sur Elysia. Merci beaucoup. Vous n’imaginez même pas à quel point vous m’aidez.

Elysia lui offrit un faible sourire.

— De rien, répondit-elle avant de prendre la direction de son bureau. Vous avez un numéro ? Une adresse mail ? Que je puisse vous recontacter dans la semaine afin que l’on se mette d’accord sur un rendez-vous pour mettre tout ça en place.

— Kat à mon numéro, enchaîna aussitôt Chloé. Je suis désolée, mais je vais devoir y aller, j’ai pas mal de devoirs qui m’attendent et un grand besoin de repos. Vous pourrez la ramener ?

Kat haussa les sourcils, prête à protester, mais Elysia avait déjà hoché la tête. Même si ce fut avec une légère hésitation.

— Pas de problème.

— Merci, répondit Chloé avant de venir prendre Kat dans ses bras.

— À quoi tu joues ? lui murmura aussitôt cette dernière tout en lui rendant son étreinte.

Chloé rit légèrement avant de lui souffler à son tour :

— Ronchonne pas Sexy, dit-elle en venant chatouiller le nombril de Kat. Vous avez besoin discuter.

— Je sais, mais —

Chloé posa une main sur ses lèvres et la regarda, hésitante, avant d’ajouter :

— Tu me diras ce que tu veux, je sais qu’elle compte beaucoup pour toi. Dans la vie, soit on reste sur le banc de touche, soit on prend le taureau par les cornes. Réfléchis bien Kat, une chance comme celle-là, c’est rare.

Kat fut surprise de sentir une boule venir obstruer sa gorge, et la seule chose qu’elle parvint à faire, ce fut de hocher doucement la tête. Chloé lui sourit avant de contourner la table et de nouveau serrer la main d’Elysia.

— Merci encore, vraiment, lui dit-elle sincèrement avant de se diriger vers la porte, disparaissant derrière le battant après un dernier signe de la main.

Kat reporta son attention sur Elysia et le regard que cette dernière lui offrit fut très loin d’être accueillant, si bien que Kat eut l’impression que la température de la pièce venait encore de baisser. Elle s’apprêtait à prendre la parole lorsqu’Elysia passa devant elle en coup de vent et s’empara de son sac à main situé sur la table de la cuisine.

— Je vais te ramener, lâcha-t-elle sans la regarder.

La bouche de Kat se referma dans un claquement et elle l’observa, interdite.

Et elle qui s’apprêtait à penser que ça aurait pu être pire.

Stupides hormones ?

💕

Elysia était jalouse.

Il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour le deviner lorsque sa poitrine s’était compressée et que son cœur s’était douloureusement serré quand Chloé était apparue dans son champ de vision.

Jalouse. Jalouse. Jalouse.

Elle se détestait pour ça, mais ne pouvait pas s’en empêcher. Et le fait que Chloé soit une jeune femme adorable et qu’elle ait été d’un grand soutien pour Kat ne l’aidait pas du tout.

Elle ne pouvait pas la détester.

Merde.

Pourtant, elle savait que le lien qui les unissait ne dépassait pas celui de l’amitié, mais c’était plus fort qu’elle. Elle savait ce qu’elles avaient partagé — ce qu’elles partageaient encore — et, bien que cela ne lui aurait posé aucun problème là-haut, ça semblait la chagriner ici.

Y penser lui fut tellement insupportable que les mots quittèrent sa bouche sans qu’elle ne s’en rende réellement compte :

— Je vais te ramener.

Elle avait à peine sorti les clés de son sac à main qu’un rire dénué d’humour lui parvint. Elle releva la tête, surprise.

— Tu es la dernière personne dont je me serais attendu à un tel comportement.

Elysia fronça les sourcils, confuse.

— Quoi ? demanda-t-elle tout en reposant son sac à main.

— Qu’est-ce qui te dérange le plus ? lui demanda Kat, le ton amer. Que Chloé soit une escorte, ou que ce soit une femme ?

Elysia la dévisagea, incrédule.

— Quoi ? Aucun. Pourq —

— Vraiment ? l’interrompit Kat, sceptique. C’est quoi le problème, alors ? Parce que visiblement, il y en a un. Et à part ces deux-là, je vois pas.

Elysia serra les dents de frustration, puis elle avança jusqu’à la table basse et ramassa le livre que Kat n’avait jusqu’à présent pas remarqué.

— Ceci devrait te convaincre que ton homosexualité ne me pose pas de problèmes, dit-elle en lui lançant le bouquin à la poitrine. Même si je n’arrive pas à croire que tu puisses avoir une aussi petite estime de moi.

Kat baissa les yeux vers le livre, et un air coupable se dessina sur ses traits. 96 heures de Georgia Beers. Le seul livre dont elle n’ait jamais parlé à Elysia. 100% lesbien.

Elle se passa une main sur le visage tout en soupirant.

— Très bien. C’est quoi le problème, alors ? demanda-t-elle, soudainement lasse.

Elysia baissa les yeux vers ses mains avant de marmonner.

— Rien.

Kat laissa retomber ses bras.

— Je t’en prie, vu ta façon de te comporter, ça n’avait pas l’air d’être « rien ».

Son ton légèrement agacé poussa finalement Elysia à bout, et elle lâcha, à son tour énervée :

— Si le fait que Chloé soit une escorte me dérangeait, tu penses vraiment que je me serais proposé de l’embaucher ? s’exclama-t-elle en écartant les bras.

Sa main vint heurter la lampe qui reposait sur le meuble juste à côté du canapé et elle s’écrasa sur le sol avec fracas. L’ampoule explosa dans un flash et Elysia sursauta, surprise de sentir Kat la tirer légèrement par le bras afin de l’éloigner.

— Ça va ? demanda Kat, soudainement près d’elle.

Elysia cligna des yeux à plusieurs reprises, l’éclat de l’ampoule ayant provoqué des points lumineux dans son champ de vision. Elle baissa le regard vers sa main et Kat la prit doucement entre les siennes, remarquant qu’elle saignait légèrement. Elle avait dû se blesser en heurtant l’auvent de la lampe.

Kat l’entraîna dans la cuisine, prenant bien soin d’éviter les morceaux de porcelaine qui recouvraient le sol, puis jusqu’à l’évier.

Elle ouvrit le robinet et Elysia fit passer son doigt sous l’eau afin de nettoyer la plaie.

— Trousse de secours ? demanda Kat.

Elysia désigna par-dessus son épaule.

— Dans la salle de bains. Première porte à l’étage.

Kat réapparut quelques minutes plus tard avec une pelle et une balayette qu’elle déposa sur le sol avant de rejoindre Elysia dans la cuisine. Doucement, elle s’empara de nouveau de sa main et recouvrit son doigt d’un pansement à l’effigie d’Hello Kitty.

Elysia haussa un sourcil.

— Je suis quasiment sûre qu’il y avait une boîte de pansements standards dans la trousse. C’était vraiment nécessaire ?

Kat haussa les épaules, un léger sourire au coin des lèvres, avant de reporter son attention sur le sol. Elle se passa une main sur la nuque, l’air coupable.

— Je suis désolée pour... pour ce que j’ai insinué tout à l’heure, s’excusa-t-elle. J’ai dépassé les bornes. 

Elysia s’empara gentiment de son menton afin de tourner son visage vers le sien.

— Non, je suis désolée. Je me suis comportée comme une... comme une idiote.

Kat haussa les sourcils.

— C’est-à-dire ?

Elysia put facilement lire l’espoir sur son visage et elle parcourut les quelques centimètres qui les séparaient avant de se glisser dans ses bras, redoutant un instant que Kat la repousse lorsque cette dernière se figea, avant de relâcher un soupir de soulagement lorsqu’elle se détendit.

— C’est-à-dire que je n’ai aucun problème avec ton homosexualité, ou le fait que tu aies... que tu fréquentes une escorte. Ça m’a… ça m’a prise par surprise, c’est tout.

Elysia grimaça intérieurement face à sa demi-admission, mais elle ne pouvait pas faire mieux pour le moment. Elle ne se voyait pas avouer à Kat une chose qu’elle n’était pas sûre d’accepter elle-même.

Kat la serra contre elle et Elysia frissonna lorsqu’elle sentit son souffle chaud contre son oreille.

— Tu avais raison. J’ai fréquenté. Tout ça, c’est terminé désormais. Chloé est une amie.

Elysia laissa courir ses doigts contre l’épaule de Kat avant de lever les yeux vers elle.

— Pourquoi est-ce que tu ne m’as jamais dit que tu fréquentais ce genre d’agence ?

Kat resta silencieuse et lorsqu’Elysia commença à se faire à l’idée qu’elle ne répondrait pas, Kat soupira :

— Tout comme je ne t’ai rien dit au sujet de ma condamnation, répondit-elle. Il y a beaucoup de choses dont je ne suis pas fière dans ma vie, Ely.

Elysia plongea aussitôt son regard dans celui de Kat.

— Tu n’as aucune raison d’en avoir honte, Kat. Pas avec moi.

Kat détourna les yeux, et au vu de sa façon de contracter la mâchoire, Elysia sut qu’elle luttait contre l’émotion. Ce n’était pas grave, elle n’attendait pas de réponse. Après un léger baiser sur sa joue, elle décida de détendre l’atmosphère.

Elles en avaient autant besoin l’une que l’autre.

— Bon, je n’ai pas beaucoup de DVD, et ils sont très certainement moins passionnants que les tiens, mais j’ai le câble ; ça te tente ?

Kat l’observa avant d’afficher un petit sourire. Elle hocha la tête.

— On mange avant ? demanda Elysia. Ou pendant ?

— Pendant, répondit aussitôt Kat. Pizza ?

— Tu lis dans mes pensées, sourit Elysia en s’emparant du téléphone pour passer la commande.

Elle commençait à composer le numéro lorsque Kat posa une main sur la sienne. Elle lui offrit un regard interrogateur.

— Merci de l’avoir aidé, répondit sincèrement Kat. Là où je n’ai pas pu.

— Tu l’as conduite jusqu’à moi, dit Elysia en prenant sa main dans la sienne. Bien sûr que tu l’as aidé.

Un petit sourire étira les lèvres de Kat tandis qu’elle secouait légèrement la tête.

— Il faut toujours que tu voies le bon côté des choses, hein ? demanda-t-elle.

— Eh bien... c’est toujours mieux de voir le verre à moitié plein, qu’à moitié vide, non ? la taquina Elysia. Maintenant, file nous dégotter un film parce que je n’ai pas eu ma dose pendant quatre jours, et je suis incroyablement en manque.

Kat prit la direction du salon, un rire s’échappant de ses lèvres. Elle choisit cependant de ramasser les restes de la lampe avant de prendre place sur le canapé.

— Et, Ely ? appela-t-elle par-dessus son épaule tandis qu’elle s’accroupissait et saisissait la pelle. Passe rapidement la commande alors, parce que tu m’as manquée aussi.

Elysia sentit son cœur manquer un battement et ce fut avec un empressement difficilement dissimulé qu’elle coopéra.

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16 juillet 2015

Chapitre 7

La sonnerie de l’appartement réveilla Kat en sursaut et elle regarda autour d’elle, déboussolée. La désagréable sensation de bouche pâteuse ajoutée à une vague odeur de pizza froide lui agressant les narines la poussa à relâcher un grognement, et elle envoya valser d’un coup de bras la boîte qui reposait sur son torse.

Un puissant mal de tête martelait ses tempes et elle jura entre ses dents lorsque la sonnerie laissa désormais place à des coups de poing contre la porte.

— C’est bon, c’est bon j’arrive ! hurla-t-elle, sa migraine redoublant d’intensité tandis qu’elle balançait ses jambes hors du canapé et se frottait le visage de ses mains.

