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⚢ Fictions lesbiennes ⚥
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Nouveauté :
  FTF, STF ou TTF ? MPLC ! (One-shot bonus Le Bunker) de Claire_em

Projets en cours :
  ❂ Errance en co-écriture avec Claire_em (20% - 90 pages).
  ❂
εξέγερση - L’Insurrection des Arcans (Troisième et dernière partie).

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⚢ Fictions lesbiennes ⚥

Claire-em

4 février 2015

Chapitre 16

Neva observait le large sans vraiment le voir, les yeux rougis d’avoir trop pleuré. Derrière elle, elle pouvait entendre les plaintes déchirantes que lâchait Skye, la seule à avoir encore des forces pour exprimer ouvertement sa douleur, mais Neva n’y prêtait pas attention.

Le champignon avait laissé place à un véritable brouillard de particules de poussière et de sable, rendant la visibilité presque nulle et elle accueillait avec reconnaissance ce semblant de solitude qu’il lui apportait.

Elle se sentait vide de l’intérieur.

Mia était morte.

June était morte.

Elle n’avait besoin de personne pour savoir qu’au fond, une part d’elle était morte elle aussi.

Elle avait presque maudit les pilotes lorsque l’hélicoptère avait touché terre, les sauvant in extremis, avant de se reprendre. La moindre perte de plus n’aurait fait qu’ajouter à son malheur. Et elle ne désirait cela pour personne.

Une main se posa sur son épaule, interrompant le cours de ses pensées, mais elle la sentit à peine.

– Nos véhicules se trouvaient trop loin pour être engloutis par le tsunami, commença Jack en s’asseyant à ses côtés. Le corps de troupe vient de nous rejoindre avec plusieurs bateaux pneumatiques. J’ai décidé d’aller inspecter l’endroit avec quelques-uns de mes hommes.

– Vous n’y trouverez rien, répondit Tegan, apparaissant à leurs côtés. Rien de vivant du moins, ajouta-t-elle difficilement, les yeux humides. On n’est même pas sûr qu’il reste une île.

Jack baissa la tête, les épaules affaissées.

– Je sais. Mais je ne peux pas rester là et... rien faire. S’il y a la moindre chance pour qu’elles soient –

– Y en a pas, coupa Neva en se redressant subitement. Et plus tôt tu l’accepteras, mieux ce sera pour tout le monde, ajouta-t-elle avant de s’éloigner.

Le ton dénué d’émotions dans lequel elle s’était exprimée fit plus de mal à Jack que ce qu’elle venait de lui dire, et il tendit une main dans sa direction mais fut aussitôt arrêté par Tegan. Celle-ci secoua simplement la tête lorsqu’il croisa son regard.

– J’y vais quand même, répondit-il. Je peux pas rester là sans...

– Je sais, coupa Tegan en prenant une de ses mains dans la sienne, avant de lever les yeux vers lui. Elle te pardonnera, pour cette nuit, tu sais ? On sait tous que tu nous as sauvé la vie. Accorde-lui juste un peu de temps.

Jack se passa une main sur le visage avant de hocher la tête. Il l’embrassa sur le front.

– File rejoindre les autres dans le bunker, toute cette poussière, c’est bon pour personne.

Tegan acquiesça et il l’observa s’éloigner après un faible signe de la main. Une fois hors de vue, il fit demi-tour et s’enfonça dans la brume. Ses soldats surveillant les environs, il ne fut pas surpris lorsqu’une ombre apparut quelques mètres devant lui, et commençait à la rejoindre lorsque la silhouette se mit à tituber. Il se précipita pour l’aider, avant de se figer une fois qu’il l’eut identifié.

Un seul mot passa la barrière de ses lèvres dans un cri monumental :

– NEVA !!!

💕

A l’autre bout du campement, le hurlement fit l’effet d’une décharge électrique. Neva, qui s’apprêtait à trouver refuge au sein du bunker, se mit aussitôt à courir en direction du bruit, Tawny, Tegan et Skye sur les talons. Arrivée sur place, elle détailla la scène d’un regard affolé, la respiration saccadée, avant de se laisser tomber à genoux tout en portant une main à ses lèvres. Ses yeux se remplirent à nouveau de larmes lorsqu’une voix qu’elle pensait ne plus jamais entendre prononça :

– Alors, qu’est-ce que ça fait d’être la mère d’une véritable bombe atomique ? taquina June malgré son grand état de fatigue.

Elle venait tout juste de tomber à même le sol lorsque Jack les avait rejointes, et il était désormais installé derrière elle afin de la soutenir, elle et Mia qui somnolait dans ses bras.

Neva lâcha un rire.

– A toi de me le dire, tu l’as mise au monde, rétorqua-t-elle, glissant une main dans les longs cheveux de Mia. Comment va-t-elle ?

– Exténuée, mais ça ira, répondit June avec difficulté, comme si le simple fait de parler puisait dans le peu d’énergie qu’il lui restait. Donne-nous juste le temps de recharger nos batteries, et on sera comme neuves, sourit-elle.

Quasiment nues, chacune était recouverte d’un mélange de suie, de poussière et d’égratignures, et Neva s’approcha afin d’embrasser sa fille sur le front, comme si elle avait besoin du contact pour s’assurer de la véracité de ce qu’elle voyait.

Elle appuya ensuite son front contre celui de June.

– Ne me refais plus jamais, jamais, un coup pareil, défia-elle, les larmes montant à nouveau.

June l’embrassa furtivement, l’émotion la gagnant elle aussi.

– Promis.

Neva sut à la simple réponse, dépourvue d’humour, que June était vraiment fatiguée et elle s’écarta, laissant à Tawny le soin de prendre Mia dans ses bras tandis que Jack s’occupait de June. Ils s’apprêtaient à regagner le bunker lorsque Mia ouvrit péniblement les yeux et les regarda tour à tour, visiblement épuisée, avant de sourire.

– Alors ça... c’était trop cool.

La surprise céda rapidement la place à l’incrédulité et tous se mirent à rire, Tegan s’approchant afin de prendre l’une des mains de l’adolescente dans les siennes.

– Y a pas de doute, c’est bien le sang de June qui coule dans ses veines ! taquina-t-elle, arrachant de nouveaux sourires enjoués.

Elle s’écarta afin de céder la place à Skye et les laissa partir devant, puis fit de nouveau face à Jack, June et Neva.

– Bon, et maintenant ?

Neva dévia son regard vers les soldats et les Arcans qu’elle pouvait sentir évoluer autour d’eux et elle afficha un sourire.

– Maintenant... on reprend nos forces, on rejoint l’armée, et on met fin à l’Elite pour de bon.

Ils s’observèrent tour à tour avant de prononcer d’un commun accord :

– Amen !

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4 février 2015

Epilogue

📎Annexe 4

Annexe 4

Holy Cross – Six mois plus tard.

Située au cœur même de la ville, la base militaire recouvrait une superficie de plus de 100 hectares, enterrée à 150 mètres de profondeur sous plusieurs tonnes de granit. Véritable fortification souterraine pouvant résister à une attaque nucléaire, chimique et bactériologique, dont l’accès était gardé en permanence par 150 commandos, elle représentait une véritable petite ville habitée par près de 700 Hommes. Composée d’immenses couloirs, de sas de protection avec porte blindée d’une épaisseur impressionnante, elle se divisait en deux immeubles de quatre étages, d’installations de commandement, d’une cafétéria, d’une salle de repos, d’une salle de relaxation et d’une infirmerie.

C’était dans cette dernière que Neva se trouvait à présent.

Allongée sur le ventre sur une table d’examen, elle grimaçait.

– Ça fait mal, se plaignit-elle pour la énième fois.

– C’est censé faire mal, rétorqua aussitôt June, un sourire évident dans la voix.

Si son pouce ne faisait pas d’allées et venues sur le dessus de sa main, Neva lui aurait pincé la première partie de son corps qu’elle aurait pu atteindre.

– Attends d’accoucher pendant vingt-trois heures, là tu sauras réellement ce que c’est la douleur, déclara Tegan, confortablement assise dans l’un des fauteuils longeant le mur.

Les yeux rivés sur le bébé qu’elle tenait entre ses bras, Neva était certaine qu’elle ne réalisait pas combien elle souriait bêtement tandis qu’elle le nourrissait au sein. 

– Vous en êtes où pour le prénom ? demanda-t-elle, baissant les yeux vers le nouveau-né.

Tegan se trouvant juste en face d’elle, elles étaient les seules qu’elle pouvait voir dans la pièce ; Kayla, la tatoueuse, émettait un « tcht » réprobateur à chaque fois qu’elle tentait de regarder ailleurs.

Tegan redressa aussitôt la tête, un sourire encore plus large sur les lèvres.

– Maëlys.

Neva haussa les sourcils.

– Vous l’avez nommée ainsi en l’honneur de Mama ? s’étonna-t-elle, attendrie par le geste.

– Jack ne voulait pas que je me sente forcée d’accepter quand il l’a proposé, mais je trouvais ça parfait, acquiesça Tegan.

– Hmm. T’as eu de la chance qu’il ne propose pas « Pea », en tout cas, ricana Neva pour elle-même.

Tegan plissa des yeux.

– C’est son deuxième prénom, répondit-elle, puis elle demanda lorsqu’elle vit Neva rougir. Neva, il vient d’où, ce prénom ?

– De son ami imaginaire ? grimaça Neva, désirant soudainement quitter la pièce.

Tegan haussa les sourcils.

– Il a nommé mon bébé d’après une amie imaginaire ? répéta-t-elle, incrédule.

– Oui, enfin, celle qu’il avait quand il était petit, expliqua rapidement Neva. Et puis, vois le bon côté des choses, il l’a nommée d’après les deux personnes qui ont le plus compté dans sa vie.

Elle ajouta lorsque Tegan plissa à nouveau les yeux.

– A part toi, je voulais dire, balbutia-t-elle avec rapidité. Parce que, enfin, avoue que ça ferait bizarre d’avoir deux « Tegan », le pauvre, il s’emmêlerait vite les pinceaux.

Elle serra douloureusement la main de June lorsque cette dernière ricana à ses côtés.

– Elle a pas tort, rétorqua June, loin d’être dérangée. Imagine-le en plein cœur de l’orgasme, ça te ferait pas bizarre de l’entendre hurler un nom que tu partages avec ta fille ? taquina-t-elle.

Tegan recouvrit aussitôt les oreilles de Maëlys.

– Il n’y a que toi pour parler de sexe dans un moment pareil, soupira-t-elle en roulant des yeux. Et puis d’abord, qui a dit qu’on avait prévu de recoucher ensemble ? taquina-t-elle.

– Oh je t’en prie, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, grimaça Neva. Si ses frères n’étaient pas là pour lui rappeler ses obligations militaires, il resterait collé à toi H24 ! Et on sait tous que l’idée serait bien loin de te déplaire.

Tegan sentit ses joues s’enflammer.

– Oui ben en même temps, entre toi et June qui ne vous lâchez plus, et Skye et Mia qui passent tous leur temps ensemble, j’avais pas vraiment le choix, marmonna-t-elle, souriant néanmoins.

Elle savourait chaque moment passé avec Jack, mais elle n’allait certainement pas l’admettre à voix haute ; Neva et June aimeraient trop ça.

Ces dernières se contentèrent cependant de l’observer avec contentement. Ils avaient tous failli perdre un être cher ce jour-là, lorsque Mia avait dévoilé son véritable pouvoir. En conséquence, ils s’étaient tous beaucoup rapprochés depuis, chacun cherchant à profiter à fond de ce qui avant failli ne plus être. 

Et d’une certaine façon, même si leur association avec l’armée leur offrait une sécurité en plus, l’Elite n’en restait pas moins redoutable.

Dieu seul savait de ce qui allait pouvoir advenir demain.

Mais leur acharnement, lui, était toujours aussi grand. Si bien qu’une nouvelle bataille se préparait, contre un centre ennemi de taille moyenne situé à quelques centaines de kilomètres. Une première étape qui, chacun le savait, allait les mener vers bien d’autres.

Jusqu’au, ils l’espéraient, coup final.

– Et voilà, c’est fini, déclara Kayla, essuyant une dernière fois la nuque de Neva avant de commencer à ranger son matériel.  

Neva se redressa, étirant ses muscles endormis. La plupart des membres de leur petite bande étant tatoués, elle avait longtemps délibéré avant de finalement se décider à sauter le pas elle aussi. Le choix du dessin avait été vite fait, sauf que contrairement à June, elle avait été loin d’être ivre au moment de le faire savoir...

Kayla lui tendit un miroir à main qu’elle plaça devant son visage, et Neva attendit que cette dernière en positionne un second derrière sa tête, avant de sourire lorsque l’œuvre lui apparut.

– Parfait.

Le regard rivé sur sa nuque, June et Tegan acquiescèrent aussitôt.

– Notre Reine des Glaces enfin marquée à son tour, et ce du symbole des Arcans, sourit Tegan. Une date qui restera à jamais gravé dans nos mémoires...

June consentit tout en frôlant l’image du bout des doigts.

Sur la peau légèrement rougie, en couleur, résidait désormais un pélican, confortablement installé dans son nid, en train de nourrir ses petits.

 

 

- FIN -

 

 

 

Glossaire :

 

2015–2017 => insurrection

2030 => de nos jours

 

Neva & June => 30 ans

Les garçons => 35 ans

Tegan et Tawny => 34 ans

Mia => 13 (presque 14 ans)

Skye => 16 puis 17 ans

Mathis => 8 ans

 

 

N'hésitez pas à nourir l'auteure, faites-lui savoir ce que vous avez pensé de son histoire !

4 février 2015

Chapitre 15

Une fois à l’intérieur de la prison, June trouva Neva dans la pièce menant au sous-sol. Avec Jess et Sara, elles se démenaient afin d’évacuer le plus de réfugiés possible en les dirigeant vers le tunnel qui les conduirait sur le continent. Semblable à la cavité abritant les bains à remous, il s’étendait profondément sous la surface de l’eau sur au moins trois kilomètres, et débouchait dans un immense bunker vieux de cent ans. Construit par des sympathisants nazis faisant partie des Silver Shirt, une organisation américaine supportrice du fascisme, il était censé accueillir Hitler afin qu’il puisse continuer à diriger le monde une fois ses ennemis vaincus.

Neva n’aurait jamais pu penser qu’un endroit aussi sordide allait une nouvelle fois leur servir de refuge.

– Hé, ça va ? demanda June en posant une main sur l’épaule de Neva.

Elle eut à peine terminé sa phrase que cette dernière s’était déjà jetée sur elle, l’enlaçant avec force. Puis June fut surprise de la voir s’écarter et grimaça lorsque Neva la frappa violemment à l’épaule.

– Ne t’avise plus jamais de refaire ça ! s’exclama Neva, à la fois énervée et soulagée de voir que June n’avait rien.

– Quoi ? Me faire assommer à mon insu ? rétorqua June dans un sourire. Marché conclu.

Neva répondit malgré elle à son sourire avant de la serrer à nouveau dans ses bras.

– Je suis contente que tu n’aies rien. J’étais prête à aller te chercher quand Soann m’a dit qu’ils t’avaient repérée au loin.

Elle relâcha un soupir tout en s’écartant légèrement.

– Je savais bien que rien ne pourrait t’arrêter, taquina-t-elle faiblement, souriant avec affection.

– T’as bien raison, rétorqua June dans un clin d’œil. Qu’est-ce que tu as fait de celle qui s’est fait passer pour moi ?

Neva désigna l’arrière de la pièce du menton et June alla s’accroupir devant la forme assise à même le sol, affalée contre le mur. 

