– Tu es sûre de vouloir m’attendre ? demanda Kate alors qu’elles arrivaient en haut de l’escalier et s’apprêtaient à tourner au coin du couloir.
Eva s’assura que l’endroit était désert à l’aide de sa lampe avant de lui faire signe d’avancer :
– Oui, on ne sait jamais ce qui peut se passer, si l’une d’entre vous se met à crier ou je ne sais quoi encore. Que je puisse au moins réparer les pots cassés sans alerter tout l’immeuble. Puis si Marc débarque, il faudra bien que je détourne l’attention.
Elle s’interrompit avant de prendre un air songeur :
– Je pourrais le séduire, il est mignon.
– Eva…
– Hé faudra bien que je l’éloigne d’ici, non ?
Kate leva les yeux au ciel :
– Oui mais y a d’autres moyens que la séduction !
– Je sais, je plaisantais, soupira Eva. J’aurais juste à lui proposer un café et ça suffira, je passe mon temps à le repousser, il sera ravi et n’y réfléchira pas à deux fois avant de dire « oui ».
– Liz le sait qu’il te court après ?
Eva haussa aussitôt les sourcils :
– Liz ? Depuis quand tu l’appelles comme ça, toi ?
– Ben, c’est plus court qu’Elisabeth, répondit Kate comme si c’était l’évidence même. Puis tu passes ton temps à le faire, j’ai dû prendre le pli.
– Hmm, elle m’a dit que vous vous étiez mises ensemble pour un projet de chimie, poursuivit Eva l’observant du coin de l’œil, secrètement contente qu’elles aient pris cette initiative.
Selon elle, Kate était beaucoup trop solitaire, et puis il était plus que temps qu’elles se réconcilient.
– Oui, elle est plutôt douée, on devrait assez bien s’en sortir, répondit Kate avant de prendre un air malicieux et pointer le halo de la lampe vers Eva afin de jauger sa réaction. Et puis, elle me raconte des détails assez croustillants sur vous deux, comme un certain tatouage que tu aurais…
Eva prit une teinte légèrement cramoisie et Kate sentit sa mâchoire s’affaisser :
– Merde, t’as vraiment un tatouage ?
Eva leva aussitôt les mains au ciel :
– Tu viens de me dire que Liz te l’avait dit !
– Mais non ! Enfin si, mais je te faisais marcher ! s’exclama Kate en évitant de hausser la voix. Il est où ? Attends, je t’ai déjà vue en short et en débardeur alors… merde, je t’ai même déjà vue en sous-vêtements ! Alors il doit être…
Elle fut interrompue par une main sur ses lèvres :
– Kate ?
– Hmm ?
– Chut. Je vais retirer ma main, et on va changer de sujet de conversation, d’accord ?
Kate donna un léger coup de langue contre sa paume et Eva la libéra aussitôt :
– Pah ! s’exclama-t-elle en s’essuyant contre son jean. Vilaine, ajouta-t-elle en plissant des yeux.
– Liz me le dira de toute façon, sourit Kate.
– Oh non, répondit aussitôt Eva en remuant un doigt vers elle. J’y veillerais.
Kate lui tira la langue avant de reporter son attention sur le couloir :
– Bon, alors ?
– Quoi ? Oh oui, oui Liz le sait qu’il me court après, elle passe son temps à lui lancer des regards noirs quand elle le croise, le pauvre ne comprend rien.
Eva sourit diaboliquement :
– C’est génial.
– T’es pas possible, rit Kate avant de s’interrompre et de porter ses mains à son visage. Oh merde, Eva t’es trop bête !
La jeune surveillante haussa les sourcils avant de porter ses mains à ses hanches :
– Eh bien merci, ça fait toujours plaisir à entendre.
– Non, non mais, tu sais quel jour on est aujourd’hui ?!?
– Hmm, la Saint Valentin ?
– Et c’est tout ce que ça te fait ? s’étonna Kate. Tu devrais être avec Liz, pourquoi est-ce que tu m’as rien dit quand je t’ai demandé de m’accompagner ce soir ?!
Eva laissa un sourire apparaître sur ses lèvres :
– T’es mignonne, tu le sais ça ? On va fêter ça ce weekend, même si on n’est pas trop pour. C’est devenu beaucoup trop commercial, le côté tradition antique s’est complètement perdu, c’est dommage. Et puis j’étais de garde cette nuit de toute façon, alors…
Kate hocha la tête d’un air entendu, visiblement soulagée, avant de porter son attention sur la porte devant laquelle elles venaient de s’arrêter :
– Bon, nous y voilà, tu restes ici alors ?
– Oui, tu penses que ça va aller ? demanda sérieusement Eva tout en insérant la clé dans la serrure.
Kate haussa les épaules :
– C’est plutôt pour elle que tu devrais te faire du souci.
– Kate..., soupira Eva. Ne fais rien que je ne pourrais pas couvrir, tu veux?
Kate hocha la tête puis posa une main sur la poignée, avant d’entrer à l’intérieur après avoir jeté un dernier coup d’œil en direction d’Eva. L’une des caractéristiques immuables de La Lumeda était que les appartements étaient tous conçus de la même façon, alors Kate ne perdit pas de temps à chercher la chambre avant de s’y diriger.
Des respirations légères et régulières l’accueillirent aussitôt, et elle poussa légèrement le battant avant d’enclencher l’interrupteur, attendant simplement les réactions qui allaient venir.
Cassie fut la première à se réveiller, et lorsque son regard s’arrêta enfin sur Kate, elle l’observa un instant, encore en proie au sommeil, avant de relâcher un grognement mécontent et se laisser retomber contre son oreiller, un bras sur le visage afin de se protéger de la lumière.