Qui diable pouvait bien lui rendre visite à... — elle jeta un œil au lecteur DVD — ...16h17. 

Elle se souvint alors qu’elle avait passé la nuit à vider son paquet de cigarettes et sa bouteille de whisky avant de finalement trouver le sommeil et de dormir toute la journée.

Ce qu’elle regretta de nouveau lorsque sa bouche pâteuse lui donna la nausée. Beurk.

Elle commençait tout juste à se lever lorsque la porte d’entrée s’ouvrit soudainement et elle fit un bond, levant les yeux pour voir Chloé entrer dans la pièce d’un pas décidé, une grimace sur le visage.

— Ah... la déprime ne t’a toujours pas lâchée à ce que je vois, fit remarquer la jeune femme tout en l’observant de la tête aux pieds. Ce pyjama est affreux, ajouta-t-elle en la pointant du doigt.

Kat baissa les yeux vers le vêtement en question. Ce n’était pas vraiment un pyjama, plutôt un t-shirt définitivement trop grand pour elle et déformé car à chaque fois qu’elle était assise, elle aimait glisser ses genoux à l’intérieur.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle en la suivant du regard. Je ne me souviens pas t’avoir appelée.

— Non, en effet, rétorqua Chloé tout en s’emparant d’une petite boîte cartonnée du bout des doigts avant de la lever à hauteur de son visage. Je crois même que je devrais me montrer reconnaissante vu l’état de ton appartement. Oh bon sang, Kat... je suis même pas capable de dire ce qu’il y a de plus répugnant, que tes pâtes aient tourné au vert ou que les mouches s’en fassent visiblement un véritable festin, gémit-elle.

Kat eut au moins la décence de rougir ; son appartement était vraiment loin d’être accueillant, entre les boîtes de pizza à moitié vides, les canettes de bières et les restes de repas à emporter qui traînaient ici et là. Ça ressemblait plus à un grand foutoir qu’à autre chose. Sans compter la vision qu’elle-même devait offrir.

Elle préféra ne pas y penser.

— Bon, même si je n’arrive pas à croire ce que je m’apprête à dire, ça pourrait quand même être pire, dit Chloé d’un air absent avant de se retourner pour lui faire face. Je pensais qu’on avait déjà eu cette conversation, tu sais, celle où je te disais qu’il y avait une personne derrière la prostituée de luxe, une amie ? Pourquoi est-ce que tu ne m’as pas appelée ?

Kat se laissa retomber contre le dossier tout en haussant les épaules.

— Tu l’as dit toi-même, t’étais pas disponible ce weekend.

— Pour venir te voir, soupira Chloé en roulant des yeux. J’ai jamais dit que tu ne pouvais pas m’appeler. Ça aurait toujours été mieux que... toi...  dans ta crasse... à te morfondre. Tu crois pas ? 

— Peut-être, marmonna Kat tandis qu’elle tripotait le tissu tendu de son t-shirt contre ses genoux.

Chloé posa les mains sur ses hanches.

— Kat, la prochaine fois, appelle-moi au lieu de bouder toute seule dans ton coin, d’accord ? dit-elle tout en donnant un léger coup de pied dans une boîte de pizza qui traînait non loin. J’aurais pu te prêter une épaule sur laquelle pleurer, ou tu sais, une oreille attentive...

Un léger sourire fendit le visage de Kat et elle tendit une main afin d’attraper celle de Chloé et de l’attirer vers elle, s’écartant légèrement afin que Chloé puisse prendre place à ses côtés sur le canapé.

— Une oreille attentive, hein ? charria-t-elle légèrement en lui donnant un petit coup d’épaule. Je sais, je suis désolée. Jack semblait être une bonne idée sur le coup, mais...

— Mais la gueule de bois du lendemain est moins amusante, hein ? compatit Chloé, avant de rire lorsque Kat afficha un air malheureux. La prochaine fois, appelle-moi, tu verras, ce sera bien moins douloureux, ajouta-t-elle dans un clin d’œil.

Kat lui tira la langue.

— Bon, et toi. Comment s’est passé ton weekend ?

Le visage de Chloé se renfrogna aussitôt.

— T’es sûre que tu veux parler de ça ?

Kat hocha frénétiquement la tête. Chloé soupira.

— Eh bien, disons qu’un coup de fil de ta part aurait été une bonne distraction...

— Comment ça ? répondit Kat tout en se tournant sur le côté, et prenant appui sur un coude. C’était si chiant que ça ? 

Chloé avait beau être une escorte de luxe, elle faisait surtout de l’accompagnement. De 24 à 48h à « faire office de belle plante » comme elle disait, et même si elle n’aimait pas particulièrement ça, ça restait un bon moyen de se faire de l’argent et de rembourser les dettes de sa mère.

— Chiant ? J’aurais préféré, ricana amèrement Chloé avant d’écarter une mèche de ses cheveux.

Kat l’observa avec confusion avant de sentir le sang quitter son visage lorsqu’une tache sombre sur le côté du visage de Chloé attira son regard. Elle tendit une main, et ce fut avec horreur qu’elle vit Chloé fléchir et s’écarter.

Sa gorge se noua. Le geste de Chloé, sans le vouloir, venait de confirmer ses soupçons.

— Chloé..., dit-elle d’un ton le plus doux possible. Je ne te ferai jamais de mal, tu sais ça.

Chloé détourna le regard et entoura sa taille de ses bras, comme si elle cherchait à se protéger.

— Je sais, répondit-elle dans un rapide coup d’œil. Excuse-moi, je ne m’attendais pas à ton geste, c’est tout.

— Je sais, la rassura Kat. Je peux voir ?

Leurs regards se croisèrent un instant et Chloé hocha doucement la tête. Ce fut tout ce qu’il lui fallait et, dans une lenteur délibérée, Kat porta de nouveau une main à son visage et souleva doucement la mèche de cheveux, révélant un bleu partant de la tempe jusqu’à la pommette. Elle l’aurait probablement remarqué dès le début si elle n’avait pas été si absorbée par ses propres états d’âme. 

Un juron s’échappa de ses lèvres avant qu’elle ne se lève.

— Bouge pas, je reviens, lui dit-elle doucement avant de prendre la direction de la cuisine.

Elle s’affaira un instant, leur préparant de quoi boire et de quoi manger, puis revint avec deux tasses fumantes et une assiette de croissants réchauffés au four à micro-ondes. Chloé haussa un sourcil tandis qu’elle s’emparait de l’une des tasses.

— Hmm, ça sent bon, qu’est-ce que c’est ?

— Du thé rouge, répondit Kat tout en regagnant sa place à ses côtés. Ça aide à se détendre et à se relaxer, ça va te faire du bien.

Les pouces de Chloé caressèrent le rebord de sa tasse de chaque côté tandis qu’elle prenait une gorgée, puis elle observa le liquide d’un air pensif avant de relever les yeux vers Kat.

— Tu es vraiment mal, hein ? demanda-t-elle tristement.

Kat haussa un sourcil.

— Après ça, tu crois vraiment qu’on va parler de moi ?

Chloé lui offrit un regard appuyé.

— Kat, vous n’êtes même pas en couple, et pourtant, à te regarder, on dirait qu’elle vient de mettre fin à votre relation.

Kat haussa les épaules.

— On est amies, répondit-elle en émiettant son croissant d’un air absent. Je n’ai pas envie de perdre ça.

— Je peux comprendre ça, reconnut Chloé, prenant appui contre le dossier avant de croiser les jambes. Mais si vous êtes amies... pourquoi te comportes-tu comme ça ? Tu n’as rien fait de mal, rien qui puisse mettre fin à une amitié.

Kat lâcha soudainement un rire dénué d’humour, le regard toujours rivé sur son croissant.

— Tu étais là, Chloé. Tu as bien vu sa réaction, elle avait l’air...

— Jalouse ?

— Dégoutée, la corrigea aussitôt Kat en redressant la tête.

Chloé haussa les sourcils, franchement surprise.

— Quoi, parce que t’étais avec moi et pas avec le premier Don Juan du coin ? Kat, c’était pas ton homosexualité le problème, mais le fait que tu n’étais tout simplement pas seule

Kat secoua la tête. Cette conversation ne menait à rien.

— Parle-moi de ton bleu, demanda-t-elle, faisant clairement comprendre qu’elle voulait en savoir plus sur le sujet. Qu’est-ce qui s’est passé ? 

— Kat... tu sais que je n’en ai pas le droit, soupira Chloé. Ce sont des données confidentielles.

— Je ne te demande pas de me dire qui c’était, ni où ça s’est passé. Juste ce qui est arrivé pour que tu arrives chez moi dans cet état. D’accord ?

Chloé se mordit la lèvre avant d’accepter.

— O.K. J’ai accompagné un homme bien en vue pour 48h de fête et un cachet de 6 000$, commença-t-elle, le regard rivé sur sa tasse. Rien d’inhabituel, l’alcool coulait à flots, la drogue circulait… Il avait loué mes services pour un simple accompagnement, on était quatre étudiantes devant simplement faire de la figuration. Seulement, il a rapidement commencé à nous manquer de respect, j’ai tenté de mettre des limites, mais ayant payé pour m’avoir à ses côtés... il prétendait avoir tous les droits sur moi.

Elle secoua la tête avant de poursuivre :

— Il m’a demandé de lui faire une fellation, j’ai refusé, lui rappelant les termes du contrat. Alors... il a eu recours à la manière forte, je me suis débattue et... il m’a frappé, dit-elle en désignant sa tête. Après ça, je suis tout simplement partie.

Elle soupira tout en posant ses coudes sur ses genoux avant de cacher son visage entre ses mains, sa tasse désormais dans un équilibre précaire.

— Et l’agence va me tuer pour ça.

— Tu plaisantes ? s’exclama aussitôt Kat. Et lui alors ?

Chloé haussa les épaules.

— Il n’aura plus le droit d’avoir recours à nos services.

— Tant mieux, rétorqua Kat avant de la désigner du doigt. Et en ce qui te concerne, tu démissionnes.

Chloé lâcha un rire dénué d’humour.

— S’ils ne me virent pas avant.

— Chloé... ça n’a rien de drôle, rétorqua Kat tout en croisant les bras sur sa poitrine.

— C’est vrai, répondit Chloé en relevant la tête. Mais je n’ai pas le choix Kat, je vais faire comment sinon ? Je te rappelle que les frais de scolarité sont de 20 000$ à eux seuls ! Ajoute à ça l’argent que ma mère doit à la banque...

Kat haussa les épaules.

— Je te trouverai autre chose, dit-elle tandis qu’elle rapportait l’assiette et leurs tasses à la cuisine. Et pour ce qu’il te manque, je te donnerai un coup de main.

— Comment ? rétorqua Chloé tout en venant prendre place sur l’un des hauts tabourets du bar. T’as une grosse somme d’argent cachée quelque part dont je ne suis pas au courant ? Et quand bien même, je ne peux pas te demander ça, Kat, dit-elle d’un ton résigné.

Kat interrompit sa vaisselle pour lui jeter un petit sourire par-dessus son épaule.

— Tu ne demandes rien, je propose.

— Kat...

Cette dernière devança sa protestation en levant une main.

— Écoute, tu veux poursuivre tes études et décrocher ton diplôme, non ?

— Oui…

— J’ai la possibilité de t’aider, alors laisse-moi faire.

Chloé se passa une main dans les cheveux tout en lui offrant un air misérable.

— Kat... je ne peux pas réaliser mes rêves à tes dépens. Il ne s’agit pas de me dépanner de 20, 30 ou 50$, il s’agit de milliers là. C’est une somme monstrueuse. Je ne peux pas...