– Elle s’est... éteinte ? Quand elle a entendu que tu arrivais. On a rien pu en tirer depuis.

June détailla un instant le corps sans vie, puis prit une moue pensive avant de lever les yeux vers Neva.

– Je savais que j’étais sexy mais à ce point-là..., taquina-t-elle, poussant Neva à rouler des yeux.

Elle se redressa lorsque Soann entra dans la pièce.

– Sara, Jess, j’ai besoin de vous à l’autre bout du tunnel. Avec un peu de chance, l’ennemi n’aura pas découvert le bunker. On risque cependant d’avoir pas mal de blessés de ce côté-ci, tenez-vous prêtes à les accueillir.

Les deux femmes hochèrent la tête avant de dévaler les marches de l’imposant escalier en béton et Soann porta son attention sur Neva et June.

– J’ai besoin de vous deux sur le flanc Ouest de l’île. Tawny nous y attend déjà.

Elle commença à partir avant de s’interrompre et lever les yeux vers Neva.

– La décision te revient, mais Mia pourrait nous être d’une grande aide.

Neva se mordit l’intérieur de la joue, tiraillée entre l’envie de la mettre à l’abri, et celle de la garder près d’elle.

– Et Mathis ? répondit-elle à la place. Skye ?

– Je m’en occupe, déclara Tegan en entrant dans la pièce, le petit bonhomme recroquevillé contre son épaule. Skye viendra avec moi. Bonne chance pour les séparer elle et Mia, ajouta-t-elle, pince-sans-rire.

Soann hocha la tête.

– Allons-y.

Et elles partirent en courant.

💕

Arrivée au bord de l’île, Neva sentit sa respiration se couper face aux imposants navires qu’ils pouvaient apercevoir au loin, énormes masses sombres se dégageant dans la nuit, et elle regretta aussitôt de ne pas avoir fait évacuer Mia avec les autres réfugiés. Elle fut cependant reconnaissante que Tawny soit resté avec l’adolescente, légèrement en retrait, sous le hall d’un vieux bâtiment qui devançait l’une des tours de garde.

Ses craintes furent interrompues lorsque June marmonna à côté d’elle :

– On doit les empêcher d’approcher l’île.  

Soann, qui l’avait elle aussi entendu, s’accroupit aussitôt au bord de l’eau, y plongea les mains, et envoya une violente décharge dans la mer. Elle attendit quelques secondes puis se redressa lorsque chacun des navires fut plongé dans le noir.

– J’ai grillé leurs systèmes, mais ça ne les retiendra qu’un temps, dit-elle en se frottant les mains.

June prit un air pensif, un doigt sur le menton, avant de regarder Neva.

– Tu penses que tu serais capable de geler la mer ?

Neva écarquilla aussitôt les yeux.

 – Je... mais... c’est... c’est pas la mer là June, c’est l’océan pacifique ! s’exclama-t-elle finalement. Comment veux-tu que –

– Les navires sont encore loin, mais pas tant que ça, l’interrompit Soann, visiblement emballée par l’idée. A découvert, sur une aussi longue distance, on aura beaucoup plus de chances de les stopper avant qu’ils n’atteignent l’île. Sans compter qu’on ne sait pas quel genre d’artillerie ils peuvent avoir dans leurs navires.

Elle observa Neva sans sourciller, le ton pressant.

– Neva, tu dois essayer. S’ils approchent...

– O.K., O.K. ! s’exclama Neva en s’agenouillant, les mains légèrement tremblantes. On parle quand même de plusieurs centaines de mètres, je ne sais pas si...

– Essaye juste, O.K. ? répondit June en s’accroupissant à ses côtés. Si ça ne marche pas, on avisera.

Neva hocha la tête puis retira son collier avant d’imiter les gestes que Soann avait eus plus tôt, plongeant ses mains dans l’eau tiède. Malgré la tension palpable et les regards qu’elle pouvait sentir posés sur elle, cette dernière baissa aussitôt en température, avant de se transformer en glace et tous retinrent leur souffle lorsqu’elle se rapprocha lentement mais sûrement des navires.

De longues secondes s’écoulèrent avant qu’une série de craquements sinistres ne retentissent.

– C’est bon, la glace les encercle, déclara Soann.

– Non, répondit Neva, légèrement essoufflée. Elle est encore trop fine, je dois la renforcer si on veut...

Sa respiration se fit plus difficile et June lui massa le dos, frustrée de ne pouvoir rien faire de plus.

– Ça va aller ?

Neva hocha la tête.

– C’est juste... j’ai l’impression que quelqu’un lutte de l’autre côté, souffla-t-elle.

– Ils ont dû emmener leurs propres Arcans, déclara June, jurant entre ses dents.

– Raison de plus pour les maintenir à distance, enchaîna Soann d’une voix sombre.

Ils attendirent encore un peu, observant les volutes de fumée qui s’élevaient progressivement de la glace, avant de se figer lorsque la terre se mit à légèrement vibrer sous leurs pieds.

– Bordel, c’était quoi ça ? s’exclama Tawny tandis qu’ils regardaient tous autour d’eux.

– Ils ont dû atteindre l’île de l’autre côté, rétorqua Soann, lançant une série d’invectives.

Elle n’avait aucune envie de voir leurs pouvoirs de près.

– Ce sera le dernier de nos soucis si eux nous atteignent, s’exclama June, pointant du doigt vers les étoiles. Ils vont nous attaquer par les airs !

Elle eut à peine terminé sa phrase que Soann avait déjà commencé à tirer sur les avions à peine invisibles, si ce n’était par les lumières clignotantes qu’ils émettaient, et Tawny entraîna Mia à l’intérieur du bâtiment en espérant qu’il suffise à les protéger. La terre se mit de nouveau à trembler, et tous comprirent que le reste de l’île était également assiégé.

– On peut pas rester là, il faut qu’on se mette à couvert ! s’écria June lorsqu’un missile tomba non loin d’eux, faisant exploser la glace que Neva s’efforçait de renforcer.

Cette dernière choisit justement ce moment pour s’effondrer à même le sol et June s’alarma lorsqu’elle vit un filet de sang couler de son nez. Elle voulut la prendre dans ses bras mais Soann lui intima de continuer à tirer et elle obéit seulement lorsque Tawny vint la soulever dans ses bras après lui avoir remis son collier.

Il s’apprêtait à la mettre à l’abri lorsqu’un reflet sur la glace attira son regard et il se figea sur place.

– Qu’est-ce...

Une explosion l’interrompit, éclairant soudainement le ciel et il observa les restes de l’un des avions ennemis venir heurter la glace une centaine de mètres plus loin, disparaissant ensuite dans l’océan. Un autre connut le même sort, puis un autre, et June et Soann cessèrent de tirer, abasourdies.

Quelqu’un était en train de décimer les appareils ennemis, juste sous leurs yeux.

Au même moment, une série de chars d’assaut et de véhicules blindés apparurent au loin, se faufilant sur la glace entre les navires, suivis d’hélicoptères de combat qui les mitraillèrent. June et Soann ainsi que le reste de la bande s’écartèrent instinctivement lorsque l’un d’eux s’éloigna du lot et que son faisceau lumineux s’arrêta sur eux. La main en visière pour se protéger les yeux, ils le virent voler sur place, juste au-dessus d’eux, puis un homme laisser tomber une corde avant de commencer à descendre.

Arrivé en bas, il leva aussitôt les mains en signe d’apaisement, puis sourit franchement lorsque son regard croisa celui de June.

– Hé sœurette, tu croyais quand même pas qu’on allait vous laisser vous amuser sans nous quand même ?

June sentit aussitôt sa mâchoire s’affaisser, détaillant sa tenue militaire de la tête aux pieds, avant de sauter dans ses bras.

– Jack ! Mais... comment... quand...

– Disons que l’Elite n’était pas la seule à opérer en secret, rétorqua-t-il dans un clin d’œil. Mais on ferait mieux de bouger d’ici, ces bâtards sont peut-être moins nombreux que nous, mais ils sont vicieux. 

– Donc quand tu dis « nous »...

– Je parle de l’armée américaine, acquiesça Jack avant de froncer les sourcils lorsque son regard tomba sur Neva, à peine consciente dans les bras de Tawny.

Il fut près d’elle en trois enjambées.

– Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il, alarmé.

– Elle a un peu trop puisé dans ses pouvoirs, répondit Tawny. Ça va aller.

Jack hocha la tête avant de faire signe à l’hélicoptère de se poser.

– Préparez-vous à grimper ! hurla-t-il pour se faire entendre à travers le bruit des hélices et du vent. 

Soann accourut et progressivement, ils montèrent à l’intérieur de l’engin. Une fois tout le monde à bord, Jack s’apprêtait à refermer la porte lorsque Neva hurla, malgré son manque de force :

– Mia !

Tous regardèrent autour d’eux, et June relâcha un soupir de soulagement lorsqu’elle la vit à quelques mètres de l’hélicoptère, avant de réaliser qu’elle était en feu.

– Merde, jura-t-elle au sautant de l’appareil.

Elle posa ses mains sur les épaules de l’adolescente une fois arrivée à sa hauteur.

– Mia, il faut que tu te calmes. C’est fini maintenant, Jack va nous emmener loin d’ici, O.K. ?

Mia secoua frénétiquement la tête.

– Je peux pas, June. Ça arrête pas d’augmenter. Je peux pas l’arrêter !  

– Quoi ? Comment ça « ça augmente » ? répondit June avec confusion.

Le feu qu’émettait Mia sembla gagner en intensité et June retira aussitôt ses mains. Le feu ne l’avait pas brûlé, mais elle avait clairement senti que la chaleur avait augmenté d’un cran et elle avait du mal à regarder Mia en face tellement la lumière devenait aveuglante.

Puis, la prise de conscience la frappa, et elle se revit quatorze ans en arrière, alors qu’elle venait tout juste d’accoucher.

 

Tout juste après avoir révélé le nom du bébé auprès de la sage-femme, June fut surprise de voir un adolescent apparaître soudainement à l’entrée de la pièce, la tenue en papier qu’il portait partiellement déchirée, une vilaine entaille à l’arcade gauche. Elle eut à peine le temps de lâcher un hoquet de surprise que les gardes le maîtrisaient déjà, et fut étonnée de le voir se débattre avec acharnement, le regard fixé sur le nouveau-né.

– Lâchez-moi ! C’est mon bébé aussi !

June haussa les sourcils, peu sûre d’avoir bien entendu. Affolées, les sages-femmes ne semblaient pas savoir comment réagir, mais la sage-femme en chef prit rapidement les choses en main :

– Emmenez le bébé, ordonna-t-elle avant de s’adresser aux gardes. Mais qu’est-ce qu’il fait là ? Il est censé être en quarantaine !

L’adolescent suivit le nourrisson du regard jusqu’à ce qu’il ait disparu dans une pièce adjacente, puis reporta son attention sur la sage-femme en chef tout en se débattant encore plus violemment, jusqu’à ce qu’une énergie blanche semble soudainement émaner de lui.

– Qu’est-ce qui se passe ? demanda l’une des infirmières, visiblement apeurée.

La sage-femme en chef sembla hésiter avant d’ordonner aux gardes :

– Tuez-le.

Ces derniers la regardèrent avec hésitation.

– Tuez-le, ou il nous détruira tous !

Les gardes l’emmenèrent et June vit la lumière s’accentuer, avant de soudainement disparaître au moment même où un bang ! résonnait dans les airs.

 

June avait à peine repris pied avec le présent qu’elle s’était tournée vers l’hélicoptère, hurlant à pleins poumons :

– Foutez le camp ! Maintenant !

Elle ne sut si c’était l’entraînement militaire de Jack où la façon désespérée dans laquelle elle s’était exprimée mais ce dernier obéit aussitôt, claquant la porte d’un coup sec, et June sut qu’elle n’oublierait jamais les cris de panique que Neva avait aussitôt lâchés.

Une fois dans les airs à plusieurs kilomètres de distance, un éclair aveuglant suivi d’un champignon atomique qui s’étendait progressivement sur le paysage éblouirent les passagers de l’hélicoptère. La trace de l’onde de choc les frappa quelques secondes plus tard, l’hélicoptère se mit à remuer dans tous les sens, et un sifflement assourdissant emplit l’air, les pilotes s’écriant qu’il fallait à tout prix atterrir.

Puis tout devint noir.

4 février 2015

Chapitre 13

Le soleil était couché depuis un moment lorsqu’elles atteignirent enfin la prison, et Neva tira l’arrière du t-shirt de June lorsque celle-ci chercha à s’éloigner alors qu’elles étaient à peine arrivées.

– Hé, tu m’abandonnes déjà ? demanda-t-elle, mi-taquine, mi-incertaine.

Elle, qui pensait jusque-là que leur tête-à-tête les avait rapprochées, ne comprenait pas le comportement soudain de June.

– J’ai un truc à faire, répondit cette dernière, tandis qu’elle détaillait la prison d’un regard aiguisé. Je te retrouve tout à l’heure.

– O.K.... hé et mon bisou alors ? s’exclama Neva lorsque June commença à partir.

Cette dernière l’embrassa furtivement, plus un smack qu’autre chose, et Neva resta bêtement là à l’observer s’éloigner.

Jusqu’à ce que Mia apparaisse soudainement en face d’elle, les bras croisés sur la poitrine.

– T’as rien à me dire ? demanda l’adolescente dans un air renfrogné.

Neva cligna des yeux à plusieurs reprises.

– Hein ? balbutia-t-elle avant de secouer la tête afin de s’éclaircir les idées. Attends, tu devrais pas être couchée toi ? Il doit être pas loin de minuit passé là.

– Dit-elle pour éviter de parler du baiser qu’elle vient d’échanger avec June, se moqua gentiment Mia.

 Neva se sentit aussitôt rougir. Elle glissa nerveusement une mèche de cheveux derrière ses oreilles.

– Mia –

– Quand on sait qu’elle fait tout un pataquès de ma relation avec Skye, maugréa l’adolescente.

Ce fut au tour de Neva de prendre une position de confrontation.

– June est majeure, ce que je peux difficilement dire pour toi et Skye, et on a quasiment le même âge, ce que, une fois encore, je peux difficilement dire pour toi et Skye ! rétorqua-t-elle.

– Reste que tu fricotes avec ma mère biologique. Tu ne t’es jamais dit que ça pourrait me poser problème ? renchérit Mia, les yeux plissés.

Neva se retrouva bouche bée.

– Mia... c’est... je...

Ses balbutiements cédèrent subitement lorsque Mia éclata de rire. Elle l’observa avec étonnement, puis avec suspicion.

– Tu as bu ?

– Non, répondit Mia, tentant vainement de se calmer. Mais tu aurais vu ta tête. Je me doutais qu’il y avait anguille sous roche vu le temps que vous passiez ensemble, et Tegan qui évitait le sujet à chaque fois que je posais la question. Mais j’ai pas pu résister quand je vous ai vues. L’occasion était trop belle, s’amusa-t-elle.

– Mouais, reste que j’aurais préféré que tu attendes d’être un peu plus âgée pour fréquenter Skye, marmonna Neva avant de se mordre la lèvre. Donc June et moi... ça ne te dérange pas ?

Mia haussa les épaules, désormais plus en retenue.

– Maintenant que je sais qu’elle n’a jamais voulu nous séparer toi et moi, non... Du moment que tu es heureuse, c’est tout ce qui m’importe.

Neva la prit dans ses bras, écartant légèrement ses mèches brunes afin de l’embrasser sur le front.

– Je le suis, assura-t-elle. Et c’est aussi pour ça que je ne m’oppose pas à ton histoire avec Skye, admit-elle.