Kate dévia ensuite son regard vers celui de sa colocataire, et elle lui fit aussitôt signe de quitter la chambre lorsqu’elle remarqua qu’elle était, elle aussi, réveillée et l’observait avec crainte et perplexité. Encore à moitié ensommeillée, l’adolescente récupéra son livre de chevet et sa couette avant de disparaître dans le salon, évitant soigneusement le regard de Kate lorsqu’elle passa à côté d’elle.
Kate ferma la porte derrière elle avant de reporter son attention sur Cassie :
– C’est moi ou j’ai l’impression que c’est pas la première fois qu’elle est mise dehors comme ça ?
Cassie relâcha un soupir avant de tourner la tête vers Kate :
– La réponse t’intéresse vraiment ? répliqua-t-elle avant de se redresser et l’observer de la tête aux pieds. J’aurais pensé que tu serais venue plus tôt, en tout cas. J’étais presque déçue de ne pas te voir dimanche soir, ajouta-t-elle dans un léger sourire. Mais bon, si ça me vaut une visite surprise le jour de la Saint-Valentin...
– Lève-toi.
Cassie s’interrompit et l’observa, confuse :
– Pardon ?
– J’ai dit : lève-toi, répéta Kate s’approchant. Allez.
Cassie leva les yeux vers son visage, perplexe, avant de hausser les épaules puis obtempérer, et elle relâcha aussitôt un cri de surprise lorsque Kate en profita pour la plaquer contre le mur, avant de s’emparer de ses poignets et les bloquer de chaque côté de sa tête.
Un sourire ironique se dessina aussitôt sur ses lèvres lorsqu’elle réalisa l’effet qu’elle produisait sur Cassie, son visage dégageant un mélange de surprise et d’appréhension et Kate l’observa un instant avant de plaquer soudainement sa bouche contre la sienne dans une violence presque bestiale.
Le corps sous elle se figea aussitôt de surprise avant que Cassie ne gémisse de rage, son corps se débattant dans l’espoir de se défaire de son étreinte. Une de ses mains parvint finalement à se libérer et elle repoussa Kate avant de la gifler de toutes ses forces, l’impact résonnant dans la pièce étonnamment silencieuse, seulement brisée par leurs respirations saccadées.
– Mais t’es complètement malade ma parole, articula finalement Cassie en s’essuyant la bouche d’un revers de main.
Le visage de Kate, qui avait suivi le mouvement de la gifle, se tourna lentement pour lui faire de nouveau face et elle la cloua sur place d’un regard glacial, sa main entourant de nouveau son poignet alors qu’elle se rapprochait dangereusement.
– Voyons Cassie, c’est pas ce que tu voulais ? demanda-t-elle, sarcastique. C’est pas ce que tu cherchais depuis le début ?
Le regard de Cassie se fixa sur sa joue désormais rougie et elle ferma les yeux un instant avant de légèrement secouer la tête :
– Tu as perdu l’esprit, ma pauvre.
Kate eut un rire dénué humour :
– Peut-être, qui sait ?
Sa voix avait pris un timbre froid et cruel, presque sadique avec une légère pointe d’ironie et pendant un instant, elle se demanda si la personne qui venait tout juste de parler était vraiment elle.
– Ou peut-être que j’ai simplement décidé de jouer à ton petit jeu, poursuivit-elle. Tu sais, agresser les pauvres filles sans défense. Marrant, n’est-ce pas ? Ouais, je te comprends, je m’amuse comme une folle, claqua-t-elle d’un ton sarcastique.
Cassie sentit la main entourant son poignet resserrer son étreinte et les battements de son cœur s’accélérèrent malgré elle :
– Kate, s’il te plaît, arrête, demanda-t-elle difficilement.
Kate haussa un sourcil :
– Woah, j’ai même droit à un « s’il te plaît »… et quand Emma te l’a demandé de cette façon, tu l’as laissée tranquille ?
Elle resserra encore légèrement sa prise :
– J’en doute.
– D’accord, d’accord, Kate, calme-toi. Dis-moi ce que tu veux, d’accord ? Ça sert à rien de s’énerver comme ça.
Kate secoua légèrement la tête :
– Il me semblait t’avoir prévenue, mais visiblement, ma mise en garde n’a pas porté ses fruits.
Elle marqua une légère pause avant d’ajouter :
– Je crois bien que tu vas devoir faire face aux conséquences de tes actes, maintenant.
Les yeux de Cassie s’élargirent ostensiblement et Kate sentit la panique commencer à s’emparer d’elle. Elle a peur de moi ? s’étonna-t-elle. Oooooh je ne devrais pas aimer ça mais… Elle sourit intérieurement.
– Et, qu-qu’est-ce que tu comptes faire ? demanda difficilement Cassie, tandis qu’elle essayait désespérément de se libérer de son étreinte.
Kate l’étudia un instant avant de relâcher sa prise autour de ses poignets puis se reculer :
– Certainement pas ce à quoi tu sembles manifestement penser. J’ai encore agressé personne, et j’ai certainement pas l’intention de commencer aujourd’hui.
Cassie se contenta de se laisser glisser sur le sol, visiblement soulagée :
– Tu avoueras que ton attitude prêtait à confusion, marmonna-t-elle en massant sa peau légèrement rougie.
– Et qu’est-ce que je devrais dire de la tienne ? contra aussitôt Kate, sa voix gagnant en intensité. Coincer Emma entre deux murs et lui raser la tête ?! Mais qu’est-ce qui t’est arrivé bon sang !
– Qu’est-ce qui m’est arrivé ?! s’emporta Cassie en se redressant et en pointant sa poitrine du doigt. Qu’est-ce qui m’est arrivé ? Non mais tu t’entends ? Regarde ce que tu deviens Kate, à jouer amie-amie avec la première clocharde du coin !