Kat s’essuya les mains avant de venir se poster devant elle.

— Je te les donnerai quoi qu’il arrive, la coupa-t-elle doucement en prenant ses mains dans les siennes. Tu m’as aidée pendant des semaines, Chloé. Tu as toujours été là quoi qu’il arrive, sans poser de questions. Laisse-moi te rendre la pareille. S’il te plaît ?

Chloé l’observa un moment avant de baisser la tête.

— Tu ne me lâcheras pas, hein ? demanda-t-elle d’un ton résigné.

Consciente que la victoire était à portée de main, Kat sourit.

— Non.

— Bien, soupira Chloé. À une condition alors.

Kat feignit un air blasé.

— Le contraire m’aurait étonné…

— Je te rembourserai tout jusqu’au dernier centime.

Bon, ça aurait pu être pire. Kat hocha la tête.

— D’accord.

Chloé descendit aussitôt de son tabouret pour venir se jeter dans ses bras, enroulant ses bras autour du cou de Kat.

— Merci, t’es géniale, murmura-t-elle d’une voix émue.

— Sshh... c’est normal, répondit Kat en frottant son dos en des cercles apaisants. En ce qui concerne un travail —

— Je prendrai n’importe quoi, la coupa aussitôt Chloé.

Kat secoua la tête.

— Non, cette période-là est finie pour toi, répliqua-t-elle sérieusement. Et justement, j’ai peut-être une solution.

Chloé l’observa avant de hausser les sourcils, pleine d’espoir.

— C’est vrai ?

— Oui, il faut juste que j’en parle à quelqu’un avant.

Kat jeta un œil à la pendule, notant qu’il était tout juste dix-sept heures. Elle sembla hésiter avant d’ajouter :

— Je vais aller lui en parler, tu peux m’attendre ici pendant ce temps-là.

Chloé se leva aussitôt tout en secouant la tête.

— Non, je viens avec toi.

— J’aurais dû la voir venir celle-là, soupira Kat tout en levant les yeux au ciel. Donne-moi juste le temps de prendre une douche alors et on décolle.

— D’accord, répondit Chloé en commençant à ramasser les diverses canettes et boîtes de pizza. Tu la connais bien cette personne pour débarquer chez elle comme ça ?

Kat se mordit la lèvre et Chloé comprit aussitôt.

— Oh, grimaça-t-elle avant de sourire. Et moi qui pensais que j’allais devoir te pousser aux fesses pour que tu acceptes de la revoir à nouveau...

Kat croisa ses bras sous sa poitrine et Chloé leva aussitôt les mains en signe d’apaisement.

— D’accord, d’accord, j’ai rien dit ! rit-elle. Allez file, pendant que je m’occupe de redonner vie à ton appartement.

— T’es folle ? Laisse, je m’en occuperai plus tard.

Chloé secoua aussitôt une main dans les airs tout en allant allumer la chaîne hifi.

— Après tout ce que tu fais pour moi, c’est le moins que je puisse faire. Maintenant file !

— D’accord, d’accord, rit Kat, roulant des yeux.

Elle prenait tout juste la direction de la salle de bains lorsque Chloé se mit à chatonner derrière elle et elle sourit franchement. Au moins une bonne chose de faite aujourd’hui.

15 juillet 2015

Chapitre 6

Il était un peu plus de deux heures et demie du matin lorsqu’Elysia entra dans sa cuisine, et elle fut reconnaissante de la lumière du plafond qui s’allumait progressivement, lui évitant d’être soudainement aveuglée.

Pour la troisième fois en autant de jours, elle s’était fait à l’idée qu’elle ne dormirait pas cette nuit. Comme si surprendre Kat en compagnie de son escorte ne suffisait pas, il fallait aussi que ces dernières hantent ses rêves, et après s’être tournée et retournée dans ses draps, elle avait de nouveau baissé les bras.

 Ouvrant la porte du réfrigérateur, elle laissa l'air frais s'échapper tandis qu'elle inspectait les bouteilles d’eau, pensant soudain qu’elle donnerait tout pour... le verre de vin qui lui était justement proposé.

Elle leva les yeux pour croiser le regard inquiet de Mysa. 

— Ça va ? demanda-t-il en penchant légèrement la tête sur le côté.

Elysia s’empara du verre qu’il lui tendait avant de venir prendre appui contre l’évier. Elle prit une gorgée avant de répondre :

— Oui, pourquoi ?

Mysa s’adossa contre le bar. Il lui sourit faiblement.

— Tu oublies que je ne partage pas uniquement tes pensées, mais aussi ce que tu ressens.

— Et donc... tu es venu me remonter les bretelles ? demanda Elysia, un sourcil haussé.

Mysa secoua légèrement la tête.

— Je suis ton ami, avant d’être ton messager, répondit-il tout en écartant les bras. Tu viens ?

Elysia ne se fit pas prier et se glissa aussitôt dans son étreinte, soupirant d’aise lorsque les bras de Mysa se refermèrent autour d’elle. De sa main libre, elle vint jouer avec les cheveux de sa nuque d’un air absent, fermant les yeux lorsqu’elle sentit les mains de Mysa aller et venir dans son dos.

— Tu veux en parler ? souffla-t-il à son oreille.

Elysia secoua légèrement la tête.

— C’est rien de plus qu’une insomnie, Mysa. Ça passera.

Ses paroles sonnèrent tellement fausses à ses propres oreilles qu’Elysia sut aussitôt que Mysa n’y croyait pas non plus. Mais elle apprécia le fait que, contrairement à ce qu’elle redoutait, il n’insista pas.

Elle appuya sa tête contre son épaule et observa calmement son visage. Comme tout Daï-Natha, Mysa respirait l’harmonie et la perfection. Encadré par ses magnifiques cheveux d’or et habité de ses sublimes yeux turquoise, son visage était semblable à celui d’un ange. Mais surtout, Elysia ne put s’empêcher de remarquer une fois encore combien ses traits dégageaient quelque chose de puissant, de souple et de majestueux.

Il était la beauté à l’état pur. Ce qui expliquait très certainement pourquoi, sans réfléchir, elle se redressa légèrement et vint poser ses lèvres sur les siennes.

Surpris, Mysa se figea aussitôt avant d’essayer de la repousser, mais Elysia encadra son visage de ses mains.

— Embrasse-moi, supplia-t-elle contre sa bouche avant de s’emparer de ses lèvres à nouveau.

Elle le sentit hésiter avant qu’il ne réponde enfin, et elle laissa aussitôt sa langue venir effleurer la sienne, avant de l’entraîner dans une danse endiablée. Ses mains délaissèrent son visage afin de placer stratégiquement celles de Mysa sur son corps, et elle l’implora silencieusement de la caresser, de lui donner plus.

La légère nuisette qu’elle portait ne recouvrait pas grand-chose, et Elysia colla un peu plus son corps contre celui de Mysa dans l’espoir de ressentir ses effleurements au maximum. Seulement, bien vite, elle réalisa qu’elle devait se rendre à l’évidence. Il n’y avait pas de frissons lorsque les mains de Mysa la caressaient, il n’y avait pas de soupirs lorsque sa langue frôlait la sienne, il n’y avait pas de papillons dans le ventre lorsqu'il l'embrassait...

Il n’y avait rien.

Leurs lèvres se détachèrent doucement et alors qu’elle reprenait doucement sa respiration, elle réalisa que le silence qui l’entourait accentuait encore plus ce sentiment qui l’habitait depuis un petit moment déjà. 

— Laisse-moi deviner, commença-t-elle en appuyant son front contre le sien. Je suis lesbienne, hein ?

Mysa ne lui répondit pas et elle leva les yeux pour le regarder.

— Parce que j’ai dans mes bras le mec le plus désirable qui existe au monde, et je ne ressens... absolument... rien du tout.

Mysa afficha un petit sourire en coin tout en feignant un air blessé :

— Ouch.

Sa bêtise poussa Elysia à sourire malgré la situation et elle se recula légèrement afin de l’observer de la tête aux pieds. Elle demanda, une fois arrivée à son visage :

— Tu n’as rien ressenti du tout, pas vrai ?

Mysa pencha légèrement la tête sur le côté.

— Je ne suis pas censé ressentir quoi que ce quoi.

Ce fut au tour d’Elysia de feindre un air blessé.

— Mysa ou comment faire pour qu’une fille se sente désirable, soupira-t-elle d’un ton sarcastique tout en se dirigeant vers son bureau.

Mysa la suivit aussitôt.

— Tu es une Daï-Natha, bien sûr que tu es désirable.

Elysia leva les yeux au ciel.

— Peut-être, mais ce n’est pas comme ça que je me sens en ce moment, marmonna-t-elle tout en prenant place dans son fauteuil, appréciant la fraîcheur du cuir contre sa peau. Et je suis désolée de t’avoir pris comme cobaye.

En appui contre le coin de son bureau, Mysa s’empara de l’un de ses surligneurs qu’il fit tourner entre ses doigts.

— Si j’en crois mon protégé, ce n’est pas le genre de choses dont les hommes se plaignent, en général.

Sa réponse parvint de nouveau à arracher un sourire à Elysia. Le protégé de Mysa, un jeune homme originaire de New York, était un véritable coureur de jupons.

— Je ne crois pas non plus, en effet, répondit-elle.

— Surtout lorsque la demoiselle est désirable.

Le sourire d’Elysia s’effaça et elle le supplia du regard.

— Mysa...

Il descendit du bureau pour venir s’accroupir à ses côtés, puis pencha la tête sur le côté, comme quelqu’un muni d’une oreillette le ferait, avant de froncer légèrement les sourcils et la regarder.

— Je dois y aller, s’excusa-t-il. Mais avant... je sais que je devrais te mettre en garde, et te rappeler la mission pour laquelle tu es venue ici. Mais cette fois-ci, je m’en tiendrais à une chose que tu sembles avoir oublié.

Il se pencha légèrement vers l’avant et la regarda droit dans les yeux :

— Les apparences sont souvent trompeuses... tu devrais méditer là-dessus.

Elysia fronça les sourcils, confuse, mais elle n’eut pas le temps de répondre qu’il avait déjà disparu et elle se retrouva là, à observer bêtement l’endroit où il se trouvait.

Les apparences sont parfois trompeuses.

Soit.

Mais je sais très bien ce que j’ai vu ce jour-là en tout cas.

4 juillet 2015

Chapitre 5

Lorsque Kat arriva à son bureau le lundi matin, Elysia était plongée en plein travail, les sourcils froncés de concentration face aux nombreux papiers étalés devant elle. Sa tête se relevait de temps à autre pour laisser ses doigts venir courir sur le clavier de l’ordinateur avant qu’elle ne reporte son attention sur ses dossiers, et Kat sentit un sourire étirer ses lèvres. C’était une nouvelle facette d’Elysia qui lui apparaissait soudain, tant elle s’était habituée à son côté léger, taquin, frais. La rédac’ chef était désormais si sérieuse et si concentrée sur ce qu’elle faisait que c’en était presque déconcertant, si bien que Kat avait l’impression de se retrouver face à une personne complètement différente.

Ses jambes athlétiques n’avaient cependant pas changé, pensa-t-elle tandis qu’elle laissait son regard errer sur la peau crémeuse. Sa robe sans manches, au décolleté correct, s'arrêtait à mi-cuisse et dévoilait des jambes interminables dont le hâle rappelait presque la couleur du satin.

Elle se racla finalement légèrement la gorge afin d’annoncer sa présence, et Elysia leva aussitôt les yeux vers elle avant de lui sourire. Un sourire franc et sincère qui poussa aussitôt Kat à lui en offrir un en retour.