Mia s’écarta légèrement afin de pouvoir croiser son regard.

– Tu sais que tu peux nous faire confiance, pas vrai ? Notre histoire... c’est vraiment sérieux. Je te promets qu’on ne fait pas n’importe quoi.

– Je sais, répondit Neva.

Elle l’embrassa une dernière fois sur le dessus de la tête puis commença à s’éloigner avant de se raviser.

– Enfin, du moment que je ne trouve pas d’autres chats tatoués quelque part sur ton corps..., feignit-elle de menacer les yeux plissés.

Elle fut ravie de voir Mia rougir jusqu’à la racine de ses cheveux.

💕

Neva regagnait tout juste sa cellule lorsque des bruits de voix lui parvinrent depuis celle de Tegan, et elle ne put s’empêcher de tendre l’oreille.

– ...je te le dis Jess, y a un truc qui cloche. Il n’aurait jamais dû rester aussi longtemps.

– Tegan, c’est justement quand il part qu’il y a truc qui cloche, tu sais ? soupira la doctoresse.

Tegan gémit ouvertement.

– Pas chez moi. Tu peux me dire ce que je vais faire avec un bébé ? J’ai même pas –

Neva inspira soudainement, surprise par ce qu’elle venait d’entendre, et elle sut aussitôt qu’on l’avait entendu lorsque le rideau s’ouvrit dans un geste brusque.

– Vous êtes rentrées ? s’étonna Tegan.

– T’es enceinte ? balbutia Neva, les yeux rivés sur son abdomen.

– Temporairement, marmonna Tegan, croisant les bras sur sa poitrine.

– Parce qu’une grossesse dure neuf mois, répondit Jess en apparaissant à ses côtés. Tegan a du mal à se faire à l’idée que d’ici six mois...

– D’ici six mois rien du tout ! coupa Tegan en se couvrant les oreilles. Je ne peux avoir de bébé, c‘est impossible. Tu le sais bien.

Jess s’empara de ses poignets afin d’écarter ses mains.

– Bien sûr que si, dit-elle, ses yeux bleus rivés dans les siens. Les conditions sont loin d’être les mêmes. A l’époque, tu n’étais rien de plus qu’un rat de laboratoire victime d’expérimentations, ce qui a pu fortement jouer sur tes fausses couches. Aujourd’hui... bébé est en excellente santé et trouve ton utérus tout ce qu’il y a de plus confortable, sourit-elle, dévoilant deux fossettes.

Tegan afficha une grimace digne d’un enfant sur le point de faire un caprice. Neva s’attendait même à la voir taper du pied.

– Je ne peux pas avoir de bébé, je ne veux pas avoir de bébé. On est dans un climat de guerre, il aura même pas de papa et –

– Je croyais que tu savais qui c’était ? rétorqua Jess, les sourcils haussés.

– Savoir qui il est et le joindre sont deux choses différentes, grogna Tegan, les dents serrées.

Le regard de Neva passa de l’une à l’autre.

– Attends, parce qu’il n’est pas d’ici ? demanda-t-elle, avant de faire un calcul rapide. Ça veut dire que... oh mon Dieu, c’est Jack ? s’exclama-t-elle en levant les yeux vers Tegan.

Tegan hocha imperceptiblement la tête et Neva porta aussitôt ses mains à ses lèvres.

– Tu vas avoir le bébé de Jack... tu dois lui dire, lâcha-t-elle sans réfléchir. Si tu es enceinte de lui, il a le droit de savoir. C’est... c’est...

– Impossible, rétorqua Tegan. Au cas où tu l’aurais oublié, l’époque des pigeons voyageurs est révolue depuis longtemps. On n’a pas la moindre idée d’où ils se trouvent, sans compter qu’on a d’autres chats à fouetter et plus important encore, j’ai jamais dit que je le voulais ce gamin !

Neva lui offrit un regard appuyé, un sourcil haussé.

– C’est un peu tard pour ça, répliqua-t-elle avec ironie.

– Je peux toujours mettre un terme à la grossesse, marmonna Tegan, les yeux plissés.

– Et tu comptes faire ça comment ? s’exclama Neva avant de suivre le regard de Tegan quand il se posa sur Jess.

Son regard passa de l’une à l’autre avant qu’elle ne s’exclame lorsqu’aucune ne daigna répondre :

– Tu déconnes ? Tu ne peux pas faire ça, ce serait... ce serait... un meurtre ! Jack ne te le pardonnerait jamais.

Tegan haussa les sourcils.

– Aux dernières nouvelles, c’est pas parce qu’il m’a donné quelques orgasmes qu’il a tous les droits sur mon corps. Quant au reste, tu peux arrêter de paniquer, soupira-t-elle en se passant une main dans les cheveux. Je serais incapable de faire ça.

Neva sentit ses épaules s'affaisser de soulagement. Elle s’apprêtait à répondre lorsque du mouvement aperçu du coin de l'œil attira son attention et elle fronça les sourcils quand elle vit June inspecter chaque cellule de la rangée d’en face.

– Qu’est-ce qu’elle fabrique ? murmura Tegan, visiblement amusée.

– J’en sais rien, elle a cessé d’être elle-même depuis qu’on est revenues, répondit Neva, les yeux rivés sur June.

Elle commençait tout juste à mettre le doigt sur ce qui clochait lorsqu’une main agrippa fermement son épaule.

– C’est parce que ce n’est pas June, siffla Tegan entre ses dents, la tension émanant de son corps.

Neva comprit aussitôt ce qui lui avait mis la puce à l’oreille.

Le bras droit de June était vierge de tatouage.

4 février 2015

Chapitre 14

Quand June reprit connaissance, ce fut pour grimacer face à la violente migraine qui lui martelait les tympans. Elle passa la main dans ses cheveux et jura entre ses dents lorsqu’une vive douleur ainsi qu'une bosse naquirent sous ses doigts.

Elle ne savait pas qui, mais quelqu’un l’avait assommée et elle était prête à parier qu’il s’agissait d’un membre de l’Elite.

Ses soupçons furent confirmés lorsqu’elle baissa les yeux vers son corps complètement nu, puis sur la tenue militaire qui résidait à ses côtés.

Elle fronça les sourcils. Quiconque avait pris ses vêtements cherchait visiblement à se faire passer pour un civil, mais elle ne voyait pas comment cette personne aurait pu convaincre Neva de la laisser derrière.

Car il n’y avait aucune chance pour que cette dernière se soit laissé entraîner sans chercher à se débattre. A moins que...

June se redressa subitement. Ses souvenirs étaient encore flous mais elle se rappelait clairement avoir vu le visage de son agresseur juste avant de perdre connaissance.

C’était moi, réalisa-t-elle, sous le choc.

Non, pas elle. Quelqu’un s’étant fait passer pour elle.

Elle se leva dans un bon et commença à enfiler ses vêtements dans des gestes brusques. Neva savait se défendre, les parties de son corps qui étaient encore douloureuses le prouvaient. Mais si elle se croyait en compagnie de June...

Elle ne serait pas sur ses gardes.

Et le reste des Arcans non plus.

💕

Après avoir bataillé avec un cheval sauvage pendant pas loin d’une demi-heure, June avait filé droit sur la prison, puis sauté dans la première barque trouvée. Elle doutait que la personne s’étant fait passer pour elle avait kidnappé Neva afin de l’emmener dieu sait où – elle n’aurait pas eu besoin de se déguiser en June pour ça. Non, pour elle, l’Elite cherchait où ils se cachaient. Alors elle avait foncé droit sur la prison.

Car si tel était le cas, ils couraient tous un véritable danger.

Les muscles de ses bras la brûlaient d’avoir ramé avec précipitation et elle leva les mains en l’air une fois arrivée à hauteur de l’embarcadère. Soann ainsi qu’une poignée de soldats l’y attendaient, armes en joue et elle observa cette dernière immobiliser la barque avant de grimper à l’intérieur. 

June grimaça lorsqu’elle la vit retirer ses gants l’un après l’autre, mais ne broncha pas quand Soann dégagea les cheveux de sa nuque avant de s’emparer de son bras droit. Un courant électrique la fit sursauter et elle leva les yeux vers Soann qui l’observait avec amusement.

– On n’est jamais trop prudent, répondit cette dernière, et June sut qu’elle n’obtiendrait rien de plus comme excuse.

– J’imagine qu’elle est encore ici, répondit-elle, suivant Soann jusqu’à la terre ferme.

Soann hocha la tête.

– Tegan et Neva l’ont rapidement percée à jour, dit-elle, désignant le bras droit de June. Mis à part son comportement étrange, elle n’avait surtout pas de tatouage. On fait profil bas pour l’instant, mais elle ne tardera pas à se rendre compte qu’on a déjà commencé à évacuer l’île.

June hocha la tête. S’il s’agissait bel et bien d’un androïde, ce dont elle était pour sa part certaine, il y avait de grandes chances pour qu’elle soit dotée d’un mouchard.

– Elle est où là ?

Soann s’apprêtait à répondre lorsqu’un mouvement attira son regard par-dessus l’épaule de June et elle serra des dents.

– Ça c’est le dernier de nos soucis, répondit-elle avant de hurler. Déclenchez les alarmes ! Ennemi en vue !

June se retourna aussitôt mais ne vit rien d’autre que la côte qui s’élevait au loin, jusqu’à ce qu’un laser de visée croise son regard. 

– Pour la discrétion, ils repasseront.

– Ils se fichent de la discrétion, remarqua Tegan, apparaissant soudainement légèrement essoufflée. Leurs navires nous cernent depuis l’autre côté.

June jura aussitôt entre ses dents.

Ils allaient devoir évacuer, et vite.

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4 février 2015

Chapitre 12

📎 Annexe 3

Annexe 3

 

À ce tarif-là, autant y aller nue, pensa Neva, les yeux baissés vers le minuscule bout de tissu qui la dévoilait plus qu'il ne la cachait.

Comme June, elle avait revêtu un soutien-gorge en coton blanc couvert de pierreries, une ceinture similaire ainsi qu’un sarong au tissu fluide transparent. À ses bras cliquetaient des rangées de bracelets aux couleurs variées et à ses pieds, elle portait une paire de fines sandales. Ses cheveux avaient quant à eux été réunis en un chignon sophistiqué, et elle haussa un sourcil inquisiteur lorsque June l’examina une dernière fois.

– Parfait, sourit cette dernière, les mains sur les hanches.

Neva roula des yeux tout en soupirant.

– C’est vraiment obligatoire tout ça ? Je croyais qu’on y allait juste pour parler affaires.

– Soann dit justement que ça aide à faciliter les échanges, répondit June, pliant légèrement des genoux afin que Neva puisse unir les deux nattes qui allaient retenir ses cheveux sur sa nuque. Mais qu’on n’avait pas à s’inquiéter. Sauf si on ne savait pas garder nos yeux pour nous... un truc comme ça. Je crois que Farah est assez protectrice quand il est question de ses... possessions. 

Autrement dit, ses femmes, frissonna Neva. Elle, qui pensait avoir tout vu après Nazino, n’était apparemment pas au bout de ses peines.

– Voilà, c’est fait, dit-elle une fois terminé.

June l’embrassa furtivement sur les lèvres en guise de remerciement puis s’assura une dernière fois que leurs affaires étaient bien camouflées par la végétation qui les recouvrait, elles et le quad. 

Neva l’observa avec hésitation.

– T’es sûre qu’on ne ferait pas mieux d’emmener quelque chose avec nous ? Je veux dire, si jamais ça tourne mal...

– Farah le prendrait aussitôt comme une provocation. En venant les mains vides, on ne pose aucune menace.

– Et nos pouvoirs ? rétorqua aussitôt Neva. Elle a de la zéolithe ?

June se frotta maladroitement la nuque.

– Disons que personne ne met jamais les pieds dans sa demeure sans avoir enfilé un collier avant.

Elle ajouta, confirmant les pensées de Neva :

– Un collier de zéolithe.

Neva hocha lentement la tête, déglutissant péniblement.

Si les choses tournaient mal, elles allaient être totalement à sa merci.

💕

Le palais s'élevait sur une grande terrasse de marbre divisée par des acrotères supportant d’immenses statues. Un large perron menait ensuite au vestibule d’entrée et le garde qui les y avait conduit leur fit signe d’attendre là.

Quelques minutes plus tard, une femme à l’allure imposante apparut, suivie d’une poignée de gardes. Elle portait une armure en cuir et une cape bleue enveloppait ses épaules, masquant légèrement l’épée attachée à sa ceinture. Fidèle à la description que Soann en avait faite, elle paraissait jeune et dangereuse.

June et Neva s’inclinèrent lorsque Farah s’arrêta devant elles.

– Souveraine, salua June avec respect avant de lui tendre une missive écrite de la main de Soann.

Farah la lut attentivement avant de les détailler de la tête aux pieds.

– Soann n’a pas pour habitude d’envoyer quelqu’un d’autre à sa place, remarqua-t-elle d’une voix dénuée d’émotions.

Elle laissa passer un temps avant d’ajouter, comme arrière-pensée :

– J’espère pour elle qu’elle n’a pas eu tort.

Elle fit demi-tour et ajouta par-dessus son épaule :

– Suivez-moi.

Une fois dans le palais même, Neva fut subjuguée par les voiles de couleur, les lambris dorés et les délicates peintures qui décoraient chacune des pièces. Les flammes des torches se reflétaient sur les sols en marbre et les vitraux aux teintes vives, leur conférant une lueur charnelle absolument magnifique.

De la musique et des rires résonnant depuis la cour intérieure attirèrent son attention et Neva jeta un furtif coup d’œil à Farah et June qui marchaient légèrement devant elle, discutant discrètement, avant de s’approcher du muret. Elle fut aussitôt fascinée par l’immense bassin naturel entouré de verdure, ainsi que par l’imposante caverne naturelle creusée dans un rocher.

Une trentaine de femmes belles et voluptueuses, comme si dans le harem on ne vieillissait pas, étaient occupées à nager, à jouer de la musique, à manger des fruits exotiques et Neva sentit son corps se figer lorsque son regard s’arrêta sur une jeune femme d’une vingtaine d’années. Ses longs cheveux blonds et ses yeux couleur océan lui rappelaient étrangement ceux de... Mathis.

– C’est la mère de Mathis, réalisa-t-elle avant d’appeler. Madame Navard ! Abby !

Elle eut à peine le temps de voir les femmes lever les yeux vers elle qu’elle fut violemment projetée en arrière. L’air quitta ses poumons et elle grimaça lorsqu’un pied se pressa contre sa poitrine avant de lever les yeux et croiser un regard bleu de glace.

– Donne-moi une bonne raison pour laquelle je ne devrais pas te tuer maintenant, gronda Farah.

Neva avala difficilement tout en cherchant désespérément June du regard. Elle sentit la panique monter en elle lorsqu’elle la vit collée contre le mur par deux imposants soldats, le visage déformé par la colère.

– Je n’ai pas souvenir de t’avoir autorisé à regarder mes femmes et encore moins à leur parler, fulmina Farah en approchant son visage de celui de Neva. Alors tu as plutôt intérêt à avoir une bonne excuse.

Neva hocha frénétiquement la tête et Farah diminua la pression de son pied contre son sternum. Légèrement. 

– Cette femme, la blonde aux yeux bleus ? balbutia Neva. C’est Mme Navard, A-Abby.

Farah haussa un sourcil véhiculant et alors ?

– Elle a un fils, Mathis. Il a huit ans, il-il est avec nous.

Le visage de Farah resta impassible et Neva laissa retomber sa tête contre le sol, un soupir s’échappant de ses lèvres.