Elle secoua la tête :
– La Kate que j’ai connue n’avait rien à voir avec celle que tu es aujourd’hui, ajouta-t-elle avec dégoût.
– Rassure-toi, je peux te retourner le compliment, ironisa aussitôt Kate. Et en ce qui concerne ce que je suis devenue, tu sembles l’oublier, mais tu en es la responsable.
Agacée, elle fit demi-tour et se dirigea vers la porte en secouant la tête. Et merde, je ne comprends même pas pourquoi j’ai pris la peine de venir ici. Elle s’interrompit cependant une fois sa main posée sur la poignée.
– Tu sais, je ne te comprends pas, reprit-elle d’une voix étonnamment calme. Tu n’aimais déjà pas celle que j’étais avant, alors qu’est-ce que ça change aujourd’hui ?
Il y eut un léger silence avant que la réponse ne lui parvienne, à peine plus haute qu’un murmure.
– Dis pas n’importe quoi Kate, tu sais que c’est faux.
Surprise, Kate tourna aussitôt la tête dans sa direction :
– Quoi ?
– Tu as très bien entendu, répondit Cassie en évitant son regard. Maintenant si tu veux bien sortir, j’aimerais dormir.
Kate secoua la tête avant de relâcher la poignée et s’approcher d’elle :
– Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ? demanda-t-elle, la curiosité présente dans sa voix.
Cassie soupira :
– Elle n’a rien à faire ici.
– Elle a autant sa place ici que toi ou n’importe qui d’autre si elle le désire. Alors, pourquoi ?
Cassie la fixa droit dans les yeux et énonça distinctement chaque mot :
– Elle - n’a - pas - sa - place - ici ! On ne se mélange pas Kate, c’est à peine si on ne nous l’apprend pas dès la naissance, tu as eu un lavage de cerveau ou quoi !
Kate hocha pensivement la tête :
– Comme l’homosexualité.
– Quoi ? demanda Cassie, confuse.
– Ça ne rentrait pas dans leurs cordes, alors tu m’as jetée.
Cassie soupira à nouveau tout en s’asseyant sur son lit :
– Je ne t’ai pas jetée, Kate, et tu le sais.
– Non, c’est vrai, admit Kate en croisant ses bras sous sa poitrine. Tu as fait bien pire.
– Kate…
Kate l’ignora et poursuivit :
– Et tu veux que je fasse la même chose avec Emma parce que « ça ne se fait pas » dans notre milieu. La question est, pourquoi ? Pourquoi prends-tu cette peine, si tu n’en as plus rien à foutre de moi ?
La mâchoire de Cassie se contracta et elle garda les yeux rivés sur le sol, ses doigts s’entremêlant nerveusement sur ses cuisses ; une attitude que Kate ne lui connaissait que trop bien et qui la laissa soudainement abasourdie, à tel point qu’elle dut s’assoir à son tour tellement ses jambes se mirent à trembler sous elle.
– C’est tout le contraire en fait, murmura-t-elle, médusée. Tu es loin d’en avoir rien à foutre de moi, c’est ça ?
Le silence qui suivit confirma ses soupçons et elle se retrouva là à la fixer bêtement, la mâchoire légèrement pendante, ses pensées défilant tellement vite dans son esprit qu’elle n’arrivait pas à en retirer quoi que ce soit. Elle l’avait soupçonné, en avait même fait part à Emma, en avait même embrassé Cassie pour l’amour du ciel, mais avait bien vite rejeté l’idée au fond, la trouvant bien trop… invraisemblable.
Elle réalisa soudainement qu’elle n’avait surtout pas voulu y croire, se contentant de l’accepter uniquement parce qu’il y fallait une raison, et qu’elle n’en voyait aucune autre. Un bon compromis, qui ne l’obligeait pas à y croire vraiment, puisque rien ne le prouvait réellement, mais qui fournissait néanmoins une explication plausible.
Et maintenant, elle était là, face à une vérité qui la chamboulait plus qu’elle ne l’aurait cru possible.
– J’arrive pas à y croire, j’arrive vraiment pas à y croire…
Kate secoua la tête, sa colère faisant de nouveau surface :
– Alors tu t’attends à quoi ? Que je revienne ? Non, bien sûr, ça ne collera pas avec ton petit plan d’avenir tout tracé. Tu t’attends à ce que je revienne comme avant, c’est bien ça ? Avec la même comédie : Kate se cache pendant que mademoiselle s’affiche avec ses couvertures. C’est bien ça ?
Le faible murmure de Cassie parvint difficilement à ses oreilles :
– C’était une erreur.
– Pardon ?
Cassie se racla maladroitement la gorge :
– Les couvertures, c’était une erreur.
– Eh ben bravo, il était temps que tu le réalises, claqua Kate d’un ton froid.
Cassie releva la tête et Kate en oublia soudainement sa colère, surprise de réaliser combien l’image qui s’offrait désormais à elle lui faisait mal au cœur. Le visage de l’adolescente était couvert de larmes ayant silencieusement coulées le long de ses joues et elle apparaissait subitement terriblement vulnérable, une facette que Kate ne lui avait pas vue depuis… Des images du passé apparurent subitement dans son esprit et elle se retrouva complètement déstabilisée, ses pensées s’entremêlant dans son esprit, ses émotions s’entrechoquant, la laissant simplement là à l’observer bêtement à nouveau.
– J’ai tout gâché, je le sais bien, renifla Cassie. Mais qu’est-ce que je pouvais y faire, Kate ? Mes parents me mettaient sans arrêt la pression, mon frère les avait déjà laissé tomber pour l’armée, alors découvrir que celle en qui ils avaient portés tous leurs espoirs était gay…
Elle secoua la tête :
– Ils m’en ont fait baver, là-bas autant qu’ici. Ma mère m’appelait tous les soirs pour me sermonner, me dire que je gâchais tous leurs espoirs… alors, j’avais intérêt à montrer un meilleur exemple, ou ils s’en chargeraient eux-mêmes.