— Courrier pour Madame, dit-elle en lui tendant une pile d’enveloppes.

— Ooooh merci, répondit Elysia. J’attendais justement le... ah, le voilà, super.

Elle mit le courrier sélectionné de côté avant de rapidement feuilleter le reste, puis poser le reste dans la bannette attitrée.

— Comment va ton front ? demanda Kat en prenant appui contre le chambranle.

— Tu veux dire, hormis le fait que je sois obligée de porter un bandana H24 ? soupira Elysia en désignant sa tête. Ça va, la bosse est terrible, mais tant que je n’y touche pas, ça va.

Kat plongea une main dans la poche arrière de son jean et en sortit un tissu qu’elle tendit à Elysia.

— Ceci devrait aider, alors.

— Qu’est-ce que ce que c’est ? demanda Elysia les sourcils froncés, avant de sourire franchement. Un bandana à l’effigie de Kitty, j‘adore !

Les pages de l’Orlando Comics se répartissaient principalement entre bandes dessinées réunissant des univers différents, et des parties magazine axées sur la nature, les nouvelles technologies, et le monde actuel. Chaque numéro se terminait toujours par une planche de « Kitty : La p'tite gauchère ». Une jeune adolescente de 15 ans dont la maladresse l’entraînait dans toutes sortes de péripéties. Si Elysia en croyait ses lecteurs, ses aventures étaient assez amusantes.

Kat rit légèrement lorsqu’elle vit Elysia s’assurer qu’il n’y avait personne dans le couloir afin d’opérer le changement en vitesse.

— Josh m’a aidé pour le motif. Je me suis dit que personne ne pourrait reprocher à la rédac’ chef d’afficher franchement la raison de votre succès.

— Je ne suis pas sûre qu’on doive tout à Kitty, mais merci, j’adore, répondit Elysia en contournant son bureau afin de venir l’enlacer. T’es géniale, dit-elle en se reculant.

Kat haussa les épaules, une légère coloration recouvrant ses joues.

— Tout va bien, sinon ? Tu n’as pas eu d’autres symptômes, ou mal dormi...

— Rien de tout ça, assura Elysia, touchée par l’attention que Kat lui portait. Vraiment Kat, je vais bien, ajouta-t-elle sincèrement.

Kat hocha la tête.

— Je ne vais pas te déranger plus longtemps alors, tu m’as l’air pas mal occupée.

— Oui, c’est la dernière révision du dossier spécial de notre numéro de septembre. Sur Gander.

Kat fronça légèrement les sourcils.

— L’Opération Ruban jaune ? Georgia Beers a écrit un livre là-dessus. 96 heures. Vraiment très touchant.

— Je ne connais pas, mais j’imagine, sourit Elysia. Je te vois plus tard ?

Kat hocha la tête et Elysia l’observa disparaître le long du couloir avant de reprendre place derrière son bureau. 

Le 11 septembre 2001, quand quatre avions de ligne avaient été projetés sur des bâtiments symboliques du nord-est des Etats-Unis, l’espace aérien avait été aussitôt fermé, obligeant tous les vols à quitter la zone d’urgence. S’en était alors suivi un déroutage impressionnant de vols internationaux vers le Canada, notamment vers l'aéroport international de Gander, Newfoundland. Afin de marquer ce tristement célèbre anniversaire, Elysia et son équipe avaient décidé de publier un numéro spécial dédié à cette petite ville de 10 000 habitants, qui avait alors accueilli près de 6 500 personnes venues du monde entier, et ce, durant quatre jours.

Le thème principal n’avait pas seulement pour but de commémorer les vies perdues lors des attentats, mais surtout de souligner la générosité dont avaient fait preuve les habitants de Gander à l’époque, quand ils avaient accueilli tous ces passagers, les avaient logés, nourris, et bien plus encore, sans rien demander en retour parce que ce jour-là, ils étaient « tous américains ».

C’était pour Elysia l’un des plus beaux actes d'humanité à marquer un évènement si sombre.

Les paroles de Kat lui revinrent cependant en mémoire et elle jeta un rapide coup d’œil sur Amazon afin d’en apprendre plus sur le livre dont elle lui avait parlé quelques minutes plus tôt. Elle sourit aussitôt lorsqu’elle lut Fiction Lesbienne juste sous le titre et le nom de l’auteure.

Une chose était sûre, Kat n’était pas du genre à avoir peur de dévoiler son orientation sexuelle.

Un clic plus tard, la commande était passée.

Elle changea de fenêtre lorsque son ordinateur émit un bruit caractéristique et jeta un rapide coup d’œil au mail qu’elle venait de recevoir. Josh venait de le lui faire suivre et elle double-cliqua sur la petite enveloppe, avant de froncer les sourcils. Le mail ne contenait qu’un scan d’un vieil article de journal, et elle se figea après avoir parcouru son contenu du regard. 

...Katlyn Harper a été reconnue coupable aujourd'hui de l’accusation de voie de faits graves et d’infliction de lésions corporelles sur deux hommes alors qu’elle... ...peine de cinq ans de prison et une amende de 2 500$US...

— Le même mail a été envoyé à la rédaction complète du magazine, commenta Josh tout en s’appuyant contre le chambranle de la porte. L’équipe de sécurité est déjà à pied d’œuvre pour savoir qui a piraté ta boîte mail.

Ma boîte mail ? Elysia cligna des yeux à plusieurs reprises.

— Ce mail vient de moi ? s’exclama-t-elle, puis fut secrètement soulagée que Josh n’ait pas pensé un seul instant qu’elle ait pu envoyer ce genre de choses à l’ensemble de la boîte.

La voix de Josh la ramena au présent.

— Tu étais au courant ?

— Du contenu de l’article ? Pas vraiment, j’en connaissais les grandes lignes, mentit Elysia tandis qu’elle enfilait sa veste. Tu sais où elle est ?

Josh secoua négativement la tête et elle appuya sur « imprimer », récupérant la feuille avant de se précipiter dans le couloir.

— Dis-lui de se rendre dans mon bureau si tu la croises ! lança-t-elle par-dessus son épaule.

La minute suivante, elle pénétrait dans les toilettes des filles et s’assura d’être seule avant d’enclencher le verrou derrière elle.

— Mysa ? appela-t-elle. Mysa ramène tes fesses maintenant !

— Avant que quelqu’un ne te surprenne à parler seule ? ricana la voix derrière elle.

Elysia fit volte-face, soulagée de le voir les bras croisés au beau milieu de la pièce. Elle lui plaqua la feuille imprimée sous le nez.

— Ces satanés Targa sont encore plus mesquins que je le pensais !

Mysa s’empara de la feuille qu’il parcourut du regard, les sourcils froncés.

— Tu es sûre que ça vient d’eux ? demanda-t-il en relevant les yeux vers Elysia. Les commérages vont bon train dans une entreprise. N’importe qui aurait pu déterrer cette coupure de journal.

— Personne ne déteste Kat, ici. Ils oublient juste qu’il y a une personne derrière le statut de « chargée de courrier », avec des sentiments et un amour-propre, répondit Elysia avec sarcasme, avant de retrouver son calme. Il faudrait vraiment vouloir lui nuire pour faire ça.

— Hmm. Tu sais où elle est ?

Elysia se passa une main sur le visage tout en soupirant.

— Non. Bon sang, Mysa, elle allait si bien ces derniers temps, ça va l’anéantir. Je ne comprends pas comment cette garce de Targa arrive à avoir autant d’ascendant sur Kat, bon sang. D’abord, la tentative de suicide et maintenant, ça. Sans compter ce qu’il s’est passé hier. Je vais finir par croire qu’elle n’a pas été dépouillée de tous ses pouvoirs.

Elle s’est enfuie. Tu as été autorisée à venir à condition de revêtir une apparence humaine. Les choses sont forcément déséquilibrées. Elle ne possède pas toutes les facultés qu’elle avait en étant là-haut, mais peut aisément influencer Kat en étant suffisamment près.

— Alors que moi, je ne peux rien faire, soupira Elysia, découragée.

Mysa posa deux mains réconfortantes sur ses épaules.

— Elysia, tu es une Daï-Natha, tu ne peux pas être totalement dépossédée de ton essence. Le degré est moindre, certes, mais tu lui permets quand même de se sentir bien.

— Oh génial, je suis la bonne dose de cannabis, quoi, déclara Elysia en roulant des yeux.

Mysa sourit.

— Je pensais à quelque chose de plus sain.

— Comme un bon massage aux huiles essentielles ? répliqua aussitôt Elysia, son sourire retrouvé. O.K., je peux vivre avec ça.

— Tant mieux. Maintenant file, elle risque d’avoir besoin toi.

Elysia hocha la tête, puis quitta la pièce.

💕

Mardi 22 Novembre 2011, The Independent Bar.

Assise au bar, Kat laissa son regard s’évader autour d’elle. Comme toujours, l’endroit était bondé de travailleurs et d’étudiants cherchant à se détendre après une longue journée de dur labeur. Les serveurs croulaient autant sous les commandes que sous les pourboires, les consommateurs profitaient de l’alcool qui coulait à flots et les plus téméraires s’essayaient au karaoké, bien souvent au grand dam du reste de la clientèle.

Un verre de whisky entre les mains, Kat observait un groupe de filles qui se dandinaient sur la piste de danse, la façon dont elles dévoraient leur public du regard. Une seconde d’attention, et n’importe lequel de ces hommes se trouverait aussitôt irrésistible. Il se laisserait tenter, et avec un peu de chance, ne rentrerait pas seul ce soir.

Les poules faisaient leur show, les coqs attendaient d’être remarqués, les œillères de la fidélité bien en place. Kat trouvait ça presque amusant... presque.

Un léger raclement de gorge la poussa cependant à détourner le regard et elle croisa aussitôt deux yeux noisette brillant de malice. 

— Je crois que vous avez une touche, sourit-elle, désignant l’endroit du menton.

Kat tourna la tête dans la direction indiquée. Elle haussa un sourcil.

— Les deux bucherons aux cheveux platine là ?

— Hmm hmm, acquiesça la barmaid.

— Non merci, frissonna Kat, et ce même s’ils étaient les derniers hommes sur terre.

La barmaid se pencha légèrement vers Kat.

— Attention, vous pourriez me vexer, l’un des deux est mon frère, lui dit-elle dans un clin d’œil.

Kat plissa des yeux, dubitative et vit ses soupçons confirmés quand la barmaid se mit à rire.

— C’est bien ce que je pensais, dit-elle en prenant une gorgée de whisky.

La barmaid lui sourit franchement tout en déposant un second verre de whisky en face d’elle après y avoir ajouté deux glaçons.

— Désolée, c’était trop tentant, s’excusa-t-elle. Celui-là, c’est moi qui vous l’offre, dit-elle avant de s’éloigner servir un autre client.

Kat la remercia d’un geste de la tête, un sourire amusé sur les lèvres. Radiohead se mit à résonner à l’autre bout de la pièce et elle marqua le rythme en remuant du pied. Elle adorait tout ce qui ressemblait de près ou de loin au rock alternatif.

— Vous venez souvent ici ? lui parvint soudainement une voix sur sa gauche.

Des effluves d'alcool vinrent lui chatouiller désagréablement les narines et elle leva intérieurement les yeux au ciel. Il fallait qu’elle se tape le lourd de service.

Elle haussa les épaules.

— De temps à autre, répondit-elle, baissant les yeux sur son verre.

— Z’êtes sûre ? Je vous ai jamais vu par ici.