– Je voulais juste lui faire savoir qu’il était sain et sauf. 

Farah plissa des yeux avant de retirer son pied, et Neva se redressa aussitôt avant de lâcher un cri de surprise lorsque Farah l’attrapa par la gorge et la plaqua contre le mur aux côtés de June.

Elle les observa à tour de rôle avant de resserrer sa prise.

– C’est pour ça que vous êtes venues ? siffla-t-elle entre ses dents serrées, les traits durs.

La respiration coupée, Neva se contenta de secouer négativement la tête.

– Soann m’envoie pour parler business, répondit June, d’une voix grondante. Rien de plus. On ne savait pas qu’elle serait là. Elle a été enlevée il y a plusieurs mois, on n’a jamais su ce qu’elle était devenue.

Farah les étudia un moment avant de relâcher sa prise et Neva tomba aussitôt à genoux tout en aspirant de grandes bouffées d'air.

– L’Elite l’a capturée avant de me la remettre, remarqua Farah tout en faisant signe aux soldats de libérer June. Les femmes dépourvues de pouvoirs ne les intéressent pas.

Neva réalisa aussitôt quel genre de relation Farah devait entretenir avec l’Elite. Probablement des soirées divertissantes en échange de livraisons gratuites.

– Elle doit savoir, insista-t-elle, la voix cassée avant de lever les yeux vers Farah. Pour son fils. Elle a le droit de savoir.

Farah s’agenouilla en face d’elle, un rictus sur les lèvres.

– Ton amie et moi allons parler business, pendant que toi, tu nous attendras au cachot, répliqua-t-elle avant de se redresser.

Elle ordonna à ses gardes de l’emmener avant de conduire June à son bureau et Neva comprit au silence de June qu’elles n’avaient d’autres choix que de coopérer.    

💕

La cellule du cachot dans laquelle Neva se trouvait ne mesurait guère plus de trois mètres de long sur un mètre de large. Assise sur le bord du lit, ses genoux touchaient le mur d'en face, et le jour pénétrait à peine à travers les épais barreaux chargés de rouille. Une cuvette et un lit complétaient l’ameublement.

Elle venait tout juste de décider qu’elle ne pouvait plus endurer la torture de l’attente une minute de plus quand elle entendit des pas approcher et fut surprise de voir Farah apparaître accompagnée d’Abby.

Elle dut bien reconnaître que malgré le fait que les femmes enfermées dans ce harem étaient avant tout des prisonnières, des esclaves offertes en cadeau, certainement capturées lors des campagnes militaires ou achetées quand elles étaient petites filles ou adolescentes, elles semblaient cependant être traitées avec soin et respect. Et même si cela lui semblait invraisemblable, aucune ne lui avait paru malheureuse.

Neva nota cependant l’absence de June et elle s’en inquiéta rapidement, lançant un regard interrogateur en direction de Farah.

– June t’attend à l’extérieur, tu as cinq minutes, répondit cette dernière avant de croiser les bras contre sa poitrine et prendre appui contre le mur.

Bon ben pour l’intimité, on repassera, ironisa Neva avant de reporter son attention sur Abby.

💕

– J’arrive pas à croire qu’elle ait choisi de rester, fulmina Neva, troquant sa tenue légère pour un short et un t-shirt dans des gestes brusques. Son fils se retrouve seul depuis des mois, mais non, elle, elle préfère rester avec sa Maîtresse !

– Tu crois vraiment que Farah l’aurait laissée partir ? tempéra June, libérant ses cheveux. Abby lui appartient, elle n’avait pas le choix.

Neva commença à protester, pour finalement se laisser retomber sur le quad, dépitée.

– Je sais, soupira-t-elle à contrecœur. Je parierais même qu’elle est aussi redoutable que les hommes qui l’entourent, ajouta-t-elle, dégoûtée. 

June posa une main sur sa cuisse tout en s’agenouillant en face d’elle.

– Regarde le bon côté des choses, on sait où elle est maintenant. Et puis, rien ne dit qu’on ne pourrait pas y emmener Mathis pour qu’il puisse la voir...

Neva l’observa avec incrédulité.

– Tu veux emmener un gamin de huit ans dans une espèce de bordel... sex-club... je sais pas quoi. T’as perdu la tête ?

June lâcha un rire.

– Son palais regorge de pièces isolées, il n’en verrait rien.

Elle ajouta lorsque Neva ne répondit pas :

– C’est loin d’être l’idéal, mais c’est quand même mieux que rien, non ?

– Hmm, tu as sûrement raison, admit Neva en se grattant le front.

– Bien sûr que j’ai raison, répondit June en l’embrassant sur le dessus de tête. Mais en attendant, j’ai désespérément besoin de soulager un besoin naturel, grimaça-t-elle en sautillant vers les buissons.

Neva lâcha un rire, ravie du changement de sujet. Elle en profita pour ranger le reste de leurs affaires, sécurisant ensuite les sacs sur le quad, puis s’autorisa une gorgée d’eau et quelques fruits. Elle lança par-dessus son épaule, taquine, lorsque June mit du temps à revenir :

– June, si t’as oublié de quoi t’essuyer, tu peux toujours courir !

Le silence lui répondit et elle fronça légèrement les sourcils avant de se lever du quad. June s’était un peu éloignée par souci d’intimité, mais quand même, elle l’avait forcément entendue.

– June ? réitéra-t-elle en s’approchant.

Son cœur fit un bon dans sa poitrine lorsqu’un bruit sourd lui parvint, suivi de mouvements dans les buissons et elle lâcha un soupir de soulagement lorsque June apparut enfin, légèrement dépareillée.

– Bon sang, tu m’as foutu les jetons à pas répondre comme ça, protesta-t-elle, une main sur la poitrine. Qu’est-ce qui s’est passé, tu t’es battue avec un écureuil ? taquina-t-elle.

June se contenta de venir prendre place sur le quad, puis de mettre le moteur en marche.

Neva l’observa avec confusion.

– Hé, ça va ?

– La route est longue, répondit June d’un ton neutre. On ferait bien d’y aller.

Neva obtempéra non sans froncer les sourcils face à son soudain changement d’humeur.

4 février 2015

Chapitre 11

June coupa le moteur après avoir passé la majorité de la journée à voyager sur une espèce de quad militaire. Autour d’elles, la végétation se faisait dense et Neva l’aida à camoufler le véhicule avant de la suivre jusqu’à une clairière quasi déserte, excepté le bâtiment à deux étages qui trônait en son milieu. Fait de briques rouges, il ressemblait grandement aux demeures historiques qui avaient hébergé les fonctionnaires britanniques jusqu'à la révolution à Boston. Grâce à un escalier de secours métallique situé sur la façade extérieure ouest, June mena Neva jusque sur le toit et lui indiqua où déposer leurs affaires avant de l’éloigner du bord.

– Je pensais qu’on pouvait se dégourdir les muscles avant d’installer le campement, qu’est-ce t’en dis ? demanda-t-elle, ajustant la casquette qui la protégeait du soleil.

Neva posa les mains dans son dos et s'étira doucement tout en hochant la tête. Elle mourrait d’envie de décompresser ses vertèbres.

– Qu’est-ce que tu proposes ?

June leva aussitôt les poings devant son visage, un sourire provocateur sur les lèvres.

– Frappe-moi, encouragea-t-elle en sautant sur place.

Neva l’observa, interdite.

– C’est ça ton idée d’un bon moment en tête-à-tête ? Que je te tape dessus ?

June roula des yeux.

– Non, ça, ça viendra après, rétorqua-t-elle d’un air taquin. Pour l’instant, je veux voir ce que Soann t’a appris.

– Oh. Hmm... ben tu vas devoir me taper dessus alors, grimaça Neva en s’essuyant les mains sur son short en jean.

June laissa retomber ses bras, confuse.

– Hein ?

– Soann ne m’apprend pas à me battre, June, soupira Neva en se passant une main sur le visage. Mais à me défendre.

– Pour quoi faire ? rétorqua aussitôt June, interloquée.

Neva l’observa comme si elle avait perdu la tête.

– Ben si on m’attaque, pardi !

– Je sais ça, ironisa June en roulant des yeux à nouveau. Mais si on t’attaque, tu ne peux pas t’en tirer juste en te défendant, c’est ridicule. 

Neva croisa les bras sur sa poitrine.

– Oui ben c’est comme ça. J’ai pas envie d’apprendre à me battre.

June se retrouva de nouveau à l’observer avec stupéfaction, avant de céder à un rire incrédule. Elle se frotta les yeux d'une main.

– O.K. là Neva, faut que tu m’expliques parce que j’ai l’impression d’avoir mis les pieds dans la quatrième dimension.

Neva lui répondit par une grimace, avant de se mordre la lèvre avec hésitation. Elle lâcha finalement :

– J’ai pas accepté de me joindre à votre cause dans le but de blesser ou... de tuer quelqu’un. Je vous aiderai, mais pas comme ça, marmonna-t-elle d’un ton renfrogné.

June se passa la main sur le menton d'un air songeur.

– Ah. Donc si quelqu’un t’attaque à distance...

– Je me défends avec mes pouvoirs.

– Et s’il t’attaque de près..., interrogea June en s’approchant dangereusement.

Neva déglutit péniblement.

– J’utiliserai les gestes que Soann m’a appris.

June l’observa un moment avant de sourire.

– O.K., montre-moi. Si je te prends pas derrière – sans mauvais jeu de mots bien sûr – qu’est-ce que tu fais ?

Neva attendit qu’elle se positionne avant de commencer. Elle se saisit du bras que June avait passé autour de son cou tout en lui assenant un coup de coude dans l’abdomen de son bras libre, suivi par un coup sur le pied, un coup de tête au niveau du bas du visage et enfin un coup bien placé dans l’entrejambe.

Elle n’y était pas allée fort mais June émit tout de même un léger « humpf ! » en la relâchant.

– Soann m’avait dit que le coup dans l’entrejambe, c’était pour les mecs mais visiblement, ça marche aussi bien avec les filles, sourit Neva, visiblement fière d’elle.

June lui jeta un regard noir tout en se massant le nez et les côtes.

– Ouais ben... on va s’arrêter là pour aujourd’hui, hein, marmonna-t-elle, et Neva retint difficilement un rire lorsqu’elle la vit glisser une main entre ses jambes avant de s’éloigner, les cuisses serrées.

Ce petit tête-à-tête commençait bien, finalement.

💕

La nuit tombée, elles se retrouvèrent allongées sur d’épaisses couvertures à regarder les étoiles, un feu crépitant non loin. Grâce à leurs pouvoirs, elles n’avaient eu aucun mal à se procurer du petit gibier pour le dîner, et se nourrissaient désormais de pêches et de raisins cueillis en route. Une douce brise caressait leurs corps et Neva relâcha un soupir de bien-être avant de lever les yeux vers June.

– Ça va mieux ? demanda-t-elle, taquine, depuis sa place contre son épaule.

June plissa légèrement les yeux avant de prendre un air innocent.

– Maintenant que tu en parles, je ne crois pas que ça ira mieux tant que tu ne m’auras pas donné de bisou magique...

Elle éclata aussitôt de rire lorsque Neva se mit à rougir, avant d’inspirer soudainement quand une main glissa sur son entrejambe.

– Tu disais ? sourit Neva, amusée.

June laissa retomber sa tête contre les couvertures.

– Tu vas finir par me tuer, grogna-t-elle.

Neva ricana tout en l’embrassant sous le menton.

– J’adore cet endroit, c’est tellement paisible..., remarqua-t-elle alors qu’elle se rallongeait confortablement. Tu es souvent venue ici ?

– Quelquefois, répondit June, plaçant une main sous sa tête, les yeux rivés vers les étoiles. Je l’ai découvert par hasard au cours d’une ronde, peu de temps après être arrivée au pénitencier. Je venais m’y réfugier quand j’avais envie d’être seule. 

Neva se tourna sur le côté, prenant appui sur un coude afin de pouvoir observer June.

– Ça n’a pas dû être évident au début, j’imagine. Après ce que l’Elite t’avait fait subir, et Mia que tu as dû laisser derrière...

– Non, en effet, soupira June. Mais Tegan et Tawny étaient là, et puis, on avait une mission à accomplir. Sans compter Skye qui n’avait que douze ans quand on l’a trouvée, et qui avait déjà connu tant d’atrocités... ça me laissait peu de temps pour m’apitoyer sur mon sort. 

Le ton de June montrait combien elle en était reconnaissante et Neva hocha légèrement la tête, avant de froncer les sourcils lorsqu’une pensée lui traversa l’esprit.

– Tu ne m’as jamais dit comment vous aviez fait pour vous échapper de l’emprise de l’Elite.

June afficha un sourire en coin et Neva l’observa aussitôt avec méfiance.

– Quoi ? demanda-t-elle, les yeux plissés.

– Pour un souvenir partagé... j’en veux un de toi en retour, rétorqua June, les yeux brillants.

Neva lâcha un léger rire tout en secouant la tête.

– Si c’est que ça, marché conclu, répondit-elle avant de se rallonger, la voix de June la berçant aussitôt.

 

La seconde fois que Tegan lui rendit visite, June était allongée sur son lit, occupée à regarder le plafond d’un air absent. Pour la jeune femme, la vision qui s’offrait à elle avait quelque chose de déchirant. A quinze ans, le corps de June se trouvait à mi-chemin entre rondeurs d’enfance et courbes féminines. Sa silhouette était fine et élancée, une minceur typique des filles de son âge, ce qui accentuait encore plus la protubérance de son ventre qui émergeait comme une île, tirant désespérément sur le t-shirt en papier qu'elle portait.

Elle devrait être en train de connaître son premier baiser, pas être enceinte jusqu’aux yeux, pensa Tegan dans un soupir avant d’entrer d’un pas lent dans la pièce.

– Hé, salua-t-elle doucement. Comment tu te sens ?

June haussa les épaules, le regard toujours rivé sur le plafond.

– Comme une montgolfière, répondit-elle avant de baisser les yeux vers Tegan. J’imagine que je dois te remercier, c’est à toi que je dois ça après tout, non ? ironisa-t-elle.

– Tu aurais pu choisir la mort, rétorqua Tegan en s’asseyant à ses côtés et en prenant appui sur un bras. Je veux dire, si cette situation te rend si malheureuse, pourquoi est-ce que tu ne les provoque pas jusqu’à ce que mort s’ensuive ? Ou, je ne sais pas moi, pourquoi ne pas faire une grève de la faim ?

June lui lança un regard mauvais avant de tourner la tête dans la direction opposée.

– J’ai jamais dit que je voulais mourir.

– Eh bien tant mieux, parce qu’ils t’en auraient aussitôt empêchée, répondit Tegan avant de l’observer avec compassion. Tu es l’un de leurs meilleurs atouts, June. Une adolescente capable de produire du feu rien qu’en claquant des doigts, tu crois vraiment qu’ils allaient te laisser tranquille ? Je sais que la situation dans laquelle tu te trouves aujourd’hui ne te réjouit pas, mais ils seraient parvenus à leurs fins quoi qu’il arrive.

Elle fit une pause avant d’ajouter :

– Je tenais simplement à ce que ça se passe au mieux pour toi, que tu en souffres le moins possible.

– Le bébé, qu’est-ce qu’ils vont en faire ? demanda June en l’observant à nouveau.

Surprise par la question inattendue, Tegan hésita avant de répondre :

– June, tu ne devrais pas t’y attacher... il y a de grandes chances pour que tu ne le revoies jamais une fois l’accouchement...

– Y a aucune chance, ironisa June en secouant la tête. Ils ont forcé leur chose à l’intérieur de moi, crois-moi, tout ce que j’attends, c’est qu’ils m’en débarrassent.