Elle eut un sourire dénué d’humour :
– Tu sais combien les hommes de main de mon père m’ont toujours foutu la trouille.
Secouant légèrement la tête, Kate sortit finalement de sa torpeur et se racla maladroitement la gorge :
– Tu ne crois quand même pas que tes parents auraient…
– Je le sais, et tu le sais aussi, renifla Cassie en lui offrant un regard appuyé. Tu sais très bien de quoi ils sont capables quand ils veulent obtenir ce qu’ils désirent, ajouta-t-elle d’un ton amer. Jérôme n’est pas uniquement parti pour assurer la défense du pays, tu sais. Il voulait surtout être le plus loin possible de toutes ces conneries…
Kate laissa son regard retomber sur le lit, soudainement incroyablement mal à l’aise :
– Je ne savais pas tout ça, remarqua-t-elle maladroitement. Pourquoi ne m’as-tu rien dit ?
Cassie haussa les épaules :
– J’en sais rien, j’avais peur… j’avais peur que tu ne décides de tout arrêter si je le faisais. Tu n’aurais jamais accepté les couvertures, et bon sang, ça ne me faisait pas plaisir non plus. Mais c’était le seul moyen de leur faire croire que c’était fini entre toi et moi. Le seul moyen pour qu’ils nous laissent tranquille. Je voulais pas qu’ils s’en prennent à toi Kate… et… qu’ils t’éloignent alors… j’ai pensé que c’était la meilleure solution...
Elle s’interrompit et enfouit son visage entre ses mains, les sanglots devenant de plus en plus fort et l’empêchant de continuer. Son corps fut rapidement secoué de soubresauts et elle se laissa simplement aller, oubliant presque la présence de Kate jusqu’à ce qu’elle sente soudainement deux mains se poser sur ses épaules et l’attirer doucement contre un corps chaud. Hésitant un instant, elle se laissa finalement aller contre Kate qui la serra automatiquement contre elle et lui offrit une étreinte réconfortante, ignorant la petite voix dans sa tête qui lui demandait sérieusement ce qu’elle était en train de faire.
Au bout de quelques minutes, Cassie releva finalement la tête, les yeux humides :
– J’avais peur Kate, j’étais terrifiée et stupide. Alors j’ai suivi à la lettre ce que mon père disait, en essayant de te garder auprès de moi en même temps.
Elle s’essuya les joues du revers de ses mains tout en se redressant :
– Mais ça n’a pas marché. Au contraire, j’ai tout foutu en l’air, pour le plus grand plaisir de mes parents.
– Tu leur as dit ? s’étonna Kate.
– Non, mais ils m’ont appelée le lendemain de notre rupture et l’ont vite deviné quand ils ont vu l’état dans lequel j’étais.
Kate hocha la tête, avant de se passer une main sur le visage puis faire les cent pas dans la pièce, ses pensées défilant dans sa tête. Elle avait beaucoup de choses à assimiler, et elle devait bien s’avouer qu’elle ne savait pas quoi en faire. Tout était tellement soudain, et inattendu.
Lorsqu’elle avait pris la décision de rendre une petite visite nocturne à Cassie, elle s’était imaginé lui demander des explications, avant de lui expliquer qu’elle comptait bien la faire renvoyer de l’établissement par un moyen ou un autre.
Et pourquoi pas lui faire un petit peu peur aussi, pendant qu’elle y était…
Ce qui s’était produit jusqu’à présent était néanmoins très loin de ce qu’elle avait envisagé, et elle se sentait perturbée. Les révélations que Cassie venait de lui apporter la chamboulaient plus qu’elle ne l’aurait cru possible, et elle réalisa qu’elle ne savait pas comment réagir. Cassie lui offrait une vision tellement différente de la fin de leur histoire qu’elle ne put s’empêcher de se sentir coupable. Comment avait-elle pu être aussi aveugle, et ne pas avoir vu tout ce que Cassie venait de lui apprendre ? J’aurais dû le deviner…, pensa-t-elle tristement. On aurait pu éviter tout ce gâchis.
Elle s’arrêta finalement et porta de nouveau son regard sur Cassie :
– J’aurais aimé que tu m’en parles. Que tu me dises tout ça à l’époque. Je t’aimais Cassie, comme une folle. Et j’ai perdu ma meilleure amie du jour au lendemain à cause de tout ça.
Elle fit une légère pause, surprise de sentir sa gorge se resserrer et ses yeux se brouiller légèrement :
– Ça a été dur, très dur, lâcha-t-elle avec douleur. J’ai mis du temps à m’en remettre.
– Je sais, murmura Cassie. J’ai perdu tout ça moi aussi.
Kate resta un instant silencieuse avant de demander :
– Et Emma ?
– Quoi ? demanda Cassie en relevant la tête.
– Emma, pourquoi lui faire vivre un enfer comme ça ?
Cassie laissa de nouveau son regard retomber sur ses mains et resta silencieuse :
– Cass’ ?
– Tu sais combien de temps ça fait que tu ne m’as pas appelée comme ça ? répondit Cassie dans un léger sourire avant de reprendre, le ton sérieux. Je crois qu’on appelle ça de la jalousie.
– De la jalousie…, répéta Kate avant de passer ses mains sur son visage puis de les laisser retomber de chaque côté de son corps. Je t’en prie, dis-moi que tu plaisantes.
– J’aimerai, murmura Cassie. Quand je vous ai vu ensemble la première fois… bon sang, j’ai détesté ça. J’ai ressenti ce pincement au creux de mon ventre et… j’ai eu horreur de ça. Puis j’ai appris qui elle était, ou plutôt d’où elle venait. Une petite provinciale dont la mère se moque très certainement du fait qu’elle ramène un étranger, un pauvre ou… une femme.