Kat s’apprêtait à répondre lorsqu’un deuxième homme vint s’installer à sa droite, son état d’ivresse visiblement aussi avancé que son compagnon, et un frisson désagréable remonta le long de sa colonne vertébrale lorsqu’un bras vint entourer sa taille, rapidement suivi d’un souffle chaud contre son oreille. Elle se figea, tournant la tête pour tomber nez à nez avec un regard gris/vert dont la pupille dilatée la déshabillait de manière extrêmement dérangeante.

Kat eut la désagréable impression d’être soudainement devenue un vulgaire morceau de viande qu'il voulait absolument dévorer, sans tenir compte du fait qu’elle puisse avoir un cerveau et des envies complètement différentes.

La main de l’homme descendit jusqu’à ses fesses et il eut à peine le temps d’ouvrir la bouche que Kat le repoussa violemment, le faisant tomber au sol. L’homme la regarda, incrédule, et elle descendit à son tour de son tabouret afin de le surplomber de toute sa hauteur.

Notant le silence qui les entourait soudainement, et les regards fixés sur eux, l’homme se releva lentement, s'époussetant pour se redonner contenance.

— Alors là, ma p’tite, commença-t-il d’un air nonchalant. Je crois que tu vas regretter ce que tu viens de faire. 

Kat l’observa s'approcher à nouveau et lorsqu’il tenta de la saisir par le bras, elle se dégagea avant de l'attraper pour le plaquer contre le bar. Le dos de l’homme heurta violemment le bois et elle se pencha jusqu’à frôler son oreille.

— Tu pensais peut-être pouvoir me sauter ? lui demanda-t-elle. Désolée de te dire ça mon bonhomme mais... aucune chance.

— Ah ? répondit l’homme dans un sourire salace. Je crois qu’on est bien parti là pourtant, non ?

Il désigna leur position du regard et commença à remuer ses hanches de façon suggestive. Dégouttée, Kat le relâcha aussitôt, s’essuyant les mains contre son jean.

— Je ne suis pas un objet que tu peux utiliser comme bon te semble, espèce de sale porc, cracha-t-elle, les dents serrées.

— Un bon coup de queue te ferait pourtant le plus grand bien, histoire de te mater un peu, hein ?

Le coup partit sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte et le toucha à la mâchoire, poussant sa tête à heurter violemment le coin du bar avant qu’il ne s’affale dans un bruit sourd. Du sang gicla de la plaie qui venait de s’ouvrir sur sa tempe gauche et Kat observa sa main, interdite.

Du coin de l’œil, elle aperçut le barman faire discrètement signe à l’une des serveuses d’appeler la police et elle réalisa trop tard qu’elle était allée trop loin. Levant les mains pour leur supplier d’attendre, un coup violent s’abattit sur l’arrière de son crâne et la força à tomber à genoux et à cligner plusieurs fois des yeux face à la douleur. L’odeur de bière lui parvint et elle passa une main dans ses cheveux, grimaçant lorsqu’elle sentit le sang et les morceaux de verre brisé. 

— Tu vas comprendre ta souffrance, espèce de salope, lâcha l’homme avant de la tirer par les cheveux et la remettre debout.

Le geste lui rappela soudainement ce que ce monstre lui avait fait subir neuf années auparavant, si bien que la douleur lui parvint à peine tant elle se sentait repartir là-bas malgré elle.

— Debout ! hurla l’homme en l’attrapant par les cheveux, la forçant à se redresser et se retrouver collée contre lui. Tu vois, souffla-t-il contre son oreille, l’odeur d’alcool lui chatouillant désagréablement les narines. Mes petits copains situés juste derrière la porte vont s’assurer que personne ne vienne... interrompre... notre petit... show.

Il la retourna subitement.

— Alors... tu vas te tenir bien tranquille, hein ? Ce serait dommage de devoir en venir à des solutions... plus... radicales. Tu ne crois pas ?

Une colère froide s’empara de Kat et elle ferma un instant les yeux, prenant une profonde inspiration avant de relever subitement son bras gauche lorsqu’elle sentit un souffle putride contre son oreille. Elle le rabattit violemment en arrière et ce fut avec satisfaction qu’elle entendit un craquement résonner aussitôt.

— Ah ! s’écria l’homme alors que du sang jaillissait de son nez. Non mais t’es complètement malade !

— Je te conseille de me laisser tranquille connard, ou sinon...

— Ou sinon quoi ? cracha l’homme en s’approchant à nouveau. Tu vas appeler ta petite maman pour qu’elle te vienne à la rescousse ?

Kat haussa un sourcil avant de laisser un petit sourire apparaître sur mes lèvres.

— Oh non..., j’ai beaucoup mieux que ça.

L’homme la regarda, l’air confus, avant de sentir l’air quitter ses poumons lorsque le genou de Kat entra soudainement en contact avec son entrejambe.

— Oh merde..., gémit-il en se laissant tomber à genoux.

— Ah, là c’est mieux, répondit Kat avant de prendre sa tête entre ses mains et de préparer à nouveau son genou. Et ça, c’est pour —

— Haut les mains !

Surprise, Kat releva aussitôt la tête pour voir deux officiers de police en uniforme se tenir à l’entrée du bar, leurs armes pointées sur elle, leurs lampes torches rivées sur son visage, l’aveuglant.

— Placez vos mains sur votre tête madame, et reculez d’un pas, ordonna l’un des officiers en s’avançant s’approchant lentement.

Le regard de Kat se baissa à nouveau vers ses mains et elle obtempéra, prenant soin de ne pas faire de gestes brusques. L’officier vint aider l’homme à se remettre debout pendant que son collègue s’emparait de ses mains et lui mettait les menottes.

— Vous allez être conduite au commissariat, lui dit-il d’une voix professionnelle. Vous avez le droit de garder le silence. Dans le cas contraire, tout ce que vous direz pourra et sera utilisé contre vous devant un tribunal. Vous avez le droit de consulter un avocat et d’avoir un avocat présent lors de l’interrogatoire. Si vous n’en avez pas les moyens, un avocat vous sera désigné d’office, et il ne vous en coûtera rien. Durant chaque interrogatoire, vous pourrez décider à n’importe quel moment d’exercer ces droits, de ne répondre à aucune question ou de ne faire aucune déposition.

Kat hocha la tête d’un air absent tandis que l’officier la conduisait vers la sortie. Son regard s’attarda sur les quelques personnes encore présentes autour d’eux et elle réalisa pour la première fois que la plupart avaient quitté le bar pour se réfugier dans la rue. Lorsqu’elle sortit à son tour, leurs regards l’évitèrent, certains la dévisageaient ouvertement, d’autres encore grimaçaient tout en chuchotant, et Kat comprit aussitôt qu’aucun ne témoignerait en sa faveur.

Et merde.

 

 

— Hé, Kat ?

La voix de Chloé la ramena au présent et elle tourna légèrement la tête, un sourcil haussé.

— Hmm ?

— Je te demandai si ça allait, répéta Chloé tandis qu’elle laissait courir ses doigts le long des bras de Kat, ses pouces massant légèrement les muscles tendus.

Elle sourit lorsque Kat se contenta de relâcher un soupir de bien-être. Son cours ayant été annulé à la dernière minute, elle avait décidé d’attendre Kat sur le pas de sa porte histoire de lui rendre une petite visite. Mais quelle n’avait pas été sa surprise lorsqu’elle avait vu Kat sortir en trombe de l’ascenseur, le visage crispé et les poings serrés de chaque côté de son corps.

Kat lui avait alors raconté ce qu’il s’était passé au magazine, ne surprenant Chloé qu’à moitié par ses révélations — en tant qu’escorte, sa compagnie faisait toujours des recherches approfondies sur le passé de leur clientèle. Chloé lui avait proposé un thé glacé et un bon bain chaud histoire de la détendre, et vu la façon dont Kat était désormais confortablement allongée contre elle, son plan avait plutôt bien fonctionné.

— J’en déduis que la tempête est passée, alors ? demanda-t-elle, un sourire dans la voix tandis qu’elle mordillait l’épaule de Kat.

Kat frissonna légèrement.

— Pour l’instant. Elle reviendra probablement demain, quand je les verrais de nouveau chuchoter entre eux tout en me regardant, ironisa-t-elle. Ça ne m’était pas arrivé depuis le lycée, tu sais, quand j’avais embrassé Kylie Johnson devant tout le monde. C’est dingue comme les gens peuvent être...

— Stupides ? Puérils ? Bah, tu sais, j’ai toujours entendu dire que ça ne s’arrangeait pas avec l’âge. Regarde ma mère, plus les années passent, moins elle est responsable. C’est triste, vraiment.

Son ton léger poussa Kat à rire et Chloé sourit, fière d’elle.

— C’est surtout la façon dont la personne s’y est prise qui m’a mise en colère, reprit Kat, s’emparant des mains de Chloé quand elles glissèrent sur son ventre. Mais ça passera. Merci pour ça, en tout cas. J’en avais besoin.

— Oh ne me remercie pas, j’en bénéficie aussi, taquina Chloé tandis qu’elle laissait ses lèvres venir s’aventurer dans le cou de Kat.  

Kat lâcha un rire avant de gémir lorsque la sonnette de l’appartement retentit. Elle n’avait aucune envie de sortir de ce bon bain chaud.

— Tu sais qui ça peut être ? demanda Chloé tandis que Kat se redressait à contrecœur.

Cette dernière haussa les épaules.

— Sûrement quelqu’un qui a en eu marre de tomber sur ma messagerie, répondit-elle d’un air coupable en enfilant son peignoir.

Elle devait avoir une dizaine d’appels en absence.

— Bouge pas, je reviens.

💕

Elysia s’apprêtait à sonner de nouveau lorsque la porte s’ouvrit enfin et elle soupira de soulagement, avait de hausser les sourcils face aux cheveux humides et au peignoir de Kat.

— Euh... je tombe mal ?

Kat jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule avant de sortir dans le couloir et de tirer légèrement la porte derrière elle. Elle secoua la tête.

— Non, j’étais... je prenais juste un bain. J’avais besoin de me détendre.

— Oh. J’imagine que tu as eu vent du mail, alors ? grimaça Elysia. 

Kat enfonça les mains dans les poches de son peignoir.

— Et j’imagine que toi aussi. La discrétion, c’est visiblement pas le fort de la maison, hein ?

— Je suis désolée, répondit sincèrement Elysia. Comment tu... je veux dire, ça va ?

Kat haussa les épaules.

— Ça m’a surtout mise en colère. La DRH était au courant, alors j’étais sûre que l’info finirait par filtrer d’une façon ou d’une autre. Mais pas comme ça, tu sais ? C’est surtout ça qui m’a mise hors de moi.

Elysia hocha légèrement la tête.

— Hmm, je comprends. L’équipe de sécurité est en train de chercher le responsable et... enfin, je tenais surtout à m’assurer que tu allais bien.

Kat tendit un bras afin de prendre la main d’Elysia dans la sienne.

— Ça va, assura-t-elle sincèrement. Mais merci d’être passée. J’apprécie. Et je suis désolée de pas avoir décroché quand tu as appelé, j’avais pas vraiment la tête à discuter.

— C’est rien, je comprends, répondit Elysia en remuant une main. Mais si jamais tu as envie d’en parler... un jour... n’importe quand, n’hésite pas. D’accord ?

Kat l’étudia un instant, comme si elle essayait de jauger sa sincérité, avant de hocher la tête.

— D’accord.

Elysia s’apprêtait à poursuivre lorsqu’une voix résonna soudain dans l’appartement et elle haussa les sourcils, avant de sentir le sang quitter son visage lorsqu’une jeune femme apparut derrière Kat.

— Kat ? Y a une certaine « Lyna » qui vient d’appeler. Je crois qu’elle a laissé un message sur ton répondeur.

Son regard s’arrêta sur Elysia et elle tendit une main.