Elle se passa une main dans les cheveux avant d’ajouter :

– Je veux juste savoir ce qu’ils comptent faire avec tous ces bébés. Je sais que je ne suis pas la seule, j’en ai vu plusieurs dans la même situation que moi. Pourquoi est-ce qu’ils nous forcent toutes à concevoir ?

– J’en sais rien, soupira Tegan, ses doigts jouant négligemment avec le drap. Tout ce que je sais, c’est que les pères sont éliminés aussitôt après avoir été choisis, et que les mères suivent généralement le même chemin après avoir donné naissance au nombre d’enfants désirés.

June l’observa, interdite, avant de baisser les yeux vers son ventre.

– Parce que je vais devoir en porter un autre ?!

Tegan se passa une main sur la nuque tout en grimaçant.

– June, je te l’ai dit, tu es l’un de leurs meilleurs atouts –

Elle s’interrompit quand l’adolescente la poussa afin de descendre du lit.

– Hé, qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle lorsqu’elle la vit enfiler ses chaussons avec difficulté puis se diriger vers la grille.

– Ils ont déjà violé mon intimité une fois, hors de question que je les laisse faire une seconde fois, répliqua l’adolescente en replaçant correctement ses vêtements dans des gestes brusques.

Tegan croisa les bras sur sa poitrine, un sourcil haussé.

– Et tu comptes faire ça comment, au juste ?

June hésita une fois arrivée à hauteur de la grille.

– En sautant sur ton dos et en priant pour que tu coures assez vite pour nous emmener loin d’ici ? proposa-t-elle, pleine d’espoir.

Tegan roula des yeux.

– Avec un ventre pareil ? Bon courage, répondit-elle, pince-sans-rire, un sourire étirant néanmoins ses lèvres malgré elle. Approche.

Elle attendit que June soit juste devant elle avant de glisser un doigt sous son menton et la forcer gentiment à croiser son regard.

– Tu me fais confiance ?

June hésita avant de hocher la tête.

– Bien, alors voilà comment ça va se passer. Tu vas mener ta grossesse à terme, en obéissant gentiment à tout ce qu’on aura beau te dire, précisa-t-elle en lui offrant un regard appuyé. Et de mon côté, je me charge de trouver un moyen de nous sortir d’ici. O.K. ?

– Tu crois que c’est possible ? répondit June, visiblement sceptique.

Tegan haussa les épaules.

– Qui ne tente rien n’a rien, non ? dit-elle en soulevant le drap du lit. Allez, viens-là, tu me fais peiner à rester debout comme ça, grimaça-t-elle en l’observant.

June était si mince qu’elle avait l’impression qu’elle allait se briser à tout moment sous le poids de son énorme ventre.

L’adolescente obtempéra et Tegan remonta le drap jusqu’à sa poitrine avant de repousser les cheveux collés sur son front légèrement moite.

– Tegan ? appela June en levant les yeux vers elle.

– Hmm ?

– Pourquoi est-ce que tu... enfin, ça fait deux fois que je te vois et...

Elle vit Tegan commencer à sourire face à ses balbutiements et elle lâcha simplement, le visage cramoisi :

– Je me demandais juste pourquoi t’étais pas enceinte.

– Ah. Mon utérus a été qualifié de « terrain hostile », ironisa Tegan. Ou alors, il ne doit pas être confortable du tout, parce que bébé refuse d’y rester plus de deux mois, soupira-t-elle en se redressant. Tu devrais te reposer maintenant, je repasserai te voir dès que possible.

June la retint par la main avant qu’elle n’ait eu le temps de bouger.

– Mais ils ont encore besoin de toi, pas vrai ? demanda-t-elle prestement, la peur visible dans son regard. Je veux dire, tu ne vas pas disparaître soudainement ou...

– Je croyais t’avoir dit que je me chargeais de nous sortir d’ici ? rétorqua Tegan, un sourcil haussé, avant de laisser son visage s’adoucir. Je te l’ai dit, ils n’abandonnent jamais avant d’avoir obtenu ce qu’ils veulent. Je serais encore quand là quand ta grossesse arrivera à terme.

June acquiesça avant de reposer sa tête contre le matelas.

– Merci, murmura-t-elle simplement du bout des lèvres.

Tegan afficha aussitôt un sourire.

– De rien. Tâche de te reposer, je te revois bientôt.

💕

Tegan était assise sur le lit de June quand l’adolescente regagna sa cellule une semaine plus tard.

– Hé, salua-t-elle en entrant dans la pièce.

Elle fut aussitôt surprise de voir Tegan bondir sur ses pieds afin de la prendre dans ses bras.

– L’infirmière m’a dit que tu sortais aujourd’hui, comment tu te sens ? demanda-t-elle en se reculant et en l’observant de la tête aux pieds.

– Légère. Et boudinée.

Tegan retint difficilement un rire tout en l’attirant vers le lit. Elle attendit que June soit assise avant de répondre :

– T’avais pas beaucoup pris, ça partira vite, rassura-t-elle avant de sourire. Prête à entendre la bonne nouvelle ?

June leva aussitôt la tête vers elle, pleine d’espoir.

– On va pouvoir sortir d’ici ?

– Si tout se passe bien, dans trois jours au plus tard, acquiesça Tegan. Maintenant que tu ne peux plus tomber enceinte, ils risquent de vouloir se débarrasser de toi. Et puis... un nouvel arrivage a débarqué il y a deux jours.

Elle se passa une main sur la nuque tout en soupirant :

– Mon frère était parmi eux. A l’heure qu’il est, il doit certainement être en train de subir toute une série de tests pour savoir quelles sont ses capacités. Après ça, il ne leur faudra pas beaucoup de temps pour lui trouver toute une série de partenaires.

Elle se mordit la lèvre inférieure avant de baisser les yeux vers June.

 – C’est pour ça qu’on doit agir vite. A nous deux, on aurait pu attendre encore un peu, mais Tawny...

– Je comprends, interrompit June en prenant sa main dans la sienne. Trois jours, c’est parfait. Mais je vais pas pouvoir aller très vite, hésita-t-elle en portant une main sur son ventre, la cicatrice étant encore douloureuse.

– T’inquiète pas pour ça, Tawny et moi te porterons s’il le faut, répondit Tegan avant de s’agenouiller devant elle. Tawny possède une force surhumaine, une fois la partie composée de zéolithe passée, je doute qu’ils parviennent à nous arrêter. Mais si jamais ils s’avéraient être trop nombreux...

June entoura ses jambes de ses bras avant d’observer Tegan d’un regard neutre.

– Il faut que je m’attende à devoir tirer sur tout ce qui bouge, c’est ça ?

Tegan se mordit l’intérieur de la joue avant de hocher la tête.

– C’est ça, admit-elle avec regret. June, s’il y avait un autre moyen...

– Je sais, soupira l’adolescente. C’est soit ça, soit rester ici de toute façon, non ? Mon choix est fait depuis longtemps, je serais prête.

Tegan exerça une légère pression sur sa main tout en l’embrassant sur le front.

– Repose-toi. Je repasserai te voir un peu plus tard.

June l’observa s’éloigner avant de soudainement demander :

– C’est pour ça que tu m’as choisi ? Mon don, c’est ça qui t’a poussé à me choisir pour sortir d’ici ?

Tegan observa ses doigts qui jouaient avec la serrure d’un air absent avant de répondre :

– En partie, admit-elle avant de lever un regard embué vers June. Tu me rappelles ma petite sœur. Elle a... avait le même âge que toi. Une adolescente de quinze ans n’a rien à faire dans un lieu comme celui-ci, ajouta-t-elle enfin avant de la saluer de la tête puis de s’éloigner.

💕

Les néons lumineux qui s’allumèrent subitement suivis de bruits de pas saccadés dans le couloir tirèrent June du sommeil. Elle cligna des yeux, un instant étourdie, avant de se figer sur son lit, apeurée, quand les pas s’approchèrent. Venaient-ils à nouveau la chercher ? Elle ne pouvait plus tomber enceinte désormais, Tegan lui avait dit qu’ils finiraient par se débarrasser d’elle.

Une main se posa sur la grille et elle étouffa un cri, le souffle court, avant de se plaquer contre le mur lorsque le soldat l’ouvrit. Elle put en voir un second qui attendait derrière lui, au milieu du couloir et elle se sentit trembler quand le premier entra dans la cellule et s’approcha d’elle.

Elle leva automatiquement les bras lorsque ce dernier leva les mains vers elle.

– Shhh June, c’est moi, Tegan, souffla la voix, rassurante. Tawny est avec moi, tu me promets de rester silencieuse ?

June se figea avant de soupirer puis de hocher la tête. La lumière qui brillait derrière elle, dans le couloir, plongeait son visage dans l’obscurité mais June avait aussitôt reconnu sa voix. Quand Tegan prit place à ses côtés, elle réalisa que ses longs cheveux avaient été réunis en un chignon serré contre sa nuque et qu’elle avait revêtu la tenue militaire standard du képi aux bottes cirées.

– On a pas beaucoup de temps, commença Tegan en faisant basculer le sac qu’elle portait sur l’épaule.

Elle en sortit une tenue similaire à celle qu’elle portait et June l’enfila aussitôt sans un mot. Tegan l’aida ensuite à attacher ses chaussures puis lui réunit ses cheveux en un chignon avant de l’entraîner à l’extérieur.

Les couloirs défilèrent les uns après les autres et à chaque grille, Tawny, dont la carrure s’avérait impressionnante, sortait une carte qu’il présentait devant le boîtier d’identification, faisant aussitôt passer le voyant du rouge au vert.

June s’inquiéta de ne voir personne.

– C’est normal, la rassura Tegan dans un murmure. On a encore quelques minutes avant que le prochain garde n’entame sa ronde.

June hocha la tête et continua d’avancer en silence. Le trajet lui paraissait si long qu’elle se demandait s’ils allaient finir par en voir la fin un jour. Une nouvelle grille leur apparut et Tawny leva une main, leur faisant signe de s’arrêter. Il tendit l’oreille et June fronça les sourcils avant d’entendre le faible sifflement qui venait du couloir s’étendant sur leur droite. Tawny leur fit signe de se plaquer contre le mur avant d’imiter leur position et d’attendre. Les pas se firent plus présents, mais June eut à peine le temps de voir le soldat apparaître devant eux que Tawny l’avait assommé d’un violent coup de coude au niveau de la nuque.

Tawny récupéra le talkie-walkie qu’il portait à sa ceinture et ils poursuivirent leur progression vers la sortie. De nouvelles grilles se dressèrent devant eux, et à chaque fois, la même carte permettait de les ouvrir. Ils continuèrent ainsi jusqu’à ce que le talkie se mette à grésiller.

– Chad, qu’est-ce que tu fous dans le quartier sud ? T’as cinq minutes de retard sur ta ronde.

Tawny hésita avant de répondre.

– Ouais... euh... j’ai eu besoin urgent, si tu vois ce que je veux dire.

Tegan hocha les sourcils, genre « vraiment ? » et il haussa les épaules. June sentit l’angoisse monter en elle face au silence qui régnait puis un rire résonna soudainement dans le talkie-walkie.

– J’avais bien dit que le chili con carné c’était pas une bonne idée. T’es le troisième à morfler ce soir. Bon, t’as cinq minutes, file.

– Entendu, bye.

Tawny haussa un sourcil en direction de sa sœur et cette dernière se contenta de lever les yeux au ciel avant de partir devant. Les couloirs étaient désormais plus spacieux et, bien que désert, les bureaux qui les longeaient grouillaient de soldats chargés de la surveillance de nuit. Certains étant munis de fenêtres donnant sur le couloir, la traversée dut se faire à quatre pattes, avec des temps d’attente interminables quand ils devaient passer devant une porte restée ouverte. June s’apprêtait à lâcher un soupir de soulagement une fois arrivée au bout lorsque quelqu’un apparut soudainement de l’autre côté de la grille.

Tegan plaqua une main sur ses lèvres juste avant qu’elle n’ait eu le temps de lâcher un cri, et Tawny ouvrit la grille en vitesse, les pressant de l’autre côté avant de suivre la personne tout de blanc vêtue vers un renfoncement.

Quand elle se retourna, June réalisa qu’il s’agissait de l’une des sages-femmes qui s’était occupée de sa césarienne, et qu’elle portait un bébé entre ses bras.

– Vous feriez bien de vous dépêcher, dit-elle en remettant le bébé entre les bras de Tegan et en attachant le foulard dans lequel il se trouvait autour de sa nuque et de sa taille. Le garage se trouve juste après ces grilles, désigna-t-elle. Voici les clés du premier 4x4. La voix devrait être libre.

Tegan et Tawny hochèrent la tête d’un air entendu et Tegan prit furtivement les mains de la sage-femme entre ses mains.

– Merci, répondit-elle sincèrement.

La sage-femme hocha la tête et ils parcoururent les derniers mètres les séparant de la sortie d’un pas rapide. Les grilles précédant l’entrée ne possédaient pas de boîtiers électroniques mais semblaient au contraire s’ouvrir par mécanisme informatique ; Tawny arracha les fils électriques qui les reliaient au plafond et les ouvrit à mains nues. Enfin, ils atteignirent l’entrée principale, elle aussi ouverte par mécanisme informatique, et Tawny tira légèrement de manière à pouvoir jeter un œil dehors.

Le garage était plongé dans l’obscurité et il attendit que sa vue ait eu le temps de s’habituer avant de filer droit vers le premier véhicule. Quelques secondes plus tard, June et Tegan le rejoignirent et il les aida à monter à l’arrière avant de prendre place derrière le volant.

Il prit une profonde inspiration avant de les regarder à travers le rétroviseur.

– Ça va ? chuchota-t-il.

Elles hochèrent la tête et il tourna la clé dans le contact, allumant les phares. La porte de sortie lui apparut quelques mètres plus loin et il appuya légèrement sur l’accélérateur.

– Vous feriez mieux d’attacher votre ceinture, ça va secouer.

Il attendit qu’elles aient obtempéré avant d’accélérer plein gaz.

 

Neva fronça les sourcils de confusion tandis qu’elle regardait sans la voir la cime des arbres qui dansait légèrement sous le vent.

– Je ne comprends pas, remarqua-t-elle une fois que June eut terminé. La zéolithe vous prive de vos pouvoirs, pourtant, à t’écouter, ça n’a pas l’air d’avoir affecté Tawny.

– Il n’a pas eu le corps qu’il a juste parce qu’il possède une force surhumaine, rit légèrement June. Il faisait partie de l’armée quand il a été capturé, sans compter qu’il est du genre à s’entraîner sept jours sur sept, 24h/24... Même sans pouvoirs, faudrait être fou pour se frotter à lui. Mais je m’en plains pas, il nous a sauvé la vie.

– Hmm, acquiesça Neva, ses doigts dessinant des arabesques sur la main que June avait posée sur son ventre. Je vais d’ailleurs devoir l’en remercier, taquina-t-elle.

– Si tu penses à autre chose qu’un « merci Tawny d’avoir sauvé la vie de June », on va avoir un problème, feignit de menacer June tout en la chatouillant, riant de bon cœur avec elle quand Neva se débattit.

Elle attendit qu’elle soit calmée avant de demander :

– A ton tour, je veux que tu me parles de... ça, dit-elle en sortant un bout de papier de la poche de son jean.

Neva fronça les sourcils avant de feindre un air outré lorsqu’elle reconnut de quoi il s’agissait.

– Ah ben bien, on fouille dans mes affaires dès que j’ai le dos tourné à ce que je vois !