Elle releva la tête et regarda Kate droit dans les yeux :
– Elle avait ce que je n’avais pas et qu’elle peut avoir sans ce que cela ne pose problème à qui ce soit : toi.
– Cassie…
– J’ai déraillé, ça me rendait juste… dingue. A chaque fois que je la voyais… tout ça me revenait à la figure. Tout ce que j’avais perdu, et que je n’avais aucune chance de retrouver. Je voulais juste… qu’elle disparaisse, parce que je ne voulais plus penser à tout ça. Ça… ça fait trop mal.
Le silence retomba avec ces dernières paroles et Kate s’essuya les yeux d’une main irritée, incapable de dire pour qui elle souffrait le plus. Elle pour n’avoir rien vu à l’époque et avoir peut-être pris une décision trop soudaine et irréfléchie ? Emma pour avoir malgré elle subit les foudres d’une ex aux prises avec la jalousie ? Ou bien Cassie qui avait choisi de s’oublier afin d’obéir à son paternel par peur de représailles ?
– Tu l’aimes ?
Kate releva soudainement la tête, surprise par la question inattendue :
– Quoi ?
– Emma, est-ce que tu l’aimes ?
Kate détourna le regard avant de hausser les épaules :
– On est amies.
– Ça ne répond pas à la question.
– Elle est un peu trop personnelle.
Cassie hocha légèrement la tête avant de baisser les yeux vers ses mains :
– Hmm, excuse-moi.
Kate releva les yeux vers elle avant de venir prendre place à ses côtés :
– Cassie, ce qui s’est passé ce soir, ce qui s’est passé avant avec Emma, il est hors de question que ça se reproduise.
– Je sais. Je suis désolée.
– C’est pas à moi que tu dois des excuses.
– Je sais, admit de nouveau Cassie en détournant le regard.
Kate glissa un doigt sous son menton et la força doucement à la regarder avant de supplier :
– Cassie, il faut vraiment que tu me promettes ça. Je suis à deux doigts de te faire renvoyer d’ici, et je n’hésiterai pas à le faire si tu continues de déconner comme tu le fais.
Cassie étudia longuement son visage avant de demander, un sourcil haussé :
– Qu’est-ce que tu comptes faire ?
– Je suis allée voir tes gardes du corps.
Cassie fronça les sourcils :
– Mes gar… ah, les jumelles.
– Hmm, je me suis dit qu’une petite visite pourrait m’être bénéfique, que je pourrais…
– …déterrer un truc bien juteux avec lequel me faire chanter ? Hmm, et alors ? Ça t’a été bénéfique ?
Kate pencha légèrement la tête sur le côté :
– On peut dire ça... mais c’est pas encore suffisant pour pouvoir te faire renvoyer. Alors j’ai pensé à autre chose.
– Ah ? Et... qu’est-ce que c’est ?
– Noël dernier.
Cassie fronça de nouveau les sourcils :
– Noël dernier… quoi ? demanda-t-elle, perplexe. Qu’est-ce que…
Des flashs de souvenirs apparurent soudainement dans son esprit et elle écarquilla soudainement les yeux avant de prendre une teinte légèrement cramoisie :
– Merde, je savais que cette histoire d’appareil photo était une très mauvaise idée, répondit-elle en frottant son visage de ses mains pour faire partir la rougeur, les images envahissant son esprit malgré elle.
Arcadie, la capitale. Mardi 24 Décembre 2002.
– J’aime pas, grimaça-t-elle.
Un sourcil sombre se haussa :
– T’aimes pas ?
– Non, pas du tout.
Debout devant son miroir, Kate laissa sa bretelle droite retomber nonchalamment sur son épaule avant de croiser de nouveau le regard bleu azur dans le miroir.
– Vraiment ?
– Définitivement, répondit Cassie depuis sa place sur le lit, le menton en appui sur ses doigts entrelacés, les coudes en appui sur ses genoux.
Kate laissa ses mains retomber de chaque côté de son corps tout en soupirant, sa peau frôlant légèrement le tissu doux et frais.
– Tu ne m’aides pas du tout là, Cass’.
Notant l’air désespéré qui habitait désormais le visage de Kate, Cassie se redressa afin de venir passer ses bras autour de sa taille et poser son menton sur son épaule.
– Je sais, mais cette robe ne te va pas du tout, on dirait… un sac à patates.
Kate haussa un sourcil avant de porter ses mains à ses hanches :
– Un sac à patates ? Eh bien merci, c’est gentil, répondit-elle sarcastiquement.
Cassie leva les yeux au ciel avant de sourire et de resserrer légèrement son étreinte :
– Pas toi. Tu es toujours magnifique, tu le sais, dit-elle en l’embrassant sur la joue. Le problème, c’est cette robe. Avoue qu’elle est…
– Hideuse ? Affreuse ? Horrible ? Moche ? Atroce ? Je sais, grimaça Kate en tripotant le tissu. Mais ma mère me l’a faite faire sur-mesure pour ce soir.
Cassie haussa un sourcil :
– Et il avait pris combien de verres notre cher Pablo quand il a pris les mesures ? Parce que cette robe serait parfaitement à ta taille si tu faisais quelque chose comme… vingt kilos de plus. Et encore.
Kate lâcha un rire avant de recouvrir les bras de Cassie de ses mains et les caresser d’un air absent :
– Je suis pressée d’être à ce soir, tu sais.
Notant le changement de ton dans la voix de son amoureuse, Cassie leva les yeux et observa son visage à travers le miroir :
– C’est la première fois que tu dis ça pour une soirée où nous ne serons pas que toutes les deux.
Elle plissa légèrement les yeux d’un air accusateur :
– Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de ma moitié ?