— Oh. Hé, je suis Chloé, une amie de Kat. Vous devez être Elysia, c’est ça ?

Elysia écoutait à peine ce que Chloé lui disait, son regard passant alternativement de l’une à l’autre. Elle avait déjà compris pourquoi Kat avait mis autant de temps avant de lui ouvrir, l’unique présence de Chloé lui suffisant à le deviner, leurs cheveux humides et leurs peignoirs ne faisant que le confirmer.

Elle comprit soudain beaucoup mieux le ‘Je prenais un bain. J’avais besoin de me détendre.’  Pas seule, visiblement.

Sans vraiment comprendre pourquoi, elle sentit sa gorge se serrer et se recula légèrement.

— C’est ça. Ravie de... faire votre connaissance, dit-elle difficilement avant de reporter son attention sur Kat. Hum. Je voulais juste m’assurer... tu sais... que tu allais bien, balbutia-t-elle en évitant son regard. Je ferais mieux d’y aller, il se fait tard.

Kat tenta aussitôt de la retenir.

— Tu es sûre ? Parce que...

Elysia secoua la tête avant de reporter son attention sur Kat, elle se força à sourire.

— J’ai beaucoup de choses à faire, vraiment, je passais juste m’assurer que ça allait.

Kat sembla hésiter, mais finit par hocher la tête pour le plus grand soulagement d’Elysia.

— D’accord, souffla-t-elle, visiblement déçue.

— Cool, répondit Elysia dans ce qui était, elle l’espérait, un ton joyeux. Passez une bonne fin de journée, ajouta-t-elle en les observant à tour de rôle.

Elle n’attendit pas la réponse et s’éloigna aussitôt le long du couloir, les larmes durement retenues se libérant finalement le long de ses joues.

Bon sang, mais qu’est-ce qui cloche chez moi ?

1 juillet 2015

Chapitre 4

— Tu sais, tu devrais vraiment penser à t’acheter une voiture, marmonna Elysia tout en rendant son casque à Josh. Le magazine te paye quand même assez pour, non ?

— Et subir les embouteillages ? Non merci, rétorqua Josh en faisant vrombir le moteur de son scooter gris.

Elysia, qui s’était penchée devant l’un des rétroviseurs de manière à pouvoir se recoiffer, plissa des yeux face au nuage de pollution produit. Josh lui offrit un sourire penaud.

— Admets quand même que tu aurais mis plus de temps en voiture, ou en taxi...

— C’est vrai, reconnut Elysia, avant de le taquiner. Et puis, j’ai pu voir que tu étais bien plus musclé que tu en avais l’air. Il doit en effet marcher, ce petit déjeuner des champions !

Le visage de Josh vira aussitôt au cramoisi et il marmonna un faible « euh... j’ai... euh... à tout à l’heure » avant d’abaisser son casque et de s’engager sur la route, ignorant le rire d’Elysia qui résonnait derrière lui.

Elle prit la direction du garage et vit aussitôt Kat en sortir, son marcel et son jean déchiré légèrement recouverts de cambouis.

Son regard s’attarda un instant sur les muscles visibles de ses avant-bras avant de poursuivre leur route le long de son corps et un sourire se dessina sur ses lèvres. Chloé passait son temps à la surnommer « Sexy », et Elysia dut bien s’avouer qu’elle ne pouvait qu’aller dans son sens sur ce point. Non pas qu’elle était en désaccord avec Chloé sur le reste, mais elle avait l’impression de sentir son cœur se serrer à chaque fois qu’elle pensait à la jeune femme, même si elle n’en comprenait pas la raison. Cette sensation lui était bien trop désagréable pour qu’elle s’y attarde.

Kat l’aperçut finalement et Elysia s’approcha, un sourire sur les lèvres.

— Mon petit doigt m’a dit que ma voiture était enfin prête, taquina-t-elle.

— Juste le temps de déposer ça et je suis à toi. Tu peux m’attendre à l’intérieur si tu veux.

Elysia remarqua alors les deux gros pneus qu’elle semblait n’avoir aucune difficulté à porter et acquiesça, mais s’arrêta au moment où Kat passait à côté d’elle.

— Ne me fais pas attendre, Super Girl, dit-elle en la chatouillant légèrement au niveau du ventre. Sinon, tu découvriras combien les rédactrices en chef peuvent être redoutables, taquina-t-elle.

Son geste prit visiblement Kat par surprise mais cette dernière se reprit rapidement, même si Elysia nota aisément la légère coloration qui vint recouvrir progressivement ses joues.

Kat haussa les sourcils avant qu’un sourire n’apparaisse à son tour sur ses lèvres et qu’elle ne secoue légèrement la tête.

— À tout de suite, répondit-elle.

💕

A l’intérieur, le rock d’Elvis résonnait en fond sonore, la voix du King se répercutant contre les murs recouvert d’outils. Kat adorait écouter de vieilles chansons à plein tube à chaque fois qu’elle travaillait sur sa voiture ce qui, selon Elysia, avait quelque chose d’extrêmement agréable. Surtout lorsque Kat se mettait à se trémousser en rythme, emportée par le tempo endiablé du best-of de Presley. Penchée au-dessus du moteur, les mains dansant avec cette aisance que conférait l’habitude, elle chantonnait désormais et Elysia avait bien du mal à se retenir de rire.

— Alors ? demanda-t-elle finalement pour la troisième fois.

Kat prit appui contre le pare-chocs de sa voiture.

— J’ai jamais vu quelqu’un d’aussi impatient, répondit-elle en écartant une mèche rebelle de son visage d’un revers de main, laissant par la même occasion une trace de cambouis sur sa joue. Tu as un rendez-vous galant, ou quoi ?

— Un rendez-vous galant ? s’étonna Elysia avant de sourire, venant essuyer la joue de Kat à l’aide d’un torchon propre. Ouais, avec mon magazine.

Kat lâcha un rire.

— Ah ces rédac’ chef, ils travaillent même le samedi pour nous prouver qu’ils font bien quelque chose là-haut, dans leur tour d’ivoire.

Son commentaire lui valut une belle tape sur les fesses et elle sursauta, se cognant la tête contre le capot.

— Ouch !

Elysia écarquilla aussitôt les yeux.

— Oh merde, ça va ? demanda-t-elle, inquiète.

— Mis à part que j’ai dû perdre quelques neurones..., marmonna Kat tout en retirant ses gants.

Elle s’apprêta à porter une main à sa tête mais Elysia lui donna une petite tape.

— Hé ! s’exclama-t-elle aussitôt. C’est une nouvelle manie de me taper dessus ?

— Non, bêta, rit Elysia. Mais même avec tes gants, tes mains sont pleines de cambouis. Baisse-toi.

Kat marmonna quelque chose qu’Elysia ne parvint pas à déchiffrer avant de légèrement plier les genoux. Leur taille étant presque identique, elle n’avait pas à descendre de beaucoup. Elysia écarta ses cheveux avant de remarquer une légère rougeur, et au vu de l’enflure, elle ne mit pas bien longtemps avant de conclure que Kat allait avoir une petite bosse.

— Tu as de la glace ici ? Ou quelque chose de frais ?

— Il y a un distributeur, mais je ne me vois pas me trimbaler avec une canette sur la tête pendant le reste de la journée.

Elysia rit doucement.

— Avec la chaleur qu’il fait, elle ne restera pas fraîche bien longtemps, de toute façon. Bon, ben, aux grands maux, les grands remèdes.

Et elle l’embrassa sa tête dans une infinie douceur.

— C’était quoi, ça ? demanda Kat alors qu’un doux frisson parcourait son corps.

— Un bisou magique, sourit Elysia.

Kat se redressa et secoua légèrement la tête.

— Tu es unique, tu le sais ça ? répondit-elle tout en refermant le capot de la voiture.

Elysia fut prise de court. Elle s’était attendue à de l’humour, mais voilà que Kat lui offrait une réponse emprise d’une sincérité à lui en faire oublier comment on respire. Une douce chaleur recouvra progressivement ses joues, et elle se retrouva à balbutier un « merci » à peine audible.

— J’ai terminé, mademoiselle l’impatiente, taquina finalement Kat tout en s’emparant d’un chiffon avec lequel elle tenta vainement d’effacer les marques de son labeur, sans grand succès. Et ta voiture ne nécessite aucune autre réparation, comme je m’en étais doutée, puisqu’elle est neuve.

— Tu étais censée te contenter de remplacer une pièce, accusa Elysia en croisant les bras sur sa poitrine. Pas me faire une révision complète.

Kat afficha un air taquin.

— J’avais peut-être envie d’un gros chèque.

Elysia haussa les sourcils.

— Oh ? Et qu’est-ce qui te fait croire que mon métier paye si bien ?

— Je t’en prie, cette voiture crie le compte en banque bien rempli, et ta tenue va dans le même sens.

Elysia haussa les sourcils avant d’abaisser son regard vers son corps.

— Je suis en jean ! s’exclama-t-elle.

— Avec des talons Jimmy Choo, un sac à main Gucci et une veste tailleur... hmm, Chanel ?

Elysia afficha un air faussement outré.

— Mais c’est qu’elle s’y connaît en matière de mode, taquina-t-elle.

Kat croisa les bras sur sa poitrine, les yeux plissés.

— Rien que pour ça, tu vas me le signer, ce gros chèque.

— Non, j’ai mieux, sourit Elysia. Que dirais-tu d’un bon petit déjeuner sur le compte du magazine avant d’embaucher ?

Kat jeta un œil à sa montre. Il était déjà pas loin de huit heures.

— J’avais prévu de retrouver un ami à la cafeteria, mais tu peux te joindre à nous si tu veux ?

Elysia fronça les sourcils. Seuls les employés du magazine avaient accès à la cafétéria, alors il y avait de grandes chances pour qu’elle le connaisse.

— Un ami... ?

— Tu comprendras quand tu le rencontreras, sourit mystérieusement Kat.

Oh ?

— O.K., allons-y alors.

💕

Elysia passait pour la énième fois la salle du réfectoire en revue lorsqu’un léger coup de coude attira son attention, et elle croisa aussitôt un regard noisette amusé.

— Tu cherches quelque chose ? taquina Kat tandis qu’elles cherchaient une table, leurs plateaux-repas entre les mains.

Elysia rougit légèrement.

— Je me demandais juste qui était cet ami dont tu parlais. S’il travaille ici, je devrais le connaître. Sinon, il vient de l’extérieur et alors je me demande comment tu as fait pour le faire entrer.

— À chacun ses petits secrets, rétorqua Kat, conspiratrice. Pourquoi ? Tu as peur d’agrandir ton fan-club ?

Elysia haussa aussitôt les sourcils de surprise.

— Pourquoi est-ce que tu dis ça ?

— C’est un secret pour personne que tu fais tourner toutes les têtes, répondit Kat, retenant difficilement un sourire amusé. J’ai même cru que Luke allait baver sur tes œufs et ton bacon quand il t’a tendu ton assiette.

Elysia l’observa, sceptique, mais un homme se dressant soudainement devant elle lui fit ravaler toute réponse. Son t-shirt moulant ne faisait rien pour cacher des pectoraux ultra développés, et Elysia leva les yeux vers un visage charismatique dont les traits fins faisaient de lui un homme extrêmement séduisant. Et ce regard ! Elysia avait du mal à s’en détacher. Des yeux sombres si captivants qu’ils rendaient sa beauté des plus attirantes.

La voix de Kat, qui déposait son plateau sur la table et prenait place, la ramena au présent :

— Tawny, je te présente Elysia, la rédactrice en chef du magazine pour lequel je travaille. Elysia, je te présente mon meilleur ami depuis toujours, Tawny, spécialiste en ingénierie climatique.