June se contenta de sourire fièrement et Neva roula des yeux avant de déplier le morceau de papier avec attention, dévoilant un couple amoureusement enlacé.

– J’imagine que tu as deviné qu’il s’agissait de mes parents, sourit-elle, visiblement nostalgique. Cette photo est le seul souvenir qu’il me reste d’eux. Les combats étaient si violents que je ne suis partie qu’avec quelques affaires, une poignée de vivres et ce cliché.

Après ça, elle avait marché pendant de nombreux jours, dans le froid et la désolation. Des images envahirent son esprit, des enfants figés par la peur, des corps mutilés et cette fumée noire omniprésente qui l’empêchait constamment de voir à plus d’un mètre, mais elle secoua la tête afin de les repousser. Ce soir, elle ne voulait se remémorer que les bons souvenirs.

– Mon père avait cette manie de nous reprendre quand on lui donnait l’heure, se souvint-elle dans un petit rire. Il suffisait de lui dire « trois heures quarante-cinq » pour qu’il demande aussitôt « quatre heures moins le quart ? ». Je suis quasiment sûre qu’il finissait par en jouer.

June l’embrassa sur le front.

– Tu ressembles beaucoup à ta mère, remarqua-t-elle, son regard passant alternativement de Neva au cliché.

Neva hocha la tête.

– Pourtant, ça s’arrête là. Contrairement à moi, elle adorait cuisiner. Elle pouvait te préparer n’importe quoi. Ses parents tenaient un restaurant, et elle les aidait après les cours et le weekend. Elle m’a toujours dit qu’elle avait adoré ça. Puis ils ont fini par organiser des soirées à thème les samedis, et elle a fini par s’occuper de recruter les groupes. C’est comme ça qu’elle a rencontré mon père. Il était musicien dans un groupe de rock qui reprenait de vieux tubes américains et leur performance a fait un tabac phénoménal. Ma mère leur a aussitôt demandé de revenir, et ça a été le début de leur histoire. Après ça, elle l’a suivi en tournée à plusieurs reprises, jusqu’à ce que je pointe le bout de mon nez. Ma mère a alors réalisé son rêve en reprenant le restaurant de ses parents, avec mon père qui finissait toujours par gratter la guitare. 

– Tu n’as pas de frère et sœur ? demanda June.

Neva secoua la tête.

– Je pense que mes parents s’aimaient trop pour céder de la place à quelqu’un d’autre, répondit-elle, avant de se reprendre lorsqu’elle perçut l’air étonné de June. Ils m’aimaient, je savais qu’ils m’aimaient, mais quand ils se regardaient... je savais que le monde disparaissait autour d’eux. 

– Tu as du te sentir seule, remarqua June dans une moue de compassion.

Neva haussa les épaules, ses doigts caressant la photo d’un air absent.

– Parfois, mais si on m’offrait l’opportunité de tout recommencer, je ne changerais ça pour rien au monde : c’est beau deux personnes qui s’aiment comme ça.

June l’embrassa sur la tempe, exprimant son acquiescement dans un « hmmm », et le silence les entoura un instant avant qu’elle ne demande :

– C’est pour ça que tu as élevé Mia seule ?

Neva lâcha aussitôt un rire.

– Si ma vie amoureuse est restée déserte aussi longtemps, c’est simplement parce que personne n’est parvenu à retenir mon attention, dit-elle en glissant la photo dans la poche de son short, avant de se rallonger tout contre June. Enfin, jusqu’à maintenant, ajouta-t-elle avant d’embrasser furtivement June sur les lèvres. Pas parce que j’attendais secrètement l’élu de mon cœur...

June ne put retenir un sourire. Même si elles s’étaient physiquement prouvé leur attachement l’une envers l’autre à maintes reprises, elles n’en avaient cependant pas encore prononcé le moindre mot. Mais le fait de partager des morceaux de leur vie comme ça, coupées du monde, était tout comme pour June. Et la façon dont Neva la regardait ne faisait rien pour calmer les papillons qu’elle sentait virevolter au creux de son ventre. 

– Alors après toutes ces années passées avec Jérôme, Jamie et Jack, tu n’as jamais...

– ...eu envie de plus ? proposa Neva, avant de frissonner. June, ils sont comme des frères pour moi. Et même si j’avais un petit faible pour Jack au début...

– Ahhh...

– ...il n’y a jamais rien eu, et il n’y aura jamais rien.

Elle sentit le souffle chaud de June contre son oreille, suivi de ses dents qui mordillèrent gentiment le lobe, avant qu’elle ne dise, un sourire évident dans la voix :

– J’espère bien, ils auraient à me passer sur le corps pour ça.

Neva lâcha aussitôt un rire qui s’évanouit cependant rapidement.

– Il faudrait déjà qu’ils nous retrouvent pour ça, soupira-t-elle.

June perçut la note de tristesse qui habitait sa voix et elle la serra contre elle.

– Tu les reverras, Neva, dit-elle en l’embrassant sur la tempe. C’est promis. 

Neva se remémora la carte que June lui avait montrée peu après leur arrivée à la prison, le nombre de villes que l’ennemi occupait, et elle laissa sa tête retomber contre l’épaule de June.

Je n’en suis pas si sûre, pensa-t-elle, sa vue se brouillant malgré elle.

💕

Lorsque Neva se réveilla le lendemain matin, June était déjà levée et habillée, un pied en appui contre le rebord du toit tandis qu’elle surveillait les alentours. Une coupole d’eau fraiche ainsi que des morceaux de fruits et de noix délicatement découpés avaient été soigneusement placés au côté de Neva et elle s’étira comme un chat avant d’en piocher quelques-uns.

– Rien à signaler ? demanda-t-elle, la bouche pleine.

June secoua négativement la tête tout en la rejoignant.

– Bon appétit, taquina-t-elle, tendant une main afin d’essuyer le jus qui coulait sur le menton de Neva.

Neva rougit légèrement.

– Tu es levée depuis longtemps ? demanda-t-elle, détournant le regard quand June glissa ensuite son doigt dans sa bouche. Il fait chaud là, non ?

– Une petite heure, répondit June. J’en ai profité pour ranger nos affaires et préparer le quad. La route est encore longue, j’aimerais arriver avant que le soleil ne se mette vraiment à taper.

– Hmm, acquiesça Neva.

Il devait être sept heures, peut-être huit, et elle trouvait déjà la chaleur insupportable. Mais heureusement pour elles, elles avaient des pouvoirs adéquats. 

– Tu ne m’as même pas dit où on allait, remarqua-t-elle, délaissant les fruits pour les morceaux de noix.

Elle leva les yeux lorsque rien ne vint et redouta aussitôt l’air amusé qu’affichait June. Elle sut qu’elle avait visé juste quand cette dernière déclara fièrement :

– Au Harem de Farah.

Neva sentit aussitôt ses sourcils s’envoler.

Hein ?

4 février 2015

Chapitre 10

Lorsque Neva regagna sa cellule cette nuit-là, Mia dormait déjà, allongée sur le ventre, un souffle régulier s’échappant de ses lèvres.

L’inquiétude qui l’avait habitée l’avait forcée à rester auprès de Mathis durant la quasi-totalité de l’après-midi, et même s’il était encore sous le choc, elle était rassurée de savoir qu’il allait rester en compagnie de Soann et Tawny durant les prochains jours. Ce dernier avait tout du grand frère pour lui, quant à Soann, son expérience passée avait été d’une grande aide pour apaiser Mathis. Neva ne doutait pas qu’à eux deux, ils parviendraient à rendre à Mathis la tranquillité d'esprit et la confiance qui l’avaient habité.

Neva en avait cependant profité pour rendre une petite visite à l’enseignante leur ayant conseillé la bande dessinée qui avait tout déclenché. Pour elle, on ne remettait pas ce genre d’ouvrage à un enfant de huit ans, surtout dans les circonstances actuelles. Rémi Sans Famille était sans doute l'un des dessins animés les plus tristes et les plus marquants qu’elle n’ait jamais vu étant petite.

Troquant silencieusement ses vêtements du jour pour un débardeur et un short, Neva prit soin d’enfouir son collier sous le tissu avant de prendre place derrière Mia et de l’enlacer autour de la taille. D’un geste mécanique, ses doigts glissèrent le long des mèches brunes, et elle fronça les sourcils lorsqu’un carré blanc se révéla sur la nuque de Mia. Intriguée, elle écarta ses cheveux et observa bêtement le pansement qui recouvrait la peau de l’adolescente.

Un sentiment désagréable naquit au creux de son ventre et elle s’assura que Mia dormait toujours profondément avant de doucement commencer à le décoller. Le premier coin céda et elle s’arrêta aussitôt lorsque le premier motif apparut, la mâchoire serrée. Expirant par le nez, elle tira légèrement puis recolla aussitôt le pansement une fois la totalité du tatouage dévoilé. Une colère sourde coulait dans ses veines et elle resta allongée à observer le plafond, tentant en vain de se calmer.  

Mia avait un tatouage. Comment ? Qui ? Pourquoi ? Non, pas pourquoi. Le premier dessin lui avait suffi à comprendre pourquoi. Ou plutôt, pour qui.

Hors d’elle, elle enfonça les mains dans ses cheveux, tirant légèrement sur les pointes avant de se lever d’un bond et de regagner la cellule de June. Elle jura entre ses dents lorsqu’elle la trouva déserte et arpenta aussitôt la pièce de long en large en attendant.

Une dizaine de minutes s’écoula avant que la voix de June ne lui parvienne, taquine.

– A tourner en rond comme ça, tu vas finir par creuser un trou, tu sais.

Neva redressa aussitôt la tête.

– Oh, Dieu merci, soupira-t-elle, soulagée de ne plus avoir à attendre. Vous avez un tatoueur ici ?

Le sourire de June disparut progressivement de son visage face à la fureur qui brillait dans les yeux de Neva et elle fronça les sourcils.

– Kayla, au rez-de-chaussée mais – woah, eh, eh, eh où est-ce que tu vas comme ça ? s’exclama-t-elle lorsque Neva chercha à passer à côté d’elle.

– June laisse-moi passer, gronda Neva en repoussant ses bras, tentant en vain de quitter la pièce.

– Pas avant que tu m’aies dit pourquoi, rétorqua June, fermant la grille derrière elle avant de faire barrière.

Neva se passa les mains dans les cheveux, hors d’elle.

– Parce que je vais la tuer ! s’exclama-t-elle. Tu savais que Mia avait un tatouage ? Ça ne lui est jamais venu à l’esprit de demander mon accord avant de tatouer ma fille de treize ans ?!

June se passa une main sur le visage tout en soupirant.

– Non, parce qu’elle était avec moi.

Malgré sa colère, les mots pénétrèrent en elle comme un coup de fusil et Neva observa June, abasourdie.

– Quoi ? demanda-t-elle du bout des lèvres.

– Elle avait peur de ne pas pouvoir contrôler son pouvoir pendant son sommeil. Elle était terrifiée à l’idée de perdre son collier et de finir par blesser quelqu’un.

– Alors tu l’as emmenée se faire tatouer. Sans m’en parler.

Le ton dénué d’émotion dans lequel Neva venait de s’exprimer démontrait clairement son mécontentement. 

June jura entre ses dents.

– Ecoute, Neva–

– Ça ne t’est même pas venu à l’idée de venir me voir avant d’emmener ma fille se faire charcuter par je ne sais qui, la coupa Neva, visiblement hors d’elle. Alors ça y est, maintenant qu’on a établi qu’elle était aussi ta fille, tu te crois tout permis ? Non mais pour qui tu te prends bordel !

June croisa les bras sur sa poitrine, la mâchoire serrée.

– Je vais vraiment finir par croire que tu étais plus agréable quand tu avais la tête entre mes jambes. Là au moins ça t’évitait de dire n’importe quoi !

A peine prononça-t-elle ces mots qu'une claque sonore résonna dans la pièce. Le silence qui suivit fut d’une pesanteur atroce et Neva ne put détacher son regard de la joue qu’elle venait de gifler, la marque de sa main précisant ses contours, en rouge sur fond blanc.

June se força au calme avant de reprendre :

– La seule raison pour laquelle je l’ai fait, c’est parce que c’était la seule solution. Mia était terrifiée à l’idée de voir son pire cauchemar devenir réalité un jour. T’aurais fait quoi à sa place ?

Neva se revit soudainement alors qu’elle était adolescente, lorsque ses pouvoirs s’étaient manifestés pour la première fois. L’insurrection venait d’éclater, et elle venait tout juste de perdre ses parents. 

– A sa place, j’aurais tout donné pour que ma mère soit encore de ce monde et qu’elle me dise que tout irait bien, répondit-elle calmement les yeux humides avant d’ajouter avec ironie. Et visiblement, c’est ce que Mia a choisi de faire.

June ouvrit la bouche mais Neva tournait déjà les talons pour quitter la pièce, ouvrant la grille à la volée. La vue brouillée par les larmes, son pied manqua la première marche de l’escalier et elle perdit aussitôt l'équilibre avant de dégringoler tout en roulant sur elle-même. Elle entendit son nom retentir dans les airs quelque part derrière elle avant que sa tête ne vienne heurter la rambarde, puis plus rien.

💕

L’agréable chaleur qui l’enveloppait lorsque Neva reprit connaissance lui donna presque envie de ronronner. Un léger mal de tête lui tamponnait le crâne, son corps tout entier lui semblait courbaturé mais elle était entourée d’une chaleur tellement agréable que ses symptômes ne ressemblaient à rien de plus qu’une simple gêne.

Allongée à côté d’elle, la tête sur son épaule, Mia semblait hypnotisée par la source de lumière émise par la lampe halogène. Elle se redressa cependant aussitôt lorsque Neva l’embrassa sur le dessus de la tête et afficha un air rassuré.

– Ça va ? demanda-t-elle comme si elle avait désespérément besoin d’une confirmation de ce qu’elle voyait.

Neva hocha silencieusement la tête et Mia relâcha un soupir de soulagement avant de croiser les bras sur sa poitrine, mécontente.

– Tu m’as donné la peur de ma vie.

Neva ne put retenir un rire face à son air renfrogné avant de grimacer face à la douleur aigüe qui s’élança dans sa tête.

– Je suis désolée, s’excusa-t-elle, une fois calmée. Je suis restée inconsciente longtemps ?

– Une demi-heure environ. Sara dit que tu n’as pas de commotion, juste une vilaine bosse.

Neva n’eut pas besoin de toucher le côté de sa tête pour s’en apercevoir ; elle avait assez mal comme ça.

– C’est tout ?

– Hmm, rien de cassé, mais tu auras sûrement quelques bleus un peu partout... Jess a dit qu’elle en avait marre de soigner des gens qui se blessaient bêtement, que ça leur servirait de leçon ou un truc comme ça. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Neva expira tout en levant les yeux vers le plafond.

– J’ai loupé une marche.

– ...et qu’est-ce qui s’est passé pour que tu loupes cette marche ?

La discussion qu’elle avait eue avec June lui revint rapidement en mémoire et Neva sentit son cœur se serrer, les émotions étant encore trop intenses.

Elle réalisa que le silence s’était éternisé quand Mia murmura :

– June m’a dit ce qui s’était passé.

Elle ajouta lorsque Neva l’observa avec incrédulité :

– Elle a pas vraiment eu le choix, t’étais... t’aurais pu... j’étais vraiment hors de moi.

– Je suis désolée, répéta Neva en prenant l’une de ses mains dans la sienne, avant d’hésiter. Mais Mia, quand tu dis qu’elle t’a expliqué...

Mia l’observa sans sourciller.

– Elle m’a tout raconté.