Kate eut un léger rire :
– Ma tante vient ce soir, elle a réussi à se libérer.
– C’est vrai ? s’étonna Cassie. C’est génial, je sais combien elle te manquait.
– Hmm, j’aimerais lui dire pour nous deux.
Kate sentit le corps derrière elle s’immobiliser puis entendit Cassie déglutir.
– C’est vrai ? demanda cette dernière d’une voix qui trahit aussitôt l’émotion qui la traversait.
– C’est vrai, acquiesça Kate. Je sais que ça ira, elle est différente.
Cassie lâcha un léger rire :
– Oh oui, je me souviens bien du dernier compagnon qu’elle a amené ici. Comment s’appelait-il déjà ? Mahoul, Mouhal ?
– Moulham, rit Kate.
– Ah oui, j’ai sincèrement cru que ton père allait y passer quand il l’a vu. Ta tante n’a vraiment peur de rien.
Kate haussa les épaules :
– Il ne peut rien y faire de toute façon.
– Hmm, tu es sûre de toi alors ? demanda Cassie en croisant son regard dans le miroir.
– Certaine, sourit Kate. Je crois qu’elle le sait déjà, en fait.
Les sourcils de Cassie grimpèrent aussitôt sur son front :
– Comment ça ?
– Elle m’a demandé trois fois de tes nouvelles au téléphone l’autre jour, puis elle m’a parlé d’un film que je devais absolument regarder, qu’elle était sûre que j’allais adorer. « I can’t think straight » ou un truc comme ça.
Elle se mordilla légèrement la lèvre inférieure :
– Je suis sûre que c’est gay.
Cassie écarquilla légèrement les yeux avant d’éclater de rire :
– Mon dieu, j’adore ta tante, répondit-elle collant son front contre la tempe de Kate. Elle t’a littéralement devancée dans ton coming out !
Kate grimaça légèrement avant de sourire :
– C’est plutôt bien, non ?
– Plutôt bien ? C’est génial, mon amour.
Kate sentit son sourire s’agrandir et elle tourna légèrement la tête afin d’embrasser Cassie, ses lèvres explorant un instant les siennes avant de reporter son attention sur le miroir :
– Elle va me tuer si je ne la mets pas, soupira-t-elle en désignant la robe.
– Non, pas si tu es magnifique, murmura Cassie au creux de son oreille. Et je sais exactement ce qu’il te faut pour ça, ajouta-t-elle en se dirigeant vers le dressing.
Kate la regarda disparaître à travers les doubles portes d’un œil intrigué avant de se retourner et s’assoir sur le lit en attendant. Le bruit de cintres glissant contre la barre de la penderie et de frottements de tissu lui parvint puis Cassie réapparut, un vêtement rouge entre les mains.
– Celle-ci, dit-elle en lui exposant la robe.
Kate l’observa un instant avant de reporter son attention sur Cassie :
– C’est celle de mon anniversaire.
– Je sais, répondit Cassie en l’étalant sur le lit. Et heureusement que tu l’as gardée, tu étais superbe dedans. Le rouge te va à ravir, ça fait ressortir ton joli regard et c’est parfait avec ta couleur de cheveux. Et puis les robes sans bretelle sont magnifiques sur toi. Alors ?
Kate sentit ses joues rougir et se racla maladroitement la gorge :
– Alors j’en dis que tu es géniale. Reste juste à espérer qu’elle ne réalise pas que je l’ai déjà portée une fois, grimaça-t-elle en se relevant.
– Kate, elle t’offre limite une robe par jour, tu crois sincèrement qu’elle s’en rendra compte ? C’est quoi cette lubie qu’elle a pour les tenues de soirée d’ailleurs ?
Kate posa ses mains sur ses hanches :
– Dixit la fille dont la mère demande sans cesse à ses domestiques d’astiquer son argenterie.
– Oh si elle savait ce qu’elles astiquent quand père est à la maison et qu’elle est absente.
Kate écarquilla les yeux avant de plaquer une main sur ses lèvres :
– Cass’, il est des images que je ne veux pas avoir en tête, d’accord ?
Cassie remua les sourcils avant de lui mordiller la paume de ses dents et Kate la libéra aussitôt dans un rire.
– D’accord, sourit Cassie désormais libre.
– Bien.
Kate lui mit une légère tape sur le bout du nez puis s’empara de sa nouvelle robe avant de faire de nouveau face à son miroir. Cassie, qui avait repris sa place initiale sur le lit, pencha légèrement la tête sur le côté tout en l’observant.
– Tu me disais géniale, c’est bien ça ? J’avoue, étant donné la vue que cela vient de m’offrir...
Kate, qui s’apprêtait à enfiler la robe rouge, s’interrompit et lui fit aussitôt face :
– Vicieuse, répondit-elle en plissant des yeux avant de sourire. Mais si mes souvenirs sont bons, t’as toi aussi une robe à enfiler, non ?
– Si, répondit Cassie en tapotant la housse qui se trouvait à ses côtés et recouvrait sa tenue de soirée. Mais la vue est bien plus intéressante.
Kate leva les yeux au ciel avant lui lancer la robe qu’elle venait de retirer :
– Pah ! s’exclama aussitôt Cassie en l’écartant. Beurk, même la matière est insupportable.
Elle croisa de nouveau le regard de Kate et elle leva les mains en signe de capitulation :
– D’accord, d’accord, je m’habille…
Elle retira son jean et son haut à manches courtes une fois debout puis commençait tout juste à sortir sa robe lorsqu’un flash éclaira soudainement la pièce. Surprise, elle tourna la tête en direction de Kate et l’aperçut aussitôt nonchalamment appuyée contre sa maquilleuse, un sourire satisfait sur les lèvres et un appareil photo entre les mains.