— Oh. Bon sang, si on m’avait dit un jour que j’allais rencontrer un véritable adonis, je n’y aurais jamais cru ! s’exclama Elysia tout en tendant une main. Enchantée.

— Il est surtout très marié, ricana Kat lorsqu’elle vit Tawny rougir.

Elysia fit la moue.

— Mouais, de toute façon, c’est toujours comme ça, soit ils sont casés, soit ils sont gays.

Tawny haussa un sourcil tandis que Kat riait doucement.

— Vous déjeunez tous les jours ici ? demanda Elysia en s’asseyant.

— Je supervise les travaux d’installation de la climatisation réversible dans les offices trois étages en dessous des vôtres, répondit Tawny en regagnant sa chaise. On a pris l’habitude de se rejoindre à chaque pause-déjeuner avec Kat.

Une femme apparaissant soudainement derrière lui l’embrassa sur le dessus de la tête avant de s’installer à ses côtés et Elysia remarqua pour la première fois qu’un deuxième plateau reposait sur la table, à côté de Tawny.

— Qu’est-ce que tu fais là ? demanda Kat dès que la jeune femme se fut assise.

— Je commence plus tard ce matin, alors que je me suis dit que j’allais manger avec mon homme et ma meilleure amie, expliqua Lyna dans un sourire avant de pointer son couteau vers Kat et de plisser les yeux. Bien que cela n’ait pas l’air de faire plaisir à cette dernière.

Kat secoua aussitôt la tête.

— Non, c’est pas ça. Je me demandais juste comment tu avais fait pour entrer.

— Oh, répondit Lyna avant d’afficher un regard brillant. Tu serais surprise de ce qu’on arrive à faire quand on est avocate.

Kat se mit aussitôt à rire.

— Tu es folle.

— Ça fait longtemps que c’est plus à prouver, renchérit aussitôt Lyna avant de porter son regard sur Elysia. Et toi ? Qu’est-ce que tu fais en compagnie de la rédactrice en chef du magazine pour lequel tu travailles ?

Même si la question était dirigée vers Kat, Elysia se sentit légèrement rougir.

— Je ne savais pas que j’étais si célèbre, sourit-elle en tendant une main. Elysia Lasheras. Ravie de rencontrer la magnifique femme de ce charmant Adonis, taquina-t-elle dans un clin d’œil.

Lyna s’empara de sa main dans un sourire.

— Bien pensé, le double compliment, ça m’évite de sortir les griffes. Enchantée, moi, c’est Lyna.

— On revient tout juste du garage, déclara Kat, après avoir pris une gorgée de jus d’orange, revenant à la question de Lyna. Elysia a eu quelques soucis avec sa voiture, alors j’y ai jeté un petit coup d’œil.

— Oh. C’est gentil de ta part. Et la Chevrolet, ça avance ?

— Ça irait plus vite si t’accordais un peu plus de temps libre à ton époux, feignit de menacer Kat.

Lyna prit aussitôt un air innocent.

— Pourquoi est-ce que ce serait automatiquement de ma faute ? Je te l’ai dit, il a simplement peur de finir (elle chuchota le mot) émasculé si ça tourne mal, et pour tout te dire, moi aussi.

Elysia ne sut dire ce qui l’amusa le plus, les paroles de Lyna ou la façon dont Tawny roulait des yeux, mais elle éclata de rire, bien vite suivie par les autres.

Son regard s’arrêta cependant sur l’horloge murale et elle grimaça avant d’afficher un air désolé.

— Je suis désolée mais je suis totalement débordée en ce moment, s’excusa-t-elle en se redressant. Alors mon déjeuner et moi allons gentiment retourner nous ensevelir sous mes dossiers et vous souhaiter une excellente fin de repas.

— Vous voulez dire, passer votre temps à dessiner de petits personnages dans les marges de vos documents, taquina aussitôt Lyna dans un sourire.

Elysia rit de nouveau.

— Ça commence comme ça, répondit-elle, mais malheureusement, ça ne dure pas.

— Hmm, je comprends, répondit Lyna. Je suis avocate, et les raisons pour lesquelles je me suis orientée vers cette profession sont elles aussi entachée d’une pile de paperasse.

— Ouf, ravie de voir que je ne suis pas la seule à trouver ça chiant, répondit Elysia dans un soulagement feint, provoquant aussitôt une nouvelle tournée de rire. Avocate donc ?

Elle prit un air pensif tout en se tournant vers Kat.

— L’un pourrait déjà me rendre service pour la climatisation, et maintenant, je peux même me permettre des démêlés avec la justice, dit-elle avant de sourire fièrement. J’adore tes amis.

Kat secoua la tête, amusée.

— Fais attention, connaissant Lyna, elle te demandera des numéros gratuits en échange, taquina-t-elle.

— Ah ces femmes, toujours difficiles en affaires, feignit de soupirer Elysia avant de sourire. Bon, je vous souhaite un bon appétit. À tout à l’heure, ajouta-t-elle en direction de Kat tout en lui faisant un clin d’œil.

Kat hocha la tête et après un dernier sourire et un signe de la main, Elysia s’éloigna, la laissant seule avec deux paires d’yeux émeraude fixées sur elle.

— Quoi ? demanda-t-elle, craintive.

— Si tu ne l’invites pas à sortir, je te la pique, répondit Lyna en pointant son couteau vers elle.

Kat haussa les sourcils alors que Tawny avalait de travers.

— Hé ! s’exclama-t-il une fois la toux passée.

— Je plaisantais amour, sourit Lyna en l’embrassant sur l’épaule tout en lui tapotant doucement le dos. Allez Kat, elle est canon, et visiblement marrante en plus d’être intelligente.

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? sourit aussitôt Tawny, amusé.

Lyna haussa les épaules.

— Bah, je suppose qu’il faut un minimum de matière grise pour être rédactrice en chef, non ? sourit-elle avant de lui murmurer d’un air conspirateur tout en observant Kat. Mais avoue qu’elle et Kat formeraient un couple parfait, en plus d’être super sexy.

Elle ajouta lorsque Kat se contenta de secouer la tête :

— Tawn’ ?

— Elle est jolie, acquiesça son époux, haussant les épaules.

— Jolie ? s’exclama aussitôt Lyna en tournant la tête vers lui. Elle a un physique à tomber oui ! Je me sens limite complexée à côté.

Tawny vint aussitôt l’embrasser derrière l’oreille où Kat l’entendit clairement murmurer : « Tcht... elle fait bien pâle figure à côté de toi. »

Lyna leva aussitôt les yeux au ciel, un sourire amusé néanmoins présent sur ses lèvres.

— Beau parleur, le taquina-t-elle avant de regarder Kat à nouveau. Je comprends mieux pourquoi tu n’as pas hésité avant d’accepter cette proposition à dîner l’autre soir, en tout cas, dit-elle, le regard brillant de malice.

— Lyna..., soupira Kat. Ça n’a rien à voir.

— Ah non ? rétorqua Lyna, un sourcil haussé avant de remuer sa fourchette dans sa direction. Allez Kat, elle remonte à quand, ta dernière relation ? Je suis sûre que ça doit prendre la poussière par-là..., poursuit-elle en descendant son regard le long de son corps.

Kat haussa un sourcil avant de décider de jouer à son tour.

— Justement..., commença-t-elle en lui offrant un regard appuyé, ...c’est bien plus récent que tu ne te l’imagines.

 Lyna l’observa, essayant de discerner si elle disait vrai, mais elle n’eut pas le temps de répondre que Tawny reprit la parole. 

— Reste que Lyn’ a raison, tu devrais foncer.

Kat secoua la tête, incrédule.

— Vous avez perdu la tête, ma parole, dit-elle en reportant son attention sur ses œufs et son bacon.

Leurs petits sourires lui parvinrent du coin de l’œil et elle soupira tout en portant la fourchette à sa bouche.

Je savais que cette rencontre était une mauvaise idée.

💕

— J’ai l’impression de faire l’école buissonnière, grimaça Elysia quelques heures plus tard. Regarde-moi ça, avec ma capeline, j’ai tout de la fautive qui cherche à passer inaperçu !

Kat éclata de rire et elle lui tira la langue avant d’avancer d’une place dans la file.

— Détends-toi, répondit Kat, avant de la raisonner. Tu t’accordes juste une pause histoire de souffler un peu. Et puis, t’es la rédac’ chef, qui irait te le reprocher ?

— Moi ? grimaça Elysia, s’écartant légèrement quand une petite fille passa à côté d’elles avec deux cornets de glace.

Elle retint cependant difficilement un rire lorsque Kat bondit aussitôt hors de portée.

— Qu’est-ce tu prendras ? demanda Kat une fois arrivée au comptoir du camion de glaces.

— Pistache choco. Pourquoi est-ce que tu les évites comme ça ? ajouta-t-elle en chuchotant.

— Qui ? répondit Kat, fouillant dans ses poches avant d’en sortir quelques billets roulés en boule.

Elysia désigna les gamins qui s’éloignaient déjà le long de la rue et Kat grimaça tout en attrapant leurs cornets.

— À cet âge, ils ont toujours les mains sales, à mettre leurs doigts partout là... Encore plus lorsqu’ils mangent des glaces. Mes vêtements sont propres, je tiens à ce qu’ils le restent.

Elysia haussa les sourcils avant d’éclater de rire et Kat s’arrêta, surprise.

— Quoi ? demanda-t-elle, légèrement sur la défensive alors qu’elle lui tendait son cornet.

— Merci, répondit Elysia plus ou moins calmée. Rien, rien, juste, venant d’une femme qui passe son temps à être recouverte de cambouis...

Le regard de Kat s’assombrit ostensiblement et Elysia ne put se retenir de rire à nouveau.

— En plus, continua-t-elle, les yeux humides. Ils ont quoi ? Dix ans ? J’ose espérer qu’ils savent être propres à cet âge-là.

Kat marmonna entre ses dents avant de soudainement partir devant et Elysia tenta tant bien que mal de se calmer avant de la rejoindre. Quelque chose lui disait que Kat n’aimait pas trop être taquinée comme ça.

— Hé, appela-t-elle une fois arrivée à sa hauteur.

— C’est bon, t’es calmée ? demanda Kat en l’observant du coin de l’œil.

Elysia hocha frénétiquement la tête.

— Promis, répondit-elle. Tu boudes pas, hein ?

Kat porta sa glace à ses lèvres tout en haussant les épaules.

— Si je dis que si, qu’est-ce que tu fais ?

— Je sais pas, sourit Elysia, amusée. Il paraît que le mieux, c’est d’ignorer, comme ça l’enfant finit par se lasser, et hop, affaire oubliée, taquina-t-elle.

Kat fit la moue et Elysia ne put s’empêcher de rire à nouveau avant de lâcher un cri quand un bras l’encercla soudainement par la taille et qu’une glace apparut à quelques centimètres de son visage.

— Tu disais ? lui souffla Kat, à l’oreille.

Elysia frissonna.

— Moi ? feignit-elle innocemment. Rien du tout.

Kat la relâcha avant de passer devant elle.

— Bien, sourit-elle avant de lui mettre un coup de glace sur le nez, puis détaler en courant.

Elysia haussa les sourcils avant de partir après elle à son tour.

— Oh Kat, tu vas me le payer !

💕

Une demi-heure plus tard, elles flânaient tranquillement le long des allées du parc, leurs glaces désormais terminées, lorsque des bruits de ballon rebondissant sur le bitume attirèrent leur attention.