– Oh.

Neva laissa retomber sa tête contre l’oreiller avant de lâcher, rongée par la douleur, par la honte, le regard à nouveau fixé sur le plafond :

– J’étais jalouse. 

– Maman...

– Elle t’a mise au monde, Mia, interrompit Neva en la regardant droit dans les yeux, sa vulnérabilité mise à nu. Elle est ta mère biologique, et je suis vraiment, vraiment heureuse pour toi, pour vous deux, que vous vous soyez retrouvées. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser, au fond, que je ne suis, que je n’aie été, qu’une mère de substitution pour toi. Vous partagez quelque chose d’immuable, d’indestructible et j’ai peur qu’à force, je ne représente plus rien pour toi.

Mia s’essuya le visage d’un revers de manche, les paroles de Neva l’ayant visiblement secouée. Elle prit finalement une inspiration tremblante tout en posant la main de Neva sur son cœur. Elle répondit, la voix enrouée :

– J’ai assez de place, ici, pour vous aimer toutes les deux, mère biologique ou non. Certains ont un père et une mère, d’autres ont juste l’un ou l’autre, d’autres encore n’ont personne... moi j’ai deux mamans, et je ne changerai ça pour rien au monde. O.K. ?

Neva hocha la tête, les larmes aux yeux et lorsque Mia s’allongea sur elle et lui murmura combien elle l’aimait encore et encore au creux de l’oreille, elle la serra fort contre elle et pleura jusqu’à s’endormir, épuisée. 

💕

La lumière du jour filtrant depuis le couloir fit comprendre à Neva qu’il était désormais le matin lorsqu’elle se réveilla à nouveau. Ses yeux étaient légèrement gonflés et son nez probablement rouge mais elle se sentait sereine, apaisée, comme si un poids avait été retiré de ses épaules. A ses côtés, Mia dormait paisiblement et elle lui caressa doucement les cheveux avant de lever les yeux quand June apparut dans la pièce.

Cette dernière enfonça les mains dans ses poches avant de demander, visiblement mal à l’aise :

– Ça va mieux ?

Neva se passa une main sur le visage tout en s’étirant.

– Si on oublie le fait que j’ai déballé la totalité de mon linge sale à ma fille de treize ans, ouais, souffla-t-elle avant de grimacer. Désolée... ta fille.

– Et pourquoi pas « notre » ? répondit June, un sourcil haussé. C’est bien ce qu’elle est, non ?

Neva baissa les yeux vers Mia avant de hocher faiblement la tête.

– Neva, reprit June en s’agenouillant à ses côtés. Je l’ai peut-être mise au monde, mais c’est toi qui l’as élevé. Alors s’il y a bien quelqu’un qui a des droits sur elle dans cette pièce, c’est certainement pas moi.

– June...

– Tu sais que c’est vrai, je l’ai abandonné.

– Pour la protéger, renchérit aussitôt Neva tout en lui jetant un regard appuyé. Pour lui permettre d’avoir une vie normale. Et je sais que ce sacrifice t’a marqué, si ce n’est plus.

June détourna les yeux, les souvenirs l’envahissant à nouveau malgré elle.

 

Tawny coupa le moteur avant de lever les yeux vers l’immeuble à trois étages.

– Si ce que ces personnes nous ont dit est juste, celle que tu cherches devrait être ici.

June baissa les yeux vers le bébé qui dormait paisiblement contre elle avant de regarder à travers la vitre à son tour.

– Il semblerait, remarqua-t-elle tout en calant la sangle de son sac sur son épaule. Hésitez pas à bouger si les choses s’animent, je vous retrouvai. 

– T’es sûre que tu ne veux pas qu’on vienne avec toi ? demanda Tegan, un air inquiet sur le visage.

June secoua négativement la tête avant d’afficher un faible sourire.

– Je croyais qu’on ne devait pas s’y attacher ?

– Faites ce que je dis, pas ce que je fais, marmonna Tegan en tendant une main afin de caresser la joue du bébé. Au revoir Mia, tu vas nous manquer, souffla-t-elle, la gorge serrée, avant de lever les yeux vers June. Reviens vite, d’accord ? On ira dans les bois si ça commence à bouger.

June hocha la tête avant de sortir du véhicule. Elle ignora les quelques personnes qui la dévisageaient et prit la direction de l’immeuble, montant les escaliers deux par deux jusqu’au troisième étage.

Arrivée en haut, elle hésita un instant avant de frapper puis d’entrer. A l’intérieur, tout était calme. Un léger feu de cheminée avait été allumé dans l'espoir de dissiper l’humidité ambiante de ce début d'octobre, et une douce odeur de potage flottait dans l’air.

June sentit sa gorge se serrer lorsqu’elle reconnut Mama dans la cuisine, mais l’émotion laissa rapidement place à l’inquiétude quand son regard tomba sur les bandages ensanglantés que la vieille femme nettoyait dans de l’eau bouillante.

– Mama ? appela-t-elle, replaçant le bébé contre son épaule.

Mama leva les yeux et elle porta aussitôt une main à ses lèvres lorsqu’elle la reconnut. Ses yeux s’humidifièrent et à la seconde même où ses épaules se mirent à trembler, June s’approcha afin de la prendre dans ses bras. Elle l’embrassa sur le dessus de la tête tout en la berçant légèrement.

– J’espère que ça veut dire que tu es contente de me voir ? plaisanta-t-elle faiblement.

Mama hocha aussitôt la tête, resserrant sa prise autour d’elle.

– Jack... Jack les a vus t’emmener, on a cru ne jamais te revoir.

J’ai cru ne jamais revenir non plus.

– Mama... est-ce que l’un des garçons...

Mama l’observa, confuse avant de baisser les yeux vers la table lorsque June désigna du menton la bassine et les nombreux bandages.

– Oh non, les garçons vont bien, répondit-elle avant de désigner la chambre. Elle, par contre...

June tourna la tête pour voir le corps d’une adolescente allongée sur le lit. Ses cheveux blonds étaient humides et en désordre, ses yeux cernés et sa peau claire semblait parsemée d’égratignures. Elle paraissait terriblement maigre.

– Les garçons l’ont trouvée inconsciente à quelques rues d’ici, continua Mama. D’après eux, elle aurait marché jusqu’à épuisement.

– Elle a l’air jeune, remarqua June, incapable de détourner le regard.

– Elle m’a dit qu’elle avait seize ans, répondit Mama avant de soupirer. Elle passe son temps à naviguer entre le conscient et l’inconscient. Sa température est plus basse que la normale, je ne sais pas si elle s’en sortira.

June exerça une légère pression sur sa main.

– Je suis sûre que ça va aller.

Mama lui sourit tristement avant de baisser les yeux vers le bébé. Elle lui caressa légèrement la joue.

– Elle a tes yeux, remarqua-t-elle lorsque Mia battit des paupières avant de se rendormir aussitôt dans un soupir satisfait. Comment s’appelle-t-elle ?

– Mia.

Mama sourit faiblement.

– Pour « mai », j’imagine ? Ta mère serait touchée.

June acquiesça, fouillant dans la poche arrière de son jean afin d’en sortir un paquet de feuilles pliées ensemble. Elle les remit à Mama la main tremblante.

– Je sais que tu dois te poser beaucoup de questions, commença-t-elle, la gorge serrée. Mais tu trouveras tout ici. Je compte sur toi pour enjoliver l’histoire quand elle demandera, plaisanta-t-elle, les yeux humides.

Mama l’observa, confuse, avant que la prise de conscience ne se fraye difficilement un chemin dans son esprit. Elle prit un air attristé.

– June...

– Tu es la seule famille qu’il me reste, expliqua June, suppliante. Je sais qu’avec toi et les garçons, elle sera en sécurité. S’il te plaît, Mama ? 

Mama se mordit l’intérieur de la joue, les yeux humides, avant de hocher la tête et elle ouvrit les bras lorsque June lui tendit le bébé.

– Tu trouveras tout ce dont tu auras besoin dans le sac, renifla June en le déposant à ses pieds. C’est pas grand-chose, mais tu devrais pouvoir t’en sortir sans trop de difficultés. Elle fait ses nuits et, hum, elle est loin d’être difficile sur la nourriture, plaisanta-t-elle tristement.

Elle tendit une main afin de caresser le dos de Mia avant d’enfoncer une main dans l’une de ses poches. Elle en sortit une pierre de couleur grise.

– Je t’ai aussi apporté ça, dit-elle en la lui tendant. Elle en aura besoin une fois entrée dans l’adolescence. Je suis sûre que les garçons parviendront à lui en faire un collier.

Mama lui offrit un regard confus et elle s’expliqua :

– Elle est... différente, je ne sais pas encore comment, mais cette pierre lui permettra de passer inaperçue.

Mama hocha la tête et June se passa les mains sur le visage avant de les laisser retomber à ses côtés, luttant pour ne pas les tendre vers Mia.

– Je vais devoir y aller. Prends bien soin d’elle, d’accord ?

Mama hocha la tête avant d’attraper June par le bras lorsqu’elle se dirigea vers la porte.

– June, attends. Tu dois vraiment repartir maintenant ? Tu viens à peine d’arriver, les garçons vont bientôt revenir...

– Je suis attendue, coupa June en serrant sa main dans la sienne. Si jamais... je ne revenais pas, sache que tu as toujours été comme une seconde mère pour moi.

Mama sourit, les yeux humides.

– Je t’aime aussi, June.

June hocha la tête, les larmes durement retenues jusque-là dévalant son visage, puis disparut derrière la porte.

 

June secoua la tête afin de reprendre pied avec le présent.

– Peut-être, mais c’est pas pour ça que je suis venue. Je tenais à m’excuser d’avoir emmené Mia se faire tatouer sans te demander ton avis avant. Sur le moment, je n’ai pensé qu’à apaiser sa détresse –

– Et c’est exactement pour ça que je ne t’en veux pas, sourit faiblement Neva après l’avoir coupée d’une main sur les lèvres. Je t’en ai voulu, je ne vais pas mentir, et je t’en voudrais encore si tu t’avisais de recommencer, mais ça partait d’un bon sentiment... en ce qui me concerne, c’est oublié.

June embrassa la paume de Neva tout en hochant la tête.

– Je vais devoir quitter la prison pendant quelques jours et... je me demandais si tu accepterais de venir avec moi ? demanda-t-elle. J’ai juste une petite course à faire pour Soann, ça nous permettrait de passer un peu de temps ensemble, loin de tout ça, dit-elle en désignant la prison. Qu’est-ce que tu en dis ?

Neva se redressa légèrement jusqu’à frôler ses lèvres des siennes.

– J’en dis... que c’est une excellente idée.

Et elle l’embrassa.

4 février 2015

Chapitre 9

Allongées sur le lit, confortablement enlacée, Mia se délectait des ronronnements sourds que Skye émettait, sa poitrine vibrant délicieusement contre son oreille. Le bruit avait quelque chose de rassurant, de réconfortant et lui donnait automatiquement envie de se blottir contre elle et de savourer sa chaleur. La main qui glissait dans ses cheveux ne faisait qu’intensifier son bien-être et elle soupira de contentement.

Pourtant, quelque chose la tracassait.

– Tu crois que Mathis ira bien ? demanda-t-elle, dessinant des arabesques de son doigt sur le ventre de son amoureuse.

Skye baissa les yeux vers elle.

– Tes pouvoirs aussi se sont manifestés subitement, et tu vas plutôt bien, non ?

– J’ai pas manqué de tuer quelqu’un, contra Mia en frissonnant. Même si j’aurais pu. Mon Dieu, t’imagines si tu avais été plus près ? Ou si je t’avais lancé, je sais pas moi, une boule de feu ? paniqua-t-elle.

Skye resserra son étreinte autour d’elle.

– Shhh Mia, t’as rien fait de tout ça, murmura-t-elle contre son oreille, avant de prendre un air suffisant, un sourire évident dans la voix. Et puis, t’aurais pas pu, je suis beaucoup trop rapide.

Mia la tapa gentiment sur le ventre tout en roulant des yeux, même si Skye avait probablement raison ; elle avait les réflexes d’un chat.

– Quand même, c’est flippant. Ils vont devoir lui trouver un collier, et lui faire prendre des cours.

– June va devoir s’occuper de lui, c’est sûr, acquiesça Skye. Mais la seule qui pourra vraiment l’aider c’est Soann, ils ont le même pouvoir après tout.

Mia exprima son accord par un « hmm ». Elle, qui s’était longtemps demandé quel pouvoir Soann avait et pourquoi, ne se séparait jamais de ses gants en cuir, elle avait enfin sa réponse.

– Mathis va devoir protéger ses mains lui aussi ?

– Sûrement, répondit Skye en haussant les épaules. Soann le fait parce qu’elle génère constamment de l’électricité statique qui varie en intensité en fonction de ses émotions. Elle ne tuera jamais quelqu’un par accident, mais elle peut vraiment blesser sans le vouloir, comme lorsqu’elle se bat par exemple. Le risque est présent à chaque fois qu’elle doit puiser dans ses émotions ou que ces dernières la dépassent. En portant des gants, elle n’a pas besoin de passer son temps à essayer de se contrôler. C’est sa zéolithe à elle, si tu veux.

Mia se blottit plus confortablement, enfouissant son visage dans le cou de Skye.

– Ça me rassure pour Mathis, murmura-t-elle, son souffle chaud caressant la peau douce et chaude à proximité. Il a déjà assez souffert comme ça.

Elle sentit Skye frissonner et elle ferma les yeux de contentement lorsque cette dernière l’embrassa sur le front. De par son jeune âge et malgré les réticences de Skye, leur amitié profonde avait cédé la place à une relation platonique parsemée de quelques baisers ici et là, mais surtout à de nombreuses étreintes tendres et affectueuses. Une atmosphère propice au calme et à la sérénité qui la poussa une fois de plus à sombrer malgré elle dans un sommeil profond.

💕

Mia eut l’impression d’avoir à peine dormi lorsqu’une forte odeur de brûlé la poussa à ouvrir les yeux, et elle observa la chambre d’un air hébété. Une fumée épaisse l’entourait, l’empêchant de voir et de respirer. Mais lorsqu’elle se redressa avec difficulté, elle réalisa avec horreur que les couvertures autour d’elle étaient en feu, et que ce dernier se propageait rapidement. Paniquée, elle tâtonna autour d’elle à la recherche de Skye, mais ne rencontra rien de plus que des draps brûlés et des murs couverts de suie. Puis, au cœur même de ce kaléidoscope de couleurs allant du jaune orangé au rouge sang, une forme se détacha du sol, la main tendue vers la sortie comme une dernière supplication. Terrifiée, Mia se précipita aussitôt vers elle, ses genoux heurtant violemment le béton brûlant. Mais alors qu’elle la rejoignait, la vision qui s’offrit à elle la poussa aussitôt à hurler d’agonie.

Skye était recroquevillée sur elle-même, roulée en boule comme un papier dévoré par les flammes, la chair calcinée, noircie jusqu’à l’os.

💕

Mia se réveilla en sueur, le cœur battant. A côté d’elle, Skye avait trouvé refuge contre le mur malgré l’étroitesse du lit, comme si, inconsciemment, elle avait senti que quelque chose n’allait pas et qu’elle devait se mettre à couvert. Portant une main à son cou, Mia sentit que son collier était toujours là, mais sa température corporelle semblant plus élevée qu’à l’habitude, elle bondit hors du lit dans un élan de panique.

Dans le couloir, les lumières étaient encore allumées, et elle réalisa qu’elle et Skye avaient malencontreusement fini par s’endormir.