– Oh mademoiselle Katherine Alexandra De Lonay, vous allez regretter ce que vous venez de faire, menaça-t-elle en remuant un doigt vers elle.
Kate lâcha un rire tout en s’approchant :
– Désolée, je vérifiais juste qu’il marchait toujours et mon doigt a malencontreusement glissé sur le déclencheur, répondit-elle, les yeux brillant de malice.
– Bien sûr, répondit Cassie, son ton démontrant clairement qu’elle n’y croyait pas du tout.
Kate attendit qu’elle soit arrivée à sa hauteur avant de légèrement pencher l’appareil de manière à avoir une plongeante sur son corps seulement vêtu de ses sous-vêtements puis appuyer sur le bouton.
– Oups, désolée, sourit-elle lorsqu’un flash apparut une nouvelle fois dans la pièce.
– Non, tu ne l’es pas du tout, sourit Cassie en la prenant dans ses bras avant de l’embrasser avec douceur.
Kate passa une main à l’arrière de son cou pour approfondir le baiser et elle appuya à nouveau sur le déclencheur une fois sûre d’avoir bien cadré leur visage.
– Oh je vais adorer celle-ci, taquina-t-elle en se reculant légèrement.
Elle dirigea l’objectif sur leurs poitrines collées l’une contre l’autre et appuya à nouveau.
– Oooh et celle-ci aussi ! s’exclama-t-elle dans un rire.
– Kate ! s’exclama Cassie en essayant d’attraper l’appareil. Espèce de petite fauteuse de trouble !
– Oh non, non, non, non, non, répondit Kate en cachant à l’arrière de son dos. Je t’en prie Cass’, l’objectif t’adore, allez…
– Et c’est une raison pour me mitrailler dès que je suis en sous-vêtements ?
Kate posa un doigt sur son menton et fit mine de réfléchir avant de hocher frénétiquement la tête :
– Absolument !
Cassie secoua légèrement la tête :
– T’es pas possible, tu le sais ça ? sourit-elle avant de l’embrasser à nouveau. Mais lorsque deux personnes se trouvent en sous-vêtements, et ce, dans la chambre de l’un des deux partis, la dernière chose qu’elles ont envie de faire, c’est de prendre des photos..., murmura-t-elle contre ses lèvres tout en la poussant doucement vers le lit.
Kate se laissa lentement retomber sur le matelas avant d’entraîner Cassie avec elle, ses bras venant aussitôt s’entourer autour de son cou :
– T’es sûre ? Parce que j’aimais bien prendre des photos moi..., répondit-elle d’un air boudeur alors que Cassie mordillait la peau de son cou et descendait vers sa clavicule.
– Nuh-huh, crois-moi Kate dans moins de cinq minutes tu auras complètement abandonné l’idée, murmura Cassie contre sa peau tandis qu’elle se débarrassait de son soutien-gorge et qu’elle sentait Kate faire la même chose avec le sien.
Kate lâcha un léger rire :
– T’es sûre de toi ?, sourit-elle avant de prendre une inspiration profonde lorsqu’elle sentit l’une des mains de Cassie remonter le long de l’intérieur de sa cuisse.
– Kate, donne-moi cet appareil, ordonna Cassie tout en embrassant la courbe de son sein, savourant la sensation de sa peau contre ses lèvres.
Kate ferma les yeux, sa concentration rendue de plus en plus difficile :
– Pourquoi ? Tu veux les prendre toi-même ? demanda-t-elle, ses doigts se glissant d'eux-mêmes dans la chevelure claire afin de presser Cassie un peu plus contre son corps.
– Kaaaaate…
– Nooooon, répondit Kate d’une voix toute aussi traînante. Il doit rester assez de place pour une centaine de clichés, je n’arrêterai pas tant qu’il ne sera pas plein.
– Hmm, si ça continue comme ça, il va falloir que je m’attende à te voir débarquer en tenue de cuir, avec des menottes et un fouet, miss exhibitionniste, taquina Cassie tout en mordillant la peau de son nombril, sentant le corps sous elle se mettre à trembler avant que le rire de Kate n’envahisse la pièce et qu’un flash n’apparaisse à nouveau.
Une heure plus tard, l’appareil était complet.
Aujourd’hui.
– Tu es au courant qu’on est très peu vêtues sur ces clichés, pas vrai ? demanda Cassie.
– Je dirais même que l’on est pas du tout vêtues sur certains, répondit Kate dans un sourire diabolique. Tout l’intérêt est là.
Cassie secoua la tête, un léger rire s’échappant de ses lèvres avant qu’elle ne reprenne son sérieux :
– Ces clichés datent de plus d’un an, qu’est-ce que tu comptais en faire ?
– Tout d’abord, demander à Maria de me les envoyer.
– Maria ? Tu étais la seule qu’elle appréciait dans cette maison, elle travaille toujours pour tes parents malgré tout ?
– Mon paternel lui offre des croisières aux quatre coins du globe chaque année, bien sûr qu’elle travaille toujours pour eux, répondit Kate en lui offrant un regard appuyé. Et heureusement, elle est la seule à connaitre ma planque, pensa-t-elle sarcastiquement.
– C’est sûr que vu comme ça, grimaça Cassie. Et donc ? La suite du plan ?
– Les envoyer à ton père et à tous les grands journaux de la capitale avec un petit mot du style « Bons baisers de La Lumeda où l’on s’amuse comme des petites folles ».
Cassie écarquilla aussitôt des yeux avant de grimacer :
– Bien joué, ils m’auraient tuée pour ça. Bon sang, je me serais même tuée moi-même pour ça. Enfin, façon de parler.
– Hmm, ils t’auraient surtout sorti d’ici, c’est tout ce que je voulais.
– Tes parents auraient été prévenus aussi, Kate, lui répondit sérieusement Cassie.