Comme tous les samedis à quatre heures de l’après-midi, le terrain de basket était bien évidemment occupé et Elysia reconnut aussitôt la plupart des joueuses. Ces filles venaient du quartier chaud de la ville qui se trouvait à quelques rues d’ici. Elles étaient toutes étudiantes, et enchaînaient les heures au Burger Palace du coin pour subvenir à leurs besoins, ainsi qu’à ceux de leurs familles. Et chaque weekend, elles se réunissaient ici pour décompresser.

Kat, grande sportive dans l’âme, avait l’habitude de jouer avec elles de temps à autre et au vu de ses mains profondément enfoncées dans les poches avant de son jean et de sa façon de se balancer d’avant en arrière tout en les regardant, Elysia sut qu’elle mourait d’envie de les rejoindre.

— Tu peux y aller, tu sais, dit-elle d’un ton nonchalant.

Le sourire qui étendit les lèvres de Kat la rendit soudainement si attirante qu’Elysia en oublia de respirer.

— C’est vrai ?

— Hein ?

Kat fronça les sourcils et Elysia secoua légèrement la tête pour retrouver ses esprits. Oh bon sang, c’était quoi ça ?

— Euh, je veux dire, oui, oui. Je vais m’assoir juste-là, dit-elle en désignant l’un des bancs qui entourait le terrain. Mais gagne pour moi, d’accord ? taquina-t-elle.

Kat regarda sa montre.

— O.K., cinq minutes alors, dit-elle, réunissant sa longue chevelure brune en une queue de cheval haute grâce à un élastique qu’elle gardait toujours à son poignet. Mais tu peux venir aussi, tu sais. Je les connais bien, ça ne les dérangera pas.

Elysia secoua la tête.

— Non, le sport et moi n’avons jamais été amis, souris-je. Je préfère te regarder. File.

Kat s’éloigna aussitôt après un « merci ! » empli d’enthousiasme et trottina vers les joueuses réunies au milieu du terrain. Après toute une série de high-five échangés, Kat s’arrêta devant celle qui tenait le ballon et la joueuse posa aussitôt une main sur son épaule afin de venir lui murmurer quelque chose à l’oreille, probablement la tactique de jeu adopté pour le match.

— Elles sont obligées d’être aussi proches ? marmonna Elysia pour elle-même, sa bonne humeur s’évaporant soudainement.

Un soupir s’échappa de ses lèvres et elle prit place sur un banc situé à proximité de l’entrée du terrain, sur la gauche. Un arbre la protégeait du soleil et elle avait vue sur l’ensemble de la surface de jeu depuis sa position.

Après quelques paroles, la partie commença enfin, et Elysia ne put s’empêcher de sourire. La fluidité du jeu prouvait une fois de plus combien elles avaient l’habitude de jouer ensemble, mais surtout Kat semblait s’amuser et ça lui faisait plaisir.

— Vous êtes fan ?

La voix la fit sursauter et Elysia tourna aussitôt la tête, surprise de voir qu’un jeune homme avait pris place à côté d’elle, le bras en appui contre le dossier du banc et une jambe recroquevillée sous lui. Il est venu quand, celui-là ?

— Pardon ?

Il la regarda de la tête aux pieds un sourire étrange sur les lèvres avant de désigner le terrain.

— Basket, vous êtes fan ?

— Oh. Fan est peut-être un peu fort mais... j’aime bien. Et vous ?

Elle posa surtout la question par simple politesse. Sa tenue décontractée et son jeune âge — vingt-cinq, vingt-six ans peut-être ? — lui donnaient un air engageant, mais Elysia ne se laissa pas duper. Les traits de son visage étaient tendus et elle était presque certaine qu’il avait bu.

Il hocha la tête mais resta silencieux, et Elysia reporta son regard sur le match dans l’espoir qu’il la laisse tranquille et décide de partir, mais son haleine fétide mêlant cigarette et alcool lui parvint aussitôt.

— Vous savez que vous êtes bandante...

Sa main sur sa cuisse la fit sursauter et elle s’écarta aussitôt.

— Non mais vous êtes malade ! s’exclama-t-elle.

— Oh allez, je sais que t’en as envie avec ta p’tite jupe là...

Il s’approcha à nouveau et Elysia se leva d’un bon, plaquant inconsciemment ses mains sur le tissu de sa jupe comme pour s’assurer qu’il n’y avait pas accès. Le regard de l’homme repéra aussitôt son geste et son visage s’assombrit aussitôt.

— Quoi ? cracha-t-il en se levant à son tour. Ça s'habille comme une petite salope, ça joue à l'allumeuse et ça ne voudrait pas se faire toucher ? dit-il en se rapprochant dangereusement. Je vais te montrer ce qui arrive aux petites salopes comme toi qui jouent à faire la putain...

Elysia commença à se reculer mais les mains de l’homme vinrent soudainement s’emparer de ses biceps, ses doigts puissants s’enfonçant dans sa peau alors qu’il la rapprochait violemment de lui. Un cri de surprise s’échappa de ses lèvres mais s’éteignit bien vite lorsqu’il resserra encore plus son étreinte. La douleur était insupportable, ses pieds touchaient à peine le sol et son corps était en contact avec le sien de tout son long, les effluves d’alcool qui lui parvenaient lui donnant la nausée.

Du mouvement attira cependant son attention du coin de l’œil, et elle comprit aussitôt.  Une silhouette vêtue de noir, la même qui s’était trouvée sur le toit de l’immeuble ce jour-là, les observait du coin d’un immeuble. Son regard étrangement familier lui donna une fois de plus froid dans le dos, et Elysia était prête à parier qu’elle souriait.

Espèce de Targa de —

La pression que l’homme exerçait sur ses bras la ramena au présent et elle le regarda de nouveau tout en tentant d’échapper à son étreinte, mais il était beaucoup trop fort pour elle. Elle avait tellement mal qu’elle n’arrivait pas à coordonner ses jambes comme elle le voudrait.

— C'est ça, débats-toi, petite chienne, sourit-il. Ça me fait bander encore plus ! Vous êtes toutes pareilles... vous ne demandez qu'à vous faire baiser...

Ses lèvres s’approchèrent d’Elysia et elle sentit la panique mêlée au dégoût s’emparer d’elle. La peur la poussa alors à fermer les yeux et elle inclina la tête vers l’arrière avant de la faire venir s’écraser violemment contre le visage de son tourmenteur, visant son nez. Un crac ! puissant résonna aussitôt et il s’écrasa sur le sol en grognant, l’entraînant avec lui dans sa chute. Elysia ne put se retenir de gémir tellement la douleur était forte. Sa tête tournait, pulsant au même rythme que son cœur, et la seule chose qu’elle arriva à faire, ce fut de rester assise sur ses fesses et cligner des yeux afin de pouvoir identifier le décor qui l’entourait.

— Ouch merde, souffla-t-elle en prenant sa tête entre ses mains.

Le type fut le premier à se remettre debout et il l’observa de toute sa hauteur, le regard meurtrier tandis que du sang dégoulinait de son nez qui formait désormais un angle disgracieux. Sa bouche se déforma par la rage.

— Salope ! Tu vas payer pour ça !

— Hé !

La voix vint de quelque part derrière lui et à l’instant même où il tourna la tête, un ballon de basket vint le heurter en plein visage à une vitesse impressionnante. L’impact le fit aussitôt décoller du sol et il atterrit sur son dos dans un bruit sourd, l’air s’échappant de ses poumons. Elysia eut à peine le temps de réagir que des mains chaudes vinrent encadrer son visage et caresser ses joues.

— Ely regarde-moi, ça va ? demanda la voix qu’elle devina soucieuse.

Elysia cligna des yeux à plusieurs reprises tandis que Kat frottait ses mains engourdies. Sa vue s’éclaircit enfin et ses lèvres s’étirèrent en un sourire quand elle remarqua les rayons du soleil filtrant à travers les branches qui venaient se refléter sur le visage de Kat, conférant à ses cheveux des reflets naturels.

— Hé, Sexy.

Kat s’agenouilla devant elle et Elysia remarqua enfin combien elle semblait agacée, ses mains effleurant gentiment son corps afin de s’assurer qu’elle n’était pas blessée. Puis ses yeux se posèrent sur son front, et ses traits se durcirent aussitôt.

Elysia lâcha pour sa part un soupir de soulagement.

— Je suis contente de te voir, tu sais ?

— Tu ne devrais pas l’être, répondit aussitôt Kat d’un ton dur qui s’adoucit cependant rapidement. Je perds toujours notion du monde extérieur lorsque je joue, je suis vraiment désolée. Si j’avais prêté plus attention...

— C’est pas grave, la rassura Elysia en s’emparant de sa main à nouveau. Tu as gagné ?

Kat l’observa, surprise.

— Quoi ? Bon sang Elysia, j’en sais rien ! On s’en fout !

Elle souleva doucement le menton d’Elysia avant de faire glisser ses doigts sur son front et de grimacer. Un bruit aigu leur parvint et elles tournèrent simultanément la tête vers le type allongé derrière Kat. Ses mains cachaient son visage et il gémissait tout en se balançant légèrement d’avant en arrière.

— Tu lui as brisé le nez avec ta tête ? s’exclama aussitôt Kat, visiblement surprise.

Elysia acquiesça mais s’interrompit bien vite face à la sensation désagréable qui lui parvint aussitôt ; elle avait l’impression que son crâne allait exploser. Elle remarqua cependant l’étincelle de fierté qui transparut dans le regard Kat, et elle se sentit rougir.

— Dis-moi que ce n’est pas si terrible que ça en a l’air, dit-elle en désignant son front.

— Laisse-moi voir.

Kat vérifia sa bosse puis ses pupilles afin de s’assurer qu’elles étaient de la même taille. Puis, à la surprise d’Elysia, elle l’encercla dans une étreinte inattendue.

— Tu as une belle bosse, mais tu restes la plus jolie fille du terrain.

Le cœur d’Elysia s’arrêta face à ses mots mais les lèvres de Kat s’approchant de son oreille l’empêchèrent de réagir.

— Tu te sens nauséeuse ? Envie de vomir ?

Elysia réfléchit un instant avant de secouer négativement la tête. Elle avait juste mal au crâne.

— Non. Rien de tout ça.

Kat relâcha un profond soupir.

— Alors je pense que tu as juste été un peu sonnée. On peut toujours aller à l’hôpital pour s’en assurer, mais je pense vraiment que tu n’as rien de grave.

— Non, ça va. Désolée d’avoir gâché la partie.

— Sshhh... il a gâché la partie. Mais t’inquiète pas, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas autant amusée lors d’un match de basket. 

Elysia ne put retenir un rire et resserra son étreinte autour de Kat. Un sifflement s’échappa cependant de ses lèvres lorsqu’une douleur aiguë se propagea dans ses bras et elle se figea instinctivement.

Merde, j’avais oublié ça.

— Je t’ai fait mal ? demanda aussitôt Kat d’un ton inquiet tout en se reculant.

Elysia secoua négativement la tête avant de se reculer légèrement et de retirer le faible gilet qu’elle portait. Kat la regarda d’un air confus avant de serrer la mâchoire lorsque la peau de ses bras apparut. Des marques de doigts étaient clairement visibles et des bleus étaient déjà apparents.

— Quel fils de...

— Elle est stupide cette insulte, pourquoi insulter sa mère ? Elle n’a rien à voir là-dedans.

Kat soupira aussitôt.

— Ely... c’est pas le moment de faire des plaisanteries, l’admonesta-t-elle tout en étudiant ses bras tour à tour.

— Ce ne sont que des bleus Kat, ça partira...

Elysia écarta doucement les mains de Kat et regagna sa position au creux de ses bras, profitant de son étreinte protectrice le plus longtemps possible.

Kat ne la déçut pas quand elle resserra ses bras autour d’elle.

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