Elle approchait tout juste la cellule de June quand une voix résonna derrière elle :

– Si tu avais dans l’idée d’aller farfouiller, tu vas être déçue, y a vraiment rien d’intéressant là-dedans.

Mia fit volte-face et June perdit aussitôt son air taquin lorsqu’elle aperçut l’air paniqué qui habitait le visage de l’adolescente. Elle monta les dernières marches en vitesse et posa ses mains sur les épaules de Mia.

– Hé, qu’est-ce qu’il y a ? Il s’est passé quelque chose ?

Mia secoua la tête, incapable de retenir les larmes quand elles montèrent.

– Skye..., renifla-t-elle, empoignant le t-shirt de June lorsque cette dernière s’apprêtait à aller la voir. J’ai fait un cauchemar et... et j’ai cru que...

Elle hoqueta avant de lever les yeux vers June.

– Il y avait du feu partout, j’ai cru que je l’avais...

June comprit où elle voulait en venir et la serra aussitôt contre elle, caressant ses cheveux en un geste apaisant.

– Shhh, interrompit-elle en l’embrassant sur la tête. Ça va, c’est fini maintenant.

Mia secoua aussitôt la tête en s’écartant.

– Non, ça pourrait arriver, insista-t-elle, agitée. C’est juste un collier, je pourrais très bien l’arracher pendant mon sommeil ou... ou...

– Mia, commença June, avant de s’interrompre, les sourcils froncés. Attends, depuis quand est-ce que toi et Skye vous dormez ensemble ? Ta mère le sait ?

Mia se sentit aussitôt rougir.

– Non..., marmonna-t-elle, embarrassée. C’est arrivé par accident, je me suis endormie... Enfin, maintenant, c’est sûr, ça risque pas de se reproduire.

June leva les yeux au ciel.

– Mia... c’est le début, c’est normal que tu ne sois pas encore à l’aise. Mais tu finiras par le maîtriser. 

– Pas pendant mon sommeil, répliqua aussitôt Mia. Il suffit d’un cauchemar pour...

Son corps fut de nouveau parcouru d’un frisson et June se mordit l’intérieur de la joue, pensive. Mia n’avait pas tort, même si les chances pour qu’elle perde son collier pendant son sommeil restaient minimes. Mais maintenant qu’elle savait ce qui pouvait arriver, rien ne pourrait lui enlever cette crainte de la tête. Rien, excepté... 

– Viens, répondit June en tendant une main vers elle. J’ai peut-être une idée.

Mia obtempéra et elles regagnèrent le rez-de-chaussée avant de s’engager dans un dédale de couloirs faiblement éclairé et quasiment désert. June s’arrêta finalement devant une porte close sur laquelle elle frappa légèrement puis attendit.

Une jeune femme brune leur ouvrit, un sourcil haussé, et Mia ne put détacher son regard des anneaux qu’elle portait au niveau du nez et de la lèvre inférieure.

June posa les mains sur les épaules de l’adolescente avant de répondre :

– J’ai besoin de tes services.

La jeune femme observa Mia de la tête aux pieds avant de hocher la tête et de les inviter à entrer, et Mia découvrit une pièce semblable à celle de l’infirmerie. Celle-ci ne comportait cependant qu’un lit comme on en trouvait chez les médecins, ainsi qu’une petite table sur laquelle Jess et Sara étaient visiblement en train de jouer aux cartes.

– Une idée pour le dessin ? demanda l’inconnue en préparant son matériel.

Mia cligna des yeux avant de se tourner vers June, confuse.

– Tu voulais pouvoir contrôler tes pouvoirs même pendant ton sommeil, répondit June en désignant la pièce. C’est la seule solution que je peux te proposer ; Kayla est tatoueuse, et elle seule sait comment utiliser la zéolithe pour nous permettre d’être maître de nos pouvoirs à tout moment.   

Mia reporta son attention sur la jeune femme. Vêtue d’un débardeur noir, elle réalisa que ses bras couverts de tatouages auraient en effet dû la mettre sur la voie.

Un amas de dessins trainant sur la table longeant le mur attira son attention et elle en prit quelques-uns en main, étudiant avec fascination les traits fins, parfois dynamiques, d’autres fois sinistres. Un croquis en particulier attira son regard et elle l’observa un instant avant de le tendre à Kayla.

– Tu pourrais me le faire en trois exemplaires, mais dans des positions différentes ?

Kayla étudia le dessin les sourcils froncés, puis s’empara d’un morceau de charbon de bois et passa les quelques minutes suivantes à griffonner. Elle le montra à Mia une fois terminé et l’adolescente acquiesça aussitôt, le sourire aux lèvres.

– Un endroit préféré ? demanda Kayla.

– La nuque, intervint June avant d’expliquer lorsque Mia leva les yeux vers elle. Le cerveau et la moelle épinière sont les centres nerveux responsables de tout notre corps, la zéolithe sera au maximum de son efficacité à cet endroit-là.

Mia prit place sur la table d’examen, s’allongeant sur le ventre. Elle sentit quelqu’un lui soulever les cheveux, puis désinfecter l’endroit.

– Prête ? demanda Kayla. Ça risque d’être un peu douloureux.

Mia sentit June glisser une main dans la sienne et elle prit une inspiration profonde avant de hocher la tête.

Ses yeux s’humidifièrent aussitôt lorsque la pointe de la machine entra en contact avec sa peau.

4 février 2015

Chapitre 8

La fête de la veille ayant poussé la plupart à faire la grasse matinée, Tegan s’assura quand même une dernière fois que le couloir était désert avant de se glisser dans l’infirmerie. Cette dernière ressemblait d’ailleurs plutôt à un laboratoire, puisqu’avec deux Arcans possédant le pouvoir de guérison, leur intérêt premier se portait surtout sur la phytothérapie, une médecine alternative qui englobait à la fois des remèdes, des thérapies et des produits naturels favorisant le bien-être général. Ainsi, Sara, grande brune à la peau tannée et aux formes féminines typiquement latines, et Jess, beauté à la peau claire, au regard bleu azur envoutant et au sourire terriblement ravageur, passaient leur temps à concocter des vitamines, des compléments nutritionnels, des plantes à vertu thérapeutique, et autres remèdes naturels à base de plantes.

La porte à peine refermée derrière elle, elle se retrouva aussitôt face à deux regards surpris.

– Jess, pince-moi, je crois que je suis en train de rêver, déclara Sara, ses grands yeux noisette fixés sur Tegan.

Cette dernière roula des yeux.

– Haha, très drôle, dit-elle en se trainant jusqu’à la table d’examen.

– Qu’est-ce qui t’arrive ? demanda Jess les bras croisés sur sa poitrine, retenant difficilement un rire.

Tegan était connue pour ne jamais tomber malade, ou refuser le moindre traitement quand c’était le cas. Alors la voir entrer dans leur repaire, et ce de son plein gré, avait quelque chose de surnaturel.

– Je peux voir tes fossettes d’ici, prévint Tegan en plissant des yeux avant de laisser retomber sa tête contre la table d’examen. J’ai besoin de quelque chose contre l’envie de vomir, gémit-elle.

– Encore ? s’étonna Jess en réunissant ses longs cheveux blonds en un chignon lâche. Ça commence à faire un petit moment maintenant, non ?

– Une semaine, peut-être plus.

Jess émit un « tcht » désapprobateur tout en surveillant l’aiguille du tensiomètre qu’elle avait enroulé autour du bras de Tegan et cette dernière en profita pour fusiller Sara du regard lorsqu’elle ricana, trouvant la situation visiblement amusante.

– Ta tension est légèrement élevée, mais rien d’alarmant. Comment ça se passe au niveau du ventre ? Barbouillements, aigreurs d'estomac, crampes abdominales... ? demanda Jess en palpant la partie en question.

– Hmm. J’ai du mal à manger aussi. La faim est là, mais j’ai l’impression que tout me dégoûte, grimaça Tegan.

– Ça va souvent de pair avec la nausée, fit remarquer Jess en levant les yeux vers son visage. Tes cernes sont plutôt marqués, comment ça se passe côté sommeil ?

Tegan haussa les épaules.

– Ça va, je dors même plus que d’habitude.

– Seins douloureux ?

Tegan fronça les sourcils de confusion mais toucha néanmoins la partie en question.

– Un peu.

Jess hocha la tête et une lumière blanche jaillit de ses mains avant qu’elle ne les pose sur ses hanches.

– Bon, dernière question, est-ce que tu peux me dire à quand remonte la dernière fois que tu as eu tes règles ?

Tegan l’observa et son visage devint livide, puis, frôlant l’hystérie, elle secoua la tête dans un rire.

– Je t’en prie Jess... ne me dis pas ce que je pense que tu es en train de me dire.

– J’aimerais... mais les symptômes sont là et semblent concorder. Je dirais même que tu en es à un peu plus de deux mois de grossesse.

Tegan laissa sa tête retomber contre le dossier.

– Génial, soupira-t-elle, visiblement loin d’être réjouie. 

Jess serra sa main avant de commencer à ranger son matériel.

– Tu sais qui est le père ?

Tegan réfléchit un instant avant de hocher la tête.

– Mais si les choses se passent comme prévu, il n’aura pas besoin d’être mis au courant, répondit-elle d’une voix dénuée d’émotion.

Jess se contenta d’acquiescer silencieusement ; elle connaissait le passé médical de Tegan.

💕

Leur petit groupe était réuni autour d’une table lorsque Tegan arriva à la cafétéria et un sourire étira ses lèvres quand Tawny s’écarta et tapota la place qu’il avait réservée à côté de lui. Un plateau rempli de nourriture l’attendait et elle prit une gorgée de jus d’oranges fraîchement pressées avant de manger une cuillerée de muesli.

Dieu merci Tawny lui avait épargné les œufs, l’odeur seule suffisait à l’écœurer. 

Elle s’apprêtait à prendre une deuxième cuillerée quand elle prit conscience du silence qui l'entourait et elle leva les yeux pour voir tous les regards fixés sur elle.

Elle soupira.

– Non, je n’ai pas envie de vomir. Vous pouvez manger l’esprit tranquille.

La plupart des personnes présentes détournèrent les yeux d’embarras excepté June qui sourit ouvertement. Tegan lui tira aussitôt la langue avant de tourner la tête vers Tawny lorsqu’il lui donna un léger coup de coude.

– T’étais où ? Je t’ai cherchée partout.

Tegan reporta son attention sur son assiette. Elle et Tawny couraient toujours ensemble le matin.

Elle haussa les épaules.

– Je me sentais pas d’humeur, tu sais... encore un peu barbouillée, tout ça.

Elle se félicita de sa réponse qui n’était pas tout à fait fausse ; elle détestait mentir à Tawny.

– Traduction : elle a peut-être un peu trop picolé hier soir, taquina June.

Tegan lui répondit par une grimace. Elle n’avait pas bu, non pas qu’elle n’en avait pas eu envie, mais par crainte d’empirer ses nausées matinales qu’elle jugeait déjà suffisamment insupportables comme ça. Et maintenant qu’elle connaissait la cause de leur origine, elle fut d’autant plus convaincue d’avoir pris la bonne décision.

– Tu devrais aller voir Jess, elle est là pour ça tu sais, insista gentiment Tawny, et Tegan sut au simple fait qu’il ne touchait pas à son assiette qu’il était inquiet.

Oh Jess a peut-être le pouvoir de soigner, mais elle ne pourra rien pour moi, pensa Tegan, retenant un soupir.

– J’y suis allée, répondit-elle, et Tawny fut visiblement agréablement surpris. C’est juste un mauvais virus, Jess m’a dit que ça devrait vite passer.

Une fois encore, ce n’était pas vraiment un mensonge. Jess lui avait dit que les nausées matinales dépassaient rarement les trois premiers mois de grossesse.

– C’est juste un virus Tawny, coupa Tegan lorsqu’elle le vit ouvrir la bouche. J’ai pas besoin de Jess pour ça, je peux très bien vivre avec. Et puis si tu veux embêter quelqu’un, regarde en face de toi, t’as deux cibles parfaites qui ne se sont pas gênées pour profiter du fait qu’on était tous à la fête hier soir pour s’amuser un peu... si tu vois ce que je veux dire. 

Elle ne sut dire ce qui la fit rire le plus, June et son air suffisant ou bien le visage de Neva qui tourna aussitôt au rouge vif ?

💕

Je vais la tuer. Je vais la tuer. Je vais la tuer.

Neva se répéta ce refrain comme un mantra, même si elle ignorait encore qui entre Tegan et June elle allait étriper.

Les deux, sûrement.

Elle fut cependant reconnaissante du fait que Mia et Skye étaient visiblement trop absorbées par leur conversation pour avoir entendu, et que Mathis était sûrement encore trop jeune pour avoir pu comprendre le sous-entendu.

Le visage de Tawny prit cependant un air rêveur, la mâchoire légèrement pendante, et elle devina aussitôt qu’il trouvait l’idée de les savoir ensemble plutôt agréable.

Tegan passa un bras autour de son cou, un air taquin sur le visage.

– Oh tu peux fantasmer frérot, mais ça m’étonnerait que tu puisses participer, elles n’ont pas l’air d’être du genre à bien vouloir partager...

Neva plissa les yeux, désormais bien décidée à trucider Tegan avant de lever les mains au ciel lorsqu’elle remarqua le regard plein d’espoir que lui lançait Tawny.

– Non mais vous ne pensez vraiment qu’à ça ! s’exaspéra-t-elle un peu trop fort.

Elle se sentit rougir face aux airs interrogateurs qu’on lui lança tout autour d’elle avant de fusiller June du regard lorsqu’elle lui murmura d’un ton amusé :

– Que veux-tu, c’est pas comme si on avait encore accès à la télé pour se divertir...

Deux garçons passant pour la troisième fois devant leur table tout en ricanant l’empêchèrent cependant de répondre et elle fronça les sourcils avant de sentir son sang se glacer lorsque l'un d'eux regarda Mathis et chantonna « Je m'appelle Remi et je suis sans famille ! ». Son instinct premier fut de le réprimander mais un nuage d'électricité apparaissant soudainement autour de Mathis la devança, et elle vit avec horreur une puissante décharge frapper le garçon en pleine poitrine, l'envoyant voler sur plusieurs mètres avant de s'effondrer sur le sol, inerte.

Sous le choc, le silence régna un instant avant de laisser place au chaos le plus total.

– Que quelqu'un aille me chercher Soann ! hurla June tout en établissant un périmètre de sécurité autour de Mathis.

Elle eut à peine terminé sa phrase que Tegan avait déjà filée comme une flèche, Tawny la suivant de près afin d'évacuer la cafétéria. A l'autre bout de la pièce, Neva vit Sara et Jess s'accroupir près du corps inerte et elle sentit sa respiration se couper lorsqu'elles entamèrent aussitôt un massage cardiaque.

Assis sur le banc, Mathis se balançait d'avant en arrière, les bras resserrés autour de sa taille et Neva se maudit de ne pas pouvoir l'approcher. Les minutes paraissaient des heures, et elle lâcha un soupir de soulagement lorsque Soann apparut enfin. En un simple coup d'œil, elle évalua la situation et courut aussitôt s'agenouiller près du petit garçon toujours inconscient avant de retirer ses gants. Ses mains sur sa poitrine, telles des palettes de défibrillation, émirent un choc électrique qui le souleva du sol et le réanima aussitôt, une inspiration soudaine traversant ses lèvres. Elle vint ensuite s'agenouiller près de Mathis et posa une main réconfortante sur ses cuisses tout en murmurant calmement à son oreille, et après de longues minutes, Neva fut soulagée de le voir hocher la tête avant de la laisser le prendre dans ses bras.

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