Kate haussa les épaules avant de répondre :
– L’important, c’était que tu laisses Emma tranquille.
– En la privant de son amie au passage ? s’exclama Cassie avant de secouer la tête en signe de désaccord. Bon sang Kate, tu réfléchis pas parfois.
Kate haussa les sourcils :
– Il y a encore quelques minutes, tu la détestais, et maintenant, tu vas prendre son parti ? demanda-t-elle, incrédule.
Cassie grimaça :
– Ça ressemble à la quatrième dimension, hein ? Je ne la déteste pas, je la déteste pour tout ce qu’elle me rappelle, sans compter ce qu’elle a et que je n’ai pas.
– Cassie…
Cassie leva une main :
– Je sais, c’est stupide, et puéril, et tout ce que tu veux. Je la laisserais tranquille, c’est promis.
– Vraiment ? demanda Kate en étudiant son visage.
– Vraiment, assura sincèrement Cassie. Il te reste ces clichés si jamais tu veux réellement t’en assurer, ajouta-t-elle en détournant le regard.
Kate l’observa un long moment avant de se redresser :
– D’accord, répliqua-t-elle avant d’enfoncer maladroitement ses mains dans ses poches. Je vais y aller maintenant que, hmm, tout est réglé.
– Hmm, acquiesça Cassie tout en se levant à son tour. J’espère pour toi qu’Eva ne s’est pas endormie dans le couloir.
Kate qui avait commencé à se diriger vers la porte s’interrompit soudainement :
– Quoi ? demanda-t-elle en tournant la tête vers Cassie.
– Kate, je t’en prie, c’est elle qui nous aidait il y a un an, répondit Cassie en levant les yeux au ciel avant qu’un léger sourire ne se fraye un chemin sur ses lèvres. Laisse-moi deviner, elle était prête à entrer au premier cri ou verre brisé ?
Kate se sentit sourire à son tour :
– Oui, et c’est pas passé loin, grimaça-t-elle en désignant les poignets de Cassie sur lesquels une légère marque rouge était désormais visible. Désolée pour ça.
Cassie suivit son regard et haussa les épaules :
– On est en hiver, personne ne s’en rendra compte. Toi par contre, je ne t’ai pas loupée, grimaça Cassie en désignant la joue de Kate qui était désormais rouge et enflée.
– Bah, ça ira avec ma réputation, répondit Kate les yeux légèrement brillants. Et puis je l’ai méritée, reprit-elle plus sérieusement avant de baisser les yeux vers le sol. Je ne sais pas trop ce qui m’a pris.
– Je pense au contraire que tu le sais très bien, contra Cassie dans un léger sourire. Tu avais l’air plutôt remontée, et vu ce que j’ai pu faire à Emma... c’est plutôt compréhensible. Tu as toujours été une bonne amie, Kate.
Kate releva les yeux vers elle et un silence légèrement embarrassant les entoura avant que Cassie ne se racle maladroitement la gorge :
– Ecoute, je sais que… j’ai fait beaucoup d’erreurs, et que je suis très certainement la personne la moins chère à ton cœur à l’heure actuelle, mais… hmm, tu crois que… qu’il y aurait une chance pour que je retrouve ma meilleure amie un jour ?
Prise de court, Kate se contenta de l’observer avant de demander :
– C’est vraiment ce que tu veux ?
Elle vit Cassie hocher légèrement la tête et laissa son regard s’évader autour d’elle avant de l’observer à nouveau, hésitante :
– En toute honnêteté, je ne sais pas si je pourrais te faire confiance à nouveau, répondit-elle enfin. Ou si je pourrais oublier ce que tu as pu faire à Emma. C’est… une partie de moi à vraiment envie de t’étriper pour tout ce que tu lui as fait. Mais... mais ma meilleure amie me manque. Ça fait un an qu’elle me manque. Et j’ai envie de croire qu’elle est toujours là, quelque part.
Sentant l’émotion la gagner à nouveau, Kate s’interrompit et prit une inspiration tremblante avant d’ajouter :
– Mais je peux rien te promettre, parce que j’en sais rien. C’est plutôt très embrouillé là-dedans, termina-t-elle en désignant sa tête.
– Et il y a Emma, devina aussitôt Cassie lorsqu’elle vit Kate s’apprêter à reprendre la parole. Je comprends. Et je me doute qu’il va te falloir du temps, mais si tu pouvais y accorder juste un moment de réflexion au moins... je te demande juste ça, Kate. Je sais que je ne peux pas revenir en arrière, ni tout recommencer. Mais je te promets que si tu me donnes une seconde chance… je ferais tout pour ne pas te décevoir à nouveau.
Kate se mordit l’intérieur de la joue avant de hocher la tête :
– D’accord.
– C’est vrai ? s’étonna Cassie avant de sentir sa vue se brouiller lorsqu’elle vit Kate hocher la tête à nouveau. Merci, répondit-elle sincèrement avant de désigner la porte. Maintenant file avant qu’Eva ne s’impatiente et que Rachel n’ait une crampe à force d’être collée contre le battant à nous écouter.
Kate lâcha un rire tout en posant sa main sur la poignée :
– Oui, tu as surement raison, répondit-elle avant de lever les yeux vers Cassie. Bonne nuit, Cass’.
Cassie resta silencieuse pendant quelques battements de cœur avant de secouer légèrement la tête. Ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu ces trois petits mots sortir de la bouche de cette personne-là, pensa-t-elle intérieurement.
– Bonne nuit, Kate.
Kate hocha la tête d’un air entendu puis sortit de la chambre, se demandant intérieurement si elle avait vraiment pris la bonne décision tandis que dans sa tête, la même phrase tournait en une ronde incessante.
Comment vais-je expliquer tout ça à Emma, moi, maintenant ?